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La Pré-Renaissance

à Paris

La Prévôté d'Étienne Marcel marqua l'apogée du rôle du prévôt (un équivalent du maire actuel, ou de l'échevin pour les communes). Ce dernier était  devenu une puissance politique capable d'inquiéter la royauté. Les pouvoirs du prévôt furent alors diminués, puis après la révolte des Maillotins de 1382 ont été supprimés.


Ci-contre, Chroniques de Jehan Froissart

 
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La révolte des Maillotins et les diverses insurrections en Europe à la fin du Moyen Âge se firent contre des taxes de plus en plus lourdes, au service des armées en guerre, et apparut un manque général de main d'œuvre. Conséquences de la baisse importante de la population qui se produisit avec la Grande peste dite noire, en 1347 et années suivantes. Au XIVème siècle, les galères génoises et vénitiennes se rendaient jusqu'à Bruges et Londres, ce qui entraîna le déclin des foires de Champagne.

Pour mémoire la Grande peste bubonique élimina un tiers de la population européenne (entre 25 et 35 millions de morts pour 60 à 80 millions d'habitants avant l'épidémie), l'Europe 70 ans avant la naissance de Louis XI était fortement menacée. S'ensuivit comme une des conséquences de l'épidémie l'effondrement du système spéculatif pratiqué à Venise, qui désorganisa les échanges économiques. Et la peste bubonique (transportée par les rats et leurs puces) se transforma en peste pneumonique (contamination entre humains). Les régions se trouvèrent sous la menace du chaos, les villes en pleine crise économique et sociale, et des villages devinrent tout simplement rayés de la carte. Près de 95% de la population allait vivre dans l'indigence la plus totale.

En Angleterre, en Hongrie, les paysans se révoltaient.
En Europe, cela se traduisit par une augmentation des salaires et des revenus, ainsi que par des droits pour les paysans et ouvriers. Le servage disparaissait quasiment du continent. Les seigneurs multiplièrent les franchises communales, ils soutenaient ainsi l'activité artisanale et le commerce sur leurs "terres". Et les pouvoirs locaux tentèrent aussi de retenir la main-d'œuvre paysanne en offrant de meilleures conditions de travail.


En 1350, Jean II, dit le Bon (ci-dessous en illustration), après avoir été couronné à Reims le 27 septembre, il épousait Jeanne d'Auvergne et ils entrèrent solennellement à Paris, le 17 octobre. Ce monarque était né en 1319 dans la ville du Mans, fils
de Jeanne de Bourgogne et de Philippe VI de Valois, roi de France de 1328 à 1350.


ORDONNANCES FAICTES PAR LE ROY JEHAN,
(Ordonnances faîtes par le roi Jean)


j

LE PéNULTIèME JOUR DE JANVIER MIL CCC.L
(1350) ET PUBLIéES à PARIS,
au MOIS DE FEVRIER ENSUIVANT, LE PREMIER AN DE SON RèGNE.


Le 30 janvier 1351, l’ordonnance du roi Jean II est publiée « sur la police générale et les divers métiers de la ville », dont l’origine rappelle le Livre des métiers (1268) d’Étienne Boileau (1200-1270), prévôt de Paris. Ce document légal comprend 62 titres régissant divers métiers ou corporations comme les boulangers, les bouchers, etc. ; divers éléments de la vie quotidienne comme le blé ou le poisson d’eau douce ou de mer, etc.

TITRE I : DES GENS OISEULX (oisifs)
« Pour ce que plusieurs personnes, tant hommes comme femmes, se tiennent oiseux parmi la ville de Paris et les autres villes de la prévôté et vicomté de celle-ci, et ne veulent exposer leurs corps à faire aucunes besognes (travaux), ainsi truandent les aucuns (certains) et se tiennent aux tavernes et ses bourdeaux (bordels) » ; il  – « est ordonné que toutes ces manières de gens oiseux ou joueurs aux dés ou chanteurs des rues, truandant ou mendiants, de quelconque condition ou état qu'ils soient, ayant métier ou non, soient hommes ou femmes, qui soient saints de corps et de membres, s’exposent à faire aucunes besognes de labour, en quoi il puissent gagner leur vie, ou vident (sortir) la ville de Paris et les autres villes de la dite prévôté et vicomté, dedans trois jours après ce cri. (appel)

- Et ce après, les dits trois jours sont trouvés oiseux ou jouant aux dés ou mendiants, ils seront pris et mis en prison et mis au pain et à l'eau ; et ainsi tenus par l'espace de quatre jours ;


- Et quand ils auront été délivrés de la dite prison, s’ils sont trouvés oiseux ou s’ils n'ont biens dont ils puissent avoir leur vie, ou s’ils n'ont aveux de personnes suffisants, sans fraude, pour qu’ils fassent besognes ou qu'ils servent, ils seront mis au pilori et la tierce fois (à la troisième fois), ils seront signés (marqués) au front d'un fer chaud et bannis des dits lieux ».

Nota bene : Le texte est à l'origine une copie du XVe siècle, puis édité par morceau par Nicolas Delamare, et rassemblé par René de Lespinasse. Cette portion ou titre 1 sur les "oyseulx" a été mis dans un français plus moderne.

Source : Gallica-Bnf  Les métiers et corporations de la ville de Paris : XIVe-XVIIIe siècles. Ordonnances générales, métiers de l'alimentation. René de Lespinasse, ancien élève école des chartes (1843-1922) - Imprimerie nationale (Paris, 1886-1897).



 Le 22 février 1358, Etienne Marcel l'homme qui voulut être roi ?

En 1358, pendant que Jean II était fait prisonnier en Angleterre, à Paris, Etienne Marcel encourageait un soulèvement. Rapidement, il devint tout-puissant dans la capitale. Il souhaita s'imposer, et pensa que le dauphin Charles laisserait faire. Etienne Marcel avait été élu prévôt des marchands en 1355 et contrôla le commerce de la capitale et fut en rapport avec les confréries de métier de la Cité. Marcel était issu d'une famille bourgeoise, qui s'était enrichie dans la draperie. Celui-ci allait s'ériger comme la tête pensante du Tiers-état lors des États-généraux de 1355 et de 1356.

Au début de l'an 1358, il organisa des réunions, sensiblisa les bourgeois à ses orientations, et créait une milice pour défense contre de possibles attaques des Anglais. E. Marcel fit renforcer les protections de Paris. Le roi retenu par les "Anglois", il envisagea de prendre le pouvoir, à 43 ans. Etienne Marcel pensa que le jeune dauphin qui avait tout juste vingt ans ne résisterait pas, toutefois le futur Charles V ne donna pas son aval aux actions.


Etienne Marcel sans autre alternative poussa le peuple Parisien à se révolter, le 22 février 1358, et Paris se réveilla sous le coup d'une émeute qui réunissait trois mille personnes. Cette ire populaire augmenta quand les Parisiens apprirent que Jean II avait signé un traité accordant la moitié du territoire aux Anglais. S'ensuivit un mouvement vers le le Palais royal sur l'île de la Cité pour déchoir Jehan II dit le "bon". Etienne Marcel et ses soutiens survenaient dans la chambre du dauphin, le futur Charles V. Les émeutiers tuèrent les conseillers et épargnèrent le jeune prince héritier, mais l'humilièrent en le parant d'un chaperon rouge et bleu (il existe une possible relation ou similitudes avec le bonnet phrygien coiffé par Louis XVI en juin 1792 dans l'autre Palais royal dit des Tuileries, mais d'autres révoltes comme les "bonnets rouges" en 1675 ou les Camisards entre 1702 et 1704 sous Louis XIV ont été plus en relation avec les événements révolutionaires qui suivirent à la fin du du XVIIIe siècle).

Cette même équipée se dirigea par la suite sur la place de Grève et remercia les émeutiers et Etienne Marcel encouragea à supprimer "les traîtres du royaume". Ce dernier força le dauphin à parapher l'éxécution de ses conseillers et relançait l'ordonnance de 1357 qui lui permettait d'accéder au pouvoir exécutif et d'entrer ainsi au Conseil du Roi. Etienne Marcel tenta d'étendre la révolte à la province, Jehan II quitta la capitale et fit alliance avec la Picardie, l'Artois et la Champagne, et mit en place un blocus autour de Paris.

La bourgeoisie rejoignit le parti du roi, la population exprima son écoeurement, et dans la nuit du 31 juillet au 1er août, Etienne Marcel se préparait à ouvrir la ville à Charles le Mauvais de Navarre. Mais Étienne Marcel fut exécuté par Jean Maillard. Le 2 août, c'était le retour du dauphin à Paris, le triomphe lui assurait à brève échéance le trône de France.

 
1355 : Le 30 novembre, c'est l'ouverture des Etats généraux par le roi.
1356 : Le roi est battu à Poitiers et fait prisonnier par le Anglais, puis est enmené à Londres. En son absence se tiennent les Etats-généraux sous la conduite de l'évèque Le Cocq et du prévôt Marcel. Par ailleurs, les Parisiens se plaignent de la saleté des rues. Les problèmes sanitaires sont importants, notamment dans la propagation des maladies et l'air au sein des rues ruelles et passages y est infect. Contradictoirement les intérieurs sont d'une grande propreté, et l'on aime prendre des bains, s'occuper de son corps. Des mesures seront prises, pavages des rues (seules les grandes artères étaient pavés jusqu'alors), création d'une taxe sur les ordures ménagères et l'on pose des croix sur les murs pour que les croyants s'abstiennent d'uriner.
1358 : Le dauphin Charles devient régent du royaume. Il se produit la Grande jacquerie en Beauvaisis et en Ile de France, qui tente de faire jonction avec la capitale sous la conduite de Jacques (d'où le nom de jacquerie) Bonhomme, et l'assassinat d'Etienne Marcel. Après son meurtre, le 31 juillet, les « Jacques » sont battus suite à une alliance entre nobles et bourgeois dans la ville de Meaux. Le premier monastère et l'église des Filles-Dieu hors des remparts sont détruits et les religieuses s'installent au sein des fortifications (rue du Caire, actuel 2e arrdt.).
1360 : Retour de captivité via Calais de Jean II, il céde un tiers de son royaume à Edouard III suite au traité de Brétigny, ainsi que le paiement ou versement d'une rançon de 3.000 francs en or (dit à cheval en cours de 1361 à 1364), pour première émission de cette monnaie.
1362 :  L'hôpital de Saint-Esprit-en-Grève est fondé
pour les orphelins nés d'unions légales par Jean de Meulant, évêque de Paris.
1364 : Jean II dit le bon se rend à Londres pour y renégocier le traité et y décède.
 

Étienne Marcel
et le "levain révolutionnaire"?




Assassinat d'Étienne Marcel par Jean Maillard, le 31 juillet 1358 (Chroniques de Froissart)

 Jacques-Antoinde Dulaure, ancien député à la Convention et historien

« Marcel, persuadé que le moment de frapper un grand coup était venu, se rendit au palais suivi de plusieurs hommes armés et de presque tous les chefs de corporations ; les maréchaux de Champagne et de Normandie furent égorgés sous les yeux du dauphin : - Monseigneur, lui dit Marcel, en lui présentant son chaperon rouge et bleu, prenez ce chaperon, ce sont les couleurs du peuple ; elles vous protégeront mieux que cuirasse et bouclier. Le dauphin accepta le chaperon du prévôt des marchands et lui donna le sien qui était d'une étoffe brune brodée en or.

Marcel s'empressa d'aller rendre compte de ce qui venait de se passer aux bourgeois et aux corporations qui approuvèrent sa conduite, en jurant de vivre et de mourir avec lui. Toutes les confréries défilèrent sous les fenêtres de l'Hôtel-de-Ville, bannières en tête, et saluant Marcel de leurs acclamations. La cour adopta les couleurs parisiennes, et le prévôt des marchands envoya au dauphin deux pièces de drap rouge et bleu, destinées à la confection des chaperons. Il obtint quelque temps après l'adjonction de quatre bourgeois au conseil de régence. Charles le Mauvais, roi de Navarre, qui s'était échappé d'une forteresse où on l'avait longtemps retenu prisonnier, se trouvait alors à Paris, et avait embrassé le parti populaire dans l'espoir d'en faire l'instrument de son ambition. Le régent, détesté par toute la population parisienne, quitta la capitale et se rendit en Champagne, où l'appelait la réaction préparée par la noblesse.

Mais l'agitation des corporations s'était propagée dans les campagnes ; les paysans, las de l'oppression des nobles, se révoltèrent aussi, et la Jacquerie vengea les pauvres serfs de huit siècles de misère et d'esclavage. Le mouvement était donc général ; dans les boutiques, dans les ateliers, dans les maisons bourgeoises et les chaumières des campagnards, il y avait le même élan pour la liberté; mais l'heure marquée par la Providence n'était pas encore venue. Les Jacques furent exterminés jusqu'au dernier ; l'ouvrier des champs succomba, et la lutte terrible de l'ouvrier des villes ne devait pas durer longtemps.

Etienne Marcel déployait une énergie, une activité qui tenaient du prodige ; il avait gagné à la cause populaire l'antique et célèbre confrérie de Notre-Dame composée des plus riches bourgeois ; les gens de métier formaient une armée aussi intrépide que bien disciplinée. Le prévôt pourvoyait à tous les besoins, et jamais Paris n'avait été mieux approvisionné. Les ateliers étaient en pleine activité, les marchandises se vendaient à de bons prix, parce que la bourgeoisie, qui avait alors entre ses mains la plus grande partie du numéraire, se trouvait à la tête de l'insurrection. Marcel ne négligeait aucun moyen de défense ; il fit fortifier Paris et exécuter des travaux extraordinaires. Voici en quels termes le chroniqueur Froissart (1377-1410, originaire du Hainault) apprécie cette époque mémorable :

« Six mille ouvriers en oeuvre tant qu'il put en avoir à recouvrer de toutes parts, et fit faire grands fossés autour de Paris, et puis chaingles (enceintes), heurts et portes, et y ouvrait-on nuit et jour, et y eut le terme d'un an ; tous les jours trois mille ouvriers, dont ce fut un grand peur que de fermer sur une année et d'enclore et environner de toute défense une telle cité comme Paris et de tel circuit. Et vous dis que ce fut le plus grand bien que oncques (jamais) le prévôt des marchands fit en toute sa vie, car autrement elle eût été depuis courte, gâtée, robié (volée) par trop de fois (1). »

Mais la réaction royaliste faisait chaque jour de nouveaux progrès dans les provinces. Marcel conçut alors un projet dont les anciens historiens ne comprirent ni le but ni la portée politique ; il fit alliance avec le roi de Navarre, qui s'était toujours montré favorable au parti populaire, et résolut de substituer la royauté élective à la royauté de droit divin. Malheureusement Charles le Mauvais se trouvait lié avec les Anglais, alors si détestés en France, et une fraction de la bourgeoisie parisienne, à la tête de laquelle se trouvait un nommé Jean Maillard, abandonna le prévôt des marchands. Le dauphin s'approchait de la capitale avec des forces considérables, brûlant et saccageant tout sur son passage.

Sur ces entrefaites, les gens de métier ayant appris qu'un corps d'Anglais occupait Saint-Denis, forcèrent Étienne Marcel à se mettre à leur tête et marchèrent contre l'ennemi au nombre de huit mille. Ils tombèrent dans une embuscade et laissèrent un grand nombre des leurs sur le champ de bataille. Cet échec dé-popularisa le prévôt des marchands, qui fut tué quelques jours après par Maillard à la porte Saint-Antoine, dont il portait les clés au roi de Navarre, disent les historiens contemporains (du XIXe siècle...).

Leurs corps furent dépouillés et laissés nus sur la voie publique. Ainsi périt victime de la réaction féodale, ce célèbre tribun qui arbora le premier sur l'Hôtel-de-Ville de Paris, le drapeau de la liberté. Sa mémoire a été longtemps outragée par les panégyristes des vieilles dynasties ; mais de nos jours son nom est devenu un titre de gloire pour la cité qu'il administra avec tant de génie ; voici comment le célèbre et savant auteur de l'Histoire du Tiers-état juge l'échevin du quatorzième siècle:

« Ici apparaît, dit M. Augustin Thierry, un homme dont la figure a, de nos jours, singulièrement grandi pour l'histoire mieux informée, Etienne Marcel, prévôt des marchands, c'est-à-dire chef de la municipalité de Paris. Cet échevin du quatorzième siècle a, par une anticipation étrange, voulu et tenté des choses qui semblent n'appartenir qu'aux révolutions les plus modernes. L'unité sociale et l'uniformité administrative ; les droits politiques étendus à l'égard des civils ; le principe de l'autorité publique transféré de la couronne à la nation, les États généraux changés sous l'influence du troisième ordre, en assemblée nationale ; la volonté du peuple attestée comme souveraine devant le dépositaire du pouvoir royal ; l'action de Paris sur les provinces comme tête de l'opinion et du mouvement général ; la dictature démocratique ; et la terreur exercée au nom du bien commun; de nouvelles couleurs prises et portées comme signe d'alliance patriotique et symbole de rénovation ; le transport de la royauté d'une branche à l'autre, pour l'intérêt plébéien ; eh bien ! il y a de tout cela dans les trois années sur lesquelles domine le nom du prévôt Marcel. Il vécut et mourut pour une idée, celle de précipiter par la force des masses le nivellement gradué, commencé par les rois. » (à relativiser très fortement)

Ces tardifs mais éclatants témoignages rendus enfin à la mémoire de l'échevin de Paris ont détruit à tout jamais les stupides calomnies des chroniqueurs, et le nom de Marcel ne nous apparaîtra plus qu'environné de l'éclat du patriotisme le plus désintéressé. Les corporations se montrèrent très irritées de sa mort ; mais la réaction avait pris le dessus ; les nobles, enivrés par le sang des paysans qu'ils avaient égorgés, se disposaient à entrer dans Paris à la suite du régent et à y commettre de nouvelles violences. Malheureusement, la multitude, comme cela n'arrive que trop souvent, paya de la plus noire ingratitude le dévouement de Marcel et de ses partisans ; on la vit faire cause commune avec les nobles et outrager des citoyens qu'elle saluait quelques jours auparavant de ses acclamations. Et pourtant la révolution que venaient de tenter Marcel, les principaux bourgeois et les corporations, devait porter ses fruits dans la postérité. Paris avait conquis parmi toutes les cités françaises cette suprématie politique qu'elle n'a plus perdue depuis : ses métiers, par leur attitude, leur énergie civiques; révélèrent aux masses l'instinct de la liberté, et leur apprirent que le flot populaire pouvait facilement renverser les trônes et les dynasties. Aussi pensons-nous avec un de nos plus savants historiens que les États de 1358 furent la première étape de l'émancipation nationale.

Le dauphin et les nobles avaient sondé la profondeur de la plaie. Leurs émissaires soudoyaient dans Paris des misérables sans nom et sans patrie, qui se firent les instruments de la vengeance royale : ils, se joignirent aux meurtriers d'Étienne Marcel, se répandirent dans la ville et égorgèrent tous les bourgeois amis du prévôt : Charles de Toussac et Joseran de Mascon furent conduits au Châtelet et décapités deux jours après leur arrestation. Leurs cadavres gisaient encore sur l'échafaud lorsque le régent fit son entrée dans Paris : son arrivée fut suivie ; du supplice des partisans les plus notables d'Étienne Marcel, et la bourgeoisie parisienne expia par le martyre son dévouement à la cause de la liberté.

Les corps de métiers avaient joué un rôle très important dans ce mouvement révolutionnaire ; aussi les agents royalistes firent-ils de nombreuses arrestations de maîtres et d'apprentis. Les classes ouvrières, justement alarmées, se portèrent en masse à la place de Grève, et demandèrent à Jean Culdoë, successeur de Marcel, d'envoyer au régent une députation pour lui demander l'élargissement des prisonniers. Comme leur attitude était menaçante, la députation se mit en marche, et le lendemain le dauphin se rendit à la place de Grève, parla au peuple et accorda la liberté des détenus.

Ainsi, se termina cette insurrection de la bourgeoisie et des classes ouvrières, insurrection des plus légitimes, puisqu'elle avait pour objet d'empêcher la dilapidation, des impôts, l'altération des monnaies, et les abus que la royauté, secondée par la noblesse avide de pillage, faisait peser sur le peuple. Malheureusement le mouvement de 1358 fut détourné de sa véritable origine par l'ambition du roi de Navarre que Marcel avait été forcé d'accepter pour allié.

Mais le levain révolutionnaire continua de fermenter au coeur des corporations. Au commencement du règne de Charles V, les Parisiens furent frappés d'impôts si exorbitants qu'il se forma des attroupements de bourgeois et d'ouvriers : le prévôt des marchands se rendit au palais suivi par la foule, et déclara que, dans l'état de détresse où se trouvaient les classes laborieuses, on ne parviendrait à rétablir l'ordre dans la cité que par une diminution d'impôts. Le duc d'Anjou, régent du royaume pendant la minorité de Charles VI, promit de transmettre leurs plaintes au roi ; mais on n'en continua pas moins la perception de l'impôt.

Le peuple ainsi joué organisa de concert avec les chefs des métiers de vastes associations dans le but d'ôter aux nobles et au clergé toute participation aux affaires publiques, et de confier à des hommes de son choix les soins de l'administration. Des réunions se tenaient pendant la nuit dans les divers quartiers, et on y élaborait une révolution sociale, avec une énergie, une hardiesse d'idées qu'on s'étonne de trouver chez les ouvriers du quatorzième siècle.
Les dilapidations des princes et des nobles, la discorde des deux oncles du roi, excitaient jusqu'au paroxysme l'indignation des Parisiens, et on parlait tout bas d'une nouvelle levée de boucliers plus redoutable encore que celle de 1358. »

Note de l’auteur :


(1) Chronique de Froissart, livre I, deuxième partie, chapitre 66 avec Josetan de Mascon.

Source : Gallica-Bnf - Histoire physique, civile et morale de Paris : depuis les premiers temps historiques, de Jacques-Antoine Dulaure (1755-1835) et Camille Leynadier (contributeur posthume ou éditeur scientifique). Tome 6, pages 72 à 76 - Éditions Dufour, Mulat et Boulanger (Paris 1859-1863)

 

1364 : sacre de Charles V, dit le sage à Reims

Charles V (ci-contre) naquit en 1338 à Vincennes, ce fut Christine de Pisan (ou Pizan) qui le désigna comme "sage" dans le manuscrit apologétique qu'elle écrivit à son sujet. Dauphin du royaume, il épousa Jeanne de Bourbon (1338-1378) et eurent huit enfants, cette dernière a connu dans ses dernières années des problêmes psychiques, tout comme son fils le dauphin, le futur Charles VI. En 1365, le roi engageait de nouvelles fortifications autour de Paris agrémentées de "bastides ou bastilles", ceci peu d'années après la décision du prévôt Etienne Marcel d'agrandir les fossés, et à l'origine de la mise en oeuvre d'une nouvelle enceinte devant des menaces potentielles d'attaques.

Cette entreprise de construction, murailles, fossés, tours, etc  dura au moins 30 ans, et ne s'acheva pas avant l'année 1420. De plus, les effets du développement des biens marchands en Europe firent de Paris un axe marchand conséquent avec ses 230.000 habitants. Les notables et la cour s'assurèrent ainsi de la protection et aussi de l'accroisssement de la ville : plans et marchés ou "conduites à tenir" étaient  délivrés aux bâtisseurs engagés par Charles V dès 1364.



En 1369 s'engageait la reprise de la guerre contre Edouard III et le royaume d'Angleterre. Le 3 juin, de la même année Edouard ré-endossait le titre de roi de France. De son côté Charles V demandait la confiscation de la Guyenne (l'Aquitaine), le 30 novembre. Charles V était le fils de Jean II, dit le Bon et de Bonne de Luxembourg. Enfant, il assista aux débuts de la guerre de Cent-ans lors du règne de son grand-père Philippe VI. Charles dit le sage fit face au roi d'Angleterre Edouard III (né en 1312 et mort en 1377) pour le trône de France. Le roi d'Angleterre Edouard était lui le fils de la fille de Philippe IV le Bel, mais en France c'était la loi salique qui déterminait, et invalidait toute prétention à la couronne (sur la base d'un faux). Mais le roi anglais contesta sa situation de vassal et provoquait la guerre dite de Cent-ans en 1337, qui prit fin en 1453.
 
Charles V allait mettre fin au désordre monétaire par la création d'un nouveau « franc or » et décida la mise en oeuvre d'une armée permanente. Il équilibra ainsi la valeur de la monnaie, et mit un terme aux spéculations. Le monarque assurait de la sorte la sécurité des créances. Avec son connetable (chef des armées) Du Guesclin,  il allait avec une force militaire à caractère permanent et à son service rogner le pouvoir de la noblesse en favorisant le Tiers : « Des ordonnances procurèrent à tous les habitants des villes et des campagnes des armes chacun selon ses moyens. En 1367, d'après les remontrances des états tenus à Chartres, Charles V ordonna de tenir des registres de tous les archers et arbalétriers qui demeuraient dans les cités ; il enjoignit en outre de s'exercer au tir de l'arc et de l'arbalète. » (Source Persée : Organisation militaire de la France sous la troisième race, avant l'établissement des armées permanentes par M. Boutaric, école des Chartes, année 1861)

« La considération et le propos de notre bon roy est à recommander qui fait les bons livres et excellens translater (et excellentes traductions) en françois ». Cultivé, Charles V aima la poésie et la musique. Paris sous son impulsion devint un grand centre culturel et politique en Europe. Il réaménagea le donjon du Louvre et dans une des tours installa une bibliothèque avec des ouvrages au service des chercheurs de son temps (1200 à 1500 ouvrages). Après avoir été le grec, puis le latin, la langue de culture devenait désormais le français. Le roi fit traduire en français ancien des livres scientifiques et techniques, d'astrologies, d'histoires et philosophiques comme l'oeuvre d'Aristote (Politique, Économique et Éthique, traduction de Nicolas Oresme, vers 1370-1374). La « Librairie royale » compta presque un millier de manuscrits en françois. Cette collection livresque s'amenuisa avant la fin de son règne, puis fut rachetée en 1425 par le régent Jean Bedford, mais ensuite a été dispersée. (vous pouvez consulter L'inventaire de la librairie du Louvre, source Gallica-Bnf)


Les manuscrits hébreux
de la bibliothèque
du Louvre



Enluminure d'un texte religieux en hébreu de la Haggadah de Pâques
 
« Charles V, grand amateur de lettres et de livres, fonda une « librairie » somptueuse, qu'il installa dans son château du Louvre en 1367 ou 1368. Son père, Jean II le Bon, était également un bibliophile. C'est lui qui fit exécuter par Jean de Sy (ou de Cis) une superbe Bible française avec commentaires, dont les frais furent mis à la charge des Juifs, et qui ne fut d'ailleurs jamais achevée (...) : « soixante-deux cahiers de la Bible que commença maître Jehan de Sy, et laquelle faisait translater (traduire) le roi Jehan, que (l')on a fait écrire aux dépens des Juifs ». Il paraissait juste de faire copier aux frais de ces mécréants l'Écriture, témoignage de leur aveuglement et de leur perdition. C'est le mot d'un pape disant aux Juifs qui lui apportent processionnellement leurs livres saints : « Nous acceptons la Loi qui vous condamne. »

On sait que Jean le Bon, pressé d'argent, rappela en 1360 les Juifs expulsés ; il leur assura, moyennant finances, toutes sortes de garanties et de privilèges, ce qui ne l'empêchait pas, on le voit, de recourir à certaines exactions. (…) Charles V, qui avait provoqué le retour des Juifs pendant la captivité de son père, leur continua, quand il fut monté sur le trône, la bienveillance qu'il leur avait montrée comme dauphin. « En 1372, il se fit remettre par Gérard de Montaigu des livres hébraïques qui étaient déposés au Trésor des chartes, et dont les uns furent incorporés dans la librairie du Louvre et d'autres prêtés à des Juifs, notamment à un nommé Menecier. Huit volumes hébreux furent mis à la disposition de l'astrologue du roi, maître Thomas de Boulogne. » (…)

La première catégorie comprend « les livres des Juifs... lesquels nous avons prêtés à Menecier le Juif et autres Juifs demeurants à présent à Paris, le XXIe (jour) d'avril, l'an de grâce mille trois cent soixante et douze ». Dans la triple liste qui suit figurent des livres bibliques, des commentaires, des pièces de calde, c'est-à-dire de targoum (traduction de la Bible hébraïque en araméen), des dictionnaires de la Bible, c'est-à-dire des glossaires hébreux-français, deux petits livres de médecine, un petit livre d'expérimens, etc. (...) « Les Archives remettent à la Bibliothèque les volumes hébraïques déposés au Trésor des Chartes depuis qu'ils avaient été confisqués sur les Juifs. » (...)

Quant au « nommé Menecier » qu'il cite, c'est évidemment le fameux Menecier de Vesoul qui négocia le retour de ses coreligionnaires sous Jean II et reçut ou plutôt acheta la charge de recueillir les taxes qu'ils devaient acquitter. Originaire de Franche-Comté, c'était un des principaux changeurs de Vesoul. En 1348, à la suite de la Peste noire, il fut arrêté avec d'autres Juifs de cette ville et impliqué dans l'accusation d'empoisonnement des puits et fontaines ; on en voulait surtout à leur argent. Il s'évada avec quatre de ses co-détenus, mais fut repris et finalement condamné au bannissement. Il n'en fit pas moins de brillantes affaires et étendit si bien ses relations qu'un an après l'avènement de Charles V, il prenait, dans les actes et sur son enseigne, le titre pompeux d'argentier du roi de France (1365). Il jouissait d'un certain crédit auprès de Charles V, qui le dispensa en même temps que le rabbin Matatia du port de la rouelle. Cette exemption est ainsi libellée : « Exceptez tant seulement Manessier de Vezoul, sa femme et ses enfants, et Johannen, son gendre, maître Mathatias et sa mère et Abraham son fils ». Maître Mathatias est Matatia ben Joseph, qui fut grand-rabbin de France sous Charles V et eut pour successeur son fils Yohanan. (...)

Ce n'est pas tant pour lui-même que pour ses coreligionnaires, dont il était l'agent, et surtout pour Matatia, dont il était le parent, que Menecier reçut de Charles V une partie des manuscrits du Trésor des Chartes, livres bibliques et rituels, destinés à la prière et à l'étude. Matatia paraît avoir été amateur de manuscrits (…), il a fait copier le Talmud, il est certain qu'il en acheta un exemplaire, où il inscrivit son nom à la place de celui du précédent possesseur. C'est actuellement le fameux manuscrit de Munich, (...) pour ses « Dikdoukê Soferim » (une grammaire fait par un groupe de sages). Un autre manuscrit qui a appartenu à Matatia et qui pourrait être de ceux que le roi prêta (on dirait mieux : rendit) aux Juifs de Paris, est un Séfer Torah (est une copie du texte hébreu des Cinq Livres de Moïse, le Pentateuque) cité par Joseph Colon, le rabbin italien du XVe siècle, comme appartenant à Abraham Trêves, petit-fils de Joseph Trêves, et remontant à Matatia Trêves. Yohanan ben Matatia, qui appartenait à la célèbre famille Trêves, émigra en Italie après l'expulsion des Juifs de France. (...)

Nous retrouvons Malet sous Charles VI, auprès duquel il exerçait les mêmes fonctions, un peu après l'expulsion définitive des Juifs en 1394. Toute une « collection de livres hébraïques fut livrée à Gilles Malet vers 1397 : elle se composait de cent quatorze volumes, de quatre rôles [rouleaux] et d'une quantité de cahiers de la Bible ou du Talmud, qu'on avait trouvés, après l'expulsion des Juifs, dans une maison du faubourg Saint-Denis ayant pour enseigne un porcelet ». (...) L'argument serait péremptoire si Sauval ne donnait pas des chiffres précis. (…)

« En s'appuyant sans doute sur un texte mal interprété, Sauval a voulu faire remonter l'origine du fonds hébreu de la Bibliothèque impériale au temps de Charles VI, et l'a donné comme étant, dans son principe, un produit de confiscations opérées sur les Juifs en 1397. Il serait difficile d'établir quel fut le sort de ces livres confisqués, s'ils ne furent pas rendus plus tard aux Israélites sur lesquels ils avaient été saisis, s'ils ne devinrent pas l'objet de dons royaux, ou quelle autre voie ils prirent ; ce qui est constant, c'est que dans un inventaire de la Bibliothèque de Blois, réunie à celle de Fontainebleau, en 1544, sous le règne de François Ier, on trouve mentionnés trois volumes seulement en langue hébraïque. » (…) « L'expulsion des Juifs est rapportée à l'année 1393 dans la Chronique du religieux de Saint-Denis. » C'est ce que le vieil historien de Paris avait remarqué au même endroit avec plus d'humour : « Car ce ne fut ni en 1386, (...), ni en 1393, ainsi que l'assure la Chronique manuscrite, ni en 1395 non plus, (...), mais bien en 1394, le trois novembre, comme il paraît par deux Déclarations du dix-sept septembre de la même année. (...)

Parmi les manuscrits de la bibliothèque du Louvre qui sont venus jusqu'à nous, il en est deux, des plus précieux, à l'histoire desquels sont mêlés des Juifs. Voici ce que dit M. Delisle du premier, qui est « Le Contenant de Rhasès », c'est-à-dire l'Encyclopédie médicale (El-Hawi) de Abou Bekr Mohammed ibn Zakariyya el-Razi : « Charles d'Anjou, en ayant reçu du calife de Tunis un exemplaire du texte arabe, le fit traduire par le Juif Farag, originaire de Girgenti, qui exécuta son travail en 1278 et 1279. » (...)

Charles d'Anjou, protecteur de l'école de Salerne et promoteur de traductions des médecins arabes, demanda officiellement au souverain de Tunis un exemplaire de El-Hawi et, ayant reçu le précieux manuscrit, « en confia aussitôt la traduction à un de ses interprètes ordinaires pour la langue arabe, le Juif Farag ou Farach Moïse, fils de Salem, originaire de Girgenti en Sicile, directeur de l'école de Salerne, le même dont une fausse interprétation du texte contenant les mots de Carolus primas a fait à tort, sous le nom de Farragut ou Ferraguth, un médecin de Charlemagne. La traduction, commencée le 6 février 1278, était achevée à Naples le 13 février 1279 ; elle fut approuvée par les médecins du roi, les docteurs de Naples et de Salerne. »

Le manuscrit de la traduction fut recopié avec un grand luxe et orné d'enluminures ; c'est cette copie que possède la Bibliothèque Nationale. Ce qui en fait l'intérêt pour nous, ce sont les trois miniatures du début. Elles représentent respectivement Charles d'Anjou remettant à Faradj le traité à traduire le médecin juif à l'œuvre dans sa cellule, enfin le même personnage recevant des mains du roi les honoraires de son travail. (...)

« Au mois de novembre 1381, D. Juan, duc de Gérone, fils aîné de Pierre V, roi d'Aragon, fit remettre à Guillaume de Gourci, pour l'offrir au roi de France, une mappemonde qui était déposée dans les Archives de la couronne à Barcelone, et qui était l'œuvre d'un Juif nommé Cresques. » (…) Le 5 novembre 1381, D. Juan, voulant faire un présent au nouveau roi de France, le jeune Charles VI, résolut de lui envoyer une mappemonde précieuse. Il ordonna à l'auteur, « Cresques lo juheu, qui lodit mapamundi a fet » (Tu fais grandir le Juif qui a fait une carte du monde), et qui devait se trouver dans la juiverie de Barcelone, de fournir à Guillaume de Courcy toutes les informations utiles à répéter au roi de France. (...)

Derrière les quelques notes que nous avons réunies, il semble que c'est l'histoire des Juifs au Moyen Âge qui se profile, en quelque sorte, sous sa double face : d'une part, les Juifs de France, maltraités, pillés, expulsés, mais conservant jusque dans leur abaissement l'attachement à leur foi et le culte de leurs livres saints ; d'autre part, les Juifs d'Espagne et d'Italie, traités plus humainement, concourant activement au mouvement intellectuel, devenant médecins, traducteurs, géographes, héritiers des médecins grecs et arabes, précurseurs des navigateurs et des explorateurs du XVe siècle, propagateurs de la science et rouliers de la pensée. »

Source : Archive.org, M. Liber., pages 96 à 109,
Revue des études juives, tome 55, (Versailles, 1908)


Le roi Charles V n'aura eu aucune confiance dans les grands du royaume. Il garda dans son entourage de préférence des bourgeois, ou bien au sein des souches de la petite noblesse provinciale (dite de robe). Il tint compte des avis de ses clercs et des universitaires. Il redéploya l'armée et désigna de nouveaux chefs militaires à l'exemple de Du Guesclin. Il reprit les provinces aux mains des Anglais : Le Rouergue, le Limousin, le Poitou, l'Aunis et la Saintonge. A sa mort seule la Gascogne et Bordeaux restèrent encore sous domination anglaise.

Le roi augmentait les protections de Paris, en édifiant une nouvelle enceinte, doublant les fortifications de Philippe II (ou Auguste). Il fut aussi à l'origine de la construction de l'hôtel Saint-Paul (quartier du Marais), et engagea un nouvel élan urbain pour les besoins princiers.

« Et pour revenir à notre matière, que notre roi Charles fut en effet sage artiste, il se montra vrai architecte, deviseur certain, et prudent ordonnateur, lorsqu'il fit faire, en maintes places, les fondations de notables édifices, tant d'églises que de châteaux et d'autres bâtiments, à Paris et ailleurs ; ainsi que, près de son hôtel de Saint-Paul, l'église si belle et noble des Célestins, comme on peut la voir, couverte d'ardoises et si belle que rien n'y est comparable ; et le couvent des Frères, saintes personnes vivant en grande âpreté de vie réglée, servant Dieu. Il en ordonna un certain nombre, dont il y a un fort grand couvent, qui fort dévots rendent service à notre Seigneur, et il les renta fort richement par amortissement perpétuel ; et à la porte de cette église il y a les sculptures de son image et de celle de la reine son épouse, fort proprement faites.

Il fonda l'église Saint-Antoine dans Paris et il établit des rentes aux frères demeurant en ce lieu. Il fit réparer et agrandir l'église de Saint-Paul, auprès de son hôtel. A tous les couvents des frères mendiants de Paris il donna de l'argent, pour réparation de leurs lieux, et ainsi à Notre-Dame de Paris, à l'Hôtel-Dieu, et ailleurs. Au bois de Vincennes, il fonda un chapitre de chanoines, et leur assigna leur vie par belles rentes amorties. Il fonda les Bons-hommes, auprès de Beauté, et maintes autres églises et chapelles, ou les répara et en accrut les édifices et les rentes.

Il corrigea beaucoup les autres édifices qu'il bâtit ; il accrut son hôtel de Saint-Paul : il fit édifier de neuf le château du Louvre, à Paris, fort notable et bel édifice, ainsi qu'il paraît, la Bastille Saint-Antoine, bien qu’on ait travaillé depuis ; et aussi à plusieurs portes de Paris il fit édifices forts et beaux ; au Palais il fit bâtir à son plaisir.

Il fit édifier les murailles neuves et belles, les grosses et hautes tours qui sont autour de Paris, et il en donna la charge à Hugues Aubriot, alors prévôt de Paris. Il ordonna de faire le Pont-Neuf (Le Pont-Neuf d'alors est celui que nous dénommons aujourd'hui Pont Saint-Michel), et il fut commencé en son temps, ainsi que plusieurs autres édifices. En dehors de Paris, du château du bois de Vincennes, qui est fort notable et beau, il avait l'intention de faire une ville fermée ; et là il aurait établi, dans de beaux manoirs, la demeure de plusieurs seigneurs, chevaliers et autres, ses mieux aimés, et à chacun il eût assigné une rente à vie selon leur personne. Le roi voulut que ce lieu fût franc (libre) de toutes servitudes, de toute charge pour le temps à venir, et de toute redevance. (...)

Il fit beaucoup réédifier, notablement de nouveau : le château de Saint-Germain en Laye, Creil, Montargis, où il fit faire une très noble salle ; le château de Melun et maints autres notables édifices. » A noter : le texte a été mis en français moderne.

Source : Le livre des faits et bonnes moeurs du sage roi Charles V. Ed. Société de Saint Augustin (1892)
Troisième partie, Chapitre  X, pages 239 à 241. Ouvrage rédigé en 1403 par Christine de Pisan.



En avril 1370 débutait les premiers travaux ou le dépôt de la première pierre de la future Bastille. En toute fin de la rue Saint-Antoine, il exisistait avant deux tours rondes qui encadraient une porte fortifiée. Les travaux de la forteresse durèrent jusqu'en 1383, on y fit bâtir à la place « huit tours de 24 mètres réunies par des courtines et entourée d’un fossé, le tout formant alors un rectangle de 68 sur 37 mètres. » Cette construction s'avéra être une faiblesse dans la protection de la ville, malgré son imposante taille, la bastille n'aurait pu résister pour autant aux assauts et aux canonnades. Cinq années après, en 1375 était achevé à l'extérieur des murailles de Philippe Auguste l'hôtel de Clisson (ci-contre en photo), la résidence du connétable Olivier de Clisson successeur de Du Guesclin. Au XVIe la demeure deviendra l'hôtel de Guise, et aujourd'hui il s'agit de l'hôtel de Soubise qui abrite les Archives nationales, où ne reste plus que la porte fortifiée avec ses deux tourelles (58 rue des Archives, actuel 3e arrondissement).

Le roi, par lettres patentes du 1er février 1371, ordonnait l'expulsion des lépreux de la capitale :

« sans délais et sur certaines et grosses peines corporelles ou pécuniaires telles que bon nous semblera, tous les dix meseaux (lépreux, misérables) hommes, femmes et enfants, qui ne sont nés en nôtre dicte bonne Ville, et qui par les dits privilèges ordonnances ou statuts anciens d'icelle, n'y doivent ou ont accoutumé d’être reçus aux maladreries pour ce ordonnées et établies, se partent de notre dicte bonne ville, dedans le jour des Brandons prochain venant, (premier dimanche du carême) et s'en vont droit aux villes et lieux dont ils sont venus et nés, ou ailleurs, aux maladreries où ils doivent être reçus soutenus et gouvernés. »


En 1372, dans Paris il devenait obligatoire de prévenir les passants du jet des pots d'aisance dans les rues au cri de "Gare à l'eau", ceci devait être dit au moins trois fois. Deux ans après, Charles V demandait à tous les propriétaires de la capitale d'installer à demeure des latrines pour ne plus polluer les rues, et il décidait en août que pour devenir roi de France il fallait avoir 13 ans révolus.
 
La France a pu gagner la paix grâce à Charles le Sage et à son connétable, Bertrand Du Guesclin. Les Anglais ne tenaient plus que cinq ports : Calais, Cherbourg, Brest, Bordeaux et Bayonne. Charles V décédait le 16 septembre 1380. Le roi Charles VI de Valois à 11 ans au décès de son père était sacré à Reims, le 4 novembre. Les Parisiens saluèrent le sacre par les cris de « Vive le roi de France ! Montjoie Saint Denis ! » Surtout, furent supprimés les fouages : un impôt qui taxait chaque feu ou foyer à la demande du prévôt de Paris aux ducs régents. Toutefois, les fouages furent rétablis pendant la régence des oncles de Charles VI. Le royaume tentait de se remettre du long conflit avec les Anglais et des troubles civils.



Prévôt de Paris
,
Hugues Aubriot
sous Charles V

(dernière partie)


« A mesure que Charles V voyait la tranquillité se rétablir dans la capitale, il augmentait les pouvoirs de son prévôt, et ajoutait de nouvelles faveurs aux anciennes. Non-seulement Aubriot exerça dans Paris une autorité absolue, mais encore il acquit une grande influence dans le Conseil privé du Roi ; son patrimoine, déjà ̀considérable, s'était accru des largesses que lui faisait journellement  Charles V et dont je viens de citer quelques exemples. Hugues Aubriot, libéral par nature, aimait à répandre autour de lui les bienfaits ; il se plaisait surtout à étaler beaucoup de magnificence, et à doubler ainsi le respect et la considération qui s'attachaient au premier magistrat de la capitale. Jamais il ne paraissait dans la ville qu'environnée de ses gardes et suivi de nombreux  serviteurs montés sur de hauts destriers frisons ou allemands.

Lui-même chevauchait sur une mule fringante, richement caparaçonnée. Dans son hôtel de la rue du Jour, il avait réuni, soit en meubles, soit en tapisseries, tout ce que l'art de cette époque pouvait produire de délicat et de recherche. Le seul détail qui nous soit parvenu à cet égard pourra faire juger jusqu'à quel point le luxe et la recherche y avaient été poussés. Hugues Aubriot aimait les oiseaux rares de toutes espèces. La cage dans laquelle il les renfermait était citée avec celle du Roi, à l'hôtel Saint-Paul, comme la plus remarquable du royaume. Dans ce brillant et somptueux hôtel, le prévôt de Paris réunissait souvent les grands personnages de la cour, leur donnait de splendides festins, les accablait de présents, et affermissait par ce moyen son crédit auprès du Roi. « Ceux qu'il avait ainsi gagnés, dit un chroniqueur contemporain, l'avancèrent tellement dans l'intimité de Charles V, qu'on le voyait souvent placé à la droite du prince, avoir avec lui un entretien particulier, et qu'il assistait au Conseil public ou privé. »

Comblé d'honneurs et de richesses, environné de l'estime et de la considération de tous, soutenu par la faveur royale, cet homme remarquable, le bienfaiteur de ses. administrés, semblait défier l'envie et la haine. Les sages réformes accomplies d'une main ferme, malgre ́les oppositions des privilèges abusifs et contradictoires, avaient excité des jalousies d'autant plus vives qu'elles étaient comprimées et ne pouvaient encore éclater au grand jour. Au faîte de la prospérité, Hugues Aubriot touchait, sans s'en douter, aux jours des rudes épreuves et des persécutions implacables. Des rancunes sournoises attendaient impatiemment la mort du roi pour fondre sur le magistrat qu'un changement de maître leur livrerait désarmé.

Les prétextes ne manqueraient pas alors aux poursuites acharnées, aux accusations inévitables. Il était facile de tourner contre lui la hauteur de son caractère, l'indépendance de son esprit, dégagé des préjugés respectés de la foule. Exalter son luxe et ses richesses aux dépens de ses mœurs, paraissait chose aisée. On se disait déjà tout bas, en attendant qu'on pût le crier dans les rues, que la vie du prévôt n'était qu'une suite de débauches. Il menait au grand jour l'existence ininterrompue d'un païen, ne croyait pas aux mystères de la religion catholique et n'en pratiquait pas un seul précepte.

On affirmait qu'un pacte sacrilège le liait aux juifs, qu'il ne craignait pas de contracter avec les plus belles de leurs filles des liens impurs, et de prendre hautement la défense de ces hommes souillés du sang d'un Dieu. Un trait remarquable de l'administration du prévôt, qui prouve que son esprit élevé devançait les progrès du temps, plus préoccupé des droits de l'humanité que des calculs d'une vulgaire prudence, avait donné lieu à ces accusations. Profitant de l'arrêt de bannissement qui fut prononcé contre les juifs, en 1380, plusieurs personnes, emportées par un zèle inconsidéré, s'étaient emparées des enfants des proscrits pour les faire baptiser. Les mères de ces enfants vinrent trouver le prévôt et redemandèrent a ̀hauts cris le fruit de ieurs entrailles. Hugues Aubriot n'hésita pas : il donna l'ordre que ces enfants fussent remis immédiatement à leur famille. (1)
»

Note :
(l) Voici comment le moine de Saint-Denis, auteur de la Chronique de Charles VI, parle de la conduite privée du prévôt ; on ne doit pas oublier que ce chroniqueur est l'interprète officiel du clergé et de l'Université : « il était enclin au libertinage, quoiqu'il fut sexagénaire ; il négligeait une épouse vertueuse pour rechercher le commerce des jeunes filles encore vierges, et quelquefois il avait affaire à des sorciers pour faire triompher sa passion. D'autres fois, portant le déshonneur dans la maison d'autrui, il cherchait à séduire par des présents les femmes dont il entendait vanter la chasteté; souvent aussi il emprisonnait les maris sans motif, afin d'être plus libre pendant ce temps de lâcher bride à ses désirs effrénés. On le soupçonna aussi d'avoir entretenu des liaisons illicites avec des juives, parce qu'il avait eu avec elles des entretiens illicites et trop familiers ; il leur rendit même, sur leur demande, leurs fils qu'on avait baptisés de force, se montrant en cela fort inconsidéré, car il donnait ainsi aux Juifs, ennemis du Christ, l'occasion de profaner la sainteté du baptême.» (T. I, p. 103.)
Persécutions  des Juifs ou l'antijudaïsme chrétien depuis l'Antiquité :  Lire ici !

Autres notes et textes extraits d'Antoine Le Roux De Lincy

sur HUGUES AUBRIOT (vers 1320-1382), Prévôt de Paris -  Persée.fr

1379 : Le 5 septembre les tisserands de la ville de Gand (en Belgique ou Flandre) se révoltent.

1380 : Charles VI âgé d'à peine 12 ans devient roi
sous la tutelle de ses oncles. En fin d'année s'engage une révolte anti-fiscale dans la vallée de l’Oise, à Rouen et à Chartres. A Paris sont agressés des agents du fisc. Jusqu'en 1382 éclatent des révoltes en Flandre contre leur duc Louis de Mâle.

1381 : En Angleterre éclatent des révoltes paysannes.

1382 : En mars, des émeutes se produisent dans tout le royaume : entre autres à Rouen, tout comme les maillotins à Paris, et les Tuchins en Languedoc. Il s'agit d'une forte protestation contre l'oppression fiscale, les collecteurs de taxes et les usuriers sont victimes du soulèvement populaire ; les insurrections sont sévèrement réprimées et les fauteurs de trouble lourdement condamnés, voire exécutés.

1383 : En janvier, s'effectue une reprise en main avec l'exécution des meneurs, et l'occupation de Paris et Rouen par l’armée. Les institutions prévôtales sont supprimées dans plusieurs cités jusqu’en 1389. A Paris, la prévôté désignée par ses pairs est définitivement supprimée.

1388 : Trêve entre la France et l'Angleterre et majorité du jeune Charles VI.

1389 :
Le 15 juin, les soldats du sultan Murad Ier affrontent les troupes de la principauté Serbe à la bataille de Kosovo au dit « Champ des Merles ».

1392 :
Guerre contre le duc de Bretagne Jean IV et crise de démence de Charles VI, dit le Fol.


Plan de Paris vers 1380


En jaune : L'ancienne enceinte de Philippe Auguste (au nord au niveau de la rue Etienne Marcel).

En rose : L'élargissement au nord des protections (au nord niveau bld St Denis et St Martin),


Charles VI dit le Fol et régences conflictuelles

 En 1382, les impôts étaient augmentés et provoquaient des révoltes à Rouen,  Paris, etc... Les fouages qui avaient été abolis sous Charles V sont rétablis par le régent, Louis 1er d'Anjou. En raison de de cette révolte parisienne, Hugues Aubriot (ex. prévôt) était libéré de la prison de l'évéché sur l'ïle de la Cité. Aubriot fut à l'initiative de la construction de la forteressede la Bastille avec l'édification de nouvelles tours (huit au final) et des fossés l'entourant, et il avait posé la première pierre le 13 avril 1370. On lui doit aussi l'édification des ponts Saint-Michel et au Change, ainsi qu'un autre maillon de protection le petit Châtelet, et les quais du Louvre.

Pendant la régence, ce fut Louis d'Anjou, le duc Jean de Berry (et ses très grandes heures), Louis de Bourbon et Philippe de Bourgogne, qui assurèrent le pouvoir jusqu'en 1382. Ils en profitèrent pour vider les caisses du royaume et créaient de nouveaux impôts à leur profit.

Pas contents du tout, les contribuables Parisiens s'armèrent de maillets de plomb (d'où le surnom des Maillotins) pris à l'Arsenal. Ils descendirent dans la rue et s'attaquèrent aux receveurs des impôts et aux Juifs. Cette révolte fiscale se termina le 3 janvier 1383, elle déboucha sur la loi martiale et une forte répression des insurgés. Et la prévôté des marchands était supprimée, le prévôt se voyait désigner directement par le roi et non plus par ses pairs marchands. De plus, l'ancien prévôt Jean Desmarets qui fut le seul haut personnage à rester dans la ville pour temporiser les ardeurs, celui-ci fut décapité le 28 février sur ordre du roi.

Selon Jean Froissard, il en fut « Pareillement à Reims, à Châlons en Champagne et sur la rivière de Marne, les vilains se rebellaient et menaçaient les gentilshommes, aussi bien à Orléans, à Blois, à Rouen en Normandie et en Beauvaisis : leur était entré le diable en la tête pour tout occire, si Dieu proprement n'y eût pourvu de remède. »



La révolte
des maillotins,

1er mars 1382




Ci-contre enluminure des Maillotins



« L'esprit de révolte soufflait sur toutes les grandes villes : « A Rouen (en janvier), (…) deux cents personnes (...) vinrent à l'hôtel d'un marchand de drap, qu'on nommait le Gras, pour ce qu'il était gros et gras, et le firent leur chef comme roi, et le mirent sur un chariot, comme en manière de roi, voulut ou non.... et procédèrent à tuer et à meurtrir les officiers au fait des aides... allèrent furieusement en l'abbaye de Saint-Ouen, rompirent la tour où étaient les chartes, les prirent et déchirèrent... plusieurs défenseurs du château tuèrent et navrèrent... Presque partout le royaume, telles choses se faisaient et régnaient... (1) » Ce fut bientôt le tour de Paris.

Le Régent (Louis 1er d'Anjou) résolut d'y rétablir, de gré ou de force, l'impôt du douzième denier. L'appât du gain lui fit trouver des fermiers et, le dernier jour du mois de février 1382, un crieur à cheval se hasarda à se montrer aux Halles. Il annonça d'abord que la vaisselle du roi avait été volée et qu'on donnerait une forte récompense à qui la rapporterait : puis, quand il eut ainsi rassemblé la foule, il piqua des deux, en criant : « Demain, 1er jour de mars, sera levé le douzième denier des vivres. » Le lendemain. en effet, au matin les percepteurs, bien escortés, ne manquèrent pas de se présenter : l'un d'eux s'adressa à une vieille marchande de cresson Pérolle la Morelle, qui jeta des hauts cris. En un clin d'oeil, toute cette populace exaspérée se précipita sur les commis, en tua plusieurs, et se répandit dans tous les quartiers, au cri de : Liberté, Liberté! aux armes! Ils brisèrent les boîtes placées pour recevoir les deniers de l'impôt, délivrèrent les prisonniers du Châtelet, pillèrent quelques riches maisons, et, violant le droit d'asile, ne craignirent pas de tuer un des receveurs qui s'était réfugié dans l'église Saint-Jacques-de-la-Boucherie, et, monté sur l'autel, tenait embrassée la statue de la Vierge. Ils coururent ensuite à l'Hôtel-de-Ville (ou la Maison aux Piliers, que l'on doit à Étienne Marcel), rompirent les portes et s'emparèrent des maillets neufs, armes terribles « qu'ils essayèrent sur la tête des collecteurs ». De là, le nom qui leur est resté.

Toutes les autorités semblaient glacées de frayeur : nulle part la résistance ne s'organisa ; le prévôt de Paris, Audouin Chauveron ; l'évêque, Aymeric de Maignac, les officiers royaux, s'échappèrent en toute hâte, emportant leurs effets les plus précieux. (...) Une partie des révoltés passèrent les ponts, sortirent par la porte de Bucy et essayèrent de s'emparer de Saint-Germain-des-Prés, où ils prétendaient que des juifs s'étaient cachés. L'abbaye, bien défendue par ses murs, ses fossés et ses moines, leur résista quelque temps ; mais ils revinrent à la charge, tuèrent les religieux qui s'opposaient à leur violence et emportèrent tout ce qu'ils trouvèrent de meubles et d'ornements précieux. Ils s'épuisaient ainsi en mouvements désordonnés, cherchant quel chef ils pourraient prendre. Sur un mot de l'un d'eux, ils se rappelèrent Hugues Aubriot, coururent à l'évêché (la prison de), l'arrachèrent de son cachot, et « sur une mule le firent chevaucher parmi Paris, jusqu'au soir qu'ils le menèrent en sa maison à la poterne Saint-Paul, dont en saisine le remirent (2). » Mais l'ancien prévôt, en homme prudent, n'eut aucune confiance dans d'aussi dangereux amis : « En la nuit de ce jour, trouva manière de passer la Seine et s'en alla ». (...)

Charles VI était à Rouen, où il châtiait d'autres rebelles, quand il apprit l'insurrection des Maillotins. Il accourut en hâte à Vincennes (à Meaux pour Froissart), où les bourgeois de Paris, craignant d'être enveloppés dans la punition des vrais coupables, lui dépêchèrent quelques docteurs de l'Université. Le roi parut les accueillir favorablement et accorda une de ces amnisties prétendues générales, dont on excepte tous ceux qu'on peut atteindre. (...) Les négociations pour le rétablissement des impôts n'en continuaient pas moins. Pour triompher du refus formel des Parisiens (4), le duc d'Anjou rassembla des troupes qui arrêtèrent les approvisionnements et saccagèrent la riche banlieue de Paris où les bourgeois comptaient déjà tant de belles maisons de campagne (5). On finit alors par s'entendre : Charles VI pardonna, la ville lui promit un présent de cent mille francs et il y entra le lendemain, au bruit des cloches, au chant des Te Deum, aux acclamations intéressées de tous les gens d'église qui espéraient bien se faire exempter et ne pas donner un écu.
»

Notes de l'auteur :


(1) Juvénal des Ursins.
(2) Cousinot le Chancelier, Geste des nobles.
(3) Il mourut obscurément en bourgogne la même année 1382. Pour gagner la Seine, Aubriot n'avait que quelques pas à faire, en sortant de son hôtel par la porte qui existe encore rue de Jouy, en face la rue du Fauconnier. Cette rue
(4) Refus imité dans presque toutes les villes du Domaine : Meaux, Compiègne, Pontoise, Sens, Reims, Châlons, Troyes, Orléans, Blois, etc.
(5) Jehan Bureau possédait, en 1461, l'hôtel des Porcherons ou Château du Coq, dont l'avenue du Coq, rue Saint-Lazare, rappelle encore remplacement. Les propriétaires précédents étaient Jean le Coq et son fils, Hugues le Coq, prévôt des marchands en 1419, petit-neveu du célébré Robert le Coq.

Source : Gallica-Bnf, Eugène de Ménorval, Paris depuis ses origines jusqu'à nos jours. 
Chapitre, les Anglais à Paris. Pages 5 à 7, volume 2 (Paris, 1889)


Ce fut sous Charles VI dit le fou que s'achevèrent en 1383 les travaux de construction des nouvelles murailles de la ville, sans aucun doute importants, puisqu'ils s'étendirent sur 16 années (1367-1383) et ainsi s'agrandissaient  une nouvelle fois la rive droite de Paris (aujourd'hui à la hauteur des Grands Boulevards).

Ci-contre, une miniature du XVe s. réprésentant le roi Charles VI


En 1388, Charles VI chassa ses oncles et rappela les conseillers de son père. Le nouveau prévôt de Paris, Jean Juvénal des Ursins fit défense aux lépreux d'entrer dans la ville, sans sa permission.

« Le 20 juin 1389, à l'entrée d'Isabeau de Bavière, la ville se mit en frais extraordinaires et fit grandement les choses. Le spectacle commençait à la première porte Saint-Denys, où le décorateur avait figuré un ciel étoilé, rempli de jeunes anges qui chantaient, et où, dans les bras de Notre-Dame, le petit Jésus s'ébattait avec un moulin fait d'une grosse noix. Un peu plus loin, devant le moustier (sculpture) de la Trinité, les bourgeois de Paris représentaient sur un échafaud la grande bataille du roi Richard contre Saladin et les Sarrasins. A la seconde porte Saint-Denis, le cortège arriva derechef devant un ciel « nué et estoilé très richement », où siégeaient Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; et, au moment où la reine passait avec sa litière sous la porte du Paradis, deux anges en descendirent et vinrent déposer sur sa tête, en chantant, une couronne d'or garnie de pierres précieuses. »
Source : Le Vieux Paris, fêtes, jeux et spectacles, Victor Fournel (1887 - Tours)

Le roi Charles VI s'enfonçait régulièrement dans des crises de démence où il brisait tout ce qui l'entourait, sans se rappeler de ses actes, et lorsqu'il retrouvait la raison, il se mettait à pleurer. Il chassa aussi son épouse du lit conjugal : "Isabeau" ou Isabelle de Bavière devenait en 1392 la maîtresse de son beau-frère Louis, duc d'Orléans. La reine fit l'achat d'un grand hôtel particulier (Saint-Paul ou St-Pol) à Paris pour y recevoir ses amis. Devant la déficience du roi deux partis s'affrontèrent autour de la reine Isabelle pour une véritable bataille du pouvoir :

- d'un côté Louis d'Orléans, frère du roi Charles qui avait épousé la fille du comte Bernard VII d'Armagnac, et pourquoi ses partisans prirent le nom d'Armagnacs.

- de l'autre côté Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, il était devenu le chef du parti des Bourguignons. Mais ce fut la reine de France qui obtint du roi de France (son époux) les pleins pouvoirs durant sa maladie.

 
En 1394, le 17 septembre, Charles VI expulsait ou bannissait les Juifs du royaume de France. Cette expulsion s'était installée sur fond de mécontentement populaire en raison de la guerre dite de cent ans : les finances étaient mauvaises, le peuple appauvri et les Juifs, prêteurs d’argent eurent le plus mauvais rôle. Leur expulsion était réclamée et fut mise en œuvre. Le retour au judaïsme d’un juif baptisé ou converti, Denis Machault, servit à justifier cette décision.

En 1402, le Prévôt de Paris renouvelait sa défense des lépreux dans la la ville : « sous peine d'être pris par l'exécuteur et ses valets et détenus prisonniers pendant un mois, au pain et à l'eau, et ensuite bannis du royaume ». Les lépreux se plaignirent de n'être pas à l'abri dans les léproseries et même de n'y pas être reçus et provoqua l'ordonnance royale du 3 juin 1404 (mesure renouvelée en 1413 par Charles VI) :

« Néanmoins pour ce que les Maîtres et Gouverneurs des maladreries étant en nôtre dit Royaume, mêmement en nôtre dite Prévôté et Vicomté de Paris, mus de convoitise désordonnée, prennent et appliquent à eux et à leur profit, les profits, revenus et émoluments des maladreries au gouvernement desquels ils sont commis et préposés tant par nous, comme autres à qui elles compétentes à donner et conférer, laissent choir en ruine et difformité les manoirs et héberges celles-ci maladreries et n’alimentent, n’hébergent, dûment et convenablement les ladres (lépreux) qui de raison et par ordonnances sur ces faîtes doivent en celles-ci être reçus, alimentés et hébergés et non autres ; mais y hébergent et logent, de nuit comme hôteliers, autres ladres étrangers, par profit qu'ils en prennent de chacun par semaine, par jour et autrement. »

En 1406, Mort de Philippe le Hardi, son fils Jean sans Peur prenait la succession de son père et faisait entrer le Dauphin dans Paris. L'année suivante, en février une crue emportait  le « Petit-Pont ou le Petit-Pont Neuf » fait en bois, ce dernier avait été terminé lors de sa construction en 1387. Un autre pont sera édifié en bois et sera emporté pareillement, avant d’être reconstruit et de devenir le Pont Saint-Michel lors de sa construction en pierre (en 1616).
  Le 23 novembre 1407, le duc Louis d'Orléans, frère cadet du roi Charles VI était assassiné à Paris en sortant de l'hôtel Barbette entre huit et neuf heures du soir (rue Vieille du Temple).

Où se trouvait Isabeau de Bavière, et sa belle soeur. La reine présidait le Conseil de Régence, et gouvernait le pays depuis la crise de démence du roi, quinze ans auparavant.
La victime était membre du Conseil, ainsi que son cousin, le duc de Bourgogne Jean sans Peur, et ses oncles : les ducs d'Anjou, de Berry et de Bourbon. Louis d'Orléans présentait une menace, il pouvait contrecarrer les plans de ces derniers, qui tentèrent de mettre la main sur le royaume.
« En l'an de grâce mil quatre cent et sept, le mercredi 23ème jour du mois de novembre, entre huit et neuf heures de nuit, Monseigneur le connétable de France manda par Guillaume de Herville dit Tetine, son écuyer, à nous Guillaume, seigneur de Tignonville, prévôt de Paris, qui étions en nôtre hôtel à Paris, à la Cave de Pontis, que Monseigneur d'Orléans avait été présentement tué et meurtri en la vielle rue du Temple à Paris, au milieu de la rue, ainsi qu'il allait son chemin.

— J'ouis lequel mandement, nous, en nôtre compagnie maître Robert de Tuillières, nôtre lieutenant, et plusieurs autres officiers du Roi, nôtre sire, en grand nombre, armés et habillés, pour savoir qu'il en était et aussi la vérité de la chose et faire au surplus ce qui serait à faire de raison, allâmes hâtivement en la dite vielle rue du Temple où l'on disait le cas avoir été perpétré. En laquelle rue, c'est à savoir en l'hôtel de Monseigneur le maréchal de Rieux, assis en la dite rue, près de la porte Barbette, nous trouvâmes le corps du dit feu Monseigneur d'Orléans, tout mort et tout saignant, étendu sur une table, vêtu d'une robe de drap de damas noir, navré (touché) de plusieurs plaie, c'est à savoir de deux plaies en la tête. »
Source : Persée.fr,  Enquête du prévôt de Paris sur l'assassinat de Louis duc d'Orléans
Paul Raymond, en français ancien

Le commanditaire du crime fut le duc de Bourgogne, Jean sans Peur. À Paris, on finissait par accepter cet état de fait, et faussement oublier les assassins par peur de conséquences plus graves sur la Ville. Et le 8 mars 1408, au sein de l'hôtel Saint-Paul (quartier du Marais), un universitaire de la Sorbonne rendit légitime l'assassinat. Il expliqua à une assemblée qu'Isabelle de Bavière et Louis d'Orléans n'étaient que « des tyrans et des adeptes en sorcellerie ». Après cette justification, Jean sans Peur finissait et avec cynisme, par reconnaître son crime.
 
« L'Université de Paris était tellement peuplée sous Charles VI, que Jouvenal-des-Ursins (Jean II) atteste qu'ayant fait une procession en l'an 1409, de l'Eglise de Ste.-Geneviève à celle de St.-Denis, pour l'assoupissement des troubles à qui donc voguait par la France ; l'Assemblée se trouva si grande, que le Recteur était encore devant les Mathurins lorsque ceux qui tenaient les premiers rangs étaient en la Ville de St.-Denis ».

Source : Gallica-Bnf, Histoire et recherches des Antiquités de la ville de Paris, tome III, page 226,
Henri Sauval (ou Sauvalle), avocat au Parlement de Paris.

En mars 1409 était conclue une paix de courte durée à Chartes entre les divers partis. La conjoncture politique comme les nécessités administratives obligeaient à reconstituer la prévôté cette même année. Toutefois, l'intervention constante du pouvoir royal dans les élections rendit illusoire l'autonomie de cette institution. Au reste, les prévôts furent de plus en plus souvent recrutés parmi les hommes de loi, les nobles de robe, les officiers royaux, notamment au XVIIIe siècle. L'an suivant, en 1410, le 2 novembre était signé le traité de Bicêtre, qui un temps apaisa les tensions entre Armagnacs et Bourguignons.

En fait, la municipalité parisienne avait perdu toute autorité politique.
Ce n'était plus qu'une institution économique. Le dernier prévôt des marchands, Jacques de Flesselles, fut tué le 14 juillet 1789 par les révolutionnaires. La prévôté n'était plus qu'un agent d'un pouvoir royal déconsidéré, et non plus le représentant de la bourgeoisie parisienne.

« Sous Charles VI, il y en avait une dehors tout contre, que Juvenal des Ursins (le prévôt des marchands) appelle la Boucherie d'emprès l'Hôtel-Dieu devant Notre-Dame. Caboche y écorchait des bêtes en 1411 d'où il sortit pour devenir chef des séditieux appelés Cabochiens. Les Gois, trois frères, fils d'un Boucher de Ste Geneviève, se signalèrent dans cette sédition, suivis de quantité de gens de la lie du peuple qu'ils avaient ramassés, et furent mettre le feu au château de Bicêtre que le duc de Berry avait fait peindre et enrichir (bâtir aussi quelques années auparavant). L'un d'eux marchant à la tête des Parisiens, fut tué dans la Beausse (Beauce) par les Armagnacs ; homme vaillant au reste, agréable et bien regreté. Son corps fut apporté à Paris, et enterré à Ste Geneviève. On lui fit moult honorables obsèques, autant que si c'eût été un grand Comte ou seigneur, et y fut présent le duc de Bourgogne avec foison de peuple. Vanité dont les Grands amusent les simples et la populace ; mais s'il fut loué de ceux-ci, il fut moqué des autres. On grava sur sa tombe une épitaphe qui se voyait encore du temps de Juvenal des Ursins ».

Source : Gallica-Bnf, Henri Sauval, Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, tome I, livre VI, page 642

PS : Il faut aussi préciser que les émeutiers cabochiens détruirent un des plus beaux des châteaux d'Ile de France, il resta en ruine des décenies avant de devenir l'hôpital de Bicêtre en 1632. Les ruines provoquèrent sur la population parisienne un certain effroi, l'ancien château se trouvait en surplomb du sud de la ville avec ses allures de lieu hanté. L'on suppute que François Villon séjourna dans les ruines avec des brigands. Aussi fut brûlée ou détruite par les émeutiers une magnifique collection d'oeuvres d'art, qui appartenait à Jean De Berry, duc et parent du roi, un grand mécène de son temps qui disparu en 1416.
 
L'assassinat de la rue Vieille du Temple présenta des conséquences dramatiques pour le royaume, et mit face à face les Armagnacs et les Bourguignons pour la prise du pouvoir. Le fils de la victime, le poète Charles d'Orléans, fit appel au comte d'Armagnac, son beau-père. Bernard VII prenait le parti de son gendre contre les Bourguignons sans grande hésitation. Et lui apportait ainsi un soutien militaire de poids. En Janvier 1413 était proclamée la "Grande ordonnance cabochienne", et les Parisiens se soulevaient contre les Armagnacs.

Jean sans Peur, le bourguignon (ci-contre en portrait) disposa d'une grande popularité auprès du petit peuple de Paris. Il s'imposa avec l'appui de la faction menée par Simon Caboche. Et ses soutiens n'hésitèrent pas à attaquer la Bastille et à tuer le prévôt de Paris, et à séquestrer les membres de la famille Royale. Une réforme administrative connue sous le nom d'ordonnance cabochienne chercha à limiter le pouvoir monarchique.

Le roi convoquait d'urgence les Etats Généraux en janvier 1413 et signait l'ordonnance. Il alla jusqu'à porter le capuchon des cabochiens (ou dénommé le cabuchon), mais les crimes des Bourguignons et des Cabochiens entrainèrent les habitants de la capitale à se soulever.

 

L'émeute des Cabochiens
 

Charles VI, par la grâce de Dieu Roy de France, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, Salut.

« Crimes et délits sont advenus et ont été commis et perpétrez en notre bonne ville de Paris par gens séditieux, troubleurs de pays, rebelles et coupables de crime de Lèse Majesté (...) Nous et contre Notre Royale Majesté, et contre tous autres roys et princes terriens qui ont peuple à gouverner, Nous, voulons la vraie vérité des choses (...) Nous étant et faisant notre résidence en notre dite bonne ville de Paris, et avec Nous notre très chère et très aimé compagne, la Reine, nos très chers et très aimé fils ainé, Louis, Duc de Guyenne, et Oncle de Berry, et plusieurs autres de notre sang et lignage, et de nos conseillers et serviteurs, comme accoutumé avons le temps passé, advint que le vendredi après Pâques XXVIIIe jour du mois d'avril dernièrement passé, Elion de Jacqueleuille, Robert de Mailly, Charles Guillaume Barrau, lors notre secrétaire, un chirurgien nommé Mestre Jean de Troyes, ses enfants, Thomas Le Gouers et ses enfants, Garnot de Saint Yon, bouchers, Simonnet le Coustelier, dit Caboche, (...) après plusieurs assemblées, secrètes conspirations et monopoles par eux faits en notre dite bonne ville, en divers lieux, de jour et de nuit, vinrent en très grand et excessif nombre, tous armés à étendard déployé et par manière d'hostilité et de puissance désordonnée, passèrent par devant notre hôtel de Saint Pol, sans notre sceau et à notre très grand déplaisir et déshonneur, et allèrent droit à l'hôtel de notre dit fils, le Duc de Guyenne, auquel hôtel ils s'efforcèrent d'entrer et, de fait, rompirent les portes en grand esclandre et déshonneur de Nous et de notre dit fils, et eux autres en cet hôtel allèrent en sa chambre par force et violence moult terrible et épouvantable, (...) que par notre dit fils et par notre très cher et féal cousin germain, le Duc de Bar, Louis, Duc en Bavière, frère de notre dite compagne et plusieurs autres nobles hommes, chambellans et autres officiers (...) les meurtrirent inhumainement, (...) et puis par menaces et pour de mort, les rançonnèrent à très grandes et excessives sommes d'argent ; vous tous, et ceux pris ou fait prendre comme traîtres, meurtriers, rebelles envers Nous et coupables de crime de Lèse-Majesté, contre leur naturel et souverain seigneur, et les Nous envoyez pour punir selon raison, si que tous autres y prennent exemple, et ces présentes nos lettres faites crier et publier solennellement par tous lieux ou l'on a accoutumé faire cris à son de trompe, et, avec ce, faites la copie de celles, collationnée à l'original, fichez values et portes des églises afin que nul n'en puisse prendre ignorance.  »

 
Ci-dessous :

La Révolte des cabochiens,

Une miniature
de Martial d'Auvergne


(reproduction en deux parties)

Simonnet le Coustelier ou Simon Caboche était boucher à Paris. Les Cabochiens furent une faction populaire - du nom de son chef et proche du parti Bourguignon.

Ci-contre :

Quelques extraits d'époque des actions des Cabochiens contre la famille royale.
 
 
Donné à Paris le XVIIIe jour de Septembre, l'an de grâce mil IIIIc et XIII, et de notre règne le XXXIIIIe. Par le Roy en son conseil, auquel le Roy de Sicile, nos seigneurs les Ducs de Berry et d'Orléans, de Bourbon et de Bar, les Comtes d'Alençon et de Verbuz, de Richemont et de Tancarville, le connétable, vous, les Archevêques de Sens et de Bourges, les Evêques d'Auxerre, de Noyon et d'Evreux, le grand Maître d'Hôtel, les chanceliers de Guyenne et d'Orléans, et plusieurs autres grands seigneurs, barons, conseillers et chambellans et autres étaient.

le 11 mai 1413 : Les Cabochiens organisaient des arrestations sans véritable raison, quelques-uns furent tués lors de l'interpellation (ou le seront quelques jours plus tard).
en Juin : Le duc de Bourgogne, Jean Sans Peur se vit dépassé par les événements, les bourgeois parisiens souhaitaient des réformes mais craignaient l'anarchie du mouvement.
le 27 juillet : Jean Sans Peur décidait de négocier et abandonna les Cabochiens, la paix de Pontoise était signée, elle abolissait toutes les mesures d'exception en vigueur et proclama l'amnistie pour tous les parisiens ayant participé aux troubles.   le 4 août : Les Cabochiens se virent désavoués par la foule réunie place de Grève, Jean Sans Peur quitta Paris et le roi fit son entrée à son tour. Il dirigea une répression qui fit une centaine de victimes, rien que dans ses propres rangs, une vingtaine de Baillis et Sénéchaux furent également révoqués. Les Armagnacs rentraient dans Paris
 
Une fois les Cabochiens éliminés, les troupes du duc de Bourgogne durent céder la place aux Armagnacs. Bernard VII devenait maître de Paris et se fit nommer connétable (chef des armées) par la reine Isabelle de Bavière. Et ces troubles n'échappèrent pas au nouveau roi d'Angleterre. Henri V de Lancastre en profita pour reprendre l'offensive contre la dynastie des Valois. Malgré une interruption ou une mise entre parenthèse d'un peu plus de 35 ans des conflits, les troupes anglaises débarquaient en Normandie.

 
1408 :  Durant le mois de janvier la Seine est saisie par les glaces, et même l'encre du greffier du Parlement se met à geler, et le 31 janvier lors du dégel des glaces se produit une débacle et deux ponts sont détruits.
1414 : Le palais des Ducs de Bourgogne à Paris dispose de latrines à fosses.
1415 :
En février, Tanguy du Châtel est désigné comme prévôt de Paris. En mars, les pluies abondantes font déborder la Seine et inondent les marais. Le 25 octobre, dans le nord du royaume se produit la bataille d'Azincourt, victoire anglaise.
1417 : Paris est sous la dictature des Armagnacs et perd son statut de capitale, la ville de Troyes pendant cinq années devient le nouveau siège des administrations royales.
1418 : C'est l'entrée des Bourguignons dans Paris, il s'ensuit le massacre des Armagnacs. Bertrand d'Armagnac, succède à Charles (prisonnier à Londres), mais il est également assassiné à Paris par les Bourguignons. La ville se transforme en charnier avec plus de 10.000 assassinats commis, en particulier le bourreau Capeluche, qui après avoir assassiné les prisonniers éventrait les femmes enceintes, de sinistre mémoire.

Dans ce grand mélodrame familial des deux rives de la Manche, lors de l'année 1418, la reine Isabelle tenta une conciliation avec Jean sans Peur en la signature du traité de Saint-Maur, mais en bout de course ce rapprochement ne reçut pas l'aval du dauphin Charles devenu régent de France. Jean sans Peur, ou sinon Jean 1er de Bourgogne était à son tour assassiné sur un pont à Montereau (actuelle Seine-et-Marne) après avoir salué et s'être agenouillé devant le régent par Tanguy du Châtel (ou Chastel), troisième du nom (gouverneur de la Bastille et maréchal depuis 1417) qui le frappa avec une hachette le 10 septembre 1419, sous les yeux du dauphin et régent Charles, et selon sa volonté de l'éliminer, ce qu'il contesta, mais provoqua le ralliement du parti bourguignon aux Anglais.

Ci-contre, la scène du meurtre par l'enlumineur
Enguerrand de Monstrelet



En 1420,  à Troyes était acté un traité de paix, portant le nom de la ville, au sein de la cathédrale St-Pierre pas encore achevée (en construction depuis 1208), entre Henri V et Charles VI sous la gouverne de son épouse, le 21 mai avec pour objectif de mettre fin à la guerre fratricide en cours depuis 1337. Il était ainsi signé après de longues tractations un acte d'une trentaine d'articles qui engageait une capitulation nommée « l’union des deux couronnes, matérialisée le 2 juin par le mariage entre Henri V et Catherine de France (fille de Charles le fol, 1401-1437) dans l’église Saint-Jean-au-Marché. » (Passion Médiévistes année 2020 - Traité de Troyes de 1420, avec Arnaud Badin, historien) Cette union favorisa la naissance d’Henri VI, qui devenait de fait l’héritier du royaume de France au dépend du futur Charles VII, le dauphin. Dans Paris, le 1er décembre, il était procédé à l'entrée solennelle et victorieuse d'Henri V, en compagnie de Charles VI. Il est à noter durant l'hiver une souvenance de loups affamés aux portes de la ville, on les signala en train de rôder de nuit près des fortifications. (France Culture - Histoires de loup avec Michel Pastoureau, historien)

En 1422, disparaissait Henri V d'Angleterre à Vincennes le 31 août ; le 21 octobre suivant décédait Charles VI, à l'hôtel St-Paul. Deux nouveaux régents étaient nommés pour diriger les deux royaumes : Humphrey, duc de Gloucester, se voyait nommé régent d'Angleterre. Le duc de Bedford, lui était désigné régent de France. Tous les deux étaient les frères du feu roi Henri V. Ils furent également nommés tuteurs d'Henri VI. Avec son travail de pacification mal perçu par ses contemporains, son époux disparu, la reine de France Isabelle se mit en retrait dans l'hôtel Saint-Pol. Elle y mourut le 26 septembre 1435.

Cette même année de 1422 débuta le règne de Charles VII.
Il était né en 1403 à l'hôtel Saint-Paul. Charles fut l'avant-dernier et cinquième fils des douze enfants reconnus de Charles VI et d'Isabelle ou "Isabeau" de Bavière. Charles, dit le Bien Servi épousait en avril 1422, Marie d'Anjou, 22 ans, fille du comte d'Anjou, roi de Naples et de Sicile. Elle mit au monde à Bourges en 1423, le futur Louis XI ainsi que quatre autres frères et huit soeurs. La Cour se retirait à Chinon.

Orléans et Reims, Senlis, Beauvais et Compiègne de retour dans le giron français, le 8 septembre 1429, Jeanne d'Arc conduisait les troupes
venues de la ville de Saint-Denis à l'assaut des murailles du nord de Paris. Le duc d'Alençon lui attaqua la porte Saint-Denis, Jeanne de son côté depuis la Butte-aux-Moulins (qui n'existe plus, laisse place aujoud'hui à l'avenue de l'Opéra) orienta ses soldats vers la porte Saint-Honoré tenue par les Bourguignons et les Anglais. Mais elle fut blessée quand elle tenta de franchir le fossé par la flèche d'une arbalète et dans l'obligation de se retirer, tout comme son porte-étendart. Ainsi la ville demeura aux mains des Anglois.

« Vinrent les dits seigneurs aux champs, vers la porte Saint-Honoré, sur une manière de butte ou de montagne qu'on nommait le Marché aux Pourceaux, et firent assortir plusieurs canons et couleuvrines pour jeter dedans la ville de Paris, dont il y eut plusieurs coups de jetés....

Les Français, sur ces entrefaites, eurent imagination et crainte que les Anglais ne vinssent par la porte Saint-Denys frapper sur eux, par quoi les ducs d'Alençon et de Bourbon avaient assemblé leurs gens et s'étaient mis, comme par manière d'embuscade, derrière ladite butte ou montagne ; et ne pouvaient bonnement approcher de plus près, pour doute des coups de canon, vuglaires et coulevrines, qui venaient de ladite ville et qu'on tirait sans cesse.
La susditte Jehanne dit là-dessus qu'elle voulait assaillir la ville ; mais elle n'était pas informée de la grande eau qui était ès-fossés. . . .

Néanmoins elle vint à grande puissance de gens d'armes, entre lesquels était le seigneur de Rays, maréchal de France ; et descendirent en l'arrière fossé avec grand nombre de gens de guerre ; puis, avec une lance, elle monta jusque sur le dos d'âne ; d'où elle tenta et sonda l'eau, qui était bien profonde ; quoi faisant, elle eut d'un trait les deux cuisses percées, du au moins l'une ; mais ce nonobstant, elle ne voulait en partir, et faisait toute diligence de faire apporter et jeter des fagots et du bois en l'autre fossé, dans l'espoir de pouvoir passer jusques au mur, laquelle chose n'était possible, vue la grande eau qui y était....

Fallut que le duc d'Alençon l'alla quérir, et la ramena lui-même. Puis toute la susdite compagnie se retira au dit lieu de la Chapelle-Saint-Denys, où ils avaient logé la nuit du devant. »


Source : Cousinot de Montreuil, Chronique de la Pucelle, publiée par Vallet de Viriville, 1839. in-18. p. 332-333.

1421 : L'armée anglaise du duc Thomas de Lancastre avec ses 3.000 hommes affronte et perd, lui-même meurt le 22 mars, lors de la bataille face aux 6.000 soldats français et écossais à proximité de Baugé (à 30 km de Saumur).
1422 : La ville de Tours devient la nouvelle résidence royale et Paris jusqu'à François Ier (1528) n'est plus la capitale ou le lieu principal de résidence des rois.
1429 : La ville d'Orléans est assiègée par les Anglais depuis octobre 1428, le 12
février se déroule la bataille des harengs, les Français s'en prennent par erreur à Rouvray-St-Denis (Beauce) à un convoi de poisson destiné au ravitaillement et aux fêtes du carême et renversent les chargements... En mai, Jehanne d'Arc est victorieuse à Orléans. En juillet, Charles VII est sacré roi à Reims.
1431 : Jeanne d'Arc est brûlée vive le 30 mai à Rouen et ses cendres et restes jetés à la Seine. En décembre, il est organisé le sacre de Henri VI de Lancastre à Paris comme roi de France dans la cathédrale de Notre-Dame.
1432Entre le 13 et 25 janvier, il fait grand froid et la Seine est gelée. En mars-avril se produit une importante crue ; les rives et les terres maraîchères sont recouvertes d'eau. Les inondations durèrent un mois et demi, il fallut traverser en bateau pour se rendre à la hauteur de l'actuelle gare de l'Est en partant de la rive gauche...
 

Le mariage de Charles VII
avec Marie d'Anjou en 1422


Le traité d'Arras (Gallica-Bnf) était signé le 21 septembre 1435 et il fut confirmé en décembre, il mit fin à la guerre entre le roi de France et le duc de Bourgogne, Philippe III dit le Bon, ou ce que l'on appela l'opposition entre Armagnacs et Bourguignons, ainsi l'Angleterre perdait un allié précieux. Charles VII reconnaissait avoir commandité l'assassinat du duc Jean le Bon en 1419, le père de Philippe de Bourgogne, et cédait les comtés d’Auxerre et de Mâcon et les villes de la Somme, avec la possibilité de les racheter. Ce que Louis XI effectuera lors de son règne. L'Université parisienne a été complice de la mort de Jeanne d'Arc et Charles VII ne l'oublia pas en entrant dans la ville en 1436. L'année suivante après la prise de la ville de Montereau durant l'été, le roi fit une entrée solennelle dans Paris avec son fils Louis, qui l'aurait poussé à agir.

Toutefois, Paris fut repris le 13 avril 1436 par les hommes de Jean de Dunois dit le bâtard d'Orléans et du connétable Arthur de Richemont équipiers de La Pucelle, après 16 années d'occupation anglaise, et suite à une année de siège.


La délivrance de Paris, de 1436 à 1438

 

Entrée de Charles VII à Paris, le 12 novembre 1437 (Enluminure de 1484, crédits Bnf)

« Le vendredi, 13 avril 1436, après Pâques, Richemont, l'Ile-Adam (1), Dunois, Philippe de Tentant, Simon de Lalain, se présentèrent de grand matin à la Porte St-Jacques, et plus par persuasion que par force, gagnèrent les gardes. « Laissez-nous, disaient-ils entrer dedans Paris paisiblement, ou vous serez tous morts par famine ou autrement », et ils montraient les lettres d'abolition du roi Charles. (...) Déjà l'Ile-Adam avait escaladé la muraille et y avait planté la bannière de France, en criant : « Ville gagnée! » Le peuple lui répondit. : « La paix! vive le roi et le duc de Bourgogne! on besogne pour vous aux Halles! » Sans perdre un instant, ils descendirent la rue Saint-Jacques jusqu'au Petit-Châtelet et occupèrent la Grève. Le connétable de Richemont, tout armé, entra dans l'église cathédrale, où les chanoines lui présentèrent les épices et à boire. Il s'assurait ainsi l'appui du clergé.

Cependant l'alarme s'était répandue par toute la ville, et les Anglais furieux cherchaient à organiser la résistance, aidés par les habitants les plus compromis. Le vieux Cabochien, Jean de Sainctyon ; l'épicier de la Porte Baudet, Jacques de Baye (2). criaient à tue-tête : « Saint-Georges! Traîtres Français! vous serez tous morts! Tuez tout, tuez tout! » Pendant que Willougby, se ménageant une retraite vers la Bastille, occupait la rue Saint-Antoine, le prévôt de Paris, Simon Morhier, cherchait à se maintenir aux Halles (3) ; son lieutenant. Jehan l'Archer remontait péniblement la rue Saint-Martin (4) : le chancelier, la rue Saint-Denis. Ils y furent reçus à coups de canon. Alors commença leur retraite, ou plutôt leur débandade. Michel Laillier, son fils Jean, et les quarteniers (officiers en charge de la surveillance des quartiers) avaient soulevé tout le peuple ; on ne voyait plus que des croix blanches sur toutes les poitrines ; les chaînes étaient tendues dans chaque rue. De toutes les fenêtres, on jetait sur les Anglais des pierres, des huches, des tables, tout ce qui tombait sous la main. Ce n'est qu'avec la plus grande peine que Willougby, le chancelier Simon Morhier, Jean l'Archer, Sainctyon et de Raye, purent se réfugier dans la Bastille avec les mille ou douze cents hommes qui leur restaient. Ils y furent aussitôt étroitement cernés.

Le connétable, de son côté, maintenait le plus grand ordre parmi ses troupes. « Mes bons amis, disait-il à la foule, le bon roi Charles vous remercie cent mille fois, et moi de par lui, de ce que si doucement vous lui avez rendue sa maîtresse cité de son royaume, et d'aucun, de quelque état qu'il soit, a mépris (trompé) par de vers monseigneur le roi, soit absent ou autrement, il lui est tout pardonné ». Puis il fit crier à son de trompe par les carrefours, à la Grève et aux portes des églises, que nul ne fut si hardi, sous peine d'être pendu par la gorge, d'entrer dans la maison d'un bourgeois et d'y exercer la moindre violence. La fureur des soldats et de la populace ne s'exerça que sur les étrangers et il n'y eut de pillées que les maisons dont les maîtres s'étaient réfugiés avec les Anglais à la Bastille. Le lendemain de l'entrée, jour de samedi, vint tant de biens à Paris qu'on avait le blé pour 20 sols parisis, au lieu de 48 ou 50 sols, et fut le vieux marché de devant la Madeleine ouvert (5), et y vendit-on le blé, qui plus de 18 ou 20 ans avait été fermé (...).

Le dimanche, 15, les réfugiés de la Bastille comprirent qu'ils y étaient plutôt prisonniers qu'assiégés et qu'ils étaient exposés à y mourir de faim. Ils demandèrent donc à capituler, « par grande finance » (6)  et il fut conclu qu'ils partiraient sains et saufs le mardi suivant. On évita de leur faire traverser la ville, et pour s'embarquer sur la Seine, au Port Saint-Nicolas, afin de gagner Rouen, ils furent obligés de faire un long circuit au nord, en contournant extérieurement les remparts, de la Bastille au Louvre. Du haut des murailles, la population entière de Paris assistait à leur exode, jouissait de ce singulier spectacle, et les accablait d'injures et de sarcasmes. « Oncques (Jamais les) gens ne furent autant moqués ni hués comme le furent spécialement le chancelier, le lieutenant du prévôt, le maître des bouchers, et tous ceux qui avaient été coupables de l'oppression du pauvre commun. » Chacun leur criait en guise d'adieu : « A la queue! au renard, au renard! » par allusion à l'emblème du roi anglais.

C'était une cité déchue, appauvrie matériellement et moralement, que le roi Charles recouvrait. Des milliers de maisons (7) tombaient en ruine, abandonnées par leurs propriétaires chargés de rentes qu'ils ne pouvaient plus payer. Jamais Anglais, dit le « Bourgeois de Paris », n'avait fait réparer une cheminée dans l'hôtel qu'il occupait par force, et où il campait plutôt qu'il ne logeait.

Si ces logis manquaient, de maîtres, ce qui restait de maîtres manquait de coeur. L'abaissement général était grand, et pour longtemps sans remède. Le Parlement, l'Université, les bourgeois, s'empressèrent de prêter au roi de France des serments aussi plats que ceux qu'ils prêtaient la veille au roi d'Angleterre. Les chanoines du Chapitre de Notre-Dame, imposés à cent livres, les payèrent eu vendant un joyau que leur avait donné Bedford. L'évêque de Paris, Jacques du Chastelier, que nous avons connu serviteur obséquieux des Anglais, ce prélat, « pompeux, convoiteux, plus mondain que son état ne requérait », reçut lui-même le connétable à la grand porte de Notre-Dame. C'était à qui processionnerait, à qui enverrait au roi de France, alors à Bourges, des lettres de soumission (8).

Lui, se montrait clément et vainqueur pitoyable. Tous ceux qui avaient été frappés d'exil dans les premiers jours, furent appelés en présence du nouveau prévôt des marchands et des nouveaux échevins (9), et « doucement furent admonestez de eux gouverner et maintenir honnêtement en la ville sans y faire aucuns monopoles, et d'être bons et loyaux au roi (10). » Le Parlement de Poitiers et la Cour des comptes de Bourges revinrent, le 1er décembre, siéger à Paris (11) ; tout le monde y attendait le roi, « et n'en était pas plus nouvelle que s'il fut à Rome ou en Jérusalem, ou que s'il fut prisonnier aux Sarrasins. »

Il vint enfin, le 12 novembre 1437, éblouir de sa magnificence cette ville qu'il connaissait à peine, l'ayant quittée (12) à l'âge de quatorze ans, vingt ans auparavant, et dont les malheureux habitants affamés ne lui en firent pas moins « aussi grand tête comme on pourrait faire à Dieu et pleuraient de joie et de pitié de ce qu'ils le rêvaient (13). » En tête, marchait le héraut, Gilles le Bouvier, vêtu de la cotte d'armes de France, de velours azuré, chargée de trois fleurs de lys d'or, puis huit cents archers précédés d'hommes d'armes et d'écuyers qui portaient, l'un, au bout d'une lance, le casque du roi ; un autre, la cotte d'armes ; un autre, l'épée. Le roi venait ensuite, nu-tête, armé de toutes pièces, sur un cheval caparaçonné de velours bleu semé de fleurs de lis d'or. Il avait à sa droite le connétable de Richemont ; à sa gauche, le comte de Vendôme, et derrière lui le jeune dauphin (14), tout armé, quoiqu'il n'eût alors que quatorze ans. Dunois et La Hire fermaient la marche, à la tète de huit cents lances. Quand après avoir parcouru lentement la rue Saint-Denis, le Pont-au-Change et la rue de la Calandre, ce brillant cortège arriva au Parvis Notre-Dame, qui pensa à la place que Jeanne eût dû y occuper! C'était pourtant son brave écuyer, Jean d'Aulon, qui tenait par la bride le cheval du roi, et ce fut l'odieux Nicolas Midi, devenu recteur de l'Université, qui le harangua (15).

On s'étonne d'un pareil luxe quand on songe à la misère de ceux qui le payaient. Les emprunts succédaient aux tailles et les tailles aux emprunts : c'était tantôt pour prendre Creil, tantôt pour prendre Montereau. tantôt pour prendre Pontoise ; « mais quant la taille était cueillie, plus ne leur enchalloit (importait) que de jouer aux dés ou chasser au bois, ou danser, et ne faisaient ni joutes, ni tournois, ni nuls faits d'armes, pour paour (peur) des horions (recevoir des coups) ; bref, tous les seigneurs de France étaient devenus comme femmes, car ils n'étaient, hardis que sur les pauvres laboureurs et sur les pauvres marchands, qui étaient sans nulles armes (16). » deux qui jusque-là n'avaient payé que vingt sous payaient quatre livres et la levée de ces impôts se faisait avec une telle rigueur, que les retardataires étaient jetés en prison et leurs meubles vendus à l'encan. Les malheureux n'avaient qu'à plier sous le fait. Cent ans s'étaient écoulés depuis la mort de Marcel. Qui parmi ses successeurs à l'échevinage, songeait à réclamer le contrôle des taxes levées pour la guerre, et le vote de ces taxes par les États généraux !

Si au moins les charges qui pesaient sur ces infortunés leur avaient assuré quelque sécurité ; mais toute police avait disparu, et les murailles d'Etienne Marcel ne défendaient plus ses habitants, ni contre les Anglais, ni contre les pillards, ni même contre les loups.

En mars 1437, on livra au bourreau plusieurs traîtres qui cherchaient à « bouter (chasser) les Anglais dedans Paris par plusieurs grandes caves et anciennes, touchants à carrières, desquelles on ne savait riens ; mais Dieu qui sait tout ne le voulut consentir (17).

La garde des murs était tellement négligée qu'en 1438, le jour « de la Thiphaine, en plein midi, une trentaine d'écorcheurs, qui occupaient le château de Chevreuse, osèrent pénétrer dans Paris par la porte Saint-Jacques. Ils tuèrent un sergent à verge, volèrent tout ce qu'ils trouvèrent sous leurs mains, et emmenèrent prisonniers les trois portiers et quelques pauvres gens, en criant ; « Où est votre roi! Est-il mucé (caché)? »

Une autre fois (18), une douzaine de routiers, qui occupaient Corbeil, firent en plein Paris le plus hardi coup de main. Ils allèrent jouer dans l'Ile Notre-Dame (19) « et regardèrent les toiles des bourgeois que on y blanchissait. Vers minuit, ils prirent toutes les toiles de lin, sans en prendre une de chanvre », tuèrent deux des gardiens, emmenèrent avec eux deux femmes et regagnèrent tranquillement Corbeil, sans être autrement inquiétés.

Après les écorcheurs, les loups. « Ils étaient si enragés de manger chaire d'homme, de femme ou d'enfants, qu'en la dernière semaine de septembre, étranglèrent et mangèrent 13 personnes, que grands que petits, entre Montmartre et la parte Saint-Antoine, et s'ils trouvaient un troupeau de bêtes, ils assaillaient le berger et laissaient les bêtes. » Ils entraient dans Paris par la rivière, et, une nuit, ils mangèrent un enfant, au coeur de Paris, en la place aux Chaps (20) derrière les Innocents. Un de ces loups, nommé Courtaut, parce qu'il avait perdu sa queue en la bataille, fut pris enfin, et promené par les rues, dans une brouette, la gueule ouverte, à la grande joie des gens « qui laissaient toutes choses à faire, fut boire, fut manger, pour l'aller voir. »

Cette population ne se nourrissait plus. « Peu de gens mangeaient de pain (à) leur saoul ; ils ne buvaient point de vin, ils ne mangeaient point de chaire ; » ils faisaient leur ordinaire de purées, de mauves, de nèfles, de pommes des bois, de noix, d'amandes ; « ils mangeaient navets ou trognons de choux mis à la braise sans pain, et toute nuit et tout jour criaient petits enfants et femmes et hommes : Je meurs! hélas! las doux Dieu! je meurs de faim et de froid! » Une mortalité épouvantable fut. la conséquence trop naturelle de cette misère extrême ; « En cette année mil quatre cent trente huit, il mourut bien a l'Hôtel-Dieu cinq mil personnes et parmi la cité plus de quarante cinq mille, qu'hommes, que femmes, qu'enfants ; et quant la mort se boutait en une maison, elle en emportait la plus grande partie des gens et spécialement des plus forts et des plus jeunes. » A l'Hôtel-Dieu, il en mourut autant de faim que de maladie. Le nombre des morts devint si considérable qu'on interdit toute sonnerie dans les églises. Le Parlement, réduit à treize conseillers, les autres étant morts ou absents, s'ajourna à un mois. Marie de France, soeur du roi et religieuse de Poissy ; Jacques du Chastelier, évêque de Paris, furent victimes de l'épidémie ; Charles VII se tint bien tranquille dans le Berry. Le prévôt de Paris, Ambroise de Loré ; le prévôt des marchands, Michel Laillier ; le premier président du Parlement, Adam de Cambrai ; le président de la Chambre des comptes, Simon Charles, restèrent courageusement à leur poste pour veiller aux besoins des malades, et défendre la ville contre les pillards et contre toute attaque des Anglais. »

Notes de l'auteur :

(1) C'est ce même Villiers de l'Ile-Adam qui, dix-huit ans auparavant, avait surpris Paris et y était entré par la porte Bucy dans la nuit du 28 au 29 mai 1418. Il suivit alors la fortune des Bourguignons et des Anglais et fut fait maréchal de France le 17 juin 1418. Suspect un instant au duc d'Exeter, il fut enfermé à la Bastille en 1421, relâché en 1422, et, malgré des services rendus aux Anglais, il ne fut réintégré dans son rang de maréchal de France qu'en 1432. Il abandonna les Anglais après le traité d'Arras, contribua avec Richemont, comme nous venons de le voir, à la reprise de Paris, et périt un an plus tard dans une sédition à Bruges.Tenons-lui compte de ceci pourtant, c'est que dans son orgueil de routier et d'homme qui sent sa valeur, il fut le seul qui osât tenir tête à Henri V et le regarder eu face, lui disant très nettement qu'en France ce n'était pas l'habitude qu'un gentilhomme baissât les yeux devant le roi.
(2) Il demeurait, à la Porte Baudet, en face l'hôtel de l'Ours.
(3) il y assassina « un sien compère, un boulanger nommé Le Vavasseur « qui lui dit : Monsieur mon compère, n'ayez pitié de nous, car je vous promets « qu'il convient â cette fois (de) faire la paix, ou nous sommes tous détruits. — « Comment, dit-il, traître ! es-tu tourné, et sans plus dire, le fier de son épée « par le travers du visage, dont il chut, et après le fit tuer par ses gens. » Il suivit les Anglais après la prise de Paris, fut gouverneur de Dreux, en 1437 ; trésorier de Normandie en 1438 ; défendit Pontoise contre Charles VII, en 1441; il habitait à Rouen l'hôtel du Jardin en 1449. Revint-il à Paris, vivant ou mort? Obtint-il sa grâce de Charles VII dans ses dernières années. Ce qui est certain c'est qu'il fut inhumé, vers 1456, dans l'église Saint-Honoré, auprès de sa femme, Jeanne de Lagny, († 1433).
(4) « Et ce traître L'Archer criait que on tua tout, mais ils ne trouvèrent « homme parmi les rues, ce ne lu en la rue Saint-Martin qu'ils trouvèrent devant Saint-Merry un nommé Jehan le Prebstre et un nommé Jehan des « Croustez, lesquels étaient très bons ménagers (chef de famille) et hommes d'honneur, qu'ils « tuèrent plus de dix fois. » et capable selon Juvénal « Bourgeois de Paris » de toutes les « pilleries et roberies (vols) ».
(5) Petite paroisse de la Cité, rue de la Juiverie (voir chap. VII, p. 184).
(6) Le chancelier fut obligé de laisser au connétable sa chapelle et ses joyaux ; « si perdit le dit évêque de Thérouenne sa chapelle qui était moult (très) riche, et « grande partie de ses joyaux et autres bonnes bagues qui demeurèrent au dit connétable. Toutefois, il fut aucunement favorisé du dit seigneur de Ternant et de « messire Simon de Lalain, et lui fut secrètement rendue aucune partie de ses « biens qui étaient à la ville. » Monstrelet.
Simon Morbier, fait prisonnier par Denis de Chailly, fut obligé de vendre une partie de ses terres pour recouvrer sa liberté.
Un seul chanoine de Notre-Dame partit avec les Anglais, Mr Paquier de Vaux, évêque de Meaux.
Il resta dans la grande salle du palais un souvenir de la domination anglaise, la statue, qu'après la mort de Henri V Bedford lui avait élevée et qu'il avait fait placer parmi celles des rois de France à la suite de Charles VI. Elle y était encore lors de l'incendie de 1618 et personne ne savait plus qui elle représentait. Le savant Peiresc expliqua que Charles VII s'était contenté d'en faire mutiler le visage, sans la faire abattre, parce qu'il destinait à la sienne une place autre que celle de l'usurpateur.
Quant aux étudiants anglais, beaucoup continuèrent de faire partie de l'Université de Paris, seulement ils se firent inscrire depuis lors, sur les registres, sous le nom de la Nation d'Allemagne.
A l'Hôtel de Ville, autre souvenir de la domination anglaise. En 1430, Mahiel Biterne fut chargé de décorer « la chambre qui tient au bureau ». Il peignit sur les lambris le navire de la Ville, la nef d'argent sur champ de gueules (...), puis à l'entour il disposa des entrelacs de fleurs de lys et de roses. C'étaient évidemment les « roses rouges », emblèmes de la Maison de Lancastre.
(7) « Le Bourgeois de Paris » dit : « 24 milliers ou nul n'habitait. » Ce nombre est évidemment exagéré. L' Annuaire statistique de la Ville de Paris, pour 1887, ne donne que 82.502 propriétés bâties dans les vingt arrondissements.
(8) « Cette réduction de la Ville à l'obéissance du Roy se remémore tous les« ans à l'église cathédrale de Notre-Dame par une messe solennelle le premier « vendredi d'après Pâques, à laquelle assistent Messieurs du Parlement et de « l'Hôtel de Ville. »
La fête de l'expulsion des Anglais et celle de la prise de Paris par Henri IV furent réunies en une seule, en 1783. Le Père du Breul, p. 382.
(9) Prévôt : Michel Laillier ; Poitevins : Collinet de Neufville, poissonnier; — Jehan de Grandrue, clerc des comptes ; — Jehan de Belloy,  écuyer de l'échevin Robert de Belloy, exécuté en 1416 ; — Pierre de Landes, changeur.
(10) Ils prêtèrent serment à huis clos, sans caution, devant l'échevinage, le 15 décembre. Ainsi rentrèrent et ne furent plus inquiétés : Lambert Carthelin ; Jacques Pérou; Ilei'lhelot de Paris; Jean de Troyes; Jean Varlet; Pierre Soudart ; Jean Moulin ; Thierry de Labbet ; Jean Gente ; Pierre Manget ; Garnier et Jacques de Sainctyon.
(11) Dès le 5 mai, Jean Tudert, Doyen des chanoines de Paris, membre du Parlement de Poitiers, était revenu à Paris siéger au milieu de ses anciens collègues du chapitre qu'il n'avait pas vus depuis dix-huit ans.
(12) Dans la nuit du 28 au 29 mai 1418.
(13) Monstrelet.
(14) Plus tard Louis XI.
(15) Charles VII logea à l'Hôtel neuf, en face des Tournelles, et ne resta à Paris que jusqu'au 3 décembre. Il y revint une deuxième fois le 9 septembre 1439 et en repartit le 30 septembre pour aller à Orléans. — Dans le cours de l'année 1441, il vint à Paris deux fois : le samedi, 8 juin, avant la prise de Pontoise, et le lundi, 25 septembre, après la prise de celle ville. Il quitta Paris au commencement de novembre pour aller à Saumur, puis en Poitou, Languedoc et Guyenne. L'Hotel neuf ou Hôtel d'Étampes, rue Saint-Antoine, à l'angle de la rue du Petit-Muse, est devenu aujourd'hui, après bien des transformations, l'hôtel d'Ormesson ou de Mayenne.
(16) Le Bourgeois de Paris.
(17) Maistre Jacques de Luvav (ou de Louvain), avocat au parlement ; maître Jaques Rousseau, de la Cour des comptes ; un varlet boucher, furent décollés (décapités) ; — maître Jehan le Clerc, notables bouts, expert et bien recommandé de suffisance, fut mené en un tomberet (?) à boue et après condamné perpétuellement en oubliette. Maître Miles de Saulx, procureur, et la teste coupée avec son varlet. »
(18) Le premier dimanche de mai 1440.
(19) Aujourd'hui l'Ile Saint-Louis.
(20) La place aux Chaps, où l'on vendait des chapes (prés la rue Tirechape), n'est autre que le carrefour encore existant à la rencontre des rues Saint-Honoré, de la Ferronnerie, de la Lingerie et des Déchargeurs. La rue des Halles le traverse. Il servait de marché aux fripiers ambulants.

Source : Gallica-Bnf, Eugène de Ménorval, Paris depuis ses origines jusqu'à nos jours.
Chapitre, les Anglais à Paris. Pages 110 à 115, volume 2 (Paris, 1889)


En 1439, Charles VII arrivait peu ou prou à chasser les Anglois du royaume. Mais il fut confronté aux pillages et aux bandes mercenaires comme les "écorcheurs", devant les besoins financiers à tenir plusieurs fronts guerriers le roi décida la création d'un impôt permanent, le 2 novembre.

« Nous n'énumérerons pas les réformes par lesquelles il (le roi) rétablit l'ordre dans l'administration il suffit de dire que, de 1433 à 1439, tous les services publics furent entièrement réorganisés. Pour la première fois depuis Charles V, le gouvernement se montrait sage et honnête. Aussi les affaires du roi prenaient-elles une tournure de plus en plus heureuse. C'est au milieu de cette renaissance des forces sociales que se réunirent à Orléans les députés des États Généraux  ». (octobre-novembre 1439)

Histoire des Etats généraux : considérés au point de vue de leur influence sur le gouvernement
de la France de 1355 à 1614.
Tome 1, page 324 - Georges Picot (1838-1909).

Ainsi le corps universitaire se trouva sous la juridiction du Parlement de Paris en 1446, afin d'en mieux contrôler les excès : l'Université se mit en grève.
Le roi et le pape réformèrent le corps universitaire et le régime des Facultés en 1452, les statuts rentraient en vigeur le 1er juin (lire ci-dessous) ; peu après, la réforme fut marquée par des grèves et des manifestations étudiantes très violentes, et un écolier parisien, le poète François Villon y participait. En 1454, suite aux manifestations d'étudiants, les cours étaient suspendus dans le quartier Latin, un étudiant était de nouveau tué par la police prévôtale. En 1456, s'achèva le second procès, celui de la réhabilitation de Jeanne d'Arc ordonné par le pape Calixte III et accepté, voire favorisé par Charles VII, elle est déclarée cette fois totalement innocente suite à sa première condamnation en 1431 qui la conduisit au bûcher.


ÉMEUTE DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS
(En mai 1453)



Louis Douet d'Arcq

Les pièces qu'on va lire se rattachent à une querelle qui eut lieu en 1453, entre l'Université et le prévôt de Paris. Avant d'en dire quelques mots, nous reprendrons les faits d'un peu plus haut. De tout temps, l'Université s'est montrée jalouse de son pouvoir et ardente à poursuivre les infractions faites à ses privilèges ; mais c'est surtout au quinzième siècle, qu'elle semble donner la véritable mesure de ses forces et de sa colère. En effet, c'est en 1404 qu'éclate l'affaire de Charles de Savoisy (l). Pour une légère insulte faite à des écoliers de l'Université, on vit alors un chambellan du roi de France banni, ses puissants protecteurs intimidés, et jusqu'à son hôtel détruit et rasé de fond en comble par une foule en fureur. Trois ans plus tard, c'est le premier magistrat de la ville, un prévôt de Paris (2), qui, pour avoir fait exécuter deux écoliers convaincus de crime par leur propre aveu, se voit, malgré un commencement de résistance de la part du roi, destitué de son office et obligé à demander pardon au corps puissant qu'il avait offensé. Ces deux exemples sont célèbres. L'affaire, dont il s'agit ici, n'a pas eu le même retentissement, car elle n'est mentionnée dans aucun chroniqueur. Cependant, comme elle coïncide avec la réformation des études opérée par le cardinal d'Estouteville en 1452, et qu'elle faillit amener une espèce de schisme entre l'Université et l'évêque de Paris, elle n'est pas sans importance. Nous allons en dire quelque chose d'après Du Boulay, qui a puisé son récit dans les papiers de l'Université.

Vers le commencement de l'année 1453, quelques écoliers, la plupart « innocents », dit Du Boulay, ayant été arrêtés par ordre du lieutenant criminel et incarcérés au Châtelet, le recteur convoqua une assemblée de l'Université, qui se tint le 9 mai. Il y fut résolu qu'il irait le jour même, accompagné de l'orateur de l'université et d'une suite nombreuse, trouver le prévôt de Paris, et lui réclamer les prisonniers. Le prévôt leur fit bon accueil, leur répondit avec douceur, et donna l'ordre à un nommé Maître Nicolas de relâcher aussitôt les innocents sans conditions et les coupables sous caution. Comme le recteur (Jean Hue) et sa suite, au nombre d'environ huit cents tant maîtres qu'écoliers, s'en retournaient par la rue St-Antoine, ils trouvèrent sur leur passage un commissaire avec sept ou huit sergents. Les esprits étaient trop échauffés pour qu'une pareille rencontre n'amenât pas une querelle. Aux premiers mots, les sergents tombèrent sur les écoliers, et, ne trouvant pas grande résistance de leur part, ils les dispersèrent, après en avoir blessé quelques-uns et tué un bachelier en décret, nommé Maître Raymond de Mauregard. Les bourgeois, qui n'aimaient pas les écoliers, firent cause commune avec les sergents, et les choses en vinrent à ce point, que le recteur lui-même courut les plus grands dangers (3).

L'Université, lorsqu'elle était menacée dans ses privilèges ou frappée dans ses membres, avait une arme terrible dont elle ne se faisait pas faute. Sur-le-champ elle suspendait ses exercices, et cette espèce d'excommunication intellectuelle, dans laquelle elle plongeait la ville, durait jusqu'à ce qu'elle eût obtenu satisfaction. C'est à ce grand moyen qu'elle eut recours, après le tumulte de la rue St-Antoine. Le lendemain, jour de l'Ascension, le recteur convoqua une assemblée où il exposa ce qui s'était passé la veille, et peignit sous les couleurs les plus fortes l'outrage fait à l'Université. On décréta à l'unanimité que toutes leçons et prédications cesseraient immédiatement, et que le corps ne songerait plus qu'à poursuivre la réparation, de ses griefs. Le même jour, le recteur et presque tous les membres de l'Université assistèrent à l'enterrement de Raymond de Mauregard.

Dès que ces choses furent sues, le président de la chambre des comptes alla, avec le prévôt des marchands et les échevins de la ville de Paris, prier l'Université de suspendre l'exécution de son décret. Une nouvelle assemblée se tint à ce sujet, et, non-seulement on n'y voulut pas obtempérer à cette demande, mais encore il fut arrêté qu'on prierait l'évêque de Paris de jeter l'interdit sur la ville, ou du moins sur les trois quartiers où un crime aussi énorme avait été commis ; que, de plus, l'Université déposerait sa plainte au Parlementât se porterait partie contre le prévôt et son lieutenant. En conséquence, le jour suivant, samedi 12 mai, le recteur, accompagné d'un grand nombre de députés de l'Université, se transporta au Parlement. Là, Maître Jean Painetchair, de la nation de France, exposa : « que le recteur, en s'en retournant de l'hôtel du prévôt de Paris, où il était allé pour réclamer les privilèges de l'Université, rencontra un commissaire, accompagné de plusieurs sergents, auquel il dit : « Pour Dieu! ne passez pas par cette rue de peur de causer une commotion (révolte), car vous paraissez déjà avoir la tête montée (4) : que ceux-ci répondirent, qu'ils étaient les serviteurs du roi, et qu'ils passeraient sur l'heure même : qu'alors le recteur se mit à crier : Vive le roi et ceux qui l'aiment : qu'aussitôt les sergents se mettant en devoir de se frayer un passage, se ruèrent sur les écoliers, en frappèrent un grand nombre, en tuèrent un, et en blessèrent quinze ou seize, dont quelques-uns mortellement. »

Après cet exposé de l'orateur de l'Université, le recteur prit la parole, et conclut en demandant l'emprisonnement du prévôt de Paris et de son lieutenant, et se porta partie civile contre eux. Le président Regnault de Marie, répondit : « que la cour avait vu avec le plus grand déplaisir le tort fait à l'Université, et qu'elle songeait à lui donner satisfaction, mais qu'elle demandait que la suspension fût levée, et qu'alors elle ferait bonne et brève justice. » Après avoir remercié la cour, le recteur et les députés se retirèrent, en disant qu'ils en référeraient à l'Université. C'est ce qu'ils firent en effet dans l'assemblée qui se tint aux Bernardins, le lundi suivant, et le lendemain, ils retournèrent au Parlement, porteurs des conclusions de l'Université. Elle déclarait que la cessation des leçons durerait, tant que l'emprisonnement du prévôt de Paris n'aurait pas été ordonné. Pendant ce temps, la cour instruisait l'affaire des sergents qui avaient blessé des écoliers et tué Raymond de Mauregard, et Du Boulay cite un arrêt du 21 juin qui en condamne huit à l'amende honorable et un à avoir le poing coupé (5).

Cette satisfaction ne parut pas suffisante à l'Université, et elle n'en poursuivit pas moins auprès du Parlement l'emprisonnement du prévôt de Paris. Quand elle eut reconnu qu'elle ne pourrait l'obtenir, elle s'adressa au roi. Nous ne suivrons pas les détails de cette affaire, qu'on peut lire dans Du Boulay ; nous nous contenterons de dire qu'elle ne fut terminée qu'au mois de décembre 1454. A cette époque, le Parlement qui sentait qu'il allait peut-être avoir besoin d'un allié aussi puissant que l'Université (6), lui donna pleine satisfaction, et elle reprit enfin ses leçons.

Les trois pièces que nous donnons ici sont des lettres de rémission accordées à des gens qui avaient figuré dans cette affaire. Elles confirment pleinement le récit donné par Du Boulay, d'après les procès-verbaux contemporains de l'Université, et y ajoutent quelques détails assez curieux. Il n'est pas sans intérêt d'entendre la déposition de trois témoins, qui ont été, dans des conditions et avec des dispositions différentes sans doute, acteurs de ce drame oublié. L'un est un archer de la ville de Paris, qui fait son devoir dans la journée, et qui ensuite a si grand peur de cette terrible Université, qu'il ne trouve de sûreté pour lui qu'à l'armée du roi, en Guyenne, et en face de l'Anglais. L'autre est un magistrat de la ville, un commissaire examinateur au Châtelet, qui se montre révérencieux à l'égard du recteur, mais sévère envers sa suite. Enfin le troisième est un citadin, « bien simple homme, » qui, surpris par l'émeute au moment où il allait se faire faire la barbe, se trouve dans la bagarre, ne sait trop comment, et n'a guère pu s'empêcher de s'en mêler un peu, tant la tentation était forte alors.

I.
Lettres de rémission pour Jehan Colet, archer de la ville de Paris (7)


Charles, etc., savoir faisons à tous présents et à venir, nous avons reçu l'humble supplication de Jehan Colet, cloutier et l'un des archers de nôtre ville de Paris , de l'âge de 30 ans ou environ, chargé de femme et d'enfants, contenant :

Que la veille de l'ascension Nôtre Seigneur ou mois de mai (le 9) dernier passé, lui étant en la dite ville de Paris, pour ce qu'il était commun en la dite ville, que le Recteur et les écoliers de l'Université du dit lieu étaient assemblés jusqu'au nombre de huit cents ou environ, et qu'ils s'en devaient aller vers le Prévôt de Paris (8), requérir certains autres écoliers, lesquels on disait être prisonniers au Châtelet, le dit suppliant, sans penser à nul mal, se transporta en un lieu communément appelé la Porte Baudoyer (*), et incontinent (de suite) qu'il arriva au bout de la rue des Juifs (9), il s'appuya contre la fenêtre ou porte de la maison d'un drapier, et lui étant ainsi appuyé vit les dits Recteur et écoliers qui s'en retournaient de l'hôtel du dit Prévôt (10) et traversaient ladite rue des Juifs, et à l'entrée de la dite rue vit des sergents jusqu'au nombre de dix ou douze armés et embastonnés (munis de bâtons). Et vit que, ainsi les écoliers traversaient la dite rue et aussi les dits sergents, se meurent (échanger) plusieurs paroles entre eux, lesquelles il ne savait réciter, mais il s'employa de tout son pouvoir d'apaiser le dit débat des dits écoliers et sergents, et dit à aucuns des dits écoliers qu'ils se gouvernassent si bien qu'il n'y eut point de discorde. En disant lesquelles paroles, vint vers lui un écolier, dont il ne sait le nom, lequel, sans mot dire, le prit au collet du pourpoint et le jeta à terre. Et pour ce qu'il se senti outragé, en se relevant de terre, il tira sa dague, croyant trouver le dit écolier qui ainsi l'avait outragé, et le premier qu'il trouva trouva (sic, lisez fut) un nommé maître Robert, qui est sous maître d'école d'un appelé Chardon, demeurant au dit lieu de Paris, près saint Jaques de la Boucherie. Sur lequel maitre Robert il haussa sa dite dague, pensant le frapper. En haussant laquelle dague, le dit maître Robert s'écria en disant telles paroles ou semblables, « Jehan Colet, je vous prie, ne me frappez pas. » Pour lesquelles paroles, et aussi pour ce que le dit Colet le connu, retint le dit coup et ne le frappa aucunement, ainsi le conduisit hors de la presse, à ce que les dits sergents ne le rencontrassent, et le fit entrer pour sa sureté en une maison prochaine la dite rue des Juifs. Et là, pour ce que le dit Colet vit la commotion qui là-bas était parti du dit lieu, et s'en alla hâtivement en sa maison, en laquelle il retira sa robe, et prit avec sa dite dague son arc et sa trousse, pour s'en aller a l'hôtel de la ville. Car un jour ou deux auparavant, il lui avait été fait commandement par le capitaine des archers de Paris, qu'aucune commotion surviendrait en la ville, qu'il fus tout prêt et se rendit à l'hôtel de la dite ville. Et ainsi qu'il parti de son dit hôtel pour aller à l'hôtel de la dite ville, il rencontra à l'entrée de la rue de la Verrerie les dits Recteur et écoliers qui s'en retournaient outre les ponts ; contre lesquels il mit une flèche dedans son arc, feignant la tirer, pour ce qu'il croyait qu'ils se dussent encore rebeller. Mais quand les dits Recteur et écoliers virent que le dit Colet voulait contre eux tirer, ils s'écrièrent à haute voix : « Holà, holà, pour Dieu ne nous demandez rien. » Et alors le dit Colet retint son dit coup, et passa tout outre sans mot leur dire, et de là s'en alla au dit hôtel de la ville.

Pour lesquelles choses, et de ce qu'on dit des dits débats, comme l'on dit, tiré l'un des dits écoliers, celui-ci suppliant, doutant de la rigueur de la justice, s'est absenté du pays, et s'en est venu en l'armée que présentement faisons pour le recouvrement de notre pays et duché de Guyenne ; et, pour ce, nous a humblement fait supplier et requérir, que, attendu qu'il n'a frappé ni battu personne, et n'y allait par mal talent, qu'il est jeune homme et toujours prêt à nous servir, il nous plaise lui impartir sur ce nôtre grâce. (...)
Donné à Saint-Jean-d'Angély, au mois de juin, de l'an de grâce mil quatre cent cinquante et trois et de nôtre règne le 31ème.

Ainsi signé : Par le Roy, maître Estienne Chevalier. Presaot de la Loere. Visa. Contentor (11). Sauvigneau.

II. Lettres de rémission pour Henri Le Fèvre, commissaire examinateur au Châtelet (12)

Charles, etc., faisons savoir à tous présents et à venir, Nous avons reçu l'humble supplication de Henry le Fèvre, examinateur de par nous en nôtre Châtelet, à présent prisonnier en la conciergerie de nôtre palais à Paris, contenant :

Que la veille de l'ascension Nôtre Seigneur dernièrement passée, le lieutenant criminel de nôtre Prévôt de Paris, le dit suppliant et autres de nos officiers au dit Châtelet de Paris, par le commandement de nôtre dit Prévôt se transportèrent aux prisons du petit Châtelet  de nôtre ville, afin de pourvoir à la délivrance ou l'élargissement (libération) d'aucuns écoliers, qui, pour certaines causes, y avaient été détenus prisonniers. Et eux en retournant de celui-ci au petit Châtelet, qui fut environ à sept heures de l'après midi, le dit lieutenant commanda à celui suppliant et à cinq ou six de nos sergents, qu'ils allassent de vers nôtre dit Prévôt, en son hôtel, au Porc-Epic près de St.-Paul, pour lui notifier et faire savoir la délivrance ou l'élargissement des dits écoliers ainsi prisonniers. Et en allant par de vers nôtre dit Prévôt, celui-ci suppliant et nos dits sergents rencontrèrent le Recteur de l'Université de nôtre dite ville de Paris, qui s'en retournait de l'hôtel de nôtre dit Prévôt, accompagné de cinq ou six (suppléez cents) écoliers ou environ. Lequel lecteur le dit suppliant salua avec révérence, et aussi fit celui-ci lecteur, et passa outre celui suppliant, faisant son chemin. Et pour ce qu'il y avait grand nombre d'écoliers, et mettaient longuement à passer, et étaient en une rue qu'on dit la rue de Jouy, qui était le chemin de l'hôtel du dit Prévôt, laquelle rue est assez étroite, celui-ci suppliant s'arrêta, en attendant que la grande foule fut passée, et, après cela, se mit en son chemin et nos dits sergents après lui ; et il était encore une partie des dits écoliers à passer, et en faisant son dit chemin, celui-ci suppliant avoir derrière lui de gratis discordes et débats entre ceux écoliers et sergents. Pour laquelle cause celui-ci suppliant, lequel n'avait verge ni bâton, fort seulement d'un roole (feuillet) de papier en sa main, et voyant ceux-ci écoliers en grand nombre, et que nos dits sergents n'étaient que cinq ou six, doutant aussi que ceux écoliers ne leur fassent aucun dommage ou déplaisir, cria : « A l'aide au Roy, » auquel cri s'assemblèrent aucuns des gens de nôtre dite ville et s'entremêlèrent et débattirent tant de paroles qu'autrement avec les dits écoliers. Laquelle mêlée et débat dura depuis environ l'hôtellerie du Paon, qui est en la rue de Jouy, jusqu'à une place vulgairement appelée et nommée l'apport Bauldoyer, qui est de distance de la dite hôtellerie du Paon à environ un trait d'arc. A l'occasion duquel débat il y en eut plusieurs navrés, et entre les autres il y eut un des dits écoliers blessés et tellement mutilés et si grièvement que tantôt après il alla de vie à trépas. Et depuis, sous ombre de ce que on a voulu dire et maintenir celui suppliant avoir alors dit à nos dits sergents ces mots ou semblables : « Tuez ! Tuez ! et criez alarme ! » celui-ci suppliant a été constitué et mis prisonnier en nôtre dite conciergerie, en laquelle il est à présent détenu à grande misère, pureté et danger de sa personne, et pourrait ne plus être, sans nôtre grâce et miséricorde ne lui étaient sur ces imparties, si comme il dit, humblement requérant celles-ci.

Pourquoi, Nous ces choses considérées (13), qui ne voulons nos officiers et gens de nôtre justice être empêchés pour demander et appeler nôtre aide, et que celui-ci suppliant ne frappa ni s'ingéra à frapper personne en aucune manière, mais fut contraint à se détourner pour le salut de sa personne, considéré aussi qu'il a toujours été un homme paisible, de bonne vie, de bonne renommée, et d'honnête conversation, sans jamais avoir été atteint ni convaincu d'aucun vilain cas, blâme ou reproche, à celui-ci Henri Le Fèvre, suppliant ou cas dessus dit, avons remis, quitté et pardonné, et par ces présentes quittons, remettons et pardonnons ; de nôtre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, le fait et cas dessus dit, avec toute peine, amende et offense corporelle, criminelle et civile, en quoi, pour occasion des paroles dessus déclarées et à l'occasion des dits débats, assemblées, discorde et question, celui-ci suppliant pourrait être encouru envers nous et la justice. Et ce métier est d'abondant et de plus ample grâce, l'avons remis, rétabli et restitué à sa bonne fame (réputation) et renommée et à ses biens non confisqués, et à son dit office d'examinateur. Et sur ce imposa silence perpétuel à nôtre Procureur Général, satisfaction faite à partie civilement (...). Si donnons en mandement, par ces dites présentes, à nos âmes et féaux Conseillers, les gens de nôtre dit Parlement, au Prévôt de Paris et à tous nos autres justiciers ou à leurs lieutenants, présents et avenir et à chacun d'eux, si comme à lui appartiendra, que le dit suppliant, de nôtre présente grâce, quittance, rémission et pardon, fassent, souffrent et laissent jouir et user pleinement et paisiblement, sans pour ce le molester, travailler ou empêcher, ni souffrir être molesté, travaillé ou empêché, (...) ni pour le temps avenir, en corps ni ел biens, en aucune manière ; mais son corps pour pris et emprisonné lui mettez ou faites mettre délais à pleine délivrance (...). Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, Nous avons fait mettre nôtre sceau à ces présentes, sauf en autres choses nôtre droit et l'autrui en toutes.

Donné à Saint-Jean-d'Angély, le treizième jour de juin, l'an mil quatre cent cinquante trois, et de notre règne le 31e.

Ainsi signé : Par le Roy, De la Loere. Visa. Contentor. Chaligaut.

III. Lettres de rémission pour Pierre le Lorrain, monnayeur (14)

Charles, etc., à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Nous avons reçu l'humble supplication de Pierre le Lorrain, clerc marié, chargé de femme et de ménage, monnayer du serrement de France en la monnaie de nôtre ville de Paris, contenant :

Comme la veille de l'ascension Nôtre Seigneur dernièrement passée, lui étant sur Guillaume Laurens, barbier, demeurant près de la Croix de la Porte Baudoyer à Paris, et assis en une chaire pour lui faire sa barbe, après ce que ledit barbier ait mis sur le dit suppliant des couvre-chefs, et qu'il allait prendre de l'eau pour mouiller sa dite barbe, il eut crier à haute voix par plusieurs de nos sergents : « A  l'aide au Roy ! » et lors demanda le dit barbier sa hache, et le dit suppliant, ceci oyant (écoutant), et que chacun criait à l'aide au Roy, il, dit de tout cela ému, se leva, non sachant que c'était ne qu'on voulait faire. Et en se levant de sa dite chaire où il était sur le dit barbier, trouva d'aventure une pelle à racler ou nettoyer la maison, laquelle il prit en sortant de cette maison, et s'en alla au milieu de la rue, entre l'hôtel d'un nommé Guiot Montfault, épicier, et la dite croix, du côté du cimetière de Saint-Gervais, et il s'appuya sur la dite pelle qu'il tenait. Et tantôt survint alors une flotte ou tourbe de gens, qu'on disait être écoliers de l'Université de Paris, tous émus, et, en passant, par les dites gens ou écoliers fut au dit suppliant donné un si grand coup sur la tête, de qui il ne sait, mais de ce coup-ci, son chaperon et bonnet qu'il avait tomba dans la boue. Et quand il vit ainsi son dit chaperon et bonnet chut, il se commença à aider ou à combattre avec cette pelle pour faire place, afin de pouvoir trouver et recouvrer ses dits chaperon et bonnet. Et, en faisant la dite place ou manière, aucuns dirent qu'il atteignit ou toucha aucuns des dits passants sur les bras du plat de la dite pelle, en boutant celui-ci pour avoir son dit chaperon, sans lui faire aucune navreure (blessure). Ni sait, s'il en atteignit ou toucha d'autres. Et, en ce faisant, passèrent grand nombre ou tourbe d'écoliers, disant diverses paroles, et, après ce que celui-ci suppliant et recouvré ou retrouvé ses dits chaperons et bonnets, il s'en retourna avec, ou présent la chambrière (domestique) de l'hôtel des Bourses et autres, en l'hôtel du dit barbier, où il remit la dite pelle, sans plus avant faire ni procéder. Et combien que, en ce que dit est faisant, le dit suppliant l'ait fait pour obéir et aller au dit cri « à l'aide et secours du Roy » que plusieurs criaient, et à quoi un chacun est tenu d'obéir et aller sans dissimulation, sur grands peines en tel cas introduites, combien que le dit suppliant n'ait frappé, ni par son fait personne n'a été blessée, ni mutilée, toutefois, à l'occasion de ce que ledit suppliant alla ainsi, pour obéir et secourir au dit cri à l'aide au Roy, et que on dit un des dits écoliers avoir été frappés ou battus devant l'hôtel du dit barbier, dont depuis est allé de vie à trépas, à quoi le dit suppliant ne fut présent ne consentant, celui-ci suppliant a été appelé à nos droits et à ban, à certains jours, pour comparaître en nôtre cours de Parlement, qui en a entrepris la connaissance, et ses biens mis en nôtre main. Aux quels jours, celui-ci suppliant, qui est ancien et bien simple homme, et pour doute de rigueur de justice, n'a osé comparaître, et se doute qu'on veuille contre lui procéder au bannissement de nôtre royaume et à la déclaration de confiscation de ses biens, ce par nous ne lui était et est sur ce élargie nôtre grâce et bonne provision ; en nous humblement requérant qu'attendu ce qui est dit, que ce que le dit suppliant parti de la dite maison dudit barbier, à tout la dite pelle qu'il trouva d'aventure, fut pour obéir et aller à l'aide de la justice et de nos sergents, qu'il n'eut osé désobéir ni différer d'y aller, pour ce que plusieurs nos sergents criaient à l'aide au Roi, combien véritablement que celui-ci suppliant ne savait ce que c'était, et n'y fit autre chose qu'il est dit, et si ne fut jamais présent, quand le dit écolier fut frappé à mort, et ainsi n'en doit raisonnablement être travaillé ou empêché, nous lui voulons élargir nôtre dite grâce ; pour cela est-il que nous ces choses considérées

Donné à Saint-Jean-ďAngély, le 14ème jour de juin, de l'an de grâce mile quatre cent cinquante et trois et de nôtre règne, le 31e.

Ainsi signé : Par le Roy, à la relation du Conseil. Courtivelles.

Notes :

Les trois  textes ou lettres de rémission ont été mis dans un français plus moderne, mais tout en conservant sa tonalité et certains mots propres en ancien français. La renommée ou la réputation : « la fame » (ou "fama") au Moyen Âge avait un rôle social considérable, tout comme les lettres de rémissions qui permettaient d'octroyer le pardon d'un crime ou une grâce au nom du roi.

(*) La porte Baudoyer a été détruite en 1535 sur ordre de François 1er

Notes de Louis Douet D'Arcq :

(1) Voyez Monstrelet, le Religieux de Saint-Denis et Juvénal des Ursins.
(2) Guillaume de Tignonville. Voyez Juvénal des Ursins.
(3) Bulaeus, Histoire de l'Université de Paris, t. V , p. 578.
(4) Bulaeus, ibid, t. V, p. 580.
(5) Bulaeus, ibid, t. V, p. 581. Nous ne savons pas où Du Boulay a pris cet arrêt. Les recherches les plus minutieuses ne nous l'ont  pas fait trouver dans les différentes parties des registres du Parlement.
(6) II était question d'établir un parlement à Poitiers.
(7) Archives du Royaume, Trésor des Chartes, J. reg. 182, n°22.
(8) Robert d'Estouteville.
(9) La pièce suivante dit la rue de Jouy, et c'est la bonne leçon. La rue des Juifs
n'aboutit pas à la rue Saint-Antoine. La similitude des noms aura trompé le clerc qui
écrivait cette lettre à l'armée de Guyenne, et qui, probablement, ne connaissait pas
Paris.
(10) On voit par la lettre suivante qu'il logeait au Porc-Épic, près Saint-Paul.
(11) C'est la formule qui constate que les droits de chancellerie ont été acquittés. Quelquefois on mettait un С seulement.
(12) Archives du Royaume, Trésor des Chartes, J. reg. 185, n°309.
(13) Nous donnons ici la formule de rémission dans toute son étendue ; nous la supprimerons à l'avenir.
(14) Archives du Royaume, Trésor des Chartes, J. reg. 185, n°310.

Source : Persée.fr
Vous pouvez aussi consulter à ce sujet :


 
Louis XI, le rusé ou l'universelle araignée (1423-1483)


Charles VII son père (ci-contre en portrait) fut connu pour avoir été un roi faible au début de son règne. Ce fut la pucelle Jeanne d'Orléans qui allait en quelque sorte le porter au sommet. Sa fin de règne contrasta fortement avec le début.

Le jeune Louis, marié à Tours à l'âge 13 ans avec sa première épouse Marguerite d'Ecosse âgée de 11 ans (qui décèda en 1445) a passé une partie de son enfance au château fortifié de Loche en Touraine et en fit plus tard une de ses résidences les plus coutumières. Ses relations avec son père ont été très mauvaises au point de rentrer en conflit avec ce dernier.

Relativement tôt le jeune Louis (ci-contre), mais dauphin tardif avait envisagé son dessein, faire du royaume de France une puissance moderne. En 1461, Louis XI accèdait au pouvoir et fut sacré à Reims au sortir de la guerre de Cent ans. Il imprima au sens figuré, le premier l'idée d'État-nation (à prendre comme une préfiguration, et pas l'état-nation pris dans son acception contemporaine). Ce monarque fut très décrié (Voltaire et Fénelon), ou encensé selon les époques, et il a été possiblement une inspiration pour Machiavel et son Prince, à la fois froid, calculateur et cynique. Surnommé "L'universelle aragne" (ou araignée), Louis XI qui a su tisser sa toile, a été sous le coup de nombreuses légendes noires, dont celle d'un de ses biographes tombé en disgrâce : Thomas Basin, évêque de Lisieux (1412-1490). S'il fut un habile négociateur, Louis le onzième n'hésita pas à convoquer par deux fois fois des Etats-généraux.


Pour construire cette « chose commune » (la République), l'on doit nécessairement recueillir le consentement du Peuple. Le concept de gouvernement « par le peuple et pour le peuple » fut abordé au Concile de Bâle (1434) par l'historien et humaniste chrétien Nicolas de Cuse. Ses recherches prouvèrent que la Donation de Constantin, document du IXe siècle, qui attestait que l'empereur avait cédé le pouvoir temporel de l'Empire à la papauté était un faux.

Un peu partout en dans le royaume de 1435 à 1445, les « écorcheurs », c'est-à-dire les « milices » des seigneurs français pillaient et tuaient. (Source de la vidéo-conférence : CRHIA, Christophe Furon, Les écorcheurs : une crise de l'autorité royale? Durée : 38 minutes) Sans omettre les armées anglaises qui pratiquèrent sur le sol "françois" une politique de guerre très destructive. La guerre de Cent ans prit fin toutefois en 1453 sous Charles VII avec la bataille de Castillon et la domination des canons sur les archers, mais n'a pas connu de paix signée avec l'Angleterre avant l'année 1475 (traité de Picquigny).

Au cours de ce même siècle, Louis XI finalement dans les pas de son défunt père transforma ce pays dépeuplé en un État de grande puissance à l'échelle du monde connu. Il en devint le plus productif et ce modèle fut une référence dans la construction de pays tels que l'Espagne, ou l'Angleterre. Louis XI a accédé au trône en 1461 à 38 ans, et a entrepris les réformes qu'il souhaitait à contre-pied de ce que fit son père. Après son sacre, il se vengea des proches conseillers de son père charles VII qui l'avaient combattu en les renvoyant.

Le chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins fut un temps embastillé, Jean d'Orléans duc de Dunois se vit évincé du Conseil, pour exemples. Mais Louis XI allait finir par reprendre les anciens conseillers royaux et en recruta de nouveaux dans la bourgeoisie. À l'exemple de son barbier, Olivier le Daim, son conseiller occulte et exécuteur de ses basses oeuvres
.

Louis XI


Louis le onzième avec le soutien de Gaston de Foix et de son armée marchèrent contre le Bourbonnais dans le centre du pays en mars 1465. La jonction des forces de Louis se fit non loin de de la ville de Paris avec les Bretons de François II et les Bourguignons de Charles le Téméraire. Une bataille se produisit à Montlhéry, au sud de Paris, le 16 juillet 1465. Le résultat de la bataille resta mitigé. Toutefois, Louis XI profita de la confusion pour entrer dans la ville et affirmer son autorité. Le 5 octobre 1465, marquait la presque fin de la « Ligue du Bien public », les grands féodaux du royaume faisaient la paix et paraphaient le traité de Conflans avec le roi.

Par ailleurs, le clergé français fut mécontent de payer des impôts et réprouva son indépendance. Le roi fut aussi d'une grande fermeté avec ses vassaux, il priva certains seigneurs de leur pension ou limita leur droit de chasse. Les nobles virent en Louis XI celui qui les dépouilla de leurs pouvoirs, limitant les pensions et favorisant des mariages à son avantage, et ils n'appréciaient guère de le voir gouverner avec des bourgeois. Ils avaient ainsi créer pour y répondre la « Ligue du Bien public » face au « désordonné et piteux gouvernement ». Ils complotèrent pour mettre à sa place son frère Charles. Louis XI scellait ainsi la paix ou le traité de Saint-Maur (une paroisse à proximité de Paris), le 29 octobre 1465 et cédait de la sorte aux revendications des princes. Il versa de nouvelles pensions et attribua ou confirma les féodaux signataires.

Qualifié de rusé, les intentions de ce roi n'ont pas été de se conformer aux règles du monde féodal. Il imprima un nouveau type de pouvoir. L'image désastreuse de ce roi, qui mettait en cage ses ennemis et leurs mettaient des fillettes (chaînes), ou épousant une enfant de six ans furent certes vrais, mais cacha la complexité d'un homme qui engagea un tournant politique majeur. Louis XI posait les bases d'une unité territoriale et administrative aux dépens des pouvoirs locaux. Il a été un homme habile, un tyran qui fut décrié sans en connaître les fondements politiques. Il prouva surtout que le centralisme était en marche et d'inspiration républicaine.

Presque l'ensemble des princes du royaume se heurtèrent à cet homme froid, intelligent et calculateur. Il avait tout du visage du pervers et aurait aimé les pratiques zoophiles. On ne l'imagine pas vraiment en proie au doute. Il a eu une seule route possible, la sienne et peu importait les moyens employés. Il a été le fondateur d'une idée ou d'une conception de l'État-nation. Il ouvrait ainsi, avec le soutien du Saint-Siège romain, de Réné II (duc de Lorraine), de Philippe de Commynes (biographe, conseiller et intime du roi et ancien chambellan de Charles le Téméraire), et de la Maison financière de Laurent de Médicis, une nouvelle ère du pouvoir. 




Document cartographique à la main ou manuscrit de 1461, au début du règne de Louis XI, crédits Gallica-Bnf


Naissance de l'État-nation sous Louis le onzième du nom ?

Louis XI et ses alliés proches formèrent la « Ligue de Constance ». La France se composait de 14 duchés et de 94 grandes villes. Elles s'unifiaient sur la base du bien commun, avec pour ralliement : « Un droit, un poids, une monnaie ». Il renforça aussi l'armée permanente de son père Charles VII. La stratégie de Louis consista à gagner des cités, à développer des centres culturels, à créer des manufactures et ouvrir des grandes foires commerciales comme à Lyon. Il a voulu attirer dans les centres urbains tous les talents des régions et de l'étranger, en particulier des Allemands et Italiens (dont il parlait la langue).

Louis assura l'expansion des manufactures en subventionnant les villes, cet argent était tiré de l'impôt sur le revenu et il soutint le travail qualifié : les salaires en 20 ans allaient doubler. Les seigneurs furent imposés à un taux plus élevé que les villageois, et les villageois plus que les citadins. Les revenus doublèrent et l'impôt sur le revenu tripla en l'espace de 20 ans : en 1462, l'impôt se montait à 1.200.000 livres ; en 1482, il fut de 3.900.000 livres.

Ce fut une politique économique de grande ampleur qu'il organisa sous son régime. Au sujet de l'agriculture, il fit recensé les jachères et favorisa l'embauche de main d'oeuvre étrangère pour les cultures, si besoin était. Il génèra de même une politique industrielle et minière. S'il découvrait des réticences seigneuriales, il n'hésitait pas à pratiquer la nationalisation des terres en cas de sous exploitation des sols et sous sols. Il fut le créateur des postes à l'échelle du territoire : une lettre devait en 24 heures parcourir 400 kilomètres. Du coup s'installèrent un peu partout en France des relais de poste et des auberges. Il proclama des milliers de lois, trouva au sein des villes le soutien de la bourgeoisie. Il mena ainsi une politique de forte croissance et permit à la France de sortir du chaos.

En 1470, à la demande de Louis XI, il était mis en oeuvre la première imprimerie parisienne (et française) au sein de la Sorbonne.
 La première presse dans la capitale dut son instalation au recteur de l'Université de Paris, Jean de la Pierre, originaire du duché de Bade. Louis XI inaugura l'imprimerie de la Sorbonne en 1471, qui en était à sa troisième publication. La première édition fut consacrée aux Epîtres de Gasparino Barzizi de Bergame.

Le recteur et le bibliothécaire Guillaume Fichet, professeur de "belles lettres" et de réthorique firent venir d'Allemagne les typographes et compagnons Martin Krantz, Ulrich Gering et Michel Friburger pour faire fonctionner cette nouvelle presse à papier. Cette imprimerie diffusa des écrits de Platon, Salluste, Virgile, Juvenal et Xénophon à la demande du roi.

Pour Louis XI cela représenta une arme de propagande et de transmission du savoir et signifia l'entrée dans une nouvelle période historique. 

Louis le rusé créait les conditions pour que la France devint la première puissance de l'époque. Il ne conserva pas une bonne image auprès de la noblesse et du clergé, qui bien après sa mort continuèrent à le discréditer. Pourtant on est un peu loin de l'idée général d'un roi uniquement sombre et cruel. Ce roi a été à l'image des grands princes de ce temps, il était tout simplement "machiavélique" et ami de Laurent le Magnifique. (Ne pas confondre avec Machiavel l'auteur)

Aujourd'hui, on parlerait d'un grand homme d'État, et pour cause il mit en place toute les bases d'un état moderne en seulement 20 ans. Il a été l'avant-dernier des Orléanais au trône de France (le dernier étant Louis Philippe en 1830). On lui connut aussi un goût pour l'astrologie, les superstitions, contradictions pas si étonnantes entre ce législateur de génie et l'homme de son temps. En soit le rationalisme n'était pas encore né, et l'on peut comprendre qu'il ressembla aussi à ce qui prédomina au quatorzième et quinzième siècle, c'est-à-dire une violence sociale, politique et humaine quelque peu effrayante.

En 1476, la  première impression de la Bible du royaume sortait des presses parisiennes. Un an après, Louis XI commandait la rédaction du premier livre en français : une chronique sur l'histoire de France depuis le temps des Romains jusqu'à la mort de son père. La même année Louis le rusé structurait les divers services de dépêches : du roi, de l'Université, du Bureau de la Ville de Paris, des corps de métiers et fit établir progressivement pour ses chevaucheurs, des relais de poste sur la part du royaume de France qu'il contrôlait : Anjou, Poitou, Guyenne, Normandie, Picardie, Bourgogne. Très vite des "maîtres de poste" offrirent leurs chevaux et l'hébergement à d'autres voyageurs.

Louis XI, a été un roi itinérant, il n'aima pas plus Paris que son père, il résida dans les villes et châteaux de la Loire. Il mourut à la fin d'août 1483 après avoir lutté contre la mort et sous l'emprise de superstitions religieuses.

« Il voulait être enterré à Notre-Dame de Cléry et non à Saint-Denis avec ses ancêtres. Il recommandait qu'on le représentât sur son tombeau, non vieux, mais dans sa force, avec son chien, son cor de chasse, en habit de chasseur » (Jules Michelet, Histoire de France).
 



« La propriété des Rois et des princes et de leurs chevaliers, considèrent que leur état et vocation est pour le bien commun défendre tant ecclésiastique que séculier, et de entretenir justice et paix entre leur sujets, (...) Et pour ce que le bien commun qui regarde plusieurs, qui est la chose publique du Royaume est plus louable que le particulier, par lequel souvent est empêché le bien commun ; on a volontiers mis en écrit les fats des princes et de leurs chevaliers, et toute bonne doctrine qui sert à leur état. ». (...)« Je ne vois rien qui tant ait détruit et annihilée la puissance des Romains, que ce qu'ils entendaient plus au bien particulier que au bien commun. » (...) « Quand Justice règne en un royaume, le bien commun est bien gardé, et aussi le particulier : car Justice est celle de vertu, qui garde humaine compagnie et communauté de vie, si que chacun use en bien des choses communes comme communes ; et des particulières comme particulières. »


Louis, le onzième du nom, auteur de plus de 2.000 lettres politiques.


Rumeurs et "fausses nouvelles" au Moyen-Âge? : cliquez ici !
Avec Mme Claude Gauvard, historienne, spécialiste du Moyen Âge et de Paris
France Culture - Concordance des temps (19/05/2018) - durée 59 minutes


C'est à la fin du règne de Louis XI que débuta plus ou moins la Renaissance italienne et française, et deux règnes successifs, ceux de Charles VIII et Louis XII, qui ne sont pas traités ici, mais ne sont pas pour autant insignifiants. Des questions chronologiques et d'espaces multiples, où Paris, en tant que ville n'est qu'un enjeu plutôt limité face aux réalités européennes et plus encore depuis la chute de Constantinople, qui coupait un accés aux épices et aux mondes orientaux. Se redessinait un ouvel ordre des échanges commerciaux et de pouvoir établir des relations avec la puissance Ottomane ou Turque émergeante. La constitution de nouveaux empires, le royaume du Portugal était à ce titre devenu au XVe siècle une puissance coloniale en Afrique et importateur d'esclaves Africains à Lisbonne, et le royaume de Castille achevait sa "reconquête", etc.







 
1477 : Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, meurt lors d'une bataille près de Nancy.
1478 : En novembre, la bulle "Exigit sincerae devotionis affectus" du pape Sixte VI permet aux souverains espagnols de se doter d'un Tribunal de l'Inquisition.
1482 : Le 15 janvier, Louis le onzième devient comte de Provence, les États provençaux sont rattachés au royaume, sauf le comtat Venaissin (un tiers du Vaucluse), cette enclave territoriale reste sous autorité papale (jusqu'en 1790).
1483-1485 : Décès fin août de Louis XI au château du Plessis-lèz-Tours (Indre et Loire), qui devient la résidence royale jusqu'à Louis XII et s'engage la Régence de Pierre et Anne de Beaujeu avant la majorité de Charles (à 14 ans). L'année suivante, en février la régente fait son entrée solennelle dans Paris, en mars se tiennent des Etats généraux à Tours, en mai Charles VIII est sacré à Reims, son règne s'achevant en 1498.
1485-1510 : Construction de l'Hôtel des abbés de Cluny à Paris (ci-contre), à partir de 1485, selon les voeux de Jacques d’Amboise, abbé de Cluny, aux commandes du puissant ordre clunisien.
1488 : Après avoir été condamné pour ses 900 thèses (et plus) par le pape Innocent VIII, Jean Pic de la Mirandole (1463-1494) s'enfuit d'Italie. En janvier, il est mis aux arrêts par les envoyés du Saint-siège présents dans le royaume de France et il passe plusieurs mois au donjon de Vincennes avant d'être libéré par Charles VIII, hostile au pape.
1492-1493 : Anne de Bretagne devient reine de France (ci-contre en miniature). Christophe Colomb aborde les Bahamas et Saint Domingue, l'année qui suit la Dominique et la Guadeloupe dites Indes occidentales, ou l'Amérique, nom tiré plus tardivement par un chanoine de Saint-Dié d'Amerigo Vespuci, autre "découvreur" du continent sud-américain et cartographe.
1494 : La famille Médicis est chassée de Florence et début des guerres d'Italie sous Charles VIII. Le traité de Tordesillas est signé le 7 juin et signifie le partage du monde entre le royaume d'Espagne et du Portugal.
1495 : Le Châtelet de Paris prend un arrêt contre les vérolés et les immondices. Suite aux campagnes militaires d'Italie de Charles VIII, sont ramenés des plants de melon cultivés depuis les Romains, qui l'avaient eux-mêmes fait venir d'Egypte.
1497 : Vasco de Gama trouve la route des Indes orientales par l'océan Indien et le cap de bonne espérance, la grande peur des marins. (Afrique du Sud)
1499 : A la fin de l'année, l'archevêque de Grenade et confesseur de la reine Isabelle de Castille ordonne la destruction de tous les livres en langue arabe (autodafé), et fin d'Al Andalous.


Suite de la promenade :
La Renaissance à Paris (1ère partie)

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