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Francisco de Miranda,
Combien la France se
rendrait respectable le jour, où se dépouillant
de presque toutes ses conquêtes, elle stipulerait pour
l'humanité et préparerait les voies à
la propagation de la saine liberté. Francisco de Miranda
Il
existe des personnages historiques que l’on rencontre au
hasard d’un voyage et qui peuvent prendre une certaine
importance. Francisco Miranda est certainement celui qui
m’aura ces dernières années
provoqué le plus d'attrait, donnant l’envie
d’en savoir plus. Un élan pour
découvrir ce qui a pu pousser un homme de son temps
à incarner son époque et une part de ses destinées. Autant il va connaître une vie bien
remplie et riche d’événements, qu'il
en est plus facile d’en déduire que le cours de sa vie ne
fut pas qu’un long fleuve tranquille... Qui est vraiment
Francisco de Miranda? c’est un peu toute la
question : un espion, un traître, ou simplement
l’agent d’une cause révolutionnaire?
Nous célébrions en 2016 le bicentenaire de sa disparition à la prison
de
la Carraca en Espagne en 1816, depuis la mise en ligne de cette
page, de nouveaux travaux historiques sont apparus. Néanmoins ce
travail débuté en 2011 permet de connaître un peu ce "citoyen du monde"
ou "universel" comme on le
nomme au Venezuela. Par ailleurs, son
titre de "précusseur" des indépendances des Amériques hispaniques est
quelque peu contesté pour en faire le "proto-leader" du mouvement
révolutionnaire qui donna naissance à la "Grande Colombie" jusqu'en
1830 ou ce qu'il nomma la Colombeia, son projet secret.
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Sommaire
de la page :
- Note de présentation
- Francisco de Miranda, citoyen du monde
- Resituer la vie de Miranda dans son époque
- Dumouriez et Miranda en 1792, Alphonse de Lamartine
- Chronologie de la vie de Miranda
- Miranda à ses concitoyens (1793, extraits), Francisco de Miranda
- Sur la situation actuelle de la France (1795), Francisco de Miranda
- John Adams, deuxième président des Etats-Unis et Miranda - et l'Acte de Paris (1797)
- Bibliographie francophone sur Francisco de Miranda
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Francisco
de Miranda, citoyen du monde
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Miranda a de nombreuses configurations énigmatiques,
de quoi comprendre comment ce personnage historique a disparu dans les
limbes de l’Histoire, pour réapparaître au début du XXe siècle et
redevenir un objet d’étude plus approfondi et en particulier sous
l'impulsion du travail de Me Carmen Bohórquez-Morán à la fin du
siècle dernier avec sa thèse et d'autres écrits.
Première bannière colombienne, ci-contre
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Une problématique qui peut échapper, avoir toute une série d’incidences
post-mortem et en premier lieu s’il est question d’archives
dérangeantes ayant un caractère de secret étatique. Ce qui est son cas
avec la disparition de ses manuscrits en particulier de son Journal
(Diario en espagnol) qu’il tenait au quotidien, et qui a été rédigé en
castillan, en français et en anglais notamment sa correspondance. Selon
ses interlocuteurs, il répondait en leur langue, avec des informations
compromettantes pour la Grande-Bretagne.
Pour cela, il faut se pencher sur ses dernières années d’incarcération
à la prison de la Carraca, du côté de la diplomatie anglaise, car
depuis l’invasion de l’Espagne par Napoléon 1er, il n’est plus question
de laisser traîner des plans contre la couronne espagnole en Amérique
Latine. La France sous blocus continental entrait dans phase de repli
et change la donne au sein du Foreign-Office sur ses opérations
de déstabilisation outre-Atlantique, le tournant ne s’opéra pas pour
autant en 1808, les contacts avec Miranda étaient toujours très actifs.
Sa présence à Trinidad avant son retour à Londres en faisait toujours
un interlocuteur et un potentiel agent, mais jusqu’en 1812, année de
son arrestation par le général Monteverde, ses documents auraient pu
avoir des conséquences, surtout une fois fait prisonnier et aux mains
des Espagnols. Francisco Miranda représenta une gêne, aussi bien pour
l’empire britannique, que dans son propre pays. Bolivar qui s’en est
pour beaucoup inspiré n’en fit état qu’en 1821 de manière allusive, et
ce ne fut qu’en 1926 que réapparurent ses écrits, et que purent revenir
à son pays de naissance les papiers sulfureux.
Le bicentenaire consacré à sa disparition et commémoration en 2016 dans
plusieurs pays européens et sud-américains a été plutôt riche en
apport, des nouveaux travaux historiques et expositions ont permis la
mise à la connaissance d’un plus grand nombre l’histoire de cette
figure controversée présente lors des deux grandes Révolutions de la
fin du dix-huitième siècle aux États-Unis et en France. Puis, à celle
de la grande nation colombienne disparue en 1830, dont il fut un des
acteurs et édificateurs de sa première république, un ensemble qui
donna lieu à une légende et à de nombreux artifices, faute de disposer
d’informations valides ou plus conséquentes sur ce penseur des Lumières.
Soit très loin de l’impulsion qu’il a pu donner, comme l’apport de ses
réflexions en particulier en matière juridique pour l’Amérique
méridionale.
Et encore, il reste de quoi faire, tant il a laissé de choses en
arrière-plan comme ses origines. Sinon cela permet de saisir les
contenus livresques francophones du XIXe siècle et une partie du siècle
suivant, notamment dans leur relation parfois étrange avec les réalités
historiques, si ce n’est pour des raisons politiques, ou choix du
superficiel, et donc de rendre accessible à une possible esquisse de la
vérité. C’est-à-dire sortir du « Marie-Antoinettisme » ambiant ou passé
qui n’aide en rien à comprendre les fondements historiques et les
complexités des relations internationales. Parce que Miranda est à lui
seul une somme, d’abord pour ses observations uniques en son genre et
de nature stratégique. Et pas seulement, son goût pour l’écriture et
ses collections de livres, dont le journal en 69 volumes originaux, qui
a été réédité de 1929 à 1950 en 23 tomes, plutôt décousus ce qui n’en
facilite pas l’accès, sans parler de la question des trois langues
employées par son auteur. Me concernant ma maîtrise de l’Anglais est un
peu limitée et il n’existe pas de traduction appropriée.
Cependant les travaux historiques de langue espagnole, ou des deux
côtés de l’océan, sont à saluer, parce qu’ils ont permis de comprendre
de nombreux points de son parcours qui étaient restés en souffrance. A
ce titre, il reste à savoir où est né Miranda, certes à Caracas mais
apparemment pas dans la maison qui a été officialisée le siècle
dernier, et l’étude de sa généalogie ouvre à une question importante
Miranda aurait-il été un Marrane, de fait avec une ascendance juive par sa mère? Rien d’impossible en la matière.
Note de LM le 13 juillet 2020
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« Cet
homme héroïque, austère, né noble et très riche sacrifia, de sa
jeunesse, son repos et sa fortune au triomphe d'une idée :
l'affranchissement de l'Amérique espagnole. Il n'y a pas d'exemple
d'une vie si complètement dévouée, systématisée tout entière au profit
d'une idée, sans qu'un seul moment fut donné jamais à l'intérêt, à
l'égoïsme.... Personne n'avait plus d'esprit, personne n'était plus
instruit. Quant au courage, s'il n'avait pas la brillante initiative de
nos militaires français, il eut au plus haut degré la fermeté
castillane et cette noble qualité était fondée sur une autre bien
glorieuse : la force et la profondeur de sa foi révolutionnaire. »
Jules Michelet
Lionel Mesnard, 17 février 2011
Qui est cet homme? Le portrait type du rebelle, du super
héros
mythologique, ou un homme à cheval sur deux
temps historiques? (1) Il
fut originaire de Caracas, il a traversé une bonne part
du
monde de son époque, du moins l’Europe
d’Est en Ouest : les Caraïbes,
l’Amérique du Sud et du Nord, et
l’Afrique du Nord, lors de sa première
campagne militaire au service de la couronne espagnole. Une bonne part
de sa formation militaire se fit dès sa prime jeunesse et
l’amena à
partir de Caracas pour compléter sa formation intellectuelle
et devenir
officier, capitaine plus exactement. Il se fabriqua possiblement une
particule et de faux ancêtres aristocrates en achetant
quelques quartiers
de noblesse. Mais rien n’atteste vraiment qu’il fut
ou pas noble, des
"origines" qui l’on conduit à se construire une
généalogie jusqu’au XVIe
siècle. C’est au mieux, les traces
qu’il nous reste de lui dans sa
première partie de vie d’adulte.
Le père de Francisco de Miranda, Sébastian
était issu des îles Canaries, il
s’était marié avec une
vénézuélienne de Caracas, aussi originaire de Tenerife, et il devint
un marchand très prospère de
draps. Les canariens étaient mal acceptés par
l’aristocratie locale. Ce
qui valut à son paternel quelques vexations et quolibets,
quand
celui-ci reçut une distinction militaire de la ville de
Caracas, puis son éviction. Qui le conduisit à vivre
à la fin de ses jours dans la
misère (selon la légende, rien ne le prouve vraiment). Les canariens ont
été le produit au Vénézuéla d’une
émigration
nouvelle au XVIIIe siècle, ils furent
considérés comme ambitieux, et
s’avérèrent de très bons
commerçants. Ils représentaient comme une
couche intermédiaire entre populations originaires, noires
et métisses
et les familles de la noblesse (les Mantuanos : point culminant de
la
verticalité de la société
hispano-vénézuélienne).
Francisco de
Miranda est né riche, et il est bien ce que l’on
peut nommer un
bourgeois. Qu’il ait rajouté une
particule, peut prêter à sourire,
mais rien de plus. L’objet n’est pas la question
des affects, mais de
comment ce jeune bourgeois a fini par couper le lien avec son premier
employeur, et surtout comment il a fini par être un ennemi
jusqu’à ses
derniers jours du pouvoir espagnol? Son bac possiblement en poche,
c’est à la vingtaine qu’il
s’embarquait pour l’Espagne.
C’est à
Madrid qu’il allait compléter sa formation de
militaire, mais aussi d’homme
d’esprit.
Réduire Miranda a un statut de pur aventurier,
c’est oublier
ou omettre son érudition. Il allait apprendre et
maîtriser couramment trois
langues. L’italien, l’anglais, et le
français, langue dans laquelle il
écrivit avec l’aisance d’un grand
orateur. En plus de l’étude de la
stratégie militaire, il lira abondamment et
s’entourera d’une
bibliothèque historique et philosophique imposante et
à la pointe des
idées du moment. Il partagera les idées des
universalistes de son temps
et fera preuve tout au long de sa vie d’un fort
intérêt aux grandes
causes de l’humanité ; il s’illustrera
en particulier comme soutien à
l’émancipation des femmes. Probablement libertin,
on lui prête de
nombreuses maîtresses et aventures. En 1804 il
épousera Sarah Andrew et
aura deux garçons avec elle (Francisco et Leandro).
Que
Miranda ait pu avoir des relations sexuelles notamment avec Catherine
II de Russie ou Madame de Custine (courtisane et marquise, née de Sabran) est du domaine du possible, mais les
historiens sont rarement présents dans la chambre
à coucher, sauf s’il
reste des écrits sérieux à ce sujet.
Et dans la cas de Catherine, la tzarine, c'est une pure légende. De plus, il faudrait resituer les
mœurs de l’époque, en évitant
toute fantasmagorie sur des coucheries et
se tenir à des faits reconnus ou vérifiables.
Miranda a été au XXe
siècle un sujet de roman et il est difficile
d’échapper à certains
clichés sur l’esprit libertin en vogue
à la fin du dix-huitième siècle.
Justement entre le produit de la fiction et une approche des
réalités,
la sexualité de Miranda est un fait mineur et
relève principalement de
l’anodin. Que cela ait eu un rôle dans son
existence, il n’y a pas à en
douter. Mais on touche là une des raisons qui ont permis de
le faire
passer pour un personnage amoral. Toute sa vie, il a du
éviter les
pièges. Il se fit beaucoup d’ennemis et
même post-mortem, il reste un
sujet énigmatique.
Francisco de Miranda a contribué aux trois mouvements
révolutionnaires fondamentaux de la fin du
dix-huitième siècle, et il a surtout
inspiré et engagé au début de
l’époque contemporaine les mouvements de
libération en Amérique du Sud. Son ultime combat
à partir de 1810 se déroula au Vénézuéla. Deux
années après, il est arrêté
par les troupes espagnoles du Général Monteverde,
et il finira ses dernières années en prison en
Espagne. Il meurt en 1816, et il restera associé
à un grand pan de la mémoire et à la
fondation de nombreuses républiques sud américaines. Il fut un homme de progrès et il
faut apporter pour précision que son itinéraire
personnel dépasse largement toute fiction. Sa vie est un
roman, et l’on peut se méprendre sur ses
intentions, tant son parcours est une série
d’événements et de rebondissements
positifs ou négatifs.
Miranda a du faire face à une course-poursuite de
près de 30 ans avec le pouvoir de Madrid. S’il a
su construire de solide relation, il en fut de même pour ses
inimitiés. Et l’armée espagnole et
spécialement les services secrets seront en charge de
l’espionner en vue de mettre fin à ses
activités séparatistes. Sa prise de conscience,
ou ce qui sera le sens de sa vie naît probablement durant la
guerre d’indépendance étasunienne,
pendant qu’il officiait dans les Caraïbes. Par
ailleurs, il n'a jamais été satisfait du peu d’honneur rendu
dans son métier militaire au service de la couronne
d’Espagne. Il devint un paria, où l’on ne
discerne plus l’agent Russe, l’espion des
Britanniques, l’allié des États-Unis ou le
héros révolutionnaire de la France, puis des
Amériques espagnoles. Il épousa les
idées de son temps, et il a fini par influer sur les
destinés de sa terre natale.
Ce prestigieux vénézuélien a été le sujet de nombreuses
polémiques par les historiens au XIXe
siècle, puis il est tombé en
désuétude. Il a été sujet
de peu d’ouvrages francophones au XXe
siècle. Pourtant quelle vie incroyable a-t-il
pu connaître ! Si ce n’est plusieurs, même
si ces restes atterrirent dans une fosse commune en Espagne. Il s'est
battu toute sa vie, d’abord pour sa propre gouverne et puis
avec le temps au service d’un idéal qui
mena à l’émancipation des
nations latinos américaines. Cet homme
n’appartient pas seulement à son pays
d’origine, le Vénézuéla, il a été un
citoyen de ce monde au sens plein. Son histoire personnelle se conjugua
à l’Europe, notamment à la France et
à la Grande-Bretagne. Il a participé à trois
grandes pages de l’Histoire de
l’humanité, et tenu un rôle non
négligeable au sein de la Révolution
française. Il a côtoyé les plus grands
personnages historiques de son temps, il resta même des
propos de Napoléon Bonaparte l’idée
d’un Don Quichotte sans folie.
En 1776, 13 colonies nord-américaines se
soulevèrent contre l’Angleterre et proclamérent leur
indépendance à Philadelphie. En 1789, la
Révolution française engageait un tournant majeur en
faveur de l’application d’idéaux
universaux comme la liberté,
l’égalité et la fraternité.
En 1804, Haïti devenait indépendante de la France,
et à partir de 1809 en Bolivie, c’était
l’ensemble des colonies espagnoles qui allaient tout au long du
dix-neuvième siècle se libérer de
l’emprise coloniale de Madrid. Et à plusieurs
titres, Miranda allait être un acteur de ces
événements à partir de 1781. Deux ans
après, il était dans l’obligation de fuir. Le
tribunal de l’Inquisition demanda sa mise aux fers
à Cuba et même s’il profita de
l’appui d’amis, il passe armes et bagages du
côté de la nouvelle république
étasunienne.
Depuis son arrivée à Cadix en 1771 et son
engagement au sein des armées du roi d’Espagne, Miranda
ne fut jamais vraiment conforme à ce que l’on
pouvait attendre d’un officier. Il ne cacha pas son ambition et
cultiva un goût paradoxal pour les écrits les plus
décriées par les autorités
religieuses. Peut-on penser que c’est en raison de sa
jeunesse et d’une probable recherche de ses attentes émancipatrices? Il a fallu attendre que cet homme atteigne une bonne
trentaine d’années pour qu'il s'engage à ce
qui sera l’œuvre de sa vie : libérer les
colonies ibéro-américaines. Seulement, quand on
est un peu trop en avance sur son temps, l’on
reçoit en retour des réactions
négatives. Il s’attira de nombreux
soupçons et rencontra des situations périlleuses, il allait avoir trente ans durant les services d’espionnages de la couronne
espagnole à ses basques.
Miranda a donné l’impression de jouer sur
plusieurs tableaux à la fois, mais il apparaît
clairement qu’il ne souhaita qu’une chose,
c’est-à-dire la fin du joug de l’empire
espagnol. C’était son dessein, il l’affirma tout en
assurant sa loyauté à l’Espagne, et
s’il a du jouer la victime auprès des
autorités espagnoles, il n’hésita pas
à prendre le contre-pied dans les cours
européennes et plaida pour la cause
indépendantiste. En raison
d’intérêts opposés, ou visant
à affaiblir le royaume castillan, Miranda allait
connaître plutôt un accueil favorable en Europe
lors de son périple de 1785 à 1789. Il allait
déployer pendant quatre années
consécutives une diplomatie hors norme. S’il peut
être entendu, il trouvait les termes pour convaincre ses
auditoires et y parvenait avec une facilité assez
déconcertante.
On peut avoir du mal à comprendre comment ce sud-américain arriva à amadouer la fine fleur de son
temps, et séduire les principales puissances de son
époque (hormis le royaume castillan)? Pendant son voyage de
Londres à Moscou, il a possiblement passé pas
mal de temps dans les transports (calèche et bateau), mais
il a pour force une curiosité forte pour ce qu’il
visitait et il se nourrissait de ses voyages, des rencontres et lectures
collectées. Il chercha à saisir ce
qu’il découvrait et se plongea de
manière plus que probable dans les arcanes d’un
savoir savant et au service d’un idéal
émancipateur.
Son escapade européenne lui permit de continuer son travail
d’enquête, il découvrit les rapports de
force entre les états, mais aussi la situation des
armées, et son goût l’exerça
à un certain attrait pour les fortifications. Il est assez
difficile de suivre un individu qui va passer près de
quarante ans à parcourir le monde avec et contre son
gré. La question avec Miranda est de pouvoir le
séparer du personnage mythique qu’on
pourrait en faire, et ce qu’il fut ou
représenta réellement. Il a surtout
été appréhendé comme un
personnage de légende, et un fatras de rumeurs ont couru
à son sujet pour finalement le plonger dans un certain
oubli. Revisiter Miranda et son temps c’est un peu
déplié une carte du monde et se questionner
sur des interactions politiques, économiques et militaires
à cheval sur deux siècles et deux temps
historiques.
Il y a fort à comprendre, que la fin de l’Empire
hispanique était à l’ordre du jour dans de nombreuses
capitales européennes. Sans vouloir se moquer,
Miranda été comme la cerise sur le gâteau. On imagine bien
que les sud-américains de sa trempe ne furent pas
légion en Europe. Il tenait un discours qui trouva un certain
écho dans les espaces diplomatiques. Si l’Espagne
venait à perdre ses colonies, cela permettait
de redéfinir un certain ordre mondial du commerce et de ses
richesses. Ces considérations économiques et
géo-politiques préfiguraient de comment allait se
construire le monde contemporain.
La pensée « libérale »
dominait, et justement l’Espagne représenta l’angle mort.
Elle était trop archaïque et rigide, son centralisme et son
absolutisme étouffant. Et c’est probablement
ce qu’a pu ressentir le jeune
Vénézuélien et qui le poussa
à s’emparer des nouvelles idées de
liberté. Comment s’est opérée
la métamorphose est un peu le mystère, car il va
de soit que Miranda n’a pas tout écrit, il a fait
surtout beaucoup de descriptif de ses voyages. Ce qui étonne
s’est son adaptabilité aux rencontres et
événements. Avec la Révolution
française de 1789, son parcours a été une illustration des
hauts et des bas, il devint un citoyen de la République
française et s’illustra notamment à
Valmy et en Belgique. Il alla même ambitionner un
rôle de vice-consul en 1795. Une part non
négligeable de son séjour en France (de 1792
à 1798) se passa en prison :
à la geole de Sainte Pélagie, à la Conciergerie et à la prison du Temple.
On
ne peut pas dire qu’il n’a pas laissé
de trace. S’il a été assez peu
l’objet d’études historiques en langues
françaises, il existe en espagnol et en anglais un vaste
choix d’ouvrages. Notons l’apport de Jacques de
Cazotte, et son Histoire d’un séducteur. Mais
ô grand regret, il traite principalement des grandes lignes
de l’existence de Miranda et n'est pas dès plus fiable. On pourrait souhaiter une approche
plus complète de ses relations militaires et politiques avec
les grandes puissances de l’époque. Ce livre
rétablit néanmoins quelques éléments de vérités historiques
et montre un personnage au parcours tumultueux,
n’empêchant pas Miranda d’impressionner
par ses qualités intellectuelles et physiques. (Jacques de Cazotte est
un auteur décédé en 2014 et à ne pas confondre avec un auteur français
homonyme et sans particule mort en septembre 1792).
Il existe de même le livre de Gilette Saurat, Simon Bolivar
le Libertador, où l’on découvre les
relations complexes et ombrageuses entre le jeune Bolivar et celui qui
fut le promoteur des indépendances des Américains
espagnols. Un livre très puissant à qui
l’on peut reprocher l’aspect
épopée, prenant le pas sur le récit
historique, c’est surtout une grande œuvre
littéraire et historique à lire absolument. Et
pour dernières sources récentes en
français et de qualité, vous pouvez trouver un livre traduit de
l’espagnol, de Carmen Bohorquez, historienne
vénézuélienne : Miranda,
Précurseur des indépendances de
l’Amérique Latine (aux éditions
l'Harmattan). Par ailleurs des textes plus anciens sont consultables
principalement dans des bibliothèques
spécialisées ou universitaires ou au sein de la
BNF. Ses archives personnelles les plus complètes sont
présentes au Vénézuéla à Caracas, mais on trouve
en Espagne, en Angleterre, aux USA, en Russie et en France, et
ailleurs, des sources originales à ne pas
négliger.
Il faut souligner chez Miranda une passion du voyage et l’on
peut remarquer qu’il a vécu plus de temps sur le
sol européen, que sur sa terre d’origine le Vénézuéla. Il a été un grand amateur de musique, et comme tout bon
vénézuélien... un bon danseur. Il
existe de lui des peintures, mais elles sont presques toutes
postérieures à son existence (saut un portrait de 1806 fait par un inconnu), sinon quelques
dessins datant de la Révolution française au fusain noir et des représentations sur gravure. Il fut surnommé le Péruvien dans les salons parisiens et la description que
Madame de Custine en donne, elle parle de son teint mat et
d’un regard aux yeux clairs.
Il allait courir le monde, il gagna l’estime des plus grandes
figures politiques du moment (Georges Washington, William Pitt, la
Grande Catherine, …) et allait construire pas à pas un
projet impossible, mais au final se réalisa avec la 1ère république vénézuélienne en 1811. Un
dément, un fou certainement pas, le « Péruvien » est un homme
déterminé à changer le cours de
l’Histoire. Si son temps a favorisé son
rôle de révolutionnaire sans frontières,
on devine une intelligence vive, un savoir-vivre sous toutes latitudes,
c’est-à-dire une capacité
d’adaptation plutôt non conventionnelle.
Miranda épousa les lieux, les situations, les
mœurs, les cultures du monde, tout en s’appliquant
des principes humanistes et républicains. Il reste
d’une grande modernité et il est difficile de le
ranger dans un registre contemporain, à moins de se hasarder
à des spéculations politiques sans comparaisons
possibles. Au mieux dans sa traversée de la
Révolution française, il fut proche des
girondins ou de ses composantes, il était aussi franc-maçon, dit-on, et
aurait été fondateur
d’une loge maçonnique sud-américaine, ou permis à certaines
figures non moins célèbres de le devenir et d'être initiés.
Rien ne permet de l'affirmer. Qu'il ait été en contact avec des
francs-maçons, il n'y a aucun doute à ce sujet, mais rien n'atteste en
l'état une appartenance à une loge. Une controverse qui a pris corps au
Chili en 2018 autour de la personne de Bernard O'Higgins (2) ou
d'autres, mais c'est ainsi comment naissent et se perpétuent beaucoup de légende, selon Me Carmen Bohorquez-Moran.
Ses relations avec Pétion de Villeneuve, Brissot de Warville sont connues, il
tenta de les convaincre de le soutenir dans son soulèvement des
colonies espagnoles en vue de leur indépendance. Il fit un
flop et se vit remettre une mission dans les Caraïbes
qu’il refusa. En Angleterre, si l’accueil fut plus
chaleureux, sauf l’expédition ratée de
1806 en terres vénézuéliennes, les
Britanniques compatirent plus qu’ils ne soutirent son
entreprise démesurée. Et pour cause, il fallut
que quelque chose puisse mettre le feu à l’empire
Espagnol. La chute de Ferdinand VII en 1808 par les troupes
napoléoniennes a eu inévitablement des
conséquences outre-atlantique, et permettre
l’essor des mouvements indépendantistes.
On ne peut comprendre le rôle et la montée en
puissance des mouvements indépendantistes qu’avec
la destitution du roi d’Espagne. Il est possible de parler
d’un effet domino, qui finira sa course avec
l’indépendance de Cuba en 1898. C’est un long processus
qui s’enclenchait et la fin annoncée d’un
Empire. Une à une les possessions espagnoles en
Amérique allaient devenir indépendantes,
entraînant même le Portugal à laisser au
Brésil en 1825 à sa tête un empereur.
Une fièvre libératrice a parcouru le XIXe
siècle de Mexico à Buenos-Aires. Miranda et Simon
Bolivar, une fois que ce dernier soit allé convaincre son
aîné de sortir de sa retraite londonienne. Miranda
n’avait pas vraiment remis les pieds au Vénézuéla avant cette
année de 1810, sauf en sa tentative malheureuse en 1806, ou
il prit après cinq semaines de présence et de
batailles avec l’armée des colons la
décision de reprendre la mer.
Il représenta ainsi et au travers des écrits
existants à son sujet une foultitude de personnages. Il est
parfois difficile de le suivre, de comprendre cet itinéraire
relativement insolite. L’on voudrait comprendre ce qui a pu
modeler cette figure historique de premier plan? Il n’a rien
d’un ange, on peut y voir un ambitieux prêt
à vendre son âme, sauf que ce ne fut pas
vraiment le cas. Quand il s’engagea, il ne le fit pas
à moitié, et le prouva tout au long de ses
responsabilités militaires de l’Afrique du Nord,
à Cuba, aux Etats-Unis, en France et en Belgique et
jusqu’à la fin de sa vie au Vénézuela.
Il va être un des précurseurs d’une
Amérique Latine indépendante du joug colonial
espagnol. Miranda va beaucoup écrire, notamment une
importante correspondance, de même il fera publier des textes
pour certains fondateurs, et il tiendra un journal de bord composant 69
volumes. Une de ses passions sera la lecture et il
va avoir à sa disposition une bibliothèque
fournie en ouvrages et en rapport avec les Amériques
espagnoles. Il laisse de nos jours une demeure visitable à Londres.
Miranda s’attaqua en cette fin du dix-huitième
siècle au monarchisme le plus absolutiste en Europe, - et qui
pouvait envisager un délitement entre la
métropole -, et ses colonies outre-atlantique? Ils furent
quelques poignées d’individus à
l’envisager et mettre en œuvre le mouvement de
libération. Si Miranda a tenu un pari, ce fut celui de
concevoir une diplomatie sans appui fixe ou continuité
territoriale.
Miranda n’est plus en France un sujet
d’attention. Il reste à remplir un vide en cette
année 2011 et de commémoration des
indépendances en essayant de populariser ce personnage
historique. On lui reprocha le commerce qu’il a
exercé avec l’esclavage des noirs à
Cuba comme officier de la couronne d’Espagne, avec le temps
et en lien avec ses objectifs d’un monde libre, il a fini en
ce domaine par condamner la traite
négrière, et prôner la
liberté pour tous.
PS : Petit détail médical sur Miranda, il était souvent l'objet de migraine, un mal persistant semble-t-il avec les années.
Notes :
(1) Miranda a vécu la fin
des temps modernes et les débuts du monde contemporain
(2) Bernard O'Higgins est un des libérateurs de la nation chilienne en 1810.
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Miranda
resitué dans son époque (le contexte)
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Lionel Mesnard, le 17 février 2011
Miranda nous laisse une correspondance importante, un journal de voyage
volumineux de son histoire personnelle et de ses innombrables
rencontres de 1771 à 1812 (année de son
arrestation et de son ultime séquestration). Faire un
portrait psychologique, c’est risqué deux
embûches : l’éloge et
l’enthousiasme. Au regard de notre temps, l’on
devine des qualités, l’on perçoit aussi
les défauts d’un homme hors des normes de son
époque. Sa vie a été loin de tout repos, il fut
même très exposé. S'il a su se faire
de nombreuses relations, il allait connaître un nombre
d’ennemis ou d’oppositions fortes à sa
personnalité et à ses idées. Il aura eu
tendance à provoquer certaines hostilités. Il
n’était pas en soit un conformiste, mais il chercha une
reconnaissance sociale forte, puis la mise à profit de ses
lectures lui donnèrent comme un influx pour mettre en œuvre
un projet démesuré.
Entre le jeune capitaine espagnol et celui combattant en tant que
général pour la République
française, c’est tout une évolution,
puis une maturité qui prenait source dans un
itinéraire peu commun de la Havane à
Saint-Petersbourg. Un cheminement qui le mena à
défendre un plan d’émancipation
spécifique et au profit des habitants des
Amériques Latines. Il ne fut pas le seul
précurseur des indépendances des
hispano-américains, mais il est celui qui transforma son
objet en une lutte politique. On peut avoir le sentiment
qu’il passa d’une chancellerie à une
autre pour des besoins obscurs, - qu’il se vendit à
telle ou telle puissance ?
Non, il tenait la gouverne d’une idée
plutôt bien accueillie dans les cours européennes
: en finir avec la colonisation espagnole. Plus exactement comment
affaiblir l’Espagne trouva un écho certain.
Même la Russie avait des intérêts
à faire valoir sur le continent américain, et il
n’y a rien d’étrange que Miranda trouva
là l’occasion auprès de la tzarine
Catherine II de se faire entendre. S’il trouva une nouvelle
couverture, par ailleurs des financements, il n’était pas dupe
et ce fut avec sa participation à la Révolution
française qu’il allait pouvoir exprimer au grand jour
ses idées révolutionnaires. A un moment de sa vie
cet homme s’était tracé une ligne de conduite et il
n’en a pas vraiment démordu.
De sa naissance à Caracas à sa mort dans une
prison près de Cadix en Espagne, nous pouvons à
travers le personnage de Francisco Miranda découvrir un pan
d’histoire allant de 1750 à 1816 et se rapportant
aux relations entre l’Europe et
l’Amérique. L’on découvre
ainsi un monde, qui peu à peu se transforma et faire
entrée le continent américain dans
l’histoire contemporaine de plein pied. Les grandes puissances
coloniales étaient en œuvre depuis la découverte des
Antilles en 1492. Espagne, Pays-Bas (Hollande ou Provinces-Unies),
Portugal, France, Angleterre, Russie et même la
Suède allaient vouloir étendre leurs territoires
au-delà des mers et de nord en sud. Ainsi, se déroula sur
trois siècles la colonisation et la conquête du
dit nouveau monde. Au milieu du dix-huitième siècle,
en Amérique prédominait le Royaume
d’Espagne, ses territoires s’étendaient de
Buenos-Aires à Los-Angeles et se subdivisaient en quatre
vice-royautés.
Depuis le traité de Tordesillas (en 1494), la
présence portugaise resta limitée au
Brésil, en réalité, les enjeux
frontaliers prirent fins véritablement à la
signature du traité de Madrid en 1750. Colons Français et Anglais étaient en conflit dans la partie nord
continentale ou en concurrence au sud avec les royaumes
ibériques. De nombreux conflits notamment
armés se déroulèrent entre les
différentes puissances, c’est en 1763 sous Louis
XV que fut scellé le traité de Paris entre la
France et l’Angleterre mettant un terme à la
« guerre de sept ans ». Ce traité
entraîna la perte du Canada et de l’Inde et une
disparition progressive de l’influence militaire de la France
outre-Atlantique. Il est stipulé à l'article IV
que :
« Sa
Majesté Très Chrétienne renonce
à toutes les Prétentions, qu'Elle a
formées autrefois, ou pu former, à la Nouvelle
Écosse, ou l'Acadie, en toutes ses Parties, & la garantit toute
entière, & avec toutes ses Dépendances,
au Roy de la Grande Bretagne. »
Au long du XVIIIe siècle, les relations entre la
France et l’Espagne furent moins tendues, et on le doit en
partie à des liens matrimoniaux, en particulier avec la
famille Bourbon de Parme ou d’Anjou. La Maison de Bourbon
d’Espagne accédait avec Philippe V en tant que duc
d’Anjou au trône d’Espagne de
1700 à 1746 (et petit-fils de Louis XIV). Dans les deux pays
règne la famille Bourbon et une certaine idée du
centralisme et du rôle quasi divin des monarques. De
l’autre côté des
Pyrénées, le poids et l’influence de
l’Inquisition faisait vivre un ordre de terreur. Si la
France s’ouvrit en partie aux idées des
Lumières, l’Espagne monarchique a eu du mal
à se réformer et engageait contre son vouloir
et faute de se réformer le déclin de son empire
colonial. Le royaume castillan a été le moins
prégnant aux idées «libérales», il est même ce en quoi des
souverains comme Catherine II de Russie et
Frédéric II de Prusse cherchèrent à
se démarquer.
Le monde dans lequel allait Francisco Miranda grandir et devenir un homme
vit ses dernières heures ou son apogée. Il fut
dans un certain sens le produit de l’Espagne outre-mer, mais
c’est au contact des nouvelles pensées
qu’il devint un républicain très
à l’écoute des aspirations de
libération du genre humain. Quand Miranda n’était
encore qu’un aspirant bachelier en 1767, il était
décrété l’expulsion des
jésuites d’Amérique Latine. Pour ce
garçon de bonne famille, hors l’exercice du culte,
l’apprentissage des armes était une voie obligée, et
son goût prononcé pour la culture livresque de son
temps finit par lui faire prendre conscience de son appartenance
à un monde non conventionnel ou en mutation.
La conséquence de ce renvoi des communautés de la
Compagnie de Jésus a été au centre de sa
détermination future à libérer les
Amériques espagnoles de leur tutelle. Miranda publia en
1797 en français une lettre du jésuite Guzman
Viscardo, à l’adresse des espagnols
américains. Il s’agissait de convaincre
qu’il était tout à fait possible
d’émanciper des gens de tout horizon social ou
d’origine. Un manifeste en faveur de
l’émancipation ou tout devenait possible, mais
à la condition de rompre avec le colosse colonial et
fédérer les points de vue.
De
la déclaration d’indépendance du Vénézuéla en 1811 à celle de Cuba en
1898, tout au long du XIXe siècle s’engagea la fin de la
colonisation et de la domination des couronnes d’Espagne et
du Portugal. Pour l’Espagne, ce fut l’une des plus
vastes colonies connue de mémoire humaine
s’étendant de Mexico à Buenos-Aires,
mais aussi jusqu’aux Philippines. L’histoire des
Amériques Latines est un pan de la mémoire
universelle et le bicentenaire des indépendances une
occasion de faire appel à quelques faits historiques ou
personnages illustres, mais pas seulement.
Si l’histoire est un outil fondamental, on ne peut pas
aborder le sujet, si l’on ne s’interroge pas de
même sur les raisons économiques de la
colonisation. De comment les puissances européennes de
l’Ouest ont pu se développer et
prospérer notamment entre le XVIe et le XVIIIe
siècle grâce aux richesses des
différents Eldorado en présence.
L’Espagne pour de nombreuses raisons n’a pas
été la seule à en profiter, de Madrid
mais surtout en Flandre un essor du commerce et une accumulation des
richesses financières ouvrit les portes à un
marché en voie de mondialisation,
c’est-à-dire vers l’expansion du
capitalisme en tout lieu de la planète. Cette pré-accumulation du capital aux mains des puissances
notamment navales offrit aussi la perspective d’une
domination coloniale et économique de
l’hémisphère Sud.
Comment peut-on 200 ans après comprendre ce qui
s’est déroulé entre l’Europe
de l’Ouest, notamment en Espagne? Comment allait
éclore de nouvelles élites outre-atlantique, et
ouvrir une saillie au sein de l’un des plus vieux empires
coloniaux? La rupture ne se fit pas en seul jour, et ce qui se passa
en Espagne avec la chute ou reddition à Bayonne de Ferdinand
VII par Napoléon 1er, ébranla un
système monarchique à bout de souffle. La
présence des troupes françaises et la nomination
de Joseph Bonaparte, frère de l’empereur Français comme roi d’Espagne était un tournant
décisif du déclin de l’Empire
castillan, un point de non-retour. Il permit ainsi aux
élites créoles latino-américaines de
soutenir dans un premier temps le souverain déchu, puis de
faire entrer de plein fouet toutes les contradictions dans un
système de très grandes
inégalités. Une longue série de
soulèvement sans retour possible à la
normal engageait la fin de l’empire espagnol vers la
naissance des nations latines affranchies.
Avec le bicentenaire des indépendances, voilà une
belle occasion de faire connaître un peu mieux le
rôle de Francisco de Miranda (1750-1816) dans la
libération des colonies espagnoles et
l’émergence des idées
républicaines à la fin du dix-huitième
siècle. Mais pas seulement, il importe de faire
découvrir ce personnage historique en raison de sa nature
peu ordinaire et d’une histoire qui confine avec la fiction.
Comme l’écrit très justement
l’historienne Carmen Borhoquez à son sujet, il lui
manque un grand auteur de roman, mais aussi une grande adaptation de sa
vie au grand écran (il existe toutefois en espagnol : Miranda regressa, année 2007). On ne peut pas dire qu’il
n’a pas laissé de traces, au contraire, il reste
de gros volumes de ses écrits, mais il est difficile au
regard du travail historique de croire à tout ce qui a pu
s’écrire à son sujet.
Petit correctif de l'année 2017 : Miranda avait fait don
d'une partie de sa bibliothèque au Vénézuéla les textes anciens et
grecs de philosophie (3.000 livres), et sa femme Sarah Andrew-Miranda
s'y conforma et vendit le reste des ouvrages dans les années 1820 pour
subvenir à ses besoins. Et un des fils de Francisco et Sarah a eu un rôle au côté de Bolivar en Grande Colombie. Depuis 2014, sa
maison de Londre été rénovée et réouverte au public grace aux soins et
aides de la République Bolivarienne du Vénézuéla.
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Dumouriez et Miranda, septembre 1792
(portrait en pied de Dumouriez)
Histoire des Girondins (extraits) d'Alphonse de Lamartine
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« Pendant que l'interrègne de la royauté à la république livrait ainsi
Paris aux satellites de Danton, la France, toutes ses frontières
ouvertes, n'avait plus pour salut que la forêt d'Argonne, et le génie
de Dumouriez.
Nous avons laissé, le 2 septembre, ce général enfermé avec seize mille
hommes dans le camp de Grand-pré et occupant, avec de faibles
détachements, les défilés intermédiaires entre Sedan et
Sainte-Menehould, par où le duc de Brunswick pouvait tenter de rompre
sa ligne et de tourner sa position. Profitant, heure par heure, des
lenteurs de son ennemi, il faisait sonner le tocsin dans tous les
villages qui couvrent les deux revers delà forêt d'Argonne, s'efforçait
d'exciter dans les habitants l'enthousiasme de la patrie, faisait
rompre les ponts et les chemins par lesquels l'ennemi devait
l'aborder, et abattre les arbres pour palissader les moindres passages.
Mais la prise de Longwy et de Verdun, les intelligences des
gentilshommes du pays avec les corps d'émigrés, la haine de la
Révolution et la masse disproportionnée de l'armée coalisée,
décourageaient la résistance. `
Dumouriez, abandonné à lui-même par les
habitants, ne pouvait compter que sur ses régiments. Les bataillons de
volontaires qui arrivaient lentement de Paris et des départements, et
qui s'organisaient à Châlons, n'apportaient avec eux que
l'inexpérience, l'indiscipline et la panique. Dumouriez craignait plus
qu'il ne désirait de pareils auxiliaires. Son seul espoir était dans sa
jonction avec l'armée que Kellermann, successeur de Luckner, lui
amenait de Metz. Si cette jonction pouvait s'opérer derrière la forêt
d'Argonne avant que les troupes du duc de Brunswick eussent forcé ce
rempart naturel, Kellermann et Dumouriez, réunissant leurs forces,
pouvaient opposer une masse de quarante-cinq mille combattants aux
quatre-vingt-dix mille coalisés, et jouer, avec quelque espoir, le sort
de la France dans une bataille.
Kellermann, digne de comprendre et de seconder cette grande pensée,
servait sans jalousie le dessein de Dumouriez satisfait de sa part de
gloire, pourvu que la patrie fût sauvée. Il se portait obliquement de
Metz a l'extrémité de l'Argonne, avertissant Dumouriez de tous les pas
qu'il faisait vers lui. Mais l'intelligence supérieure qui éclairait
ces deux généraux restait invisible pour la masse des officiers et des
troupes; au camp même de Dumouriez on ne voyait dans cette immobilité
qu'une obstination fatale à tenter l'impossible on y présageait
l'emprisonnement certain de son armée entre les vastes corps dont le
duc de Brunswick allait l'envelopper et l'étouffer. Les vivres étaient
rares et mauvais. Le général lui-même mangeait le pain noir de
munition. Des légumes et point de viande, de la bière et point de vin.
Les maladies, suite de l'épuisement, travaillaient les troupes. Les
murmures sourds aigrissaient les esprits. Les ministres, les députés,
Luckner lui-même, influencés par les correspondances du camp, ne
cessaient d'écrire à Dumouriez d'abandonner sa position compromise et
de se retirer à Châlons. Ses amis l'avertissaient qu'une plus longue
persévérance de sa part entraînerait sa destitution, et peut-être un
décret d'accusation contre lui.
Ses propres lieutenants forcèrent un matin l'entrée de sa tente, et,
lui communiquant les impressions de l'armée, lui représentèrent la
nécessité de la retraite. Dumouriez, appuyé sur lui seul, reçut ces
observations avec un front sévère. « Quand je vous rassemblerai en
conseil de guerre, j'écouterai vos avis, leur dit-il, mais en ce moment
je. ne consulte que moi-même. Seul chargé de la conduite de la guerre,
je réponds de tout. Retournez à vos postes, et ne pensez qu'à bien
seconder les desseins de votre général. » L'assurance du chef inspira
confiance aux lieutenants. Le génie a ses mystères, qu'on respecte même
en les ignorant.
De légères escarmouches toujours heureuses entre l'avant-garde des
Prussiens, qui s'avançaient enfin vers la forêt, et les avant-postes de
Dumouriez, rendirent la patience aux troupes le coup de fusil et le pas
de charge sont la musique des camps. Miaczinski, Stengel et Miranda
repoussèrent partout les Prussiens. On connaît Miaczinski et Stengel,
hommes de choix de Dumouriez. Miranda lui avait été envoyé récemment
par Pétion. Le général voulut éprouver Miranda dès le premier jour il
en fut content. Miranda, qui prit depuis une si grande part dans les
succès et dans les revers de Dumouriez, était un de ces aventuriers qui
n'ont que les camps pour patrie et qui portent leur bras et leurs
talents à la cause qui leur semble la plus digne de leur sang. Miranda
avait adopté celle des révolutions par tout l'univers. Né au Pérou (ndr
- au Vénézuéla), noble (non), riche, influent (pas du tout) dans l'Amérique espagnole, il
avait tenté jeune encore d'affranchir sa patrie du joug de l'Espagne.
Réfugié en Europe avec une partie de ses richesses, il avait voyagé de
nation en nation, s'instruisant dans les langues, dans la législation,
dans l'art de la guerre, et cherchant partout des ennemis à l'Espagne
et des auxiliaires à la liberté.
La Révolution française lui avait paru
le champ de bataille de ses idées. Il s'y était précipité. Lié avec les
Girondins, jusque-là les plus avancés des démocrates, il avait obtenu
d'eux, par Pétion et par Servan, le grade de général dans nos armées.
Il brûlait de s'y faire un nom dans la guerre de notre indépendance,
pour que ce nom, retentissant en Amérique, lui préparât dans sa patrie
la popularité, la gloire et le rôle d'un Lafayette. Miranda, dès le
premier jour de son arrivée au camp, montra cette valeur d'aventurier
qui naturalise l'étranger dans une armée. Un autre étranger, le jeune
Macdonald, issu d'une race militaire d'Écosse transplantée en France
depuis ta révolution de son pays, était aide de camp de Dumouriez. Il
apprenait au camp de Grand-pré, sous son chef, comment on sauve une
patrie. Il apprit plus tard, sous Napoléon, comment on l'illustre;
maréchal de France à la fin de sa vie, héros à son premier pas ».
(…) « Trois commissaires de la Convention, Sillery, Carra et
Prieur, arrivèrent au camp le 24 pour y faire reconnaître la
république. Dumouriez n'hésita pas. Quoique monarchiste, son instinct
lui disait que la question du jour n'était pas le gouvernement, mais la
patrie. D'ailleurs il avait l'ambition grande comme le génie, vague
comme l'avenir. Une république agitée au dedans, menacée au dehors, ne
pouvait pas mécontenter un soldat victorieux à la tête d'une armée qui
l'adorait. La royauté abolie, il n'y avait rien de plus haut dans la
nation que son généralissime. Les commissaires avaient aussi pour
mission de ramener l'armée au delà de la Marne. Dumouriez leur demanda
six jours. Il les obtint. Le septième jour, au lever du soleil, les
vedettes françaises virent les collines du camp de la Lune nues et
désertes, et les colonnes du duc de Brunswick filer lentement entre les
mamelons de la Champagne et reprendre la direction de Grand-pré. La
fortune avait justifié la persévérance. Le génie avait lassé le nombre.
Dumouriez était triomphant. La France était sauvée.
A cette nouvelle,
un cri général de « Vive la nation ! » s'éleva de tous les postes de
l'armée française. Les commissaires, les généraux, Beurnonville,
Miranda, Kellermann lui-même, se jetèrent dans les bras de Dumouriez,
et reconnurent la supériorité de ses vues et la toute-puissance de sa
volonté. Les soldats le proclamèrent le Fabius de la patrie. Mais ce
nom, qu'il acceptait pour un jour, répondait mal a l'ardeur de son âme,
et il rêvait déjà au dehors le rôle d'Annibal, plus conforme à
l'activité de son caractère et à l'obstination de son génie. Celui de
César pouvait aussi le tenter un jour au dedans. Cette ambition de
Dumouriez explique seule la retraite impunie des Prussiens à travers un
pays ennemi, par des défilés faciles à changer en fourches Caudines, et
sous te canon de cinquante mille Français, devant lesquels l'armée
décimée et énervée du duc de Brunswick avait à opérer une marche de
flanc ».
Ps : Même s'il n'est jamais
désagréable de lire Lamartine, cependant il n'est pas fiable comme
historien, il faut y voir une illustration littéraire pleine
d'allégorie en partie fausse ou un manque de recherche sur le sujet.
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Source : Gallica-Bnf - Livre vingt-septième - pages 153 à 157 et page 192
Histoire des Girondins d'Alphonse de Lamartine - 1861
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CHRONOLOGIE
de la vie
de Francisco Miranda (1750 à 1816)
(et le traité d'alliance
France/Etats-Unis)
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Lionel Mesnard, le 17
février 2011
Quelques
éléments sur son enfance
1750, le 28 mars : Naissance de Francisco
Miranda à Caracas au Vénézuéla, il est baptisé le
5 avril sous les prénoms de Sebastiàn (premier
prénom de son père) et de Francisco. Son
géniteur est Sebastián de Miranda Ravelo,
originaire des îles Canaries et commerçant
drappier, sa mère est Francisca Antonia Rodríguez
de Espinoza, née à Caracas. Premier
enfant, il aura en tout neuf frères et sœurs.
1756 : Naissance de son frère Antonio Gabriel, - autres
frères et sœurs : Ana Antonia, Rosa Agustina,
Micaela Antonia, Miguel Francisco, Ignacio José, Josefa
Maria, Josefa Antonia. Seuls six enfants sur les dix parviendront
à l’âge adulte.
1762 à 1764 : Miranda est inscrit et membre du collège de Santa Rosa
à Caracas. Il y apprendra le latin et il suivra des
études religieuses. Deux ans après, il suit des cours en arts plastiques auprès de
Francisco Urbina au sein de l’université
de Caracas.
1767 : Les jésuites (5.000 environ) sont
expulsés d’Amérique Latine par Charles
ou Carlos III d’Espagne. Miranda est possiblement bachelier, mais rien ne
l’atteste. Tout comme on peut envisager son entrée à l'université, mais sans pouvoir l'assurer.
1769 : Son
père Sebastiàn est contesté publiquement par le gouverneur, le
considérant de trop "basses conditions" (un "blanc de second rang" selon les classifications), critiquant de fait les choix
de la noblesse locale à accepter la désignation d'un petit marchand (sa
femme est boulangère). Le père de Miranda
n’appartient pas à la noblesse locale
héritière des conquérants (les
mantuanos). Au sein de
l’aristocratie locale, des rumeurs de métisssages circulent en raison
de son titre de capitaine de
la milice "blanche" de Caracas (la 6ème compagnie des fusiliers
volontaires), et dans son cas d'appartenir au groupe social et culturel
que l’on
nomme les péninsulaires (il est né aux
île Canaries). Sebastian Miranda perd dans un premier temps son titre
d’officier. Puis il sera
réintégré l’année
suivante.
Miranda, jeune officier espagnol
1771 : En début janvier, Miranda présente une
sollicitude auprès du Capitaine
Général Solano pour entrer au service de
L’Espagne. Il consulte aussi les autorités
religieuses (le vicaire de Caracas). Il souhaite abandonner au plus
vite l’Amérique Latine, et déclare
n’avoir aucun empêchement le retenant. Il trouve
l’accord des recteurs de la Cathédrale de Caracas
et la signature de Juan Vicente Bolivar (père de Simon). Il
embarque fin janvier sur la frégate suédoise
« Prince Frederik » (via l’île
de Puerto-Rico) et le 28 février, Miranda arrive par le port
de Cadix en Espagne. Il commence à rédiger son
journal de bord à partir de son départ du Vénézuéla (qu’il alimentera près de quatre
décennies). En mars, il s’installe à
Madrid, il dispose d’un logement. Il entreprend des
études pour apprendre le français et
l’anglais, son goût des livres commence
à se manifester. Il sera amené à
prouver s’il souhaite entreprendre une carrière
militaire, qu’il est de « sang pur » (en
particulier ni juif, ni noir). En novembre, après avoir
reconstitué une généalogie familiale
avec des ascendances nobles auprès des autorités,
il rajoute une particule à son nom et il devient
de Miranda. En décembre, il entre au service de
l’Espagne, comme capitaine au sein d’un
régiment d’infanterie. Auparavant, il
achète à un tiers pour une forte somme son titre
d’officier. Le seul moyen qu’il dispose pour
postuler.
1774 à 1775 : Il est affecté en Afrique
du Nord sous les ordres du comte Alejandro O’Reilly, et celui
qui deviendra est un de ses amis les plus précieux Juan
Manuel Cagigal. Le roi Carlos ou Charles III déclare la
guerre au sultan du Maroc. Miranda se fait remarqué dans la
défense de Melilla. Il y est présent avec son
régiment en décembre. Il y tiendra un
siège de 3 mois dont il sortira vainqueur. Il plaidera
auprès du roi une décoration et des honneurs qui
ne lui seront pas reconnus. Il ira aussi combattre en
Algérie, cette offensive se soldera par un échec
militaire. Son peu de conformité, ou pour d’autres
sa légèreté le mènera
à aller en prison pour insubordination, bien qu’il
soit par ailleurs considéré comme un officier de
grande valeur.
1776 : Révolution d’indépendance des
Etats-Unis. Rencontre à Gibraltar avec John Turnbull,
commerçant, ami de Miranda et un de ses principaux
financiers tout au long de sa vie "militante".
1777 : Sa mère décède au Vénézuéla.
1778 : Un traité d'alliance est signé
le 6 février à Paris entre la France et
les Etats-Unis (extraits ci dessous). En Espagne, Miranda est en prise
avec le tribunal de l’Inquisition en raison d’une
conduite considérée comme contraire aux normes ou
lois du Royaume. Il dispose en particulier d’une
bibliothèque contenant des ouvrages interdits (notamment les
philosophes des Lumières).
Traité
d'alliance
éventuelle et défensive,
conclu à
Paris le 6 février 1778
entre
la France et les Etats-Unis de l'Amérique
Sa Majesté Très Chrétienne (SMTC) et les
Etats-Unis de l'Amérique septentrionale, savoir :
New-Hamshire, la baye de Massachussett, Rhode Island, Connecticut,
New-York, New-Jersey, Pensylvanie, Delaware, Maryland, Virginie, la
Caroline supérieure, la Caroline méridionale et
Georgie, ayant conclu aujourd'hui un Traité
d'amitié et de commerce pour l'avantage
réciproque de leurs sujets et citoyens, ils ont cru
nécessaire de prendre en considération les moyens
de raffermir ces engagements et de les rendre utiles à la
sûreté et à la tranquillité
des deux Parties, notamment dans le cas où la
Grande-Bretagne, par ressentiment de ces liaisons et de la bonne
correspondance qui forme l'objet dudit Traité, se porterait
à rompre la paix avec la France, soit en l'attaquant
hostilement soit en troublant son commerce et sa navigation d'une
manière contraire au droit des gens et aux
Traités qui subsistent entre les deux Couronnes ; Et S.M. et
lesdits Etats-Unis ayant résolu éventuellement
d'unir dans le cas prévu leurs conseils et leurs efforts
contre les entreprises de leur ennemi commun, les
Plénipotentiaires respectifs, chargés de
concerter les clauses et conditions propres à remplir leurs
intentions, ont conclu et arrêté les points et
articles qui s'ensuivent :
Article premier.
Si la guerre éclate entre la France et la Grande-Bretagne
pendant la durée de la guerre actuelle entre les Etats-Unis
et l'Angleterre, S.M. et les Etats-Unis feront cause commune et
s'entraideront mutuellement de leurs bons offices, de leurs conseils et
de leurs forces, ainsi qu'il convient à de bons et
fidèles alliés.
Article 2.
Le but essentiel et direct de la présente Alliance
défensive est de maintenir efficacement la
liberté, la souveraineté et
l'indépendance absolue et illimitée desdits
Etats-Unis tant en matière de politique que de commerce.
Article 3.
Les deux Parties Contractantes feront, chacune de leur
côté et de la manière qu'elles jugeront
plus convenable, tous les efforts en leur pouvoir contre leur ennemi
commun, afin d'atteindre au but qu'elles se proposent. (…)
Article 8.
Aucune des deux Parties ne pourra conclure ni paix ni trêve
avec la Grande-Bretagne sans le consentement préalable et
formel de l'autre partie ; et elles s'engagent mutuellement
à ne mettre bas les armes que lorsque
l'indépendance des dits Etats-Unis aura
été assurée formellement ou tacitement
par le Traité ou les Traités qui termineront la
guerre.
Article 9.
Les Parties contractantes déclarent qu'étant
résolues de remplir, chacune de son
côté, les clauses et conditions du
présent Traité d'alliance, selon son pouvoir et
les circonstances, elles n'auront aucune
répétition ni aucun dédommagement
à se demander réciproquement quel que puisse
être l'événement de la guerre.
Article 10.
Le Roi T.C. et les Etats-Unis sont convenus d'inviter ou d'admettre
d'autres puissances qui auront des griefs contre l'Angleterre,
à faire cause commune avec eux et à
accéder à la présente Alliance, sous
telles conditions qui seront convenues librement et
agréées entre toutes les Parties.
Article 11.
Les deux parties se garantissent mutuellement, dès
à présent et pour toujours, envers et contre
tous, savoir : les Etats-Unis à S.M.T.C. les possession
actuelles de la Couronne de France en Amérique ainsi que
celles qu'elle pourra acquérir par le futur
Traité de paix ; et S.M.T.C. garantit de sa part aux Etats
Unis leur souveraineté, leur liberté et leur
indépendance absolue et illimitée, tant en
matière de politique que de commerce, ainsi que leurs
possessions et les accroissements ou conquêtes que leur
confédération pourra se procurer pendant la
guerre d'aucun des domaines maintenant ou ci-devant
possédés par la Grande-Bretagne dans
l'Amérique septentrionale, conformément aux
articles 5 et 6 ci-dessus, le tout ainsi que leurs possessions seront
fixées et assurées auxdits Etats au moment de la
cessation de leur guerre actuellement contre l'Angleterre .
Article 12.
Affin de fixer plus précisément le sens et
l'application de l'article précédent, les Parties
Contractantes déclarent que, en cas de rupture entre la
France et l'Angleterre, la garantie réciproque
énoncée dans ledit article aura toute sa force et
valeur du moment où la guerre éclatera. Et si la
rupture n'avait pas lieu, les obligations mutuelles de ladite garantie
ne commenceraient que du moment susdit où la cessation de la
guerre actuelle entre les Etats Unis et l'Angleterre aura
fixé leurs possessions.
Article 13.
Le présent Traité sera ratifié de part
et d'autre, et les ratifications seront échangées
dans l'espace de six mois ou plus tôt si faire se peut.
En foi de quoi, les Plénipotentiaires respectifs, savoir :
de la part du Roi T.C. le Sieur Conrad Alexandre Gérard,
Syndic royal de la ville de Strasbourg, Secrétaire du
Conseil d'Etat de S.M. ; et de la part des Etats Unis, les Sieurs
Benjamin Franklin, Député au Congrès
général de la part de l'Etat de Pensylvanie et
Président de la Convention dudit Etat, Silas Deane,
ci-devant Député de l'Etat de Connecticut, et
Arthur Lee, Conseiller ès-lois, ont signé les
articles ci-dessus, tant en langue française qu'en langue
anglaise ; déclarant néanmoins que le
présent Traité a été
ordinairement rédigé et
arrêté en langue française, et ils y
ont apposé le cachet de leurs armes.
Fait à Paris, le 6e
jour du mois de février 1778.
C.A.
GERARD.
B. FRANKLIN.
SILAS DEANE.
ARTHUR LEE.
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1779 : Le 27 juin, la France alliée de l’Espagne
déclare la guerre à l’Angleterre en
raison d’un pacte familial datant de 1761.
L’objectif de l’Espagne est de conquérir
de nouveaux espaces, et se réapproprier la Floride aux mains
des Anglais.
1780 : Miranda part à la Havane (Cuba) comme capitaine au
sein du régiment d’Aragon. Il est sous les ordres
de nouveau de Juan Manuel Cagigal, Capitaine
Général de Cuba et Gouverneur
jusqu’à sa mise en cause lui aussi par le tribunal
de l’Inquisition peu d’années
après. Soulèvement de Tupac Amaru au
Pérou, premier mouvement social et politique
amérindien dans les Andes.
1781 Miranda part appuyer Bernardo de Calvez, Gouverneur de
la Louisiane contre les Anglais à Pensacola en Floride,
comme aide de camps. Il est mêlé à un
trafic d’esclave et s’engage les débuts
de sa longue traque judiciaire avec les autorités
espagnoles. Pour l’Inquisition, il doit être mis en
prison. Cette décision ne sera jamais annulée et
pèsera toute sa vie comme un lourd fardeau. La même
année, il est nommé lieutenant-colonel par le
Gouverneur JM Cagigal, qui lui donne une nouvelle mission en
Jamaïque. Le but étant
d’échanger des prisonniers entre Anglais et
Espagnols et de s’enquérir des défenses
du pays mises en place par les britanniques. A Cuba de retour de
Jamaïque, il est mis aux arrêts par
l’intendant et les cargaisons sont saisies par les
autorités fiscales, on le soupçonne de
contrebande. Cagigal fait la démonstration du rôle
qu’il a tenu à son service dans cette
expédition en partie secrète et pour la
royauté, il soulève momentanément les
soupçons. Cette même année
début mars, en Nouvelle-Grenade (la Colombie actuelle)
éclate dans plusieurs villes des heurts contre la hausse des
impôts, de ce conflit naît le mouvement connu sous
le nom des « Comuneros ».
1782 : Suites aux ordonnances du tribunal de l’Inquisition,
il est fait de nouveau arrêté par de Calvez, qui
le remet à Cagigal, ce dernier le remettant en
liberté et tentant une fois de plus
d’écarter les attaques à son sujet. En
partant de Cuba, il participe à
l’expédition navale espagnole dans les
îles Bahamas, et négocie la capitulation de ces
mêmes îles. Ce sera sa
dernière mission pour la couronne d’Espagne.
Rupture avec l’Espagne, les voyages de Miranda aux Etats-Unis
et en Europe
1783 : En juin, il débarque à Newbern en Caroline
du Nord. On peut parler de rupture. Miranda n’est plus au
service de l’Espagne, toutefois il va chercher par des
courriers et de longues années durant à plaider
sa cause et jusqu’au roi. Il restera 18 mois aux Etats-Unis.
Il y fait d’importantes rencontres comme les colonels John
Skey Eustace et Smith. Le traité de Paris est
signé le 3 septembre, il met fin à la guerre
d’indépendance et permet la reconnaissance
officielle des Etats-Unis. Après un séjour
à Charlestone, en novembre Miranda part pour Philadelphie,
la capitale du nouvel état. En décembre il
rencontre Georges Washington lors d’un dîner. Il
est par ailleurs condamné par l’Espagne
à 8 années de déportation en Afrique
du Nord. John Adams, deuxième président
étasunien, 30 années plus tard le
décrira comme un observateur avisé et fin connaisseur
de la révolution d’indépendance des
Etats-Unis.
1784 : En janvier, il se rend à New York. Il va chercher
à s’informer sur la stratégie
opérée au moment de la révolution
d’indépendance étasunienne et visite de
nombreux lieux à caractère militaire dont West
Point, ainsi qu’il s’intéresse au
fonctionnement de la justice et aux institutions
démocratiques. Il se fait de nouvelles rencontres et
amitiés, il se lie à Henri Knox, Alexander
Hamilton et le Marquis de Lafayette. Il ébauche un projet
militaire d’émancipation des Amériques
espagnoles qu’il soumet à Knox pour ses faits
d’arme. Non seulement, Francisco de Miranda va continuer
à demander sa clémence auprès du
royaume espagnol, tout en posant les premières pierres de ce
qui fut le combat de sa vie, c’est-à-dire
l’indépendance des Amériques
espagnoles.
1785 : Miranda est en Angleterre. Il écrit à
Floridablanca, Premier ministre du roi Charles III et
rencontre Bernardo del Campo, lui même ministre de la
couronne espagnole à Londres. On lui conseillera fortement
de visiter l’Europe, ce qu’il va faire pendant 4
ans. Il va ainsi se transformer auprès de nombreuses cours
européennes comme le chantre des indépendances
latino-américaines, tout en se faisant au début
passé pour un officier supérieur de son ancienne
armée. Il ne cachera pas à travers ses
écrits le côté fantaisiste de la chose,
entre autres de s’habiller en ce qu’il
n’était plus, c’est-à-dire un
officier espagnol. Il se rend en Hollande, puis à Potzdam
après avoir rendu visite à
l’Académie militaire prussienne, il dîne
avec Frédérique II de Prusse. Il passe par
l’Autriche et puis se rend en Hongrie, il y rencontrera le
musicien Joseph Haydn. Il décide ensuite de visiter
l’Italie et ces cités prestigieuses.
1786 : Fin janvier, il arrive à Rome. Il va en juin
s’embarquer pour Constantinople et continue son
périple jusqu’à la Crimée.
1787 : Arrivé en Russie, il établit des liens
importants avec Grigori Potemkine, il va ainsi gagner
l’attention et la reconnaissance de Catherine II de Russie.
Le pouvoir tsariste va semble-t-il adopter sa cause et lui offrir un
asile, puis une aide confortable. Il va pouvoir ainsi revêtir
un uniforme de colonel russe et trouver accueil auprès de
toutes les délégations diplomatiques en
territoire européen. En sus, il touchera de la part de la
tzarine quelques subsides financiers. Toutefois, il n’est pas
dupe sur les intentions des monarques qu’il rencontre au long
de son voyage en Europe, notamment s’ils se
réclament d’un despotisme
éclairé. En septembre, il se rend en
Suède et rencontrera Gustav III à Stockholm, puis
il poursuit par la Norvège et le Danemark.
1788 : Il rencontre le ministre des affaires
étrangères Danois. Il fait part d’un
certain ennui, son voyage scandinave s’achève. Il
se rend à Lubeck, Hambourg, Rothenburg et Brême.
Il est informé que son ami Cajigal est en prison et sert de
moyen de pression aux mains des Espagnols. Il visite la Hollande,
s’informe sur les travaux de Vauban et de ses fortifications
et arrive en France par Strasbourg. Puis il passe par la
vallée du Rhin pour la Suisse, via Zurich et
Genève, puis en novembre, on le signale à Lyon.
Il se rendra aussi à Marseille et Toulon. De nouveau, il
fait un crochet en Suisse à Genève pour
noël. Cette même année Charles III
d’Espagne meurt et voit Charles IV accèder au trône.
1789 à 1790 : Après une visite des alentours de
Genève et Turin, il va à nouveau à
Marseille, visite la Provence et passe par Nantes avant
d’arrivé à Paris le 24 mai 1789. Le 3
juin, il obtient un faux passeport au nom de Monsieur de Meiroff,
signé par Louis XVI. Il retourne à
Londres, en juillet, dès le 15 il signe des courriers à l'intention de
la tzarine Catherine II. Il engage aussi à nouveau des contacts avec
Del Campo.
Non seulement les soupçons sont renforcés, de
plus Floridablanca veut mettre la main dessus, il représente
un danger.
1791 : Miranda rencontre William Pitt (Premier ministre anglais)
à qui il propose ses services et un plan contre
l’Espagne et la victoire de l’Angleterre
(à la fin juin 1789). Il rompt définitivement
avec l’Espagne et le fait savoir. L’Espagne et la
Grande-Bretagne signent des accords commerciaux, Miranda tente de
s’y opposer mais en vain. Son père
décède à Caracas.
Miranda acteur de la Révolution et de la
République française
1792 : Le 23 mars, il arrive à Paris. On peut parler
d’un tournant majeur dans la vie de Francisco de Miranda. Il
va devenir un acteur de la Révolution française,
à plus d’un titre. Il sera un acteur militaire, de
Maréchal de Camp à Général
de brigade, puis lieutenant Général. Il restera
comme un des héros de Valmy (20 septembre) et son nom sera
inscrit sur l’Arc de Triomphe à Paris sous Louis Philippe (1836). Il
sera sous les ordres du Général
François Dumouriez, Général de
l’Armée du Nord. Comme acteur politique, il va
s’illustrer avec les girondins,
notamment Jérôme Pétion de Villeneuve
qui sera maire de Paris en 1791 et député,
Jacques Pierre Brissot (dit de Warville) chef de file des Girondins et
élu député en 1791, Jean Sylvain
Bailly député et maire de Paris (en juillet
1789). Il fréquentera le salon de Mme Roland, et fera une
rencontre importante avec Delphine de Custine, née de Sabran
(amie de Mme de Staël). Il lui sera proposé par son
ami Brissot de prendre la tête dans une expédition
aux caraïbes et un poste de gouverneur à la clef de Saint Domingue,
il refuse, car contraire à ses ambitions de
libérer l’ensemble latino-américain, de
la Floride à la Terre de feu. Il va aussi
s’illustrer en Belgique en cette fin
d’année, et parade aux côtés du général Dumouriez lors de l'entrée
victorieuse dans Bruxelles, le 14 novembre ; il s'empare avec ses
troupes de la ville
d’Anvers, le 26 novembre.
Le 28 novembre Brissot s'adressant à Dumouriez :
Vous le
connaissez,
vous l'aimez : c'est Miranda; son nom lui vaudra une armée et ses
talents, son courage, son génie tout nous répond du succès. Les
ministres sont tous d'accord sur ce choix, mais ils craignent que vous
refusiez de céder Miranda; je leur ai dit vous ne connaissez pas
Dumouriez....; il brûle de voir la révolution du Nouveau Monde
s'accomplir, il sait que Miranda est le seul homme capable de la faire
et quoi qu'il ait besoin, il le cédera, parce qu'il saura plus utile
ailleurs.
Le Général Dumouriez au Général Miranda :
Quartier
Général, à Liège, le 30 Novembre, 1792,
l'an premier de la République
Française
J'ai reçu, mon cher et brave Miranda, tous les détails relatifs à la prise de la citadelle d'Anvers, que vous m'avez adressés. Je vous ai bien reconnu, mon digne ami, dans la capitulation que vous avez faite ;
elle porte en même temps le cachet du philosophe et du républicain. Je
suis fort inquiet de la petite flotille que j'avais envoyée sur
l'Escaut. J'espère cependant qu'il ne lui sera rien arrivé. Dites au
Général Marassé qu'il me donne avis, lorsqu'elle paraîtra à Anvers.
Vous allez sans doute vous mettre en marche pour augmenter le nombre de
vos succès. Ayez l'attention de me tenir instruit de tous vos
mouvements, afin que je les protège par les miens autant qu'il me sera
possible.
Adieu, mon cher ami, je vous embrasse todo corto, Dumouriez
1793
: Le
3 janvier à l'Assemblée nationale, M. Osselin, secrétaire
de la séance, donne lecture de trois lettres afférant au général
Miranda en campagne militaire. Suit la teneur de ces trois pièces :
1° Lettre adressée au général Miranda par la direction des duchés de Clèves, de Gueldre et de la principauté de Meurs,
pour les droits du Rhin et de là Meuse, qui témoignent toute leur
confiance en la justice du général : Copie de la lettre des citoyens
composant la direction des droits du
roi au général Lamorliére, écrite à Emmerie, le 17 décembre 1792.
« Monsieur, La direction des duchés
de Clèves, Gueldre et de la principauté de Meurs, pour les droits du
Rhin et de la Meuse, apprenant que les armes françaises ont pris
possession du territoire de Sa Majesté prussienne,, a cru de son devoir
de vous dépêcher, Monsieur, les deux députés porteurs de la présente,
savoir : le sieur Schuiewind, inspecteur provincial, et le sieur Le
Brun, contrôleur de la Meuse, lesquels, après vous avoir fait leur
révérence, ont ordre de vous témoigner, mon général, toute la confiance
qu'ils ont en votre justice, ainsi que le maintien de notre collège et
la sécurité des personnes y attachées. Le ton d'humanité, mon général,
avec lequel vous vous annoncez, et que vous pratiquez en tous lieux, a
déjà percé jusqu'à nous et rempli nos cœurs du plus flatteur espoir.
La Direction provinciale des droits du roi, signé : De Nuet. Pour copie conforme à l’original, signé : Miranda. »
2° Copie de la réquisition du général Miranda aux représentants de la ville d'Anvers, en.
date du 31 décembre dernier ; cette réquisition est celle d'un emprunt
de 300,000 livres tournois en numéraire, pour subvenir aux dépenses de
la garnison et des fortifications de cette place : Copie de la
réquisition du général Miranda aux représentants de la
ville d'Anvers et ses quartiers en date du 31 décembre 1792, l’an 1er
de la République.
« Les représentants de la ville
d'Anvers et ses quartiers sont requis de faire un emprunt de 300.000
livres tournois en numéraire à la nation française, pour subvenir aux
dépenses de la garnison et fortifications de ladite place ; laquelle
somme sera remise au commandant des troupes de la République française
que forment sa garnison, par un paiement mensuel, et la présente
servira à ladite ville d'ordre et réquisition à cet effet, pour s'en
entendre à l'égard de leur quote-part, des moyens fournis et à fournir
avec la totalité de la province, et viendront à cesser de la date de
cette réquisition, toute fourniture, logement et frais quelconques, que
ladite ville se trouvait dans le cas de faire journellement à l'armée
susdite. »
Le lieutenant général commandant la
division du Nord de l'armée de Belgique. Signé, Miranda. Pour copie
conforme : Le ministre de la guerre, signé : Pache. »
3° Copie de la lettre datée du
quartier général d'Anvers ; du 30 décembre dernier, par laquelle le
général Miranda informe le ministre des succès de l'entreprise de
l'armée française sur la Gueldre prussienne, sur le duché de Clèves
et sur la principauté de Meurs, conformément aux ordres que le général
donnés au général Lamorlière, commandant son avant-garde. Copie de la
lettre du général Miranda au ministre de la guerre, datée
au quartier général d'Anvers, le 30 décembre 1792, l’an 1er de la
République.
« J'ai la satisfaction de vous
informer, citoyen ministre, que l'entreprise sur la Gueldre prussienne,
duché de Clèves et principauté de Meurs, que j'ai confiée au général
Lamorlière, commandant de mon avant-garde, vient d'être exécutée avec
tout le succès possible, et presque dans toute l'étendue du plan que je
lui ai donné. Le rapport ci-joint, que je viens de recevoir du général
Lamorlière, prouve combien les dispositions du peuple sont en notre
faveur, et combien la conduite et activité dés troupes françaises
ajoutent à notre gloire.
La contribution qu'il a exigée, de deux millions à peu près, de livres
tournois fera connaître au peuple combien nous sommes loin d'imiter
l'exemple que les généraux prussiens nous ont donné en France, en
maltraitant le peuple des provinces où ils ont pu pénétrer et insultant
la nation par des manifestes pétulants et absurdes. Miranda.
« Pour copie conforme: Le ministre de la guerre, Signé : Pache. »
Source : Archives Parlementaires, tome 56, pages 166-167, Stanford-Bnf
Le 5 janvier Miranda est nommé commandant en chef de l'armée de
Belgique et prend part à la campagne de Hollande. Le 21 janvier,
le roi Louis XVI est guillotiné. Le 1er
février, la France déclare la guerre à
la Grande-Bretagne et à la Hollande. Le 13 février, Miranda
mobilise ses soldats suite à la déclaration de
guerre. Deux jours après est publié à
son sujet un pamphlet de son ancien ami Eustace, qui l’accuse
de tous les maux. Cela aura peu de prise. Il est appelé
à combattre à Maastricht (le 21 février), il y remporte un
demi-succès, mais doit concevoir un repli face aux
armées prussiennes. Sur un autre front et en plein champs de
bataille, le général Dumouriez prend en grippe le
Vénézuélien, il rédige pour
la Convention un texte accusant Miranda. Sur le terrain tout prouve
qu'il a bien respecté les ordres et il aurait
plutôt montré un certain élan sur un
objectif qu’il savait par avance perdu. Il rentre
à Paris s’expliquer auprès de ses amis
politiques, mais il ne tient pas encore tous les tenants et
aboutissants de cette affaire, qui le mènent devant un
tribunal révolutionnaire, le 8 avril. Le même mois les
députés de la Montagne, Marat en tête
veulent que Miranda soit jugé, le 30, il adresse à celui-ci une lettre pour une rectification dans son journal l'Ami du Peuple le concernant.
Miranda se trouve pour une
première fois en prison, c’est Fouquier-Tinville
qui sera son accusateur, et ironie du sort, il aura pour avocat
Chaveau-Lagarde, celui de Marie-Antoinette. Suite à la
polémique soulevée, Fouquier-Tinville va remettre
en cause le témoignage d’Eustace,
étonnement, il restera pendant le procès
modéré dans son rôle
d’accusateur. Miranda est finalement blanchi à l'unanimité de toute
accusation et se trouve libre de la prison de la Conciergerie
à Paris, le 16 mai. Sa carrière militaire en France
s’achève, et il s’installe fin mai au
village de Ménilmontant, mais les "Girondins" ont perdu le pouvoir (le 31
mai) et il est à nouveau mis en cause, le 9 juillet : Je
suis en état d'arrestation chez moi par ordre du maire et
administrateur de Police au département de Paris depuis hier au soir 9
heures, en conséquence, je prie la Convention de prendre les mesures
necessaires pour que je puls me rendre devant elle. En septembre, le général se rend devant la
Convention et
expose ses services rendus et les raisons de son
incarcération.
La femme de Pétion, qui allait dans sa famille laisser passer le
temps des orages, est arrêtée avec son fils ; Miranda, qu'avait acquitté
le tribunal révolutionnaire, est de nouveau traduit en prison comme
suspect, sur les dénonciations de son valet, espion de Pache ; tous les
généraux sont mis en arrestation ; Custine, dont j'ai ouï dire aux
princes de Linanges qu'il était le plus redouté d'entre eux par les
Autrichiens, est menacé de perdre la tête. (Mémoires de Madame Roland, guillotinée le 8 novembre 1793)
Déclaration devant la Convention de Jérôme Pétion
sur la trahison du général Dumouriez (03 octobre 93)
Quant à Miranda, les faits sont très simples. J'étais maire de
Paris, lorsque Garran-Coulon le présenta chez moi, il y a à peu près un
an.
Je trouvai dans Miranda un homme extrêmement instruit, un homme ayant
médité les principes des gouvernements, paraissant fortement attaché à
la liberté; un véritable sage. Il venait me voir de distance à autre,
et j'avais avec lui des entretiens très instructifs. Miranda avait servi avec distinction en Amérique, lorsque les Américains versaient leur sang pour la liberté.
L'ennemi était sur notre territoire. Je dis à Miranda : « Vous devriez
prendre du service en France » ; et il y consentit. Je le recommandai au
ministre Servan, comme j'aurais recommandé tout officier que j'aurais
cru pouvoir être utile à la cause de la liberté. Le ministre l'employa,
et il eut lieu de s'en féliciter.
La conduite de Miranda dans les plaines de Champagne, a été louée par
tous ceux qui l'ont connue; elle a été louée par les commissaires ;
Dumouriez ne tarissait pas d'éloges sur son compte.
- Miranda vient d'exposer celle qu'il a tenue dans la Belgique; et je
prie tous les membres de cette assemblée, de lire le compte qu'il vient
de publier.
Si, ce que je ne puis croire, Miranda était coupable, on verra que je
ne serai pas le dernier à m'élever contre lui ; et je serais d'autant
plus sévère à son égard, que je l'aurais cru plus homme de bien.
Mais je l'avoue, il est des faits qui me parlent hautement en sa
faveur. Il est le seul des généraux que Dumouriez ait sacrifié. En même
temps, avant que la trahison de Dumouriez fut connue, Miranda m'a
déclaré, ainsi qu'à Bancal, que Dumouriez l'avait pressenti pour savoir
s'il ferait marcher son armée sur Paris, ce qu'il avait repoussé avec
indignation. Et ce fait, je l'ai dénoncé au comité de défense générale, en présence de Bancal, et avant que la conspiration fût dévoilée.
Or, c'est cet homme que Robespierre ne balance pas
à frapper avec une espèce de férocité. Il ne le frappe pas comme un
prévenu, mais il affirme qu'il est coupable. Lâche que vous êtes!
attendez au moins qu'il ait été entendu; il sera temps alors de
prononcer, de punir ou d'absoudre. (...)
Source : Standford Bnf, Archives Parlementaires,
TOME LXXV du 23/09 au 3/10/1793, page 688
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1794 : Toute cette année, Miranda la passe en prison, ses
ennuis ne font que se prolonger, mais par miracle il échappe
à la dite Terreur et le 28 juillet Robespierre est
guillotiné. En décembre, il adresse un long
mémoire à l’Assemblée
Nationale, mais sans suites et reste incarcéré.
1795 : Finalement, il est libéré. Miranda
s’installe dans une confortable habitation, rue
Saint-Florentin à deux pas de la place de la Révolution (à Paris, actuel 8ème arrondissement). Il
fait publié en juillet un texte intitulé
« l’opinion du Général
Miranda sur la situation actuelle en France ». Il
dîne avec Bonaparte, et laisse dans la bouche de ce dernier
que Miranda est un Quichotte sans folie, mais, les liens avec le
général Bonaparte vont se
détériorer. Ce que lui propose les
Français ne répond pas à ses attentes
et refuse certaines propositions outre-mer. Il rentre dans une certaine
clandestinité et échange une correspondance avec
Me de Staël.
1796 : Miranda connaît quelques tracasseries après
publication dans le journal de Paris d’un article faisant
part de ses persécutions, et émanant semble-t-il
de sa propre plume. Celui qui l’aide à faire
publier cet article est un dénommé Duperon, il
s’avèrera un personnage peu fiable, du moins un
fonctionnaire d’Etat des relations extérieures. Il
est finalement quasi absout par son ami Carnot. Le vice-consul en
conclut qu’il n’y a pas d’affaire Miranda
et que celui-ci est libre de ses mouvements en France. En
décembre, l’Espagne déclare la guerre
à la Grande-Bretagne.
1797 : Entre janvier et jusqu’en septembre, au sein du
Directoire, les rivalités sont à vif entre Barrat
et Carnot (Vices-Consuls). Le coup d’état qui
intervient le 4 septembre, condamne Miranda et ses amis du Directoire
à la réclusion en Guyane. Par chance, il est de
nouveau dans la clandestinité. Il dénoncera
« une blessure mortelle à la liberté
française ». Il engage une correspondance avec
William Pitt, et ne cache pas son souhait de retourner à
Londres. Il restera identifié à jamais comme un
espion au service des Anglais. Du moins, trouvera-t-il un meilleur
accueil de ses idées outre-manche. Ces six années
en France pousse Miranda a une désillusion forte. Mais il
n’abandonne pas son combat de libération des
Amériques espagnoles… Le 22 décembre,
il signe avec Pablo de Olavide, un texte sous le nom d’Acte
de Paris.
Miranda
entre Londres et Paris
1798
: Il part de Paris le 3 février, et se rend
à Calais. Il s’embarque pour
l’Angleterre sous une fausse identité et en parti
grimé. Miranda dès son arrivée
à Londres rend visite à William Pitt (le 15
février). Sur place, il tente aussi de convaincre le
ministre Rufus King des Etats-Unis de faire alliance avec le
Royaume-Uni contre les colonies espagnoles. Cette même année décède le
père jésuite Viscardo y Guzman à Londres. Miranda rédige un projet de
Constitution pour les colonies hispano-américaines allant de Mexico à
Buenos Aires, sauf le Brésil, lusophone. Ce projet a aussi pour nom : Colombeia qui provient du grec et qui était son nom de code...
1799 : Il fait publier pour la première fois, en
français et quasi clandestinement, une Lettre
adressée aux Espagnols-Américains par un de leurs compatriotes (Lire la Lettre),
le texte
original est de Juan Pablo Viscardo et Guzman expulsé du Pérou à partir
de 1767 d'Amérique du Sud (réfugié en Italie, puis en France sous la
Révolution française). Ce
même texte influencera Simon Bolivar lorsqu’il
écrira sa lettre de Jamaïque en 1815. Le texte de
Viscardo sera réédité en espagnol deux
ans plus tard et toujours à Londres, cet écrit
est considéré comme le texte fondateur de
l’émancipation de l’Amérique
Méridionale.
1800 : L’Espagne restitue à la France la Louisiane
et les Britanniques prennent l’île de
Curaçao. Miranda quitte Londres, le 10 octobre pour la
Hollande, suite à une demande émise
auprès de l’ambassadeur de France, il se rend
à Anvers. Il écrit au ministre de
l’intérieur Joseph Fouché, mais il ne
trouve pas auprès de celui-ci un bon accueil. Miranda est
considéré comme suspect et des ordres sont
donnés à Monsieur Herbonville, préfet
d’Anvers, de le refouler. Mais ce dernier est semble-t-il
conquis par sa personnalité et laisse filer Miranda
à Paris avec l’aide de ses amis (Jean-Denis
Lanjuinais, député "girondin" et
président de la Convention en 1795). De Paris, il
écrit de nouveau à Fouché, tout en lui
indiquant une fausse adresse, et prétend disposé
d’un accord avec le consul Napoléon Bonaparte. Pas
vraiment dupe le ministre de l’intérieur lui
laisse un peu de répit. La raison probable, son ami
Lanjuinais serait intervenu auprès de Bonaparte. Miranda se
fait discret durant son séjour parisien terré chez lui, rue Saint Honoré.
1801 : En mars, Fouché réactive les poursuites,
Miranda est arrêté à la prison du
Temple et accusé d’espionnage. Il trouve une
défense habile et s’enfuit. Il part de nouveau
pour l’Angleterre. Il adresse au gouvernement de William Pitt
(celui-ci à renoncer depuis le 14 mars à sa
fonction) des textes concernant ses projets de conquête, de
gouvernement des Amériques espagnoles. Il envisage une
armée de 12 à 15.000 hommes pour son plan
d’invasion. Il tentera dans un premier temps de trouver des appuis
à ses idées (lors de son
séjour londonien), mais elles seront
écartées en raison d’un premier
traité entre la France et la Grande-Bretagne de restitution
de territoire. Thomas Jefferson est élu président
des Etats-Unis, en France l’esclavage est de nouveau
autorisé.
1802 : Le 25 mars est signé la Paix d’Amiens entre
Anglais et Français. Miranda connait une
année plutôt calme, du moins il continue ses
correspondances et son journal de bord.
1803 : Retour des espoirs de Miranda, la Paix d’Amiens est
rompue. Il trouve de nouveau un soutien, le gouvernement anglais
souscrit à son plan d’invasion. Avec son
épouse Sarah Andrews, ils ont leur premier fils Leandro.
Napoléon cède la Louisiane au
président Jefferson, soit l’équivalent
en superficie de 13 états des USA actuels (2,1 millions de
km2) pour une somme de 15 millions de dollars de
l’époque (soit 3 cents l’acre de
terre).
1804 : Le 1er janvier est proclamé
l’indépendance d’Haïti.
L’Espagne déclare la guerre avec
l’Angleterre, en décembre. L’ambassade
d’Espagne à Londres à ordre de
surveiller les activités de Miranda et d’en tenir
au courant la Corte de Madrid.
1805 : Miranda écrit à Lord Melville sur la
nécessité d’une action
immédiate, le gouvernement britannique ne donne pas
d’aval à ses plans d’invasion. Il
s’embarque à destination de New-York.
L’appui qu’il reçoit des Etats-Unis se limite
à un navire, à des cargaisons d’armes
et de munitions et un équipage d’environ 200
hommes. Il nomme ce navire du nom de Leander, prénom d'un de ses deux fils.
Miranda
la mèche des indépendances
hispano-américaines
1806
: Miranda adresse le 22 janvier une dernière missive à James Madison,
secrétaire d'Etat du président Thomas Jefferson avant son départ (lettre), il quitte New-York pour Haïti, le 2
février. Deux goélettes se joignent à
l’expédition, mais elles seront
défaites par la marine espagnole. Au large de
Jacmé, le 12 mars est hissé sur le Leander
pour
la première fois la bannière tricolore
colombienne. Après avoir atteind l'île de Trinidad où il s'arrête pour
rencontrer les autorités anglaises, il débarque le 1er août avec ses
maigres troupes de la goélette Leander sur la côte occidentale du Venezuela à Coro (état de Falcon). Sa tentative d’invasion du Vénézuéla
échoue rapidement. Il ne trouvera pas l’appui
espéré des populations locales et il finira au
bout de quelques semaines par rebrousser chemin.
« Pendant que l'Empereur, froissant
beaucoup d'intérêts, se livrait à ses moindres caprices, il apprit
l'arrivée à Jacmel du célèbre Miranda, qui se dirigeait vers la Côte
Ferme pour la soulever contre l'Espagne. Il envoya l'ordre au général
Magloire Ambroise de lui faire l'accueil le plus distingué, de lui
fournir des armes et des munitions, et de lui permettre de recruter de
jeunes haïtiens. Il lui fit parvenir le conseil, s'il voulait réussir,
de mettre en pratique, dans la province de Vénézuéla, les moyens
violents qui avaient amené le triomphe des armes indigènes, moyens
terribles et efficaces qu'on ne voit employer, dans l'histoire, que
lorsque l'aristocratie, résistant avec opiniâtreté aux plus justes
réclamations, porte les peuple au désespoir. Les indépendants de la
Nouvelle-Grenade n'avaient pas assez souffert pour sentir le besoin
d'une révolution radicale. Après la trahison de Dumouriez, Miranda, un
de ses lieutenants les plus distingués, avait été arrêté, jugé et
absous. Plus tard il fut réintégré en prison, et à la fin de 1797 il
fut mis en liberté ; mais il reçut l'ordre de quitter le territoire
français. Il passa en Angleterre où il prépara son expédition contre
les colonies espagnoles. Il se rendit ensuite aux Etats-Unis où il se
procura trois navires armés, entre autres une corvette de 30 canons. Il
était venu à Jacmel pour organiser ses équipages, accompagné de 200
jeunes américains. Il partit d'Haïti dans les premiers jours de mars,
et se rendit à la Côte Ferme. De nombreux haïtiens, qui avaient accepté
les périls de cette expédition lointaine, s'y distinguèrent la plupart. »
L'histoire d'Haïti, Thomas Madiou, volume 3, pages 269 et 270, paru en 1848
1807 : En janvier, il s’installe à Trinidad.
1808 : Miranda retourne à Londres. Charles IV abdique en
faveur de Ferdinand VI, mais c’est Joseph Bonaparte qui
devient le porteur de la couronne espagnole jusqu’en 1813,
s’engage six ans d’occupations et de guerre dans la
péninsule Ibérique. La présence
française en Espagne provoquera outre-atlantique un rejet
et un soutien à Ferdinand VI. Mais c’est aussi une
occasion incroyable pour les indépendantistes de faire
entendre leurs idées.
1809 : James Madison est le quatrième président
des Etats-Unis, il était auparavant ministre des affaires
étrangères sous Thomas Jefferson.
1810 : Le 19 avril, Miranda reçoit à son domicile londonien
une délégation de la Junte de Caracas conduite
par un certain Simon Bolivar, accompagné d'Andrés Bello. Au début il refuse, mais au
bout de longs échanges, il se décide à
rejoindre Caracas. Il y est accueilli comme un héros,
à son arrivée en décembre.
Tableau de l'arrivée triomphale de Miranda au port de la Guaira
1811 : Miranda écrit une lettre à la junte de
Bogota, où il propose une union entre le Vénézuéla et la Nouvelle
Grenade (la Colombie). Il est l’un des pères de la
déclaration d’indépendance du Vénézuéla
le 5 juillet, il y assiste dans son uniforme de lieutenant
Général des armées
françaises.
1812 : En mars, Caracas est terrassé par un tremblement de
terre, la ville est en grande partie détruite. En avril, il
est nommé Général en Chef des troupes
de libération du Vénézuéla. Suite à la
défaite de Puerto Cabello, il signe une capitulation
à San Mateo le 25 juillet devant les armées
coloniales, et il va chercher à rejoindre un navire pour
l’Angleterre. Il est considéré comme un
traître par Simon Bolivar en raison de sa soumission totale
devant les troupes espagnoles. Bolivar le fait livrer
l’avant-veille de son départ au
Général Monteverde.
1813 : Du port de La Guaira, Miranda est transféré au château de San
Felipe à Puerto Cabello, où au début de 1813, il écrit un mémoire de sa
cellule à l'Audience royale de Caracas exigeant le respect de la
capitulation de San Mateo. Le 4 juin 1813, il est transféré au Castillo
San Felipe del Morro, situé à Porto-Rico, et de là en Espagne, où il a
été enfermé dans une cellule haute et spacieuse de la prison Cuatro
Torres de l'arsenal de Carraca, à San Fernando. Il n'y recevra que peu
de nouvelles.
1816
: Une dernière évasion en tête, atteint du scorbut, Miranda meurt d'un
accident vasculaire cérébrale à la prison de Las Cuatro Torres, en
Andalousie, où il mourra un 14 juillet. Ses restes
sont mis dans une fosse commune et
sans précision de son lieu d’exhumation. La
même année, son ami John Turnbull
décède. Ses archives et en particulier son Journal ou Diario
tombe dans les mains du ministre (ou ambassadeur) anglais présent en
Espagne, trop de preuves accusant les opérations contre l'Espagne
devenues une alliée, feront que ce document sensible restera pendant
110 ans entre les mains des services secrets britanniques et des
affaires étrangères (Foreign Office), et les archives personnelles ne
seront restituées au Venezuela qu'en 1926, aprés avoir été averti par
la diplomatie française. Son Diario (journal) sera publié de 1929 à 1950 en 23 volumes.
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00
Miranda à ses
concitoyens (extraits)
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Discours, que je me proposais de prononcer, le 29 mars dernier (1793),
le lendemain de mon
arrivée à Paris
Note explicative : Suite à la trahison et à la
dénonciation du Général
Dumouriez (autorité de tutelle) de Francisco de Miranda,
il va s'engager un procès qui en pleine
révolution le disculpera. Ceci est extrait d'un texte qu'il
rédigera à l'attention de la Convention
nationale. Probablement ce texte lui servira de base lors de son
intervention en automne 1793 devant la Convention à Paris.
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LÉGISLATEURS,
C'est en vertu d'un arrêté de vos commissaires ;
daté de Bruxelles, le 21 mars 1793, et qui ne m'a
été remis que le 25 du même mois,
à dix heures du soir, que je parais à cette
barre.
J'avoue que j’ai été
étonné de voir un arrêté
pris à l'armée dans le moment même
où je repoussais les ennemis de la République les
armes à la main, couvrant la retraite de l'armée
sur la hauteur de Pellemberg (en Belgique). Vos commissaires
m’ont traité comme acculé, et
envoyé à votre barre sans m'avoir vu ni entendu,
et apparemment sur des informations du général en
chef (Dumouriez), qui auraient pu déjà leur
être suspectes.
Je demanderai à la Convention quelques minutes de son
indulgence pour lui exposer très sommairement les motifs qui
m'ont attaché à la cause de la
République, ainsi que les services que j'ai rendus depuis le
temps que je suis à l'armée.
L'amour de la liberté que j'avais servi en
Amérique, et la satisfaction que j'ai
éprouvé à la voir établir
en France, m'amenèrent à Paris au mois d'avril
1792, ayant quitté l'Angleterre, où
depuis quelques années
j'étais établi. Quelques lettres de
recommandation procurèrent la connaissance du maire de cette
capìtale. La journée du 10 août
m’ayant convaincu que le peuple a toute
l’énergie nécessaire pour
défendre la liberté, le nouveau ministre de la
guerre Servan, m’invita à prendre un emploi dans
le militaire, et à coopérer à la
défense de la liberté, ce que
j’acceptais volontiers par amour des principes, et je pris le
rang de maréchal de camp.
Le 7 septembre, je partis pour l'armée qui était
aux ordres
du général Dumouriez, à
Grand-Pré (Région Champagne Ardennes). Le
lendemain de mon arrivée, je fus envoyé par ce
général faire une reconnaissance sur les ennemis,
que je trouvais aux de Mortome et Briknai. J'eus l'avantage de les
repousser avec une force de deux mille hommes contre une de six mille,
tant infanterie que cavalerie.
Le 14, je suis en reconnaissance sur la Croix-au-Bois, où je
découvris le mouvement rétrograde de nos troupes
sur Vouziers (Ardennes) et la position avantageuse que les
l’ennemis avaient gagné, ce qui provoqua la
retraite que nous fîmes dans la même nuit au camp
de Grand-Pré (Ardennes), et sauva l'armée pour
lors.
J'eu l’honneur de commander le corps de l'armée,
ayant conservé ma division entière
réunie à
Vargemoulin, dans
le moment où toute
l'armée, par une terreur panique, s'était
débandée depuis Courtemont (Région
Champagne Ardennes) jusqu'à Châlons (en Champagne).
Le 3 octobre je reçus, sans le demander, du pouvoir
exécutif, le rang de lieutenant
général des armées de la
république et je pris le commandement d’une
division de l’armée, qui faisait route sur Valencienne pour faire lever le siège de Lille.
Le conseil exécutif ayant désiré alors
que je vins à Paris, pour être consulté
sur des plans politiques et militaires, relatifs à
l’Amérique du Nord, etc., je m’y rendis
et je présentais mes observations au comité
diplomatique et au conseil exécutif. Elles furent
jugées conformes aux intérêts de la
République, et les entreprises projetées furent
suspendues
A mon retour à l'armée je reçus un
ordre exécutif, pour aller prendre le commandement en chef
de l'armée du Nord, qui se trouvait paralysé
devant Anvers, sous les ordres du général
Labourdonnaie.
A mon arrivée, les ouvrages nécessaires furent
construits, et la citadelle prise cinq jours après. La
capitulation fut applaudie, et mérita
l’approbation nationale.
Une marche rapide depuis Anvers jusqu’à Maaseik
(Belgique) et passages de la Meuse, ainsi que la Roer
(rivière en Belgique), tous exécutés
en six jours par la même armée , nous donna la
possession de Ruremonde ((Roermond au Pays-Bas) et de toute la Gueldre
Autrichienne, ayant battu un corps de troupes de huit mille hommes, qui
étaient postés dans cette ville, et qui nous
fîmes repasser le Rhin, de même qu'aux troupes
prussiennes Qui pour lors se trouvaient dans le duché de
Cléves (Pays Bas), le comté de Meurs et la
Gueldre prussienne.
Le Général en chef me rappella à
Liège, pour me communiquer un ordre du pouvoir
exécutif, qui me proposait le commandement en chef de
quelques possessions d'outre mer, que je refusai, croyant le plan
hasardé et moins intéressant pour le service de
la République. Le général en
chef partit dans ce moment pour Paris et je retournai
à l'armée du Nord qui m'était
particulièrement confiée. A mon
arrivée à Tongres, je reçus un autre
ordre du pouvoir exécutif, qui me chargeait du commandement
des armées dans toute la Belgique , pendant l'absence du
Général Doumouriez.
C'est ici que le Général en chef Dumouriez
m'envoya de Paris les plans et les ordres pour la
préparation du bombardement de Maastricht et pour
l’invasion de la Hollande. Il me dit textuellement
« que les par les intelligences qu’il avait
à Maastricht, il savait que la garnison ne se
défendrait pas et que les bourgeois obligeraient le
Gouverneur à la troisième bombe de rendre la
place, que c’était ni le temps ni la saison de
faire un siège régulier et qu’il
fallait brusquer cette attaque et non s’astreindre
à la prudence et à la méthode ; me
prescrivant absolument de marcher le plus vite possible, de jeter des
bombes sur cette place, et de me porter sur Nimegue avec un corps de 25
à 30.000 hommes, sans m’arrêter
même à Maastricht ; s’il ne se rendait
pas tout de suite de confier une opération à
l’armée des Ardennes et à celle de la
Belgique, laissant le commandement du tout au
général Valence, qui avait aussi celui de toute
l’armée qui était derrière
la Roer. Je fis venir tous les trains d’artillerie de
siège des trois armées, sur Maastricht et au lieu
de trois bombes, qu’il croyait suffisantes pour prendre la
place, j’en fis jeter cinq mille qui l’ayant
incendié à différentes reprises,
n’obtempérèrent cependant pas la
reddition. (...)
Source - Gallica-Bnf sur Francisco de Miranda
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SUR
LA SITUATION ACTUELLE DE LA FRANCE,
Et SUR LES REMÈDES CONVENABLES à SES MAUX
Francisco de Miranda, publié en 1795
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Préambule
Ce courage qui se montre dans les périls et dans les
travaux, est un vice, si la justice ne l'accompagne, si
l'intérêt particulier et non le salut de la
patrie, est le motif qui le fait agir. Alors bien loin d'être une vertu, c'est une
férocité qui repousse tout sentiment humain.
Le premier devoir de tout bon citoyen est de venir au secours de la
patrie en danger. Après les terribles secousses
occasionnées par l'atroce tyrannie, et par
l’anarchie, qui ont ébranlé la France,
le seul espoir qui reste à la majorité de la
nation et au grand nombre d’amis que la liberté
compte parmi ses membres, leurs lumières et leur
énergie peuvent la sauver, c’est l'union intime
des hommes vertueux et éclaires qui seuls par leurs
lumières et leur énergie peuvent la sauver.
Puisse la magnanimité de ceux qui comme moi ont
été victimes du terrorisme, oublier ces outrages,
et sacrifiant leurs ressentiments individuels à
l'intérêt général, la
liberté si dangereusement menacée.
LA PAIX ET UN GOUVERNEMENT
- TEL EST L’OBJET DE TOUS LES VOEUX
« Les
Lois étaient sans force et les droits confondus, Ou
plutôt en effet, l'Etat, n'existait plus. »
I
- LE GOUVERNEMENT
Jamais un pareil concours de volonté n'a exprimé
si fortement le besoin d'un peuple entier. Les
événements malheureux de la révolution
ont du moins produit ce bien ; que l'intérêt
public étant devenu le plus pressant
intérêt de chaque membre du corps social,
désormais aucun ne lui est étranger. Les
personnes, les propriétés, ont
été si constamment et si fort en butte aux
violences publiques et privées, que les
égoïsmes les plus froids sentent vivement le besoin
d'une autorité protectrice et d'une organisation de
différents pouvoirs qui la composeront, telle que, les
citoyens n'aient plus à craindre de l'arbitraire dans leur
exercice.
Au fond, demander la paix, c'est vouloir un gouvernement, et
réciproquement. Les puissances
étrangères n'auront aucune confiance dans nos
traités, tandis qu'une faction se substituant à
l'autre, pourra annuler tout ce qu'elle
aura fait. Ce n'est que par une sage division des pouvoirs qu'on
parvient à donner de la stabilité à un
gouvernement. Toutes les autorités constituées
deviennent alors gardiennes les unes des autres, car elles sont toutes
intéressées au maintien de la constitution en
vertu de laquelle elles existent ; c'est pourquoi elles se liguent
toutes contre quiconque voudrait attaquer l'une d'elles. Que si au
contraire tous les pouvoirs sont concentrés en un seul
corps, une portion de ce corps s’arrogera toujours
l'autorité de la masse entière, et il suffira
à une faction de diriger ses batteries contre cette portion
souveraine de fait, pour opérer une révolution.
Le 31 mai et le 9 thermidor (27 juillet 1794) ont laissé
subsister la même Convention nationale, et cependant tous les
deux ont changé la face de l'Etat. - C'est que tous deux ont
fait changer de main la puissance.
La tyrannie affreuse de Robespierre et de l'ancien comité de
Salut Public n'est due qu'à cette fatale confusion
des pouvoirs ; et l'on peut remarquer que
la déflagration du brigandage et de l'assassinat, date de
l'époque où la Convention, en transportant toute
sa force au comité de Salut Public, fit
entièrement évanouir le fantôme du pouvoir exécutif, qui quoi-qu'asservi et
dépendant des caprices du législateur, lui
opposait encore une faible barrière. On s'empara
bientôt du pouvoir judiciaire que l'assemblée
avait déjà usurpé dans une grave
circonstance. La Convention influencée par le
Comité, dictait les jugements, ou les rendait
elle-même, et l'ombre de liberté civile et
politique disparut alors de cette terre infortunée.
Six ans de révolution nous dispensent de chercher dans
l'histoire des peuples, les maux produits par la confusion des pouvoirs
; nous avons dépassé la mesure de tous les crimes
et de tous les malheurs que les annales du monde nous aient transmis,et
cela précisément parce que la Convention s'est
arrogée une plénitude de puissance plus grande
que celle dont aucun tyran ait jamais joui. Ils avaient tous
été arrêtés par des usages,
par les lois ou par la croyance du peuple qu’ils
asservissaient. La Convention au contraire voulait tout changer, tout
révolutionner, n'a rien respecté, n'a
été arrêtée par aucune
digue, ni retardée par aucun obstacle. Ce qui ne pliait pas,
elle et ce qui s'élevait contre elle, elle le foudroyait.
La révolution heureuse du 9 Thermidor vint dissiper le chaos
; mais lorsque la lumière du jour éclaira tous
les yeux, on s’aperçut avec effroi de
l'étendue des maux et de l'insuffisance des
remèdes. Les ports de la société
étaient déplacés, ses liens
relâchés, la sûreté
personnelle n'avait plus de garantie, ni la
propriété de base solide. Les sources des
richesses nationales étaient taries, ses canaux
obstrués, détournés ou rompus. L'Etat
prenait tout d'une main et dissipait tout de l'autre. Tels sont les
effets de la tyrannie, tel est le résultat de la
confusion des pouvoirs.
Pour revenir aux principes dont on s'est si horriblement
écarté , il convient donc de suivre une marche
inverse ; et puisque la tyrannie s'est arrogée tous les
pouvoirs, il faut que la liberté les divise
scrupuleusement et rende désormais impossible
cette monstrueuse confusion. Voilà le premier pas
à faire pour le rétablissement de l'ordre. Deux
conditions sont essentielles pour l'indépendance absolue des
pouvoirs. La première, que la source dont ils
émanent soit une ; la seconde qu'ils exercent tous les uns
sur les autres une surveillance réciproque.
Le peuple ne serait pas souverain, si l'un des pouvoirs
constitués qui le représentent,
n’émanait pas immédiatement de lui ; et
il n'y aurait pas d'indépendance, si l'un d'eux
était le créateur de l'autre. Donnez au corps
législatif, par exemple le droit de nommer les membres du
pouvoir exécutif ; il exercera sur eux une influence
funeste, et la liberté politique n'existera plus. S'il
nommait les juges, il influencerait les jugements et il n'y aurait
point de liberté civile. C'est ainsi qu'en Angleterre,
où le pouvoir exécutif exerce une influence
marquée sur le législatif, la liberté
politique est considérablement diminuée. Le
pouvoir judiciaire quoi qu'élu par
l’exécutif, est à l'abri de sa fatale
influence, - parce que le peuple compose le jury et que les juges sont
inamovibles ; aussi la liberté civile n’a-t-elle
encore reçu presqu'aucune atteinte.
Le pouvoir exécutif seul a des agents pour exercer les
fonctions qui lui sont confiées ; par conséquent
ils doivent être à sa nomination. Celles des deux
pouvoirs n'étant pas de nature
à être déléguées,
il est de leur essence de n'avoir la nomination d'aucune place. Il
serait absurde de prétendre que l'assemblée
législative doit nommer les commissaires de la
trésorerie puisque la gestion des deniers de l'Etat,
étant une fonction purement administrative, elle appartient
de droit au pouvoir exécuteur, ou à des agents
nommés par lui et sous sa plus stricte
responsabilité.
Depuis plus d'un siècle, l’Angleterre confie sans
aucun inconvénient au pouvoir exécutif le droit
d'administrer les deniers provenant des contributions publiques ; et
malgré que la couronne ait souvent abusé de sa
liste civile pour se faire des créatures dans le parlement,
cependant les fonds de l'Etat n'ont jamais été
mal administrés. C'est encore le pouvoir exécutif
que les Américains ont chargé de cette fonction,
Hamilton, nommé par le
président des Etats-Unis, s’est
trouvé un ministre non moins intègre qu'un habile
administrateur. Ses opérations et ses talents ont tellement
rétabli le crédit public, que le papier-monnaie
Américain déprécié
à l'époque de la paix au point de ne valoir que
dix pour cent, vaut depuis la constitution actuelle jusqu'à
cent vingt-sept pour cent ; phénomène qui
surprend tous ceux qui s'arrêtent toujours aux effets sans
considérer les causes. Surplus, un troisième
pouvoir ne ferait qu'entraver inutilement la machine.
Les pouvoirs doivent se surveiller et se contenir
réciproquement. Il ne faut pas attribuer cette surveillance
à l’un d’eux, exclusivement aux deux
autres, puisqu’ils sont tous nommés par le
souverain. La confiance que celui-ci a placée en tous
étant égale ; pourquoi supposerait-on qu'un seul
est infaillible et incorruptible, et les deux autres, sujets
à l'erreur et à la corruption? Tel est cependant
le système de ceux qui font du corps législatif
le surveillant né de l'exécutif, et qui ne
donnent à celui-ci aucun droit d'inspection sur le
législatif. On oublie ainsi que les trois pouvoirs sont
comme des sentinelles avancées pour veiller à la
sûreté de l'Etat, et que si l'une d'elles
s'écarte de ses fonctions, le devoir des deux autres est de
donner l'éveil, pour que le peuple averti pourvoie
à son salut. Il n'est pas vraisemblable que trois pouvoirs
indépendants et jaloux, se réunissent jamais pour
trahir les intérêts du souverain ; et c'est sur
cette probabilité morale qu'est fondée la
sécurité du citoyen à
l'égard de la liberté civile et politique.
Sans doute un législateur est inviolable pour ses opinions!
Il n'y aurait point de liberté chez une nation,
où un membre de la législature pourrait
être recherché pour ce qu'il aurait dit ou
écrit, dans l'exercice de ses fonctions. Mais s'ensuit-il
delà que le pouvoir exécutif ne devrait pas
dénoncer au peuple entier les entreprises du corps
législatif qui voudrait empiéter sur les
fonctions et compromettre par-là la liberté
politique. Je ne le crois pas, et il est difficile de
défendre cette étrange théorie.
La force du pouvoir exécutif doit être en raison
directe composée de la libéré du
peuple et du nombre des citoyens. Tous les politiques se sont
accordés à dire, que plus une nation est
nombreuse et plus le pouvoir chargé de
l'exécution des lois, doit être fort ; mais ils
n'ont pas vu la nécessité de lui donner plus de
vigueur, à mesure que les citoyens jouissaient d'une plus
grande latitude dans l'exercice de leur liberté. Il est
cependant une vérité évidente par
elle-même ; savoir ; que l'activité des hommes
s'accroît en raison de leur liberté civile, et
qu'il faut par conséquent une plus grande somme de forces
répressives pour empêcher leurs écarts.
Chez les peuples libres, le citoyen agit énergiquement par
lui-même ; il peut faire tout ce qui ne viole pas le droit
d'autrui ; c'est pourquoi il faut une grande force de
répression, pour qu'il n'outrepasse jamais cette
barrière.
La France voulant être la plus libre et la plus nombreuse des
Républiques qui aient encore existé, il faut lui
donner le plus vigoureux et le plus ferme des gouvernements, si on ne
veut pas qu'il soit sur le champ culbuté par l'action
destructrice que le peuple exercera continuellement sur lui.
Il résulte de cette vérité que le
pouvoir exécutif de la République
Française ne saurait être composé d'un
grand nombre de membres; car, comme l'a remarqué Rousseau :
«La force d’un gouvernement quelconque est en
raison inverse du nombre des gouvernants.».
Pour répondre à ceux qui croient à la
nécessité indispensable de talents
extraordinaires dans les personnes chargées de cette
fonction importante , nous observerons ici que ce n'est pas tant le
génie et les talents éminents que l’on
doit regarder comme les qualités les plus essentielles aux
membres du pouvoir exécuteur, que la sagesse et la justice.
Le président des Etats-Unis d'Amérique, que je
connais personnellement, n'a pas obtenu la confiance de ses concitoyens
par des qualités brillantes qu'il n'a pas, mais par la
justesse de son esprit et la droiture de ses intentions. C'est cette
justesse qui lui a dicté le choix des
coopérateurs les plus habiles et les plus
éclairés qui ont si efficacement servi
à consolider la liberté et le bonheur de son pays.
Un ou deux hommes de bien à la tête du pouvoir
exécutif qui désiraient ardemment le bonheur de
la nation et qui s'entouraient de six ministres qui eussent en partage
les talents et le génie, auraient tout ce qu'il faut pour
exercer leurs fonctions et pour coopérer efficacement
à l'établissement solide de la liberté
et du bonheur du peuple Français.
Il ne faudrait pas non plus qu'une seule branche de la
représentation, eût exclusivement l'initiative
dans les lois, et que l'autre en fut privée. Si on voulait
absolument adopter un tel système, ce serait
plutôt au sénat ou conseil des anciens, qu'on
devrait accorder cette prérogative, comme à un
corps plus mûri par l'expérience des affaires et
l'instruction, que la chambre ou conseil des cinq ans, à qui
l'on ne suppose pas toutes ces qualités. A
Athènes le sénat seul proposait les lois, et
l'assemblée du peuple les adoptait ou les rejetait.
En Amérique, le Sénat jouit des mêmes
droits que la chambre des représentants qui, à
l'imitation des communes d'Angleterre, a le droit exclusif de proposer
seulement les money-bills, ou lois sur les contributions. Encore cette
exception excellente dans un gouvernement, tel que celui de
l'Angleterre, paraît superflue comme dans une
République démocratique comme les Etats-Unis,
où l'on n'a pas à craindre les surcharges qui
pourrait-être imposées au peuple par un corps
aristocratique. Ainsi il me paraît beaucoup plus conforme aux
principes de la démocratie que ces deux chambres
représentent, et à l'utilité qui doit
en résulter dans la confection
générale des lois, qu'elles aient le droit
réciproque de les proposer ou de les sanctionner
mutuellement. (1)
II
- LA PAIX
La confiance que les puissances auront dans notre nouveau gouvernement,
sera le plus sur moyen d'ouvrir des conférences, qui donnent
enfin la paix à l'Europe, et la tranquillité
à l'Etat. Mais il faut s'empresser de proclamer hautement
les principes de modération et de justice, qui guideront
désormais la nation française devenue libre. La
justice affermit les Etats ; il se forme naturellement une ligue contre
les peuples usurpateurs, comme les citoyens d'un même pays se
liguent contre celui qui veut leur ravir leurs droits. La gloire des
conquêtes n'est pas digne d'une République
fondée sur le respect dû aux droits de l'homme, et
aux sublimes maximes de la philosophie. Les César, les
Alexandre et leurs semblables y seraient des citoyens dangereux ; le
philosophe paisible, le magistrat intègre, sont des hommes
bien plus nécessaires pour elle, car ils la servent dans
tous les temps.
L'étendue de la France lui offre des moyens plus que
suffisant pour défendre sa liberté et son
indépendance. De nouvelles acquisitions ne feraient
qu'augmenter les embarras du gouvernement, déjà
très compliqué, dans un pays aussi vaste et qui
veut une forme démocratique de gouvernement (2). Elles
exciteraient, contre elle, sans aucun profit, la jalousie de tous ses
voisins.
Désavouer formellement toutes les prétentions
exagérées que le Décemvirat
présentait comme le voeu national ; déclarer que
la France se refermera dans ses anciennes limites, en y ajoutant
quelques places de guerre qui rendront notre frontière
sûre et à l'abri de toute insulte. Telles doivent
être les premières opérations
diplomatiques du nouveau gouvernement de la République
Française ; et comme sa maxime est de ne pas permettre
qu'aucune puissance s'immisce dans son régime
intérieur, elle aura pour principe aussi de ne se pas
mêler de celui des autres peuples.
Luxembourg, Mons, Tournay, Nieuport, Kaisers-Lantern, Germesheim, et
quelques autres places situées sur cette ligne de
défense, rendront notre frontière bien autrement
défendable, que si nous l’étendions
jusqu'aux rives du Rhin. Les Alpes, les Pyrénées
et les mers doivent être ailleurs les limites de la France,
toujours en prenant dans les montagnes le pendant des eaux, pour ligne
de démarcation (3), tous les peuples qui seront entre nos
frontières et jusqu'aux bords du Rhin, doivent
être déclarés libres et
indépendants, amis et alliés du peuple
Français. Ils formeront, pour ainsi dire, une double
enceinte inaccessible aux attaques imprévues de nos ennemis
; et leur indépendance étant garantie par la
France, ainsi que par toutes les autres puissances
belligérantes, leur tranquillité sera
assurée. Alors sous la protection de la France,
bientôt la liberté (comme jadis en Hollande)
produira un changement étonnant dans le bonheur et la
prospérité de ces peuples simples et industrieux.
On stipulera aussi une indemnité équitable en
faveur des souverains qui ont des possessions en deça, du
Rhin et qui seront indemnisés par les trois Electorats de
Mayence, de Cologne et de Trêves, qui leur
céderont en échange le territoire appartenant de
fait à eux sur la rive droite du Rhin. Ces trois Electorats
supprimés ne feront plus partie du collège de
l'Empire.
- Mais comme il n'est pas juste qu'aucun individu soit
lésé dans la jouissance de ses droits, autant que
cela soit compatible avec l'intérêt
général, on accordera aux trois Electeurs un
revenu suffisant pour vivre avec aisance et dignité le reste
de leurs jours.
La navigation libre des fleuves, étant un droit
imprescriptible que la nature donne aux habitants des pays qu'ils
arrosent, celle de la Lis, de la Sambre, de la Meuse, de l'Escaut, de
la Moselle et du Rhin, sera commune à la France et
à tous les auront des possessions le long de ces fleuves.
Ils pourront naviguer librement jusqu'à l'embouchure de
l'Océan.
- Mais comme l’ouverture de l'Escaut doit rendre à
Anvers son ancienne splendeur, et attirer à elle le commerce
et les richesses d'Amsterdam et d'autres villes Hollandaises ; la
nation Française qui ne veut pas nuire aux
intérêts de ses alliés ferait bien de
céder aux Bataves une partie du Marquisat d'Anvers en
échange de la partie Hollandaise de la Flandre maritime, que
les traités ont déjà réuni
à la Belgique. Cet échange conciliera les
intérêts des deux peuplé! à
qui il est également avantageux.
Pour ce qui regarde nos colonies la France ne pourrait pas se passer,
de leurs produits sur lesquels sont fondées absolument ses
manufactures et son commerce, nous offrirons quelques-unes de nos
îles moins importantes pour, la partie espagnole de
Saint-Domingue et pour celle de, Puerto-Rico, qui nous seront
cédées en échange des places fortes et
du territoire que nous possédons actuellement en Espagne.
Par cette seule disposition, on pourrait dédommager nos
malheureux colons des pertes innombrables que la tyrannie leur a fait
essuyer. La cession de ces deux possessions doit être
d'autant moins coûteuse à l'Espagne qu'elle ne
tire aucun profit de et qu'au contraire l'entretien des garnisons et
autres dépenses coûtent
considérablement à ces deux îles, par
le manque de commerce ou de toute autre industrie. On donnerait
par-là des possessions à ceux de nos
frères que l'égarement d'un moment, ou la crainte
d'une atroce persécution a fait quitter leur pays, et qui
n'ayant jamais porté les armes contre leur patrie, expient,
par de longs malheurs, une erreur momentanée. On
éviterait par cette conduite les funestes effets que Louis
XIV, par la révocation de l'édit de Nantes, fit
éprouver à la France entière, en
forçant d'émigrer a l'étranger une
foule d'hommes industrieux, dont le travail enrichissait leur pays
natal, qui se ressent encore de leur perte. Une paix fondée
sur de telles bases, réparait en quelque sorte les torts que
les Français ont commis envers l'humanité. Elle
anéantirait les funestes effets du fameux traité
de Westphalie et donnerait à la partie protestante de
l'Allemagne l'influence qu'elle aurait dû toujours avoir par
son instruction, sa philosophie et son attachement aux vrais principes
de liberté. Enfin le résultat de cette guerre
serait aussi profitable au genre humain que celui de toutes
les autres lui a été fatal.
Le sort actuel de la Pologne ne doit, pas être un objet
indifférent pour la France, son existence politique tient
plus à ses intérêts qu'on ne le croit
communément. - D'ailleurs elle s'est courageusement battue
pour la noble cause de la liberté, animée par la
France, elle entreprit, en même tems dans le Nord, une
diversion en sa faveur. L'alliance que la Russie, l'Autriche et
l'Angleterre viennent de contracter, ainsi que la conduite de la Prusse
à l'égard de la malheureuse Pologne,
annonçant des desseins profonds et bien dangereux pour la
France ; il serait très important de les examiner
attentivement et de les prévenir à temps.
Combien la France se rendrait respectable le jour, où se
dépouillant de presque toutes ses conquêtes, elle
stipulerait pour l'humanité et préparerait les
voies à la propagation de la saine liberté.
Français, ce beau sort vous est encore
réservé ; remplissez vos hautes
destinées ; la postérité
pèsera un jour les forfaits dont on vous a rendus coupables,
et le bien que cette paix produira aux hommes, elle vous absoudra de
vos crimes, en faveur de vos bienfaits.
Les puissances intéressées à ce grand
changement formeraient un congrès pour la ratification et
l'arrangement de ces grands intérêts qui devant
lier la plus grande partie du monde, serviront de base pour ainsi dire
à son bonheur, futur. Là vous jouiriez par votre
sagesse, votre modération et votre justice d'une plus haute
considération que celle que vos exploits guerriers et la
fortune précaire des armes vous ont acquise.
Après avoir étonné l'Europe
entière par votre courage. Vous la captiverez par votre
équité, et vous prouverez aux peuples que vous
n'avez combattu que pour la défense de votre
liberté, puisque dès qu'elle n'est plus en
danger, vous déposez généreusement les
armes sans demander même de plus grands
dédommagements, que vous paraîtriez être
en droit d'exiger de la part de ceux qui vous ont attaqués
avec tant d'injustice, sans avoir eu dans l’origine des
motifs de plainte à alléguer contre vous.
III
- LES FINANCES
Un des maux les plus affreux qui affligent aujourd’hui la
nation Française est le discrédit
énorme de son papier-monnaie. Tous les systèmes
qu'on pourrait imaginer pour rapprocher la valeur nominale de ce
papier, de sa valeur réelle, seront illusoires, tant qu'un
gouvernement stable n'aura pas été
définitivement établi. On aurait beau faire la
paix avec toutes les puissances de l'Europe, le papier national n'aurait pas sa valeur, si
on ne donnait pas assez de solidité au gouvernement. Nous,
nous trouvons dans une situation à plusieurs
égards, à celle où étaient
les Etats-Unis d’Amérique à la fin de
leur révolution.
Le papier du congrès était alors dans le
même discrédit que le nôtre ; et ce ne
fut pas certainement le traité de paix et
d'indépendance qui lui donna sa valeur, mais la constitution
définitive qui assura à ce peuple le plus grand
degré de liberté et de bonheur dont aucune nation
ait encore joui. Les mêmes causes produiront chez nous
infailliblement les mêmes effets ; une constitution sage et
fondée sur les principes de la philosophie et de la justice
; un gouvernement à l’abri de l'atteinte des
factions, regagnera la confiance et acquerra le crédit qui
lui est nécessaire.
Ce n'est pas la nation la plus riche qui inspire une plus grande
confiance, mais la plus juste et la plus attachée aux
principes. On étale en vain des ressources pompeuses, si
l’on ne prouve pas qu'avec la faculté de
satisfaire ses créanciers, on a encore la volonté
ferme de remplir ponctuellement ses engagements. La mauvaise foi fait
plus de tort que l'insolvabilité car un Etat pauvre peut
devenir solvable, mais il n'est pas ordinaire qu'un gouvernement injuste devienne observateur de ses promesses.
Le crédit d'un Etat, comme celui d'un particulier, est
fondé sur les moyens de faire face à ses moyens,
au pouvoir de celui qui contracte, et sur l'opinion qu’on a
de lui. Les éléments du crédit sont la
solvabilité et la bonne foi. Mais ni l'une ni
l’autre, ne peuvent être assurées, tant
que l'Etat n’a pas pris une assiette fixe et invariable ,
c'est-à-dire, tant que le gouvernement n'est pas
irrévocablement constitué.
A mesure, qu'il entre moins d'arbitraire dans un gouvernement, la
confiance de la part de ceux qui contractent avec lui, est plus
entière, parce qu'on sait qu'il est dans l'impuissance de
vouloir manquer à ses promesses. C’est ce qui a
rendu le papier-monnaie de l'Amérique Septentrionale,
préférable à celui de tous les autres
pays ; et c'est aussi ce qui établit le crédit,
celui de l'Angleterre.
Sans entré dans les détails compliqués
du plan présenté par Hamilton au gouvernement
Américain , et perfectionné par les amendements
qu'y ajouta le congrès, je vais exposer sommairement les
bases de cette excellente
opération.
Hamilton commence par déclarer que la foi de la nation
s'engage à payer cette dette, et que la justice exige
qu'elle remplisse fidèlement ses engagements ; il donne
après un état de la somme totale du capital de la
dette consolidée, qu'il porte sur le grand livre de la
trésorerie des Etats-Unis. Il proposa en même
temps aux créanciers l'échange de la valeur
numérique de leur papier dans les termes les plus avantageux
pour eux, c'est-à-dire, que la plus grande partie la dette
pour un intérêt de six pour cent par an, et le
reste un intérêt, moindre ; de sorte que le taux
moyen fut de quatre et demi pour cent par an.
- En même temps
il fit valoir que les revenus de l'Etat n’excédait
pas cet intérêt promis, et il tranquillisa ainsi
les financiers sur leur paiement. Ils eurent encore la
possibilité d’échanger leurs capitaux
contre le crédit porté sur le grand livre de
l'Etat, selon la valeur fixée antérieurement par
les lois des Etats, ou de les garder pour être
payés selon les engagements
précédents, aussitôt que l'Etat qui
n'avait pas encore les sommes suffisantes pour effectuer sur le champ
ces paiements pourrait le faire. Il est bien remarquable que du moment
où l'on fut persuadé que la nation avait des
moyens pour payer ponctuellement et assurer à chaque
créancier un si haut intérêt, il n'y
eût presque personne qui n'acceptât
l’échange : et tout à coup comme par
enchantement, ces mêmes dettes qui étaient
réduites, comme nous l’avons dit ci-dessus,
à dix pour cent, montèrent en quelques semaines
après, à vingt-sept pour cent, ce qui
prouve démonstrativement que la bonne foi et la sagesse dans
l'administration d'un Etat, sont des garants les plus surs du
crédit public, que ses richesses et sa grandeur. (4)
Le retour de la paix, l’établissement d'un
gouvernement libre et vigoureux, et du crédit public.
Rouvrirons les sources du bonheur de notre pays ; et la France
bénira les hommes qui, après tant de crimes et de
malheurs, auront trouvé la solution de ce
problème difficile : allier la liberté
d’un peuple avec le calme et la tranquillité.
Puissent ces courtes réflexions appeler l'attention des
hommes instruits, sur ces importantes matières ; afin,
qu'approfondissant mieux ces principes, et développant leurs
idées sur la constitution convenable à la France,
ils parviennent à procurer la paix et la
tranquillité dont elle a besoin pour consolider sa
liberté et établir ainsi le bonheur futur d'une
nation immense qui, par ses connaissances, par son goût et
son industrie, à toujours une influence sur tous les autres
peuples, et doit par conséquent influer sur le bonheur du
genre humain.
F. MIRANDA,
à Paris, 1795,
an troisième de la République
française.
Notes
:
(1) On est surpris en parcourant te titre de l'Etat des citoyens dans
le projet d'acte constitutionnel,de ce que le service dans les
armées de terre ou de mer de la République ne suffise pas pour donner à un étranger le droit de
cite, tandis que tout homme qui aura vécu sept ans sur le
sol Français, devient citoyen, sans qu'on exige de lui aucun
service. Cependant si l'on peut donner
une preuve éclatante et irrécusable d'attachement
à la cause de la liberté, c'est bien celle de
prendre spontanément les armes pour sa défense ;
et c'est ce que fait l'étranger qui se bat pour ta
République. Si un national qui a servi dans les
armées est dispensé de toutes les autres
qualités requises pour avoir celle de citoyen
Français , à combien plus forte raison cette
disposition doit-elle s'appliquer à celui qui se
dévoue volontairement â un service auquel le natif
du pays est tenu par L'Angleterre, de tous les pays libres le plus
avare à accorder la naturalisation, la donne cependant
à tout étranger qui sert pendant trois ans dans
les escadres de mer, ou pendant deux ans seulement dans les troupes de
ses colonies,et cela même en temps de paix. Les lois refusent
ce droit à tout autre titre, à moins
qu'où n'obtienne un bill spécial de
naturalisation. (note tirée du Digest.Angl.vol.ll, page 239
et 240.Lord.1791).
(2) La véritable gloire d'un peuple libre, consiste dans son
bonheur et sa sûreté, et non pas dans la vaine
gloire des conquêtes.
- Voici ce que Rousseau dit à
ce sujet :
« Grandeur des nations! étendue des Etats!
première et principale source des malheurs du genre humain
et surtout des calamités sans nombre qui minent et
détruisent les peuples policés. Presque tous les
petits Etats, Républiques et Monarchies
indifféremment, prospèrent par, cela seul qu'ils
sont petits, que tous les citoyens s'y connaissent mutuellement et
s'entre-gardent, les chefs peuvent voir par eux-mêmes le mal
qui se fait, le bien qu'ils ont à faire, et que leurs ordres
s'exécutent sous leurs yeux. Tous les grands peuples
écrasés par leurs propres masses,
gémissent, ou comme vous, dans l'anarchie, ou sous les
oppresseurs subalternes qu'une gradation nécessaire force de
leur donner. Il n'y a que Dieu qui puisse gouverner le monde, et il
faudrait des facultés plus qu'humaines pour gouverner de
grandes nations. »
(3) Ceux qui voudront se convaincre mathématiquement de la
force, de l'excellence et de la bonté militairement parlant
des frontières de la France, telles que je viens de les
indiquer, pourront consulter Loyd dans son troisième volume,
partie cinquième, London 1781.
(4) Ceux qui voudront voir plus en détail ce que nous venons
de dire, pourront consulter le plan publié par le Congrès,
l’année 1787.
Source : Gallica-Bnf
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00
John
Adams, 2ème président des Etats-Unis
et Miranda
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John
Adams, deuxième Président des Etats-Unis, co-rédacteur de la Déclaration
d’Indépendance de ce pays et, en
général, une des principales figures de la
révolte indépendantiste américaine,
écrivit vers la fin de sa vie des nombreuses descriptions
des personnalités politiques de son temps.
En 1815, plus de 30 ans après l'arrivée de
Miranda aux Etats-Unis, il écrivit cette narration de la
visite. Même s'il n’est pas tout
à fait exact du point de vue chronologique (Adams situe
l’arrivée de Miranda à Philadelphie
lors de la guerre d’indépendance et lui donne le
grade de Général, qu’il
n’avait pas à l’époque), ce
texte est très intéressant du point de vue de
l’impression laissée par Miranda chez ceux qui
l’ont côtoyé pendant son
séjour états-unien :
« Le Général Miranda vint aux
Etats-Unis pendant notre guerre révolutionnaire.
Il traversa, sinon tous nos états, au moins un grand nombre
d’entre eux – on le présenta au
Général Washington, à ses aides, ses
secrétaires et tous les gentilshommes de sa famille ; aux
autres officiers généraux et leurs familles, et
à des nombreux colonels. »
« Il acquit la réputation
d’être un humaniste, un homme au savoir universel,
un grand général ayant la maîtrise de
toutes les sciences militaires, rempli de sagacité ; un
esprit s’intéressant à tout avec une
insatiable curiosité. De l’avis de tous
il avait une meilleure connaissance des familles, des groupes et des
alliances aux Etats-Unis que n’importe lequel de ceux qui y
vivaient; il en savait plus sur tous les sièges, campagnes,
batailles et escarmouches ayant pu se produire pendant toute la guerre
que n’importe lequel de nos officiers ou n’importe
quel homme d’Etat de nos Assemblées. Son
sujet de conversation permanent était
l’indépendance de l’Amérique
du Sud, son immense richesse, ses ressources inépuisables,
son innombrable population, son impatience sous le joug de
l’Espagne, et sa disposition à rejeter cette
domination espagnole.»
« Il est très certain que maints jeunes officiers
eurent, par lui, la tête remplie
d’éclatantes visions de richesse, de libre
échange et de gouvernement républicain, etc.,
etc., en Amérique du Sud. Hamilton
était un de ses amis les plus intimes et de ses admirateurs
les plus proches. Je pense que le colonel Smith en
était un autre, comme aussi le Général
Knox. Je n’ai pas rencontré Miranda en
ce moment-là et ne l’ai pas encore
rencontré, mais c’est ce
qu’universellement on disait de lui parmi les
Américains que j’ai rencontrés en
France, en Hollande et en Angleterre, sans exception aucune. »
Extrait
de The Works of John Adams, Boston, 1850-1856, pp. 134-135,
cité et traduit par Carmen
Bohórquez-Morán dans Francisco de Miranda,
Précurseur des indépendances de
l’Amérique latine, Editions L’Harmattan,
Paris, 1998, p. 90.
|
Texte en vue d'un accord
entre la Grande-Bretagne
et la Junte indépendantiste hispano-américaine *
L'ACTE de PARIS, 1797
Nous,
D. Joseph del Pozo y Sucre, et D. Manuel Joseph de Salas, commissaires
de la junte des députés des villes et provinces
de l'Amérique Méridionale, réunie le
huit octobre, mille sept cent quatre-vingt-dix-sept, dans la ville de
Madrid en Espagne, pour préparer par les mesures les plus
efficaces, l'Indépendance des Colonies Hispano
Américaines, envoyés en France auprès
de nos compatriotes Don Francisco de Miranda, Ancien
Général d'armée et notre principal
agent, et Don Pablo de Olavide, Ancien Assistant de Séville,
tous deux également nommés commissaires par la
dite junte, non seulement à l'effet de
délibérer ensemble sur l'etat des
négociations antérieures, faites avec
l’Angleterre en différentes époques en
faveur de notre indépendance absolue, et principalement sur
l’état de celles entamées à
Londres depuis mille sept cent quatre-vingt-dix, avec le
Ministère Anglais, en vertu des conférences de
Hollywood, lesquelles ont réunies les suffrages des
Provinces qui en ont eu connaissance, mais encore de donner suite aux
dites négociations, en ouvrant la voie à une
stipulation solennelle, qui puisse amener ce résultat
conformément a l’intérêt et
si la volonté des peuples qui, opprimés par le
joug Espagnol, habitent le Continent Américain du Sud:
Nous
D. Joseph del Pozo y Sucre, D. Manuel Joseph do Salas, et D. Francisco
de Miranda, nous nous sommes réunis à Paris le
deux Décembre, mille sept cent quatre-vingt-dix-sept, et
après une vérification préalable de
nos pouvoirs respectifs, avons procédé
à ce qui suit.
Considérant
que Don Pablo de Olavide ne s'est pas rendu à P. que nous
lui avons envoyée à son domicile près
d'Orléans;
Considérant
encore, qu'un laps de temps assez long s'est
écoulé sans avoir reçu de
réponse à cette invitation;
Considérant
d'ailleurs, vue l'état précaire de sa santé,
joint à l’existence du régime
révolutionnaire en France le mettent probablement dans
l’impossibilité de prendre une part active
à nos délibérations;
Considérant
enfin que les circonstances actuelles sont tellement pressantes
qu'elles ne comportent plus le moindre délai : Nous
soussignés, Commissaires, avons jugé
nécessaire pour l'intérêt de notre
patrie, de passer outre, et sommes solennellement convenus des articles
suivants :
1.
Les
Colonies Hispano Américaines ayant unanimement
résolu de proclamer leur indépendance et
d'asseoir leur liberté sur des bases
inébranlables, s'adresseront avec confiance à la
Grande-Bretagne avec l'invitation de les soutenir dans une entreprise
aussi juste qu'honorable. En effet, si dans un état de paix
et sans une provocation préalable, la France et l'Espagne
ont favorisé et proclamé l'indépendance des Anglo-américains, dont
l'oppression, à coup sur n'était pas aussi
honteuse que l’est celle des Colonies Espagnoles, l'Angleterre ne
balancera pas à secourir l'independance des Colonies de l’Amérique
Méridionale,
aujourd'hui quelle est engagée dans une guerre des plus
violentes de la part de l'Espagne et de la France, laquelle tout en
reconnaissant la souveraineté et la liberté des
peuples, ne rougit pas de se consacrer par l’article du
traité d'alliance offensive et défensive avec
l'Espagne, de l’esclavage de près de quatorze
millions d'habitants et de leur postérité ; et
cela avec un esprit d'exclusion d'autant plus odieux, qu'elle affecte
de proclamer à l’égard de tous les autres peuples
de la terre, le droit incontestable de se donner telle forme de
gouvernement que bon leur semblerait.
2. Un
traite d'alliance tel que celui que S. M. T. C. offrit aux Etats Unis
de d’Amérique doit servir de modèle
pour cimenter cette importante transaction, avec la
différence cependant, qu'on y stipulera en faveur de
l’Angleterre des conditions plus avantageuses, plus justes,
et plus honorables encore. D'une part, la Grande Bretagne s'engagerait
à fournir à l’Amérique
Méridionale une force maritime et une force terrestre,
à effet de favoriser l’établissement de
son indépendance sans l’exposer
à de fortes convulsions politiques. De l'autre, l’Amérique s'obligerait à payer
à son alliée, l'Angleterre, une somme
considérable en numéraire, non seulement pour l'indemniser des dépenses qu'elle aurait faites à
l’occasion des secours prêtés
jusqu’à la conclusion de la guerre, mais encore
pour lui servir à liquider aussi une partie
considérable de sa dette nationale. Pour acquitter en
quelque sorte le bienfait réel par
l'établissement de la liberté, l'Amerique
Méridionale lui accorderait dans cet instant la somme de x.
millions de livres sterling.
3. Les
forces maritimes demandées à l'Angleterre
n'excéderont pas vingt vaisseaux de ligne. À
l’égard des troupes de terre, huit mille hommes
d'infanterie et deux mille de cavalerie suffiraient. Dans l'alliance
défensive, qu'on établirait par la suite, on y
stipulerait que, des secours maritimes, des troupes de terre
n'étant point nécessaires, dans cette
hypothèse, l'Amerique payerait son contingent par une somme
en numéraire qui représenterait l'équivalent.
4. Une
alliance défensive formée entre l'Angleterre, les
Etats-Unis d'Amérique et l'Amérique
Méridionale, est tellement commandée par la
nature des choses, par la situation géographique de chacun
des trois pays, par les produits, l’industrie, par les
besoins, les moeurs, et le caractère de ces trois nations,
qu'il est impossible que cette alliance ne soit pas de longue
durée, surtout si on prend besoin de la consolider par
l'analogie dans la forme politique des trois gouvernements;
c'est-à-dire, par la jouissance d'une liberté civile,
sagement
entendue, sagement organisée; on pourrait même
dire avec confiance, que c’est le seul espoir qui
reste; la liberté, audacieusement
outragée par les maximes détestables
avouées par la République franchisé;
c'est le seul moyen encore de former une balance de pouvoir capable de
contenir l'ambition destructive et dévastatrice du
système français.
5. Il
sera établi avec l'Angleterre un traité de
Commerce dans les termes les plus avantageux à la nation
britannique; en écartant cependant toute idée de
monopole, ce traité lui garantira, naturellement et d'une
manière certaine, la consommation de la plus grande partie
de ses manufactures; car il existe une population de près de
quatorze millions d'habitants qui s'habillent de manufactures
étrangères et qui consomment une
infinité d'articles de luxe Européen. Le commerce
d'Angleterre tirerait encore des avantages considérables des
fruits précieux et des produits immenses de l'Amerique
Méridionale, en répandant ces denrées,
par le moyen de ses capitaux et de ses établissements, sur
les autres parties du monde. Les bases de ce traité seraient
telles, que l'entrée d'aucune denrée
manufacturée ne serait prohibée.
6. Le
passage ou navigation de l'Isthme de Panama doit être rendu
praticable, ainsi que la navigation du lac de Nicaragua, qui sera de
même et tout de suite ouverte pour la communication prompte
et facile de la mer du Sud avec l'ocean Atlantique, étant
encore pour l'Angleterre des objets du plus haut
intérêt, l'Amérique
Méridionale lui garantirait pour un certain nombre
d'années la navigation de l'un et de l'autre passage a des
conditions qui, pour être plus favorables, ne seraient
cependant point exclusives.
7.
Dans les circonstances actuelles on n'établira pas de traite
de commerce avec les alliés de l'Amérique
Méridionale, attendu que, les droits d'importation et
d'exportation devant être établis pour l'intérêt commun de tous les peuples composant les
Colonies de l'Amerique Méridionale, et notamment les
contrées connues sous le nom de Vice Royautés du
Mexique, Santa Fé, Lima et Rio de La Plata, Provinces de
Caracas, Quito, Chili, etc., il faudra, quand l'impulsion sera
donnée à l'Amérique Méridionale,
attendre la réunion des députés de ces
différentes contrées en corps
représentatif, pour pouvoir, à cet
égard, prendre des arrangements définitifs et
d'ensemble. Ceux qui existent maintenant continueront a subsister sur
le même pied, tant a l’égard des
nations, à l'égard de toutes les puissances
amies.
8. Les
relations intimes d'association que la banque de Londres serait
à même de former dans la suite avec celle de Lima
et du Mexique, a l'effet de se soutenir mutuellement, ne sentent point
un des moindres avantages que l’indépendance et
l'alliance de l'Amerique Méridionale offriraient encore
à la Grande Bretagne. Par ce moyen, le crédit
monétaire de l'Angleterre serait assis sur des bases
inébranlables.
9. Les
Etats-Unis d'Amérique pourraient être
invités à accéder à un
trait d'amitié cet d'alliance. On leur garantirait la
possession des deux Florides, celle même de la Louisiane, le
Mississipi étant à tous
égards la meilleure et la plus solide barrière
qu'on puisse établir entre les deux grandes nations qui
occupent le continent Américain. En échange, les
Etats Unis fourniraient à leurs dépens
à l'Amérique Méridionale un corps
auxiliaire de cinq mille hommes d'infanterie et de deux mille de
cavalerie pendant la guerre qui aurait lieu à l'occasion de
son indépendance.
10.
Dans le cas de l'Amérique Méridionale serait dans
la suite, et après la conclusion de la paix, attaque par un
ennemi quelconque, les États-Unis par un article du
traité d'alliance défensive à
conclure, fournirait le même nombre de troupes de terre
stipulé dans l'article précédent.
L'équivalent de l’Amérique
Méridionale serait représenté par une
somme métallique.
11. A
l'égard des îles que les Hispano
Américains possèdent dans l'archipel
Américain, l’Amérique
Méridionale ne doit retenir que celle de Cuba, à
cause du port de la Havane, dont la possession, en raison de sa
situation sur le passage du Golfe du Mexique, est indispensable pour sa
sûreté, le dit port étant, pour ainsi
dire, la porte par laquelle il faut sortir de ce Golfe. A
l'égard des îles de Porto Rico, de la
Trinité et de la Marguerite, l'Amerique
Méridionale ne trouvant dans leur possession aucun
intérêt direct, pourrait coopérer A les
voir occupées par ses alliés, l'Angleterre et les
Etats Unis d'Amérique, qui en retireraient des avantages des
plus considérables.
12. Le
passage de l'Isthme de Panama, ainsi que celui du lac de Nicaragua,
seraient également garantis pour toutes les marchandises
appartenantes aux citoyens des Etats Unis d'Amérique, et
l'exportation de tous les produits de l’Amérique
Méridionale serait également à
encourager sur leurs vaisseaux de transport. Les Américains
du Nord devant devenir pour nous ce que les Hollandais ont longtemps
été à l’égard des
puissances du Nord, c'est-à-dire, nos caboteurs.
13.
Les opérations militaires sur notre continent
Américain, ainsi que les arrangements et faire à
cet égard avec l'Angleterre et les Etats Unis de
d'Amérique, à l'occasion d’un secours
ces puissances nous accorderaient en qualité
d'alliés, pour le soutien de notre indépendance,
seront confiés, pendant la durée de cette guerre
à l’expérience consommée,
aux talents et au patriotisme de notre compatriote et
collègue D. Francisco de Miranda, né à
Caracas dans la province de Vénézuéla; les services importants que
depuis quinze ans, il a rendu à la cause de
l’indépendance de notre patrie, lui donnant des
titres et des droits incontestables à cette charge. Il
recevra à cet égard des instructions
plus détaillées, du moment ou un corps de troupes
débarquera sur le Continent Hispano Américain, ou
que la milice du pays se trouvera, en tout ou en partie,
réunie en armes. Nous, nous bornerons pour le moment
à former le désir de voir commencer les
opérations militaires par l’isthme de Panama et du
côté de Santa Fé, tant à
cause de l'importance du poste, qu'en raison de l'humeur des peuples
disposés au premier signal a s'armer en faveur de
l’indépendance de leur patrie. À cet
effet il serait encore à désirer qu'une escadre
de huit ou de dix vaisseaux de ligne croise dans la mer du Sud;
autrement il serait à craindre que l'Espagne, entretenant
dans ces parages des forces maritimes, ne mît obstacle
à toutes nos opérations sur la mer du Sud.
14.
Don Joseph del Pozo y Sucre et D. Manuel Joseph de Salas partiront sans
délai et conformément a leurs instructions pour
Madrid, a l'eflet de se rendre auprès de la junte pour
rendre compte de leur mission a Paris, et lui remettre un double du
présent instrument; la junte n'attendant que le retour de
ses deux Commissaires pour se dissoudre aussitôt et se rendre
au différents points du Continent Américain, la
présence des membres qui le composent est indispensablement
nécessaire pour provoquer, lors de l'apparition des secours.
Des alliés, une explosion combinée et
générale de la part des peuples de
l’Amérique Méridionale.
15.
Don Francisco de Miranda et D. Pablo de Olavide sont
autorisés à nommer un certain nombre d'agents civils et
militaires pour les aider dans leur mission. Mais les emplois qu'ils
seraient dans le cas d'accorder, ne seront que provisoires et
révocables à volonté, jusqu'a l'instant de la
formation du corps représentatif continental, qui seul aura
le droit de confirmer ou d'annuler ces grades selon qu'il le jugera
convenable.
16. D.
Francisco de Miranda et D. Pablo de Olavide sont également
autorisés et emprunter, au nom des Colonies Hispano
Américaines, ci-dessus nommées, les sommes
d'argent qu'ils croiront nécessaires pour remplir la
commission dont ils sont chargés. Ils accorderont les
interêts ordinaires dans de pareils cas, et demeurent
responsables de l'emploi des dites sommes, dont ils rendront compte au
gouvernement de l'Amerique Méridionale du moment ou ils en
seront requis.
17. D.
Francisco de Miranda et D. Pablo de Olavide sont encore charges de se
procurer en Angleterre dans le plus court délai les objets
suivant, à savoir :
A. Un
train complet d'artillerie de siège composé au
moins de soixante pièces de fer bien
conditionnées. Cent autres pièces tant
d'artillerie légère de bataillons que
d'artillerie de position.
B.
L'habillement complet pour vingt mille hommes d'infanterie et pour cinq
mille hommes de cavalerie avec les accoutrements nécessaires
pour les chevaux.
C.
Trente mille épées à la Romaine, pour l'infanterie.
D. Dix
mille piques ; la Macédonienne de treize pieds de long.
E. Des
tentes en figure conique à la Turque pour le campement de
trente mille hommes.
F.
Cinquante bons télescopes militaires.
18. Si
l’état précaire de sa santé,
ou des causes non prévues mettaient D. Pablo de Olavide dans l'impossibilité de se rendre dans le délai de
vingt jours à Paris, pour suivre sa mission à
Londres, D. Francisco de Miranda s'y rendrait seul. II jouirait dans
cette position, de la même autorité que s'il
était accompagné et aidé des conseils
de son collègue. Dans le cas où des circonstances
impérieuses réclameraient l'appui d'un
collègue, D Francisco de Miranda est autorisé,
s'il le juge convenable pour le bien de la commission dont il est
charge, a associer a ses importantes fonctions son compatriote D. Pedro
Caro qui déjà se trouve actuellement
employé par lui a Londres dans une mission de confiance, ou
toute autre personne de la probité et des talents de
laquelle il puisse répondre. Et vice-versa, si par un effet
du régime révolutionnaire en France, ou par
manque de santé, D. Francisco de Miranda était
empêché de se rendre à Londres, D.
Pablo de Olavide aurait également le droit de suivre seule
cette importante commission, et de s'associer un collègue,
s'il le jugeait convenable.
Nous,
D. Francisco de Miranda, D. Joseph del Pozo y Sucre, et D. Manuel
Joseph de Salas, Commissaires de la junte des deputés des
villes et provinces de l'Amérique Méridionale
après un mur examen des Articles ci-dessus,
déclarons que les dits articles doivent servir de pouvoirs
et destructions 4 nos commissaires envoyés a Londres, et au
besoin à Philadelphie, D. Francisco de Miranda et Don Pablo
de Olavide, voulant que les présentes suppléent à
tout autre instrument en forme, que la situation tyrannique sous
laquelle la France gémit aujourd'hui, nous a
empêche de leur transmettre; les ayant composés,
pour la facilité des négociations, en langue
française, et ayant pris une copie traduite en langue
espagnole collationné et signée par nous pour
être remise à la junte à Madrid.
Telles
sont les seules démarches que les circonstances actuelles
nous ont permis de faire, vu que notre principal agent et notre
compatriote D. Francisco de Miranda est obligé de vivre dans
une profonde retraite pour se soustraire à la proscription
qui frappe aujourd'hui tous les citoyens distingués par
leurs vertus et leurs
talents; proscription qui seule est la cause des délais et
des difficultés que nous avons eu à vaincre.
Fait a
Paris le 22 Décembre, 1797, signataires :
Josef
Del Pozo y Sucre (ou José, Vénézuélien) - Manuel Josef de Salas (Chilien)
Francisco de Miranda & Doperou, Secrétaire.
Source : The Online Library of Liberty,
(extrait page 523) The Works of John Adams, volume 1 (1856)
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Bibliographie francophone de Francisco de Miranda
- Miranda dans la révolution française :
Recueil de documents authentiques relatifs à l'histoire du
général Francisco de Miranda, pendant son
séjour en France de 1792 à 1798. Edition
officielle, comparée avec l'édition primitive de
1810 publiée à Londres par ordre du
général Miranda précédée d'une préface par
Arístides Rojas / Imprimerie du Gouvernement national / 1889
- Miranda et la Révolution française; Parra
Pérez, Caracciolo / P. Roger / 1925- Miranda, Francisco de
(1750-1816) / Édition française / Imprimerie et
lithographie du Gouvernement national /
1889
- Delphine de Custine, belle amie de Miranda : lettres
inédites publiées avec une introduction et des
notes par C. Parra-Pérez / Éditions
Excelsior / 1927
- Trois précurseurs de l'indépendance des
démocraties sud-américaines : Miranda, 1756-1816 ;
Narino, 1765-1823 ; Espejo, 1747-1795, Clavery Édouard / F.
Michel / 1932
- Miranda et Madame de Custine, Parra Pérez, Caracciolo, B.
Grasset / 1950
- Le siècle des Lumières conté par
Francisco de Miranda, Rodríguez de Alonso, Josefina /
Éditions France-Empire / 1974
- Miranda et la Révolution française, Parra
Pérez, Caracciolo / Deuxième édition /
Edition du Banco del Caribe / 1989
- Francisco de Miranda et le processus de constitution d'une identite
americaine, Carmen Bohorquez-Moran / A.N.R.T., Universite de Lille /
1996
- Francisco de Miranda : précurseur des
indépendances de l'Amérique latine, Carmen
Bohórquez-Morán, / l'Harmattan / 1998
- Miranda 1750-1816 : histoire d'un séducteur, Jacques de
Cazotte / Editions Perrin / 2000
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