-
|
Cliquez ci-dessus pour revenir à
la page d'accueil
|
|
Le Bas Moyen Âge
à Paris (seconde partie)
Universités, administrations publiques et mœurs
aux temps de Louis IX et de Philippe IV dit le Bel
Ci-contre : enluminure de Philippe II dit Auguste
|
|
|
|
|
En 1200, la police royale
réprimait violemment un incident entre les bourgeois et la communauté
universitaire. Philippe Auguste prenait le parti des maîtres et
des étudiants, il leurs donna pour privilège d'être jugés en cas de
fautes par les seules instances religieuses. Le roi légalisait ainsi la corporation de
l'Université parisienne. Et naissait
en 1214 le futur Louis IX, petit-fils de Philippe Auguste, l'année
suivante était ouverte à Toulouse une première communauté de l'ordre
mendiant des Dominicains de l'espagnol Dominique de Guzmán, trois
années plus tard, c'était la fondation du couvent des Jacobins des
Dominicains au sein de la rue Saint-Jacques dans la capitale.
Nous sommes face à l'essor et à une crise
profonde du monde universitaire, au XIIIe et au XIVe siècle, la
capitale en a été une belle illustration. Innocent
III par l'intermédiaire de son légat, le cardinal Robert de Courçon,
mettait un terme aux paiements des licences par les étudiants en
1215, et le laissait au seul jugement des maîtres d'université. Quatre
champs majeurs commencèrent à être transmis à Paris : la
théologie, le droit ecclésiastique, la médecine et les arts libéraux
qui devinrent les plus recherchés en Europe (1213). Au titre des arts dits libéraux, il était étudié sept disciplines, et
ces cours dominaient les
enseignements parisiens avec
: la grammaire - la dialectique - la rhétorique - la géométrie -
l'arithmétique - l'astronomie et la musique. |
|
En 1229 éclatait une bagarre étudiante
dans une taverne du faubourg St.-Marcel (ou St.-Marceau) pour le prix du vin. Le
lendemain une vengeance
estudiantine était organisée et provoquait une frayeur épouvantable
auprès des habitants, intervinrent alors les sergents-royaux, qui
réprimèrent fortement l'incident, dont 300 jeunes furent jetés à la
Seine selon un chroniqueur Anglais. Cet
événement fut suivi d'une longue grève de l'Université parisienne
pendant deux ans face à l'intransigeance de la régente, ces derniers
s'appuyaient sur la position du pape de 1215, les professeurs partirent
enseigner ailleurs en Europe. |
|
|
|
En 1231, le 13 avril, Grégoire IX
(ci-contre) donnait à l'Université un statut reconnu par le pouvoir
laïque (temporel ou politique) et l'Église : Parens Scientiarum
Universitas ("la mère des sciences") ou ce qui concernait les
privilèges et interdits des universitaires (lire le texte ci-dessous).
Ce fut aussi la création du baccalauréat - ou de la « déterminance »,
juste en dessous de la licence, de la maîtrise et du doctorat. Les
derniers échelons pouvaient représenter de longues années d'études.
L'évêque de Rome accorda ainsi le droit de grève (dit "cessatio") à
l’Université de Paris dans certaines situations. Pour
exemples : si un enseignant ou un élève était blessé, ou décédait, et
s'il
n'était pas rendu justice à la personne, ou bien en cas d’arrestation
abusive, etc. De même, il était donné droit à l'étude des textes
jusqu'alors proscrits. Jusqu'à la fin du Moyen Âge, l’Université
parisienne usa avec une certaine régularité de ce droit de "cessatio",
environ deux ou trois fois par décennie, ceci du XIIIe au XVe siècle.
|
|
|
Chartularium Universitatis Parisiensis (Charte
universitaire parisienne) : « Paris, mère des sciences brille, chère à
nos cœurs, comme une seconde Cariath Sapher, la cité des lettres (ville
de la Bible ou de la tribu de Juda) ; grande assurément, elle fait
attendre d’elle, généreusement, de plus grandes choses encore... C’est
là qu’est extrait de la terre le minerai de fer et que, tandis qu’est
affermie la fragilité terrestre, il devient le bouclier de la foi, le
glaive spirituel et tout le reste de l’armure de la milice chrétienne,
puissante en face des puissances aériennes (maléfique) ; et la pierre
fondue par la chaleur se transforme en airain parce que les cœurs de
pierre, tandis qu’ils brûlent enflammés par le feu du Saint-Esprit,
jettent des flammes et deviennent par la prédication les hérauts
retentissants de la louange du Christ. »
|
|
À partir de 1250, les universités
parisiennes devenaient incontournables en Europe. La
Faculté des Arts professait la science et la métaphysique selon
Aristote et les principes d'Averroès. Et la faculté de théologie
cherchait une nouvelle voie chrétienne et fondamentaliste. Ainsi, les
doctrines du moine et théologien Tomaso d'Aquino originaire du
royaume de Sicile incarnèrent un renouveau philosophique, dit
scolastique et spirituel
conséquent : «
Si nous résolvons les problèmes de la foi par seule voie d'autorité,
nous posséderons certes la vérité mais dans une tête vide ! » Il
fut un dominicain, de l'ordre mendiant des Frères prêcheurs, et il
menaça un tant soit peu le pouvoir universitaire dit "laïc" (le clergé
dit séculier ou sans prononciation des vœux et action sacerdotale) au
sein de la capitale. Thomas
d'Aquin (vers
1225-1274) a été une
des figures majeures du XIIIe siècle, qui prôna une pensée à la fois
rationnelle
et religieuse, il sépara entre autres le temporel de
l'intemporel,
s'interrogea sur l'usure, les sciences en général, il critiqua
Averroès sur sa séparation du spirituel et de la raison,
tout en s'en inspirant, et il a été un grand lecteur d'Aristote, etc. « C'est à Aristote
que je m'adresse ou à quelque autre expert en la matière. » Il
fit plusieurs séjours à Paris, le premier en 1245, juste un an après
son entrée ou ses vœux chez les Dominicains et à leur demande, l'objet
principal consista à échapper à sa famille. Il
suivit ainsi les cours du frère dominicain Albert le Grand (ou le
Souabe), nommé maître-régent à l'Université de Paris la même année,
qu'il suivit un temps à Cologne, puis retourna à Paris obtenir
son titre de bachelier et débuta l'enseignement de ses premiers cours.
Plus tard, il
devint à son tour maître en
1256, Thomas d'Aquin (au centre du tableau)
enseigna de 1252 à 1259 et de 1269 à 1272 dans la
capitale,
mais aussi à Cologne ou à Naples
et dans d'autres villes italiennes. Il décéda en se rendant à un
concile à Lyon convoqué par le pape Grégoire X, il fut l'auteur de
nombreux textes et il avait des
capacités intellectuelles plutôt hors de la norme. Selon un mythe
religieux
qui a perduré, il y aurait eu une rencontre avec Louis IX, ou entre les
deux saints. Ce qui est
très peu probable. |
|
Le triomphe de St. Thomas d'Aquin
de Gozzoli Benozzo (1475-Louvre)
|
La
dernière prière de Thomas d'Aquin avant de mourir, le 7 mars 1274, à
qui nous devons les sept pêchés capitaux (l'orgueil, la gourmandise, la
luxure, l'avarice, la jalousie, la colère et la paresse) toujours
enseignés dans le catéchisme catholique :
« Je vous reçois, ô salut de mon âme. C’est par amour de vous que j’ai
étudié, veillé des nuits entières et que je me suis épuisé ; c’est vous
que j’ai prêché et enseigné. Jamais je n’ai dit un mot contre Vous. Je
ne m’attache pas non plus obstinément à mon propre sens ; mais si
jamais je me suis mal exprimé sur ce sacrement, je me soumets au
jugement de la sainte Église romaine dans l’obéissance de laquelle je
meurs. Ainsi soit-il. »
De 1250 à 1255, ça grondait, mais les universitaires se virent obligés
par la papauté d'accepter à tous les ordres religieux le droit
d'enseigner. Le conflit a eu toutefois des suites et laissa des
traces dans la fondation des différents collèges qui allaient se créer
comme la Sorbonne. L'on
comptait environ une quarantaine de collèges dans la capitale,
tous se situaient en rive gauche et notamment au sein du quartier dit
Latin. Il s'agissait de fondations charitables,
à l'origine elles
étaient destinées à accueillir en leurs locaux des
étudiants pauvres. L'on a connu jusqu'à 17% d'étudiants boursiers, ces
écoles étaient des petites unités rassemblant en moyenne 6 à 12
pensionnaires. (en référence une vidéo ci-après sur les
collèges médiévaux à Paris jusqu'à l'Université moderne) |
|
|
|
|
|
Robert de Sorbon (1201-1274),
maître en théologie au cloître Notre-Dame, créait en 1253 le collège
qui porte son nom, afin de limiter le poids des franciscains et des
dominicains. Chapelain
de Saint-Louis, il s'activa sous ses ordres, et Louis IX en 1257
reconnaissait le nouveau collège. Il était composé de prêtres
séculiers, du latin "saeculari" « qui
vit dans le siècle, dans le monde » (à ne pas
confondre avec le clergé régulier : conforme à la règle des voeux
prononcés) et d'étudiants pauvres ; de même il était attribué une
bourse pour la préparation au sacerdoce.
En
1260, Robert de Sorbon créait la bibliothèque du Collège, elle
contenait un peu plus d'un millier d'ouvrages et fut une référence
comme
lieu de savoir.
Ci-contre :
Le grand portail de
la Sorbonne (édifié au XVIIe siècle)
|
|
|
|
|
En 1277, courant mars, le Saint siège
ainsi que l'évêque anglais Robert Kilwarby condamnaient (mais ne
l'interdisaient pas) l'oeuvre de Thomas d'Aquin. Le 7 mars de la même année, Etienne Tempier, l'évêque de Paris
faisait 219 propositions à l'encontre de sa doctrine. Aux yeux des
autorités ecclésiales sa pensée était trop clémente avec les
aristotéliciens (disciples de la philosophie d'Aristote) et
indirectement les avéroïstes promotteurs d'une philosophie séparée de
tout contenu religieux ou théologique, ce que tenta de faire Thomas
d'Aquin décédé trois ans plus tôt. Il
fut néanmoins canonisé en 1323 avec la montée en puissance des frères
dominicains, et il reçut le titre de Docteur de l'Eglise en 1567. En 1292, les étudiants licenciés à Paris
purent enseigner dans toute la chrétienté romaine, le diplôme
s'élargissait au-delà de la compétence diocésaine.
Au XIVe siècle les universités rencontraient des difficultés, en
particulier les débouchés pour les étudiants sans fortunes.
Cette crise a été la conséquence des abus de taxes opérés par les
pontifes avignonnais, qui accentuèrent la crise économique et sociale à
la fin du Moyen Âge. Et firent naître les racines du Protestantisme. |
|
Aux
Origines du Quartier Latin - Collèges et Universités
|
Une conférence enregistrée en janvier 2018 avec
Thierry Kouamé,
Maître de conférences en histoire médiévale à l’université Paris 1
Panthéon-Sorbonne |
|
Le fils de Philippe Auguste, Louis VIII
lui succéda de son vivant en 1223 et décéda en 1226. Il a été l'époux
de Blanche de Castille (petite fille d'Aliénor d'Aquitaine). Au cours de son règne il allait reprendre
aux Anglais le Poitou, le Limousin, le Périgord et une partie du
Bordelais. Il décéda lors d'une croisade décisive contre les dits
"Cathares". Suite à sa disparition Louis IX était sacré roi à 12 ans. |
|
|
|
|
|
1226 : sacre de Louis
IX, dit saint-Louis |
|
|
On
connait de ce roi, sous son chêne à Vincennes, où il rendait la
justice, le mythe ou la légende d'un saint homme qui contribua à faire
de
la Sainte Chapelle et de ses reliques christiques les emblèmes de sa
puissance divine et terrestre. Pour
anecdote, à Paris, l'on retrouve son nom
et sa légende, au lieu dit du buisson Saint-Louis, une petite rue
aujourd'hui bétonnée. Le roi aimait parait-il venir s'y détendre, l'on
présumait ainsi de sa campagne parisienne à quelques encablures de la
ville. Elle était champêtre comme l'entend le légendaire, ou plus
simplement la campagne n'était pas très lointaine des fortifications de
son grand-père. En ce qui concerne l'hôpital Saint-Louis, pour sa
fondation, il fut consacré aux maladies de peau. Mais il faut attendre
le
règne d'Henri IV pour y voir s'édifier un vaste ensemble hospitalier,
non loin du buisson... Louis VIII au lieu que soit nommé un conseil de
régence aurait sur son lit de mort déclaré sa femme, la reine Blanche,
comme la régente du royaume, celle-ci allait affronter rapidement une
montée de bouclier de la part des barons, et pour affirmer son pouvoir,
elle fit sacré au plus vite Louis le neuvième à Reims, malgré cela les
tensions persistèrent.
|
|
|
|
- Blanche
de Castille (ci-contre), allait assumer la régence jusqu'au
mariage de Louis IX avec Marguerite de Provence (à Sens en 1234),
maniant la diplomatie aussi bien que la force contre les vassaux
récalcitrants. En 1226, elle fit libérer Ferrand
de Flandre et de «
De
1228 à 1234, Blanche, après avoir triomphé des barons conjurés, les
isole et poursuit activement la guerre au cœur de leurs domaines. »
Epouse de Louis VIII, le fils héritier de Philippe II, qui décéda en
1226, elle était d'origine castillane par son père Alphonse VIII et la
petite-fille d'Aliénor d'Aquitaine et d'Henri II de Plantagenêt par sa
mère. Blanche a vécu 12 naissances, seuls cinq de ses enfants connurent
l'âge adulte dont le futur Louis IX. Elle a du faire face à un désacord
asez vif avec Philippe II au sujet de son époux, il lui est accordé
d'avoir eu un esprit dès plus ferme, au titre de ce que l'on désigne
comme une "femme de caractère", et d'avoir été très pieuse.
- « Pendant sa (seconde)
régence
(1248-1252), Blanche de Castille avait eu à réprimer un mouvement
populaire qui faillit dégénérer en guerre sociale. Un moine défroqué de
l'ordre de Cîteaux se mit à prêcher une croisade des pauvres gens, pour
aller au secours du saint roi (la 1ère Croisade des Pastoureaux). Il
s'attira une foule de partisans, et commença à leur parler de certaines
nouveautés, s'éleva contre le luxe des prélats, les vices de la cour de
Rome, l'orgueil des barons. Il fut bientôt à la tête de cent mille
hommes. Blanche s'effraya, les fit attaquer et poursuivre comme des
bêtes fauves (1251). » Source : MM. Hubault et Marguerin, Histoire
de France
|
|
|
Ce fut à partir
d'avril 1233 que fut instituée l'Inquisition (du latin inquisitio
et avec pour étymologie : la recherche ou l'enquête). Cette
juridiction
a été chargée de juger les hérétiques suite à la bulle du pape Grégoire
IX, et fut lancée en juin suivant la chasse aux sorciers. L'hérésie ne
concernait pas les autres religions comme le judaïsme ou l'islam, il
s'agissait de condamner les déviances au sein de la religion chrétienne
et n'a concerné que des chrétiens. L'hérétique était celle ou celui qui
pensait différemment. L'enquête qui était menée avait pour but de
prouver la faute. La lutte contre l'hérésie n'avait rien de nouveau,
elle avait commencé sous l'empereur Constantin dès le IVe siècle. Le
tribunal de l'inquisition a été dirigé par les frères précheurs, les
dits Dominicains et ils se trouvaient dans le midi de la France et sous
le
contrôle de la papauté, et le tribunal fut particulièrement actif aux
XIIIe et XIVe
siècles. Louis IX de son côté allait soutenir les chasseurs de sorciers
ou sorcières et imposer aux Juifs le port d'une rouelle jaune.
|
|
Sous Louis IX fut construite entre 1245 et 1248 la Sainte Chapelle
au sein du Palais de la Cité avec ses 1.113 vitraux et sa flèche à 75
mètres de hauteur, reconstituée au XIXe siècle. Elle se situe aujourd'hui au
sein du Palais de justice de Paris.
La chapelle a été édifiée pour accueillir la couronne d'épines du
Christ et un bout de la vraie croix (qui auraient été ramenés par
Ste-Hélène, mère de l'empereur Constantin au IVe siècle). Ces objets
sacrés avaient été achetés pour une somme importante à l'empereur
byzantin Baudoin II, en 1238, qui avait quelques soucis financiers.
Deux
tiers des verrières encore existantes sont d'origine. Dans ses
vocations pieuses le dit saint Louis aurait soigné des
lésions cutanées (« les écrouelles »). On connaît sa charité, ses soutiens aux
pauvres et aux malades, entre autres pour les lépreux. Il a été le
fondateur des hospices, en particulier celui des Quinze-Vingt à Paris (15X20)
pour accueillir 300 aveugles.
«
Aussi le benoît roi fit acheter une pièce de terre dans Saint-Honoré,
où il fit faire une grande maison parce que les pauvres aveugles
demeurassent là perpetuellement jusques à trois cents ; et ont tous les
ans de la bourse du roi, pour potages et autres choses, rentes. En
laquelle maison est une église qu'il fit faire en l'honneur de saint
Remi, pour que les dits aveugles aients à cet endroit le service de
Dieu. »
Source : Vie de Saint Louis (1303) - mis en
français moderne, de Guillaume de Saint-Pathus,
confesseur de la reine Marguerite, A. Picard et fils, Paris, 1899, p.
87.
|
|
En 1254 à Paris, il créait un Parlement
avec une cour de justice et un conseil politique. Il mettait fin « au jugement de Dieu »
par des enquêtes et des auditions. Le roi créa de même un corps issu
des universités parisiennes, ces hommes allaient suivre l'application
des mesures sur tout le territoire. Il organisa les métiers, selon des
codes propres à chaque profession. Ce fut un monarque qui tint très à cœur les questions de
législation. Le roi parapha
aussi des ordonnances interdisant : la prostitution, les combats entre
les nobles, le jeu, etc.. De même, il favorisa sa monnaie et
restreignit celles des seigneurs au seul domaine et engagea la
naissance d'une unité monétaire à l'ensemble du royaume.
|
|
|
|
|
|
|
Saint-Louis a connu une difficile séparation sur la
route de Saint-Denis avec la reine-mère Blanche de Castille ; elle mourrut en
1252 à Melun.
- Quand
Louis IX partit en croisade, la septième en 1248, la cour fit ses
adieux au roi (il était
fait prisonnier en 1250).
- Nous
vous livrons un extrait du récit, ci-dessous :
|
« La reine (Marguerite de Provence), et les frères et
leurs femmes, déchaussés et nus pieds, et toutes les congrégations et
le peuple de Paris les convoyèrent jusqu'à Saint-Denis, en larmes et en
pleurs...
Et
là prit à eux congé du roi et les renvoya à Paris, et pleura assez au
départir d'eux. Mais la Reine sa mère demeura avec lui, et la convoya
trois journées, maugréa le roi.
Et
hors de lui : - Belle, très douce mère, par cette fois que vous me
devez, retournez désormais.
- Ah donc lui répondit la reine en pleurant ; Beau, très doux, fils,
comment pourrai-je souffrir le départi de vous et de moi. Vous m'avez
été le meilleur fils que peut avoir une mère.
A ces mots elle chue dans un spasme, et le Roi la redressa, et elle
prit congé de lui en pleurant.
Quand le benoit roi dut aller outre-mer à la dernière fois qu'il y
alla, il visita les maisons de religions de Paris. (...) Et il s'en alla à la maison de Saint-Ladre
(ou Saint-Lazare) et s'agenouilla devant les meseaux (malades lépreux)
assemblés et leur requit humblement et dévotement qu'ils priassent
Notre-Seigneur pour lui. Et les choses devant dites furent faites. »
Pour
les deux extraits cités : les termes du texte original sont dans un
français plus contemporain
|
|
|
- Louis IX ne revit jamais la reine-mère, avant de
disparaître elle créa deux monastères, et quelques temps après elle
mourut très dévotement sur une paillasse. Tel est le récit qu'il nous
reste des derniers jours de Blanche de Castille.
En 1254 , Louis IX était
libéré suite au paiement d'une rançon, il pouvait ainsi revenir en
France, et dans sa ville. Marguerite
de Provence, sa cousine et sa femme l'accompagna dans ses périples.
Elle
incarna une figure d'héroïne à côté de son mari batailleur. Elle
disparue le 21 décembre 1295 à Paris, vingt-cinq ans après son époux et
a donné la naissance à 11 enfants, seul un enfant mourrut mort-né. A la
disparition de Louis IX en 1270, c'e fut son fils Philippe III dit le
Hardi qui succéda à son père, puis
elle se retira avec une de ses filles, l'ainé Blanche, au couvent des
Cordeliers au sein du bourg St.-Marcel.
Cette même année de 1254,
Louis IX réforma "le guet de Paris", ou guet royal en place depuis
Hugues Capet, il créait la fonction de "chevalier du guet" (miles
guetti). Un
corps fait de garde fixe avec le "guet assis" ou le "guet dormant",
ainsi se constitua
une milice bourgeoise, composée des "gens de métier" (au sein des
confréries). Cette milice devait fournir chaque nuit et jour au prévôt
les hommes
nécessaires à la protection des remparts et à la surveillance de la
capitale.
(lire la suite sur la police du guet sous François 1er) Ce fut aussi le début
des réformes judiciaires et la création du Parlement de Paris sur l'île
de la Cité (confirmé par ordonnance en 1278 par Philippe III). |
|
|
|
|
Louis IX :
« En
1258, il restitue à Henri III (d'Angleterre), par le traité de Paris,
le
Périgord, le Limousin et une partie de la Saintonge, provinces
d'ailleurs enveloppées par les domaines de ses frères. De son côté le
roi d'Angleterre renonce à tous ses droits sur la Normandie, l'Anjou,
le Maine, la Touraine, le Poitou, la Saintonge (au nord de la
Charente),
et se reconnaît vassal pour les pays rendus.
En 1259 il dégage la France de l'Espagne en renonçant, par le traité de
Corbeil, à l'ancienne suzeraineté depuis longtemps méconnue des rois
francs sur la marche d'Espagne (la Catalogne) et sur le Roussillon. Le
roi d'Aragon cède en retour ses droits sur de nombreux fiefs du
Languedoc et de l'Auvergne, ne se réservant que la seigneurie de
Montpellier, pour laquelle il prête hommage. »
Source : MM. Hubault et Marguerin, Histoire de France,
pages 179 et 184 pour Blanche de Castille et page 185 pour Louis IX
|
|
Il y a au sujet du règne de Louis IX, un
sentiment contradictoire, à la fois il engageait des évolutions
notables, et sur le fond il se nourrissait de l'intolérance religieuse
de l'époque. Il posa un peu
plus loin les bases du centralisme et gagna un peu sur le pouvoir
"intemporel" de l'église, qui ne pouvait le suspecter d'être un
hérétique. Le
roi Louis neuvième du nom passa une bonne part de son temps en guerre,
même en prison un certain temps (2 ans), en l'attente du paiement de sa
rançon.
Il a été avant tout un personnage autoritaire, qui a su s'attirer la
sympathie de ses sujets chrétiens, cela va de soi... et une référence
qui devint l'ordre royal et militaire de St-Louis, ainsi qu'une
décoration très prisée à partir de Louis XIV.
Louis IX a été canonisé par le Pape Boniface VIII en 1297, 27 ans après
sa mort, il devenait Saint-Louis. |
|
Si
vous souhaitez en savoir plus et même vous tenir au courant des
dernières études sur Louis IX et la justice, nous conseillons vivement
une conférence au Collège
de France
de Mme Marie Dejoux, historienne : Gouverner par l'enquête, les enquêtes de réparation de
Louis IX. (en deux parties, février 2015 - séminaire conduit
par M. Rosanvallon) |
|
|
La prostitution du temps
de Louis IX |
|
|
|
|
Le dit « plus vieux métier du monde »
ne s'exerça pas dans l'indifférence pendant les temps médiévaux, la
prostitution depuis le code Alaric (Ve siècle) poursuivait celles qui
vendaient leur corps et condamnait ceux qui les soutenaient : les
proxénètes. Sous Charlemagne, les prostituées étaient passibles
de 300 coups de fouet et la chevelure tondue, mais la mesure a été
rapidement annulée vers 808.
Lors de la construction de la cathédrale Notre-Dame,
l'évêque refusa le don d'un vitrail par les "ribaudes" parisiennes. Il
existe aussi le terme "maquerelle", une île parisienne a porté
longtemps ce nom (l'île aux Cygnes de nos jours, face à la maison de
Radio France). L'île aux Maquerelles était dévolue à la prostitution,
et pas le seul endroit de la capitale connu. Ce commerce a tenu une
place non négligeable dans les arcanes de la vie quotidienne de la
ville, et un rôle économique important, et même antérieurement une
pré-accumulation de richesse utile au développement des cités.
|
Certains théologiens
s'interrogèrent sur le statut de ce métier si particulier. Thomas de Cobham estima que les femmes "foles de
leur cors" devaient être assimilées aux mercenaires :
« Elles louent,
en effet, leur corps et fournissent un travail. Si elles se repentent,
elles peuvent garder les bénéfices de la prostitution pour en faire des
aumônes. Mais si elles se prostituent par plaisir et louent leur corps
pour connaître la jouissance, alors elles ne fournissent pas un
travail, et le bénéfice est aussi honteux que l'acte. »
Louis IX dans un édit de 1254, prôna
l'extradition.
La prostitution devint souterraine suite à une forte répression et vit
un temps la fermeture des maisons de luxure. La population
se plaignit des restrictions, les viols se multipliaient. Ces crimes
mettaient en danger les filles ou les épouses des bourgeois. Sous la
pression l'édit fut révoqué et un nouveau décret ouvrit de nouvelles
conditions à la prostitution : seulement dans certains quartiers ou
rues de la ville, à certaines heures et fermés à l'accès selon des
conventions religieuses précises certains jours. Aux moments de
relâchement général comme les carnavals le viol devenait pratique
courante.
|
|
Les Dames de bon rang
exigèrent un code vestimentaire les différenciant, des autres Dames,
dîtes de "petite vertu". Il fut donc interdit aux "filles ou
femmes publiques" de se vêtir dans de riches toilettes, et obligeant
celles-ci à porter au cou un ruban de couleur jaune. Idem pour les
souteneurs, ils devaient porter un habit de couleur jaune, afin de les
éviter, ou sous peine d'être fouetté.
Il fut de fait interdit aux "filles ou femmes de joye, follieuses,
ribaudes, bordelières, folles de leurs corps" de se mélanger avec
la population. Louis IX fut
le premier, en 1254 à vouloir expulser ces dames du royaume, après
confiscation de leurs biens et vêtements. Cette ordonnance fut réitérée
lors de son départ d'Aigues Mortes pour l'outre-mer, avec un don au couvent des
Filles-Dieu ouvert aux filles repenties ou pénitentes.
En 1256, le roi se
contenta de les expulser hors les murs et de leur interdire de
travailler en centre ville, près des églises ou des cimetières.
|
|
- illustration des bains
- publics ou étuves
|
|
|
Après cet édit prohibitionniste à la huitième croisade,
le roi s'assouplit fortement, et même étonnamment les prostituées et
courtisanes suivirent les troupes. Il fut fait mention sur les "Livres de Compte d'État",
que le roi paya un salaire à 13.000 prostituées, pour répondre aux
besoins des hommes loin de leur terre natale et de leurs épouses. Au
XIVe siècle, on vit ainsi naître une reconnaissance de la prostitution.
La maison close fut reconnue par l'Eglise et la municipalité comme
d'utilité publique. Et le clergé servit à son contrôle. La
prostitution a été considérée dès lors comme un mal nécessaire.
Néanmoins, les prostituées se devaient à une pénitence de six ans pour
expier, les clients de jeûner pendant dix jours. L'Eglise considéra
ces femmes comme des "brebis égarées". |
|
La prostitution, quoi que mal vue était tolérée, puis fut
encadrée par le pouvoir politique.
Il est vrai que ces pratiques hypocrites permettaient en apparence de
protéger la vertu des honnêtes femmes, en charge des
enfants et du foyer, et dument réservée à leurs maris. Il semble à la
lecture des registres criminels que les viols, parfois en groupe
n'étaient pas rares, au point que les historiens ont parlé de rites de
passage à l'âge adulte pour les jeunes mâles entravés par un carcan
social et religieux pesant. Même la cité des Papes a connu
quelques "mauvais lieux", puisqu'un proverbe disait qu'on ne pouvait
traverser le pont d'Avignon sans croiser « deux moines, deux ânes et
deux putains ». |
|
|
Les
Filles-Dieu, à Paris
|
Bien que cette maison ne constituât pas un Hôtel-Dieu proprement dit,
elle était mise au rang des « lieux pitéables » (pitoyables au sens de
pitiés) sur
lesquels s'étendait le pouvoir du visiteur général. Dès le temps de sa
construction, en effet, elle fut considérée comme hôpital, ou plutôt
comme hospice, à l'usage des femmes repenties (anciennes prostituées ou
ribaudes). D'après la Chronique de
Tours, l'institution des Filles-Dieu
remonte à l'année 1225, époque à laquelle Guillaume d'Auvergne, qui
professait alors la théologie à Paris, ayant par ses prédications
converti un grand nombre de femmes de mauvaise vie, les réunit dans un
asile spécial où elles promettaient d'observer la continence jusqu'à ce
qu'elles trouvassent à se marier. La date de cette fondation, à
laquelle Louis VIII contribua par ses aumônes, est confirmée par une
donation de quarante sous de rente que Bouchard de Marly fit, au mois
de mai 1226, et par un acte du mois d'avril de la même année dans
lequel il est parlé de la construction récente de la maison. Cet acte a
pour objet de sauvegarder les droits de la paroisse Saint-Laurent, sur
laquelle était situé le terrain acheté à Guillaume Barbette pour y
élever la maison des nouvelles converties. Aux termes de la convention
susdite, le prieur de Saint-Martin-des-Champs, de qui dépendait cette
paroisse, renonce, ainsi que le curé, à l'exercice des droits
paroissiaux dans cet enclos, sauf à l'égard des serviteurs et des
servantes. La chapelle jointe à la maison reçoit le droit de posséder
un cimetière, des fonts baptismaux et des cloches, et le prieur de
Saint-Martin ne se réserve que la présentation du chapelain à la
nomination de l'évêque. En retour de ces concessions, une rente de
vingt sous parisis est assurée au curé de Saint-Laurent sur les revenus
du nouvel établissement.
Le pourpris des « Filles-Dieu, » nom sous lequel furent désignées dès
l'origine les femmes recueillies par Guillaume d'Auvergne, était situé
le long de la chaussée Saint-Denis, entre l'ancienne porte de Paris et
la léproserie Saint-Lazare. Celle-ci, en 1232, renonça, moyennant un
cens annuel de douze livres parisis, à tous les droits de seigneurie,
censive et justice qui lui appartenaient sur l'enclos de l'hôtel et sur
quatre arpents et demi de terre contigus ; cela constitua aux
Filles-Dieu un domaine de huit arpents, où elles eurent non seulement
les dîmes, mais « juridiction et seigneurie basse et moyenne, et toute
franchise d'y prendre tous les malfaiteurs et ceux emprisonnés un jour
et une nuit tant seulement. »
On voit par ce rapide exposé qu'il ne faut pas prendre à la lettre le
passage de Joinville d'après lequel ce serait saint-Louis qui aurait
fait construire la maison des Filles-Dieu sur le chemin de Saint-Denis.
Ici, comme pour d'autres fondations pieuses que le même historien
attribue au même roi, il ne s'agit pas d'une création, mais d'une
extension considérable donnée à un établissement préexistant. En effet,
à une époque qu'on ne saurait déterminer, Louis IX réunit, dans
l'hospice construit à la fin du règne de son père, une « grande
multitude » de filles que leur pauvreté avait poussées au désordre ou
exposait à y tomber. Il leur assigna une rente de 400 livres parisis et
de deux muids de blé ; il agrandit notablement les bâtiments de
leur hôtel ; enfin, en 1265, il leur concéda une prise d'eau sur la
fontaine de saint-Ladre.
De l'édifice consacré au logement des Repenties, on connaît peu de
choses. On sait seulement qu'il comprenait un dortoir et un réfectoire
dont les proportions devaient être très vastes, puisque, d'après les
renseignements recueillis par Jean de Villescoublain, le nombre des
Filles-Dieu pouvait monter à deux cent soixante.
A côté de la maison s'élevait une église flanquée d'un clocher et
entourée d'un cimetière. Elle était dédiée à la Madeleine, patronne des
converties, et renfermait une chapelle du titre de Saint-Abraham. Une
autre chapelle située vers l'abside servait de salle capitulaire pour
les réunions de la communauté. Cette église était riche en ornements et
en reliques ; on en trouvera plus loin l'inventaire dressé par le
visiteur. Le culte de saint Louis y fut naturellement en honneur après
sa canonisation. C'est ainsi qu'on y vénérait un reliquaire renfermant
un doigt du saint, et que parmi les livres liturgiques figurait un
volume donnant son office. Grâce aux aumônes que leur faisaient les
particuliers et les couvents, ou qu'elles allaient chaque jour quêter
dans les rues, grâce surtout aux libéralités royales, les Filles-Dieu
parvinrent à acquérir d'importants domaines. On en peut juger par
différents textes tels que l'amortissement de sept arpents de terre
consenti en leur faveur par le chapitre de Notre-Dames en 1243,
l'amortissement par Saint-Lazare, en 1254, de huit autres arpents sis
dans la direction du Temple, et l'achat fait en 1287 à Ansel de
Saint-Yon, moyennant 1.161 livres, de la grange dîmeresse, et d'une
partie des dîmes de Milly en Gâtinais, qu'elles échangèrent six ans
plus tard avec Hugues de Bouville contre 72 livres parisis de rente sur
la recette de Paris.
Le procès-verbal de visite de 1351 évalue le produit de leurs cens et
rentes à plus de cent livres par an, et une déclaration rendue en 1380
nous apprend que, par des acquisitions successives, elles avaient porté
à trente-huit arpents l'étendue de la « couture » qu'elles possédaient
autour de leur hôtel.
Malgré les allégations contraires de certains documents du XVe siècle,
les textes que nous avons cités établissent avec certitude que les
premières habitantes des Filles-Dieu, aussi bien que celles qu'y plaça
saint Louis, étaient des pécheresses converties. Nul témoignage
d'ailleurs ne saurait avoir plus d'autorité sur ce point qu'un aveu
sorti de la bouche même de l'une d'entre elles et recueilli dans le
récit des miracles obtenus au XIIIe siècle par l'intercession de saint
Louis. En 1282, une des sœurs de la maison, nommée Jacqueline de
Saint-Germain-des-Prés, était tombée sous la possession du démon et se
livrait aux actes les plus désordonnés, injuriant les sœurs, leur
jetant à la tête les sièges et les quenouilles, tentant même à maintes
reprises de se suicider. Témoin de ces scandales, une de ses compagnes,
appelée Aveline de Gonesse, eut alors l'idée de recourir à
l'intercession du saint roi et lui « dit ces mots : Recordez-vous
(souvenez-vous), soeur Jacqueline, du benoict (du bon) saint-Louis,
nôtre
père, qui vous, et moi, et les autres, très hors du péché.»
Mais peu à peu le recrutement se modifia et la maison finit par ne plus
recevoir que des filles pieuses désireuses de s'adonner en commun aux
exercices de dévotion, sans toutefois être soumises à la rigueur d'une
véritable règle religieuse. La communauté devint un véritable béguinage.
Cette assimilation entre les Filles-Dieu et les béguines est clairement
établie par une plaidoirie du XIVe siècle prononcée dans un procès où
l'on discutait si certaine femme devait être considérée comme une
religieuse. L'avocat lui déniait ce caractère, disant que dans le
couvent où elle s'était retirée, « les dames ou femmes qui y demeurent
ne sont point là comme en religion et ne sont point de profession, et
n'est ni abbaye ni prieuré, mais qu'un hôtel seulement, et se purent
marier, quant bon leur semble, comme feraient les chanoinesses et les
Filles-Dieu et béguines. »
La transformation dont nous parlons était accomplie avant le milieu du
XIVe siècle, lorsque Fouques, évêque de Paris, rendit, au mois de mai
1346, une ordonnance relative au nombre des sœurs qui pouvaient être
admises aux Filles-Dieu. Ayant, après enquête, reconnu que les
ressources du couvent ne pouvaient suffire à l'entretien de plus de
soixante femmes, il décida que, sous le bon plaisir du roi, leur nombre
serait réduit à ce chiffre par voie d'extinction et qu'à l'avenir la
communauté se composerait de quarante sœurs capables de chanter
l'office et de vingt autres pour lesquelles cette condition ne serait
pas requise, toutes devant être de mœurs et de vie irréprochables.
L'évêque ajoutait que les places vacantes seraient remplies
alternativement par le roi et par lui et se réservait la nomination du
maître.
L'inventaire de 1351 énumère les livres de chant, tels que psautiers,
antiphonaires, prosiers et lectionnaires qui étaient mis à la
disposition de ces religieuses de chœur ou cantatrices. Quant aux sœurs
de la seconde catégorie, qui n'avaient pas l'office à réciter, leurs
occupations devaient généralement consister en travaux d'aiguille,
c'étaient des ouvrières comme la brodeuse en bourses et les fileuses
dont parlent les Miracles de
saint-Louis, ou bien comme sœurs Colette
de Sarcus et Jacqueline la Fourquine qui, en 1351, employaient une
jeune apprentie dont le procès-verbal de visite raconte la fin tragique.
Au moment où l'évêque Fouques édictait la mesure dont nous venons de
parler, les Filles-Dieu comptaient cent trente-six sœurs et l'on était
en droit de supposer qu'il s'écoulerait un temps assez long avant que
ce nombre fût ramené aux limites fixées. Mais le terrible fléau qui
s'abattit sur la France à cette époque se chargea de décimer leurs
rangs avec une soudaineté que nul ne pouvait prévoir. Dès 1348, leur
nombre était réduit à cent douze au moment de Pâques et à cent quatre
au mois d'octobre suivant.
Quelque rapide que soit déjà cette diminution, elle n'est rien à côté
de celle qui se produisit pendant l'été de 1349 où, de Pâques à la
Saint-Remi, le total des membres tomba brusquement de cent deux à
quarante.
Ce dernier chiffre est également celui que constata Jean de
Villescoublain en 1351, bien que l'année précédente le roi Jean eût
publié des lettres destinées à relever la communauté. Par cette
ordonnance, datée de novembre 1350, le roi s'opposait à la réduction
prescrite par l'évêque, fixait à cent le nombre des religieuses et
décidait que, contrairement à la pratique observée ces dernières années
par les gens du Trésor, on fournirait à l'avenir aux Filles-Dieu les
400 livres promises par saint-Louis, comme si elles étaient encore deux
cents ainsi que sous le règne de ce roi.
Elles n'eurent guère le temps de profiter de la faveur que leur
témoignait Jean le Bon. En 1358, les malheurs de la guerre leur
réservaient une épreuve plus terrible encore que celle de l'épidémie.
Le prévôt des marchands et les échevins de Paris, ayant fait élever la
bastille Saint-Denis pour protéger la ville contre les attaques qui la
menaçaient, craignirent que l'hôtel des Filles-Dieu, placé si près des
nouveaux ouvrages, ne servît d'abri et de poste avancé aux ennemis, ils
résolurent donc de le faire raser, et les religieuses durent abandonner
leur demeure et se disperser.
Comme le remarque Sauvai, on peut juger de l'importance des bâtiments
qui tombèrent sous la pioche des démolisseurs, quand on voit le maître
des Filles-Dieu vendre pour la somme de 500 écus d'or les tuiles et le
bois provenant de la démolition de l'église et du couvent ; encore ne
comprenait-on pas dans ce prix les matériaux retirés de la grange et de
l'hôtel appelé le « Vieux monastère. » Mais ce n'était là qu'une faible
indemnité des pertes éprouvées par les religieuses, et il fallait
défalquer de cette, somme la valeur du « merrain » (planche de bois),
qui avait été pris par les échevins pour l'employer aux travaux de
fortifications ; cette dette, semble-t-il, ne put jamais être recouvrée
sur la ville.
L'évêque ayant cherché une nouvelle habitation pour ces malheureuses
filles dispersées, son choix tomba sur un hôpital élevé à l'intérieur
de l'enceinte de Paris, rue Saint-Denis, le long des fossés de la
ville. Cet hôpital, auquel nous aurons l'occasion de consacrer plus
loin une notice spéciale, avait été construit en 1316 par un bourgeois
nommé Imbert de Lyons. Par ordonnance de l'évêque Jean de Meulan (8
octobre 1360), ses bâtiments furent affectés au logement des
Filles-Dieu et ses rentes réunies au domaine des religieuses à
condition qu'une partie de la maison continuât à servir d'hôpital et
que l'hospitalité de nuit y fût exercée suivant les intentions du
fondateur.
Les Filles-Dieu vinrent donc s'établir dans cet hôtel voisin de leur
emplacement primitif, tandis que la recluse qui habitait près de leur
ancienne église voyait transporter sa cellule à Saint-André-des-Arts.
Le nouveau couvent était situé sur la paroisse Saint-Sauveur,
dépendante du chapitre de Saint-Germain-l'Auxerrois. Vers le premier
tiers du XVe siècle, un débat fut soulevé entre les chanoines et les
religieuses de la rue Saint-Denis à propos des modifications qu'elles
avaient fait subir à leur chapelle. Ne voulant point se contenter de la
cloche pendue à l'intérieur de cette chapelle et qui servait à appeler
aux offices les habitants de l'enclos, elles firent élever au-dessus du
toit un clocher en bois qui permettait au son de la cloche de se
répandre « tout le long de la paroisse. » Le chapitre en prit ombrage
et les poursuivit devant les Requêtes du palais. L'affaire fut terminée
à l'amiable, le 3 septembre 1427, moyennant l'engagement pris par les
sœurs d'abattre le clocher et de rétablir l'ancien état de choses.
Quant à la couture située hors les murs, elle fut divisée en un certain
nombre de lots qui furent loués à des particuliers ; il s'y construisit
des moulins, puis un certain nombre d'habitations qui constituèrent le
faubourg désigné sous le nom de Villeneuve-sur-Gravois.
Troublée par ces bouleversements successifs, la communauté ne semble
pas avoir jamais retrouvé sa prospérité première. Le beau temps des
béguinages était passé en France, comme le montre la décadence, au XVe
siècle, de toutes les institutions de ce genre qui avaient pris
naissance sous le règne de saint-Louis, et les Filles-Dieu ne firent
pas exception à cette règle. En 1483, la maison ne comptant plus que
quatre ou cinq sœurs, on résolut de les remplacer par un véritable
ordre religieux. Le 27 décembre 1483, Charles VIII y appela des
religieuses
de Fontevraud. L'exécution de cette ordonnance fut différée pendant
quelques années ; le maître des Filles-Dieu s'opposait à une mesure qui
lui enlevait son autorité, et l'évêque hésitait à donner son
autorisation. Enfin, ayant reconnu la nécessité d'une réforme, celui-ci
consentit à ce que la règle de Fontevraud fût établie dans la maison f
; et, le maître continuant sa résistance, la cause fut portée au
Parlement.
En 1496, le débat fut terminé par une transaction qui attribuait, comme
indemnité, à Nicolas Le Mire, maître des Filles-Dieu, une rente de 25
livres parisis, et l'ordre de Fontevrault fut mis en possession du
couvent qu'il conserva jusqu'à la Révolution.
Un des prétextes qu'avait invoqués le maître pour élever son opposition
était la crainte que « la demourance » (demeure) des religieuses
n'amenât « ou temps à venir la diminution et totale destruction de
l'hospitalité. » Quand les Filles-Dieu avaient été introduites dans
l'hôpital Imbert de Lyons, elles s'étaient engagées à entretenir douze
lits pour loger les pauvres passants pendant une nuit et à leur fournir
du pain et une pitance de légumes. Elles avaient fidèlement accompli
cette clause et exercé l'hospitalité de nuit vis-à-vis des femmes
passantes par le ministère des sœurs converses.
Les religieuses de Fontevraud firent la même promesse et, malgré les
craintes exprimées par Nicolas Le Mire, elles n'abandonnèrent pas cette
mission de charité. Au témoignage de Du Breul, l'hôpital, en 1612,
était toujours en exercice et « deux anciennes femmes veuves y
servaient pour recevoir les pauvres. »
A cette pratique des œuvres de miséricorde se rattache la pieuse
coutume où étaient les Filles-Dieu de bailler le « dernier morceau »
aux condamnés à mort.. Avant d'être conduits au lieu du supplice, ceux
qui devaient être exécutés au gibet de Montfaucon
faisaient une station
dans la cour des Filles-Dieu où on leur donnait la croix à baiser et
l'eau bénite, puis on leur faisait boire un coup de vin et on leur
remettait un morceau de pain bénit, comme cela se pratiquait aux
Quinze-Vingts à l'égard de ceux qui subissaient la peine capitale hors
la porte Saint-Honoré.
Les condamnés reprenaient ensuite leur chemin et, pendant une heure, au
son de la petite cloche de l'église, la communauté priait à l'intention
de ceux qui allaient mourir.
Les titres parvenus jusqu'à nous fournissent les noms de quelques-uns
des maîtres des Filles-Dieu ; nous les donnons ci-dessous, avec les
dates où on les trouve en fonction : Odon de Garlande, 1231 ; Samson de
Créteil, avant 1281 ; Jean de Garges, 1281-1292 ; Robert de Dravel,
1307-1310 ; Robert, curé de L'Hay, 1330; Jean de Vertemontagne, frère
de la léproserie de Brie-Comte-Robert, 1351 ; Galeran du Bois,
1357-13635 ; Pierre Mathieu, 13696 ; Jean Bouffoi, 1380 ; Jean de
Mareuil, 1387-1392; Jean Barat, 1402 ; Jean de Recques, avant 1456 ;
Jacques de Lussery, 1456; Jean Moynau, avant 1482 ; Nicolas Le Mire,
1482-1496.
Notes :
En raison du nombre important de notes de cet article, nous vous
renvoyons au texte en ligne, ci-après, si vous souhaitez en prendre
connaissance.
|
Source : Gallica-Bnf,
Mémoires de la
Société de l'histoire de Paris et de l'Ile-de-France, de
la page 250 à
262, tome 24. Société de l'histoire de Paris et de l'Île-de-France.
Éditeur, H. Champion (Paris, 1897)
|
|
|
|
|
Prévôt des marchands, et
naissance de la Mairie parisienne |
|
|
Le corps municipal
ayant une juridiction sur la ville,
n'est apparu que vers 1260
Le terme prévôt des marchands
fut le nom donné au chef de la municipalité
parisienne jusqu'en 1789
|
|
|
|
|
- La hanse des marchands de l'eau :
L'organisation
municipale parisienne a résulté de la transformation de la plus
importante des confréries de la ville, la hanse des marchands de l'eau.
Cette
hanse n'a eu aucun lien avec la confrèrie des nautes (navigateurs) de
la Lutèce romaine. Elle est née spontanément à la fin du XIe siècle
pour défendre les intérêts commerciaux de Paris, menacés par l'essor de
Rouen. Libéralement ouverte à tous les bourgeois, elle établissait au
profit de ses membres un monopole du transport des marchandises entre
Mantes et Rouen.
Les marchands non parisiens devaient obligatoirement
s'associer à un marchand membre de la hanse pour commercer sur ce
secteur de la Seine. Soutenue par la royauté, la hanse fit de
rapides progrès : le contrôle de son monopole l'amèna à juger les
infractions et à lever des amendes ; de là, sa juridiction s'étendit au
contrôle de la navigation ; enfin, elle obtint du roi des privilèges
pour ses membres.
|
|
- La hanse administrative de Paris :
En 1263,
cette hanse devenait l'organisation municipale de Paris. Le roi administrait sa capitale par
l'intermédiaire de prévôts. Les prévôts se recrutaient dans la
bourgeoisie de la ville. En 1260, le roi alignait le statut de la
prévôté de Paris sur celui des baillages et plaça à sa tête un prévôt
salarié. Pour éviter un conflit avec les bourgeois dépossédés de leurs
attributions, Louis IX décida de confier celles-ci à la hanse :
perception et répartition des taxes et représentation de la ville.
Le prévôt des marchands, assisté de quatre échevins
(magistrats municipaux), apparaissait alors comme le chef de la
municipalité.
La prévôté s'occupait de l'approvisionnement de la ville, des travaux
publics,
de l'assiette des impôts, et il avait juridiction sur le commerce
fluvial.
Cette juridiction et ses attributions financières permettaient de
nouer des liens très forts avec la bourgeoisie locale. La prévôté
représentait la
volonté de cette dernière, aussi bien lorsqu'elle donnait son accord
aux
levées de taxes, que lorsqu'elle résista aux abus de la royauté et
voulue imposer la réforme du gouvernement (sous Étienne Marcel).
La Hanse parisienne
Moulage du sceau de la Hanse parisienne de 1210 (Crédits, Archives
nationales)
Cependant
les privilèges étaient
parfois très exclusifs. La hanse parisienne, connue sous le nom de
marchands de l'eau de Paris, ou de compagnie française, en est un
exemple mémorable. A la prière de cette compagnie, Philippe le Bel
avait supprimé, en 1293, la commune de Rouen et la compagnie rouennaise
qui avait le monopole de la navigation de la basse Seine depuis le pont
de Mantes, et qui avait même obtenu de Louis VII le droit de faire
remonter des bateaux-vides jusqu'au ruisseau du Pec et de les y
charger sans avoir Rouennais ayant réclamé énergiquement obtinrent à
prix d'argent le rétablissement de leurs droits. Mais sous Louis X,
l'influence de la hanse parisienne l'emporta encore : une ordonnance de
1315 permit de nouveau à tous les marchands de descendre et de remonter
librement la Seine jusqu'à Rouen, de décharger et de vendre leurs
marchandises, à la seule condition de payer les droits ordinaires, mais
en même temps renouvela la défense de naviguer entre le pont de Mantes
et Paris sans être associé à la hanse parisienne. La nécessité
d'assurer l'approvisionnement de Paris en empêchant les Rouennais
d'accaparer les vins de Bourgogne et les vivres, était le principal
argument invoqué par la hanse ; les gros revenus que les rois tiraient
de cette hanse étaient une des raisons qui les rendaient favorables à
sa cause. Aussi ses privilèges furent-ils plusieurs fois confirmés,
jusqu'au jour où Charles VII, voulant mettre un terme à une rivalité
nuisible au commerce, abolit tous les privilèges des compagnies
française et normande, et permit aux Rouennais de venir trafiquer
librement à Paris comme les Parisiens à Rouen, ordre contre lequel les
deux parties protestèrent et qui ne fut exécuté qu'en 1461, par la
volonté de Louis XI. Lorsqu'en 1672, Louis XIV supprima la corporation,
il y avait bien longtemps que son rôle se bornait à percevoir sur les
ports des droits de hanse.
Source : Gallica-Bnf,
MM. Lavisse et Rambaud, Histoire générale du IVe siècle à nos jours.
Formation des grands
états. 1270-1492. Pages 291 et 292, volume 3 (A. Colin, Paris 1901)
|
|
|
Des dates, en bref...
Ci-dessus : Enluminure représentant Saint-Louis.
|
|
1262 : Début
des réformes monétaires.
1270 : Départ pour la
huitième croisade et mort de Louis IX à Carthage près de Tunis.
1270-1285 : Règne
de Philippe III, dit le Hardi, deuxième fils de Louis IX et de
Marguerite de Provence.
1275
:
Les libraires passent sous la surveillance de l'Université, il s'agit
de la première forme de censure exercée contre les livres encore rares.
1280
:
Fondation du Collège d'Harcourt, il accueillera 40 élèves de 4 diocèses
normands, il y sera dispensé la philosophie, les arts et la théologie.
1283
: Le 19 avril, Philippe III interdit aux Juifs d'ouvrir
de nouveaux cimetières.
1292 : Persécutions et rumeurs anti-juives à Paris.
1295 :
A Paris en octobre, Philippe IV signe avec le roi d'Ecosse, Jehan de
Balleul ou John Bailliol, un traité d'amitié ou de secours mutuel entre
leurs deux pays. Ce traité de la "auld
alliance"
constituera les fondements des relations franco-écossaises jusqu'au
XVIIIe siècle.
1302-1303 : Du
mois d'avril au mois de mai de l'année suivante se tenaient les
premiers Etats Généraux du royaume à la cathédrale Notre-Dame et au sein de la forteresse
du Louvre.
1311 : L'Aragonais Arnaud de Villeneuve, un des plus grands médecins
de son temps décède.
1315 : Avénement de Louis X,
dit le Hutin. Le 3 juillet est publié un édit du roi qui stipule "selon le droit de nature chacun doit
naître franc", c'est-à-dire libre et met ainsi fin au servage.
1315-1317 : Grande famine en
France et en Europe occidentale.
|
|
|
|
Philippe IV,
dit le Bel (1268-1314) et ses successeurs maudits ?
|
|
|
Notre
monarque montait sur le trône de France à l'âge de dix-sept ans,
à la mort de son père Philippe III, en octobre 1285. Sous
Philippe IV, le royaume de France était le pays le plus peuplé en
Europe. En
proportion un tiers de la population, soit 18 à 20
millions d'habitants avant la grande épidémie de peste, pour 60 à 80
millions d'européens (estimations basses et hautes). Le pays allait
vivre une relative prospérité économique et le roi élargissait un peu
les fontières du royaume, à l'exception de la Guyenne qui resta sous
domination anglaise. |
|
|
Le dit Le Bel a été à
l'origine du Conseil du roi et réorganisa le Parlement, ainsi
que mettait en oeuvre la taxation sur les feux ou foyers : les dits
fouages (abolis un temps sous Charles V). Le roi épousa en 1285
Jeanne Ière de Navarre et devenait reine de France, elle décéda à
Vincennes en 1305. Jean de Paris, dominicain et
théologien rédigea sous
son règne « De potestate regia et papali » (traduction
approximative : de
la puissance des rois et des papes), un écrit sur la "laïcisation" du
pouvoir royal.
Philippe IV convoqua en avril 1302,
et rassemblait à la cathédrale de Notre-Dame pour la première fois les
représentants des
trois ordres ou "Etats" composés du clergé, de la noblesse et de la
bourgeoisie des "bonnes villes" (qui deviendront plus tardivement les
Etats Généraux et le Tiers), après avoir fait brûlé en place publique
deux mois plus tôt la bulle du pape Boniface VIII Ausculta fili (écoute,
mon fils).
Bulle papale qui fut jetée au feu par le comte d'Artois et la nouvelle
fut annoncée au son des trompes à travers les rues de la ville. A la
sortie de cette assemblée des Etats, Philippe le Bel obtenait
l'approbation des trois ordres contre les vues papales qui
s'attribuaient seules de pouvoir dicter les lois intemporelles, et de
son refus de soumettre l'Eglise à l'impôt. En réponse, le pape menaça
d'excommunier le roi de France.
Le 12 mars de l'année
suivante, le conseiller royal Guillaume de Nogaret réclamait un jugement pour hérésie contre le
pape, et reçut l'aval du roi. En avril, Nogaret s'en alla
pour la Toscane, après avoir rassemblé 2.000 miliciens, il se dirigea
vers la ville d'Anagni (Italie centrale), où le pape s'apprêtait à
signer une nouvelle condamnation à l'encontre du royaume français,
Boniface fut mis aux arrêts et vivement malmené. Puis, il fut libéré
par la population
locale, le pape décéda à la fin de l'année 1303. Son successeur Benoît
XI poussé à quitter Rome pour ses violences internes accorda
l'absolution à Philippe dit le Bel, mais conserva l'excommunication de
Guillaume de Nogaret. Le pape Benoît onzième du nom décéda empoisonné
en juillet 1304.
De 1277 à 1311, il fut procédé à des arrestations et des expulsions
contre des marchands Italiens : les frères florentins Biccio et
Musciato Guidi de Franzesi, etc. Plus largement, les confiscations
furent décrétés à l'égard « des
corps étrangers au royaume », en
particulier par des expulsions collectives. Ce fut le cas d'environ de 50.000 à 100.000 Juifs en
1306. Le bannissement était l'une des peines existantes les plus sévères,
ce n'était pas un simple déménagement d'une région à une autre... dans
le contexte de son application. Consulter
: L'histoire
des Juifs en Europe de la Gaule Romaine aux Capétiens (en deux
parties) |
|
Persécutions et
rumeurs anti-juives de 1292
("antisémitisme" chrétien)
« Cette
même année arriva à Paris un événement extraordinaire, aux dires de
ceux qui s'y trouvaient. Dans cette ville, il y avait une femme à qui
un juif avait prêté de l'argent avec usure sur ses draps. Elle alla
voir le juif le jour de la sainte Pâque et dit qu'elle voulait racheter
ses draps. Il lui répondit que si elle voulait bien lui apporter "son
Dieu qu'elle adorait" et qu'elle devait recevoir ce jour-là, il lui
rendrait ses draps sans lui demander d'argent. Elle, "embraée de
convoitise", alla à l'église, reçut avec dévotion le précieux corps de
Jésus-Christ et l'apporta au juif qui lui rendit ses draps et jeta
l'hostie dans une casserole d'eau qui bouillait sur le feu.
Quand il vit que cela ne l'abîmait pas, il tira son couteau et commença
à la frapper dans l'eau ; et l'eau qui était claire devint rouge comme
si elle avait été mélangée à du sang. Sur ce, une femme chrétienne
entra dans la maison du juif et elle s'aperçut du crime que le juif
était en train de commettre ; elle commença à l'injurier et à le
menacer d'en parler à l'évêque. Le juif prit peur et promit de lui
donner 20 sous si elle se taisait et l'aidait à détruire son Dieu ;
mais celle-ci n'était pas si "convoiteuse" que la première, et répondit
qu'elle préférerait être brûlée dans un feu.
Elle sortit de la maison très en colère et en parla à deux sergents qui
se rendirent à la maison du juif et trouvèrent qu'il n'avait en rien
changé sa volonté de faire du mal à Notre Sauveur, même après ce qu'il
avait vu. Il l'avait au contraire frappé encore à plusieurs reprises et
replongé dans l'eau froide qui, à son tour, était devenue toute
"vermeille". Quand il se rendit compte que les sergents venaient pour
l'arrêter, il versa l'eau dans un lieu où ils ne purent la voir et ils
trouvèrent l'hostie sur une table où elle avait si doucement sauté que
ni le juif ni les deux autres ne s'en étaient rendu compte. Le juif fut
arrêté et mis en prison : il avoua toute l'affaire sans en avoir aucun
repentir ; et pour ce crime, il fut brûlé à Paris, en la place aux
Pourceaux. »
|
Recueil des historiens de France, tome XXI, pages 132 et 133.
Adaptation de l'ancien français par E. Lalou, Paris, 1856.
|
|
|
Cette
même année de 1306, en raison des ajustements monétaires éclataient de
graves émeutes à Paris, en raison du triplement des loyers, le 30
décembre, le roi était assiégé par la foule au Temple, le monarque
devait fuir et le riche bourgeois Etienne Barbette vit ses propriétés
brûlées. S'ensuivait l'exécution des 28 meneurs et la suppression
(provisoire) des
confrèries parisiennes des métiers (le
mot "corporation" sera utilisé plus tardivement et principalement au
XVIIIe siècle). Cette politique économique valut à Philippe
IV la réputation de "faux-monnayeur" et quelques relations difficiles
jusque dans ses échanges avec la papauté. Qui ne le porta pas vraiment
en cœur et en esprit, et réciproquement.
«
Cette même année, le roi de France Philippe IV voulut, ainsi qu'il
l'avait promis auparavant au pape Benoît XI, rétablir en bon état la
monnaie ayant cours dans tout le royaume ; et il fit ordonner. vers la
tête de saint Jean-Baptiste, partout par les villes et les châteaux du
royaume, ainsi qu'il fut consigné dans l'acte, qu'à partir de la
Nativité de la Vierge en septembre, tous les contrats seraient passés
en bonne monnaie, à la valeur de la monnaie ayant cours au temps de son
aïeul Saint Louis, et que tous les revenus et loyers des maisons
seraient versés en bonne monnaie. C'est pour cette raison qu'une
révolte éclata et beaucoup d'autres par la suite. Les citoyens de
Paris, surtout les pauvres et les moyens, qui louaient leurs maisons, à
cause de l'augmentation par trois du prix des loyers, ourdirent une
conspiration d'abord contre les propriétaires des maisons et ensuite
contre le roi, En effet, ces gens en armes et désespérés assiégèrent le
roi dans le Temple, où il s'était réfugié avec ses sergents d'armes,
ses chevaliers, de nombreux barons et conseillers afin qu'il ne puisse
recevoir de nourriture et objets de première nécessité avant de leur
avoir parlé pacifiquement à propos de leur requête (ce que le roi
refusait, au contraire, il se dérobait). Et parce qu'on disait que le
conseiller du roi sur ce sujet était Etienne Barbette, citoyen de Paris
et voyer de la ville, ils se réunirent en une seule foule, puis une
partie alla incendier entièrement la maison que le dit Etienne avait en
dehors de la ville, et l'autre mit à sac une autre maison qu'il avait
dans la ville, Et la foule tenait le roi, ses frères et ses barons si
bien assiégés dans le Temple qu'aucun d'eux ou de leurs hommes n'osait
entrer ou sortir. Ce fut la raison de bien des malheurs : en effet, le
roi par la main armée des nobles répondit par la violence, et plusieurs
émeutiers furent tués, et d'autres pendus aux arbres près de la ville
le jour de l'Epiphanie, pour que tous les voient ; d'autres encore qui
n'étaient que suspects, furent emprisonnés quelque temps dans les
prisons royales. Il saisit les biens de tous les gens qui avaient été
pendus. Quelques innocents furent pendus ; tandis que d'autres,
conscients du péril où ils étaient, choisirent la fuite. »
Source : Memoriale
Historiarum de Jean de l'abbaye de Saint-Victor,
En latin dans le Recueil des
historiens de France, XXI, p. 647, traduction M. Texier
Le
14 septembre 1307, jour de la fête de l'exaltation de la sainte-Croix,
Philippe IV se trouvait près de Pontoise et adressa une lettre à tous
les sénéchaux ou baillis de son royaume pour que l'on procéda à
l'arrestation de tous les Templiers.
Les documents liés à cette affaire sont très parcellaires, sur les
plusieurs centaines de Templiers concernés ont été conservés les actes
d'une petite centaine de suppliciés, dont un rouleau en parchemin des interrogatoires long de
22 mètres et qui se trouve aux Archives nationales
(avec en ligne un livret de 16 pages en Pdf à télécharger). A
Paris, le vendredi 13 octobre 1307, il était décrété l'arrestation des
chevaliers de l'ordre du Temple et ils étaient mis en prison pour
hérésie, il s'agissait d'un ordre de moines-chevaliers sous
la protection de la papauté depuis le concile de Naplouse en 1120 avec
ses codes propres institués et reconnus en 1129.
Sur les 138
arrestations qui restent documentées, 134 avouèrent et 4 ne firent
aucun aveu.
Il furent répartis dans une trentaine de lieux de détention en région
Île de France. A la demande de la commission pontificale en charge des
procès, celle-ci convoquait les Templiers à Paris lors de l'année 1310, en mars, ainsi
vinrent 569 membres
incriminés de l'ordre, la
plupart pour prendre sa défense. Le 12 mai s'abattait la condamnation à
mort de 54 de leurs membres, ceux-ci
se virent brûlés hors de la ville en proximité de la porte St.-Antoine. Tous
ont été l'objet de tortures - ils avaient été mis à la question, puis
relâchés avant d'être condamnés en raison du
"relaps" (*) sur lequel s'appuya Philippe le Bel et qui fut repris par
les autorités ecclésiastiques. (* Celui ou celle qui était retombé dans
l'hérésie après l'avoir
abjurée, le conduisait directement à la mort). Beaucoup
n'ont pas avoué et n'ont pu être condamné. Les
incriminations furent nombreuses, on leur reprocha entre autres des
pratiques sodomites, d'adorer une idole, de désacraliser l'hostie
(représentation du corps du christ), etc. En 1312, le 22 mars, et
rendue publique en avril l'ordre des Templiers était dissout
par une bulle papale : Vox in exelso
(Une voix en haut). Leur grand-maître suite à 114 accusations, Jacques
de Molay et Geoffroy de Charnay étaient à leur tour envoyés
au bûcher sur l'île de la Cité, le 18 mars 1314.
Archives
nationales, le rouleau d'interrogatoire des Templiers (6 minutes)
Entretien
vidéo pour les Archives nationales de Ghislain Brunel, conservateur en
chef, et d'Éric Laforest, atelier de reliure et de restauration, ainsi
qu'Alain Demurger, maître de conférences honoraire à l'université de
Paris 1 Panthéon - Sorbonne.
« Car
c’est la voix du peuple de la cité, la voix du temple, la voix du
Seigneur qui rend à ces ennemis ce qu’ils ont mérité. (...) C’est
pourquoi nous défendons à qui que ce soit d’enfreindre cette page de
notre ordonnance, provision, constitution et défense, et d’y
contrevenir par une téméraire audace. Si quelqu’un osait le faire,
qu’il sache qu’il encourra l’indignation du Dieu tout-puissant et
de ses apôtres les bienheureux Pierre et Paul. »
Extraits de la bulle du pape Clément V
d'avril 1312
|
|
|
Aperçu général des valeurs provenant des
biens du Temple,
Enclos ou
prieuré du Temple avec sa Tour (*)
dont Philippe le Bel, sa femme, leurs
enfants
et Charles
de Valois, frère du Roi, ont approfité
|
|
«
Ferretus Vicentinus rapporte que Clément V adjugea à Philippe le Bel la
magnifique maison du Temple de Paris, et des richesses considérables
consistant en vases et objets du plus grand prix. Cela paraît exact.
Philippe et ses successeurs conservèrent pendant plusieurs années en
leurs mains la Tour et les bâtiments du Temple ; mais nous voyons qu'à
la fin du quinzième siècle les Hospitaliers occupaient ces immeubles.
Quant aux richesses mobilières dont parle Ferretus, le Pape abandonna à
Philippe le Bel tout ce dont il s'était emparé dans les diverses
églises et chapelles de l'Ordre. Le codicille du Roi en date du 28
novembre 1314 prouve bien qu'il en fut ainsi.
La veille de sa mort, à Fontainebleau, au moment de paraître devant Dieu, son souverain Roi,
Philippe le Bel se souvint d'avoir déposé dans le monastère des Sœurs
de Sainte-Marie de Poissy une certaine quantité d'objets provenant du
pillage des églises du Temple ; par son codicille sus-daté, il légua
aux Sœurs de Sainte-Marie toutes les reliques, vases précieux et sacrés
qu'il avait mis en dépôt dans leur couvent ; la grande et précieuse et
belle croix d'or qui avait appartenu aux Templiers, deux riches et
magnifiques tentures en or que Clément V lui avait données, et deux
autres draps d'or qu'il avait reçus des Hospitaliers.
Nous essayons d'établir le détail des autres valeurs immenses,
incalculables, dont le pouvoir (c'est-à-dire Philippe le Bel et les
siens) profita des dépouilles du Temple.
1°
Philippe s'était emparé, le 13 octobre 1307, des valeurs considérables
en numéraire accumulées au Temple de Paris, dans les commanderies et
maisons des provinces.
2° Le Roi fit vendre les récoltes
engrangées, le mobilier des commanderies et maisons, jusqu'aux
instruments d'agriculture.
3°
Il s'adjugea les richesses des églises et chapelles, objets du culte,
ornements, vases en or et en argent, joyaux, pierreries, rubis et
diamants, d'une valeur énorme.
4° Il toucha pendant cinq années les
revenus des immeubles de France, les cens et les rentes.
5°
Il réclama aux Hospitaliers une somme de deux cent mille livres,
qu'il prétendit avoir mise en dépôt au Temple, et que les Frères ne lui
auraient pas rendue.
6° Il réclama soixante mille livres pour
le s frais du procès, qu'il avait déjà prélevés sur les valeurs
mobilières.
7°
Philippe devait au trésor du Temple 500.000 francs, que l'Ordre lui
avait avancés à l'occasion du mariage de Blanche, sa sœur.
8°
Il devait aux Templiers une somme de deux cent mille florins qu'un
trésorier de l'Ordre lui avait livrés, et qui, pour ce fait, en avait
été chassé.
9° Il devait deux mille cinq cents livres
qu'il s'était fait remettre en 1297, sous sa garantie, sur l'argent de
la croisade.
10° Il toucha le montant des créances de
l'Ordre, les créainces claires (comme on disait alors).
11°
La femme de Philippe le Bel, la reine Jeanne; les princes Louis,
Philippe, Charles, comte de la Marche, devaient au Temple des sommes
importantes, soit pour cause de prêt, soit à raison de ce qu'ils
avaient touché sur les biens séquestrés de l'Ordre.
12°
Louis le Hutin et Philippe le Long se firent donner une quittance
générale et définitive ; de plus, les Hospitaliers leur abandonnèrent
les deux tiers de toutes les valeurs mobilières non réalisées par
Philippe le Bel, et de toutes celles dues, liquides ou non liquides, à
la mort de leur père.
13°
Charles de Valois, frère du Roi, fit des réserves, à raison de ce qu'il
prétendit lui être dû par les Templiers. (Il usa largement de ces
réserves, ainsi que nous allons le voir.)
Philippe le Bel dut obéir à la sentence de Clément V, rendue au concile
général. Il fallut faire remise à regret aux Frères de l'Hôpital des
biens du Temple. On fit un règlement avec eux.
A la date du 26 mars 1312, il intervint entre les officiers du Roi et
l'Ordre de l'Hôpital un premier arrangement, auquel on donna le nom de
composition (compositio).
Première composition
Le 26 mars 1312, les Hospitaliers s'engagèrent à payer au Roi deux cent
mille livres tournois, montant de son dépôt au trésor du Temple, en
l'espace de trois années, à condition qu'on déduirait de cette somme, à
leur décharge, ce qui aurait été perçu des biens des Templiers et
appliqué au profit du Roi depuis leur arrestation, « in utilitatem
prefati régis conversa bona l (traduction approximative : au profit de
ce qui précède les rois convertissaient les biens) » .
À la date du mercredi après l'Annonciation, il intervint un arrêt du
Parlement qui mit les Hospitaliers en possession des biens du Temple. »
Note :
(*) Ce fut l'ordre des Hospitaliers qui devint propriétaire de l'Enclos
du Temple après les Templiers. L' emplacement à Paris dans l'actuel
3ème arrondissement occupait un espace situé avec pour limites les rues
du Temple, de Vendôme, Charlot, de la Corderie ; actuellement,
boulevard du Temple, au nord ; rue des Francs-Bourgeois et de
Rambuteau, au sud ; rue Vieille-du-Temple et rue Charlot, à l’est ; et
rue du Temple, à l’ouest.
|
|
Source : Gallica-Bnf, Louis
Lavocat, Procès des frères et de
l'ordre du Temple :
d'après des pièces inédites publiées par M. Michelet et des documents
imprimés
anciens et nouveaux. Chapitre XLIII, pages 394 à 397 - Éditions,
E. Plon, Nourrit (Paris,1888)
|
|
|
|
|
Par ailleurs, il faut
noter la mise à mort place de Grève, le 1er juin de l'année 1310 de Marguerite
Porete (Porète ou Porette). Une religieuse hors des conventions
était brûlée avec ses écrits pour hérésie, son crime livresque : Le miroir des âmes simples et
anéanties et qui seulement demeurent en
vouloir et désir d'amour.
Née
vers 1250 dans le comté du Hainaut (dans les Flandres belges), cette
femme d'esprit
et de lettres était rattachée aux "béguines" (son équivalent masculin
les béguins ou béguards), un ordre plutôt méconnu où les femmes ne
prononçaient pas de "voeux éternels", ni cloîtrées à vie, et avaient
une action piétiste. On
ne sait presque rien de sa vie, sauf pour ses derniers mois d'existence
(notes de son procès ou diverses condamnations), et elle nous a légué
un ouvrage qui échappa aux flammes ou fut
recueilli avant ou après sa mise à mort. Ses écrits furent redécouverts
en 1946
par une chercheuse italienne. Ce qui a permis de faire connaître ce
personnage
humble et la complexité de ses pensées non conformes. Marguerite Porete
a été confondue, il
semblerait, avec la secte du "Libre-esprit". Deux ans après son
exécution il était prononcé lors d'un concile à Vienne (dans le Rhône)
que ce même "Libre-esprit"
devenait une hérésie, donc passible de la question (torture) et de la
mort. |
|
|
Une
conférence vidéo
passionnante de l'Ecole des Chartes (1er avril 2019), utile pour se
mettre au courant
des dernières recherches (XIIe/XIVe siècle à Paris), à découvrir
dans le cadre d'un hommage à
Aline Kiner (disparue en janvier 2019), et l'auteure de La nuit
des Béguines. (fiction historique, éditeur Liana Lévy, 2017) Une conférence organisée par les Amis du
musée de Cluny.
Divers
sujets sont abordés, notamment la place des Femmes au Moyen Âge, sur la
population parisienne, les métiers en cours et l'existence d'une
industrie comparable à la Flandre ou l'Italie, ce qui jusqu'alors
n'avait pas été pris en compte. Sur l'île de la Cité l'on compta
jusqu'à 1.200 personnes à l'hectare (1 hectare est égal à 0,01 Km2) et
sur une grande partie des 28 hectares que la Cité mesure en surface,
une partie était dévolue au Palais et aux administrations royales pour
environ 10 hectares.
Avec Me Claude
Gauvard, professeure émérite d’histoire du Moyen Âge, M.
Yann Potin, archiviste et historien, et Me Caroline Bourlet, ingénieure
de recherche, spécialiste de la population parisienne et des petits
métiers à Paris au début du XIVe siècle. (durée 1h30)
|
|
|
Philippe
IV garda sa vie entière une grande estime pour son grand-père Louis IX, il obtint sa canonisation en 1297.
Le petit-fils fit revenir la tête couronnée de Louis IX de Tunis et la
fit mettre dans un caveau à l'abbaye de Saint-Denis. Mais le temps de monseigneur
saint-Louis n'était plus, et s'engagèrent des mutations
monétaires, notamment des dévaluations à la fin de son règne, ainsi que
la grande famine de 1315-1317 qui sévit dans toute l'Europe
occidentale, et même jusqu'en 1320 en Angleterre.
Le Bel fut transporté jusqu'à Poissy par le réseau
fluvial, puis en civière à Fontainebleau, où il décéda le 29 novembre
1314 d'un accident de cheval. Quarante huit heures auparavant,
il avait prévenu son fils de «
tenir
l'Église romaine en révérence, d'aimer ses sujets, de maintenir le
royaume de France en bon état, à l'instar de son aïeul Saint Louis, de
prendre l'avis de ses frères et oncles ». Son corps fut embaumé et
couvert d'objets précieux, et arriva via la Seine à Notre-Dame de Paris.
Puis
la dépouille fut emmenée à Saint-Denis où on l'enterra près de son
aïeul vénéré. Ses fils,
lui succédant moururent tous les trois dans un temps court, plus le
très jeune dauphin Jean. C'est
ainsi que naquit un mythe ou une légende, suite à la condamnation à
mort d'une partie des Templiers, la fameuse malédiction des "rois
maudits". Dans cette série des règnes courts et brefs chez ses
successeurs de la dite malédiction, Philippe IV avait commandé à un des
moines de l'abbaye de Saint-Denis un travail sur les miracles du saint
Denis. Le roi défunt croyait en une histoire des monarques de France
plongée dans des phénomènes surnaturels.
|
|
|
Le successeur
de Philippe le
Bel, son fils aîné Louis X ouvrait à l'affranchissement des serfs sur
son
domaine royal, il devenait possible aux paysans contre paiement de se
libérer des charges féodales. « Comme selon le droit de
nature chacun doit naître franc (libre) et
par aucuns usages ou coutumes, qui de grande ancienneté ont été
introduites et gardées jusqu'ici en notre royaume, et par aventure pour
le méfait de leurs prédécesseurs, moult de personnes de notre commun
peuple soient encheües (tombés) en liens de servitude et de
diverses conditions, qui moult nous déplait ». Plus exactement,
il imposa aux serfs de fait
le rachat de leur servitude, ce qu'il désignait comme "franchise". Deux
édits à ce sujet ont été promulgués le 3 et 5
juillet 1315, il a fallu attendre l'année 1778 pour voir s'étendre la
mesure à tout le royaume. Et le 28 Juillet, il
fit promulguer un édit donnant la permission aux Juifs de revenir et
d'habiter dans le royaume. Louis
X fit
aussi arrêté la même année Enguerrand de
Marigny, ce dernier était de la petite noblesse du Vexin, il avait été
le
grand chambellan de son père, et son frère Philippe fut un des
exécuteurs
d'ordre contre les Templiers, et aux Etats-Généraux de 1314. Celui qui
défendit la hausse des impôts, de quoi se faire quelques inimitiés...
Enguerrand de Marigny dirigea un temps les affaires
financières et les affaires extérieures du royaume, il fut pendu en
avril 1315 au gibet de Montfaucon,
son cadavre y resta à la vue de
tous durant deux années. Il était à son tour soupçonné
d'enrichissement. Louis le Hutin mourut à Vincennes le 5 juin 1316.
Son
deuxième fils, Philippe V, à la mort de son frère Louis X aurait du
laisser le trône à sa nièce la petite Jeanne II de Navarre (1312-1349).
L'usurpateur l'évinça en soulevant l'affaire de la tour de Nesle qui
avait entâchée la renommée ou la "fama" de sa mère Marguerite de
Bourgogne et d'autres dames de la cour sous le règne de son père, et
puis l'on exhuma un faux article de la loi Salique pour
empêcher tout accès des femmes au pouvoir royal. En janvier 1320, le
roi faisait promulguer l'ordonnance de Vivier-en-Brie, ce qui engagea
la
création de la Chambre des Comptes, pour qu'un inventaire (soit) dressé
de tous les écrits de la Chambre. Puis seront créées huit chambres en
province (en 1791 elles seront dissoutes et deviendra la Cour des
comptes sous Napoléon 1er). Philippe V dut aussi
affronter des rumeurs sur les lépreux (ou
ladres), notamment dans le Languedoc, après une tentative
d'appropriation des biens des léproseries (ou maladreries), il renonça
plusieurs mois
après et ordonna la levée de la décision.
« C'était
en 1321, aux approches de la Saint-Jean-Baptiste ; ce prince se
trouvait en Poitou ; il apprend que les fontaines et les puits ont été
empoisonnés dans la Guyenne, et que c'est le résultat d'un complot
formé par les lépreux soutenus par les Juifs ; nombre d'entre eux ont
avoué le crime et ont été condamnés au feu. Philippe le Long, instruit
de ces bruits que la malveillance avait accrédités, crut devoir sévir
avec rigueur contre les lépreux. Une ordonnance ne se fit pas longtemps
attendre (...) c'est celle que nous publions ».
L'année suivante, son successeur Charles IV décidait à
son tour : « que
les lépreux seront nourris de leurs propres biens, prélevant ce qu'il
faut pour leurs femmes et leurs enfants, ou des biens des léproseries,
ou enfin aux dépens des habitants de leurs paroisses, s'il en est
besoin. » Une
décision qu'il avait adressé par lettre au Sénéchal du Languedoc, qui
n'eut pas grand effet, l'errance des lépreux se transposa dans le
royaume et
ailleurs par des mesures d'éloignements ou de réclusions, toujours des
mises à
distance des villes. Les léproseries ont tété estimées à 1.200 sur
toute l'étendue du
royaume de France depuis le XIIe
siècle, ce qui donna lieu à des rentes de situation au cours du temps
(cf. Chevaliers
de Saint-Ladre ou de Saint-Lazare). Charles IV dit le Bel n'ayant
pas d'héritier masculin la branche des Capétiens passa aux mains des
Valois en 1328.
|
|
|
|
1313 : Fin de l'édification du nouveau Palais sur l'île de la
Cité.
1314-1316 : Règne de Louis X, dit le Hutin (le querelleur), il
décède à Vincennes.
1316-1322 :
Naissance en novembre et décès de Jean Ier cinq jour après, fils de
Louis X et Clémence de Hongrie et régence, puis règne de Philippe V dit
le Long.
1317 :
Sacre de Philippe V (ci-contre) à Reims. Des troubles en Bourgogne
éclatent et le roi convoque des Etats Généraux à Paris en février. L'assemblée des notables institue la loi
salique à la succession des rois de France.
1320 : Le 3 mai, depuis le Mont Saint-Michel, suite à un prèche et un pélerinage débute la
"Croisade des Pastoureaux" (des bergers) et sème de grands désordres
dans le royaume. Il s'ensuit des persécutions contre les lépreux et
les juifs et une disette. Cette croisade est à l'automne arrêtée et
combattue à Narbonne.
1323-1328 :
Révoltes des Karls en Flandre contre les impôts lors de l'hiver
1323-24, puis
il seront réprimés jusqu'en 1328.
1325-1326
:
Le pays durant l'été est sous le coup d'une grande sécheresse, et
pendant l'hiver la Seine gèle, le 6 janvier deux ponts de Paris sont
emportés lors du dégel ddu fleuve.
1328 : Faute d'héritier à la
mort de Charles IV, Philippe VI de Valois est acclamé roi (fin de règne
en 1350) et la population française est estimée à 17 millions de sujets.
1330 : Agitation à Paris avec
des scènes de pillage et des violences destructrices. 1331 :
Philippe VI de Valois livre Jeanne de Divion au Parlement, qui décide
sa condamnation comme faussaire et sorcière, et le dimanche 6 octobre
elle est brûlée vive sur la place aux Pourceaux, non loin de la porte
Saint-Honoré.
1337 :
Confiscation de la Guyenne à Edouard III d'Angleterre (début de la
guerre de Cent ans) et début de la construction du donjon de Vincennes
(ci-contre).
1340 : Edouard
III d'Angleterre se déclare roi de France et gagne la bataille navale
de l'Ecluse (17.000 morts), la population anglaise est estimée à 4
millions de sujets.
1343
:
Le 2 août, Olivier IV de Clisson est décapité pour trahison à la
demande de Philippe VI de Valois aux Halles de Paris, son corps est
exposé au gibet de Mont-faucon,
sa tête est envoyée à Nantes et ses biens confisqués, puis son épouse
Jeanne de Belleville est bannie pour s'être révoltée contre le pouvoir
royal.
1345-1346 :
Les Parisiens versent une contribution de 28.000 livres pour les
troupes royales. L'année suivante, ils apportent une nouvelle aide
financière et la défaite de Crécy contre les Anglais attisent leur
colère. C'est aussi en février, l'ouverture des Etats de langue d'oïl.
1347
:
Les usuriers Lombards sont expulsés de Paris. La peste arrive par
le port de Marseille en novembre.
1348 : Le 26 septembre, le
pape Clément VI depuis Avignon rejette la persécution des Juifs avec la
bulle « Quamvis perfidiam ».
|
|
|
Fin ou début d'une époque nouvelle, la Grande peste
qui allait sévir dans la majeure partie de l'Europe à partir de 1347
jusqu'en 1352 marquait un tournant décisif dans le domaine, entre
autres, des arts et de la littérature. Après
ce qui a été une vaste désolation, il est resté des traces notables
chez des écrivains comme les Toscans Boccace (Le Décaméron)
et Pétrarque, qui fut touché par les événements avec la perte d’amis et
de son amoureuse, Laure. Le rémois Guillaume de Machaut, poète et
musicien de cour a été l'auteur après 1349 du Jugement du roi de
Navarre
qu'il dédia à Charles II dit le mauvais, petit fils de Louis X, dont le
poète était à son service depuis peu d'années. Guillaume de Machaut y
relata en poésie les années difficiles, où la liste des fléaux ne se
limita pas à la peste, mais se cumula avec la guerre, les destructions
et déboucha sur le massacre des populations juives rendues responsables
à tort de l'épidémie, malgré la prise de position du pape Clément VI.
« Epidémie.
— Item
en celui an (1347) fut une mortalité de gens en Provence et en
Languedoc, venus des parties de la Lombardie et d'outremer, si très
grand qu'il n'y demeura pas la sixième partie du peuple. Il dura en ces
parties de la Languedoc qui sont au royaume de France par huit mois et
plus, et se départirent aucuns cardinaux à la cité d'Avignon pour la
pire de la dite mortalité que l'on appelait épidémie, car il n'était
nul qui sut donner conseil l'un à l'autre, tant fut sage. L'an
de grâce 1348 commença la devant dite mortalité au royaume de France,
et dura comme un an et demi, plus, ou moins. En telle manière qu'à
Paris mourut bien par
jour 800 personnes. Et commença la dite mortalité en une ville
champêtre laquelle est appelée Roissy près Gonesse, environ 5 lieues
près de St-Denis en France. Il était très grande pitié de voir le corps
des morts en si grande quantité. Car en l'espace du dit an et demi
selon ce qu’aucuns disaient le nombre des trépassés à Paris monta à
plus de 50.000 (environ 80.000 sur 250.000 habitants) ; en la ville de
St-Denis le nombre monta à 16.000 environ. »
Les Oeuvres de Guillaume de Machault (v.1300-1377), publiées par P.
Tarbé, 1849 ;
chapitre Glossaire, pages 174 et
175. (Identifiant Gallica-Bnf : ark:/12148/bpt6k5429360m)
Les paysans et citadins souffrirent de plusieurs maux. A Paris, en
février 1348, le prévôt
rédigea une ordonnance, il était demandé aux Parisiens d'assurer la
propreté devant chez eux et de ne pas jeter les ordures partout dans la
ville ou à même le fleuve. Et, qui ne respectait pas la décision était « tenu de payer au Roy notre
sire dix sols d’amende », mais la
décision ne fut pas appliquée et resta sans effet. Le 20 août, la peste noire frappa
pour la première fois et provoquait au moins 50 morts par jour, la guerre et la faim sévissaient de
même. La peste, depuis cette grande épidémie après 1353 allait revenir
régulièrement jusqu'en 1720, sa dernière apparition en France.
De cette
Grande peste
et du transport des corps hors de la ville, il est resté le mot
corbillard. Ce terme provient du corbeillard
qui était un bâteau peint en noir, qui faisait la jonction entre les
villes de Corbeil et Paris servant au transport de marchandises. Avec
l'apparition de la peste les corbeillards
servirent à acheminer les morts dans de grandes fosses hors des
enceintes, et c'est ainsi que prit forme plus tard le mot corbillard ou
l'équivalent d'un transport funèbre.
L'épidémie raya ainsi
des villages, des quartiers urbains entiers parfois. La guerre
entraîna la destruction de terres, l'instabilité des villes et Paris a
été le jeu des passations de pouvoir entre la France et l'Angleterre,
d'un royaume menacé à l'est comme à l'ouest, qui campait le temps des
honneurs à Paris et laissait au sein du petit peuple Parisien un
sentiment d'incertitude et des doutes sur le pouvoir royal qui tenta de
survivre et n'oublia pas de lever de nouveaux impôts pour de nouvelles
guerres. |
|
|
Le roman de Fauvel ou la critique du pouvoir : cliquez ici
|
Avec Thibault Randomme, Docteur ès Lettre de
l'université de Louvain
RTBF - Un jour dans l'histoire de janvier 2017 - durée 27 minutes
|
|
|
|
|
Les marginaux parisiens
aux XIVe et XVe siècles |
|
|
Paris au quatorzième siècle fut la
ville la plus importante de l'Europe occidentale, environ 200 à 300.000
habitants. A la mitan du
siècle la population chuta brutalement d'un tiers à l'échelle
européenne, en raison de la grande peste de 1348. Plus exactement, on
parlait de "feu(x)" et de "chef de feux" (le foyer ou l'enceinte
familiale) et non d'habitants, terme désignant un foyer avec plusieurs
personnes, et sur lequel on prélevait une taxe, si l'on avait un toit.
Pour les chiffres de
l'époque, il s'agissait d'un peu plus de 60.000 foyers que l'on
recensait à Paris. Et
encore, on ne prenait en compte que les feux au sein des
enceintes.
La population des fauxbourgs et
des villages limitrophes n'était pas
concernée, encore moins les marginaux hors de la ville et
nombreux.
|
|
|
|
|
Les
marginaux parisiens étaient composés principalement des mendiants, des
vagabonds, des prostituées, lépreux et des artistes, mais à relativiser
en raison du nombre, la prostitution entrant dans un chapitre autre et
pas vraiment marginal dans ou à l'extérieure de la capitale, ou selon
les humeurs du souverain. Pour
les mentalités de l'époque être mendiant était en soit déjà un crime,
être prostituée depuis Charlemagne était un délit passible de 300 coups
de
fouets et de la tonte, cette mesure fut très rapidement révoquée. Puis
les "ribaudes" devinrent une confrèrie reconnue et établie aussi
bien sous la conduite du clergé, puis de l'échevinage et de la prévôté,
puis sous la gestion de l'aristocratie et de son monarque des siècles
durant.
En raison des forts écarts économiques, l'on peut se douter que les
plus pauvres pour survivre favorisaient des solutions pas toujours
honnêtes ou morales, et là aussi difficile de parler de marge.
Ou bien la marge ou les marges correspondirent au ressort du bouc
émissaire, de ce qui n'entraient pas dans la commune morale s'édifiait
pas à pas, car les mœurs avaient conservé certaines tonalités propres
ou anthropologiques pouvant nous échapper? La violence sociale était
telle, que la criminalité pouvait représenter une solution face aux
questions quotidiennes : se loger, manger, s'habiller, se soigner ou
simplement survivre.
La justice en cette fin de
Moyen Âge s'était employée à réprimer sévèrement les couches sociales
les plus défavorisées. La grande majorité des punitions se
faisait à la vue d'un public. Les châtiments étaient corporels et
variaient selon l'estimation de la faute. On était passible de
pendaison pour un incendie délibéré de maison, l'hérésie religieuse
après maintes tortures se finissait le plus souvent sur le bûcher.
Dernier exemple, la fausse monnaie valait pour sentence à son auteur
d'être jeté vivant dans l'eau bouillante. |
|
|
La torture au Moyen Âge? : cliquez
ici
|
Avec
Faustine Harang, Doctorante de l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne
RTBF - Un jour dans l'histoire - 28/07/2018 - durée 27 minutes |
|
|
|
La liste des supplices et idées tordues seraient longues.
La
notion d'altérité était quasi inexistante et les temps les plus durs ne
sont pas encore venus, à côté du XVIIe siècle, le bas Moyen Âge a pu
paraître clément. Nous sommes néanmoins face à une justice féodale, une
justice implacable, et le sort dévolu aux plus humbles était de fait
plus
expéditif ou avec moins d'échappatoires. De triste mémoire, le gibet de
Montfaucon à la sortie de Paris exhibait et laissait en nombre les
corps de malheureux pendus au spectacle des passants. La prison n'avait
pas pour but d'y maintenir les criminels en lieu sûr, on n'y faisait
que passer en l'attente de sa punition publique. Paris regorgea de
prisons et de condamnés au fil du temps.
Au Châtelet, la plus grande
prison parisienne, le séjour coûtait six deniers pour une litière et un
denier pour la "fossée", soit un bout de geôle très humide comme seule
solution pour ceux qui n'avaient aucuns moyens pécuniaires. La
nourriture y était médiocre et insuffisante et les prisonniers
dépendaient de l'aide éventuelle de visiteurs charitables ou des
proches. Le séjour carcéral n'était pas quelque chose de rare ou pris
comme dégradant. Sauf pour les pauvres dont les conditions étaient
terrifiantes, et les peines plus sévères.
La délation était aussi un mode répandu par des appels au "voisinage"
pour lutter contre les malandrins (voleurs) ou gibiers de potence. La
police parisienne disposait des Sergents de Ville pour exécuter
la
justice prévôtale. Il y avait peu de contrôle de leurs fonctions et les
abus étaient fréquents. Les Sergents du Châtelet furent
conscients de
leur force et détestés par la population. Ils tirèrent le plus souvent
profit de leur pouvoir. Difficile de savoir quels étaient leurs
effectifs précis, environ plusieurs dizaines au début du XIVe siècle,
et
il faut rester prudent quant à leur capacité à faire la police, comme
nous pouvons l'entendre de nos jours.
A Paris, on estima à quatre-vingt
policiers à cheval et autant à pied, mais moins ils subissaient de
contrôle et plus ils augmentaient en nombre. De quoi supposer
qu'en
période de vacance de pouvoir ou de changements fréquents pendant la
guerre de Cent ans, que les policiers disposèrent d'une emprise
conséquente sur les
citadins en matière de nuisances. Il faudra attendre le XVIIIe siècle
pour connaître les débuts timides d'une police enquêtrice, ou tournée
vers une résolution des investigations criminelles. |
|
|
|
La société médiévale fut marquée par la féodalisme et
fossilisa les relations sociales dans chaque fiefs, au dépend d'une
plus grande unité territoriale. L'état
de vagabondage et l'instabilité politique inquiétaient. Le vagabondage
devint progressivement un délit. Et l'on n'hésita pas à appréhender les
personnes sans revenu, les soûlards, ou individus louches. Si vous
étiez suspect "de mauvaise vie", l'expulsion de la ville ne tardait
pas. Les migrations préoccupaient les populations sédentaires, la peur
de l'étranger domina. En 1351, l'ordonnance de Jean II le Bon
marquait
le début d'une chasse aux indigents des centres urbains,
c'est-à-dire
repousser les plus pauvres hors des murailles ou des fortifications
urbaines et dans la préfiguration des faubourgs populeux.
La
Cité au Moyen Âge vivait sur la notion de quartier avec ses
spécificités (ou
bien de paroisse dans un dimension plus élargie du territoire) avec des
concentrations artisanales ou commerçantes. On trouvait ainsi à Paris des rues où
dominaient la pratique d'un travail ou d'un métier : bouchers,
tanneurs, jongleurs, etc. Les listes dressées pour le prélèvement de
l'impôt de la taille recensait la répartition des fortunes. Mais nous
ne savons pas grand-chose sur les contribuables du Paris médiéval. Et
rien ne permet d'indiquer avec exactitude où s'assemblait la population
la plus misérable? Sauf à se concentrer sur les abords de la ville, ou
dans ses faubourgs ou localités avoisinantes.
|
|
Le clergé fut aussi
concerné par le crime. Certains
individus entraient dans les ordres pour échapper à la justice, en
particulier à la peine de mort, qui était assez coutumière. On trouvait
aussi une catégorie du clergé en situation d'errance. Ces prêtres sans
officine allant de paroisse en paroisse pour trouver du travail, ils
vivaient avec les errants et s'adaptaient ainsi aux mœurs et aux
groupes.
Les institutions
ecclésiastiques furent inaptes face à la misère. Les hôpitaux
n'étaient pas vraiment ce quoi nous pouvons connaître. Les pauvres, les
mendiants, les prisonniers étaient des pécheurs et s'ils se trouvaient
au sein d'un hospital, c'était d'abord pour expier, les soins médicaux
étaient secondaires. L'enfermement prenait un sens particulier pour
l'époque : reconnaître ses fautes et souffrir, c'était enfin vivre en
"bon chrétien" et c'est seulement à ce titre que l'on pouvait échapper
à la rue ou au crime. |
|
|
|
|
|
Filles de joies et marginaux : cliquez ici
Bronislaw Geremek, ancien
ministre polonais, et
historien du Moyen Âge
|
|
Extrait
d'une émission de France Culture de 1993 - durée 14 minutes |
|
Livres à consulter de Bronislaw Geremek :
- Les marginaux parisiens aux XIVe et XVe siècles,
Flammarion, 1976
- La Potence et la pitié. L'Europe des pauvres, du Moyen Âge à nos
jours, Gallimard, 1987
|
|
|
|
|
|
|
Au
titre des métiers, beaucoup ont été ambulants, ils circulaient à
travers la ville et ont pu rendre de nombreux services à la population
et sous différents rôles. Les Crieurs,
dont les appels disparurent le siècle dernier, ils servaient à la fois
pour des charges publiques ou bien privées. Ils servirent bien avant
l'existence de la publicité moderne de moyen pour diffuser les
informations ou de prévenir de son passage.
|
|
|
Les crieurs
de
Paris
et
d'ailleurs
|
|
|
Les marchands, les bourgeois, avaient recours aux crieurs pour répandre
par la ville les avis qu'ils voulaient communiquer au public, car le
criage était, pour les commerçants, le seul moyen de publicité d'alors.
Ainsi on criait au son des clochettes, de la trompette et du tambourin
: les denrées. les décès, les invitations aux obsèques, les ordonnances
de police et les objets perdus.
Le premier titre qui parle des crieurs est un édit de Philippe-Auguste
de l'an 1220. D'après ce titre, il paraît que ce droit avait été tenu
par un certain Simon de Poissy, que le roi en était en possession et le
donna aux marchands de la hanse d'eau (mercatoribus nostris hansatis
aquœ), avec pouvoir d'instituer ou de destituer les crieurs à volonté.
Ces derniers étaient alors uniquement employés pour le commerce. Depuis
ce premier titre, il se passa près de deux siècles pendant lesquels nos
crieurs n'eurent d'autre office que de clamer les vins (clamatores vini
ou crieurs de vins). Il en est fait mention sous cette rubrique dans
les ordonnances de saint Louis de l'an 1268 et dans les arrêts du
Parlement du mois de mars 1274.
Ce ne fut, en effet, que sous le règne de Charles VI. Par une
ordonnance du mois de février 1415, que l'on ajouta aux fonctions des
jurés-crieurs de vins celles d'annoncer par cris les morts, à condition
que chacun d'eux n'en crierait qu'un par jour, afin qu'ils pussent être
employés chacun à leur tour. On leur attribua en même temps le droit de
crier les jours des confréries, les enfants et animaux perdus ou égarés
et jusqu'aux légumes et autres productions de la terre qui étaient à
vendre, à l'exception du bois et du foin, toujours à condition qu'ils
ne pourraient crier aucun enfant au-dessous de l'âge de huit ans sans
permission de la justice. (...)
Au XIIIe et XIVe siècles, presque tous les marchands criaient leurs
marchandises par la ville et allaient les offrir de porte en porte, car
bien peu d'entre eux étaient assez riches pour posséder des boutiques.
Au XVIe siècle, les cris diminuent, et les marchands commencent à
s'établir chacun dans un quartier spécial. (...)
Il est impossible, après avoir parlé des cris et des crieurs en France,
de ne pas consacrer un chapitre spécial aux « cris de Paris ». Cent et
cent ouvrages ont étudié ces cris du vieux Paris et des petits métiers
de la rue : mais, pour ne point rencontrer d'ornières nous prendrons
ici pour guide un auteur qui les a tous résumés en tirant de chacun
d'eux la quintessence.
Sur ce sujet, rien n'est laissé à l'imagination : il faut citer des
documents et des cris. Crions donc, en nous aidant de l'ouvrage
original de M. Victor Fournel : « Les Cris de Paris ». Il appartient tout d'abord établir que l'origine des cris de Paris se perd dans la nuit des temps.
Si haut que notre regard puisse plonger dans le passé, si loin en
arrière que nous rencontrions un document sur les petites industries
parisiennes, nous les trouvons déjà installées à leurs postes dans les
rues et les carrefours et faisant retentir la ville de cette mélopée
bruyante et bizarre qui s'est perpétuée jusqu'à nous en
s'affaiblissant. « Le Livre des Mestiers
» du prévôt Etienne Boileau, nous les montre à l'œuvre sous le roi
saint Louis, et dès la fin du XIIIe siècle. Guillaume de Villeneuve les
chantait en son curieux petit poème des Crieries de Paris.
Le vieux Paris d'un bout à l'autre de son enceinte n'était qu'une
symphonie de publicité incessante où se mariaient sur tous les tons les
voix provocatrices des marchands ambulants. (...)
Jadis, avant la découverte de l'imprimerie, avant l'invention des
gazettes et des prospectus, les moyens de publicité étaient
singulièrement restreints. Peu de gens savaient lire. A défaut
d'annonces ou d'affiches, il fallait recourir à la voix humaine ;
c'était le Petit Journal du peuple d'alors.
Car tout se criait par les rues, même les marchandises qui attendent
aujourd'hui le chaland au fond d'une boutique et semblent les moins
faites pour se débiter en plein air. Dans cette enfance de l'art, les
industries les plus simples se décomposaient souvent en parties
innombrables. Chacune avait son colporteur spécial, et celui-ci
proclamait sa marchandise avec une assourdissante et interminable
loquacité dont nous avons mille exemples sous les yeux. C'est toute la
publicité du XVe au XVIIe siècle.
Les premiers levés parmi ces industriels nomades ; ce sont les
marchands d'eau-de-vie ; il n'est pas quatre heures du matin, et déjà
leurs appels retentissent. Dans son « Tracas de Paris » en vers
burlesques (1665), François Colletet a décrit minutieusement l'équipage
et les allures de ces crieurs alcooliques :
Ris de voir ces tasses rangées
Et ces fioles de dragées,
Ces bouteilles et ces flacons
Et ces verres à petits fonds,
Ces tables propres et couvertes,
Que l'on orne de branches vertes,
De tapis et de linges blancs,
Afin d'attirer les passants.
Tous ces vendeurs ont leur méthode
Et chacun invite à sa mode :
« Ça chalands, dira celui-ci,
Approchez, venez boire ici ;
Voilà de si bonne eau-de-vie
Pour nover (changer) la mélancolie,
Même pour réjouir le cœur,
Qu'il ne se peut rien de meilleur ! »
L'autre qui court de rue en rue
Avec sa lanterne menue
Portant sa boutique à son col
Pendue avec son licol (harnais),
S'en va frapper de porte en porte,
Suivi de son chien pour escorte,
Et réveille les artisans
Avec ses discours plaisants
Que l'on croit des mots de grimoire.
« Vi, vi, vi, vi, à boire, à boire !
Excellent petit cabaret
Rempli de blanc et de clairet,
De rossolis, de malvoisie,
Pour qui n'aime point l'eau-de-vie !
Notons en passant que l'eau-de-vie avait été longtemps considérée comme
un remède et vendue exclusivement par les apothicaires ; ce ne fut
guère qu'au XVIIe siècle qu'elle devint une boisson dont le peuple
commença à user et dont il abuse aujourd'hui en attendant l'impôt sur
l'alcool.
Un peu après les marchands d'eau-de-vie. Les « crieurs d'huîtres à
l'écaillé » faisaient leur entrée en scène. Puis les étuveurs qui au
Moyen Âge envoyaient leurs garçons errer par les rues :
Seigneur, que vous allez baigner
Et vous étuver sans délai :
Les bains sont chauds, c'est sans mentir.
Ce cri se renouvelait le soir. Le bain, surtout le bain de vapeur,
était une des habitudes du moyen âge rapportée d'Orient à la suite des
croisades et une habitude fort salutaire. en ce temps où Paris obstrué
de ruelles infectes, peuplée de truands, souvent ravagé par la peste,
respirait une atmosphère saturée de mauvaises odeurs et propice aux
maladies cutanées.
Par malheur, déjà au Moyen Âge, nous citons toujours Victor Fournel, et
encore au XVIIe siècle, malgré le soin qu'on prenait ou qu'on était
censé prendre de ne recevoir dans la corporation des maîtres baigneurs
étuvistes que des hommes barbiers de bonne vie et mœurs, leurs
établissements avaient une réputation fort suspecte. On en trouvait
presque dans chaque rue, mais celle des Vieilles-Étuves était leur
centre principal et le rendez-vous favori des amateurs. Mais laissons
les étuvistes. devenus aujourd'hui d'honnêtes maîtres de bains se
bornant à nous offrir du son, du barège ou l'extraction des cors, et de
ces corps repassons aux cris.
Note :
Les derniers cris des vendeurs ambulants disparurent au début des
années 1970 avec entre autres les vitriers, les rémouleurs de couteaux,
et les marchands de quatre-saisons, qui vendaient des fruits et des
légumes. Bien que déjà très peu nombreux, l'on pouvait entendre de
temps en temps les vendeurs pour remplacer les vitres cassées, qui aux
cris stridents lancés à vive voix prévenaient de leur présence au cri
de « vitrier ! »
Source : Gallica-Bnf, Histoire de la publicité, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours,
P. Datz, pages 58 à 64, chapitres II et III. Éditeur, J. Rothschild (Paris, 1894)
|
|
|
|
|
|
|
Cet espace d'expression citoyen
n'appartient à aucune organisation politique, ou entreprise
commerciale. Le contenu est sous la
responsabilité de son créateur, en tant que rédacteur.
Les articles et textes de Lionel
Mesnard sont sous la mention tous droits réservés
Ils ne peuvent faire l'objet d'une reproduction sans autorisation
Les autres documents sont sous licence
Creative Commons 3.0 ou 4.0 (audio)
http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/deed.fr
|
|
|
-
|
|