|
Antiquité, aux origines des premiers Juifs en Gaule
Pour
précision : les premières populations juives à avoir pris souche en
Europe s'installèrent en Grèce... une riche histoire mais qui n'est pas
traitée ici !
C'est
à partir, du roi Hérode dit le Grand (de 73
à l'an 4 avant J.C), puis notamment
sous le
règne d'Archélaos son succésseur (roi des Juifs de
Judée et Samarie) et aux
prémices du christianisme que les Hébreux
commenceront
à s'intégrer au vaste empire Romain et prendront
part
à son évolution et à ses
conquêtes. Il est
difficile de chiffrer combien de Juifs vont venir s'installer en Gaule
ou en Europe. 20.000 à Rome selon Bernard Lazare. Ce qui
semble fondé, c'est qu'ils vont prendre
leur
première racine d'abord à
Rome,
et trouver au sein de la société romaine de
nombreuses
fonctions et postes honorifiques : officiers, avocats,
négociants, ... - Et qui migrèrent de Marseille en passant
par la vallée du Rhône jusque dans le sud-ouest
de la
Gaule comme agriculteurs et viticulteurs. La présence juive
en
Gaule romaine est attestée par plusieurs sources dont
Grégoire de Tours et des recherches à ce sujet toujours en cours.
Si
l'exode de 70 après J.C. (sous le règne de
Hérode Antipas II) peut avoir été
moins massif
que ne le suggère les croyances, le bassin
méditerranéen vivre sous une influence
culturelle juive importante jusqu'à la fin du monde Antique,
ou ce que l'on dénomme plus communément
jusqu'à la fin de l'Empire Romain, et comme marqueur d'un
tournant vers de nouveaux temps historiques et religieux (passage du
polythéisme au monothéisme). Il a
existé différentes formes et périodes
d'exils et
de migrations, d'assimilations forcées ou pas, des
conversions de
toute nature dans l'histoire des Juifs en Europe et dans le bassin
méditerranéen. Dans la
bataille des chiffres, l'on estime de 1 à 2 millions
d'habitants
principalement en Judée, le nombre de juifs ayant pu se référer à la Torah
(bible hébraïque) à
cette époque, au mieux des estimations. A une autre échelle,
c'est-à-dire pour l'ensemble des populations juives de l'époque
Léon Poliakov, ses estimations sont de l'ordre de 4 à 5 millions de
personnes avec des ramifications jusqu'en Inde et en Chine.
L'objet de ce texte n'est
pas d'alimenter l'idée ou une controverse sur l'existence ou
non du
peuple juif, la polémique a peu
d'intérêt. Il faut avoir une certaine
méfiance concernant
des thèses identitaires, voire historico-politiques
s'appuyant sur
de fausses évidences parce que principalement
construites sur des hypothèses, normalement se
déjouant des mythes. C'est le cas de
l'archéologie ou de certaines recherches historiques, ou
toute affirmation doit se faire avec moultes
précautions et vérifications. Pour
précision utile, il vaut mieux se
référer à la diaspora juive
et quelques
fondements confessionnels. Sinon l'on risque de créer une
unité poussant à rendre
génétiquement compatible les populations juives.
Les simplifications sont toujours dangereuses ou abusives.
Au
plus court, vont se
dessiner des communautés de destin parfois comparables, mais
aussi disjoint en raison des espaces géographiques. Les deux
branches les plus connues (et pour aller au plus simple) sont les juifs
ashkénazes et
séfarades. Toutes deux présentes
à travers l'Histoire de France et jusqu'à nos
jours. Il
n'est pas simple de
faire le tri
des images d'Épinal, dont celle du juif errant (roman d'Eugène Sue), les mythes
collant à la
peau des populations et coutumes religieuses juives sont nombreuses.
Derrière les mythes, les réalités
historiques laissent place à une
histoire difficile des relations entre le judaïsme et le
christianisme,
puis plus tardivement avec l'Islam et en d'autre termes. Nous ne
chercherons pas vraiment à faire de comparaison, mais de
fournir
des faits pouvant vous permettre à partir d'une
ébauche chronologique, de découvrir des
aspects peu
connus des persécutions des Juifs à travers les
premiers
âges de la chrétienté .
La
présence de juifs dans l'hexagone remonte à
l'Antiquité Gallo-Romaine.
Des commerçants de confession juive et originaire du Royaume
de Canaan ou de Judée sont
présents dans le port de Marseille dès
l'époque de
la colonisation romaine, ils sont à l'origine des
communautés de Provence.
Les
juifs apparurent en Gaule
sous l'empereur romain Auguste en 31 avant J-C. Ils suivirent les
romains dans la nouvelle province et s'installèrent
à
Massilia (Marseille). Certains poussèrent jusqu'à
Narbonne, tandis que le roi Archéloas, fils et
successeur
d'Hérode le Grand était destitué par
les
romains et
exilé à Vienne le long du Rhône.
NB : Les fils chronologiques rédigés sont en général au présent, mais traitent du passé...
Septime
Sévère (193 à 211)
autorise les Juifs
présents à Rome et sur le territoire de
l’Empire
romain à assumer des fonctions civiles et militaires,
toutefois
limitées dans les hiérarchies, et
révisées
à la baisse par ses successeurs.
En 212,
l'Édit de Caraccala reconnait dans sa constitution la
citoyenneté romaine à tous ses
résidents ou habitants, y compris de confession juive.
En 325, Le concile de
Nicée étend la validité de
l'excommunication en créant
l'anathème. Auparavant, l'excommunication n'était
valide que dans le
diocèse qui l'avait prononcée.
En
399, le pape Anastase 1er convoque un concile, les mariages mixtes
entre Juifs et Chrétiens sont interdits.
En 439,
est
promulgué le code Théodosien de Justinien II. Il
est
interdit aux juifs d’exercer une profession publique ou
militaire, et l’on cherche à imposer la conversion
de
force au christianisme dans l’Empire.
En
461 ou 465, Le
concile provincial de Vannes stipule en son seizième Canon :
« Sous peine d'excommunication, les clercs ne doivent se
livrer
à
la divination par le sort des saints et la sainte écriture.
(…) Interdiction aux clercs de partager un repas avec des
juifs. »
L'antisémitisme,
son histoire, ses causes
Bernard
Lazare (1894)
« A Rome, les Juifs fondèrent une colonie puissante et riche,
aux
premières années de l'ère
chrétienne. Ils
étaient venus dans la cité vers 139 (avant
J.-C.), sous
le consulat de Popilius Lœnus et de Caius Calpurnius, s'il
faut
en croire Valère Maxime. Ce qui est certain, c'est qu'en 160
avant J.-C. arriva à Rome une ambassade de Judas
Macchabée, pour conclure avec la République un
traité d'alliance contre les Syriens ; en 143 et en 139,
autres
ambassades. Dès ce moment, des Juifs durent s'établir
à
Rome. Sous Pompée, ils vinrent en nombre, et en 58 leur
agglomération était déjà
considérable. Très turbulents, très
redoutables,
ils jouèrent un rôle politique important.
César
s'appuya sur eux pendant les guerres civiles et les combla de faveurs ;
ils les exempta même du service militaire. Sous Auguste, on
fit
retarder pour eux les distributions gratuites de blé quand
elles
tombaient un samedi. L'Empereur leur donna le droit de recueillir la
didrachme pour l'envoyer en Palestine, et il fonda au temple de
Jérusalem un sacrifice perpétuel d'un taureau et
de deux
agneaux.
Quand Tibère prit
l'Empire, les Juifs
étaient 20.000 à Rome, organisés en
collèges et en sodalitates. Excepté les Juifs de
grandes familles comme les Hérode et les Agrippa, qui se
mêlaient à la vie publique, la masse juive vivait
très retirée. Le plus grand nombre habitaient
dans la
partie la plus sale et aussi la plus commerçante de Rome :
le
Transtévère. On les voyait près la via
Portuensis,
l'Emporium et le grand Cirque ; au champ de Mars et dans Subure ; hors
la porte Capène ; au bord du ruisseau
d'Égérie et
proche le bois sacré. Ils faisaient du petit
négoce et de
la brocante ceux de la porte Capène disaient la bonne
aventure.
Le Juif du ghetto est déjà là. »
Le « Talmud de
Babylone »,
ensemble de lois orales (la « Mishna ») et de
commentaires
rabbiniques (la « Gemara »), est
clôturé. Une
autre version, le
«Talmud de Jérusalem» avait
été réalisé au
siècle précédent mais
n’était pas aussi approfondie. Ces
écrits représentent un ensemble concret des
fondements oraux de la religion juive et sont
l’œuvre des sages amoraïm. Au fil des
siècles, le «Talmud de Babylone» sera
complété par différents rabbins et
notamment par le rabbin français Rachi, qui fondera une
grande école talmudique. (source: linternaute.com)
|
|
|
|
|
Mérovingiens,
aux racines de
l'antisémitisme chrétien
Le peuple
« déicide »? Genèse
de l'antisémitisme médiéval, Yannick Rub
« Cette idée selon laquelle les Juifs ont
été les
assassins de Jésus va justifier pour des siècles
les
persécutions à l’encontre des juifs.
Cette
accusation est « institutionnalisée »
d’abord
entre le II et le Ve siècle chez les Pères de
l’Eglise. La démarche est d’abord celle
de
discriminer le judaïsme qui, après tout, est un
concurrent
fâcheux pour une église qui se veut universelle.
C’est au IVe siècle que Jean Chrysostome parle des
Juifs
comme étant «hostiles à Dieu»
et c’est
lui qui va développer ce concept de
«déicide». Il n’emploie pas
encore le terme
précis, c’est Pierre Chrysologue au Ve
siècle qui
le fera le premier. L’idée que les Juifs sont non
seulement responsables de la mort de Jésus, mais
qu’en
plus celui-ci a également été trahi
par Judas pour
de l’argent va nourrir l’aversion à
l’égard du Juif. (...)
Encore à titre d’exemple, au IVe
siècle, Saint
Augustin écrit qu’il ne faut pas tuer les Juifs,
mais les
condamner à la dispersion et à
l’humiliation, en
signe de victoire de l’Eglise sur la Synagogue.
C’est une
sorte de condamnation à la servitude éternelle
qui sera
maintenue pendant des siècles. C’est là
un point
éclairant en ce qui pourrait concerner un certain
anéantissement : celui-ci n’est absolument pas
prôné par les Pères de
l’Eglise ni même
souhaité : le Juif est vu comme le mal
nécessaire,
l’erreur au service de la Vérité.
C’est ce
qui ressort des écrits d’Augustin : les juifs
doivent
subsister, mais de manière diminuée. Les
accusations des
Pères de l’Eglise font passer les griefs
à
l’encontre des juifs de rumeurs et d’opinion
populaire en
fait historique se basant sur l’interprétation des
textes
: Sommairement, cette interprétation fait ressortir
l’idée théologique d’une
faute et donc
d’une nécessaire expiation. A la même
époque,
le patriarche de Constantinople Jean Chrysostome prononce des sermons
très virulents contre les Juifs, et prêche aux
Chrétiens que c’est un péché
de traiter les
Juifs avec respect. Il appelle la synagogue la maison de Satan
dédiée à
l’idolâtrie et le repaire des
meurtriers de Dieu. »
Au
VIe siècle, la
première attestation d'une
présence juive à Paris, il s'agit d'un document
de
l'évêque Grégoire de Tours. Il a
rédigé de son temps une Histoire des francs, ou
l’on retrouve, différents actes religieux ou
récits
historiques très controversés concernant les
juifs de cette
époque.
En
506, un concile est tenu à Agde
avec l’autorisation de roi wisigoth Alaric II. Il y sera
défini dans quelles conditions « les Juifs qui
veulent se
rallier à la foi catholique doivent, à
l’exemple
des catéchumènes, se tenir pendant 8 mois sur le
seuil de
l’église ; si, au bout de ce temps, leur foi est
reconnue
sincère, ils obtiendront la grâce du
baptême»
(…) «empêcher ceux-ci de contaminer les
chrétiens ».
«Tout
chrétien, clerc
ou laïc, doit s'abstenir de prendre part aux banquets des
Juifs ;
ces derniers ne mangeant pas des mêmes aliments que les
chrétiens, il est indigne et sacrilège que les
chrétiens touchent à leur nourriture. Les mets
que nous
prenons avec la permission de l'apôtre sont jugés
immondes
par les Juifs. Un chrétien se montre donc
l'inférieur
d'un Juif s'il s'assujettit à manger des plats que ce
dernier
lui présente et si, d'autre part, le Juif repousse avec
mépris la nourriture en usage.
Déjà
édictée par le Concile de Vannes, cette
interdiction
fut peu respectée, d'autres conciles la
renouvelèrent à plusieurs reprises
(Épône,
517 ; Orléans, 538 et Mâcon, 581). En atteste ce
témoignage à propos de Cautinus
(évêque de
Clermont entre 551 et 571) : « Avec les Juifs à
l'influence desquels il se soumettait, il était en termes
familiers, non pour leur conversion, ce qui, en bon pasteur, eut
dû être son souci, mais pour leur acheter des
objets
précieux. On le flattait facilement et ils lui prodiguaient
une
grossière adulation. Ils lui vendaient alors les choses
à
un prix plus élevé que leur valeur
réelle. »
Grégoire de
Tours, Histoire des Francs
(Denoël, 1974).
Théodoric
dit le Grand (474-526) roi des Ostrogoths et du royaume Ostrogoth d'Italie prendra sous sa protection les Juifs de
Gênes
et de Milan. Il condamna les émeutes anti-juives et
les
destructions de synagogues sur son territoire et tout au long de son
règne.
En
533, Childebert 1er (roi
de Paris à partir de 511 et roi
d'Orléans de 524
à sa mort en 558). Il prend contre les juifs un
arrêté
d'expulsion. Le premier synode du temps des mérovingiens
parlant
des juifs se tient en la présence des enfants vivants de
Clovis
(Childebert 1er, de Clotaire 1er et de Thierry 1er). Les mariages
mixtes sont interdits avec des juifs ou juives sous peine
d’excommunication.
En 535, Le concile de
Clermont interdit aux Juifs de devenir juge.
En
576, A Clermont, un incident entre un juif et un converti conduit
à la destruction de la synagogue par la population. Il
s’en suivra le baptême forcé de 500
juifs, et
l’expulsion du reste de la communauté à
Marseille.
Vers
580, on présume la construction d’une synagogue
sur
l’île de la Cité (à Paris). En Bourgogne,
« tout Juif
qui frappe un chrétien doit payer 75 sous de composition et
12
sous d'amende ou avoir le poing coupé, et, si la personne
maltraitée est un prêtre, il encourt la peine de
mort et
ses biens sont confisqués ».
En
582,
Chilpéric 1er établit un édit
ordonnant « à tous les Juifs de Paris
d’être
baptisés
sous peine d'avoir les yeux crevés et de venir
présider lui-même à son exécution ».
Son ancien
conseiller juif Priscus est assassiné par un filleul du roi, un juif converti (Récit de Grégoire de Tours - 587). La synagogue d’Orléans est détruite
lors
d’émeutes et reconstruite aux frais et aux
dépens
des juifs par l’exécutant de
l’autorité
royale.
En 583, - Le concile de
Mâcon autorise les chrétiens à racheter
aux juifs des esclaves.
En
585, le roi Gontran vient à Orléans et dit :
« Malheur à cette nation juive méchante
et perfide,
ne
vivant que de fourberies. Ils me prodiguent aujourd’hui de
bruyantes acclamations, c’est qu’ils veulent
obtenir de moi
que j’ordonne de relever, aux frais publics, leur synagogue
que
les chrétiens ont détruite ; mais je ne le ferai
pas :
Dieu le défend. »
En 591, le
pape Grégoire
1er dit le Grand (de 590 à 604)
s’oppose aux
conversions
forcées des Juifs et prône la persuasion. Il
refuse que
leurs biens soient saccagés et voit avec importance
qu’ils
soient protégés par la loi.
En
614, au Concile de Paris, il est interdit aux Juifs, « coupables de la mort de Jésus-Christ »,
la possession des biens terriens et immobiliers, l'usufruit est plus ou
moins conservé. Il est également devenu impossible d’exercer des
métiers manuels, entre autres être agriculteur. Des clauses
aux conciles de Paris et Clermont bloquent aussi toute nomination
à des fonctions civiles et militaires. Un édit de
Clotaire II prohibe aux juifs d'intenter des actions
publiques
contre les chrétiens.
En 615, le roi
wisigoth Sisebut
(612-621) ordonne sous peine de mort, le baptême de tous les
Juifs, et, il oblige les non convertis à quitter son
royaume.
La péninsule ibérique vivra un siècle de troubles religieux.
En
629,
le roi Dagobert demande aux Juifs de se convertir au christianisme. Ils
vivent et commercent rive gauche, non loin de
l’église
St-Julien, et sur l’Ile de la Cité
(l’actuelle rue
de la Cité portera le nom de rue de la Juiverie,
jusqu’en
1834).
En 633, c’est l’expulsion
des juifs refusant
la conversion du « bon Roi Dagobert ». À
Paris,
c’est un refus de la communauté de se convertir au
catholicisme, elle s’exile en d’autres terres (Rhin
et
Provence).
En 694, en Hispanie, Egica roi wisigoth
réduit en esclavage tous les Juifs de son royaume, et en
confie
la garde aux grands propriétaires fonciers. Ces derniers, en
effet, sont des relais importants de l'expansion du christianisme,
usant de la contrainte économique pour obtenir des
conversions.
Bernard
Lazare, L'Antisémitisme, son histoire et ses causes : «
Du Ve au VIIIe siècle le bonheur ou le malheur des Juifs
dépendit uniquement de causes religieuses qui leur
étaient extérieures, et leur histoire parmi ceux
qu'on
appelait les barbares est liée à l'histoire de
l'Arianisme, à son triomphe et à ses
défaites.
Tant que les doctrines ariennes prédominèrent,
les Juifs
vécurent dans un relatif état de
bien-être, car le
clergé et même les gouvernements
hérétiques
luttaient contre l'orthodoxie et se souciaient assez peu des
Israélites, qui n'étaient pas pour eux les
ennemis qu'il
fallait réduire. Théodoric fit exception
cependant. A
peine l'empire ostrogoth était-il assis, que le roi,
poussé peut-être par Cassiodore, son ministre, qui
paraît avoir eu fort peu de sympathie pour les Juifs - il
les qualifiait de scorpions, d'ânes sauvages, de chiens, de
licornes - défendit aux Juifs de construire des
synagogues
et essaya de les convertir. Mais, malgré cela, il les
protégea contre les agressions populaires, et obligea le
sénat de Rome à faire rebâtir les
synagogues que la
foule catholique, insurgée contre l'Arien
Théodoric,
avait incendiées. »
|
|
|
|
|
Carolingiens,
des temps en apparence
plus calmes
En
apparence la période carolingienne semble plus calme, dans
les
faits les pouvoirs royaux ou impériaux ne chercheront pas
à persécuter les populations juives, Charlemagne
à
ce sujet sera plutôt bienveillant. Néanmoins entre
suzerains et vassaux ou pouvoirs locaux, les croyances anti-juives
restent vivaces, et les lois demeurent relativement restrictives pour
les pratiquants du judaïsme au sein de l'empire Carolingien.
Pendant
le VIIIe siècle, les Juifs étaient actifs
dans le
commerce et la médecine. Les empereurs Carolingiens
permettent
aux juifs de devenir des approvisionneurs
accrédités de
la cour impériale. Ils sont aussi impliqués dans
l'agriculture et le domaine de la viticulture. Ils doivent comme tout
négociant payer la dîme.
En
797, Charlemagne donna une
mission d'ambassadeur auprès du calife de Bagdad
à un
juif narbonnais nommé Isaac. Celui-ci ne revint de sa
mission
qu'au début de l'an 802, rapportant deux cadeaux insolites:
une
horloge très perfectionnée et un
éléphant.
En
800, Charlemagne désigne Machir à Narbonne pour
créer une école talmudique. Sous son
règne
de 771 à 814, la condition des Juifs
s’améliore,
toutefois leur liberté restera limitée. Au
tribunal, ils
prêtaient serment à un texte appelé : « more
judaico ».
Vers 850, le concile de Meaux
Paris adopte
une série de dispositions destinées à
réprimer le prosélytisme juif et à
éviter
toute promiscuité avec les Chrétiens :
-
Interdiction pour les Juifs de servir dans l'armée,
-
Interdiction d'occuper un emploi public,
- Interdiction
d'avoir des esclaves chrétiens et faire le commerce des
esclaves.
-
Interdiction de sortir de chez soi à la fin de la semaine
sainte, pour éviter que leur vue n'excite la
colère des
Chrétiens.
- Interdiction de construire de
nouvelles synagogues.
- La garde des enfants juifs est
confiée à des clercs pour les élever
dans la religion chrétienne.
Charles
le Chauve (843–877), tolérant, refusera
d'appliquer les
mesures d'exception et de les inscrire dans un capitulaire.
L'Antisémitisme, son
histoire, ses causes (1894)
« Une édition peut en être refaite, on mettrait cependant en tête que sur beaucoup de points mon opinion s’était modifiée. »
Bernard Lazare, extrait de son testament en juillet 1903
Suite à un courrier : Concernant les passage litigieux ou xénophobes, voire anti-juifs de L'Antisémitisme, son histoire,
ses causes demandent de les mettre dans son contexte historique,
le dernier quart du XIXe siècle. Les considérations nationalistes et
pour l'époque celles d'un "israélite de France", ne donnaient pas une
vision universelle des choses et se faisaient en rejet des juifs
étrangers, ces passages ne sont pas cités ici ! Seuls 4 extraits ont été retenus
pour cette page et en relation avec les périodes données, et c'est loin
d'être la seule source utilisée.
Pour information, le chapitre I de L'Antisémitisme, est le plus incriminable, il date du 1er octobre 1892 et avait été publié dans le numéro 30 de la revue Entretiens littéraires et artistiques sous le titre : L’Antisémitisme et ses causes générales.
De plus les connaissances religieuses de Bernard Lazare étaient assez
lointaines du judaïsme, plus inspirées par les morales chrétiennes que
par une connaissance approffondie du Talmud et de la Thora.
Par
ailleurs, le livre ci-dessus (photo du livre) de M. Philippe Oriol,
historien, est une biographie du meilleur spécialiste de l'auteur (chez
Stock, 2003). Cet ouvrage apporte tous les éclaircissements nécessaires
pour éviter toute forme d'amalgame, Bernard Lazare n'a jamais été un
antisémite et son œuvre a été détournée plusieurs fois : pour exemples,
sous Vichy, puis par une série d'éditeurs négationnistes dans les
années 1970 et il y a peu d'années.
Note de LM du 18/12/2019
|
« C'est vers la fin du VIIIe siècle que se
développa l'activité des Juifs
occidentaux. Protégés en Espagne par les Kalifes,
soutenus par
Charlemagne qui laissa tomber en désuétude les
lois mérovingiennes, ils
étendirent leur commerce qui jusqu'alors avait
consisté surtout dans la
vente des esclaves. Ils étaient d'ailleurs pour cela dans
des
conditions particulièrement favorables. Leurs
communautés étaient en
rapports constants, elles étaient unies par le lien
religieux qui les
rattachait toutes au contre théologique de la Babylonie,
dont elles se
considérèrent comme dépendantes
jusqu'au déclin de l'exilarcat ; ainsi
acquirent-elles de très grandes facilités pour le
commerce
d'exportation dans lequel elles amassèrent des richesses
considérables,
si nous en croyons les diatribes d'Agobard (1) et plus tard celles de
Rigord (2), qui, si elles exagèrent la fortune des Juifs, ne
doivent
pourtant pas être absolument rejetées comme
indignes de créance (3).
Sur cette richesse des Juifs, surtout en France et en Espagne, jusqu'au
XIVe siècle, nous avons d'ailleurs les
témoignages des chroniqueurs et
ceux des Juifs eux-mêmes, dont plusieurs reprochaient
à leurs
coreligionnaires de se préoccuper des biens de ce monde
beaucoup plus
que du culte de Jehovah. Au lieu de calculer la valeur
numérique du
nom de Dieu disait Aboulafia le kabbaliste, les Juifs aiment mieux
supputer leurs richesses.
Aux temps de leur
prospérité
nationale, les Juifs semblables en cela à tous les autres
peuples,
possédèrent une classe de riches qui se montra
aussi âpre au gain,
aussi dure aux humbles que les capitalistes de tous les âges
et de
toutes les nations. Aussi, les antisémites qui se servent,
pour prouver
la constante rapacité des Juifs, des textes d'Isaïe
et de Jérémie, par
exemple, font-ils œuvre naïve et, grâce
aux paroles des prophètes, ils
ne peuvent que constater, ce qui est puéril, l'existence
chez Israël de
possesseurs et de pauvres. S'ils examinaient impartialement
même les
codes et les préceptes judaïques, ils
reconnaîtraient que législation
et morale recommandaient de ne jamais prélever
d'intérêt sur les prêts
(4). A tout prendre même, les Juifs furent, en Palestine, les
moins
commerçants des sémites, bien
inférieurs en cela aux Phéniciens et aux
Carthaginois. C'est seulement sous Salomon qu'ils entrèrent
en relation
avec les autres peuples ; encore, en ce temps-là,
c'était une puissante
corporation de Phéniciens qui pratiquait le change
à Jérusalem. Du
reste, la situation géographique de la Palestine ne
permettait pas à
ses habitants de se livrer à un trafic très
étendu et très
considérable. Cependant, pendant la première
captivité, et au contact
des Babyloniens, une classe de commerçants se forma, et
c'est à cette
classe qu'appartenaient les premiers émigrants juifs, ceux
qui
établirent leurs colonies en Égypte, en
Cyrénaïque et en Asie Mineure.
Ils formèrent dans toutes les cités qui les
reçurent des communautés
actives, puissantes et opulentes, et, lors de la dispersion finale, des
groupes importants d'émigrants se joignirent aux groupes
primitifs qui
facilitèrent leur installation. »
Notes de l'auteur :
(1) "De Insolentia Judoeorum"
Patrologie Latine, t. CIV.
(2) Gesta Phillippi Augusti.
(3)
Sur la situation des Juifs méridionaux au temps de Philippe
le
Bel, voir Siméon LUCE, "Catalogues des documents du
Trésor des Chartes", Revue des Études Juives, t.
I.
n° 3
(4)
"Tu ne prêteras point à
intérêt à ton frère, ni
argent, ni vivres, ni
quoi que ce soit; tu pourras prêter à
intérêt à l'étranger (Nochri
)."
Deutéronome, XXIII, 19, 20 Nochri veut dire
l'étranger de passage;
l'étranger qui réside, c'est le guerre. "Quand ton
frère sera devenu
pauvre et qu'il te tendra ses mains tremblantes, tu le soutiendras,
même l'étranger qui demeure dans le pays,
afin qu'il vive avec
toi. Tu ne tireras de lui ni intérêt, ni usure."
Lévitique, XXV, 35.
"Jéhovah, qui est-ce qui séjournera dans ton
tabernacle? Celui qui ne
prête pas son argent à
intérêt". (Psaume XV, 5). Même
à un non Juif,
ajoute le commentaire talmudique. (Maccoth, 1. XXIV) (Voir encore
Exode, XXII, 25. PHILDON, de Charitate: .JOSEPH, Antiquit. Jud., 1. I
V, chap. VIII; Selden, 1. Vl. chap. IX.
|
|
|
|
|
|
Capétiens,
le temps
des bûchers, des exils et des spoliations
« Dans
la mesure où l’origine du christianisme remonte
aux
communautés juives du Moyen-Orient, l’attitude de
l’Église vis-à-vis des Juifs a longtemps
été
indécise. Mais à partir des Croisades, les Juifs
sont
considérés comme des Infidèles, et
persécutés dans toute l’Europe. Le
statut des juifs
est celui de citoyens de second ordre : obligés de vivre dans
des
ghettos, ils n’ont pas droit de séjour permanent
dans les
villes,et les seules activités auxquelles ils ont
accès
sont le commerce, le colportage et le prêt sur
intérêt, ce qui aggrave encore le ressentiment
à
leur égard. Les mythes antijuifs naissent, comme ceux de la
profanation de l’hostie et du meurtre rituel, ou de
l’enlèvement d’enfants. Les
stéréotypes propagent l’image de
l’usurier
riche et insensible, ou du col-porteur pauvre et rusé. On
accuse
les juifs de propager les maladies comme la peste. Beaucoup sont
expulsés d’Espagne, d’Italie,
d’Angleterre,
et émigrent en Pologne et en Lituanie. L’Europe
centrale
devient le nouveau centre de la vie culturelle juive en Europe. Les
juifs connaissent une relative liberté, ont leur langue, le
yiddish, mélange d’allemand
médiéval et
d’hébreu. Grâce à leur
éducation, ils
ont accès à des professions libérales.
Mais les
nationalismes croissants leur opposent de nouvelles
résistances,
et les flambées de violence anti-juive sont
fréquentes,
de même que les phénomènes
d’exclusion.
(Texte extrait d'une exposition de la Licra
sur l'antisémitisme)
La
France connaît deux espaces géographiques
emblématiques de la présence de la culture juive,
l’une au nord-est abritait les communautés des
Tzarfatim
(les ashkénazes, soit littérallement les Allemands) et au sud-est les Juifs de Provence.
C'est
à partir du XIe siècle qu'un important
changement
envers les Juifs se manifeste, d'abord avec la « grande
persécution » de 1007 à 1011, puis avec
la
première croisade en 1096, les persécutions se
feront au
nom d’une prétendue collusion avec les musulmans,
et aussi
au titre de crime de « déicide ».
« Adhémar de Chabanne, dans sa
Chronique, sous l'an 1018, rapporte qu'Aimeric, vicomte de
Rochechouard, ayant fait un voyage à Toulouse, le chapitre de
Saint-Etienne, pour lui faire honneur, chargea Hugues, chapelain de ce
vicomte, de donner le soufflet au juif à la fête de Pâques, comme il
avait toujours été d'usage. Il ajoute que ce chapelain s'acquitta avec
tant de zèle de cette commission, et porta un coup si violent au
malheureux juif, que sa cervelle et ses yeux en jaillirent par terre,
et qu'il expira sur-le-champ. Les juifs de la synagogue de Toulouse
vinrent enlever son corps et l'enterrèrent dans leur cimetière.
(Histoire physique, civile et morale de Paris, Jacques Antoine Dulaure)
En
mai
1096, environ 800 juifs sont tués à Worms
(Allemagne), et
d'autres choisissent le suicide. À Regensburg (Ratisbogne,
Allemagne,), les juifs sont jetés dans le Danube, pour y
être «baptisés». Plus
largement en Europe,
Mayence, Cologne, Prague et dans beaucoup d'autres villes, des milliers
de juifs sont assassinés et leurs biens spoliés.
Au
Douzième siècle,
« Les Juifs ne doivent point
être
persécutés, ni mis à mort, ni
même bannis.
Interrogez ceux qui connaissent la divine Écriture. Qu'y
lit-on
de prophétisé dans le Psaume, au sujet des Juifs.
Dieu,
dit l'Église, m'a donné une leçon au
sujet de mes
ennemis : ne les tuez pas, de crainte que mes peuples ne m'oublient.
Ils sont pour nous des traits vivants qui nous représentent
la
passion du Seigneur. C'est pour cela qu'ils ont
été
dispersés dans tous les pays, afin qu'en subissant le juste
châtiment d'un si grand forfait, ils servent de
témoignage
à notre rédemption ». Saint Bernard de
Clairvaux
(point de vue similaire chez Abélard). De nombreuses
communautés se développent, comme en
témoignent
les rues "aux juifs" ou les rues de la Juiverie dans de nombreuses villes de
France, ou sinon des toponymes comme le champ aux Juifs, etc... Le plus ancien monument juif encore visible se trouve
à Rouen et date du XIIe siècle.
En 1105 disparaît Rabbi Salomon ben Isaac, dit Rachi de Troyes,
né à Troyes en 1040, il est la grande figure du judaïsme français,
commentateur de la Bible et traducteur de l'hébreu au français de
l'époque comme : L es « la’azim » ou gloses de Rachi, mots français écrits en hébreu pour faciliter la compréhension des disciples (...) Rachi
symbolise une certaine manière d’être juif en France : intégré dans la
ville, conseillant les gens, juifs comme chrétiens, fréquentant la Cour
des Comtes de Champagne… Il est un modèle du judaïsme en diaspora. Les
« responsa » – questions et réponses à ses disciples – qui figurent
dans son œuvre, reflètent la vie communautaire juive de l’époque et
constituent une source historique importante sur la vie du XIe siècle
en Champagne. (Source : Centre Rachi de Troyes)
En
1144, « La Diffamation du sang ». Les Juifs
d’Angleterre sont accusés d’avoir mis
à mort un enfant chrétien et de l'avoir
saigné pour leur célébration de
pâque. Propagée par des moines
chrétiens, cette accusation est connue sous le nom de
« Diffamation du sang ». On les accusera
également d’avoir empoisonné les puits
et les points d’eau qui approvisionnaient les habitants. On
les rendra même coupable de
l’épidémie de Peste de 1348. Ces
calomnies seront reprises par les antisémites des
siècles à venir, et notamment par les nazis, afin
de légitimer leurs violences.
En 1171, « le martyr du jeune Richard », première
affaire de
meurtre rituel en France. À Blois, la disparition
d’un
enfant entraîne des accusations contre les Juifs, ils
auraient
tué l’enfant pour préparer des pains
azymes avec
son sang. 32 Juifs seront brûlés en place
publique.
En 1179,
le pape Alexandre III oblige
tous les Juifs à porter la rouelle (rouge).
En
1181, Philippe Auguste (1180-1223) fait saisir les biens juifs, l'année
suivante les Juifs par un édit du 10 mars 1082 sont expulsés du royaume
et leurs
synagogues
transformées en églises, les biens des Juifs redistribués à des nobles
ou à des corporations. Philippe-Auguste engage un système d’expulsions
et des spoliations allant devenir une pratique régulière.
En
1184,
Isaac Uradis, juif de Bourges, se fait confisquer sa maison par
Philippe Auguste, qui l’offre à son
maréchal,
Matheus de Bituric.
En 1190, Moïse Maïmonide, (né à Cordoue, 1138-1204),
philosophe et médecin rédige le
« Guide des égarés ou des perplexes ». Il
redonne au travail d’Aristote une nouvelle vie,
il tente de démontrer que la religion juive
repose sur la raison ou le rationnel. Il rédigea de
même, mais vingt ans auparavant en tant que théologien la « Mishnah Torah », une approche
interprétative des lois juives provenant de
l'étude du Talmud.
Au Treizième
siècle, En 1215,
pendant le pontificat d'Innocent
III (1198-1216), le Quatrième Conseil de Latran force
les Juifs à porter un insigne dans les provinces du
Languedoc,
de la Normandie et de Provence, et vise à son application
la
plus large : « Il apparaît parfois que par erreur
des
chrétiens s'unissent à des femmes juives ou
sarasines ou
des juifs ou des sarrasins à des femmes
chrétiennes. Pour
que cesse un tel péché et qu'un tel
mélange ne
puisse avoir lieu dans l'avenir sous prétexte d'ignorance,
nous
décrétons que ces personnes des deux sexes, dans
chaque
province chrétienne et en tout temps, devra se distinguer
par le
caractère de son vêtement. Ils
n'apparaîtront pas en
public pendant les jours saints et le dimanche de la
Passion. »
Mais aussi sur trois points
imposent des vues sectaires auxquelles les juifs devront se conformer :
1-
Des taxes sur le prêt d’argent :
« Plus les
chrétiens sont interdits de pratiques usuraires, plus la
perfidie des juifs augmente en la matière. Nous ordonnons
que si
à l'avenir les juifs extorquent des
intérêts
excessifs aux chrétiens, ils soient coupés de
tout
contact avec les chrétiens jusqu'à ce qu'ils
aient fait
réparation de leur cupidité
immodérée. Nous
décrétons, sous peine identique, que les juifs
doivent
payer la dîme et les offrandes dues à
l'église. »
2 – Interdiction
aux emplois publics :
« Il semble absurde que des blasphémateurs du
Christ aient
le pouvoir sur des chrétiens. Nous interdisons aux Juifs
d'avoir
des emplois publics, puisque, sous ce couvert, ils sont
particulièrement hostiles aux Chrétiens. Nous
étendons la même interdiction aux païens. »
3.
Règles pour Les convertis : « Puisqu'il est
écrit maudit celui qui entre dans un pays par deux chemins et encore on ne
peut tisser une pièce de vêtement de lin et de
laine,
nous décrétons que les juifs convertis seront
solennellement avertis par l'évêque d'abandonner
l'observance de leur ancien rite. »
En
1227, le concile
de Narbonne proclame le port de la rouelle jaune obligatoire
pour
les Juifs et l’interdiction pour eux de sortir pendant la
Semaine
sainte.
En
1232, le rabbin Salomon de Montpellier lança
l'anathème
contre tous ceux qui liraient le Moré Neboukhim ou se
livreraient aux études scientifiques et philosophiques. Ce
fut
le signal du combat. Il fut violent de part et d'autres, et ils eurent
recours à toutes les armes. Les rabbins fanatiques en
appelèrent au fanatisme des dominicains, ils
dénoncèrent le Guide des
Égarés
(ou des perplexes) et le
firent brûler par l'inquisition : ce fut l'œuvre de
Salomon
de Montpellier et elle marqua la défaite des obscurantistes.
Mais cette défaite ne clôtura pas la lutte. A la
fin du
siècle elle fut reprise par don Astruc de Lunel, soutenu par
Salomon ben Adret de Barcelone, contre Jacob Tibbon de Montpellier. A
l'instigation d'un docteur allemand, Ascher ben Yehiel, un synode de
trente rabbins réuni à Barcelone sous la
présidence de Ben Adret, excommunia tous ceux qui avant
vingt-cinq ans lisaient d'autres livres que la Bible et le Talmud. La
même année, Raymond VII, comte de Toulouse, et le légat du pape
statuent que les Juifs doivent porter la roue.
«
La place ordinaire de la roue était sur la poitrine. Elle est
expressément déterminée par la plupart des canons des conciles par les
statuts de Raymond VII, comte de Toulouse, et par ceux d'Avignon, de
Marseille et de Nice. Il y eut, à la vérité, des exceptions, mais
beaucoup plus tard et probablement dans le seul Comtat-Venaissin. (...)
Saint Louis et Alphonse de Poitiers, par leurs ordonnances de 1269, et
Philippe le Hardi, par celles de 1272 et de 1283, prescrivent une
deuxième roue qui sera placée derrière le dos. L'ordonnance de Louis X
est moins précise « ils porteront, dit-elle, le signal où ils l'avoient acoustumé de porter.
» Sous le roi Jean, on revint à la roue unique, et cette disposition
fut maintenue par Charles V, qui veut que les Juifs « portent leur
enseigne acoustumée au-dessus de la ceinture. » Elle devait être fixée
ou cousue sur le vêtement de dessus, ouencore, comme le dit
l'ordonnance de Louis X, « pourtrait de fil ou de soye. »
Étude historique et archéologique sur la roue des juifs depuis le XIIIe siècle, Ulysse Robert
En
avril 1233, le pape Grégoire
IX crée
et désigne un tribunal d'exception ( Inquisitio
hereticae
pravitatis) ayant pour objet de condamner au sein du
royaume de
France, « les hérétiques et les
catholiques non
sincères ».
En 1236, les
croisés sont
attaqués les communautés juives d'Anjou et du
Poitou et
ils essayent de baptiser tous les Juifs, ceux qui
résistent sont tués. Environ 3.000
Juifs ont été assassinés.
En 1239-1240, Nicolas Donin, un juif converti ou apostat, explique au
Pape que les livres
sacrés des juifs contiennent des injures contre le Christ. La
discussion
ou controverse célèbre du Talmud commence
à Paris entre Nicolas Dolin et des rabbins, dont possiblement Yehiel de
Paris, Vivo de Meaux, Juda David de Melun, Samuel Salomon, et Moïse de
Coucy. Suite
à la controverse ayant lieu à Paris entre
rabbins et
prêtres, le pape Grégoire IX donne donne l’ordre de saisir dans les
synagogues les livres des pour les brûler. Les
Juifs sont expulsés de Bretagne.
En
1242, Suite à la controverse du Talmud, Louis IX fait brûler 24 charrettes
d’exemplaires du Talmud à Paris, en place de
Grève. « Le
Talmud fut souvent au centre de la controverse. Ses adversaires
l'accusèrent d'être immoral, plein de mépris pour le Christ et de
maudire les chrétiens. Certains apostats, comme Donin de La Rochelle,
allèrent jusqu'à affirmer que cette "Deuxième Loi", s'étant substituée
à l'Ancien Testament, en avait perverti l'enseignement. »
En 1243, les coutumes d'Avignon prescrivent la roue aux hommes et le
voile aux femmes.
En 1250, Thomas de Cantim (théologien ayant
vécu de 1201 à 1272) reprend à son
compte la rumeur des crimes rituels. Une mythologie purement
d'inspiration antisémite prétendait que, le sang
des enfants chrétiens servait aux Juifs pour ses
propriétés curatives. Rumeur non
fondée, elle restera longtemps comme une illustration du
juif comme bouc émissaire des maux des
sociétés chrétiennes en Europe. En
réalité les juifs furent victimes de
véritables appels aux meurtres et cela permit en dans de
nombreux pays européens le massacre des communautés
hébraïques.
En
1254, Louis IX bannit les juifs de France. Mais contre des
paiements ils seront autorisés à rester quelques
années après.
Selon les statuts de Marseille, de
1255, les Juifs doivent porter une calotte ou un chapeau jaune ; s'ils ne le
voulaient pas porter une roue.
En 1265, à Londres se produit le massacre de 500 Juifs.
En
1269, Louis
IX impose aux juifs
le port de deux signes jaune l'un dans le dos, l'autre sur la poitrine,
à partir de 14 ans, pour les distinguer du reste de la
population et prévenir les unions mixtes. Le port de la rouelle décidé
par le IVe concile du Latran en 1215 devient obligatoire dans le
royaume. La rouelle est un morceau de tissus avec pour symbole une roue
représentant les 30 deniers de Judas. Jacques le Goff, historien,
dans son livre sur Saint Louis trouvait « ces
conceptions et cette pratique, cette politique antijuive, ont fait le
lit de l’antisémitisme ultérieur. Saint Louis est un jalon sur la route
de l’antisémitisme chrétien, occidental et français », par ailleurs un lecteur critique précise au sujet de son ouvrage que le « Roi
sacré et saint, Louis eut à cœur de combattre les hérétiques et les
Juifs. L'auteur nous donne à voir, grâce à des développements d'un
grand intérêt, comment le roi de France, fidèle aux préceptes de la
papauté et soumis à l'influence de conseillers douteux, mania tour à
tour la persécution et la persuasion. Ce thème occupe les trois
quarts du chapitre intitulé "Conflits et critiques", curieusement
placé entre La religion de saint Louis et Saint Louis, roi sacré,
thaumaturge et saint ».
En
1280, la
dame de Vierzon réclame un juif arrêté
par les gens
du roi, car le prisonnier n’a pas été
pris en
flagrant délit. Sensiblement à la même
époque, le prieur de Saint-Benoît-du-Sault veut
expulser
les juifs du Sault, mais le vicomte de Brosse s’y refuse.
L'AUTODAFÉ DE TROYES du 24 avril 1288
Ce poème ou pièce liturgique est une complainte inspirée par la chanson ou la geste de Roland du XIe siècle.
« En l’an 1288, le
tribunal de l'inquisition fit monter sur le bûcher treize Juifs, à
Troyes en Champagne. Cet événement a été relaté dans plusieurs
documents hébreux et français du moyen âge. Deux de ces documents ont
déjà été publiés par nous (Revue des études juives fondée par Zadoc Kahn) ; les autres, au
nombre de quatre, sont encore inédits. (…) La complainte française est
écrite, comme nous l'avons dit au début, en caractères hébreux. Les
Juifs de France avaient l'habitude de transcrire de la sorte le
français, et les œuvres en vieille langue d'oïl qu'ils nous ont
laissées sont assez considérables.
L'élégie (poème lyrique mélancolique) est suivie dans le manuscrit
d'une notice historique dont voici la traduction (de l’hébreu au
français, extraits en italique) :
Cette Selicha (pièce liturgique juive) a été composée par R. Jacob,
dit Juda le lorrain (…) au sujet de treize saints qui furent
brûlés à Troyes, deux semaines avant la Pentecôte. (…) Les voici,
désignés par leurs noms : R. Isaac Châtelain, sa femme, ses deux fils
et sa bru, R. Samson Hakkadmôn, R. Salomon, R. Baruch d’Avirey,
R. Siméon le scribe de Châtilon, R. Côlon, R. Isaac Cohen, R. Haïm de
Brinon et R. Haïm. (…)
Et la splendeur d'Isaac est livrée au feu, et sa sainteté aux flammes.
La rage du bourreau brûlé contre un homme honoré ;
Il doit le brûler. (La victime) est livrée et sa sainteté aux flammes ;
Son visage se contracte, qui était plus brillant que la lune,
Et l'arbre de vie est au paradis.
Pur comme l’huile du luminaire, tel qu'un lionceau rugissant ;
Il s'écrie : « Que mon corps soit brûlé avec mes amis ! » (…)
Dès le XIe siècle, on trouve dans les commentaires bibliques et
talmudiques du rabbin de Troyes, Salomon Içaki (vulgairement Raschi ou
bien Rachi) nombre de gloses françaises des plus précieuses pour
l'histoire de notre langue. Les rabbins français du XIIe et du XIIIe
siècle, à son exemple, ont inséré dans leurs œuvres hébraïques des mots
ou même des phrases françaises écrites en caractères hébreux. Bien
plus, il existe dans diverses bibliothèques de l'Europe des glossaires
hébreux-français, sortes de traductions juxtalinéaires de la Bible, un
dictionnaire hébreu-français et une grammaire hébraïque-française, tous
manuscrits inédits du Moyen Âge, dans lesquels les mots français sont
écrits en caractères hébreux.
On ne doit donc pas être surpris de voir une poésie française écrite en
caractères hébreux. Toutefois l'élégie du Vatican est la première pièce
littéraire de ce genre que l'on connaisse, ce qui ajoute à la valeur
qu'elle a déjà par elle-même. (…)
Source : Arsène Darmesteter, « L'autodafé de Troyes »,
Revue des études juives, vol. 2, no 4, avril-juin 1881, extraits des pages199 à 205.
|
En
1290, Les Juifs sont chassés d’Angleterre par
Édouard Ier, de même au pays de Galles. Vous pouvez écouter à ce sujet la vidéo sur : Les juifs d’Angleterre au XIIIe siècle : de l’intégration à l’expulsion, une conférence de M. John Trolan (Source : Université de Nantes, durée 47 minutes)
En 1294, les juifs
de Nevers sont expulsés par Philippe le Bel.
En
1298, les Juifs sont considérés comme doublement
sacrilèges et sont victimes de massacres sanglants
à
Röttingen (Bavière).
Au
Quatorzième siècle, en
1306, Philippe IV de France (dit le Bel) expulse les Juifs de France,
confisque leurs biens et il s’approprie leurs
créances.
100.000 Juifs environ sont expulsés et prennent en
majorité le chemin de l’Espagne.
En 1309, à Zurich, un décret ordonne
aux Juifs de
prêter de l’argent aux bourgeois de la ville
moyennant
caution ; s’ils s’y refusent, ils encourent des
sanctions.
Le taux d’intérêt était
fixé par le
Conseil.
En
1315,
Louis X rappelle les Juifs expulsés de France neuf ans
auparavant pour une durée limitée. Les
impôts
payés par les Juifs sont plus lucratifs pour le
trésor
royal que la spoliation pure et simple de leurs biens.
De
1319 à 1321, le Talmud est brûlé
à Paris et à Toulouse
En
1323, Perrin de La Queux, gardien des prisons royales de Bourges laisse
s’échapper, moyennant des finance, des
“juifs et des
malfaiteurs des prisons de Bourges”.
Le Mouvement des Armelder, «
Intéressons-nous au cas particulier du mouvement des
Armelder
qui est un phénomène
s’étendant sur les
années 1336-1338 principalement, mais ayant des
conséquences directes jusqu’en 1349 en tout cas.
C’est en fait un mouvement de paysans principalement,
c’est
du moins dans les campagnes que s’opère le
soulèvement, car il s’agit bien d’un
soulèvement populaire. Cependant il faut nuancer, ce
n’est
pas non plus un mouvement de masse regroupant des milliers de
personnes. On pense pouvoir estimer l’effectif des Armelder
à environ 1500 membres. »
Il faut
savoir qu’il y eut 3 vagues successives de ces Armelder :
1ère vague, juillet
1336 : « C’est
donc juste avant les récoltes que le mouvement prend forme
à l’instigation d’un certain Arnold von
Uissigheim.
C’est principalement dans les environs de Frankfurt que les
Armelder vont agir. Leur chef, que l’on nomme «
König
Armelder », donc le roi des Armelder, cet Arnold von
Uissigheim
va être arrêté par les
autorités et
exécuté le 14 novembre 1336. Les
autorités
pensaient que de par cette exécution le mouvement
péricliterait, or il n’en a rien
été puisque
Arnold von Uissigheim va être érigé en
martyr par
la population. On dira même que des miracles se
passèrent
sur sa tombe. Ce qui ne manqua pas d’entraîner un
second
soulèvement. »
2ème vague, juin 1337
: « A
nouveau le soulèvement intervient avant les
récoltes,
à une période où les impôts
préoccupent particulièrement les paysans, ils en
sont
plus facilement manipulables ou excitables selon Graus (auteur
allemand). Ce deuxième mouvement prend aussi naissance dans
la
région de Frankfurt et se répand dans les
environs (sans
toutefois prendre l’ampleur de la troisième vague). »
3ème vague : janvier
1338 :
« A nouveau le mouvement prend naissance dans la région de
Frankfurt, mais cette fois il s’étend à
Bâle,
Strasbourg et finalement à quasi toute l’Alsace.
On trouve
aussi un König à la tête des Armelder,
auquel
succédera un deuxième. On sait que l’un
d’eux
était un aubergiste du nom de Jean Zimberlin ; il semble que
se
soit à lui que l’on doive ce nom
d’Armelder parce
qu’il portait au bras une lanière de cuir, qui va
devenir
le signe de reconnaissance de ses partisans. On sait
également
que les Armelder se déplaçait de village en
village
déployant un grand drapeau avec une image du Christ.
En
1337, dans le Haut Rhin (Rouffach et Ensisheim) plus de 1.500 juifs vont
être exterminés dans un lieu qui prendra le nom de
«
champ des juifs ». Quelle est la réaction des
autorités ? Celle de fermer les yeux sur les massacres et de
s’emparer des biens des Juifs. Notons encore que la
même
année, l’empereur Louis de Bavière va
promulguer un
édit donnant pleine absolution de ces méfaits
tout en
interdisant le recours judiciaire aux juifs. Pour la région
de
Strasbourg toujours, il faut savoir que
l’évêque
finit par convoquer une assemblée de nobles
d’Alsace
(réunie à Colmar, ville dans laquelle de nombreux
juifs
s’étaient réfugiés et que
les Armelder
menaçaient rien de moins que d’assiéger
pour en
extirper les Juifs). Suite à cette assemblée,
entre le 17
et le 19 mai 1338 une sorte d’alliance est passée
entre
villes pour combattre les Armelder dont la plupart finiront
exécutés ou condamnés à
diverses peines
(comme par exemple celle de ne pouvoir approcher un juif pendant 10
ans)… Mais malgré le sort qui leur
était
réservé, un mouvement d’Armelder se
reforme
dès 1343, les massacres de juifs recommencent et un nouveau
pacte est signé entre villes le 3 mars 1345. »
Source : Extraits, Le mouvement des
Almeder, Yannick Rub.
En
1348, la grande
peste. Elle
provoque des émeutes antijuives en Provence. La
synagogue
de Saint-Rémy-de-Provence est incendiée (elle
sera
reconstruite hors de la ville en 1352). Des Juifs sont brûlés à Serres, en
Dauphiné, d'autres
massacrés en Navarre et en Castille. Le 13 mai, le quartier
juif
de Barcelone est pillé. Les Ashkénazes
(d’Allemagne) sont victimes de pogroms. En septembre, les Juifs de la
région
de Chillon, sur le lac Léman en Suisse, torturés
jusqu’à ce qu’ils avouent, faussement,
avoir
empoisonné les puits. Leurs confessions
provoque la
fureur de la population qui se livre à des massacres et
à
des expulsions. Trois cents communautés sont
détruites
ou expulsées. Six mille Juifs sont tués
à
Mayence. De nombreux Juifs fuient vers l’Est, en Pologne et
Lituanie.
Le 14 février 1349,
près de deux mille
Juifs sont brûlés à Strasbourg,
d'autres jetés dans la Vienne à Chinon ( vidéo sur les massacres de Strasbourg) En Autriche, le
peuple,
pris de panique, s’en prend aux communautés juives,
les
soupçonnant d’être à
l'origine de la
propagation de l’épidémie, et Albert II
d'Autriche
doit intervenir pour protéger ses sujets juifs.
En
1380, assassinats de Juifs à Paris et Nantes
En
1382, émeutes contre les Juifs à Paris et
à Rome.
En 1384, expulsion des Juifs de
Suisse.
En 1390. Mouvements anti-juifs en
Espagne et sont imposés des signes distinctifs à Valence et sur l'île de Majorque. Deux synagogues sont converties en églises
à Séville et des violences s'étendent rapidement à Tolède et
Valence. Les émeutes atteindront leur paroxysme le 5
août lorsque des marins castillans mettent le feu aux
quartiers juifs et tuent des centaines d'habitants.
« En 1393, six juifs de Paris, accusés
d'avoir fait évader ou, mourir un juif converti, furent, par le prévôt
de cette ville, condamnés à la peine de mort. Le parlement adoucit
cette peine en condamnant les six juifs à être fustigés pendant trois
fois. La première fustigation, qui eut lieu aux Halles le samedi de la
veille de Pâques, fut exécutée avec tant de férocité, que le parlement
fut obligé de les exempter des autres. Elle fut trop excessive et trop
cruelle, partent les registres du parlement ; cette cour, considérant
l'énormité de la première batture, sur la requête des autres juifs,
commua le reste de la peine en amende pécuniaire. (Registres criminels,
commençant en 1387, et finissant en 1400.) »
(Histoire physique, civile et morale de Paris, Jacques Antoine Dulaure)
En
1394,
Charles VI, dit le Fol, expulse ou bannis les Juifs de France. Cette expulsion vient sur fond
de mécontentement populaire est une résultante de la
guerre de Cent
ans : les finances sont mauvaises, le peuple est pauvre et les Juifs,
prêteurs d’argent, ont le plus mauvais
rôle. Leur
expulsion est réclamée. Le retour au
judaïsme
d’un Juif baptisé, Denis Machault, servira
à
justifier cette décision.
Edit du Roy portant défenses aux Juifs d'habiter dans le Royaume
Le 17 septembre 1394, les Juifs sont expulsés pour la septième fois du royaume de France, la mesure ou l’édit
avait un caractère définitif, cette décision royale ou interdiction se
renouvellera en 1615 par décision de la régente Marie de Médicis, et elle ne prendra
véritablement fin qu’avec la Révolution, le 27 septembre 1791. L’interdiction
de séjourner ou de vivre, sur le sol français ou dépendant de la Couronne,
a été décidée un siècle avant que les Juifs et Musulmans d’Espagne ne
connaissent le même sort.
|
En raison, de frontières et statuts spécifiques en
interne, quelques îlots territoriaux dans l’hexagone se maintiennent.
Notamment en Provence dans les états pontificaux à Avignon et dans le comtat
Venaissin. En Alsace et en Lorraine où à Metz les convertis seront un peu plus tard désignés
comme des Nouveaux Chrétiens.
Ces
conversions au christianisme
concerneront plusieurs dizaines de Juifs de la bourgeoisie locale et en
rapport avec des pratiques marranes ou cachées, encore plus tardivement
des exceptions seront admises à Bordeaux et Bayonne sous Louis XIV,
pour les dits Portugais venus des
mondes Ibériques.
|
|
|
|
« XVII. Cependant, leur dernier
Malheur arriva sous le Règne de ce même Charles VI. Ce Prince, qui n'était plus
en état de gouverner son Royaume, changea de Conduite. Le Duc de Milan, Père de
Valentine Duchesse d'Orléans, était accusé de l'avoir fait ensorceler : mais,
il avait l'Esprit naturellement faible, et la Frayeur qu'un Inconnu lui
avait causée dans son Voyage de Bretagne, avait achevé de le rendre fou. Les
Juifs furent accusés d'avoir tué à Paris un nouveau Converti.
Quelques-uns disent que c'était
un Chrétien. Je ne sais si le Nombre des Meurtriers était grand, et même le
Meurtre n'est pas certain, puis que Juvénal des Ursins en doute, et se
contente de dire qu'on l'avait battu et villené, et qu'en faisant les Informations on trouva
qu'ils faisaient plusieurs choses non bien honnêtes en Dépit des Chrétiens. Cependant, on en prit
plusieurs, dont les uns furent pendus, et les autres eurent le Fouet, et
la Synagogue condamnée à payer dix-huit mille Ecus, dont on acheva de bâtir le
Châtelet, et le petit Pont de Pierre. Plusieurs se convertirent, et
furent baptisés. Ce n'était là que le commencement de Misère ; car, deux Ans
après, on les bannit tous du Royaume sans aucun Retour ; et c'est de ce dernier
Exil qu'ils ont fait une Epoque, et qu'ils commencent à compter leurs
Années.
XVIII. Ils ne laissèrent pas de
conserver un grand Crédit par l'Argent qu'ils prêtaient aux Particuliers. Ils
confièrent leurs Intérêts à un Bourgeois de Pontoise, nommé Nicolas Flamel. Cet
Homme, qui avait le Registre des Juifs, et connaissait toutes leurs
Affaires, parce qu'il avait écrit pour eux, composa avec leurs Débiteurs, en
leur cédant la Moitié de leur Dette, recevant l'autre à condition de ne le
révéler pas au Roi, à qui la Confiscation appartenait. Il devint si riche en si
peu de temps, qu'on crut qu'il avait trouvé la Pierre Philosophale. Il laissa
courir ce Bruit, afin d'éviter la Recherche du Duc de Bourgogne. On dit même
qu'il composa un Traité de la Transformation des Métaux, qui fut imprimé à
Paris en 1561. Afin de se rendre plus recommandable, il bâtit diverses Eglises
à Paris ; comme, celles de St. Jacques de la Boucherie, où il se fit enterrer
avec sa Femme Perenelle, et où l’on voit encore sa Statue. On dit qu'il était
Poète, Peintre et Philosophe.
Histoire des Juifs depuis
Jésus-Christ jusqu'à présent, pour servir de continuation à l'histoire de
Joseph. Jacques Basnage
(1653-1723). Nouvelle édition augmentée, imprimé en 1715. Tome 14, Chapitre XXI, pages 604 à 606.
Source : Gallica-Bnf : son identifiant, ark:/12148/bpt6k9617406k
|
Au Quinzième siècle, en 1401, des Juifs sont
brûlés à Diessenhofen, Schaffhouse et
Winterthour sous l’accusation de meurtre rituel. A Zurich,
pour les
mettre à l’abri de la colère populaire,
le Conseil les laisse en prison
jusqu’à ce que la fureur se soit
apaisée. En 1421, en Autriche les 180.000 Juifs de la ville de Vienne sont expulsés ou sont obligés de se convertir.
De 1424 à 1430, une forte agitation antijuive prend forme dans le sud
des Alpes jusqu'à la ville d'Aix où 10% de la population est de
confession juive. A l'automne 1425 à Manosque l'on rapporte des
violences et des massacres. La tenue d'un procès dans la ville
juridictionnelle d'Aix provoque cinq ans plus tard, chez les habitants
des exactions, elles sont commises contre le quartier juif avec des injures,
des insultes proférées, puis des coups et survient la mort de dix juifs, plus une quinzaine de
conversions forcées. Et cette haine populaire engage un premier départ de près d'un tiers des Juifs de la ville,
avant l'expulsion définitive de 1501 en Provence, vers les états du
Pape dans l'actuelle département du Vaucluse (Comtat Venaissin, sous le
pouvoir de la papauté depuis 1358).
En
1451, se met
en place de l’inquisition en Castille et en 1480, se
met en place d’un tribunal de l’inquisition
à Séville. Les mondes Berbères ou Arabo-andalou avaient
constitué au sud de l'Espagne une terre d'exil et vivre sous ce que l'on appela l'Âge d'Or
entre Juifs et les Musulmans (aujourd'hui cette idée d'un "âge d'or"
est fortement contestée). La mise en place des tribunaux de
l'Inquisition sera
constitutive du phénomène religieux
nommé Maranne (des convertis au christianisme qui célébraient en secret
à leurs domiciles des cultes hébraïques).
Les juifs qui ne choisissent pas de nouveau l'expulsion, se
convertissent, ou fuient en Afrique du nord.
En
1478, le pape permet la création d'une Inquisition
spéciale en
Espagne visant essentiellement la persécution des juifs
restés fidèles
au judaïsme après les conversions
forcées. Des milliers d'autodafés («
actes de foi ») ont lieu, au cours desquels des juifs sont
brûlés sur
le bûcher, ou étranglés s'ils avouent.
En
1491, La Guardia (Espagne), cinq juifs sont arrêtés
sous
l'accusation d'avoir tué un enfant dont le corps n'a jamais
été retrouvé. Trois d'entre-eux sont des
juifs
baptisés de force. Ils sont garrottés et
brûlés. Les autres sont
écartelés. Le
dominicain Tomàs de Torquemada, responsable des
persécutions, vise à renforcer par un
décret les
sentiments antijuifs en Espagne.
En
1492, les rois catholiques, Ferdinand et Isabelle, expulsent tous les
juifs du Portugal et de l'Espagne, exilant environ 150.000 personnes et
détruisant les communautés prospères.
Les
dernière troupes "mauresques" sont chassées de
Grenade et
se retournent en Afrique du nord. La même année, à
Mecklenburg (Allemagne), 24 juifs (dont 2 femmes) sont accusés de
profanation d'hostie par un prêtre, ils sont brulés sur un
bûcher, en un lieu appelé par la suite Judenberg (la colline aux
Juifs).
L'expulsion des Juifs espagnols s'est traduit par le départ d'au moins
les deux tiers vers le Portugal, dont le suzerain Joao II accepta leur
présence contre le paiement d'une rançon, ils commencèrent à s'établir.
Quand le 5 décembre 1496, Manuel 1er son héritier au trône depuis une année
décrétait à son tour une explusion du royaume portugais des
Musulmans et des Juifs, ces derniers ne purent toutefois partir,
l'année suivante il leur avait été interdit de sortir du pays, et se
virent convertis de force ( conversos). Ainsi naissait l'histoire des Juifs dits Portugais, et propre aux siècles suivants, comme au Pays-Bas, en France et jusqu'à l'émancipation du 27 septembre 1791 sous la la Révolution française et ses suites continentales.
En 1498, dans le royaume de France Charles VIII un peu avant de décéder
décide l'expulsion des Juifs de Provence. Son successeur Louis XII
réalisera ou fera appliquer la décision en 1500 et 1501.
L'on
contaste pour le royaume français dès la fin du Moyen Âge une
disparition progressive des tribunaux de l'Inquisition, et c'est
au sein même du christianisme que de nouveaux bouc
émissaires vont apparaître avec l'apparition au seizième siècle du schisme entre le
saint-siège de Rome
et les fois protestantes.
Si vous souhaitez aller aller plus loin sur le Moyen Âge, nous vous conseillons de consulter Gallia Judaica de M. Henri Gross dans le cadre des publications de la Socièté des études juives
: un dictionnaire géographique de la France d'après les sources
rabbiniques, publié en 1897 à Paris (Libraire Paul Cerf, 12, rue Ste
Anne).
Source : Gallica-Bnf
|
À LA
CHARNIÈRE DU MOYEN AGE
ET DES TEMPS MODERNES....
L'époque
où vécut Yossel, le dernier quart du XVe
siècle et la première moitié du XVIe, fut
à de nombreux titres une époque
charnière
où s'acheva le passage du Moyen Age aux Temps modernes. Pour
ceux qui vécurent alors, cette période aux
transitions
floues fut riche en profonds bouleversements.
|
|
|
Naissance des ghettos,
Genèse
de l'antisémitisme médiéval, Yannick Rub
« Le ghetto est né à Francfort en 1349, mais en
fait, il
n’a été «
institutionnalisé »
qu’au XVIe siècle. C’est de la ville de
Venise que
vient ce nom de ghetto : l’ancienne fonderie (en
vénitien,
ghetto) située aux abords de la résidence
obligée
des Juifs dès 1516 à Venise. Il porte des noms
différents selon le pays : Judengasse en Allemagne,
carrière dans le Comtat Venaissin, mellah en Afrique du
nord.
Les Juifs se regroupent en communauté par
commodité, par
habitude mais surtout pour des raisons de
sécurité. Le
ghetto c’est, en général, un quartier
entouré d’un mur ; deux portes,
d’ailleurs
gardées aux frais des Juifs, qui sont ouvertes durant la
journée et permettent tout de même la
communication avec
le monde extérieur. Par contre la nuit, les Juifs doivent
avoir
réintégré le ghetto et les
Chrétiens
doivent l’avoir quitté, sous peine de sanctions.
Le
ghetto ne peut s’agrandir. La natalité juive
devient un
facteur de paupérisme. Les masses juives
d’Allemagne et
d’Italie vivent misérablement,
s’adonnant à
de petits métiers : tailleur, fripier, etc. Le ghetto vit
surtout de prêts sur gages : depuis le XIVe
siècle, les
Juifs d’Italie sont officiellement chargés - et
même
contraints - de pratiquer l’usure pour survivre. Au XVIIe
siècle pourtant, on interdit aux Juifs de prêter
avec
intérêt -
l’activité est confiée
à des monts-de-piété -, mais on ne
leur ouvre pas
pour autant de nouvelles professions. Outre les conditions
économiques difficiles, le système du ghetto
impose aux
Juifs des brimades et des humiliations nombreuses, du sermon de
conversion jusqu’au rapt d’enfants conduisant au
baptême forcé. Le ghetto devient le symbole de la
vie
juive et son modèle se diffuse dans toute
l’Europe. Pour
déborder un peu de la période qui nous
intéresse,
sachons qu’en 1555, une bulle papale ordonne la
création
de ghettos et la concentration des Juifs résidant dans tous
les
états pontificaux. (Comtat-Venaissin entre autres pour les Juifs du Languedoc, ou les judéo-provençaux, surnommés les "Juifs du Pape").
|
|
Carte des expulsions de 1100 à 1600 et circulations des populations juives
|
|
|
Pour complémment, lire la deuxième partie
Les Juifs à Paris du VIe au XIVe siècle : Cliquez ici !
|
|
|
|
|
Sources à consulter, bibliographie(s)
ANTISÉMITISME ET HISTOIRE :
Des
persécutions médiévales à la Shoah, l’antisémitisme semble traverser
l’histoire. Il peut susciter deux choix opposés qui sont aussi des
renoncements parallèles, celui d’abolir l’histoire en conférant à cet
antisémitisme une essence éternelle et celui de le dissoudre dans une
historicisation radicale. Le dossier proposé par les Annales essaie de
montrer que, face à cette alternative, l’histoire et les sciences
sociales ne sont pas tout à fait démunies. En éclairant des objets
aussi différents que la politique de Louis IX envers les juifs au XIIIe
siècle, le rapport historiographique entre les notions d’antisémitisme
et d’antijudaïsme ou le mouvement antisémite dans l’Allemagne de la fin
du XIXe siècle, les auteurs réunis ont cherché à poser des problèmes
qui concernent non seulement l’antisémitisme, mais aussi l’histoire
générale, et qui seront au centre du débat.
|
Conférence de l'EHESS : Cliquez ici !
(audio et vidéo - durée de 1h52)
Avec Sylvie Anne Golberg, Marie Dejoux, et Maurice Kriegel et Etienne Anheim animant les échanges.
|
Lectures
complémentaires
Compléments de lectures en ligne ou à télécharger :
- Yannick Rub, Le Peuple déidicide? Genèse de l'antisémitisme médiéval (Sur son site - année 2010)
- Ulysse Robert, Étude historique et archéologique sur la roue des juifs depuis le XIIIe siècle. Édité chez A. Durlacher, (Paris, 1883), Gallica-Bnf.
- Robert Anchel, Juifs à l'époque franque, (Persée.fr - 1938)
- Isodore Loeb, La Controverse de 1240 sur le Talmud, Revue des études juives, 1880, Persée.fr.
- Alain Saint-Denis, Jacques Le Goff - Saint Louis, (Persée.fr, 1997)
- A. Graboïs, Le souvenir et la légende de Charlemagne dans les textes hébraïques,
par dans le bulletin mensuel d'histoire et de philologie
(Gallica Bnf - 1966 - Article de 40 pages)
Sur le site Gallica-Bnf, il existe aussi une thèse sur les Juifs du Languedoc et de la ville de Montpellier en particulier.
Vous êtes à la recherche de plus grandes précisions sur le sujet, il existe à Paris le Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme : des conférences, des expositions et une bibliothèque à votre disposition !
|
Bibliographie
ou lectures complémentaires :
-
Textes de Yannick Rub, Génèse
de l'antisémitisme médiéval et Le
Mouvement des Almeder, sur yrbu.com
-
Danièle Iancu, Être Juif en Provence,
au temps du roi René (éditions Albin
Michel)
- Sous la
direction de Jean-Pierre Azéma, Vivre et survivre dans le
Marais,
ouvrage collectif, Jean-Pierre Azéma, Le Moyen Âge
: Paris de l’époque
médiévale (du XIIe au XVe siècle),
Simone Roux "Les Juifs à Paris",
Boris Bove "Le miracle de l’hostie",
"L’urbanisation et le
peuplement du quartier Saint-Gervais au Moyen Âge"
; "Vies de
quartier autour de Saint-Gervais vers 1300" ; L’âge
classique
Paris de l’époque classique (du XVIe au XVIIIe
siècle). (édité par la Mairie de Paris)
- Annie Perchenet, Histoire des juifs de France
(éditions du Cerf)
-
Grégoire de Tours, Histoire
des Francs
- H.
Graetz, Histoire des Juifs (1882,
wikisource.org)
-
Béatrice Leroy, Les Juifs dans l'Espagne
Chrétienne (éditions Albin
Michel)
- Roger Berg, Histoire des Juifs à Paris (éditions
du Cerf - 1997)
- Roland
Charpiot, Histoire des juifs d'Allemagne
(éditions Vuibert)
- Alain Finkielkraut, Le juif imaginaire (éditions
du Seuil)
- Eugène Sue, Le juif errant (1840, source wikisource)
- Juliette Sitbon, Chasser les Juifs pour régner, (Vidéo - éditions Perrin - 2016)
Quelques ouvrages de la bibliographie de
Yannick Rub :
- Chevalier, Y. (1988). L’Antisémitisme.
Paris, Cerf.
- Chouraqui, A. (1957). Histoire du judaïsme.
PUF et auteur d'une thèse sur Bernard Lazare.
- Dahan, G. (1991). La Polémique
chrétienne contre le judaïsme au Moyen Âge.
Paris, Albin Michel.
- De Fontenette, F. (1982). Histoire de
l’antisémitisme. PUF
- Isaac, J. (1956). Genèse de
l’antisémitisme. Paris,
Calmann-Lévy.
- Neusner, J. (1986). Le judaïsme à
l’aube du christianisme. Paris, Cerf
- Nohl, J. (1986). La mort noire. Chronique de la
peste. Paris
- Poliakov, Léon (1981). Histoire de
l’antisémitisme (en 2 volumes de poche). Paris
- Poliakov, Léon (1973). Les Juifs et notre histoire.
Sciences Flammarion
- Chronique de Matthias de Neuenburg,
pour 1349 (MHG, SRG, p.265-266)
- Halter, Marek. (1983). La mémoire
d’Abraham. Ed.Robert Laffont. (p. 311-349)
Réalisateur, Vincent Froehly
Malgré les persécutions
infligées par les chrétiens au Moyen Âge, la mémoire collective juive a
gardé un attachement particulier à la région du Rhin.
L'histoire
des juifs au Moyen Âge dans la région du Rhin est, comme en d'autres
temps et en d'autres lieux, ponctuée de persécutions et de massacres.
Mais c'est aussi le récit d'une relation particulière entre une
communauté et une région qui l'a d'abord bien accueillie. Avec la terre
promise d'Israël, la Rhénanie représente, aussi bien du côté alsacien
que du côté allemand, l'autre terre précieuse au coeur des juifs. De
l'an 900 jusqu'aux années 1550, le documentaire s'intéresse à la
présence du peuple juif dans la vallée rhénane, à son intégration tour
à tour souhaitée puis rejetée, et aux conséquences culturelles et
économiques de ces alternances de prospérité et d'horreur. À Spire,
Mayence, Cologne, Trèves ou Worms, à Colmar, Mulhouse, Sélestat,
Obernai ou Strasbourg, à Bâle et en Suisse s'écrit déjà une histoire
d'Europe avant l'heure.
(France, 2009, 60 mn) diffusé par ARTE
|
|
|
|
Paroles d'Herbert
Pagani
Chanson, "L'étoile
d'or"
C'était
un pauvre paysan Qui cultivait depuis longtemps Son
tout petit lopin de terre, Petit lopin de rien du
tout, Rien que du sable et des cailloux, Quatre
sarments sous la lumière. Cet homme
partageait son temps Entre son Dieu et ses
enfants, Entre son champ et ses prières
Et n'avait qu'un petit trésor : Une
étoile d'or... Un jour qu'il soignait
ses raisins, Il vit venir tous ses voisins En
cavalcade à ses frontières. Il
vit briller leurs grands couteaux. Il leur dit :
"Voulez-vous de l'eau ?" Ils
répondirent : "On veut ta terre." "En
quoi vous gêne-t-il, mon champ ?" Ils
répondirent : "Allez, va-t-en !" Il
prit son livre de prières, Il prit sa
femme et ses enfants Et son étoile
d'or... Ainsi partit le paysan, En
traversant la nuit des temps A la recherche d'une
terre. "Mes bras sont forts, j'ai du courage. J'accepte
même un marécage... " Il ne
trouva que des barrières. "T'es pas
d'ici, t'as un accent. Fais-toi prêteur,
fais-toi marchand Mais tu n'auras jamais de terre.
On se méfie de ton trésor, Ton
étoile d'or... "
| Faute d'avoir un champ de
blé, L'homme se mit à
cultiver Son petit champ dedans sa tête.
On le vit scribe et puis docteur Puis
violoniste et professeur, Peintre, savant ou bien
poète. "Tu fais du bruit, tu vends du
vent. T'as trop d'idées ou trop
d'argent. T'es un danger pour qui t'approche. On
va te coudre sur la poche Ton étoile
d'or... " Et vint le temps des grands
chasseurs, Des chiens d'arrêt, des
rabatteurs. Ce fut vraiment la grande
fête. Demandez-le aux bons tireurs : Avec
l'étoile sur le cœur, On
traque beaucoup mieux la bête Et notre
pauvre paysan Perdit sa femme et ses enfants Et
puis le cœur et puis la tête. Il
n'avait plus que son trésor, Son
étoile d'or... Alors il traversa la mer A
la rencontre de sa terre. C'était
ça ou bien se pendre. "Revendez-moi mon
vieux désert. - Tu sais, ça
va te coûter cher. - Tant pis : je
prends ! - Tu peux le prendre." Le
temps de tracer un sillon, Un coup de feu
à l'horizon. Il bascula dans la
poussière. Du sang par terre et, sur
son front, Une étoile d'or,
Une
étoile d'or... |
|
|
|