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      Sommaire de la page,  (première partie)

Histoire résumée et chronologique des persécutions contre les Juifs depuis la Gaule romanisée jusqu'au Moyen Âge

- Antiquité, aux origines des premiers Juifs en Gaule

- Mérovingiens, aux racines de l'antisémitisme chrétien
- Carolingiens, des temps en apparence plus calmes
- Capétiens, le temps des bûchers, des exils et des spoliations
- Antisémitisme et Histoire (conférence de l'Ehess)

- Sources & Bibliographies, lectures complémentaires et vidéos
- Paroles d'une étoile d'or, chanson d'Herbert Pagani


 Deuxième partie sur les Juifs à Paris du VIème au XIVème siècle :
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Antiquité, aux origines des premiers Juifs en Gaule



Pour précision : les premières populations juives à avoir pris souche en Europe s'installèrent en Grèce... une riche histoire mais qui n'est pas traitée ici !

C'est à partir, du roi Hérode dit le Grand (de 73 à l'an 4 avant J.C), puis notamment sous le règne d'Archélaos son succésseur (roi des Juifs de Judée et Samarie) et aux prémices du christianisme que les Hébreux commenceront à s'intégrer au vaste empire Romain et prendront part à son évolution et à ses conquêtes. Il est difficile de chiffrer combien de Juifs vont venir s'installer en Gaule ou en Europe. 20.000 à Rome selon Bernard Lazare. Ce qui semble fondé, c'est qu'ils vont prendre leur première racine d'abord à Rome, et trouver au sein de la société romaine de nombreuses fonctions et postes honorifiques : officiers, avocats, négociants, ... - Et qui migrèrent de Marseille en passant par la vallée du Rhône jusque dans le sud-ouest de la Gaule comme agriculteurs et viticulteurs. La présence juive en Gaule romaine est attestée par plusieurs sources dont Grégoire de Tours et des recherches à ce sujet toujours en cours.

Si l'exode de 70 après J.C. (sous le règne de Hérode Antipas II) peut avoir été moins massif que ne le suggère les croyances, le bassin méditerranéen vivre sous une influence culturelle juive importante jusqu'à la fin du monde Antique, ou ce que l'on dénomme plus communément jusqu'à la fin de l'Empire Romain, et comme marqueur d'un tournant vers de nouveaux temps historiques et religieux (passage du polythéisme au monothéisme). Il a existé différentes formes et périodes d'exils et de migrations, d'assimilations forcées ou pas, des conversions de toute nature dans l'histoire des Juifs en Europe et dans le bassin méditerranéen. Dans la bataille des chiffres, l'on estime de 1 à 2 millions d'habitants principalement en Judée, le nombre de juifs ayant pu se référer à la Torah (bible hébraïque) à cette époque, au mieux des estimations. A une autre échelle, c'est-à-dire pour  l'ensemble des populations juives de l'époque Léon Poliakov, ses estimations sont de l'ordre de 4 à 5 millions de personnes avec des ramifications jusqu'en Inde et en Chine.

L'objet de ce texte n'est pas d'alimenter l'idée ou une controverse sur l'existence ou non du peuple juif, la polémique a peu d'intérêt. Il faut avoir une certaine méfiance concernant des thèses identitaires, voire historico-politiques s'appuyant sur de fausses évidences parce que principalement construites sur des hypothèses, normalement se déjouant des mythes. C'est le cas de l'archéologie ou de certaines recherches historiques, ou toute affirmation doit se faire avec moultes précautions et vérifications. Pour précision utile, il vaut mieux se référer à la diaspora juive et quelques fondements confessionnels. Sinon l'on risque de créer une unité poussant à rendre génétiquement compatible les populations juives. Les simplifications sont toujours dangereuses ou abusives.

Au plus court, vont se dessiner des communautés de destin parfois comparables, mais aussi disjoint en raison des espaces géographiques. Les deux branches les plus connues (et pour aller au plus simple) sont les juifs ashkénazes et séfarades. Toutes deux présentes à travers l'Histoire de France et jusqu'à nos jours. Il n'est pas simple de faire le tri des images d'Épinal, dont celle du juif errant (roman d'Eugène Sue), les mythes collant à la peau des populations et coutumes religieuses juives sont nombreuses. Derrière les mythes, les réalités historiques laissent place à une histoire difficile des relations entre le judaïsme et le christianisme, puis plus tardivement avec l'Islam et en d'autre termes. Nous ne chercherons pas vraiment à faire de comparaison, mais de fournir des faits pouvant vous permettre à partir d'une ébauche chronologique, de découvrir des aspects peu connus des persécutions des Juifs à travers les premiers âges de la chrétienté .

  La présence de juifs dans l'hexagone remonte à l'Antiquité Gallo-Romaine. Des commerçants de confession juive et originaire du Royaume de Canaan ou de Judée sont présents dans le port de Marseille dès l'époque de la colonisation romaine, ils sont à l'origine des communautés de Provence.

Les juifs apparurent en Gaule sous l'empereur romain Auguste en 31 avant J-C. Ils suivirent les romains dans la nouvelle province et s'installèrent à Massilia (Marseille). Certains poussèrent jusqu'à Narbonne, tandis que le roi Archéloas, fils et successeur d'Hérode le Grand était destitué par les romains et exilé à Vienne le long du Rhône.

NB : Les fils chronologiques rédigés sont en général au présent, mais traitent du passé...

 Septime Sévère (193 à 211) autorise les Juifs présents à Rome et sur le territoire de l’Empire romain à assumer des fonctions civiles et militaires, toutefois limitées dans les hiérarchies, et révisées à la baisse par ses successeurs.

En 212, l'Édit de Caraccala reconnait dans sa constitution la citoyenneté romaine à tous ses résidents ou habitants, y compris de confession juive.

En 325, Le concile de Nicée étend la validité de l'excommunication en créant l'anathème. Auparavant, l'excommunication n'était valide que dans le diocèse qui l'avait prononcée.

En 399, le pape Anastase 1er convoque un concile, les mariages mixtes entre Juifs et Chrétiens sont interdits.

En 439, est promulgué le code Théodosien de Justinien II. Il est interdit aux juifs d’exercer une profession publique ou militaire, et l’on cherche à imposer la conversion de force au christianisme dans l’Empire.

En 461 ou 465, Le concile provincial de Vannes stipule en son seizième Canon : « Sous peine d'excommunication, les clercs ne doivent se livrer à la divination par le sort des saints et la sainte écriture. (…) Interdiction aux clercs de partager un repas avec des juifs. »




L'antisémitisme, son histoire, ses causes


Bernard Lazare
(1894)

« A Rome, les Juifs fondèrent une colonie puissante et riche, aux premières années de l'ère chrétienne. Ils étaient venus dans la cité vers 139 (avant J.-C.), sous le consulat de Popilius Lœnus et de Caius Calpurnius, s'il faut en croire Valère Maxime. Ce qui est certain, c'est qu'en 160 avant J.-C. arriva à Rome une ambassade de Judas Macchabée, pour conclure avec la République un traité d'alliance contre les Syriens ; en 143 et en 139, autres ambassades. Dès ce moment, des Juifs durent s'établir à Rome. Sous Pompée, ils vinrent en nombre, et en 58 leur agglomération était déjà considérable. Très turbulents, très redoutables, ils jouèrent un rôle politique important. César s'appuya sur eux pendant les guerres civiles et les combla de faveurs ; ils les exempta même du service militaire. Sous Auguste, on fit retarder pour eux les distributions gratuites de blé quand elles tombaient un samedi. L'Empereur leur donna le droit de recueillir la didrachme pour l'envoyer en Palestine, et il fonda au temple de Jérusalem un sacrifice perpétuel d'un taureau et de deux agneaux.

Quand Tibère prit l'Empire, les Juifs étaient 20.000 à Rome, organisés en collèges et en sodalitates. Excepté les Juifs de grandes familles comme les Hérode et les Agrippa, qui se mêlaient à la vie publique, la masse juive vivait très retirée. Le plus grand nombre habitaient dans la partie la plus sale et aussi la plus commerçante de Rome : le Transtévère. On les voyait près la via Portuensis, l'Emporium et le grand Cirque ; au champ de Mars et dans Subure ; hors la porte Capène ; au bord du ruisseau d'Égérie et proche le bois sacré. Ils faisaient du petit négoce et de la brocante ceux de la porte Capène disaient la bonne aventure. Le Juif du ghetto est déjà là. »



Le « Talmud de Babylone »,
ensemble de lois orales (la « Mishna ») et de commentaires rabbiniques (la « Gemara »), est clôturé. Une autre version, le «Talmud de Jérusalem» avait été réalisé au siècle précédent mais n’était pas aussi approfondie. Ces écrits représentent un ensemble concret des fondements oraux de la religion juive et sont l’œuvre des sages amoraïm. Au fil des siècles, le «Talmud de Babylone» sera complété par différents rabbins et notamment par le rabbin français Rachi, qui fondera une grande école talmudique. (source: linternaute.com)




 Mérovingiens,
aux racines de l'antisémitisme chrétien

Le peuple « déicide »? Genèse de l'antisémitisme médiéval,  Yannick Rub

« Cette idée selon laquelle les Juifs ont été les assassins de Jésus va justifier pour des siècles les persécutions à l’encontre des juifs. Cette accusation est « institutionnalisée » d’abord entre le II et le Ve siècle chez les Pères de l’Eglise. La démarche est d’abord celle de discriminer le judaïsme qui, après tout, est un concurrent fâcheux pour une église qui se veut universelle. C’est au IVe siècle que Jean Chrysostome parle des Juifs comme étant «hostiles à Dieu» et c’est lui qui va développer ce concept de «déicide». Il n’emploie pas encore le terme précis, c’est Pierre Chrysologue au Ve siècle qui le fera le premier. L’idée que les Juifs sont non seulement responsables de la mort de Jésus, mais qu’en plus celui-ci a également été trahi par Judas pour de l’argent va nourrir l’aversion à l’égard du Juif. (...)  

Encore à titre d’exemple, au IVe siècle, Saint Augustin écrit qu’il ne faut pas tuer les Juifs, mais les condamner à la dispersion et à l’humiliation, en signe de victoire de l’Eglise sur la Synagogue. C’est une sorte de condamnation à la servitude éternelle qui sera maintenue pendant des siècles. C’est là un point éclairant en ce qui pourrait concerner un certain anéantissement : celui-ci n’est absolument pas prôné par les Pères de l’Eglise ni même souhaité : le Juif est vu comme le mal nécessaire, l’erreur au service de la Vérité. C’est ce qui ressort des écrits d’Augustin : les juifs doivent subsister, mais de manière diminuée. Les accusations des Pères de l’Eglise font passer les griefs à l’encontre des juifs de rumeurs et d’opinion populaire en fait historique se basant sur l’interprétation des textes : Sommairement, cette interprétation fait ressortir l’idée théologique d’une faute et donc d’une nécessaire expiation. A la même époque, le patriarche de Constantinople Jean Chrysostome prononce des sermons très virulents contre les Juifs, et prêche aux Chrétiens que c’est un péché de traiter les Juifs avec respect. Il appelle la synagogue la maison de Satan dédiée à l’idolâtrie et le repaire des meurtriers de Dieu. »

 Au VIe siècle, la première attestation d'une présence juive à Paris, il s'agit d'un document de l'évêque Grégoire de Tours. Il a rédigé de son temps une Histoire des francs, ou l’on retrouve, différents actes religieux ou récits historiques très controversés concernant les juifs de cette époque.

En 506, un concile est tenu à Agde avec l’autorisation de roi wisigoth Alaric II. Il y sera défini dans quelles conditions « les Juifs qui veulent se rallier à la foi catholique doivent, à l’exemple des catéchumènes, se tenir pendant 8 mois sur le seuil de l’église ; si, au bout de ce temps, leur foi est reconnue sincère, ils obtiendront la grâce du baptême» (…) «empêcher ceux-ci de contaminer les chrétiens ».

«Tout chrétien, clerc ou laïc, doit s'abstenir de prendre part aux banquets des Juifs ; ces derniers ne mangeant pas des mêmes aliments que les chrétiens, il est indigne et sacrilège que les chrétiens touchent à leur nourriture. Les mets que nous prenons avec la permission de l'apôtre sont jugés immondes par les Juifs. Un chrétien se montre donc l'inférieur d'un Juif s'il s'assujettit à manger des plats que ce dernier lui présente et si, d'autre part, le Juif repousse avec mépris la nourriture en usage. Déjà édictée par le Concile de Vannes, cette interdiction fut  peu respectée, d'autres conciles la renouvelèrent à plusieurs reprises (Épône, 517 ; Orléans, 538 et Mâcon, 581). En atteste ce témoignage à propos de Cautinus (évêque de Clermont entre 551 et 571) : « Avec les Juifs à l'influence desquels il se soumettait, il était en termes familiers, non pour leur conversion, ce qui, en bon pasteur, eut dû être son souci, mais pour leur acheter des objets précieux. On le flattait facilement et ils lui prodiguaient une grossière adulation. Ils lui vendaient alors les choses à un prix plus élevé que leur valeur réelle. » Grégoire de Tours, Histoire des Francs (Denoël, 1974).

Théodoric dit le Grand (474-526) roi des Ostrogoths et du royaume Ostrogoth d'Italie prendra sous sa protection les Juifs de Gênes et de Milan. Il condamna les émeutes anti-juives et les destructions de synagogues sur son territoire et tout au long de son règne.

En 533, Childebert 1er (roi de Paris à partir de 511 et roi d'Orléans de 524 à sa mort en 558). Il prend contre les juifs un arrêté d'expulsion. Le premier synode du temps des mérovingiens parlant des juifs se tient en la présence des enfants vivants de Clovis (Childebert 1er, de Clotaire 1er et de Thierry 1er). Les mariages mixtes sont interdits avec des juifs ou juives sous peine d’excommunication.

En 535, Le concile de Clermont interdit aux Juifs de devenir juge.

En 576, A Clermont, un incident entre un juif et un converti conduit à la destruction de la synagogue par la population. Il s’en suivra le baptême forcé de 500 juifs, et l’expulsion du reste de la communauté à Marseille.

Vers 580, on présume la construction d’une synagogue sur l’île de la Cité (à Paris). En Bourgogne, « tout Juif qui frappe un chrétien doit payer 75 sous de composition et 12 sous d'amende ou avoir le poing coupé, et, si la personne maltraitée est un prêtre, il encourt la peine de mort et ses biens sont confisqués ». 

En 582, Chilpéric 1er établit un édit ordonnant « à tous les Juifs de Paris d’être baptisés sous peine d'avoir les yeux crevés et de venir présider lui-même à son exécution ». Son ancien conseiller juif Priscus est assassiné par un filleul du roi, un juif converti (Récit de Grégoire de Tours - 587). La synagogue d’Orléans est détruite lors d’émeutes et reconstruite aux frais et aux dépens des juifs par l’exécutant de l’autorité royale.

En 583, - Le concile de Mâcon autorise les chrétiens à racheter aux juifs des esclaves.

En 585, le roi Gontran vient à Orléans et dit : « Malheur à cette nation juive méchante et perfide, ne vivant que de fourberies. Ils me prodiguent aujourd’hui de bruyantes acclamations, c’est qu’ils veulent obtenir de moi que j’ordonne de relever, aux frais publics, leur synagogue que les chrétiens ont détruite ; mais je ne le ferai pas : Dieu le défend. »

En 591, le pape Grégoire 1er dit le Grand (de 590 à 604) s’oppose aux conversions forcées des Juifs et prône la persuasion. Il refuse que leurs biens soient saccagés et voit avec importance qu’ils soient protégés par la loi.

En 614, au Concile de Paris, il est interdit aux Juifs, « coupables de la mort de Jésus-Christ », la possession des biens terriens et immobiliers, l'usufruit est plus ou moins conservé. Il est également devenu impossible d’exercer des métiers manuels, entre autres être agriculteur. Des clauses aux conciles de Paris et Clermont bloquent aussi toute nomination à des fonctions civiles et militaires. Un édit de Clotaire II prohibe aux juifs d'intenter des actions publiques contre les chrétiens.

En 615, le roi wisigoth Sisebut (612-621) ordonne sous peine de mort, le baptême de tous les Juifs, et, il oblige les non convertis à quitter son royaume. La péninsule ibérique vivra un siècle de troubles religieux.

En 629, le roi Dagobert demande aux Juifs de se convertir au christianisme. Ils vivent et commercent rive gauche, non loin de l’église St-Julien, et sur l’Ile de la Cité (l’actuelle rue de la Cité portera le nom de rue de la Juiverie, jusqu’en 1834).

En 633, c’est l’expulsion des juifs refusant la conversion du « bon  Roi Dagobert ». À Paris, c’est un refus de la communauté de se convertir au catholicisme, elle s’exile en d’autres terres (Rhin et Provence).

En 694, en Hispanie, Egica roi wisigoth réduit en esclavage tous les Juifs de son royaume, et en confie la garde aux grands propriétaires fonciers. Ces derniers, en effet, sont des relais importants de l'expansion du christianisme, usant de la contrainte économique pour obtenir des conversions.

Bernard Lazare, L'Antisémitisme, son histoire et ses causes : « Du Ve au VIIIe siècle le bonheur ou le malheur des Juifs dépendit uniquement de causes religieuses qui leur étaient extérieures, et leur histoire parmi ceux qu'on appelait les barbares est liée à l'histoire de l'Arianisme, à son triomphe et à ses défaites. Tant que les doctrines ariennes prédominèrent, les Juifs vécurent dans un relatif état de bien-être, car le clergé et même les gouvernements hérétiques luttaient contre l'orthodoxie et se souciaient assez peu des Israélites, qui n'étaient pas pour eux les ennemis qu'il fallait réduire. Théodoric fit exception cependant. A peine l'empire ostrogoth était-il assis, que le roi, poussé peut-être par Cassiodore, son ministre, qui paraît avoir eu fort peu de sympathie pour les Juifs - il les qualifiait de scorpions, d'ânes sauvages, de chiens, de licornes - défendit aux Juifs de construire des synagogues et essaya de les convertir. Mais, malgré cela, il les protégea contre les agressions populaires, et obligea le sénat de Rome à faire rebâtir les synagogues que la foule catholique, insurgée contre l'Arien Théodoric, avait incendiées. »




  Carolingiens,
des temps en apparence plus calmes


En apparence la période carolingienne semble plus calme, dans les faits les pouvoirs royaux ou impériaux ne chercheront pas à persécuter les populations juives, Charlemagne à ce sujet sera plutôt bienveillant. Néanmoins entre suzerains et vassaux ou pouvoirs locaux, les croyances anti-juives restent vivaces, et les lois demeurent relativement restrictives pour les pratiquants du judaïsme au sein de l'empire Carolingien.

Pendant le VIIIe siècle, les Juifs étaient actifs dans le commerce et la médecine. Les empereurs Carolingiens permettent aux juifs de devenir des approvisionneurs accrédités de la cour impériale. Ils sont aussi impliqués dans l'agriculture et le domaine de la viticulture. Ils doivent comme tout négociant payer la dîme.

En 797, Charlemagne donna une mission d'ambassadeur auprès du calife de Bagdad à un juif narbonnais nommé Isaac. Celui-ci ne revint de sa mission qu'au début de l'an 802, rapportant deux cadeaux insolites: une horloge très perfectionnée et un éléphant.

 En 800, Charlemagne désigne Machir à Narbonne pour créer une école talmudique. Sous son règne  de 771 à 814, la condition des Juifs s’améliore, toutefois leur liberté restera limitée. Au tribunal, ils prêtaient serment à un texte appelé : « more judaico ».

Vers 850, le concile de Meaux Paris adopte une série de dispositions destinées à réprimer le prosélytisme juif et à éviter toute promiscuité avec les Chrétiens :
- Interdiction pour les Juifs de servir dans l'armée,
- Interdiction d'occuper un emploi public,
- Interdiction d'avoir des esclaves chrétiens et faire le commerce des esclaves.
- Interdiction de sortir de chez soi à la fin de la semaine sainte, pour éviter que leur vue n'excite la colère des Chrétiens.
- Interdiction de construire de nouvelles synagogues.
- La garde des enfants juifs est confiée à des clercs pour les élever dans la religion chrétienne.
Charles le Chauve (843–877), tolérant, refusera d'appliquer les mesures d'exception et de les inscrire dans un capitulaire.


  L'Antisémitisme, son histoire, ses causes (1894)

« Une édition peut en être refaite, on mettrait cependant en tête que sur beaucoup de points mon opinion s’était modifiée. »

Bernard Lazare, extrait de son testament en juillet 1903

Suite à un courrier : Concernant les passage litigieux ou xénophobes, voire anti-juifs de L'Antisémitisme, son histoire, ses causes demandent de les mettre dans son contexte historique, le dernier quart du XIXe siècle. Les considérations nationalistes et pour l'époque celles d'un "israélite de France", ne donnaient pas une vision universelle des choses et se faisaient en rejet des juifs étrangers, ces passages ne sont pas cités ici ! Seuls 4 extraits ont été retenus pour cette page et en relation avec les périodes données, et c'est loin d'être la seule source utilisée.

Pour information, le chapitre I de L'Antisémitisme, est le plus incriminable, il date du 1er octobre 1892 et avait été publié dans le numéro 30 de la revue Entretiens littéraires et artistiques sous le titre : L’Antisémitisme et ses causes générales. De plus les connaissances religieuses de Bernard Lazare étaient assez lointaines du judaïsme, plus inspirées par les morales chrétiennes que par une connaissance approffondie du Talmud et de la Thora.


Par ailleurs, le livre ci-dessus (photo du livre) de M. Philippe Oriol, historien, est une biographie du meilleur spécialiste de l'auteur (chez Stock, 2003). Cet ouvrage apporte tous les éclaircissements nécessaires pour éviter toute forme d'amalgame, Bernard Lazare n'a jamais été un antisémite et son œuvre a été détournée plusieurs fois : pour exemples, sous Vichy, puis par une série d'éditeurs négationnistes dans les années 1970 et il y a peu d'années.

Note de LM du 18/12/2019

« C'est vers la fin du VIIIe siècle que se développa l'activité des Juifs occidentaux. Protégés en Espagne par les Kalifes, soutenus par Charlemagne qui laissa tomber en désuétude les lois mérovingiennes, ils étendirent leur commerce qui jusqu'alors avait consisté surtout dans la vente des esclaves. Ils étaient d'ailleurs pour cela dans des conditions particulièrement favorables. Leurs communautés étaient en rapports constants, elles étaient unies par le lien religieux qui les rattachait toutes au contre théologique de la Babylonie, dont elles se considérèrent comme dépendantes jusqu'au déclin de l'exilarcat ; ainsi acquirent-elles de très grandes facilités pour le commerce d'exportation dans lequel elles amassèrent des richesses considérables, si nous en croyons les diatribes d'Agobard (1) et plus tard celles de Rigord (2), qui, si elles exagèrent la fortune des Juifs, ne doivent pourtant pas être absolument rejetées comme indignes de créance (3). Sur cette richesse des Juifs, surtout en France et en Espagne, jusqu'au XIVe siècle, nous avons d'ailleurs les témoignages des chroniqueurs et ceux des Juifs eux-mêmes, dont plusieurs reprochaient à leurs coreligionnaires de se préoccuper des biens de ce monde beaucoup plus que du culte de Jehovah. Au lieu de calculer la valeur numérique du nom de Dieu disait Aboulafia le kabbaliste, les Juifs aiment mieux supputer leurs richesses.

Aux temps de leur prospérité nationale, les Juifs semblables en cela à tous les autres peuples, possédèrent une classe de riches qui se montra aussi âpre au gain, aussi dure aux humbles que les capitalistes de tous les âges et de toutes les nations. Aussi, les antisémites qui se servent, pour prouver la constante rapacité des Juifs, des textes d'Isaïe et de Jérémie, par exemple, font-ils œuvre naïve et, grâce aux paroles des prophètes, ils ne peuvent que constater, ce qui est puéril, l'existence chez Israël de possesseurs et de pauvres. S'ils examinaient impartialement même les codes et les préceptes judaïques, ils reconnaîtraient que législation et morale recommandaient de ne jamais prélever d'intérêt sur les prêts (4). A tout prendre même, les Juifs furent, en Palestine, les moins commerçants des sémites, bien inférieurs en cela aux Phéniciens et aux Carthaginois. C'est seulement sous Salomon qu'ils entrèrent en relation avec les autres peuples ; encore, en ce temps-là, c'était une puissante corporation de Phéniciens qui pratiquait le change à Jérusalem. Du reste, la situation géographique de la Palestine ne permettait pas à ses habitants de se livrer à un trafic très étendu et très considérable. Cependant, pendant la première captivité, et au contact des Babyloniens, une classe de commerçants se forma, et c'est à cette classe qu'appartenaient les premiers émigrants juifs, ceux qui établirent leurs colonies en Égypte, en Cyrénaïque et en Asie Mineure. Ils formèrent dans toutes les cités qui les reçurent des communautés actives, puissantes et opulentes, et, lors de la dispersion finale, des groupes importants d'émigrants se joignirent aux groupes primitifs qui facilitèrent leur installation. »

Notes de l'auteur :

(1) "De Insolentia Judoeorum" Patrologie Latine, t. CIV.
(2) Gesta Phillippi Augusti.
(3) Sur la situation des Juifs méridionaux au temps de Philippe le Bel, voir Siméon LUCE, "Catalogues des documents du Trésor des Chartes", Revue des Études Juives, t. I. n° 3
(4) "Tu ne prêteras point à intérêt à ton frère, ni argent, ni vivres, ni quoi que ce soit; tu pourras prêter à intérêt à l'étranger (Nochri )." Deutéronome, XXIII, 19, 20 Nochri veut dire l'étranger de passage; l'étranger qui réside, c'est le guerre. "Quand ton frère sera devenu pauvre et qu'il te tendra ses mains tremblantes, tu le soutiendras, même l'étranger qui demeure dans le pays, afin qu'il vive avec toi. Tu ne tireras de lui ni intérêt, ni usure." Lévitique, XXV, 35. "Jéhovah, qui est-ce qui séjournera dans ton tabernacle? Celui qui ne prête pas son argent à intérêt". (Psaume XV, 5). Même à un non Juif, ajoute le commentaire talmudique. (Maccoth, 1. XXIV) (Voir encore Exode, XXII, 25. PHILDON, de Charitate: .JOSEPH, Antiquit. Jud., 1. I V, chap. VIII; Selden, 1. Vl. chap. IX.





 Capétiens,
le temps des bûchers, des exils et
des spoliations
« Dans la mesure où l’origine du christianisme remonte aux communautés juives du Moyen-Orient, l’attitude de l’Église vis-à-vis des Juifs a longtemps été indécise. Mais à partir des Croisades, les Juifs sont considérés comme des Infidèles, et persécutés dans toute l’Europe. Le statut des juifs est celui de citoyens de second ordre : obligés de vivre dans des ghettos, ils n’ont pas droit de séjour permanent dans les villes,et les seules activités auxquelles ils ont accès sont le commerce, le colportage et le prêt sur intérêt, ce qui aggrave encore le ressentiment à leur égard. Les mythes antijuifs naissent, comme ceux de la profanation de l’hostie et du meurtre rituel, ou de l’enlèvement d’enfants. Les stéréotypes propagent l’image de l’usurier riche et insensible, ou du col-porteur pauvre et rusé. On accuse les juifs de propager les maladies comme la peste. Beaucoup sont expulsés d’Espagne, d’Italie, d’Angleterre, et émigrent en Pologne et en Lituanie. L’Europe centrale devient le nouveau centre de la vie culturelle juive en Europe. Les juifs connaissent une relative liberté, ont leur langue, le yiddish, mélange d’allemand médiéval et d’hébreu. Grâce à leur éducation, ils ont accès à des professions libérales. Mais les nationalismes croissants leur opposent de nouvelles résistances, et les flambées de violence anti-juive sont fréquentes, de même que les phénomènes d’exclusion. 

(Texte extrait d'une exposition de la Licra sur l'antisémitisme)

La France connaît deux espaces géographiques emblématiques de la présence de la culture juive, l’une au nord-est abritait les communautés des Tzarfatim (les ashkénazes, soit littérallement les Allemands) et au sud-est les Juifs  de Provence. C'est à partir du XIe siècle qu'un important changement envers les Juifs se manifeste, d'abord avec la « grande persécution » de 1007 à 1011, puis avec la première croisade en 1096, les persécutions se feront au nom d’une prétendue collusion avec les musulmans, et aussi au titre de crime de « déicide ».

« Adhémar de Chabanne, dans sa Chronique, sous l'an 1018, rapporte qu'Aimeric, vicomte de Rochechouard, ayant fait un voyage à Toulouse, le chapitre de Saint-Etienne, pour lui faire honneur, chargea Hugues, chapelain de ce vicomte, de donner le soufflet au juif à la fête de Pâques, comme il avait toujours été d'usage. Il ajoute que ce chapelain s'acquitta avec tant de zèle de cette commission, et porta un coup si violent au malheureux juif, que sa cervelle et ses yeux en jaillirent par terre, et qu'il expira sur-le-champ. Les juifs de la synagogue de Toulouse vinrent enlever son corps et l'enterrèrent dans leur cimetière.

(Histoire physique, civile et morale de Paris, Jacques Antoine Dulaure)

En mai 1096, environ 800 juifs sont tués à Worms (Allemagne), et d'autres choisissent le suicide. À Regensburg (Ratisbogne, Allemagne,), les juifs sont jetés dans le Danube, pour y être «baptisés». Plus largement en Europe, Mayence, Cologne, Prague et dans beaucoup d'autres villes, des milliers de juifs sont assassinés et leurs biens spoliés.

Au Douzième siècle, « Les Juifs ne doivent point être persécutés, ni mis à mort, ni même bannis. Interrogez ceux qui connaissent la divine Écriture. Qu'y lit-on de prophétisé dans le Psaume, au sujet des Juifs. Dieu, dit l'Église, m'a donné une leçon au sujet de mes ennemis : ne les tuez pas, de crainte que mes peuples ne m'oublient. Ils sont pour nous des traits vivants qui nous représentent la passion du Seigneur. C'est pour cela qu'ils ont été dispersés dans tous les pays, afin qu'en subissant le juste châtiment d'un si grand forfait, ils servent de témoignage à notre rédemption ». Saint Bernard de Clairvaux (point de vue similaire chez Abélard). De nombreuses communautés se développent, comme en témoignent les rues "aux juifs" ou les rues de la Juiverie dans de nombreuses villes de France, ou sinon des toponymes comme le champ aux Juifs, etc... Le plus ancien monument juif encore visible se trouve à Rouen et date du XIIe siècle.

En 1105 disparaît Rabbi Salomon ben Isaac, dit Rachi de Troyes, né à Troyes en 1040, il est la grande figure du judaïsme français, commentateur de la Bible et traducteur de l'hébreu au français de l'époque comme : Les « la’azim » ou gloses de Rachi, mots français écrits en hébreu pour faciliter la compréhension des disciples (...) Rachi symbolise une certaine manière d’être juif en France : intégré dans la ville, conseillant les gens, juifs comme chrétiens, fréquentant la Cour des Comtes de Champagne… Il est un modèle du judaïsme en diaspora. Les « responsa » – questions et réponses à ses disciples – qui figurent dans son œuvre, reflètent la vie communautaire juive de l’époque et constituent une source historique importante sur la vie du XIe siècle en Champagne. (Source : Centre Rachi de Troyes)

En 1144, « La Diffamation du sang ». Les Juifs d’Angleterre sont accusés d’avoir mis à mort un enfant chrétien et de l'avoir saigné pour leur célébration de pâque. Propagée par des moines chrétiens, cette accusation est connue sous le nom de « Diffamation du sang ». On les accusera également d’avoir empoisonné les puits et les points d’eau qui approvisionnaient les habitants. On les rendra même coupable de l’épidémie de Peste de 1348. Ces calomnies seront reprises par les antisémites des siècles à venir, et notamment par les nazis, afin de légitimer leurs violences.

En 1171, « le martyr du jeune Richard », première affaire de meurtre rituel en France. À Blois, la disparition d’un enfant entraîne des accusations contre les Juifs, ils auraient tué l’enfant pour préparer des pains azymes avec son sang. 32 Juifs seront brûlés en place publique.

En 1179, le pape Alexandre III oblige tous les Juifs à porter la rouelle (rouge).

En 1181, Philippe Auguste (1180-1223) fait saisir les biens juifs, l'année suivante les Juifs par un édit du 10 mars 1082 sont expulsés du royaume et leurs synagogues transformées en églises, les biens des Juifs redistribués à des nobles ou à des corporations. Philippe-Auguste engage un système d’expulsions et des spoliations allant devenir une pratique régulière.

En 1184, Isaac Uradis, juif de Bourges, se fait confisquer sa maison par Philippe Auguste, qui l’offre à son maréchal, Matheus de Bituric.

En 1190, Moïse Maïmonide, (né à Cordoue, 1138-1204), philosophe et médecin rédige le « Guide des égarés ou des perplexes ». Il redonne au travail d’Aristote une nouvelle vie, il tente de démontrer que la religion juive repose sur la raison ou le rationnel. Il rédigea de même, mais vingt ans auparavant en tant que théologien la « Mishnah Torah », une approche interprétative des lois juives provenant de l'étude du Talmud.

  Au Treizième siècle, En 1215, pendant le pontificat d'Innocent III (1198-1216), le Quatrième Conseil de Latran force les Juifs à porter un insigne dans les provinces du Languedoc, de la Normandie et de Provence, et vise à son application la plus large : « Il apparaît parfois que par erreur des chrétiens s'unissent à des femmes juives ou sarasines ou des juifs ou des sarrasins à des femmes chrétiennes. Pour que cesse un tel péché et qu'un tel mélange ne puisse avoir lieu dans l'avenir sous prétexte d'ignorance, nous décrétons que ces personnes des deux sexes, dans chaque province chrétienne et en tout temps, devra se distinguer par le caractère de son vêtement. Ils n'apparaîtront pas en public pendant les jours saints et le dimanche de la Passion. »

Mais aussi sur trois points imposent des vues sectaires auxquelles les juifs devront se conformer :

1- Des taxes sur le prêt d’argent : « Plus les chrétiens sont interdits de pratiques usuraires, plus la perfidie des juifs augmente en la matière. Nous ordonnons que si à l'avenir les juifs extorquent des intérêts excessifs aux chrétiens, ils soient coupés de tout contact avec les chrétiens jusqu'à ce qu'ils aient fait réparation de leur cupidité immodérée. Nous décrétons, sous peine identique, que les juifs doivent payer la dîme et les offrandes dues à l'église. »
 
2 – Interdiction aux emplois publics : « Il semble absurde que des blasphémateurs du Christ aient le pouvoir sur des chrétiens. Nous interdisons aux Juifs d'avoir des emplois publics, puisque, sous ce couvert, ils sont particulièrement hostiles aux Chrétiens. Nous étendons la même interdiction aux païens. »

3. Règles pour Les convertis : « Puisqu'il est écrit maudit celui qui entre dans un pays par deux chemins et encore on ne peut tisser une pièce de vêtement de lin et de laine, nous décrétons que les juifs convertis seront solennellement avertis par l'évêque d'abandonner l'observance de leur ancien rite. »

En 1227, le concile de Narbonne proclame le port de la rouelle jaune obligatoire pour les Juifs et l’interdiction pour eux de sortir pendant la Semaine sainte.

En 1232, le rabbin Salomon de Montpellier lança l'anathème contre tous ceux qui liraient le Moré Neboukhim ou se livreraient aux études scientifiques et philosophiques. Ce fut le signal du combat. Il fut violent de part et d'autres, et ils eurent recours à toutes les armes. Les rabbins fanatiques en appelèrent au fanatisme des dominicains, ils dénoncèrent le Guide des Égarés (ou des perplexes) et le firent brûler par l'inquisition : ce fut l'œuvre de Salomon de Montpellier et elle marqua la défaite des obscurantistes. Mais cette défaite ne clôtura pas la lutte. A la fin du siècle elle fut reprise par don Astruc de Lunel, soutenu par Salomon ben Adret de Barcelone, contre Jacob Tibbon de Montpellier. A l'instigation d'un docteur allemand, Ascher ben Yehiel, un synode de trente rabbins réuni à Barcelone sous la présidence de Ben Adret, excommunia tous ceux qui avant vingt-cinq ans lisaient d'autres livres que la Bible et le Talmud. La même année, Raymond VII, comte de Toulouse, et le légat du pape statuent que les Juifs doivent porter la roue.

« La place ordinaire de la roue était sur la poitrine. Elle est expressément déterminée par la plupart des canons des conciles par les statuts de Raymond VII, comte de Toulouse, et par ceux d'Avignon, de Marseille et de Nice. Il y eut, à la vérité, des exceptions, mais beaucoup plus tard et probablement dans le seul Comtat-Venaissin. (...) Saint Louis et Alphonse de Poitiers, par leurs ordonnances de 1269, et Philippe le Hardi, par celles de 1272 et de 1283, prescrivent une deuxième roue qui sera placée derrière le dos. L'ordonnance de Louis X est moins précise « ils porteront, dit-elle, le signal où ils l'avoient acoustumé de porter. » Sous le roi Jean, on revint à la roue unique, et cette disposition fut maintenue par Charles V, qui veut que les Juifs « portent leur enseigne acoustumée au-dessus de la ceinture. » Elle devait être fixée ou cousue sur le vêtement de dessus, ouencore, comme le dit l'ordonnance de Louis X, « pourtrait de fil ou de soye. »

Étude historique et archéologique sur la roue des juifs depuis le XIIIe siècle, Ulysse Robert

En avril 1233, le pape Grégoire IX crée et désigne un tribunal d'exception (Inquisitio hereticae pravitatis) ayant pour objet de condamner au sein du royaume de France, « les hérétiques et les catholiques non sincères ».

En 1236, les croisés sont attaqués les communautés juives d'Anjou et du Poitou et ils essayent de baptiser tous les Juifs, ceux qui résistent sont tués. Environ 3.000 Juifs ont été assassinés.

En 1239-1240, Nicolas Donin, un juif converti ou apostat, explique au Pape que les livres sacrés des juifs contiennent des injures contre le Christ. La discussion ou controverse célèbre du Talmud commence à Paris entre Nicolas Dolin et des rabbins, dont possiblement Yehiel de Paris, Vivo de Meaux, Juda David de Melun, Samuel Salomon, et Moïse de Coucy. Suite à la controverse ayant lieu à Paris entre rabbins et prêtres, le pape Grégoire IX donne donne l’ordre de saisir dans les synagogues les livres des pour les brûler. Les Juifs sont expulsés de Bretagne.

En 1242, Suite à la controverse du Talmud, Louis IX fait brûler 24 charrettes d’exemplaires du Talmud à Paris, en place de Grève. « Le Talmud fut souvent au centre de la controverse. Ses adversaires l'accusèrent d'être immoral, plein de mépris pour le Christ et de maudire les chrétiens. Certains apostats, comme Donin de La Rochelle, allèrent jusqu'à affirmer que cette "Deuxième Loi", s'étant substituée à l'Ancien Testament, en avait perverti l'enseignement. »

En 1243, les coutumes d'Avignon prescrivent la roue aux hommes et le voile aux femmes.

  En 1250, Thomas de Cantim (théologien ayant vécu de 1201 à 1272) reprend à son compte la rumeur des crimes rituels. Une mythologie purement d'inspiration antisémite prétendait que, le sang des enfants chrétiens servait aux Juifs pour ses propriétés curatives. Rumeur non fondée, elle restera longtemps comme une illustration du juif comme bouc émissaire des maux des sociétés chrétiennes en Europe. En réalité les juifs furent victimes de véritables appels aux meurtres et cela permit en dans de nombreux pays européens le massacre des communautés hébraïques.

  En 1254, Louis IX bannit les juifs de France. Mais contre des paiements ils seront autorisés à rester quelques années après.

Selon les statuts de Marseille, de 1255, les Juifs doivent porter une calotte ou un chapeau jaune ; s'ils ne le voulaient pas porter une roue.

En 1265, à Londres se produit le massacre de 500 Juifs.

En 1269, Louis IX impose aux juifs le port de deux signes jaune l'un dans le dos, l'autre sur la poitrine, à partir de 14 ans, pour les distinguer du reste de la population et prévenir les unions mixtes. Le port de la rouelle décidé par le IVe concile du Latran en 1215 devient obligatoire dans le royaume. La rouelle est un morceau de tissus avec pour symbole une roue représentant les 30 deniers de Judas. Jacques le Goff, historien, dans son livre sur Saint Louis trouvait « ces conceptions et cette pratique, cette politique antijuive, ont fait le lit de l’antisémitisme ultérieur. Saint Louis est un jalon sur la route de l’antisémitisme chrétien, occidental et français », par ailleurs un lecteur critique précise au sujet de son ouvrage que le  « Roi sacré et saint, Louis eut à cœur de combattre les hérétiques et les Juifs. L'auteur nous donne à voir, grâce à des développements d'un grand intérêt, comment le roi de France, fidèle aux préceptes de la papauté et soumis à l'influence de conseillers douteux, mania tour à tour la persécution et la persuasion. Ce thème occupe les trois quarts du chapitre intitulé "Conflits et critiques", curieusement placé entre La religion de saint Louis et Saint Louis, roi sacré, thaumaturge et saint ».

En 1280, la dame de Vierzon réclame un juif arrêté par les gens du roi, car le prisonnier n’a pas été pris en flagrant délit. Sensiblement à la même époque, le prieur de Saint-Benoît-du-Sault veut expulser les juifs du Sault, mais le vicomte de Brosse s’y refuse.


L'AUTODAFÉ DE TROYES du 24 avril 1288
Ce poème ou pièce liturgique est une complainte inspirée par la chanson ou la geste de Roland du XIe siècle.
« En l’an 1288, le tribunal de l'inquisition fit monter sur le bûcher treize Juifs, à Troyes en Champagne. Cet événement a été relaté dans plusieurs documents hébreux et français du moyen âge. Deux de ces documents ont déjà été publiés par nous (Revue des études juives fondée par Zadoc Kahn) ; les autres, au nombre de quatre, sont encore inédits. (…) La complainte française est écrite, comme nous l'avons dit au début, en caractères hébreux. Les Juifs de France avaient l'habitude de transcrire de la sorte le français, et les œuvres en vieille langue d'oïl qu'ils nous ont laissées sont assez considérables. 

L'
élégie (poème lyrique mélancolique) est suivie dans le manuscrit d'une notice historique dont voici la traduction (de l’hébreu au français, extraits en italique) :

Cette Selicha (pièce liturgique juive) a été composée par R. Jacob, dit  Juda le lorrain (…) au sujet de treize saints qui furent brûlés à Troyes, deux semaines avant la Pentecôte. (…) Les voici, désignés par leurs noms : R. Isaac Châtelain, sa femme, ses deux fils et sa bru, R. Samson Hakkadmôn, R. Salomon, R. Baruch d’Avirey,  R. Siméon le scribe de Châtilon, R. Côlon, R. Isaac Cohen, R. Haïm de Brinon et R. Haïm. (…)

Et la splendeur d'Isaac est livrée au feu, et sa sainteté aux flammes.
La rage du bourreau brûlé contre un homme honoré ; 
Il doit le brûler. (La victime) est livrée et sa sainteté aux flammes ; 
Son visage se contracte, qui était plus brillant que la lune, 
Et l'arbre de vie est au paradis.
Pur comme l’huile du luminaire, tel qu'un lionceau rugissant ; 
Il s'écrie : « Que mon corps soit brûlé avec mes amis ! »  (…)

Dès le XIe siècle, on trouve dans les commentaires bibliques et talmudiques du rabbin de Troyes, Salomon Içaki (vulgairement Raschi ou bien Rachi) nombre de gloses françaises des plus précieuses pour l'histoire de notre langue. Les rabbins français du XIIe et du XIIIe siècle, à son exemple, ont inséré dans leurs œuvres hébraïques des mots ou même des phrases françaises écrites en caractères hébreux. Bien plus, il existe dans diverses bibliothèques de l'Europe des glossaires hébreux-français, sortes de traductions juxtalinéaires de la Bible, un dictionnaire hébreu-français et une grammaire hébraïque-française, tous manuscrits inédits du Moyen Âge, dans lesquels les mots français sont écrits en caractères hébreux.

On ne doit donc pas être surpris de voir une poésie française écrite en caractères hébreux. Toutefois l'élégie du Vatican est la première pièce littéraire de ce genre que l'on connaisse, ce qui ajoute à la valeur qu'elle a déjà par elle-même.  (…)
Source : Arsène Darmesteter, « L'autodafé de Troyes »,
Revue des études juives, vol. 2, no 4, avril-juin 1881, extraits des pages199 à 205.



En 1290, Les Juifs sont chassés d’Angleterre par Édouard Ier, de même au pays de Galles. Vous pouvez écouter à ce sujet la vidéo sur : Les juifs d’Angleterre au XIIIe siècle : de l’intégration à l’expulsion, une conférence de M. John Trolan (Source : Université de Nantes, durée 47 minutes)

En 1294, les juifs de Nevers sont expulsés par Philippe le Bel.

En 1298, les Juifs sont considérés comme doublement sacrilèges et sont victimes de massacres sanglants à Röttingen (Bavière).

 Au Quatorzième siècle, en 1306, Philippe IV de France (dit le Bel) expulse les Juifs de France, confisque leurs biens et il s’approprie leurs créances. 100.000 Juifs environ sont expulsés et prennent en majorité le chemin de l’Espagne.

En 1309, à  Zurich, un décret ordonne aux Juifs de prêter de l’argent aux bourgeois de la ville moyennant caution ; s’ils s’y refusent, ils encourent des sanctions. Le taux d’intérêt était fixé par le Conseil.

 En 1315, Louis X rappelle les Juifs expulsés de France neuf ans auparavant pour une durée limitée. Les impôts payés par les Juifs sont plus lucratifs pour le trésor royal que la spoliation pure et simple de leurs biens.

De 1319 à 1321, le Talmud est brûlé à Paris et à Toulouse

En 1323, Perrin de La Queux, gardien des prisons royales de Bourges laisse s’échapper, moyennant des finance, des “juifs et des malfaiteurs des prisons de Bourges”.
 
  Le Mouvement des Armelder, « Intéressons-nous au cas particulier du mouvement des Armelder qui est un phénomène s’étendant sur les années 1336-1338 principalement, mais ayant des conséquences directes jusqu’en 1349 en tout cas. C’est en fait un mouvement de paysans principalement, c’est du moins dans les campagnes que s’opère le soulèvement, car il s’agit bien d’un soulèvement populaire. Cependant il faut nuancer, ce n’est pas non plus un mouvement de masse regroupant des milliers de personnes. On pense pouvoir estimer l’effectif des Armelder à environ 1500 membres. »

Il faut savoir qu’il y eut 3 vagues successives de ces Armelder :

1ère vague, juillet 1336 : « C’est donc juste avant les récoltes que le mouvement prend forme à l’instigation d’un certain Arnold von Uissigheim. C’est principalement dans les environs de Frankfurt que les Armelder vont agir. Leur chef, que l’on nomme « König Armelder », donc le roi des Armelder, cet Arnold von Uissigheim va être arrêté par les autorités et exécuté le 14 novembre 1336. Les autorités pensaient que de par cette exécution le mouvement péricliterait, or il n’en a rien été puisque Arnold von Uissigheim va être érigé en martyr par la population. On dira même que des miracles se passèrent sur sa tombe. Ce qui ne manqua pas d’entraîner un second soulèvement. »

2ème vague, juin 1337 : « A nouveau le soulèvement intervient avant les récoltes, à une période où les impôts préoccupent particulièrement les paysans, ils en sont plus facilement manipulables ou excitables selon Graus (auteur allemand). Ce deuxième mouvement prend aussi naissance dans la région de Frankfurt et se répand dans les environs (sans toutefois prendre l’ampleur de la troisième vague). »

3ème vague : janvier 1338 : « A nouveau le mouvement prend naissance dans la région de Frankfurt, mais cette fois il s’étend à Bâle, Strasbourg et finalement à quasi toute l’Alsace. On trouve aussi un König à la tête des Armelder, auquel succédera un deuxième. On sait que l’un d’eux était un aubergiste du nom de Jean Zimberlin ; il semble que se soit à lui que l’on doive ce nom d’Armelder parce qu’il portait au bras une lanière de cuir, qui va devenir le signe de reconnaissance de ses partisans. On sait également que les Armelder se déplaçait de village en village déployant un grand drapeau avec une image du Christ.

En 1337, dans le Haut Rhin (Rouffach et Ensisheim) plus de 1.500 juifs vont être exterminés dans un lieu qui prendra le nom de « champ des juifs ». Quelle est la réaction des autorités ? Celle de fermer les yeux sur les massacres et de s’emparer des biens des Juifs. Notons encore que la même année, l’empereur Louis de Bavière va promulguer un édit donnant pleine absolution de ces méfaits tout en interdisant le recours judiciaire aux juifs. Pour la région de Strasbourg toujours, il faut savoir que l’évêque finit par convoquer une assemblée de nobles d’Alsace (réunie à Colmar, ville dans laquelle de nombreux juifs s’étaient réfugiés et que les Armelder menaçaient rien de moins que d’assiéger pour en extirper les Juifs). Suite à cette assemblée, entre le 17 et le 19 mai 1338 une sorte d’alliance est passée entre villes pour combattre les Armelder dont la plupart finiront exécutés ou condamnés à diverses peines (comme par exemple celle de ne pouvoir approcher un juif pendant 10 ans)… Mais malgré le sort qui leur était réservé, un mouvement d’Armelder se reforme dès 1343, les massacres de juifs recommencent et un nouveau pacte est signé entre villes le 3 mars 1345. »

 Source : Extraits, Le mouvement des Almeder, Yannick Rub.

 En 1348, la grande peste. Elle provoque des émeutes antijuives en Provence. La synagogue de Saint-Rémy-de-Provence est incendiée (elle sera reconstruite hors de la ville en 1352). Des Juifs sont brûlés à Serres, en Dauphiné, d'autres massacrés en Navarre et en Castille. Le 13 mai, le quartier juif de Barcelone est pillé. Les Ashkénazes (d’Allemagne) sont victimes de pogroms. En septembre, les Juifs de la région de Chillon, sur le lac Léman en Suisse, torturés jusqu’à ce qu’ils avouent, faussement, avoir empoisonné les puits. Leurs confessions provoque la fureur de la population qui se livre à des massacres et à des expulsions. Trois cents communautés sont détruites ou expulsées. Six mille Juifs sont tués à Mayence. De nombreux Juifs fuient vers l’Est, en Pologne et Lituanie.

Le 14 février 1349,
près de deux mille Juifs sont brûlés à Strasbourg, d'autres jetés dans la Vienne à Chinon (vidéo sur les massacres de Strasbourg En Autriche, le peuple, pris de panique, s’en prend aux communautés juives, les soupçonnant d’être à l'origine de la propagation de l’épidémie, et Albert II d'Autriche doit intervenir pour protéger ses sujets juifs.

En 1380, assassinats de Juifs à Paris et Nantes

En 1382, émeutes contre les Juifs à Paris et à Rome.

En 1384, expulsion des Juifs de Suisse.

En 1390. Mouvements anti-juifs en Espagne et sont imposés des signes distinctifs à Valence et sur l'île de Majorque. Deux synagogues sont converties en églises à Séville et des violences s'étendent rapidement à Tolède et Valence. Les émeutes atteindront leur paroxysme le 5 août lorsque des marins castillans mettent le feu aux quartiers juifs et tuent des centaines d'habitants.

« En 1393, six juifs de Paris, accusés d'avoir fait évader ou, mourir un juif converti, furent, par le prévôt de cette ville, condamnés à la peine de mort. Le parlement adoucit cette peine en condamnant les six juifs à être fustigés pendant trois fois. La première fustigation, qui eut lieu aux Halles le samedi de la veille de Pâques, fut exécutée avec tant de férocité, que le parlement fut obligé de les exempter des autres. Elle fut trop excessive et trop cruelle, partent les registres du parlement ; cette cour, considérant l'énormité de la première batture, sur la requête des autres juifs, commua le reste de la peine en amende pécuniaire. (Registres criminels, commençant en 1387, et finissant en 1400.) »

(Histoire physique, civile et morale de Paris, Jacques Antoine Dulaure)

En 1394, Charles VI, dit le Fol, expulse ou bannis les Juifs de France. Cette expulsion vient sur fond de mécontentement populaire est une résultante de la guerre de Cent ans : les finances sont mauvaises, le peuple est pauvre et les Juifs, prêteurs d’argent, ont le plus mauvais rôle. Leur expulsion est réclamée. Le retour au judaïsme d’un Juif baptisé, Denis Machault, servira à justifier cette décision.

Edit du Roy portant défenses aux Juifs d'habiter dans le Royaume

Le 17 septembre 1394, les Juifs sont expulsés pour la septième fois du royaume de France, la mesure ou l’édit avait un caractère définitif, cette décision royale ou interdiction se renouvellera en 1615 par décision de la régente Marie de Médicis, et elle ne prendra véritablement fin qu’avec la Révolution, le 27 septembre 1791. L’interdiction de séjourner ou de vivre, sur le sol français ou dépendant de la Couronne, a été décidée un siècle avant que les Juifs et Musulmans d’Espagne ne connaissent le même sort.
En raison, de frontières et statuts spécifiques en interne, quelques îlots territoriaux dans l’hexagone se maintiennent. Notamment en Provence dans les états pontificaux à Avignon et dans le comtat Venaissin. En Alsace et en Lorraine où à Metz les convertis seront un peu plus tard désignés comme des Nouveaux Chrétiens.
 
Ces conversions
au christianisme concerneront plusieurs dizaines de Juifs de la bourgeoisie locale et en rapport avec des pratiques marranes ou cachées, encore plus tardivement des exceptions seront admises à Bordeaux et Bayonne sous Louis XIV, pour les dits Portugais venus des mondes Ibériques.

« XVII. Cependant, leur dernier Malheur arriva sous le Règne de ce même Charles VI. Ce Prince, qui n'était plus en état de gouverner son Royaume, changea de Conduite. Le Duc de Milan, Père de Valentine Duchesse d'Orléans, était accusé de l'avoir fait ensorceler : mais, il avait l'Esprit naturellement faible, et la Frayeur qu'un Inconnu lui avait causée dans son Voyage de Bretagne, avait achevé de le rendre fou. Les Juifs furent accusés d'avoir tué à Paris un nouveau Converti.

Quelques-uns disent que c'était un Chrétien. Je ne sais si le Nombre des Meurtriers était grand, et même le Meurtre n'est pas certain, puis que Juvénal des Ursins en doute, et se contente de dire qu'on l'avait battu et villené, et qu'en faisant les Informations on trouva qu'ils faisaient plusieurs choses non bien honnêtes en Dépit des Chrétiens. Cependant, on en prit plusieurs, dont les uns furent pendus, et les autres eurent le Fouet, et la Synagogue condamnée à payer dix-huit mille Ecus, dont on acheva de bâtir le Châtelet, et le petit Pont de Pierre. Plusieurs se convertirent, et furent baptisés. Ce n'était là que le commencement de Misère ; car, deux Ans après, on les bannit tous du Royaume sans aucun Retour ; et c'est de ce dernier Exil qu'ils ont fait une Epoque, et qu'ils commencent à compter leurs Années.

XVIII. Ils ne laissèrent pas de conserver un grand Crédit par l'Argent qu'ils prêtaient aux Particuliers. Ils confièrent leurs Intérêts à un Bourgeois de Pontoise, nommé Nicolas Flamel. Cet Homme, qui avait le Registre des Juifs, et connaissait toutes leurs Affaires, parce qu'il avait écrit pour eux, composa avec leurs Débiteurs, en leur cédant la Moitié de leur Dette, recevant l'autre à condition de ne le révéler pas au Roi, à qui la Confiscation appartenait. Il devint si riche en si peu de temps, qu'on crut qu'il avait trouvé la Pierre Philosophale. Il laissa courir ce Bruit, afin d'éviter la Recherche du Duc de Bourgogne. On dit même qu'il composa un Traité de la Transformation des Métaux, qui fut imprimé à Paris en 1561. Afin de se rendre plus recommandable, il bâtit diverses Eglises à Paris ; comme, celles de St. Jacques de la Boucherie, où il se fit enterrer avec sa Femme Perenelle, et où l’on voit encore sa Statue. On dit qu'il était Poète, Peintre et Philosophe.

Histoire des Juifs depuis Jésus-Christ jusqu'à présent, pour servir de continuation à l'histoire de Joseph. Jacques Basnage (1653-1723). Nouvelle édition augmentée, imprimé en 1715. Tome 14, Chapitre XXI, pages 604 à 606.

Source : Gallica-Bnf : son identifiant, ark:/12148/bpt6k9617406k

 Au Quinzième siècle, en 1401, des Juifs sont brûlés à Diessenhofen, Schaffhouse et Winterthour sous l’accusation de meurtre rituel. A Zurich, pour les mettre à l’abri de la colère populaire, le Conseil les laisse en prison jusqu’à ce que la fureur se soit apaisée. En 1421, en Autriche les 180.000 Juifs de la ville de Vienne sont expulsés ou sont obligés de se convertir.

De 1424 à 1430, une forte agitation antijuive prend forme dans le sud des Alpes jusqu'à la ville d'Aix où 10% de la population est de confession juive. A l'automne 1425 à Manosque l'on rapporte des violences et des massacres. La tenue d'un procès dans la ville juridictionnelle d'Aix provoque cinq ans plus tard, chez les habitants des exactions, elles sont commises contre le quartier juif avec des injures, des insultes proférées, puis des coups et survient la mort de dix juifs, plus une quinzaine de conversions forcées. Et cette haine populaire engage un premier départ de près d'un tiers des Juifs de la ville, avant l'expulsion définitive de 1501 en Provence, vers les états du Pape dans l'actuelle département du Vaucluse (Comtat Venaissin, sous le pouvoir de la papauté depuis 1358).

En 1451, se met en place de l’inquisition en Castille et en 1480, se met en place d’un tribunal de l’inquisition à Séville. Les mondes Berbères ou Arabo-andalou avaient constitué au sud de l'Espagne une terre d'exil et vivre sous ce que l'on appela l'Âge d'Or entre Juifs et les Musulmans (aujourd'hui cette idée d'un "âge d'or" est fortement contestée). La mise en place des tribunaux de l'Inquisition sera constitutive du phénomène religieux nommé Maranne (des convertis au christianisme qui célébraient en secret à leurs domiciles des cultes hébraïques). Les juifs qui ne choisissent pas de nouveau l'expulsion, se convertissent, ou fuient en Afrique du nord.

  En 1478, le pape permet la création d'une Inquisition spéciale en Espagne visant essentiellement la persécution des juifs restés fidèles au judaïsme après les conversions forcées. Des milliers d'autodafés (« actes de foi ») ont lieu, au cours desquels des juifs sont brûlés sur le bûcher, ou étranglés s'ils avouent.

 En 1491, La Guardia (Espagne), cinq juifs sont arrêtés sous l'accusation d'avoir tué un enfant dont le corps n'a jamais été retrouvé. Trois d'entre-eux sont des juifs baptisés de force. Ils sont garrottés et brûlés. Les autres sont écartelés. Le dominicain Tomàs de Torquemada, responsable des persécutions, vise à renforcer par un décret les sentiments antijuifs en Espagne.

En 1492, les rois catholiques, Ferdinand et Isabelle, expulsent tous les juifs du Portugal et de l'Espagne, exilant environ 150.000 personnes et détruisant les communautés prospères. Les dernière troupes "mauresques" sont chassées de Grenade et se retournent en Afrique du nord. La même année, à Mecklenburg (Allemagne), 24 juifs (dont 2 femmes) sont accusés de profanation d'hostie par un prêtre, ils sont brulés sur un bûcher, en un lieu appelé par la suite Judenberg (la colline aux Juifs).

L'expulsion des Juifs espagnols s'est traduit par le départ d'au moins les deux tiers vers le Portugal, dont le suzerain Joao II accepta leur présence contre le paiement d'une rançon, ils commencèrent à s'établir. Quand le 5 décembre 1496, Manuel 1er son héritier au trône depuis une année décrétait à son tour une explusion du royaume portugais des  Musulmans et des Juifs, ces derniers ne purent toutefois partir, l'année suivante il leur avait été interdit de sortir du pays, et se virent convertis de force (conversos). Ainsi naissait l'histoire des Juifs dits Portugais, et propre aux siècles suivants, comme au Pays-Bas, en France et jusqu'à l'émancipation du 27 septembre 1791 sous la la Révolution française et ses suites continentales.

En 1498, dans le royaume de France Charles VIII un peu avant de décéder décide l'expulsion des Juifs de Provence. Son successeur Louis XII réalisera ou fera appliquer la décision en 1500 et 1501.

L'on contaste pour le royaume français dès la fin du Moyen Âge une disparition progressive des tribunaux de l'Inquisition, et c'est au sein même du christianisme que de nouveaux bouc émissaires vont apparaître avec l'apparition au seizième siècle du schisme entre le saint-siège de Rome et les fois protestantes.

Si vous souhaitez aller aller plus loin sur le Moyen Âge, nous vous conseillons de consulter Gallia Judaica de M. Henri Gross dans le cadre des publications de la Socièté des études juives : un dictionnaire géographique de la France d'après les sources rabbiniques, publié en 1897 à Paris (Libraire Paul Cerf, 12, rue Ste Anne). 

Source : Gallica-Bnf


À LA CHARNIÈRE DU MOYEN AGE
ET DES TEMPS MODERNES.
...


Freddy Raphaël et Monique Ebstein


(http://judaisme.sdv.fr/)
L'époque où vécut Yossel, le dernier quart du XVe siècle et la première moitié du XVIe, fut à de nombreux titres une époque charnière où s'acheva le passage du Moyen Age aux Temps modernes. Pour ceux qui vécurent alors, cette période aux transitions floues fut riche en profonds bouleversements.




Naissance des ghettos,

Genèse de l'antisémitisme médiéval, Yannick Rub

« Le ghetto est né à Francfort en 1349, mais en fait, il n’a été « institutionnalisé » qu’au XVIe siècle. C’est de la ville de Venise que vient ce nom de ghetto : l’ancienne fonderie (en vénitien, ghetto) située aux abords de la résidence obligée des Juifs dès 1516 à Venise. Il porte des noms différents selon le pays : Judengasse en Allemagne, carrière dans le Comtat Venaissin, mellah en Afrique du nord. Les Juifs se regroupent en communauté par commodité, par habitude mais surtout pour des raisons de sécurité. Le ghetto c’est, en général, un quartier entouré d’un mur ; deux portes, d’ailleurs gardées aux frais des Juifs, qui sont ouvertes durant la journée et permettent tout de même la communication avec le monde extérieur. Par contre la nuit, les Juifs doivent avoir réintégré le ghetto et les Chrétiens doivent l’avoir quitté, sous peine de sanctions.

Le ghetto ne peut s’agrandir. La natalité juive devient un facteur de paupérisme. Les masses juives d’Allemagne et d’Italie vivent misérablement, s’adonnant à de petits métiers : tailleur, fripier, etc. Le ghetto vit surtout de prêts sur gages : depuis le XIVe siècle, les Juifs d’Italie sont officiellement chargés - et même contraints - de pratiquer l’usure pour survivre. Au XVIIe siècle pourtant, on interdit aux Juifs de prêter avec intérêt - l’activité est confiée à des monts-de-piété -, mais on ne leur ouvre pas pour autant de nouvelles professions. Outre les conditions économiques difficiles, le système du ghetto impose aux Juifs des brimades et des humiliations nombreuses, du sermon de conversion jusqu’au rapt d’enfants conduisant au baptême forcé. Le ghetto devient le symbole de la vie juive et son modèle se diffuse dans toute l’Europe. Pour déborder un peu de la période qui nous intéresse, sachons qu’en 1555, une bulle papale ordonne la création de ghettos et la concentration des Juifs résidant dans tous les états pontificaux. (Comtat-Venaissin entre autres pour les Juifs du Languedoc, ou les judéo-provençaux, surnommés les "Juifs du Pape").

Carte des expulsions de 1100 à 1600 et circulations des populations juives

Pour complémment, lire la deuxième partie
 Les Juifs à Paris du VIe au XIVe siècle :
Cliquez ici !




 
Sources à consulter, bibliographie(s)


ANTISÉMITISME ET HISTOIRE :

Des persécutions médiévales à la Shoah, l’antisémitisme semble traverser l’histoire. Il peut susciter deux choix opposés qui sont aussi des renoncements parallèles, celui d’abolir l’histoire en conférant à cet antisémitisme une essence éternelle et celui de le dissoudre dans une historicisation radicale. Le dossier proposé par les Annales essaie de montrer que, face à cette alternative, l’histoire et les sciences sociales ne sont pas tout à fait démunies. En éclairant des objets aussi différents que la politique de Louis IX envers les juifs au XIIIe siècle, le rapport historiographique entre les notions d’antisémitisme et d’antijudaïsme ou le mouvement antisémite dans l’Allemagne de la fin du XIXe siècle, les auteurs réunis ont cherché à poser des problèmes qui concernent non seulement l’antisémitisme, mais aussi l’histoire générale, et qui seront au centre du débat.



Conférence de l'EHESS
: Cliquez ici !
(audio et vidéo - durée de 1h52)
Avec Sylvie Anne Golberg, Marie Dejoux, et Maurice Kriegel et Etienne Anheim animant les échanges.
Lectures complémentaires 


Compléments de lectures en ligne ou à télécharger :


- Bernard Lazare, L'Antisémitisme, son histoire, ses causes, Gallica-Bnf (Paris - 1894) 

- Yannick Rub, Le Peuple déidicide? Genèse de l'antisémitisme médiéval (Sur son site - année 2010)

-  Ulysse Robert, Étude historique et archéologique sur la roue des juifs depuis le XIIIe siècle. Édité chez A. Durlacher, (Paris, 1883), Gallica-Bnf.

- Robert Anchel,  Juifs à l'époque franque (Persée.fr - 1938)

- Isodore Loeb,  La Controverse de 1240 sur le Talmud, Revue des études juives, 1880, Persée.fr.

- Alain Saint-Denis, Jacques Le Goff - Saint Louis, (Persée.fr, 1997)

- A. Graboïs, Le souvenir et la légende de Charlemagne dans les  textes hébraïques, par  dans le bulletin mensuel d'histoire et de philologie (Gallica Bnf - 1966 - Article de 40 pages)

Sur le site Gallica-Bnf, il existe aussi une thèse sur les Juifs du Languedoc et de la ville de Montpellier en particulier.

Vous êtes à la recherche de plus grandes précisions sur le sujet, il existe à Paris le Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme : des conférences, des expositions et une bibliothèque à votre disposition !

Bibliographie ou lectures complémentaires :

- Textes de Yannick Rub, Génèse de l'antisémitisme médiéval et Le Mouvement des Almeder, sur yrbu.com
- Danièle Iancu,  Être Juif en Provence, au temps du roi René (éditions Albin Michel)
- Sous la direction de Jean-Pierre Azéma, Vivre et survivre dans le Marais, ouvrage collectif, Jean-Pierre Azéma, Le Moyen Âge : Paris de l’époque médiévale (du XIIe au XVe siècle), Simone Roux "Les Juifs à Paris", Boris Bove "Le miracle de l’hostie",  "L’urbanisation et le peuplement du quartier Saint-Gervais au Moyen Âge" ; "Vies de quartier autour de Saint-Gervais vers 1300" ; L’âge classique Paris de l’époque classique (du XVIe au XVIIIe siècle). (édité par la Mairie de Paris)
- Annie Perchenet, Histoire des juifs de France (éditions du Cerf)
- Grégoire de Tours, Histoire des Francs
H. Graetz,  Histoire des Juifs (1882, wikisource.org)
- Béatrice Leroy, Les Juifs dans l'Espagne Chrétienne  (éditions Albin Michel)
- Roger Berg, Histoire des Juifs à Paris (éditions du Cerf - 1997)
- Roland Charpiot, Histoire des juifs d'Allemagne (éditions Vuibert)
- Alain Finkielkraut, Le juif imaginaire (éditions du Seuil)
- Eugène Sue, Le juif errant (1840, source wikisource)
- Juliette Sitbon, Chasser les Juifs pour régner,  (Vidéo - éditions Perrin - 2016)

Quelques ouvrages de la bibliographie de Yannick Rub :

- Chevalier, Y. (1988). L’Antisémitisme. Paris, Cerf.
- Chouraqui, A. (1957). Histoire du judaïsme. PUF et auteur d'une thèse sur Bernard Lazare.
- Dahan, G. (1991). La Polémique chrétienne contre le judaïsme au Moyen Âge. Paris, Albin Michel.
- De Fontenette, F. (1982). Histoire de l’antisémitisme. PUF
- Isaac, J. (1956). Genèse de l’antisémitisme. Paris, Calmann-Lévy.
- Neusner, J. (1986). Le judaïsme à l’aube du christianisme. Paris, Cerf
- Nohl, J. (1986). La mort noire. Chronique de la peste. Paris
- Poliakov, Léon (1981). Histoire de l’antisémitisme (en 2 volumes de poche). Paris
- Poliakov, Léon (1973). Les Juifs et notre histoire. Sciences Flammarion
- Chronique de Matthias de Neuenburg, pour 1349 (MHG, SRG, p.265-266)
- Halter, Marek. (1983). La mémoire d’Abraham. Ed.Robert Laffont. (p. 311-349)

DOCUMENTAIRE UNE AUTRE HISTOIRE JUIVE

à découvrir sur : filmsdocumentaires.com


Réalisateur, Vincent Froehly
Malgré les persécutions infligées par les chrétiens au Moyen Âge, la mémoire collective juive a gardé un attachement particulier à la région du Rhin.

L'histoire des juifs au Moyen Âge dans la région du Rhin est, comme en d'autres temps et en d'autres lieux, ponctuée de persécutions et de massacres. Mais c'est aussi le récit d'une relation particulière entre une communauté et une région qui l'a d'abord bien accueillie. Avec la terre promise d'Israël, la Rhénanie représente, aussi bien du côté alsacien que du côté allemand, l'autre terre précieuse au coeur des juifs. De l'an 900 jusqu'aux années 1550, le documentaire s'intéresse à la présence du peuple juif dans la vallée rhénane, à son intégration tour à tour souhaitée puis rejetée, et aux conséquences culturelles et économiques de ces alternances de prospérité et d'horreur. À Spire, Mayence, Cologne, Trèves ou Worms, à Colmar, Mulhouse, Sélestat, Obernai ou Strasbourg, à Bâle et en Suisse s'écrit déjà une histoire d'Europe avant l'heure.

(France, 2009, 60 mn)  diffusé par ARTE





Paroles d'Herbert Pagani


                   

   Chanson, "L'étoile d'or"

C'était un pauvre paysan

Qui cultivait depuis longtemps

Son tout petit lopin de terre,

Petit lopin de rien du tout,

Rien que du sable et des cailloux,

Quatre sarments sous la lumière.

Cet homme partageait son temps

Entre son Dieu et ses enfants,

Entre son champ et ses prières

Et n'avait qu'un petit trésor :

Une étoile d'or...

Un jour qu'il soignait ses raisins,

Il vit venir tous ses voisins

En cavalcade à ses frontières.

Il vit briller leurs grands couteaux.

Il leur dit : "Voulez-vous de l'eau ?"

Ils répondirent : "On veut ta terre."

"En quoi vous gêne-t-il, mon champ ?"

Ils répondirent : "Allez, va-t-en !"

Il prit son livre de prières,

Il prit sa femme et ses enfants

Et son étoile d'or...

Ainsi partit le paysan,

En traversant la nuit des temps

A la recherche d'une terre.

"Mes bras sont forts, j'ai du courage.

J'accepte même un marécage... "

Il ne trouva que des barrières.

"T'es pas d'ici, t'as un accent.

Fais-toi prêteur, fais-toi marchand

Mais tu n'auras jamais de terre.

On se méfie de ton trésor,

Ton étoile d'or... "

Faute d'avoir un champ de blé,

L'homme se mit à cultiver

Son petit champ dedans sa tête.

On le vit scribe et puis docteur

Puis violoniste et professeur,

Peintre, savant ou bien poète.

"Tu fais du bruit, tu vends du vent.

T'as trop d'idées ou trop d'argent.

T'es un danger pour qui t'approche.

On va te coudre sur la poche

Ton étoile d'or... " 

Et vint le temps des grands chasseurs,

Des chiens d'arrêt, des rabatteurs. 

Ce fut vraiment la grande fête.

Demandez-le aux bons tireurs :

Avec l'étoile sur le cœur,

On traque beaucoup mieux la bête

Et notre pauvre paysan

Perdit sa femme et ses enfants

Et puis le cœur et puis la tête.

Il n'avait plus que son trésor,

Son étoile d'or...

Alors il traversa la mer

A la rencontre de sa terre. 

C'était ça ou bien se pendre.

"Revendez-moi mon vieux désert.

- Tu sais, ça va te coûter cher.

- Tant pis : je prends !

- Tu peux le prendre."

Le temps de tracer un sillon,

Un coup de feu à l'horizon.

Il bascula dans la poussière.

Du sang par terre et, sur son front,

Une étoile d'or,


Une étoile d'or...  

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Dernières modifications : 14 décembre 2019