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An II : osons l’enfance
Par Jean-Pierre Rosenczveig, mai 2013
L'an II du quinquennat s'ouvre. L'an I aura été, nous dit-on, celui des
reformes. Il serait plus exact de dire de certaines réformes! D'autres
ont été esquissées, voire nettement repoussées. Il est grand temps, la
ronde électorale de 2014 approchant, de les aborder frontalement. Tout
simplement certaines contraintes juridiques les imposent. En vrac et
sans exhaustivité : une vraie politique familiale globale incluant une
explicitation des responsabilités sur l'enfant, des réponses
judiciaires à la délinquance juvénile adaptées et conformes à notre
histoire et à l'ordre international, une meilleure mise en oeuvre de la
protection de l'enfance une stratégie de l'accès au droit pour tous,
notamment aux plus jeunes, une politique de prévention de la
délinquance juvénile, etc. Dans cette perspective (optimiste), je
restitue ces jours-ci quelques posts propositionnels qui n'ont pas pris
une ride en un an. Hier (post 529), les reponses à la délinquance des
plus jeunes, aujourd'hui dans la perspective d'une nouvelle écriture
gouvernementale, l'objet de politiques publiques.
Le sort des enfants de France est globalement
favorable. Il suffit d’ouvrir les yeux sur ce qui se passe au-delà de
nos frontières. Déjà tout simplement les conflits armés leurs sont
épargnés, et souhaitons durablement, depuis que l’Europe a commencé en
1954 à se construire sur des bases certes plus économiques qu’humaines,
mais le résultat est là dont les jeunes générations ne sont peut être
pas conscientes. Pour autant, d’année en d’année en année, la fracture
sociale se creuse.
Il ne s’agit pas tant d’un écart financier qui s’agrandit chômage ou
pas, même si cette dimension ne peut pas être niée. Malheur
surtout aux enfants dont les familles sont hors des réseaux qui font la
richesse moderne ou dont les proches sont incapables d’user du système.
La contre-preuve se trouve dans la réussite scolaire des enfants
d’enseignants !
C’est un constat banal que de relever que la grande pauvreté se
développe avec quelques deux millions d’enfants sur 13 qui vivent sous
le seuil de pauvreté européen. C’est un autre constat banal qui découle
du premier que de dire que d’entrée de jeu les chances ne sont pas
égales. Tout simplement déjà dans l’espérance de vie. Accéder à la
santé ce n’est pas seulement pouvoir voir un médecin ; c‘est encore
avoir une certaine hygiène de vie, vivre dans un environnement d’une
certaine qualité.
C’est aussi tout simplement encore plus pour un enfant avoir un cadre
de vie sécure, affectivement, mais aussi matériellement. Trop d’enfants
en sont privés qui vivent dans des conditions précaires même si souvent
les parents font tout pour camoufler au mieux une réalité difficile.
Plus que jamais avec la multiplication des moyens de communication ces
inégalités de statut sautent aux yeux de chacun, et déjà des enfants.
L’injustice est flagrante source de toutes les frustrations et
révoltes, positives comme négatives.
Non seulement les injustices sont criantes, mais l’espoir de les
réduire un jour n’éclate pas aux yeux ! Heureusement que tous ces
enfants là ne réalisent pas combien est indécente l’attitude de ceux
qui ont et rechignent à mettre au pot commun. Sans faire de la
politique politicienne, comment ne pas être choqué quand ceux qui ont
largement de quoi vivre, se loger, voyager, partir en vacances,
dépenser sans réserves pour le simple plaisir, osent s’afficher leurs
égoïsmes.
Qu’on me démontre en quoi ils risquent d’être privés de quoi que ce
soit qui leur soit indispensable ! Pendant ce temps-là le fossé social
se creuse. Certains craignent ou espèrent une révolution ; plus
sûrement c’est une société de tension permanente qui nous est promise
si rien ne change.
Je suis incapable de dire si la machine économique française dans un
univers mondialisé redémarrera en 2013 ouvrant de nouvelles
possibilités de rééquilibrages sociaux. En revanche l’histoire
démontre, y compris l’histoire récente avec notamment les exemples
suédois et argentins, que nos pays ont des ressources humaines et
matérielles qui peuvent leur permettre de nourrir leurs habitants.
La France, pour ne parler que d’elle, a connu d’autres moments
difficiles ne fut-ce qu’au XX° siècle au lendemain des deux grands
conflits mondiaux qui l’ont jetés plus bas que terre. Notre niveau de
vie n’a strictement rien de comparable avec ce qu’il était dans les
années 50 ! Je dis souvent en plaisantant que nos anciens ont su
chasser les Allemands de Paris ; on saura surmonter la crise économique
! Là encore, par l‘instinct de survie des forces vives du pays et …
quelques bonnes mesures publiques.
Plus que jamais il me semble que les jeunes de ce pays doivent être
rassurés, non pas en niant les difficultés, mais en leur montrant qu’il
y a toujours le soleil derrière des nuages. Sans les tromper il faut
leur donner de l’espoir fondé sur des réalités. Plus que jamais il faut
positiver ce qui le mérite. C’est le rôle des adultes, parents, et
enseignants notamment qui environnent chaque enfant, mais c‘est aussi
la responsabilité de la puissance publique et des media.
Il faut aussi, sinon en finir, du moins limiter l’effet de la spirale
consumériste dans laquelle les enfants comme les adultes se sont
inscrits avec les vêtements de marque et passant par les MP3, MP4, MP10
et autres portables ! La survie de la planète est ici un levier à
utiliser dans la mobilisation des plus jeunes.
On peut donc souhaiter et vouloir qu’en 2013 notre pays, et pas
seulement ses gouvernements, mais chacun d’entre nous, médias compris,
ait le souci du qualitatif et pas seulement du quantitatif. Il ne
s’agit pas de nier l’enjeu de l’emploi et du revenu, mais force est
d’admettre qu’à court terme le gâteau ne grossira pas plus. Veillons
donc à mieux le repartir ; veillons aussi à ne pas laisser se creuser
le fossé entre ceux qui risquent le surplus et ceux qui n’ont pas accès
au strict nécessaire.
Plus que jamais des politiques sociales s’imposent qui mobilisent
professionnels et citoyens actifs, qui mobilisent de l’argent public,
mais aussi de l’ingéniosité et de la solidarité.
La famille et l’enfance doivent être des objets explicites de
politiques publiques. Il faut mieux identifier les compétences au sein
de la sphère publique entre l’Etat et les collectivités locales. Des
dynamiques transversales doivent être libérées comme 1982 avec les
Opérations d’été en faveur des jeunes des cités où c’est moins l’argent
frais versé au pot que le mandat politique qui a soulevé des montagnes.
L’Etat, du gouvernement – un ministère de
l’enfance est attendu – aux administrations centrales – une délégation
interministérielle à l’enfance s’impose - doit se doter des instruments
politiques et techniques nécessaires.
Le parlement doit parachever la création des délégations à l’enfance
dans chaque chambre. J’ose avancer que nous aurions besoin aujourd’hui
d’un organisme public et pluri-partenarial de recherche et de
vulgarisation des connaissances sur l’enfance et les politiques de
l’enfance tel que François Mitterrand l’avait impulsé dans ses 110
propositions.
Mieux l’enfance doit être un point de référence de notre réflexion
sociale. Il est révélateur que le débat dit « sur le mariage pour tous
» ne tourne qu’autour du droit des homosexuels à adopter et du devenir
de l’institution famille. Peu se préoccupent des enfants qu’on
s’apprête à fabriquer pour satisfaire telle ou telle attente. Quelle
régression !
Quand on ne prend pas prend en otage l’intérêt de l’enfant !. Dans le
temps où l’on s’apprête à légiférer pour satisfaire quelques dizaines
de milliers d’adultes, on néglige que plus d’un million d’enfants se
trouve sans adultes de référence aux responsabilités nettement
affirmées.
Depuis 15 ans nous sommes nombreux à appeler à une loi qui clarifierait
les responsabilités de ceux qui élèvent un enfant sans en être le père
ou la mère. Et ce dans l’intérêt des enfants, mais aussi des
beaux-pères ou belles-mères, parfois du même sexe que le parent «
‘gardien ». Pour éviter aussi ces enfants qui se retrouvent dans la
toute-puissance faute d’avoir été protégés par un cadre rassurant.
Et que dire du sort fait aux familles roms ou aux enfants étrangers
isolés mal-traités sur notre territoire faute de courage politique? Que
dire de tous ces squats où pullulent nombre d’enfants dans des
conditions de vie digne d’un pays en voie de développement ? Et que
fait-on de plus pour combattre l’embrigadement de nombreux jeunes dans
le business des quartiers dominés par le marché de la drogue ? les
mafieux eux savent embaucher et donner du statut aux jeunes. Je
n’évoque même pas la nécessité de permettre les compteurs à l’heure
s’agissant de la justice pénale des mineurs mise à mal 10 ans durant
par une politique à courte vue.
Dans cette période difficile économiquement difficile qui tend les
rapports sociaux il faut plus que jamais retrouver du bien commun, du
sens commun. Comme effectivement la volonté profonde de bouter les
Allemands hors de France qui a permis de réunir dans le même combat des
hommes et des femmes de sensibilités très différentes.
L’enfance et le sort des enfants de France peuvent être en 2013 - et au-delà – l’un de ces axes fédérateurs pour notre pays.
Nous n’avons pas à rougir des bases d’où nous partons. Les enfants y
trouveront leurs comptes, mais les adultes également. Ainsi promouvoir
les droits des enfants dans les établissements scolaires (par exemple
la liberté d’expression à travers les fanzines et autres journaux) ne
signifie pas donner aux élèves le pouvoir, mais rechercher des
attitudes responsables. C’est le meilleur moyen de combattre la
violence au sein de l’institution.
En 81, nous avons osé récréer un ministère de la famille. En 82, nous
avons osé parler la maltraitance à enfants. En 2013, osons afficher
l’enfance comme objet de politique publique. Un débat politique serait
utile sur les termes d’une politique POUR promouvoir le bien-être des
enfants.(2)
On propose de changer de posture : il ne s’agit pas d’être contre
(contre la maltraitance à enfants, contre les pédophiles, contre la
délinquance juvénile, contre les abandons d’enfants etc.), mais d’oser
enfin avoir des utopies dont découleront des dynamiques. Quels projets
a-t-on pour les enfants de ce pays ? Il s’agirait déjà de considérer
l’enfant comme une personne et non pas comme un simple objet de désir,
voire de plaisir ou comme une petite chose fragile qu’il convient de
protéger par compassion. Tout un programme … à retrouver (3).
En 2013, je vous le dis, osons l’enfance !
Notes :
(1) L’Institut de l’enfance et de la famille, établissement créé en
1984, avant d’être supprimé dans les années 95 par étroitesse d’esprit
(2) C’est la démarche que nous avons avancé dès 2008 à travers un
argumentaire pour une loi POUR promouvoir le bien-être des enfants
préparé par DEI-France. Document réactualisé en 2012 et tout à fait
opérationnel.
(3) De Françoise Dolto à la Convention internationale sur les droits de
l’enfant en passant par les travaux du Conseil d’Etat sous la plume de
Paul Bouchet (1989) les lectures ne manquent pas
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La politique de la
« tolérance zéro » :
Les véritables enseignements
de l’expérience new-yorkaise

par Laurent MUCCHIELLI
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“
Zero tolerance ”, le slogan new-yorkais a fait mouche ces
dernières années. En France, il est arrivé
tardivement, dans le contexte électoral des années
2001-2002. Certes, la référence aux États-Unis
suscite toujours l’ambivalence en France. Nul ne s’est donc
risqué à l’utiliser de façon trop directe.
Pourtant, tout en s’en démarquant plus ou moins nettement,
la plupart des responsables politiques français, à
l’exception des écologistes et de l’extrême
gauche, ont repris à leur compte le vocable de “
tolérance zéro ” pour signifier à
l’opinion publique d’une part qu’ils entendaient
apporter des réponses à la délinquance et aux
“ incivilités ”, d’autre part qu’ils
entendaient améliorer l’efficacité du
système pénal pour réduire “
l’impunité ” dont bénéficieraient
nombre d’auteurs d’actes de délinquance. C’est
bien une “ tolérance zéro à la
française ” qui s’est peu à peu
dégagée dans le débat politique (Le Monde, 4
décembre 2001). Et il est manifeste que le nouveau ministre de
l’Intérieur s’inspire largement de cette doctrine.
C’est pourquoi il n’est pas inutile de faire le point sur
ce qu’a été réellement
l’expérience new-yorkaise et de se demander en particulier
s’il s’agit d’une politique efficace de
réduction de la délinquance. La réalité est
singulièrement plus complexe.
Un nouveau management policier
L’histoire
de la tolérance zéro commence avec
l’expérience de sécurisation du métro de
New-York par un policier aux méthodes innovantes (Willam
Bratton), durant la première moitié des années
1990. Il s’agit de donner pour mission à la police de ne
pas se contenter de courir après les délinquants
signalés mais d’être beaucoup plus présente
sur le terrain afin d’arrêter plus systématiquement
les fraudeurs, les drogués, les taggueurs et les mendiants, dont
on présume que certains sont aussi des délinquants au
moins occasionnels.
En traquant tous les gibiers, on
espère attraper aussi bien les petits que les gros. Fort de ses
résultats dans le métro (une forte réduction des
vols, une chute de la fraude, la raréfaction de la
mendicité), Bratton est nommé en 1994 à la
tête de la police de New-York par le nouveau maire Rudolf Guliani
qui a placé les questions de délinquance et de police au
cœur de sa campagne électorale (avec le soutien notable du
syndicat des policiers de la ville de New York). Pour mettre en
œuvre à grande échelle sa nouvelle politique de
sécurité, Bratton obtient rapidement : 1/ une forte
augmentation des effectifs de police (de 30 à 40 000 hommes en
quelques années, pour une ville de 7,5 millions
d’habitants), 2/ une réorganisation des moyens
statistiques d’évaluation locale à la fois de la
criminalité et de l’efficacité policière
(grâce notamment à un système informatique
baptisé “ Compstat ” et qui est devenu quasi
mythique à New York), 3/ les moyens de faire pression pour
“ remettre les policiers dans la rue ” et intensifier leurs
contrôles sur la voie publique, à l’affût des
moindres infractions, 4/ le droit de saisir immédiatement les
armes découvertes au cours des fouilles. Au cœur de
l’opération, il s’agit donc d’imposer à
la police de nouvelles façons de travailler et
d’être évaluée : un nouveau management de la
police. Cette dernière doit être “ sur le terrain
”, elle doit s’attaquer à tous les petits
désordres et non simplement aux crimes traditionnels, elle doit
être évaluée statistiquement au niveau du quartier
et les responsables de chaque commissariat doivent rendre des comptes
chaque semaine à leur directeur général. Pour
réaliser cette réforme profonde des habitudes de travail
des policiers, en plus des moyens budgétaires, Bratton pourra
notamment licencier une partie de la hiérarchie policière
et faire chuter sa moyenne d’âge. Au fond, “ il
dirige l’administration policière comme un industriel le
ferait d’une firme jugée sous-performante par ses
actionnaires ” (L. Wacquant).
En passant du métro
à l’ensemble de la ville, les méthodes de Bratton
n’ont pas changé de nature, mais elles ont pris une
dimension politique nouvelle et sont devenues le support d’une
communication centrée sur la “ reconquête ” de
la voie publique par la police, la sûreté des “
honnêtes gens ” dans les rues et la mise à mal de
l’“ impunité ” des délinquants. Mais
entre la communication et la pratique il y a souvent un important
décalage.
La baisse de la délinquance aux Etats-Unis
Durant
de nombreuses années, l’expérience new-yorkaise a
fait autorité auprès des hommes politiques et des
journalistes américains. Depuis la fin des années 1990,
alors qu’elle s’étendait à d’autres
pays comme la France, la mode a cependant un peu passé aux
États-Unis. Peu d’experts américains soutiennent
encore aujourd’hui que la chute de la délinquance et de la
criminalité à New York est due fondamentalement à
la politique de tolérance zéro. Les recherches
statistiques et les comparaisons régionales et internationales
délivrent en effet ces constats : 1/ la criminalité avait
commencé à baisser à New York dès
1991-1992, soit avant l’arrivée de Bratton ; 2/ des
baisses de la criminalité parfois comparables à celle de
New York ont eu lieu dans quantité d’autres grandes villes
américaines qui n’ont pas mis en œuvre une politique
de tolérance zéro (par exemple Boston, Houston, San Diego
ou encore Dallas) ; 3/ une baisse de la criminalité comparable
à celle des États-Unis a eu lieu également au
Canada, pays dont les politiques policières et pénales
sont profondément différentes. A cela, l’on peut
ajouter l’opinion de beaucoup de chercheurs, selon laquelle la
nouvelle politique policière n’a pas eu d’effet
significatif sur la consommation et le trafic de drogues. Sur un plan
général, ce n’est pas fondamentalement la
tolérance zéro qui a fait baisser la criminalité
et la délinquance à New York. Dès lors,
qu’est-ce qui explique cette baisse générale aux
Etats-Unis depuis 1991-1992 ?
Les recherches
déjà mentionnées indiquent que deux facteurs
macrosociologiques ont un rôle statistiquement déterminant
: la démographie et l’économie. Souvent
oublié, le facteur démographique joue un rôle
important à l’échelle historique. Au cours de son
histoire, une société n’a pas toujours le
même pourcentage de jeunes âgés par exemple de 15
à 25 ans. Aux Etats-Unis, l’évolution
démographique a été marquée par
l’arrivée des enfants du “ baby boom ”
après la guerre, puis par celle de leurs propres enfants qui,
précisément, sont arrivés à
l’âge adulte autour de 1990. Depuis, la proportion des
jeunes dans l’ensemble de la population américaine
décroît fortement. Ensuite, le facteur économique
demeure déterminant. Le taux de chômage a baissé de
36 % aux États-Unis au cours des années 1990, de 27 % au
Canada. Ces deux facteurs globaux sont communs à
l’ensemble du continent nord-américain sur lequel se
constate partout la baisse du crime. Pourtant le Canada et les
Etats-Unis n’ont absolument pas la même politique
pénale. Ainsi, le taux d’incarcération a
légèrement baissé au Canada au cours des
années 1990 alors qu’il a augmenté de plus de 40 %
aux USA durant la même période, et
l’évolution du taux de policiers par habitant indique la
même opposition de tendance. Enfin, de nombreux chercheurs
proposent un troisième facteur explicatif de la baisse de la
criminalité dans les grandes villes américaines, en
particulier de la baisse des homicides et des vols violents :
c’est un tournant dans les cycles de la consommation et du trafic
de drogues, la fin de “ l’ère du Crack ”.
Effets visibles et effets cachés de la tolérance zéro à New York
Est-ce
à dire que le nouveau management policier de Bratton fut sans
effet ? Il semble logique de penser que cette politique a pu
réduire les petites délinquances de voie publique et les
désordres les plus visibles (mendicité, prostitution,
errance de toxicomanes et d’alcooliques), qui préoccupent
traditionnellement fort peu la police alors qu’ils font
l’objet des principales récriminations des habitants et
des commerçants. Il n’existe pas d’évaluation
scientifique sur ce point mais il est probable que cet effet existe
même si le renforcement des contrôles a souvent pour effet
d’une part de déplacer les problèmes au lieu de les
résoudre (par exemple les clochards et les prostituées
chassés d’un lieu ne disparaissent pas pour autant, ils
trouvent d’autres lieux), d’autre part d’amener les
délinquants à s’adapter à la nouvelle donne
policière (c’est ainsi que les saisies d’armes
à feu dans le métro avaient été
spectaculaires au début, puis avaient chuté rapidement).
Mais pour les autres délinquances, la simple observation de ce
qui constitue le travail ordinaire de police amène à
douter que ce travail puisse avoir des incidences majeures sur des
phénomènes comme l’homicide, les bagarres entre
voisins et entre groupes de jeunes ou encore les violences domestiques.
Enfin,
l’évaluation ne serait pas complète si l’on
ne signalait pas un effet pervers important de cette politique. Les
commentateurs français “ oublient ”
généralement de signaler que l’un des effets de la
politique menée à New York a été
d’accroître fortement les abus de pouvoir et les violences
commises par les policiers au cours des contrôles
effectués sur la voie publique, et dont les victimes ont
été massivement les jeunes noirs des quartiers pauvres.
Si une partie de la population est donc satisfaite de
l’intensification des contrôles policiers, une autre en
fait les frais. Selon un sondage réalisé en août
2000 à New York, 61 % de l’ensemble des sondés
estimaient que la police faisait un bon travail, mais que 42 % des
noirs et 36 % des hispaniques disaient avoir peur lorsqu’ils sont
abordés par un policier. En effet, la mise en œuvre
concrète de la politique de “ tolérance zéro
” consiste essentiellement dans l’intensification des
contrôles d’identité et des fouilles
pratiqués sur des personnes que les policiers jugent a priori
suspectes. Mais ces personnes ne sont pas représentatives de la
diversité de la population. Ce sont en réalité
massivement les jeunes hommes noirs et hispaniques qui font
l’objet de cette présomption de dangerosité.
C’est ce que l’on appelle en France le “
contrôle au faciès ” et le problème du
“ racisme professionnel ” des policiers. Les
spécialistes de la police estiment que “ tous les
chercheurs qui ont observé de près les pratiques
policières, en France comme à l'étranger,
concluent à la réalité d'un discours raciste
généralisé, qui constitue pour les policiers une
véritable norme à laquelle il est difficile,
lorsqu’on est policier de base, d’échapper et plus
encore de s’opposer.
Le caractère normatif de ce
racisme policier en fait avant tout un élément de la
culture policière, distinct du racisme ambiant ou de celui des
couches sociales dont les policiers sont issus, et qui n’a pas un
caractère de construction idéologique ou doctrinaire.
[…] les représentations racistes ont un caractère
opératoire, en ce qu’elles permettent de
différencier des individus. Elles constituent en quelque sorte
des instruments de travail et font partie de cet ensemble de
connaissances pratiques qui forment l’arrière-plan, la
référence du travail policier. Le recours aux attributs
ethniques a pour les policiers un caractère fonctionnel, au
même titre que l’âge ou le sexe, dans la mesure
où la police de la rue renvoie avant tout à une
conception de la normalité conçue comme adéquation
d’un type de population, d’un espace et d’un moment
donnés. Tout décalage entre ces trois paramètres
déclenche le soupçon policier et peut déboucher
sur une intervention ” (Lévy, Zauberman, 1998). Ce constat
international constitue une donnée hélas rarement prise
en compte dans le débat.
Pour conclure
La
politique de la “ tolérance zéro ” consiste
à demander aux policiers de s’attaquer beaucoup plus
massivement aux désordres de la voie publique tels que les vols
parfois accompagnés de violence, la prostitution, la
mendicité, l’alcoolisme, et à contrôler de
façon beaucoup plus intense les personnes et les
véhicules. Si une telle politique n’est pas
dénuée d’effets sur la tranquillité de la
voie publique, son efficacité à moyen et long terme en
matière de lutte contre la criminalité reste à
démontrer. Par ailleurs, elle s’accompagne d’effets
pervers non négligeables, le principal étant
d’exacerber les tensions entre la police et les jeunes des
minorités ethniques qui constituent traditionnellement des
“ populations-cibles ” de l’action policière,
par conséquent d’augmenter le risque de dérapages
des contrôles et des fouilles vers des “ bavures
policières ” susceptibles à leur tour de
décrédibiliser les policiers, de leur attirer des actes
de représailles voire, dans certains contextes, de favoriser le
déclenchement d’émeutes. On peut enfin regretter
que cette expérience new-yorkaise très
médiatisée accapare les esprits, au détriment de
l’étude d’autres expériences de
transformation des habitudes de travail de la police (ce que l’on
appelle aux États-Unis la “ police communautaire ”).
A l’origine de ces débats aux États-Unis,
il faut mentionner l’importance de la théorie de la
“ vitre cassée ” de Wilson et Kelling, dont
l’expérience de police de New York s’est
réclamée mais qu’elle a en réalité
totalement dévoyé. Pour Wilson et Kelling, le
rétablissement de la tranquillité publique dans les
quartiers en difficulté devait passer par la transformation des
modes de travail des policiers pour qu’ils
s’insèrent dans le tissu relationnel d’un quartier
et y jouer ainsi un rôle pacificateur et régulateur, en
collaboration avec les habitants. Un tel état d’esprit
serait bienvenu en France où la “ police de
proximité ” n’est souvent qu’un slogan et une
réorganisation administrative que n’accompagne aucune
réforme véritable des modes d’intervention de la
police. La diffusion de l’idéologie de la “
tolérance zéro ” risque même de vider
totalement de son sens et de ces effets cette tentative de
réforme et de conduire aux mêmes impasses qui font que
cette politique est aujourd’hui remise en question aux
Etats-Unis, à la suite notamment d’une série de
bavures policières.
Bibliographie
Brodeur
J.-P., 1997, La police en Amérique du nord : des modèles
aux effets de mode, Les cahiers de la sécurité
intérieure, 28, p. 171-184.
Greene
J., 1999, Zero Tolerance : a case study of police policies and
practices in New York city, Crime and Delinquency, 2, p. 171-187.
Harcourt B., 2001, Illusion of Order. The False Promise of Broken Windows Policing, Cambridge, Harvard University Press.
Lévy
R., Zauberman R., 1998, La police et les minorités visibles :
les contradictions de l’idéal républicain, in
Cartuyvels Y. et alii., eds., Politique, police et justice au bord du
futur, p. 287-300.
Wacquant L., 1999, Les prisons de la misère, Paris, Raisons d’Agir.
Wilson
J., Kelling G., 1994 (1982), Vitres cassées, Les cahiers de la
sécurité intérieure, 15, p. 163-180.
Source d'origine : Hommes & Libertés, 2002, n°120, p. 38-40
Pour consulter et en savoir plus :
Le site de Laurent Mucchielli : Cliquez ici ! |
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| Un Observatoire national de la délinquance
Interview de Laurent Mucchielli |
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- Comment recevez-vous l’annonce de la création de l’Observatoire de la délinquance?
Elle
arrive un peu tard. Après un an et demi durant lesquels nous
avons eu droit aux statistiques mensuelles de la police et de la
gendarmerie, avec convocation au ministère des cinq
départements affichant les plus fortes hausses. Ce qui suscite
trois réflexions. La première est que ces statistiques
mensuelles donnent des résultats agglomérés qui ne
permettent aucune analyse fine. En somme, on publie suffisamment pour
donner un peu de matière à commentaires aux journalistes,
mais en réalité on ne donne pas assez pour
véritablement permettre l’analyse. La seconde
réflexion est qu’il est très étonnant que
personne ne fasse la remarque suivante : on sait que les statistiques
de la police et de la gendarmerie enregistrent l’activité
de ces services. Dès lors, si les policiers et les gendarmes
sont plus nombreux, s’ils ont des consignes pour être plus
sévères (« tolérance zéro ») et
si on crée de surcroît de nouvelles infractions, en toute
logique ils devraient constater davantage d’infractions. Or la
délinquance enregistrée baisse. Singulier paradoxe !
Troisième réflexion : personne ne semble comprendre les
conséquences du fonctionnement de ces statistiques. Encore une
fois, elles enregistrent l’activité des policiers et
gendarmes. Dès lors, en toute logique, les cinq
départements affichant les plus fortes hausse ne sont pas les
plus mauvais, ce sont au contraire les meilleurs, ceux qui ont le plus
travaillé !
- Sa composition vous semble-t-elle équilibrée ?
Non.
Sur 27 membres, il n’y a qu’un seul chercheur
spécialiste de ces questions. C’est dérisoire. Par
ailleurs, le président de l’observatoire est Alain Bauer,
dirigeant d’une société privée de conseil en
sécurité, connu pour ses propos catastrophistes sur les
délinquants « de plus en plus jeunes et de plus en plus
violents », leurs parents « démissionnaires »,
etc., et puis aussi la France devenue plus dangereuse que les
Etats-Unis, et puis le terrorisme omniprésent, etc.
J’aurais souhaité un conseil présidé par une
personnalité incarnant le service public, et davantage de
chercheurs fins connaisseurs des questions de délinquance. Par
ailleurs, au-delà du conseil, les gens qui vont
réellement travailler seront salariés de qui, sous les
ordres de quel patron, nommé par qui ? Il s’agit
d’un institut qui reste dépendant du ministère de
l’Intérieur, non d’un établissement public
véritablement indépendant. Que se passera t-il si les
conclusions de l’observatoire ne plaisent pas au ministre ?
L’expérience le dira. En réalité, la
meilleure façon qu’aura cet observatoire de prouver son
indépendance sera sa transparence. Publiera t-on un minimum de
choses pour garder le monopole du commentaire ? Ou bien mettra t-on
véritablement à disposition de tous les chercheurs (et de
tous les citoyens intéressés) les résultats des
travaux et des enquêtes ? C’est dans cette transparence que
l’on vérifiera si cet observatoire tient ou non ses
promesses et ressemble un peu à ce que certains de nos voisins
sont capables de faire (par exemple le Home Office en Angleterre).
- L'« État 4001 », sur lequel l'observatoire va continuer de s'appuyer, est-il un bon outil ? Et pourquoi ?
La
question centrale est plutôt de sortir de l’idée de
mesurer la délinquance à l’aide des seules
statistiques policières, de développer d’autres
outils de connaissance, au premier rang desquels les enquêtes de
victimation, réalisées auprès
d’échantillons représentatifs de Français,
dans le but de savoir ce dont ils ont pu être victimes même
s’ils ne l’ont pas déclaré à la police
ou que leur plainte n’a pas abouti. Ces enquêtes
coûtent cher si on les prend vraiment au sérieux (avec de
gros échantillons, dans différentes régions), mais
c’est une des clefs de l’avenir de la mesure de la
délinquance. On verra si cet observatoire reçoit les
moyens de les réaliser ou bien s’il procède
essentiellement à une compilation de données
administratives.
Source : l'Humanité, année 2003
Bibliographie de Laurent Mucchielli
Les
viols collectifs. Phénomène médiatique et
contre-enquête sociologique, Paris, La Découverte,
à paraître en janvier 2005.
Mythes et histoire des sciences humaines, Paris, La Découverte, 2004.
Crime
et sécurité : l’état des savoirs (sous la
dir. avec Philippe Robert), Paris, La Découverte, 2002.
Violences
et insécurité. Fantasmes et réalités dans
le débat français, Paris, La Découverte, 2001
(2ème éd. augmentée 2002).
La
société française en tendances (avec le groupe
Louis Dirn), Paris, Presses Universitaires de France, 1998.
Le cas Spencer. Religion, science et politique (avec Daniel Becquemont), Paris, Presses Universitaires de France, 1998.
La découverte du social, Naissance de la sociologie en France (1870-1914), Paris, La Découverte, 1998.
La
sociologie et sa méthode. Les Règles de Durkheim un
siècle aprèssp (sous la dir. avec Massimo Borlandi),
Paris, L’Harmattan, 1995.
Histoire de la criminologie française (sous la dir.), Paris, L’Harmattan, 1994.
Articles récents
«
Les caractéristiques démographiques et sociales des
meurtriers et de leurs victimes. Une enquête sur un
département de la région parisienne dans les
années 1990 », Population, 2004, 59 (2), p. 203-232.
«
L’évolution de la délinquance juvénile en
France (1980-2000) », Sociétés contemporaines,
2004, 53, p. 101-134.
« L’islamophobie, une myopie intellectuelle ? », Mouvements, 2004, n°31, p. 90-96.
«
Promesses et illusions de la “tolérance zéro”
», in Universalia 2003, Paris, Encyclopaedia Universalis, 2003,
p. 238-242.
«
Le rap de la jeunesse des quartiers relégués. Un univers
de représentations structuré par des sentiments
d’injustice et de victimation collective », in Boucher M.,
Vulbeau A., eds., Émergences culturelles et jeunesse populaire.
Turbulences ou médiations ?, Paris, L’Harmattan, 2003, p.
325-355.
« Délinquance et immigration en France : un regard sociologique », Criminologie, 2003, 2, p. 27-55.
Source : ENS-Socio - 2004
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Voilà,
tout va bien en France "Madame la marquise"...
Par Lionel Mesnard, le 12 novembre 2005
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Depuis Pierre
Mendés France dans les années 1950, qui
à gauche a su tenir un discours à la jeunesse et
en faveur d'une république citoyenne ? Personne. Cette
idée (de Jaurès, ou de Léon Blum) de
s'adresser aux plus jeunes pourrait sembler ringarde, un tantinet
désuet, mais qui ne constate pas le gouffre entre
générations ? Il devient inquiétant et
ne peut que pousser à un sentiment d'injustice
général et à la banalisation de la
violence. Il est impossible d'analyser à chaud les raisons
des affrontements, à moins de se limiter à
comptabiliser les voitures incendiés. Voire pire
à relayer les inepties des médias, et commenter
des à peu près. Il s'est en effet produit sur
tout le territoire une flambée, sa propagation
soulève des interrogations. Tout le monde y va de sa petite
réalité, de sa pseudo-connaissance des
périphéries urbaines.
La
crise économique perdure depuis 2001 et s'y surajoute une
crise des institutions politiques, et de plus les quartiers populaires
explosent après avoir trop longtemps couvés nos
déséquilibres urbains et sociaux. Serions-nous,
comme l'a exprimé un journaliste
vénézuélien face à un
"caracaso" à la française ? En février
1989 au Venezuela, la famine avait poussé les populations
des quartiers défavorisés à se
soulever, à manifester un ras le bol du système
politique, et présumer du changement en mouvement depuis
1999. Nous remplissons en l'état des similitudes fortes. Les
institutions vénézuéliennes nous
donnent une piste pour asseoir enfin dans notre pays la
démocratie. Nous vivons en France dans un système
autocratique, inégalitaire, ou la redistribution des
richesses est aussi problématique que dans un
état du tiers monde. Pour ce qui est de la participation de
tous, n'en parlons pas, l'idée d'émancipation par
la citoyenneté demanderait des institutions
démocratiques. Nous en sommes loin, et il suffit de
reprendre le même constat que fit Pierre Mendès France en 1965.
Nous
voilà face à une mutation à
entreprendre ou une crise à subir sans fin ? Il en va d'une
prise de conscience et de nous organiser librement, de penser le monde
autrement, de faire naître un sentiment citoyen fort. La
politique est l'affaire de tous, mais quand 76% de l'opinion choisit le
recours à l'état d'urgence, jusqu'ou pousse t'on
la manipulation des esprits, jusqu'ou pousseront-ils la tentation du
coup d'état permanent ? Des socialistes approuvant de tels
choix nous rappellent indirectement des heures sombres de notre
histoire en Algérie, voire un mois de juin 1940. Et oui, qui
sait si la prochaine étape ne sera pas les pleins pouvoirs
à Chirac, en vertu de l'article 16 de notre constitution !??
Bien
que les conditions de vies soient bien plus âpres au
Venezuela pour 70% de la population, il y a l'honneur d'un peuple
à vouloir prendre ses difficultés à
bras le corps, à chercher des solutions collectives et
engager des transformations progressives et progressistes. Le
Venezuela, a t'il ouvert un nouveau cycle ou un tournant historique ?
En attendant, ce n'est pas impossible, et à ne pas sous
estimer. L'enjeu est un socialisme nouveau pour notre siècle
et à l'échelle de notre humanité. Tous
et sans question d'âge, nous avons à nous
mobiliser contre toutes les formes d'injustices ; à nous
organiser pour construire un état de droit social et un
contrôle citoyen des dépenses publiques. Du moins,
il serait temps de sortir d'un système politique qui date du
17ème siècle, de mettre fin aux
privilèges des pouvoirs bourgeois. Une révolution
démocratique reste à faire ! Ou comment redonner
un sens à l'engagement et à l'action dans un
espace commun, et au profit d'une redistribution équitable.
Le monde peut encore changer de base, le reste est une affaire de
conscience. De classe?
La violence n'est
toutefois pas la solution, mais il est temps que la colère
sociale s'exprime, qu'elle permette de nous organiser pour un
changement politique de fond. Les révoltes urbaines ne
peuvent que renforcer l'état policier, il importe de trouver
un dialogue intergénérationnel, et être
enfin à l'écoute des maux de la jeunesse. Les
solutions de De Villepin sont dangereuses et rétrogrades, en
revenir à l'âge de 14 ans pour l'apprentissage
signifie un recul de 30 ans en arrière. Le ministre de
l'économie proposant de son côté un
budget 2006 au profit des rentiers n'aidera pas à
créer des richesses et encore moins les redistribuer. La
dette publique gonfle et la reprise économique sont aux
abonnés absents. La sécurité publique
est devenue un fonds de commerce très frelaté, le
résultat des lois cyniques du ministre Perben, qui ont remis
la justice au service du politique. Le bilan global est sinistre depuis
avril 2002 en chiraquie, la décomposition est en route.
Nous
allons avoir des cohortes de sociologues ou experts en
criminalité pour nous expliquer les raisons du malaise.
Attendons nous au pire, notamment dans l'utilisation du mot
réalité. Le problème est politique et
l'on va refiler gentiment le bébé aux
spécialistes patentés de la chose. Juger les
gestes de gamins un peu, beaucoup barrés au titre des
réalités et de plus étant de
très loin de ressembler à la majorité
de ceux qui résident en banlieue. Il y a le risque de nous
renvoyer à une impasse. Tout pareillement, si on alimente
les peurs et des réflexes sécuritaires. Le
problème est avant tout une forte crise du monde urbain. Si
l'on prend pour référence la région
parisienne, il n'y pas de surprise, à l'est les villes et
départements pauvres et à l'ouest vit
paisiblement notre bonne bourgeoisie parisienne. La
séparation géographique est avant tout
économique et sociale et nous payons plus de 40 ans de
politiques inégalitaires entre les territoires, et une
architecture anxiogène ou inappropriée
à des populations urbanisées.
Entre
1959 et 1992, nous sommes passés en Région
île de France de 5 millions à un peu moins de 12
millions d'habitants. L'on constate encore de nos jours une
urbanisation du peu restant d'espaces agricoles, et qui pose ou posera
des problèmes. Le phénomène de
rurbanisation ne présume en rien de bon, sauf à
favoriser la spéculation des terrains nus et
créer une extension abusive de l'espace urbain. De repousser
à nouveau les populations les plus pauvres à 50
ou 60 kilomètres du centre. Justement, si on regarde de plus
près ce que représente Paris face aux autres
communes de l'est parisien, il y a un monstre économique
sans réel connexion avec sa
périphérie. Quand la plupart des grandes
métropoles disposent d'une communauté urbaine,
Paris, la capitale dispose d'un statut propre et de quasiment aucun
dispositif d'échange, ce qui se traduirait en jargon
technocratique à faire de l'intercommunalité.
L'on sait aussi depuis longtemps que la coupure spatiale entre l'est et
l'ouest parisien est le résultat d'un
déséquilibre patent entre l'habitat et l'emploi.
On peut
affirmer que les différentes politiques menées
depuis toujours n'ont jamais prises en compte les
déséquilibres et su penser la Ville, la
"cité" au sens plein et non limité à
un quartier. La marginalisation que dénonçait, il
y a déjà quelques années
l'abbé Delorme sur l'organisation
périphérique, a pris toute son ampleur et nous
voilà en plein dans l'absurde du centralisme à la
française. 12 jours ou la France a été
emporté par l'affectif et en a oublié sa raison.
Il existe des millions d'invisibles que la Nation n'a pas su prendre en
compte, mais les profits des grandes entreprises n'ont jamais connu de
tels niveaux ( 41% au troisième trimestre 2005 pour Total).
Si le président français passe pour un
progressiste à l'international, voire un altermondialiste,
vue de France ses politiques et ses gouvernements prouvent le
contraire. Quand l'UDF ou le centre droit joue pour quasi seul opposant
à des politiques néfastes ou suicidaires, on se
demande où se trouve la gauche ? En clair, ils sont
à la droite des démocrates chrétiens,
ils n'ont même plus la capacité de s'indigner.
Nous baignons en pleine schizophrénie, et notre
système républicain se délite.
Les
institutions de la cinquième République sont
à leurs limites. La fin d'un système ubuesque
s'approche et il est temps que le peuple souverain donne son avis sur
ses attentes et ses besoins. A nous, modestes citoyens de
réclamer au plus vite des états
généraux populaires, d'ouvrir des cahiers de
doléances et de soutenir une nouvelle constituante. Mais
attention rien ne dit que ce processus de violence et de
répression n'en soit qu'à son début,
la dépression ambiante n'augure pas vraiment d'un renouveau
politique. 15 millions de français vivent dans la
précarité, une dizaine dans la
pauvreté, le bilan est affligeant, mais pour cela
l'état d'urgence n'a pas lieu dans la tête de nos
élites. Voilà, en très bref, tout
va bien en France "Madame la marquise"....
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Un
danger nous menace, les thèses
rétrogrades de la "tôlérance
zéro" ! par Lionel Mesnard, année 2002 |
Nous comprenons ce que sont
l'espérance, la peur, la sécurité, le
désespoir, le contentement et les remords de conscience. En
effet l'espérance n'est autre chose qu'une joie instable,
née de l'image, d'une chose future ou passée, de
laquelle nous doutons. La peur est une tristesse instable,
née de même l'image d'une chose douteuse... Spinoza, in l'Ethique,
livre 3 : "De l'origine et de la nature des affections". Le
sentiment d'insécurité en France n'est
certainement pas à récuser, il est
prégnant, mais fortement subjectif. Les statistiques
actuelles de la police française ne sont que le miroir aux
alouettes des violences subies. Comme dans toute addition, comment
additionner "des carottes et des navets" : un vol de portable et un
viol de l'intimité sexuelle? Il y a d'un point vue politique
à comprendre dans l'insécurité ce qui
est de nature de l'angoisse et ce qui est criminel. Le monde politique
par trop souvent ne prend en compte que la réaction de peur,
certes légitime mais dont le fondement est toutefois
relatif, sauf la plainte des victimes. Ce qui peut attenter
à la personne est au vue des statistiques noyé
dans la masse des actes comptabilisés, les 4 millions de
délits et crimes (recensés en 2001), ne
reflètent qu'un chiffrage global. Quelle lecture qualitative
peut-on envisager et ressortir de cette masse informe? Quelles
variables peut-on faire intervenir pour se rendre compte de ce qui peut
avoir un rôle criminogène et en esquisser les
causes? A regarder les sondages
d'opinions peut-on avoir une lecture fiable du réel ? Ne pourrait-on pas se
fier à des données plus objectives. Si un sondeur
s'interroge sur "avez-vous peur, dans la rue, la nuit, ...?" : il y a
en probabilité et de la par la nature de la question d'y
introduire de nombreuses réponses dès plus
relatives. En raison de la part plus que subjective de la question
posée et peu importe la personne. En lui demandant de
répondre à un sentiment, elle ne
répond pas à un fait objectif, sauf à
dire que majoritairement nous avons plutôt peur de sortir la
nuit, plutôt que le jour, quelle découverte... Un sentiment insécure à
première lecture n'évoque pas grand chose. Sauf une prise en compte
de la nature de quelque chose de vague, qui est associée
à ce que nous vivons et avons connu, ou pas, comme
stabilité tout au long de notre existence. Pour
image : les peurs enfantines du loup, où l'enfant
invente un monde, où se crée paradoxalement un
univers apaisant. L'enfant peut ainsi apprendre normalement et
maîtriser sa peur, et grandir comme un petit d'homme heureux.
Mais d'autres en grandissant continueront à avoir "peur du
loup", ou bien à avoir "peur de l'autre"? Au
contraire, si l'on pose une question qui touche directement ou pas la
personne, le questionnaire est plus fiable et limite son champ
interprétatif :"avez-vous été l'objet
d'une ou plusieurs violences...? La personne va donner un résultat
plus fidèle, surtout si l'on en sort une enquête
s'appuyant sur des données statistiques ou de sources
réelles ou vécues (et pas que
policières). Deux millions de femmes battues (et 200.000
hommes), 1200 suicides aboutis chez les moins de 18 ans par an en
France. Il y a des chiffres qui eux parlent plus que de raison sur
l'insécurité au quotidien, de plus un viol sur
deux n'est pas déclaré et pris en compte. Pour
dernier exemple, le viol de mineurs représente un dossier
sur deux actuellement plaidé en cours de justice
pénale. Depuis l'abolition de la peine de mort en 1981, les
homicides sont restés stables et l'incidence des crimes de
sang représente une toute petite marge de la
criminalité. Considérer qu'il y a en potentiel de
quelques milliers de gens très dangereux est un fait. On ne
peut soupçonner tout le monde. Ce qui ferait soixante
millions de victimes ou de coupables en puissance... La police fait son travail
répressif, mais n'a pas réponse à
tout, et la justice doit toujours primer comme facteur
d'équilibre. La question politique de
l'insécurité implique de ne pas se tromper et de
pouvoir apporter des réponses conformes au réel.
Ce réel violent est objecté, il impliquerait
à critiquer l'organisation de nos
sociétés. Tout cela touche à une question
fondamentale, celle de l'intime, de la protection réelle de
l'individu de sa naissance à sa mort dans une
société de droit. Pas vraiment consciente de
l'ampleur des souffrances humaines au sein des familles, premier foyer
de violence bien avant la rue ! Faut-il pour cela un
flic par foyer ou par immeuble? ce serait grotesque, mais il serait temps que
les victimes puissent trouver une véritable service public
d'assistance et de soutien. Il faut aussi repenser la
réparation et limité l'enfermement. Pour remettre
sur les rails de la vie, ceux qui peuvent trébucher ou avoir
besoin de repères. En soit il faut sanctionner la faute,
selon les griefs et l'âge de l'individu, mais toujours
permettre à toute personne de devenir autonome et
responsable de ses actes. Tel est l'objectif non avoué mais
indispensable de toute action réparatrice. Le constat n'a rien d'étonnant, ce
sont les plus faibles les premiers touchés : femmes et
jeunes sont en tête des victimes de
l'insécurité en des données constantes
(ou en augmentation et particulièrement les agressions
sexuelles). Les 170.000 crimes et délits commis en 2001 chez
les moins de 18 ans (400.000 en Allemagne pour comparaison) ne font pas
des jeunes les responsables si facilement
désignés à la vindicte populaire. C'est au monde adulte de
porter un constat lucide, rassurant et intégrant les jeunes,
les femmes, les personnes âgées pour mieux vivre
dans la collectivité. Ce sont elles les victimes de
l'égoïsme ambiant et pas les électeurs
masculins du haineux F.N. La crise du politique réside dans
l'énoncé de paroles, et les paroles attendues ne
peuvent provenir que de l'entendement d'une
société sachant accompagner les nouvelles
générations. Aujourd'hui, les
familles, les lieux d'éducation, ou de santé sont
au centre de trop nombreuses violences sociales. Le politique ne peut
en un coup de baguette magique répondre à des
questions si complexes, qui demanderont à bien en examiner
ce qui peut conduire à un progrès ou à
une régression ?
Nous
sommes tous juges de constater que l'insécurité
existe, mais pas ou on la recherche vraiment, et avec ce sujet il y a
de quoi s'interroger sur notre malaise de civilisation. Des
prises de positions courageuses sur des tabous de
société tel que l'inceste, la maltraitance
physique et sexuelle des enfants, les viols conjugaux, ont
contribué à lever l'ombre sur une partie
immergée de l'iceberg social. Il est temps d'envisager
des actions d'une autre nature et en rapport avec les besoins d'un
monde sécurisant et inclusif. Certains ont joué
avec le feux, notamment quand on veut faire passer la France pour un
pays ou le danger nous menace ? Bientôt, peut-être
découvrirons-nous certains experts en
sécurité, comparer un jour sur nos
écrans virtuels la France à la Colombie, (ou ci-dessous l'article
sur le sort des enfants pauvres en Amérique Latine)? Peut être
demain, si la République continue de s'affaiblr. Surtout, si
les hommes et les femmes de ce pays tournent le dos au
progrès et à la liberté. Si vouloir
exploiter ou vivre de la misère devient une rente d'affaire
et le tremplin des pulsions les plus morbides, qui sait que ce qui nous
attend comme pouvoir fasciste. A jouer avec des peurs incertaines, nous
risquons fort d'en payer le tribut. Il n'y aura pas de
scénario catastrophe si nous nous mobilisons pour une
responsabilisation du monde adulte. Pour porter des
réponses, qui n'ont à rien voir avec la
mélasse actuelle. Ce n'est pas aux enfants de
répondre aux déséquilibres sociaux et
économiques des "grands", encore moins de les
désigner comme symtômes, ils en sont le plus
souvent des victimes idéales. Nous devons apprendre
à faire reculer la violence en se confrontant aux causes, le
drame des chiffres c'est que l'on peut les interpréter,
comme bon nous semble. |
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par
Jesus Ramirez Cuevas |
LES MEURTRES D'INDIGENTS
AUGMENTENT AU MEXIQUE
En
Amérique latine, les crimes systématiques de
vagabonds, enfants des rues et autres personnages des
dénommés bas fonds, sont chaque fois plus
fréquents. En Colombie et au Brésil, chaque
année des délits de ce type se produisent par
centaines, beaucoup perpétrés par des policiers,
et au Mexique les exécutions d'indigents de plus en plus
fréquentes, inquiètent. Les exécuteurs
de ce « nettoyage social », expression colombienne
pour se référer au
phénomène, partagent l'idée que leurs
victimes ne sont pas des personnes productives, mais bien des
êtres inutiles dont on peut se passer, des obstacles qu'il
faut éliminer, des résidus humains d'un
système global qui les rejette d'avance. En un mois, six
indigents ont été assassinés
à Tijuana. Tous ont été
exécutés avec des armes à feu du
même calibre et, sans exception, ils ont reçu le
tir de grâce. La peur s'est emparée des gens qui
vivent dans les rues de cette ville frontalière, mais les
autorités n'ont arrêté personne. Par
les caractéristiques des meurtres, on soupçonne
qu'ils pourraient être l'oeuvre d'un escadron d'extermination
d'indigents. Des 225 personnes assassinées dans
cette ville pour cette année (la majorité
liée au trafic de drogues), presque personne, à
part la police, n'a semblé remarquer ces crimes. D'autant moins que
plusieurs d'entre eux n'ont pas été
identifiés, parce qu'ils sont sans nom et n'ont pas de
famille qui réclame leur corps. Le seul souvenir qui reste
d'eux est un petit autel avec des images religieuses et des fleurs en
plastique que leurs compagnons de rue, comme eux indigents, ont
érigé dans l'avenue Internationale.
Le
parquet enquête sur ces meurtres de « vagabonds
». Parmi
les indigents, l'alerte s'est répandue et ils cherchent
déjà comment se protéger face
à de nouvelles agressions. Le journal El Universal
a fait connaître le témoignage de
Simón, originaire de Oaxaca qui est arrivé en
ville il y a six mois pour passer aux Etats-Unis, et n'ayant pu le
faire il a rejoint les vagabonds de la frontière :
« On dit que ce sont des personnes qui veulent nous
effrayer, qui ne veulent plus que nous donnions une mauvaise image ici,
il y a toujours eu des rafles, mais maintenant ils nous tuent
». (El Universal, 30/05/05).
Le cas
de Tijuana est loin d'être le seul. Il y a deux semaines un
groupe de jeunes à Fresnillo (Zacatecas) a tué
l'indigent, Javier González, El Cobijas,
en l'arrosant d'essence et en lui mettant le feu, après
l'avoir tabassé. Le crime implique sept jeunes fils de
riches chefs d'entreprises et commerçants, une
nièce du sénateur José Bonilla et un
neveu du sous-procureur de Fresnillo, Francisco Javier
Martínez. Leur divertissement nocturne, ont-ils
déclaré, était de frapper des
indigents. Étant des personnes victimes de la couche sociale
la plus basse, personne ne se soucie de ce qu'il leur arrive, raison
pour laquelle il n'existe pas de registre de meurtres semblables ou
d'agressions. La seule exception a été
peut-être à Guadalajara où, dans les
années 90, une personne s'est attachée
à faire disparaître plus d'une dizaine
d'indigents, ce qui fit scandale dans la « perla
tapatía » (nom
donné à la ville de Guadalajara, ndlr) et obligea
les autorités à arrêter le responsable.
Mais
qu'ont en commun tous ces crimes ? En Amérique
latine, où des millions de personnes vivent dans la rue,
chaque année on enregistre des milliers de meurtres de
vagabonds, d'enfants des rues, de prostituées et
d'homosexuels. Dans son rapport sur les exécutions
extrajudiciaires de 2004, Asma Jahangir, rapporteur de l'ONU, a
mentionné des cas d'exécutions d'enfants de
quartiers pauvres en Colombie, au Brésil, au Guatemala, au
Honduras et en Jamaïque (en indiquant que ce ne sont pas les
seuls pays). Le Brésil et la Colombie sont en tête
des statistiques de ce type de délits qui impliquent des
policiers, des paramilitaires et des narcotrafiquants.
En
Colombie, on enregistre chaque année plus de 300 meurtres de
personnes qui vivent dans la rue, la majorité
perpétrés par des policiers et des paramilitaires. Au Brésil,
il existe des escadrons de la mort formés par des policiers
qui commettent de nombreux crimes contre des indigents dans les favelas
de Rio de Janeiro et de São Paulo. Le 31 mars dernier, 11
policiers ont assassiné 30 personnes dans deux quartiers de
Rio (seules deux des victimes avaient des
antécédents pénaux et cinq
étaient des adolescents). Les policiers sont
arrivés dans un bar en tirant puis ils sont allés
dans un autre quartier où ils ont tué 12
personnes sans discrimination. Ce type de crimes a eu une
résonance au niveau international quand ces escadrons ont
tué 21 personnes dans la favela de Vigario Geral en 1993, en
plus de huit enfants qui dormaient dans l'atrium d'une
église dans le centre de Río. A Sao Paulo,
l'année passée, il y a eu une vague de crimes
contre des indigents, commis par des policiers liés
à des groupes néonazis. Actuellement, certaines
personnes impliquées dans ces crimes doivent
répondre à des procès devant la
justice brésilienne, ce qui n'arrive pas dans d'autres pays. Au Venezuela, le
Programme vénézuélien
d'éducation-action aux droits humains (PROVEA), dans son
rapport 2003-2004, rapporte 201 exécutions dans cette
période (87% imputés à des policiers),
la majorité d'entre elles étant de jeunes de
moins de 24 ans, pauvres et noirs de quartiers populaires. 50 de ces
victimes étaient des enfants et des adolescents. Dans la
plupart des cas, les victimes sont des délinquants, enfants
des rues et vagabonds (seulement à Caracas pour cette
année, 11 indigents ont été
assassinés). Résidus
humains Les cas de violence
enregistrés au Mexique contre des indigents et des enfants
des rues, vont en augmentant. Le risque existe de voir se
répéter d'autres cas d'exécutions et
de meurtres de gens vivant dans la rue, en raison de la
montée de la violence et de l'impunité.
Actuellement dans le pays, il y a plus de 100 mille personnes qui
résident dans la rue, les deux tiers étant des
enfants. Les passages à tabac de vagabonds ou d'indigents
sont quotidiens (la majorité infligés par des
policiers). Dans le cas des crimes, les auteurs de ce «
nettoyage social », comme l'appellent les Colombiens,
justifient leurs actions par l'éthique du
progrès, considérant qu'il s'agit de gens
improductifs qui, outre le fait « d'enlaidir » les
villes, ne causent que des problèmes. « Comme
ils ne servent à rien, pensent-ils, le
mieux c'est de les exterminer ».
Cette
logique est loin d'être une conduite criminelle
exceptionnelle. Comme l'indique le
célèbre sociologue polonais, Zygmunt Bauman, le
capitalisme global crée ses résidus humains
propres, « les non productifs », « les
exclus ». « La production directe de
corps superflus, dont on n'a plus besoin pour le travail, est une
conséquence directe de la globalisation
», indique son plus récent livre, «
Vidas desperdiciadas. La modernidad y sus parias » (Paidos,
2005) [Vies gaspillées. La modernité et ses
parias] Pour paraphraser Bauman, la justification éthique de
ces crimes se fonde sur le fait que les victimes ne sont pas des
personnes productives, mais bien « inutiles »
à la société de consommation, par
conséquent « jetables », des restes.
Dépouillés
de toute dignité, refoulés en marge de la
société, des milliers de gens essayent de
survivre sur des terrains vagues, dans des parcs, dans la rue, dans des
voitures abandonnées ou dans des égouts. Les mêmes qui,
selon le plan « Tolérance Zéro
» proposé par Giuliani [1] pour le DF [District
fédéral, la ville de México], doivent
être éradiqués des espaces publics et,
une fois leur existence « criminalisée
», ils deviennent les victimes d'abus policiers et de ceux
qui les méprisent dans tout le pays. La condition
d'être un jetable croît au rythme du
progrès, c'est pourquoi prévenir des conduites
qui plaident pour leur extermination peut éviter un chemin
sans retour. NOTES:
[1]
Ancien maire de la ville de New-York, Rudolf Guliani, symbole des
politiques de « tolérance zéro
» a été consulté en tant
qu'expert en la matière pour la ville de Mexico. (ndlr)
Source : Site RISAL - Année 2005
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