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Quartier de
la
Porte Saint-Denis
Comment d'un travail
d'histoire dite locale mieux comprendre un espace spécifique et ses origines?
C'est-à-dire,
comment est-il possible de poser les termes d'une histoire urbaine,
donner matière à un espace géographique limité à partir de
certains éléments de sa mémoire éparse?
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Nous
vous proposons ainsi de retrouver ce qu'aujourd'hui nos yeux
ne verront plus, mais que les espaces virtuels et un peu d'imagination
peuvent aider à entrevoir?
Pourquoi ce quartier de Paris
plus qu'un autre ?
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Ce
travail est parti simplement autour de l'idée d'un ré-aménagement
urbain du bas du faubourg Saint-Denis : entre la porte monumentale
et la grande Poste proche du boulevard Magenta. L'objectif était de rendre
aux piétons l'espace conquis par l'automobile, et d'engager
un dialogue avec les résidents et les commerçants.
Pris "au piège"de certaines recherches sur l'historicité
des alentours de la Porte Saint-Denis, les découvertes
sont devenues si passionnantes, qu'il fut difficile de résister.
Les sources furent abondantes, à la limite du trop plein
et certaines reposaient sur des données par toujours fiables.
Il importait de trouver des travaux mettant en lumière
les évolutions urbaines. Il y avait le désir de
pouvoir parler de Paris autrement, sortir d'une histoire trop
conventionnelle, sans pour autant tomber dans une histoire "localiste".
La richesse en mémoire de la capitale est telle que l'histoire
d'un lieu peut se subdiviser sur des segments nombreux. Ce qui
pouvait sembler limité est devenu une somme de travail
et au fil du temps et des recherches a fini par trouver une certaine
cohérence. Et, il reste du travail sur la planche, notamment
pour de jeunes historiens en recherche d'un sujet. Ce travail
reste partiel avec de possibles approximations, mais attention,
il n'est pas le fait d'un historien ou géographe diplômé, ni d'un urbaniste et n'a
aucun caractère universitaire. Au mieux son but est pédagogique
ou d'ouvrir des pistes à d'autres curieux. |
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La
mémoire historique est un outil complexe, quand l'hypothèse
devient un enjeu de recherche, tout à chacun peut ainsi
participer et apporter sa contribution. Simplement à titre citoyen, il suffit d'avoir
un goût prononcé pour la recherche, même en
tant qu'amateur. C'est aussi un moyen de transmission pédagogique
adapté pour donner goût à l'observation et
aux espaces dans lesquels nous vivons, ou bien déambulons de temps
à autre. Et c'est l'occasion d'aborder diverses choses, comme
l'architecture, la vie artistique ; plus largement, découvrir la vie sociale
et économique, et bien d'autres domaines. |
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Si l'histoire en devient un peu trop localiste,
il est difficile d'expliquer les influences extérieures,
les causes parfois répétitives des conséquences
d'un urbanisme qui se dégrade, ou change de propriétaires
ou de populations, etc. Voire,
prenant le pas des marchés spéculatifs, quitte
à sacrifier quelques bijoux immobiliers du dix-huitième
siècle, comme ce fut il y a encore quelques années
(du temps de la main mise du RPR et ses réseaux sur la
capitale). Le patrimoine parisien demeure relativement opaque
et "Paris Ville Propre" a fait le reste. Si l'on s'attarde
à savoir qui sont les grands propriétaires de la
capitale, nous trouvons : la Ville de Paris, l'Archevêché,
l'État ou des entreprises nationales comme la SNCF, la Poste, etc. Ces
institutions sont à la tête d'un patrimoine considérable
et au prix du mètre carré à Paris, on reste
rêveur devant les ors de la république et du clergé.
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Petite histoire
urbaine du quartier de la Porte Saint-Denis |
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Nous
vous proposons une visite virtuelle au sein d'un quartier de Paris
: de la Porte Saint-Denis, dans le dixième arrondissement de la
capitale.
Une promenade sur un petit
bout de terre à la loupe des mémoires, pour découvrir
comment au fil du temps un petit morceau de la capitale évolua et se transforma.
Ci-contre
: carte fin dix-huitième siècle
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Le Paris d'avant la Renaissance nous laisse en
apparence peu d'empreintes. Par
exemple de la période du Moyen Âge, les plus vieux immeubles parisiens
datent de 1407 (Maison construite pour Nicolas Flamel, alchimiste, 3ème
arondissement) ou de 1431 (quartier du grenier Saint-Lazare, près de
Beaubourg). Il
s'agit des rares vestiges immobiliers de cette époque dans la
capitale. On pourrait penser qu'il y a moins de traces datant de
l'antiquité gallo-romaine? Ce qui est vrai en terme de visibilité, faux
si l'on sait que se cachent de nombreuses fondations, ou que les
matériaux ont été recyclés au service de nouvelles constructions datant
de la Renaissance et des Temps dits Modernes. |
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Si
certaines villes en France ont pu conserver leurs centres villes
médiévaux (Dijon, Le Mans, Quimper, etc.), ce n'est pas vraiment
le cas de Paris. Première
évidence, cette ville est relativement petite et dense,
notamment en rive droite. Sans compter les incendies, les fortifications
et les guerres qui allaient provoquer des destructions et des
reconstructions. Sans omettre la volonté des monarques
de marquer à chaque période une évolution
architecturale, et de fait urbanistique.
Ce qui conduisit cette ville à changer plusieurs fois de visage et laisser assez
peu de place à ce qui est antérieur au XVe
siècle. Il y aura surtout de la part du pouvoir impérial,
sous l'égide du baron Haussmann, la volonté de
détruire les restants médiévaux. Il fallait
que l'armée puisse se déplacer dans la ville et
réprimer les foyers révolutionnaires. Et comme
Paris ressemblait à un labyrinthe, on peut imaginer l'ampleur
des travaux et les nombreuses expulsions que cela provoqua. |
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Nomenclature du quartier de la Porte Saint-Denis |
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Depuis 1860 et sa dernière délimitation
administrative, la superficie du quartier est de 47 hectares, pour 286 hectares pour le 10ème arrondissement. Le quartier actuel commence boulevard
de Bonne Nouvelle, en son sud, et prend fin en son nord au boulevard
de Magenta. Le faubourg Poissonnière se trouve en son
extrémité est, et le boulevard de Strasbourg à
l'ouest. Cette entité administrative jouxte les 2ème, 3ème, et le 9ème arrondissement et
les quartiers Saint-Martin et Saint-Vincent de Paul au sein de
la même localité. |
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Avant 1860, le quartier
Saint-Denis était en quelque sorte un espace mouvant. Sa configuration géographique allait plusieurs fois changer, s'étendre au fil du temps du
centre vers le nord de la capitale. Il a connu pour premier
et bref emplacement l'ile de la Cité, sous probablement
les Mérovingiens. Puis on le retrouva en rive droite vers l'actuel deuxième
arrondissement, progressant sur plus de six siècles jusqu'au
sud du quartier actuel de Saint-Vincent-de- Paul. Le
quartier St-Denis fut rattaché avant 1860 au 5e arrondissement de
Paris, et était la neuvième paroisse dite de Saint-Laurent avant 1789
englobant les quartiers St-Martin et St-Denis et un peu plus, son
étendu touchant plusieurs quartiers actuels. Napoléon III rattacha
les villages limitrophes, tous ceux en limite des barrières
de l'octroi construites sous la direction de Nicolas Ledoux. Le prince-président réorganisa ainsi la carte administrative
de Paris, et constitua le paysage moderne de la capitale avec
ses 20 arrondissements. Le quartier de la Porte Saint-Denis est
inclus depuis au dixième arrondissement de Paris.
Ci-contre, un plan du quartier de la fin du XVIIIe s.
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Noms
des rues du quartier de la Porte Saint-Denis (*) : Square
Alban Satragne - Boulevard de Bonne Nouvelle - Impasse de Bonne
Nouvelle - Rue d'Enghien - Rue de l'Echiquier - Cour de la Ferme
Saint-Lazare - Passage de la Ferme Saint-Lazare - Rue de la Fidélité -
Rue du Faubourg Poissonnière - Rue du Faubourg Saint-Denis - Rue
Gabriel Laumain - Cité d'Hauteville - Rue d'Hauteville - Passage de
l'Industrie - Rue Jarry - Rue de Mazagran - Rue de Metz - Rue des
Messageries - Rue Martel - Passage du Prado - Cour des Petites Ecuries
- Passage des Petites Ecuries - Rue des Petites Ecuries - Cité Paradis
- Rue de Paradis - Passage Reilhac - Boulevard de Strasbourg - Porte
Saint-Denis – Une partie de la rue de Chabrol - Et la rue récente du docteur Léon Schwartzenberg, dernière voie
créée, mais fermée à partir de certaines heures.
(*) Avec Wikipédia vous pouvez retrouver la nomenclature rue par rue des voies de circulation de la capitale.
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Historique routier, en bref |
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L'axe principal du quartier
Saint-Denis est le faubourg Saint-Denis - cette rue a porté
aussi le nom de faubourg Saint-Lazare (en 1793, un court temps on le nomma le
faubourg de Franciade).
Le
faubourg est la continuation de la rue Saint-Denis, qui s'est formée à
partir de l'ancienne prison du Châtelet. Ce qui constitua longtemps la
route de Saint-Denis et débouchait sur le village de La Chapelle,
environ une lieue plus loin, puis vers la Basilique du même nom en
Seine-Saint-Denis.
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Porte St- Denis vers 1920
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La
route de Saint-Denis fut une ancienne voie royale, elle servit
à la fois pour les enterrements royaux, et les entrées
solennelles dans Paris.
Là
où les bourgeois, surtout le clergé et l'aristocratie venaient
accueillir ou faire leurs adieux aux monarques. Le faubourg
Saint-Martin et le faubourg Saint-Denis sont les deux principaux nœuds
de communications en rive droite depuis le "cardo" romain. Le faubourg
Saint-Martin fut longtemps considéré comme l'axe principal de
communication, en raison de ses origines qui datent de la période
gallo-romaine, il a été aussi nommé faubourg Saint-Laurent en sa partie haute. |
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Signification
de "faubourg": les
faubourgs sont les rues qui viennent de l'expression "fors le bourg",
c'est-à-dire en dehors des remparts de la ville. A Paris le
prolongement de rues partait de son centre sur Saint-Denis,
anciennement Saint Jacques, etc. Les faubourgs sont l'expansion sur
plusieurs centaines d'années d'un urbanisme relativement anarchique.
Les fauxbourgs pour ancienne orthographe se trouvaient
hors des enceintes fortifiées jusqu'à Louis XIV.
Etymologie
de "banlieue" : De
l'ancien français, la banlieue est issue du latin médiéval, elle
désignait un « espace d'environ une lieue autour d'une ville, sur
lequel s'étendait le ban dans la société féodale ». Le ban se référait
à une juridiction, une unité sous le pouvoir d'un seigneur et une autorité en mesure de prononcer des jugements.
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Conseils
aux visiteurs, si d'aventure il vous prenait d'arpenter ce quartier
: un
conseil avisé, prenez votre temps et venez respirer, non pas l'air pur,
mais découvrir un quartier très vivant et représentatif de ce que le
Paris populaire a pu vivre. Subsiste de nos jours un harmonieux mélange
culturel (Indiens, Sri Lankais, Turques, Pakistanais, Kurdes, etc.). Une visite tard
en soirée s'impose, la journée "ça grouille" de toute part et l'on ne
se rend pas toujours compte de la beauté de ce lieu et de ses méandres.
Avec la lumière du soir, vous vous rendrez
compte que ce quartier regorge de choses à voir, l'architecture
locale va principalement du XVIIe siècle, au style empire et aux immeubles
d'après Haussmann, avec une note art-déco (années 1930) ici ou là. En journée, vous pouvez vous
promenez dans ce petit labyrinthe et avoir de belles surprises.
À cela un seul geste, poussez ou faufilez-vous par les portes cochères,
à vous de découvrir des espaces qui échappent
au regard et qui valent le détour. Vous pouvez aussi continuer
votre promenade vers la gare de l'Est et le Canal Saint-Martin.
Il suffit de traverser le canal pour découvrir l'hôpital
Saint-Louis et sa splendide cours carrée (ouverte en journée).
Par ailleurs attention aux luxations du cou, regarder des immeubles
demande de s'arrêter ou de regarder en l'air... |
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Les premières fondations du quartier Saint-Denis |
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Le quartier St.-Denis
muta jusqu'en 1860, pour connaître son actuelle configuration
au sein du dixième arrondissement de Paris. Lors
des dites "invasions", au début du premier millénaire les habitants se
réfugièrent sur l'île de la Cité fortifiée (les premiers remparts), au
lieu dit de Saint-Denis, possiblement à proximité de l'ancien Palais
gallo-romain construit sous l'empereur Julien dit l'Apostat. C'est du
moins la
première mention écrite faisant référence à ce lieu ou toponyme dans
les textes anciens.
Au cinquième siècle,
l'actuel faubourg Saint-Denis n'était qu'un simple sentier. La première
implantation au sein de l'actuel 10ème arrondissement
se fit un peu au nord sous les mérovingiens, au sein
de la paroisse et de l'ancienne basilique Saint-Laurent, qui se situait au dessus de la Gare de l'Est.
L'église plus basse serait possiblement du XIIIe siècle et où se trouve
probablement l'une des plus vieilles maisons de la capitale. Elle est
attenante à l'église Saint-Laurent au sein d'un jardin et pourrait
dater du XVe siècle, comme la structure de l'édifice actuel, qui se vit
rajouter au XIXe siècle une façade nouvelle et lui donna des apparences
gothiques (style néo-gothique).
Le
premier nom toponymique de Saint-Denis prend son départ
de nos jours à la hauteur de la rue des Tuileries. C'est à partir de la rue
Saint-Denis (au sein du 1er arrondissement actuel) que la route s'organisa
vers le nord et sur la rive droite en direction de la Ville de
Saint-Denis. Non loin de l'ancien cimetière des Innocents
se trouvèrent les premières bases urbaines du quartier,
plus exactement une paroisse dite de St-Denis.
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Le
quartier est une innovation administrative tardive, la paroisse
représentait la structure de base de l'ancien régime monarchique. Il s'en suivit au début
du deuxième millénaire l'édification des
portes fortifiées de Saint-Denis (dite des peintres) et de Saint-Martin. Elles
se trouvaient à la hauteur de l'actuelle rue Étienne Marcel. Pour repère elles virent le jour sous Philippe Auguste
sous ces noms.
Au sein de ce qui allait advenir
le faubourg Saint-Denis, ce fut vers 1100 qu'un ordre chevaleresque
ouvrit ses portes à une léproserie. S'y trouvait quelques aristocrates
qui combattirent pour Jérusalem et se virent attribués une léproserie déjà existante,
C'est ainsi que se constitua
l'un des plus vaste domaine privé parisien, le lieu
dit de Saint-Lazare, à l'origine de Saint-Ladre. Il occupa une surface équivalente
à un peu plus de cinquante hectares, soit plus que la
superficie du quartier Saint-Denis actuel. La lèpre gagnait
du terrain, la maladie provoquait de grandes peurs et l'on maintenait de préférence
à bonne distance "les pestiférés"
de la cité et de ses murailles.
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Il est difficile de comprendre l'expansion de cette partie
de la capitale sans se plonger dans les communautés religieuses.
On découvre
ainsi que le quartier de la Porte Saint-Denis a été le résultat
d'un développement que l'on doit principalement à
des ordres non contemplatifs. Ils répondaient à
des fonctions charitables ou d'hospitalité.
Ces ordres acteurs de la charité évoluèrent,
changèrent de noms ou fusionnèrent et ont été propriétaires
jusqu'à la fin dix-huitième siècle d'une
grande part des terres du quartier et du domaine disparu de Saint-Lazare.
Jusqu'à ce que la Révolution française mette en œuvre
des expulsions et la récupération des terrains.
Ces ordres charitables connurent une forte activité et rendirent de nombreux services
aux populations indigentes, malades, sans éducations ou
de "petite vertu", comme l'on disait en d'autres temps.
Les misères humaines se concentraient en dehors des murailles et accédaient ainsi à
cette maigre manne, plus spirituelle que charitable.
Il n'y a pas à instruire un pour ou contre, mais à
suivre les évolutions du pouvoir royal, et l'histoire
politique et religieuse de Paris. Au début deuxième
millénaire, on peut parler
des prémices de l'humanisme. De l'importance de cette
charité très ordonnée pour répondre à une misère
chronique (plus ou moins importante selon les époques, mais avec un grand pic de pauvreté au XVIIe siècle),
mais relativement constante au sein et autour des faubourgs du
temps des fortifications. Les entrées de Paris ne laissaient
pas tout le flot humain s'engouffrer dans les enceintes, et une
majeure partie des miséreux, souvent des vagabonds vivaient hors la ville.
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| | Sur un plan de 1383 (ci-contre), l'on trouvait quelques bâtiments et
terres-pleins, des terres cultivées ou aménagées,
des espaces boisés ou maraîchers. L'urbanisation resta modeste, mais
la vie citadine prenait forme à grand pas, la banlieue d'autrefois
ne ressemblait pas encore à la ville, elle conservait un aspect brin
de campagne. Les portes étaient toujours sous une haute protection
et laissaient place à l'extérieur aux faubourgs émergeant.
Au XVe
siècle le quartier
Saint-Denis était quasiment relié à la capitale,
mais pas encore au sein de Paris. Un peu plus de 200 ans après Philippe Auguste, on engageait
à nouveau des travaux d'agrandissement sur la rive droite.
Le deuxième et troisième arrondissement (actuel) furent inclus à la ville nouvelle, les fauxbourgs apparurent
à partir du cinquième "Plan de la Ville de
Paris".
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Le
quartier d'origine ne part pas de la même configuration
géographique que celle que lui affecta en 1860, Napoléon
III. Elle
changea et se déplaça avec le temps plus au nord, à quelques deux
kilomètres de son point de départ présumé. C'est au sein de l'actuel
deuxième arrondissement que la paroisse Saint-Denys vit véritablement
jour. Administrativement, elle englobait entre autre la partie nord du
quartier Montorgueil. Au nord se tenait la paroisse Saint-Laurent sur un territoire plus
large, qui évolua au fil des changements du royaume, surtout en regard des
configurations urbanistiques et politiques, qui ne cessèrent de se transformer, se surajouter et
modifier le paysage urbain en raison de l'expansion de la capitale,
notamment en rive droite.
Le
premier acte connu, qui
authentifia la première implantation attestée au sein de
l'actuel quartier de la Porte Saint-Denis, date du XIIe
siècle, selon Gautier de Silbert et pas seulement, auteur de Histoire des ordres royaux hospitaliers-militaires de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem, publié en 1772 :
« Tout le monde sait les causes principales du mauvais succès de
cette croisade, qui méritait notre attention, puisqu'elle donna lieu au
premier établissement de l'Ordre de Saint-Lazare en France. Le dessein
de Louis VII, en amenant avec lui un certain nombre de Chevaliers de
Saint-Lazare, n'était pas de laisser dans l'inaction des hommes dont
l’activité, le zèle, la bienfaisance, pouvaient être si utiles à l'Etat
& aux citoyens: aussi s'empressa-t-il de leur donner une résidence,
des biens, une administration. Je n'examinerai pas si dès lors ils
eurent la direction générale des Léproseries, Maladreries & autres
lieux de cette nature ; je réserve pour l'époque suivante la discussion
de ce point essentiel, & j'entre dans les détails des bienfaits
qu'ils reçurent de Louis le Jeune.
Plusieurs auteurs disent, & après eux ceux du Gallia Christiana,
que ce Prince, en arrivant en France donna aux Chevaliers de
Saint-Lazare une église située entre le faubourg Saint-Denys &
celui de Saint-Martin, avec un ancien palais qui était contigu. II est
certain qu'il y avait déjà dans cet endroit un hôpital pour les lépreux ; il en est parlé dans un titre de l’an 1100, & le moine Odon (de Tournay),
témoin oculaire du fait qu'il rapporte, dit que le mercredi 11 juin
1147, Louis VII, dit le Jeune, allant prendre l'oriflamme à
Saint-Denys, visita l'hôpital des Lépreux, situé sur sa route : c'est
cette même année qu'il accorda à cette Maladrerie le droit de chauffage
dans le bois de Vincennes.
La reine Adélaïde est regardée comme la fondatrice de cet hôpital, pour
lequel Louis-le-Gros son mari établit la foire de Saint-Lazare. Il est
donc tout naturel, puisqu'il y avait déjà dans ce lieu une Léproserie,
que Louis VII, aussitôt après son retour, l'ait donnée aux Chevaliers
de Saint-Lazare, en y ajoutant en leur faveur l'ancien château & la
chapelle qui étaient dans le voisinage de l'hôpital, d’où l’église prit
le titre de Saint-Lazare, qu'elle ne portait point auparavant : c'est
ainsi que la nomme Rigord, historien de Philippe-Auguste, sous l'an
1191. » (source Gallica Bnf, page 51 et 52)
Avec
Philippe Auguste, Paris s'élargissait sur la rive droite,
et une porte fortifiée dite de Saint-Denis (et des Peintres) prenait nom et place
à partir de 1190, fin des travaux en 1220. Elle était la deuxième enceinte fortifiée en rive droite,
la première disparue datait des premiers siècles comme la
possible conséquence des mouvements des populations venues de l'Est et
du Nord de l'Europe. L'oeuvre devait être imposante, des
fossés larges protégeaient l'accès à
la citadelle, et les passages des marchandises ou individus se
faisaient par les portes. Hors des remparts, la route de Saint-Denis
se prolongea avec de nouvelles habitations, de même celle de Saint-Martin, mais plus modestement.
Louis
IX (mort en 1270) renforça pendant son règne le
rôle des processions, et de certains rites au sein du faubourg,
le long de la route Saint-Denis. Ce fut aussi le chemin des dépouilles mortuaires
des grands du royaume. Sur cette même route les condamnés
du gibet de Montfaucon faisaient une dernière halte devant
le couvent des Filles-Dieu. Au devant duquel se tenait une croix
devant laquelle les religieuses donnaient : "trois morceaux
de pain et un coup de vin, avec des paroles de charité".
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L'on découvrait ainsi
deux sorties, deux portes fortifiées, la plus imposante
fut probablement celle de Saint-Martin, tout comme celle du Temple
voisine, en sa partie orientale une porte plus modeste, celle de Saint-Denis,
dite des peintres.
Vers 1370, Charles V faisait
édifié de nouvelles enceintes, qui repoussaient les
limites de la rive droite à la hauteur actuelle des "grands-boulevards" (dénomination
tardive ou contemporaine partant de l'ancienne place du Château d'eau - place de la
République - jusqu'à l'église de la Madeleine).
Pour
protéger la ville il fallut aussi favoriser son expansion vers le nord,
ce qui fut aussi dénommé comme la partie basse, ou haute en sud, selon
Guillebert de Metz.
Le roi Charles V allait ordonner de mettre en œuvre un travail
considérable, et a du être la
cause d'une croissance économique soutenue.
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De
plus, les effets du développement des biens marchands
en Europe firent de Paris un axe marchand. Les notables et la Cour s'assuraient de la protection
et aussi de l'accroissement de la Ville, plans et marchés
ou "conduites à tenir" furent délivrés
aux bâtisseurs. Ce fut sous Charles VI en 1383 que s'achevèrent
les travaux, sans aucun doute importants, puisqu'ils s'étendirent
sur 16 années (1367-1383).
En
tout début de l'actuel dixième arrondissement, une entrée fortifiée était construite sous
Charles V (vers 1370), cette enceinte préfigurait
les futurs "Grands-Boulevards" de la Madeleine à la Bastille, nommé un temps le Boulevard ou le Boulevart (XVIIIe et XIXe s.). De
la sortie de la Porte fortifiée de St-Martin, jouxtant
la porte de Saint-Denis, la Villette (dit de St-Ladre) était le premier Village à
environ 2 kilomètres à vol d'oiseau. C'était un espace inoccupé qui s'organisa
tant bien que mal, et l'entrée sur Paris n'était
pas facile d'accès. Surveillances, contrôles, les
marginaux se tassaient aux entrées des portes. La présence
des ordres charitables confortaient cet état de fait, et
l'on retenait les humaines misères économiques et sociales
aux portes de la capitale politique.
Ce qui allait devenir, ou préfigura le quartier de la Porte Saint-Denis dénombrait 200
contribuables et quelques milliers d'habitants autour du faubourg
de Saint-Lazare, son appellation d'époque. Le
premier recensement fut organisé au quatorzième siècle à partir des
prélèvements fiscaux comme la taille, un impôt de l'Eglise. La campagne
avec le temps devenait "rurbaine", et les deux mêmes voies de
communications dominaient, l'une allant sur la ville de Saint-Denis, où
l'on rendait hommage au lieu dit de St-Ladre aux déplacements royaux,
l'autre axe sur les Flandres via le faubourg St-Martin (et plus haut de Saint-Laurent)
étant la plus vieille
voie de communication sur le Nord de la France.
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La foire Saint- Laurent
La foire Saint- Laurent : Reproduction d'une pièce unique de la collection Bonnardot
publiée dans le livre de M. Heulhard, La Foire Saint-Laurent (*).
(...) Plusieurs
établissements religieux avaient le privilège d'ouvrir des boutiques
dans leur enceinte. Les fêtes patronales de la plupart des paroisses de
Paris donnaient également lien à de petites foires qui s'établissaient
aux alentours de chaque église, à peu près comme celle qu'on voit
aujourd'hui près Saint-Étienne-du-Mont (rive gauche), aux premiers
jours de janvier, durant la neuvaine de Sainte-Geneviève.
On y vendait des images et tableaux de sainteté, des chapelets, des
bouquets, des heures et livres de piété, des objets de dévotion, et
aussi toutes sortes de babioles pour les enfants, pain d'épice et pain
mouton (c'est-à-dire du pain mollet doré avec du jaune d'œuf et mélangé
de sucre et d'anis), oublies et gaufres historiées de sujets pieux. Une
des plus renommées parmi ces petites foires était celle qui revenait le
24 août, devant l'église Saint-Barthélémy (île de la Cité), située
vis-à-vis des galeries du palais de justice. Le premier jour de l’an
était aussi précédé, accompagné et suivi d'une grande exhibition de
baraques foraines, où les friandises, les jouets et les almanachs
remplissaient un rôle important (1).
Une plus longue
description de cette foire aux étrennes, qui autrefois s'étalait sur le
Pont-Neuf, et qui aujourd'hui occupe surtout la ligne des grands
boulevards, serait parfaitement inutile.
La foire Saint-Laurent a
été rejetée dans l'ombre par la foire Saint-Germain, dont elle n'égala
jamais ni la gloire ni les magnificences, mais à côté de laquelle
néanmoins elle mérite une histoire spéciale. C'était une foire d'été,
et l'autre une foire d'hiver. Elle se tenait à l'extrémité opposée de
Paris, dans un enclos dont le boulevard de Strasbourg traverse
aujourd'hui l'emplacement, et sa durée, d'abord d'un seul jour, finit
par s'élever jusqu'à trois mois, du 28 juin au 30 septembre.
Elle était issue de la
foire Saint-Lazare ou Saint-Ladre, concédée par Louis le Gros, dans les
premières années du XIIe siècle, aux religieux de la léproserie de
Saint-Lazare, et qui s'étendait d'abord dans des terrains vagues sur la
route de Saint-Denis, puis qui se rapprocha peu à peu des faubourgs. En
la rachetant au prieuré de Saint-Lazare (1181) pour la transférer aux
Halles, Philippe-Auguste constitua à ce prieuré, en guise d'indemnité,
une rente perpétuelle de trois cents livres, que le domaine royal
acquittait encore au XVIIe siècle.
De là naquit la foire
Saint-Ladre en Paris, qui végéta à la pointe Saint-Eustache jusqu'à la
fin du XVIe siècle. Mais l'ancienne foire, un moment interrompue, ne
fut cependant point définitivement supprimée, et ne tarda même pas à
reprendre l'avantage sur celle qui devait la remplacer.
Nous ne pouvons la
suivre dans toutes ses péripéties originelles. Il suffit de dire que
c'est en 1663 qu'elle se fixa enfin, entre les faubourgs Saint-Denis et
Saint-Martin, au-dessus de l'église Saint-Laurent, sur un emplacement
invariable disposé tout exprès pour elle, et couvert de constructions
définitives. Jusque-là elle n'avait occupé que des échoppes faites à la
hâte, des établis découverts et des parcs jonchés de paille.
En 1663, les prêtres de
Saint-Lazare, à qui elle appartenait, firent bâtir dans un enclos
l'espèce de petite ville foraine que l'on voit figurer, avec ses
divisions par quartiers, rues et préaux, dans les plans de Paris
postérieurs à cette date. On y pénétrait par quatre portes, qui
s'élevèrent par la suite au nombre de six.
A l'enclos proprement dit s'adjoignaient deux importantes dépendances :
le préau des Carrosses et le préau des Spectacles. Les rues bien pavées
de cette ville de bois étaient plantées de beaux arbres, acacias et
marronniers, qui leur donnaient un aspect riant et champêtre. Elle
avait la forme d'un échiquier coupé par dix rues transversales, dont
chacune portait un nom.
Le quartier du commerce
comprenait douze carrés de corps de boutiques, où s'ouvraient environ
deux cent soixante loges, sans compter les nombreux appentis adossés au
mur d'enceinte. La poterie, qui était à la foire Saint-Laurent, avec la
faïence, l'objet d'un commerce très étendu, se vendait à part.
En 1678, la duchesse de Cleveland y
fit exposer et mettre en vente sa magnifique collection de porcelaines
chinoises, et ce fut un événement dont tout Paris s'occupa beaucoup.
A peine la nouvelle foire
Saint-Laurent était-elle inaugurée, que Loret se hâta d'en donner une
description dans sa Muse historique, en faisant ressortir le contraste
qu'elle présentait avec l'ancienne :
Cette foire n'était jadis
Qu'un assez mal-plaisant taudis,
Où les patins, robes et cottes
Amassaient souvent bien des crottes;
Mais on y voit présentement,
Par un grand accommodement.
Avec des structures égales,
Quatre assez spacieuses halles (2)
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Deux ans après, François Colletet en donnait une description burlesque, mais peu précise, dans son Tracas de Paris (3). Tous
les chroniqueurs contemporains appuient sur le caractère populaire de
cette foire, sur le tapage, et particulièrement sur le bruit des
tambourins et des sifflets qui en remplissaient l'enceinte. Les
sifflets étaient pour la foire Saint-Laurent ce que furent plus tard
les mirlitons pour celle de Saint- Cloud. « Il n'est fils de bon père et de bonne mère à qui on n'en achète, » dit Sauval.
Sa position presque
suburbaine en faisait le rendez-vous des paysans de la banlieue, comme
des gens de moyenne et basse condition. Le public brillant et spécial
de la foire Saint-Germain, les grands seigneurs et les grandes dames,
les petits-maîtres, les pages, les écoliers, les laquais, ne venaient
là que par accident, et le genre des transactions s'y ressentait
naturellement de la différence du public.
Cependant au commerce primitif s'adjoignit par degrés un commerce plus
relevé, à mesure que l'importance de la foire augmentait et qu'elle se
peuplait de spectacles plus nombreux et plus variés, qui y attiraient
les amis du plaisir. Les orfèvres, bijoutiers, peintres, tabletiers,
ébénistes, marchands de cabinets et d'objets curieux s'y établirent peu
à peu auprès des forains primitifs. (...)
Notes de l’auteur :
1 - Fr. Colletet, les Tracas de Paris.
2 - Lettre du 25 août 1663.
3 - On peut parcourir aussi, pour le commencement du XVIIIe siècle, la Foire Saint-Laurent, comédie de Legrand.
Souce : Le Vieux Paris, fêtes, jeux et spectacles, Victor Fournel,
pages 70 à 76, éditeurs, Alfred Mame et Fils (Tours - 1876)
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La Neuvième paroisse de Saint-Laurent comme préfiguration du quartier
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Plan de 1589 ou le sixième plan de la Ville de Paris - Rive droite (règne d'henri III)
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Louis
XIII à son tour fit renforcer les fortifications, entre autres il fit
élargir un peu plus les fossés, mais qui finirent en rejet des
immondices avant la démolition de l'enceinte fortifiée en 1670 sous son héritier. Au milieu du seizième siècle, le
quartier était encore le début de la campagne parisienne avec la
présence d'une agriculture maraîchère importante, et le résultat de
l'assèchement partiel des marais en terres fertiles ou constructions.
C'était encore un espace
semi-rural, avec ses parties marécageuses qui vit l'apparition progressive d'hôtels particuliers par
le rachat d'emplacements qui appartenaient en grande partie aux
congrégations religieuses (Filles-dieu et Lazaristes). Ces
confréries étaient à l'échelle
de l'époque des "O.N.G". ayant un siège et des activités diverses au
sein du faubourg Saint-Denis, comme les Dames ou Filles de la Charité,
qui suppléèrent les Lazaristes et tinrent leur maison en face des logis
de cette ancienne maladrerie devenue propriété de Vincent de Paul et des
membres de son ordre, en février 1632.
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Plan jusqu'en 1643 ou le septième plan de la Ville de Paris - partie rive droite (règne de Louis XIII)
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Sous
son règne Louis XIV allait mettre en œuvre un travail important
d'embellissement, les
anciennes fortifications allaient laisser place à des remparts sur les fossés comblés, ils permirent le renflouement des immondices concentrés
dans les fosses, et ouvrit à une très belle promenade avec de
nombreuses rangées d'arbres.
De la Bastille à la Madeleine une large allée se dessina sur ce qui allait devenir le circuit des Grands Boulevards. Ce fut
l'architecte Blondel qui recevit la commande de la porte monumentale de
Saint-Denis, elle a été consacrée aux victoires du roi dit Soleil, celle de
Saint-Martin fut édifiée sous la conduite d'un de ses éléves : Pierre Bullet.
Paris
sous Louis XV une nouvelle fois s'agrandissait et s'en allait pousser
ses limites un peu plus loin à ce que l'on nomma la
barrière d'octroi. Ce
qui allait dessiner une nouvelle ceinture parisienne, une de plus, et
toujours avec le même rôle repousser la misère un peu plus loin, et
encaisser les taxes, contrôler la population. De fait le paroisse ou le
quasi quartier Saint-Denis partant des Grands Boulevards à la rue
de Paradis ne
pouvait que s'embourgeoiser. Mais, ce fut par la suite le commerce et
l'industrie qui allait prédominer, et de la nécessité de loger les
ouvriers, apprentis et gens de maison.
A
la fin du XVIIe siècle des hôtels particuliers avaient été
construits par de riches bourgeois et aristocrates, des maisons de
campagne au nom de "folie", ou sinon des immeubles de rapport que
firent construire les ordres religieux pour les louer. S'amorçait la mutation
de ce quartier, en un espace de villégiature, la présence
d'arbres fruitiers et de produits maraîchers vit l'installation
d'une population aisée au sein de cet espace conquis
par les ordres de charité et lieux de prêche.
S'installèrent les Petites Ecuries Royales, d'où la rue et la cours des Petites-écuries attenantes au faubourg. Le
nom de Petites Ecuries était dû à la présence des accessoires pour les
chevaux et calèches de la Cour, et des métiers qui s'affairaient à
l'entretien et à la production des pièces utiles pour entretenir les
attelages. Dans le faubourg St-Denis, les prêtres de la Mission (Lazaristes) firent
construire en 1719 et en 1756 des belles et imposantes maisons dans le faubourg (du
numéro 99 au 105) - qu'ils louèrent à des aristocrates : les Marquis de
Touteville et de Sabrevois (en 1763).
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Plan des Paroisses parisiennes dit de Junié (1786)
Plan de Jean Junié (*) avec les terrritoires des paroisses St-Laurent (en jaune), Bonne Nouvelle et St-Martin, etc.
(*) Ingénieur
géographe de l'archevêché de Paris, géomètre des eaux et forêts de
France, reçu à la maîtrise particulière de Paris, demeurait en 1790 rue
Mouffetard. Auteur avec Rittmann de l'atlas de la censive de
l'archevêché de Paris en 49 planches en couleur achevé en 1786.
Source et crédit Gallica - Bnf
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A souligner que le faubourg Saint-Denis restait une
artère importante, elle donnait sur Troyes et l'Est de la France,
et de l'Europe : une
voie aussi de transit vers le Ventre de Paris (les anciennes Halles ou
l'ancien Champeaux) pour l'alimentation de tous les Parisiens. Le
faubourg Poissonnière tient son appellation du passage des marchands de
poisson au Moyen Âge qui venaient des ports du nord de la France, il
fut aussi nommé le faubourg ou la rue Saint-Anne. Les villages les
plus connus, Montmartre pour exemple était encore à une certaine distance, mais de plus en plus courte de
la ville au début du dix-huitième siècle. Ces villages conservaient
un air de campagne et dessinaient la banlieue d'avant, ou le besoin
d'espace du Paris d'antan qu'ont pu former les villages, ce qui fut à
l'origine des petits et gros bourgs : La Villette, La Chapelle,
Belleville, Ménilmontant, etc.
Avec
une présence policière forte, la ville de Paris resta longtemps
une ville suspecte.
Le
pouvoir royal a toujours vécu la présence du petit peuple comme un
danger de soulèvement. Avec l'installation de commerçants, d'artisans,
la présence des petits métiers de rue, ces nouvelles artères que représentaient
les faubourgs de la capitale allaient engager un processus économique et
urbain considérable. En rive droite, l'expansion de Paris se concentrait
un grand centre industriel, les manufactures éclosaient et allaient participer d'un tournant industriel.
L'urbanisation et la densification du
quartier Saint-Denis débuta véritablement avec la disparition des
murailles et surtout avec le recul ou la vente de terrains à de
nouveaux propriétaires. Ce
qui a appartenu aux congrégations religieuses - Lazaristes, FIlles de
la charité - il en demeure toujours quelques réalisations (du XVIe s.
au XVIIIe s.). Ces édifices sont encore de nos jours visibles
pour bonne part dans le bâtît d'origine. S'y construisirent par
ailleurs, des hôtels particuliers, des immeubles bourgeois avec des
activités artisanales ou commerçantes, des bâtiments militaires et des
locaux d'activités, avec deux casernes dont celle de la place du
Château d'eau (depuis la place de la République), et ne pas oublier les
petites écuries du Roy.
Charles Lefeuve, notice écrite en 1860
La
voie fut créée en 1780 sur l'ancien Grand égout collecteur de Turgot,
la rue débute dans le faubourg St-Denis et s'achève dans le faubourg
Poissonnière (ou rue Ste Anne sur le plan ci-dessus antérieur à son
ouverture).
Mme
la comtesse Gudin veuve d'un général de l'Empire, habite le 56 de cette
rue depuis l'époque où la paix de Tilsitt était conclue avec les Russes
par le maréchal Ney, dont la famille demeurait au 52. L'armée d'Espagne
attendait Ney, qui fit ensuite la campagne de Russie. M. Gamont dont
nous croyons que le maréchal était parent, et qui a rempli les
fonctions de préfet, possédait alors la maison, dont M. Lathae,
officier au gardes françaises, avait été le créateur en l'année 1783 ;
M. François Cottier, banquier, puis membre du conseil municipal de
Paris, s'en rendit acquéreur sous la Restauration, ainsi que du 54. M.
André, associé de M. Cottier, et qui lui a donné son fils pour gendre,
a occupé de même le 46.
Or la plupart des hôtels qui se suivent sur cette file et sur l'autre
le 51 doivent à des rapports de style et d’âge a être attribués en
masse à un architecte du comte d'Artois, qui n'aurait travaillé pour
lui-même qu'au 48. Cet immeuble a été le théâtre d’un crime sous
Louis-Philippe : l'assassinat des époux Maës. Un autre, à M. Paravey,
peut se qualifier rétrospectivement hôtel d'Aumont. On a considéré
d'ailleurs, comme signé par Ledoux en 1780 un hôtel sis à l'angle de la
rue du faubourg Poissonnière et que cet architecte a habité, en sortant
d'un pavillon aux pères de Saint-Lazare, mais ledit hôtel a été
d'Espinchal avant la Révolution : la cour y séparait deux portes
cochères d'un vestibule rond à six colonnes. Mais ce n'est pas Ledoux,
c'est Bellanger que le comte d'Artois avait principalement pour
architecte.
Tous les immeubles circonscrits par les rues des Petites-Écuries, du
Faubourg-Poissonnière, de Paradis et d'Hauteville ont eu, sans
exception, pour origine foncière un marais vendu à Goupy, entrepreneur
des bâtiments du roi, moyennant 70.000 livres, par les filles-Dieu. II
avait fallu à ces dames, pour aliéner ledit terrain, des autorisations
spéciales, à commencer par celle que leur avait donnée, en 1771, dame
Julie-Sophie Gillet de Pardaillan d'Antin, abbesse de Fontevrault : le
couvent des Filles-Dieu était de l'ordre de Fontevrault. Les deux rives
de l'ancien égout de ceinture appartenaient encore, à ces religieuses
au moment de la transformation d'un chemin de l'Ancienne Voirie de
Saint-Denis en rue des Petites-Écuries. Il n'en était plus de même en
1738, d'après cet établissement de situation :
A gauche : Jardin de Ledru ; Marais
à Mme Pêcheur ; Idem à Mme de Champeron ; Idem à Ledru :
Grand marais à Michel Nugue ;
Marais aux Filles-Dieu.
A Droite : Maison à Drouin ; Dépôt du pavé
de la Ville ; Maisonnette au sieur Guénon ; Idem au sieur Buzelin ;
Voirie de Saint-Denis ; Marais aux Filles-Dieu.
Mais plusieurs lots avaient ensuite fait retour au couvent, puisqu'il
était propriétaire du sol plus ou moins nu des numéros 1, 3, 5, 7, 9,
11, et de plus encore, mais plus loin, lorsque Verne, contrôleur des
Petites-Écuries, fit couvrir l'égout de ceinture, en 1769, sur toute la
longueur de la voie, après avoir obtenu l'agrément du bureau de la
Ville à cet égard, Bignon étant prévôt.
Des chevaux et des voitures du roi avaient leurs écuries et leurs
remises au 15, où se trouve l'une des deux entrées de la cour dite
encore des Petites-Écuries. La surveillance en était confiée au
contrôleur, qui faisait du 13 son hôtel. Derrière lui demeurait Aubert,
sculpteur, peintre et doreur du roi, et son cabinet n'était pas l'une
des moindres curiosités de Paris. Il y avait jusqu'à un chapelain et
une chapelle, aux Petites-Écuries. Ne dit-on pas sur les lieux que
Ninon y avait tenu d'abord sa cour galante? Dans les roues d'une
tradition qui a fait son chemin sans bruit, ne jetons pas, en guise de
bâtons, que cette femme célèbre du XVIIe siècle avait déjà fermé les
yeux avant que la rue fût ouverte.
La cour des Écuries, qui a pu être un jardin pour Ninon de Lenclos,
a toujours eu sa porte principale sur la rue du Faubourg-Saint-Denis.
De ce côté, pas d'anachronisme. À la rue des Petites-Écuries, qui
aboutit près du Conservatoire, il manquerait à coup sûr quelque chose
si la musique n'avait pas voix au chapitre de ses souvenirs. Méhul, vers la fin de sa vie, demeurait au n°40.
Cet ancien élève de Gluck mourait à-peu-près au moment où se fêtait la
naissance d'un héritier présomptif de la Couronne, et quelle fête peut
aller sans musique ! Il s'ajoutait alors un intérêt de circonstance au
mérite si bien reconnu de l'ouverture du Jeune Henri, et la musique du
Chant du Départ, dont Méhul était aussi l'auteur, paraissait avoir fait
son temps. Une autre maison de la rue nous mettrait vis-à-vis
d'Alard, virtuose de nos concerts.
Source : Charles Lefeuve in Les anciennes maisons de Paris.
Histoire de Paris rue par rue, maison par maison. Cinquième édition
Editeur, Reinwald et Cie - Paris 1875 - Pages 133 à 135 -Tome 4 (Gallica-Bnf)
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Ce
fut progressivement le compte à rebours de la présence
des congrégations religieuses. Elles perdirent du terrain, de plus leurs vocations
charitables attirèrent plutôt les foudres de la bourgeoisie
locale, qui cherchait à s'étendre. Qui dit activités,
dit aussi gens de maison et ouvriers à loger, et peu à
peu la campagne devenait le poumon économique et industriel
de la capitale, des activités nouvelles allaient émerger.
Plus tardivement, le commerce allait y avoir une place importante,
en raison de la présence de fabriques, il exista jusqu'à
une usine à Gaz qui servit à l'alimentation de l'éclairage des Parisiens
dans le nord du quartier, non loin de la Grande poste.
Il
est difficile d'appréhender une évolution véritablement précise, de
faire l'état des lieux complet de ce patrimoine urbain soumis aux
changements des temps, sauf à faire un travail de cadastrage ou ventes immobilières sur plusieurs siècles... Mais là n'est pas le but ou souci du détail, il ne faut pas oublier
que le quartier Saint-Denis actuel a appartenu un temps au cinquième
et un bout du sixième arrondissement de Paris. Chaque construction administrative à
son importance et peut porter à faire certaines erreurs. À
partir de Louis XIV une véritable administration allait se
constituer, son pouvoir absolu favorisa un travail de recensement
considérable, jusque dans la surveillance des Parisiens
(des archives manuscrites à ce sujet se trouvent à
la bibliothèque de l'Arsenal).
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La
police et les mouchards ("les mouches" environ 3.000 espions) allaient avoir une place importante dans
la vie quotidienne des Parisiens, et l'on ne circulait pas dans la ville, si
l'on venait de l'extérieur le plus aisément du
monde.
Un des filtres dans l'actuel
dixième arrondissement s'opérait à la hauteur de la Rotonde de
l'architecte Nicolas Ledoux (ancienne halles aux blés, puis une caserne), la barrière
était à la hauteur de la rue d'Aubervillers (19ème arrond.). Où se
tenait en lieu et place la barrière d'accès, dite d'octroi, pour entrée
dans un des faubourgs du nord de la capitale. Puis, l'on trouvait
d'autres arrêts au sein du même arrondissement en raison de la présence
des garnisons militaires, notamment au XIXe siècle avec la présence de
la garde nationale (rue d'Hauteville et sur la place de la République). | |
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Policiers de Paris au siècle des Lumières : cliquez ici
Les Policiers du quartier du Louvre : Conférence du 21 juin 2016 - Retour aux sources
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Par Justine Berlière (Ecole nationale des Chartes), conservateur du
patrimoine,
directrice des archives départementales de la Corrèze. Durée 53 minutes.
Conférences en public des Archives Nationales de France, la vidéo en ligne : Cliquez ici !
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En
raison de l'accentuation du nombre d'habitants et de l'impérieux
besoin d'accueillir des populations grandissantes, firent de ce
quartier
une mosaïque de culture des régions françaises et aussi de la réalité
cosmopolite de Paris. Il faudra attendre 1811, sous Napoléon Ier pour
voir la naissance des arrondissements, au nombre de douze et des
quartiers comme entités administratives, le quartier de la Porte
Saint-denis se vit rattacher au VIème et le faubourg du même nom
au Vème
arrondissement, jusqu'en 1850. Cependant la notion de quartier était
déjà existante au XVIIIe siècle, un découpage en 20 parties permettait
l'activité entre autres des charges des commissaires de Police, et leur
nombre était d'au moins un par quartier, comme les inspecteurs.
On sait qu'en 1702 Paris
avec ses faubourgs avait été divisé en vingt quartiers, où se
trouvaient répartis quarante-huit commissaires, portant le titre
officiel de commissaires enquêteurs examinateurs au Châtelet et placés
sous l'autorité du Lieutenant général de police. Cette subdivision, qui
subsista durant tout le siècle, n'était pas en fait toujours
étroitement respectée : le commissaire de tel quartier pouvait, le cas
échéant, aller exercer dans tout autre quartier, et quand il s'agissait
d'une opération particulièrement lucrative comme un scellé, il ne se
faisait pas faute de « se transporter » jusqu'à la campagne. D'autre
part, en dehors de leurs attributions locales, les commissaires
pouvaient être chargés par le Lieutenant de police, pour toute la
circonscription parisienne, d'un département administratif :
approvisionnement, jeux, théâtres, Bourse, etc.
Source : P. Hildenfinger, Actes d'inhumation et scellés, 1912
Au
dix-neuvième siècle l'immigration a été principalement d'origine Belge,
Polonaise, Allemande, Suisse, etc., en bref venant principalement de
l'Est de l'Europe, le train y contribua fortement, le besoin de main
d'oeuvre aussi, qu'elle soit des campagnes françaises ou de l'étranger.
La gare du Nord en finissait avec les terrains maraîchers et de même de
la ferme et de la maison des Lazaristes pour laisser place à une prison
pour femmes.
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Faubourg Saint-Denis :
Le Faubourg de la Gloire, quel brillant pseudonyme! |
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dessins des deux portes : St-Martin et St-Denis
Charles Lefeuve
Notice
écrite (par l'auteur) en 1862. Le boulevard Magenta, en construction,
croisait déjà la rue du Faubourg Saint-Denis, mais s'appelait encore
boulevard du Nord.
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« Des
victoires de Louis XIV, rappelées par les portes Saint-Denis et
Saint-Martin, opérèrent en effet comme une résurrection sur la rue du
Faubourg Saint-Denis, dormant depuis le IXe siècle sur les lits de sa
léproserie, dont le patron avait été lui-même ramené de la mort à la
vie. Sous la régence d'Anne d'Autriche, cette chaussée foraine
montait la côte à travers des murailles et des champs sans clôture, si
nous exceptons Saint-Lazare, où les rois mettaient pied à terre, dans
leur entrée solennelle à Paris, ainsi que pour marquer d'avance la
place où leurs dépouilles mortelles devaient s'arrêter à leur tour, en
gagnant les caveaux de Saint-Denis. Aussi Saint-Lazare avait-il un
pavillon qualifié Logis du Roi.
Les prêtres de la Mission,
institution de saint Vincent de Paul, se fondirent au XVIIe siècle avec
les hospitaliers de Saint-Lazare, ordre religieux et militaire établi
pendant les Croisades pour soigner spécialement les malades atteints de
la lèpre. Edme Joly, troisième général de la nouvelle congrégation,
présida en grande partie à l'établissement de l'édifice qui sert de
prison maintenant. On y recevait encore des lépreux, ou, pour mieux
dire, des malades, car la lèpre avait disparu devant de nouvelles
maladies, qui étaient venues du Nouveau Monde et qu'on eût dit qu'elle
craignait d'attraper.
Mais
la plus grande affaire des nouveaux lazaristes, ordre de
Saint-François, n'était plus de guérir des malades ; ils entreprenaient
des missions lointaines, préparaient les jeunes ecclésiastiques aux
ordinations et recevaient des laïques en retraite spirituelle ; ils se
chargeaient aussi de garder à vue, d'obliger aux bonnes lectures, aux
exercices de piété et à la sobriété un certain nombre de fils de
famille que leur père ou que leur tuteur avait, à titre de correction,
obtenu l'ordre d'enfermer.
Cette
dernière spécialité rendit sans aucun doute service à des familles
honorables, mais ne manqua pas d'attirer sur Saint-Lazare des
malédictions de mauvais sujets; elle y datait, au reste, d'avant la
régénération due à l'ange de charité qui s'appelait Vincent de Paul, et
n'en reçut qu'une extension nouvelle, avec des perfectionnements de
régularité, qui par malheur n'empêchaient pas qu'on enfermât parfois,
de par le roi, des innocents et des incorrigibles.
Parmi
les jeunes gens dérangés qui enragèrent dans les cellules et n'y
rêvèrent que trop à un genre de pécheresses dont elles sont peuplées à
présent, il y eut le bel esprit Chapelle (Poète). Comme cet hôte
involontaire fit rire ensuite ses amis, les plus grands poètes du grand
siècle, du peu de prise qu'avaient eu les leçons et le régime de
Saint-Lazare sur sa vocation de buveur! Il en eut soif toute sa vie.
Plaignons plutôt André Chénier et Roucher d'avoir fait avant l'âge leurs derniers vers à Saint-Lazare,
devenu geôle pour tout de bon lorsque la rue s'appelait (de) Franciade. La
dernière abbesse de Montmartre, Marie-Louise de Laval, duchesse de
Montmorency, y attendit son tour pour l'échafaud, en même temps que
l'auteur de la Jeune Captive, mais ne put ni le voir ni l'entendre, car
elle était sourde et aveugle; d'ailleurs, sa vieillesse courageuse eût
laissé répéter à d'autres : Je ne veux pas mourir encore !
Elle
monta la première en fiacre pour se rendre devant ses juges, en donnant
sa main à baiser aux compagnes appelées à la suivre, et il partit
soudain de la maison qui fait le coin de la rue de Paradis une grêle de
pierres; la voiture en trembla, sans qu'on pût deviner si cette injure,
la plus lâche de toutes, était ressentie par Mme de Montmorency, dont
le visage montrait à la portière, avec une frappante impassibilité, une
sorte de beauté suprême, que n'eussent pas même fait pâlir les
agréments de sa jeunesse. Un bon mot de Fouquier-Tinville, qu'inspirait
une infirmité, convainquit la ci-devant abbesse d'avoir conspiré sourdement.
Si bien que le même jour, à la barrière du Trône, le couteau s'abaissa
sur elle et sur quinze de ses religieuses : quatre jours avant le 9
Thermidor !
Depuis
la susdite encoignure de la rue de Paradis jusqu'aux prisons de
Saint-Lazare actuelles, sont encore debout des constructions qu'a
élevées la congrégation en 1719, pour s'en appliquer le revenu, et sur
différents point du faubourg il y en a d'autres, partageant la même
origine, qui était aussi celle des maisons qu'on vient d'abattre entre
Saint-Lazare et la rue de Chabrol. Les lazaristes, pour utiliser celles
qui n'avaient pas encore de locataires en juin 1724, ont fait apposer
aux coins de rues, dans Paris, une affiche conçue en ces termes :
« RETRAITE HONNESTE ET CHRÉTIENNE »
S'il
se trouvait plusieurs gens de bien, ecclésiastiques ou séculiers, qui
désirent de vivre un peu à l'écart du grand monde, les prêtres de la
Mission de Saint-Lazare seraient assez disposez à leur procurer à bon
compte, près de leur église, un logement sain et commode, une grande
cour, un beau jardin, une maison de campagne et toutes les autres
choses nécessaires à la vie, tant en santé. qu'en maladie.
Toutefois
le faubourg Saint-Denis n'offrait déjà plus un désert quand l'idée
était venue de cette spéculation, à l'importance de laquelle
n'atteignent pas encore par ce temps-ci les grandes compagnies purement
immobilières. Par exception, un demi arpent de marais se cultivait encore en 1747 à l'autre angle de la rue de Paradis, et le jardinier en était Jean Fromentin, à demeure rue Bergère.
Avant
la fin du règne de Louis XIV, il y avait déjà 94 maisons, depuis la
porte Saint-Denis jusqu'où passe le nouveau boulevard du Nord et 64
plus haut. Parmi celles-ci figurait le séminaire de Saint-Charles,
succursale des lazaristes pour les retraites ecclésiastiques et villa
de convalescence pour leurs congréganistes malades. Partiellement s'en
revoient les bâtiments du 167 au 177, que précédait et contournait à
gauche un vaste enclos, dit longtemps le Clos Saint-Lazare; la chaussée
leur donnait pour vis-à-vis plusieurs moulins. Lorsque les ailes de ces
machines à moudre eurent pris leur volée sur des hauteurs plus
reculées, MM. de Saint-Lazare, propriétaires du terrain, le concédèrent
à des particuliers, notamment à Legrand, intéressé dans les affaires du
roi, et ce capitaliste s'y donna un hôtel à moitié de campagne.
Vous
retrouveriez un peu plus bas, du même côté, les deux portes qu'avait la
foire Saint-Laurent sur la rue du Faubourg Saint-Lazare. On appelait
encore ainsi au commencement de l'Empire la seconde moitié de notre rue
du Faubourg-Saint Denis. D'importantes industries popularisaient à
cette époque la voie supérieure. Nous en pouvons citer la manufacture
de bijoux en acier dont Chaix était le chef, les fabriques de porcelaine de Schœlcher et de Fleury,
la brasserie de Cherbeau, la boulangerie de la garde de Paris, et elles
ne chômaient plus neuf ou dix mois sur douze, comme la foire
Saint-Laurent.
Il est
vrai que le faubourg Saint-Denis proprement dit ne demeurait pas en
reste, sous ce rapport. Les victoires d'Eylau et de Friedland
occasionnaient des illuminations, dont l'entreprise générale avait pour
siège les anciennes Petites Écuries du roi. Une filature de coton
s'exploitait aussi dans la cour où s'étaient remisées les voitures de
cérémonie de la monarchie et qui ne cesse pas encore d'avoir une de ses
trois issues sur la rue dont nous vous parlons. Celle-ci, sur d'autres
points, façonnait des chapeaux de paille, démocratisait la porcelaine,
et le commerce s'y approvisionnait de la gaze de Renouard, des
dentelles de Corne-de-Cerf, des éventails de Mauvage.
La
verdure ne se montrait déjà plus qu'à un petit nombre de fenêtres,
garnies de pots de fleurs, dans cette voie inférieure où Ninon de
Lenclos avait eu sa maison des champs, à la placé même des
Petites-Écuries. Plus d'une façade y dissimulait encore un jardin avant
la Révolution; mais c'est par erreur que deux ou trois de nos
devanciers y ont placé les hôtels d'Espinchal, Tabari et Jarnac au
détriment d'une rue parallèle, celle du Faubourg Poissonnière.
Un
d'Espinchal a demeuré quand même dans celle du Faubourg Saint-Denis.
Est-ce, comme on l'a dit, à l'autre coin de la rue des Petites Ecuries?
Tous les membres de cette famille ayant émigré, la confiscation dut
faire passer leurs biens en d'autres mains, sans anciens titres de
propriété. L'un d'eux, fils et petit-fils de maréchaux de camp, devint,
à peine rentré en France, l'abonné le plus assidu au théâtre de
l'Opéra. Comme il avait assez de goût, sa critique était redoutée sur
la scène et même dans la salle, où elle n'épargnait guère les femmes
des fournisseurs et des maréchaux de l'Empire.
Il
remarqua un soir, dans les couloirs, un quart d'heure avant la sortie
des spectateurs, un monsieur de province, qu'il n'avait jamais aperçu,
mais dont l'air désolé le frappa et le toucha. En entrant au théâtre,
ce monsieur s'était vu séparer, dans la foule, de sa femme et de sa
fille, qu'il n'avait plus retrouvées dans la salle, et il venait de
passer pour la seconde fois à son hôtel, où elles n'étaient pas
rentrées. Une fois au courant de ce qui mettait en peine cet inconnu,
M. d'Espinchal lui demanda, en braquant sa lorgnette sur la lucarne
d'une loge :
- L'une de vos dames n'a-t-elle pas un turban vert et or,
et l'autre n'est-elle pas en cheveux?
- Effectivement, répondit le
monsieur.
- Alors elles occupent la loge quarante, fit l'habitué en
passant sa lorgnette à l'autre, qui reconnut enfin sa femme et sa fille.
- Ah !
monsieur, s'écria cet homme avec transport, quels remercîments ne vous
dois je pas ! Vous me sauvez la vie, n'en doutez pas. Mais comment
avez-vous reconnu ces dames, vous qui ne les aviez jamais vues?
- Cela
même, reprit le sauveur, me forçait à les distinguer : je connaissais
le reste des spectateurs.
Nous croyons, quant à nous, que le comte ou
vicomte d'Espinchal du faubourg Saint-Denis, au lieu d'y venir après
les Petites Écuries, occupait l'un des petits hôtels de la ligne
opposée. Deux grandes maisons y appartenaient en 1780 à Lourdet de
Santerre, maître-des-comptes, puis auteur dramatique : seize autres
maisons le séparaient de la Porte Saint-Denis. Ce M. de Santerre a
écrit des opéras, mis en musique par Grétry et par Martini, ainsi que
la comédie Le Savetier et le Financier.
La vingt-deuxième maison de la rangée était
grande également et à l'abbé Tiriolles. Mme Chabot avait la sienne
entre cet abbé véritable et un bourgeois du nom de Labbé. La troisième
porte plus haut ouvrait sur la maison .profonde, mais étroite, de Mme
de Surville. La dixième d'ensuite et la quinzième rie manquaient pas
d'ampleur ; l'une était à M. Pérot, l'autre aux religieuses annonciades
établies à Saint-Denis.
Il
s'en fallait pourtant que tout fût édifiant dans le faubourg ; la
galanterie avait pendu la crémaillère dans l'un au moins de ses petits
hôtels, et le passage du Désir servait d'avenue à ce lieu de plaisir.
Comme il n'en sortait pas d'amour au désespoir, il n'y avait un puits à
moitié chemin que pour la véritable soif ; de pauvres gens y noyaient
l'autre en remplissant leurs seaux, dans ce qui pour eux était l'allée
du Puits. Une construction d'avant 89, mais postérieure, à la première,
a réduit à l'état de servitude de passage l'avenue, maintenant
publique; la plus ancienne des deux est la maison placée au 59 boulevard de Strasbourg ;
qui n'est pas moins que l'autre d'héritage séculaire pour M. Cadet de
Chambine, à l'exception du jardin qui s'y rattache. En revanche, les
plaisirs élégants ne se prenaient guère au-delà de la rue de la
Fidélité.
On y
reconnaît d'anciennes dépendances de l'établissement des sœurs grises.
Une croix se dressait devant la porte de ces filles de la Charité,
comme devant la porte de Saint-Lazare. Mme Louise de Marillac, qui
était la sœur de Legras, secrétaire des commandements de Marie de
Médicis, avait fondé, avec saint Vincent de Paul, cette maison
religieuse, qui desservait et les Enfants-Trouvés et l'hospice du
Nom-de-Jésus, en élevant des orphelines au ne 139 de notre rue. Du
reste, leur admirable institution n'ayant pas tardé à se généraliser,
les services rendus par elle s'étaient étendus à toute la France. Chez
les dames grises, après cinq ans d'épreuves, les novices étaient
admises à prononcer des vœux simples, renouvelables le 25 mars de
chaque année.
En 1792, le bureau général de bienfaisance de la Commune de Paris fit en vain des efforts pour empêcher l'expropriation de ces sœurs de Charité ; la vente de leur propriété eut lieu les 27 brumaire et 4 frimaire an V,
avec réserve dans le cahier des charges pour l'ouverture de la rue de
la Fidélité. L'édifice principal de l'établissement fut affecté à la
maison de santé Dubois, que la Ville a transférée depuis dans le haut
de la rue.
Il y avait encore une autre croix à la hauteur de la rue de l'Échiquier : marque probable du fief des Filles-Dieu.
C'était l'ancien domaine conventuel des religieuses dudit nom, et elles
y édifièrent sous Louis XIV, afin de les donner à bail, des maisons en
assez grand nombre pour qu'il y en eût une près de l'entrée des Petites
Écuries, à l'image du Vert Galant. Jean-Joseph Henry, avocat en
Parlement était fondé de pouvoir par les filles-Dieu, en 1764, pour
régler à l’amiable des différents de mitoyenneté avec son confrère
Pierre Claude Cossart, propriétaire contigu aux filles-Dieu,
c'est-à-dire au ne 65 qui eut pour successeur M. Gastellier, bisaïeul
maternel de l'auteur de ce livre.
Mais surtout quelle rue carrossière que celle du Faubourg Saint-Denis vers la fin de l'ancien régime ! La
veuve Loisel y louait des voitures de maître, avant qu'un hôtelier vînt
prendre ou plutôt partager sa place, à l'enseigne du Lion d'Argent, et,
qui plus est, le bureau général des fiacres faisait presque vis-à-vis
au Lion, dans une maison qui porte en ce moment le ne 48.
Les messageries Touchard remplacèrent les fiacres,
dans leur siège administratif, alors que le gouvernement directorial
touchait à son terme; leur service embrassait toutes les grandes
directions; mais elles avaient eu pour aînées des messageries à
destinations plus rapprochées, qui partaient du passage du
Bois-de-Boulogne et du Lion d'Argent. Ne prenait-on même pas au pied de
la porte Saint-Denis les véhicules populaires dits coucous pour
Saint-Denis, Montmorency, Écouen et Gonesse? Les carrosses royaux
allaient plus vite, mais sortaient moins souvent et ne prenaient jamais
de surcharge, tandis que les petites voitures de la banlieue avaient
beau être pleines à en crever, on ne cessait d'y monter en lapin que
quand le marchepied était pris.
Le
pavé du faubourg avait donc fort à faire et il était d'un entretien si
difficile qu'on se plaignait souvent de son mauvais état à messire de
l'Orme, inspecteur du pavé de la ville, dont l'hôtel n'était, par
bonheur, pas plus loin que la porte Saint-Denis : vous le revoyez 8
boulevard Bonne-Nouvelle. Mme Loisel, en cas de besoin, préférait même
porter ses doléances au cocher de M. de l'Orme, qui, moyennant quelques
prévenances, cahotait le lendemain son maître en engageant les roues de
sa voiture dans les ornières ou dans les fondrières dont Mme Loisel lui
avait donné le signalement. L'inspecteur n'envoyait tout de suite les
paveurs que sur les points où il craignait lui-même de verser.
Depuis l'année 1708 un inspecteur-général remplaçait trois contrôleurs du barrage et entretènement du pavé de Paris,
dont les offices créés en 1694 pouvaient se réunir. Celui de visiteur
du pavé avait été supprimé en 1501, après plus de cent ans d'exercice,
et l'obligation à remplir qu'on appelait droit de visite avait passé à
la communauté naissante des paveurs, puis à un second maître général
des œuvres, assisté de six paveurs-jurés et d'un greffier, officiers de
la banlieue, prévôté et vicomté de Paris, constitués par un édit royal
du mois de février 1638. |
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Illustration du quartier Saint-Denis au début du XIXe siècle Par Henry Monnier
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Source : Gallica-Bnf Les anciennes maisons de Paris Histoire de Paris rue par rue, maison par maison de Charles Lefeuve (1818-1882) - Tome V, de la page 272 à 281.
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