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La Question "Psy"?
Sommaire
de la page :
-
Présentation de la question "Psy" ?
- Biologie de l'attachement par Boris Cyrulnik
(Vidéo)
- Entretien avec Sigmund Freud sur l'analyse (1927) - À
quel psy s’en remettre ? Entretien avec E. Roudinesco -
Psychoses et Névroses, quoi, qu'est-ce ? -
Ces mots qui polluent la pensée, par Serge Tisseron
-
Résilience : définitions et notes
Présentation :
Au
fil des années dix pages sont venues apporter un
éclairage sur les questions liées à
différentes déclinaisons du mot "psy" (liens des archives en bas de page),
en cherchant une complémentarité ne se bornant
pas
à la seule énoncée d'un dogme et au
final ne
reproduire qu'un jargon échappant à la
compréhension commune.
Plutôt que
d'opposer, de
chercher à détruire, l'usage de la critique
dispose
d'autres ressources que la condamnation, elle doit
être
source de compréhension et de partage, et surtout ouvrir
à de nouveaux champs d'interventions sociaux et politiques.
Le langage est certainement ce qui façonne le mieux
l'idée que nous pouvons nous faire du pouvoir. Les mots
structurent, organisent, déterminent et dans cet ordre
hierarchique, ils imposent de fausses volontés et s'exercent
le
plus souvent entre gens qualifiés, quand il ne
s'agit pas
de fonds de commerce, ou une structuration des pouvoirs en une logique
perverse, paranoïaque ou excluante.
Pourtant le savoir est une chose commune, un bien commun et ce qui se
réfère à sa transmission un enjeu de
taille.
Appréhender Sigmund Freud et le mouvement psychanalytique et
faire lien avec la recherche scientifique permet de saisir les
progrès accomplis et aussi de l'utilité de ne pas
cantonner l'âme humaine à une simple connexion de
neurones
et synapses...
Extrait
d'une lettre de Sandor Ferenczi à S. Freud année
1910 :«
Une fois que la société aura dominé
son
côté infantile, des possibilités
jusqu’ici
totalement insoupçonnées de la vie sociale et
politique
s’ouvriront. Pensez donc seulement ce que cela signifierait
qu’on puisse dire la vérité
à tout un
chacun, au père et professeur, au voisin et même
au roi.
Toute autorité fondée sur le mensonge que
l’on
s’impose à soi-même irait au
diable-l’autorité justifiée resterait,
bien
sûr. L’éradication du mensonge de la vie
privée et publique devrait nécessairement amener
de
meilleures conditions ; lorsque régnera la raison et non les
dogmes (parmi lesquels je compte aussi le mot « morale
»),
une réconciliation plus adéquate, moins
coûteuse
et, à tout point de vue plus économique entre les
intérêts individuels et le bien commun.
»
Notes de Lionel Mesnard, le 8 avril 2014
Post-Scriptum
: "Tout être sensible à l'influence de l'art n'estimera
jamais assez
haut le prix de cette source de plaisir et de consolation ici-bas. Mais
hélas, la légère narcose où l'art
nous plonge est fugitive ; simple
retraite devant les dures nécessités de la vie,
elle n'est point assez
profonde pour nous faire oublier notre misère
réelle." Malaise dans la
civilisation de S. Freud (1929).
La
question Psy ?
C'est
un thème relativement explosif, cette question trop souvent
est
l'enjeu des seuls spécialistes.Pour ce qui est du grand
public,
à lui le plus souvent le piège des marchands de
rêves. Qu'en est-il des pratiques en rapport avec l'exercice
de
la psyché ? Vaste question, qui depuis Freud n'en finie pas
de
déverser beaucoup d'à peu près. Il est
à
regretter que tout cela soit l'objet d'un monde hermétique,
pourtant l'enjeu est aussi politique et citoyen.
Vaste problématique que le
monde des sciences très humaines en relation avec la
dimension psychique... la
question est de pouvoir
différencier les différentes pratiques en rapport
avec ce
que les grecs anciens appelèrent "l'âme", ou la
psyché. Si les amalgames sont nombreux entre les diverses
pratiques, c'est que l'on se retrouve avec la racine "psy" pour tout ce
qui a trait à l'esprit et ses maux. Vous
trouverez sur ce site quelques pages consacrées à
cette
interrogation.
Il est impossible de traiter un thème si complexe dans sa
totalité, mais au fil du temps le rédacteur du
site tente
d'y répondre...
Il semble nécessaire de pouvoir
distinguer des pratiques qui pour certaines d'entre-elles ont une
communauté? Du moins, elles interviennent dans le champs
de la médecine moderne, au sein du monde universitaire et
sont amenées à porter certaines confusions. Comme le terme "de résilience",
alors ouvrons-le débat.Attention, il n'est pas
traité ici de la psychologie ou de sciences
émanant de la psychologie. Omission volontaire? Pas
totalement, qui sait si des pages ne viendront pas compléter
ce manque. Toutefois les déclinaisons sont assez nombreuses,
et elles ne sont pas toutes en rapport avec la dimension "clinique".
Si
l'on pouvait donner un cadre de référence commun,
il
serait celui de l'espace clinique. Le terme "clinique" ne
renvoie pas uniquement au système de prise en charge en
milieu hospitalier, mais à la question de la cure. Cet
espace "clos" entre la patient et le "médecin de
l'âme", où s'engage la parole comme un
mécanisme possible de transformation des
"symptômes". Mais nous sommes là dans un domaine
ou le savoir est partagé, où les termes sont
plutôt à manier avec des pincettes.
Des mots tels que : "inconscient", "névrosé",
"oedipien", ...., sont quelques-uns à avoir pris souche dans
le langage courant. Ils sont parfois révélateurs
de notre grande ignorance de la question. Néanmoins, plus on
fera en sorte d'informer ou de faire circuler certaines bases de ce
savoir, plus ainsi nous éviterons certains pièges
à ce sujet.
Notes de LM, 5 novembre 2007
À
noter :
Suite
à des courriers qui me sont parvenus sur les troubles
bipolaires. Je ne suis ni médecin psychiatre, ni
psychanalyste
et certainement pas en mesure de répondre en quelques mots
à des situations difficiles, ni de pouvoir orienter vers un
traitement ou un autre, ni même un praticien. C'est un
travail de
synthèse et d'information. S'il vous touche ou vous
concerne, il
existe sur le oueb des sites avec de vrais spécialistes
(Toutefois, attention. Pas simple, j'en conviens). Le choix
évident est celui d'un psychiatre-psychanalyste, pour ce que
l'on peut qualifier de symptômes lourds ou difficiles
à
vivre pour l'entourage, mais c'est à la personne
concernée de le vouloir ou pas, le plus
fréquemment.
Biologie de l'attachement
"La théorie de
l'attachement est un champ de la psychologie qui traite des relations
entre êtres humains. Boris Cyrulnik tente dans cette
conférence une approche pluridisciplinaire de cette
théorie, qui intègre des données
biologiques, affectives, psychologiques, sociales et culturelles."
Cours
enregistré le 01 Mars
2012 dans le cadre de l'enseignement PACES de Sciences Humaines et
Sociales à l'Université Claude Bernard Lyon 1 : Présenté
par le Pr. Pierre FOURNERE, intervenant : Boris CYRULNIK --
Directeur d'enseignement en éthologie à
l'Université de Toulon
Réalisation
: Pôle vidéo du Service iCAP --
Université LYON 1
Entretien avec Sigmund
Freud (1927)
LA QUESTION DE L'ANALYSE PAR LES
NON-MÉDECINS (*)
Article mis en ligne, le 27 mai 2012
Sigmund Freud : Si je veux me faire comprendre, il me faut
maintenant vous communiquez quelques fragments d'une doctrine
psychologique qui, hors les cercles analytiques, n'est pas connue ou
pas estimée. De cette théorie
découlera aisément et ce que nous
attendons du malade et par quels chemins nous parvenons à
notre but. Je
vais vous l'exposer dogmatiquement, comme si elle était
déjà un système
achevé. Mais n'allez pas croire qu'elle soit née
ainsi tout équipée,
comme il advient aux systèmes philosophiques. Nous l'avons
développée
lentement, peu à peu, nous en avons dû
conquérir péniblement chaque
parcelle ; nous n'avons cessé de la modifier au contact
constant de
l'observation jusqu'à ce qu'elle ait enfin acquis la forme
sous
laquelle elle nous paraît suffire à nos desseins.
J'aurais dû, voici
peu d'années, exprimer cette doctrine en d'autres termes. Je
ne puis,
bien entendu, vous affirmez que l'expression formelle de la doctrine
à
l'heure qu'il est en demeure définitive. Vous le savez, la
science
n'est pas une révélation, il lui manque,
longtemps encore après ses
débuts, la certitude, l'immutabilité,
l'infaillibilité, dont la pensée
humaine est si avide. Mais telle qu'elle est, elle est pourtant tout ce
que nous pouvons avoir. N'oubliez pas que notre science est
très jeune
- à peine aussi vieille que le siècle ! - et
qu'elle travaille avec la
matière peut-être la plus ardue qui puisse
s'offrir à l'investigation
humaine : ainsi vous pourrez vous mettre dans l'état
d'esprit
nécessaire à la compréhension de ce
que je vais vous dire. Cependant
interrompez-moi chaque fois que vous ne pourrez me suivre ou que vous
désirerez de plus amples éclaircissements.
« Je vous interromps avant
même que vous ne
commenciez. Vous dites vouloir m'exposer une nouvelle psychologie, mais
il me semble que la psychologie n'est pas une science nouvelle. Il y en
a assez, de psychologie et de psychologues, et j'ai entendu dire
pendant mes études que de grandes choses dans ce domaine ont
déjà été
accomplies. »
SF : Et je n'entends pas discuter leur valeur. Mais y regardez-vous de
plus près, vous serez contraint d'attribuer ces grands
accomplissements
plutôt à la physiologie des sensations. Car la
science de la vie
psychique ne pouvait se développer, entravée
qu'elle était par une
seule mais essentielle méconnaissance. Qu'embrasse-t-elle
aujourd'hui,
telle que J'enseigne l'Ecole ? En dehors de ces très
intéressants
points de vue physiologiques sur les sensations, rien qu'une liste de
divisions et de définitions de ce qui se passe dans notre
âme,
divisions et définitions qui, grâce au langage
usuel, sont devenues le
bien commun de tous les lettrés. Cela ne suffit
évidemment pas pour
comprendre notre vie psychique. Avez- vous remarquez que chaque
philosophe, écrivain, historien ou biographe s'arrange une
psychologie
à lui, nous propose ses hypothèses à
lui sur les rapports et le but des
actes psychiques, hypothèses plus ou moins
séduisantes mais toutes
également douteuses ? On manque évidemment ici
d'une base commune. De
là découle aussi qu'en psychologie, on soit si
irrespectueux et qu'on
ne reconnaît aucune autorité. Chacun peut ici
« braconner » à son aise.
Mettez-vous une question de physique ou de chimie sur le tapis, tout le
monde se taira qui ne se sait pas en possession de «
connaissances
techniques ». Mais avancez-vous une assertion psychologique,
préparez-vous à être jugé et
contredit par n'importe qui. Sans doute
n'y a-t-il pas dans ce domaine de « connaissances techniques
». Chacun
a donc sa vie psychique, et c'est pourquoi chacun se tient pour un
psychologue. Mais cela ne me semble pas un titre suffisant. On raconte
qu'une personne se présente un jour comme « bonne
d'enfants » ; on lui
demande si elle s'entend élever les enfants. Bien
sûr, répond-elle,
puisque j'ai été moi-même en mon temps
petite enfant.
« Et vous prétendez avoir découvert
cette « base commune » de la vie de
l'âme, qui échappa à tous les
psychologues, en observant des malades ? »
SF : Je ne crois pas que cette origine ôte de leur valeur
à nos
constatations. L'embryologie, par exemple, ne mériterait
aucun crédit,
si elle ne pouvait sans peine éclairer
l'étiologie des malformations de
naissance. Mais je vous ai donc parlé de gens dont les
pensées marchent
toutes seules, de telle sorte qu'ils se voient contraints à
ruminer
sans fin des problèmes qui leur sont terriblement
indifférents.
Pensez-vous que la psychologie d'école ait jamais fourni le
moindre
apport à l'éclaircissement d'une semblable
anomalie ? Et enfin il nous
arrive à tous que notre pensée, pendant la nuit,
suive ses propres
voies et crée des choses qu'ensuite nous ne comprenons pas,
qui nous
semblent étranges et douées d'une ressemblance
suspecte avec certaines
productions pathologiques. Je veux parler de nos rêves. Le
peuple n'a
jamais abandonné cette croyance que les rêves
aient un sens, jamais pu
le fournir. Elle n'a su quoi faire du rêve ; les quelques
explications
qu'elle en hasarda furent non psychologiques : ramener le
rêve à des
excitations sensorielles, ou bien à un sommeil plus ou moins
profond
des diverses parties du cerveau, etc. Mais on est en droit de dire
qu'une psychologie qui ne sait pas expliquer le rêve n'est
pas
utilisable pour l'intelligence de la vie psychique normale et ne peut
prétendre, à s'appeler une science.
« Vous devenez agressif : vous
devez avoir touché
un point sensible. J'ai, en effet, entendu dire que l'on attache, dans
l'analyse, une grande importance aux
rêves, qu'on les
interprète, qu'on découvre en eux le souvenir
d'événements réels, etc.
Mais aussi que l'interprétation des rêves est
livrée au bon plaisir de
l'analyste, et que les analystes eux-mêmes n'en ont pas fini
encore
avec les différends sur la manière
d'interpréter les rêves et le droit
d'en tirer des conclusions. En serait-il ainsi, vous feriez mieux de ne
pas souligner d'un trait si épais la
supériorité de l'analyse sur la
psychologie classique. »
SF : Vous dites là des choses fort justes. Il est exact que
l'interprétation des rêves a acquis, dans la
théorie comme dans la
pratique de l'analyse, une importance incomparable. Et si je parais
agressif, ce n'est que pour me défendre. Mais quand je pense
à tout
l'esclandre que certains analystes ont fait à propos de
l'interprétation des rêves, je pourrais
désespérer et donner raison à
l'exclamation pessimiste de notre grand satirique Nestroy : «
Tout
progrès n'est jamais qu'à demi aussi grand qu'il
parut d'abord ! »
Cependant avez-vous jamais vu les hommes faire autre chose
qu'embrouiller et défigurer tout ce qui leur tombe sous la
main ? Un
peu de prudence et de maîtrise de soi suffisent à
éviter la plupart des
dangers de l'interprétation des rêves. Mais
pensez-vous que nous
arrivions jamais à l'exposé que j'ai à
vous faire, si nous nous
laissons ainsi détourner de notre sujet ?
« Oui : vous voulez m'exposer les
bases fondamentales de la nouvelle psychologie, si je vous ai bien
compris. »
Je ne voulais pas commencer par là. J'avais l'intention de
vous faire
voir quelle conception, au cours des études analytiques,
nous nous
sommes formée de la structure de l'appareil psychique.
« Puis-je vous demandez ce que vous appelez «
appareil psychique » et avec quoi il est construit ?
».
SF : Vous verrez bientôt clairement ce qu'est l'appareil
psychique.
Mais ne demandez pas, je vous en prie, de quoi il est bâti !
Cela est
sans intérêt psychologique, et reste à
la psychologie aussi indifférent
qu'à l'optique de savoir si les parois du
télescope sont en métal ou en
carton. Nous laisserons de côté «
l'essence » des choses pour ne nous
occuper que de leur situation dans « l'espace ».
Nous, nous
représentons l'appareil inconnu qui sert à
accomplir les opérations de
l'âme en vérité comme un instrument,
fait de l'ajustage de diverses
parties — que nous dénommons « instances
». A chacune est attribuée une
fonction particulière, elles ont entre elles un rapport
spatial
constant, c'est-à-dire -le rapport spatial « en
avant ou en arrière » -
« superficiel ou profond » n'exprime pour nous
d'abord que la régulière
succession des fonctions. Me fais-je encore comprendre ?
« Difficilement.
Peut-être comprendrai-je plus
tard, mais voilà certes une singulière anatomie
de l'âme, dont
l'équivalent ne se rencontre pas dans les sciences
naturelles. »
SF : Que voulez-vous, c'est une hypothèse comme il y en a
tant dans les
sciences. Les premières de toutes ont toujours
été assez grossières. «
Open to revision » peut-on en dire. Je trouve superflu de me
servir de
la locution devenue si populaire « comme si ». La
valeur d'une telle «
fiction » - ainsi que l'appellerait le philosophe Weininger - dépend ce
qu'on en peut faire. Et je poursuis : Restant sur le terrain de la
sagesse courante, nous reconnaissons dans l'homme une organisation
psychique intercalée entre, d'une part, ses excitations
sensorielles et
la perception de ses besoins corporels, d'autre part, ses actions
motrices ; organisation servant d'intermédiaire entre les
deux en vue
d'un but bien défini. Nous
appelons
cette
organisation son « moi
».
Voilà qui n'est pas nouveau, chacun de nous fait cette
hypothèse sans
être philosophe, et quelques-uns même bien qu'ils
le soient. Mais nous
ne croyons pas avoir ainsi épuisé la description
de l'appareil
psychique. En plus de ce << moi », nous
reconnaissons un autre
territoire psychique, plus étendu, plus vaste, plus obscur
que le « moi
», et ce territoire nous l'appelons le « soi
». La relation existant
entre le « moi » et le « soi »
est ce qui va nous occuper d'abord. Vous
allez sans doute trouver mauvais que nous ayons choisi, pour
désigner
nos deux instances ou provinces psychiques, des mots courants au lieu
de vocables grecs sonores. Mais nous aimons, nous autres
psychanalystes, rester en contact avec la façon de penser
populaire et
préférons rendre utilisables à la
science ses notions que les rejeter.
Nous n'y avons aucun mérite, nous sommes contraints d'agir
ainsi, parce
que nos doctrines doivent être comprises par nos malades,
souvent très
intelligents mais pas toujours versés dans les
humanités.
Le « soi »
impersonnel correspond directement à certaines
manières de parler de
l'homme normal. « Cela m'a fait tressaillir, dit-on, quelque
chose en
moi, à ce moment, était plus fort que moi
». « C'était plus fort que
moi. » (En français dans le texte, Cela =; Es,
littéralement, que nous
avons traduit par soi - Note du traducteur). En psychologie, nous ne
pouvons décrire qu'à l'aide de comparaisons. Ce
n'est pas spécial à la
psychologie, il en est ainsi ailleurs. Mais nous devons sans cesse
changer de comparaisons : aucune ne nous suffit longtemps. Si donc je
veux vous rendre sensible la relation entre le moi et le soi, je vous
prierai de vous représenter le « moi »
comme une sorte de façade du «
soi », un premier plan, - ou bien la couche externe,
l'écorce de
celui-ci. Tenons-nous-en à cette dernière
comparaison. Nous le savons :
les couches corticales en général sont redevables
de leurs qualités
spéciales à l'influence modificatrice du milieu
extérieur auquel elles
sont contiguës. Représentons-nous les choses ainsi
: le « moi » serait
la couche, - modifiée par l'influence du monde
extérieur, de la réalité
- de l'appareil psychique, du « soi ». Vous voyez
combien, dans la
psychanalyse, nous prenons au sérieux les notions spatiales.
Pour nous
le « moi » est vraiment le plus superficiel, le
«soi» le plus profond,
bien entendu considérés du dehors. Le «
moi » a une situation
intermédiaire entre la réalité et le
« soi », qui est proprement le
psychique.
« Je ne vous demande pas encore
comment on peut
savoir tout cela. Dites-moi d'abord à quoi sert cette
distinction entre
un « moi » et un « soi », ce
qui vous y contraint ? »
SF : Votre question me montre dans quelle direction poursuivre. Ce
qu'il importe en effet avant tout de savoir, c'est que le «
moi » et le
« soi » divergent fort et en bien des points l'un
de l'autre ; d'autres
règles président dans le « moi
» ou le « soi » aux actes psychiques ;
le « moi » vise d'autres buts et par d'autres
moyens. Il y aurait
là-dessus beaucoup à dire, mais vous
contenterez-vous d'une nouvelle
comparaison et d'un nouvel exemple ? Pensez aux différences
existant
entre le front et l'arrière, telles qu'elles
s'étaient établies pendant
la guerre. Alors nous ne nous étonnons pas qu'au front, bien
des choses
se passassent autrement qu'à l'arrière, et
qu'à l'arrière bien d'autres
choses fussent permises, qu'au front il fallait interdire. L'influence
déterminante était naturellement la
proximité de l'ennemi : pour la vie
psychique, c'est la proximité du monde extérieur.
Dehors - étranger -
ennemi - furent une fois synonymes. Maintenant venons-en à
l'exemple :
dans le « soi », pas de conflits ; les
contradictions, les contraires
voient leurs termes voisiner sans en être troublé,
des compromis
viennent souvent accommoder les choses. En de tels cas, le «
moi » eut
été en proie à un conflit qu'il eut
fallu résoudre, et la solution ne
peut être que l'abandon d'une aspiration au profit d'une
autre. Le «
moi » est une organisation qui se distingue par une
remarquable
tendance à l'unité, à la
synthèse ; ce caractère manque au « soi
», -
celui-ci est, pour ainsi dire, incohérent,
décousu, chacune de ses
aspirations y poursuit son but propre et sans égard aux
autres.
« Et s'il existe un « arrière
» psychique d'une telle importance,
comment me ferez-vous croire qu'il passa inaperçu
jusqu'à l'avènement
de l'analyse ? »
SF : Voilà que nous revenons à l’une de
vos questions
précédentes. La psychologie s'était
fermée l'accès au domaine du « soi
» en s'en tenant à une hypothèse qui
paraît d'abord assez plausible,
mais qu'on ne peut pourtant soutenir. A savoir, que tous les actes
psychiques sont conscients, que la « conscience »
est le signe
distmetif du psychique, et que, y eut-il dans notre cerveau des
opérations inconscientes, celles-ci ne méritent
pas le nom d'actes
psychiques et n'ont rien à voir avec la psychologie.
« Cela va de soi, me semble-t-il ».
SF : Oui, c'est ce que pensent aussi les psychologues, mais il n'en est
pas moins facile de montrer que cela est faux, qu'une telle
séparation
est tout à fait impropre. La plus superficielle observation
de soi-même
montre que l'on peut avoir des idées subites qui n'ont pu
surgir sans
que rien les prépare. Mais, de ces états
préparatoires de votre pensée,
qui ont dû pourtant être aussi de nature psychique,
vous ne percevez
rien : seul le résultat émerge tout fait dans
votre conscience. Ce
n'est qu'après coup et en de rares occasions que ces stades
préparatoires de la pensée peuvent
être, par la conscience, comme «
reconstruits ».
« Sans doute l'attention
était-elle détournée, ce qui
empêcha de remarquer sur le moment ces stades
préparatoires ».
SF : Faux-fuyant ! Vous n'y échapperez pas : c'est un fait
qu'en vous
peuvent se passer des actes d'ordre psychique, souvent fort
compliqués,
desquels votre conscience ne perçoit rien, desquels vous ne
savez rien.
Ou bien êtes-vous prêt à recourir
à l'hypothèse « qu'un peu plus ou un
peu moins » de votre « attention »
suffise pour changer un acte
non-psychique en un acte psychique? D'ailleurs à quoi bon
cette
discussion? Il y a des expériences d'hypnotisme qui
démontrent
l'existence de pareilles pensées inconscientes d'une
manière
irréfutable pour quiconque veut bien voir.
« Je ne veux pas vous contredire, mais je crois vous
comprendre enfin.
Ce que vous nommez le « moi », c'est la conscience,
et votre « soi »
est ce qu'on nomme ie « subconscient », qui fait en
ce moment tant
parler de lui ! Mais pourquoi la mascarade de ces noms nouveaux ?
»
SF : Ce n'est pas une mascarade : les autres noms sont inutilisables.
Et n'essayez pas de m'offrir de la littérature en place de
science.
Quelqu'un parie-t-il de processus subconscients, je ne sais s'il les
entend au sens topique : ce qui réside dans l'âme
au-dessous du
conscient, - ou bien au sens qualitatif : une autre conscience,
souterraine pour ainsi dire. Sans doute mon interlocuteur n'y voit-il
pas lui-même très clair. La seule distinction
admissible est celle
entre conscient et inconscient. Mais on ferait une erreur grosse de
conséquences si l'on croyait que cette division entre
« conscient » et
« inconscient » coïncidât avec
celle entre « moi » et «soi».
Sans
doute, ce serait merveilleux que ce fut si simple ; notre
théorie
aurait alors beau jeu. Mais les choses ne sont pas aussi simples.
Tout
ce qui se passe dans le « soi » est et demeure
inconscient : voilà qui
seul est certain, et que les processus se déroulant dans le
« moi »
peuvent devenir conscients, et eux seuls. Mais ils ne le sont pas tous,
pas toujours, pas nécessairement, et de grandes parties du
« moi »
peuvent durablement rester inconscientes. L'accès
à la conscience d'un
processus psychique est une chose compliquée. Je ne puis
m'empêcher de
vous exposer - à nouveau sur le mode dogmatique - ce que
nous en
pensons. Vous, vous le rappelez : le « moi » est la
couche externe,
périphérique, du «soi». Or
nous croyons qu'à la surface la plus externe
de ce «moi» se trouve une « instance
» particulière, directement
tournée vers le monde extérieur, un
système, un organe, par
l'excitation exclusive duquel le phénomène
appelé conscience peut
naître. Cet organe peut aussi bien être
stimulé du dehors, en recevant
à l'aide des organes sensoriels les excitations
émanant du monde
extérieur - que du dedans, en prenant connaissance,, d'abord
des
sensations résidant dans le «soi» et
ensuite des processus en cours
dans le « moi ».
« Cela devient de pire en pire, et
je comprends de
moins en moins. Vous m'avez donc invité à une
petite conférence sur
cette question : les non-médecins peuvent-ils entreprendre
eux aussi
des cures analytiques ? A quoi bon alors ce découpage en
quatre de
théories osées, obscures, de la justesse
desquelles vous ne pouvez donc
pas me convaincre ? ».
SF : Je le sais, je ne peux pas vous convaincre. Cela est hors de ma
possibilité et, par suite, de mon dessein. Quand nous
donnons à nos
élèves un enseignement théorique en
psychanalyse, nous pouvons observer
combien cela leur fait d'abord peu d'effet. Ils accueillent les
doctrines analytiques avec la même froideur que les autres
abstractions
dont ils furent nourris. Quelques-uns voudraient peut-être
être
convaincus, mais rien n'indique qu'ils le soient. Aussi demandons-nous
que quiconque veut exercer l'analyse sur d'autres, se soumette d'abord
lui-même à une analyse. Ce n'est qu'au cours de
cette auto-analyse
(comme on l'appelle à tort), et en éprouvant
réellement dans leur
propre corps -plus justement dans leur propre âme - les
processus dont
l'analyse soutient l'existence, que nos élèves
acquièrent les
convictions qui les guideront plus tard comme analystes.
Comment
puis-je alors m'attendre à vous convaincre de la justesse de
nos
théories, vous, l'auditeur impartial à qui je ne
puis présenter qu'une
exposition incomplète, tronquée, par suite sans
clarté, et à qui manque
la confirmation de votre expérience propre ? Je poursuis un
autre but.
La question n'est pas ici de discuter si l'analyse est chose
intelligente ou absurde, si elle a raison dans ce qu'elle avance ou si
elle tombe dans de grossières erreurs. Je déroule
nos théories devant
vous, parce que c'est le meilleur moyen pour vous faire voir quelles
idées constituent le corps, l'analyse, de quelles
prémisses elle part
quand elle commence à s'occuper d'un malade, et comment elle
s'y prend.
Ainsi une lumière très vive sera
projetée sur la question de l'analyse
par les non-médecins. Mais rassurez-vous ! Si vous m'avez
suivi
jusqu'ici, vous avez supporté le pire, ce qui suivra vous
semblera
facile. Mais laissez-moi maintenant reprendre haleine. « J'attends que vous
déduisiez, des théories de la psychanalyse,
comment se représente la genèse d'une affection
nerveuse ?».
SF : Je m'y essaierai. Il nous faut alors étudier notre
« moi » et
notre « soi » d'un point de vue nouveau : la
dynamique, c'est-à-dire en
ayant égard aux forces qui se jouent à
l'intérieur de ceux-ci et entre
eux. Jusqu'à présent nous nous sommes donc
contentés de décrire
l'appareil psychique.
« Pourvu que cela ne redevienne pas aussi
incompréhensible ! »
SF : J'espère que non. Vous, vous y reconnaîtrez
bientôt. Ainsi, nous
admettons que les forces dont l’action met en mouvement
l'appareil
psychique sont engendrées par les organes du corps et
expriment les
grands besoins corporels. Vous, vous souvenez des paroles de notre
poète philosophe (1) : la faim et l'amour. D'ailleurs un
couple de
forces imposantes ! Nous appelons ces besoins corporels, en tant qu'ils
sont incitations à l'activité psychique :
instincts (2), un mot que
bien des langues modernes nous envient. Ces instincts emplissent le
«
soi », toute l'énergie existant dans le
« soi », dirons-nous en
abrégé,
en émane. Les forces à l'intérieur du
« moi » n'ont pas non plus
d'autre origine, elles dérivent de celles contenues dans le
« soi ». Et
que veulent ces instincts ? La satisfaction, c'est-à-dire,
que se
produisent des situations dans lesquelles les besoins corporels
puissent s'éteindre. La chute de la tension du
désir est ressentie, par
l'organe de notre perception consciente, comme un plaisir ; une
croissance de cette même tension bientôt comme un
déplaisir. De ces
oscillations naît la suite des sensations «
plaisir/déplaisir » qui
règle l'activité de tout l'appareil psychique.
Nous appelons cela « la
souveraineté du principe du plaisir».
Des
états insupportables
prennent naissance quand les aspirations instinctives du «
soi » ne
trouvent pas à se satisfaire. L'expérience montre
bientôt, que de
telles satisfactions ne peuvent être obtenues qu'à
l'aide du monde
extérieur. C'est alors que la partie du « soi
» tournée vers le monde
extérieur, le « moi », entre en
fonction. Si toute la force motrice qui
fait se mouvoir le vaisseau est fournie par le « soi
», le « moi » est
en quelque sorte celui qui assume la manœuvre du gouvernail,
sans
laquelle aucun but ne peut-être atteint. Les instincts du
« soi »
aspirent à des satisfactions immédiates,
brutales, et n'obtiennent
ainsi rien, ou bien même se causent un dommage sensible. Il
échoit
maintenant pour tâche au « moi » de parer
à ces échecs, d'agir comme
intermédiaire entre les prétentions du
« soi » et les oppositions que
celui-ci rencontre de la part du monde réel
extérieur. Le « moi »
déploie son activité dans deux directions.
D'une part, il observe, grâce aux organes des sens, du
système de la
conscience, le monde extérieur, afin de saisir l'occasion
propice à une
satisfaction exempte de périls ; d'autre part il agit sur le
« soi »,
tient en bride les passions de celui-ci, incite les instincts
à
ajourner leur satisfaction; même, quand cela est
nécessaire, il leur
fait modifier les buts auxquels ils tendent ou les abandonner contre
des dédommagements. En imposant ce joug aux élans
du « soi », le « moi
» remplace le principe du plaisir, primitivement seul en
vigueur, par
le « principe » dit « du réel
» qui certes poursuit le même but final,
mais en tenant compte des conditions imposées par le monde
extérieur.
Plus tard, le « moi » s'aperçoit qu'il
existe, pour s'assurer la
satisfaction, un autre moyen que l'adaptation, dont nous avons
parlé,
au monde extérieur. On peut, en effet, agir sur le monde
extérieur afin
de le modifier, et y créer exprès les conditions
qui rendront la
satisfaction possible. Cette sorte d'activité devient alors
le suprême
accomplissement du «. moi » ; l'esprit de
décision qui permet de
choisir quand il convient de dominer les passions et de s'incliner
devant la réalité, ou bien quand il convient de
prendre le parti des
passions et de se dresser contre le monde extérieur : cet
esprit de
décision est tout l'art de vivre.
« Et comment le « soi
» se laisse-t-il ainsi
commander par le « moi », puisque, si je vous ai
bien compris, il est,
des deux, le plus fort ?
SF : Oui, cela va bien, tant que le « moi » est en
possession de son
organisation totale, de toute sa puissance d'agir, tant qu'il a
accès à
toutes les régions du « soi » et y peut
exercer son influence. Il
n'existe donc entre le « moi » et le «
soi » pas d'hostilité naturelle,
ils font partie d'un même tout et, dans l'état de
santé, il n'y a pas
lieu pratiquement de les distinguer.
« J'entends. Mais je ne vois pas,
dans cette relation idéale, la plus petite place pour un
trouble maladif ».
SF : Vous avez raison : tant que le « moi », dans
ses rapports avec le
« soi », répond à ces
exigences idéales, il n'y a aucun trouble
nerveux. La porte d'entrée de la maladie se trouve
là où on ne la
soupçonnerait pas, bien que quiconque connaît la
pathologie générale ne
puisse s'étonner de le voir confirmer ici : les
évolutions et les
différenciations les plus importantes sont justement celles
qui portent
en elles-mêmes le germe du mal, de la carence de la fonction.
« Vous devenez trop savant, je ne vous comprends plus
».
SF : Je dois reprendre d'un peu plus loin. Le petit être qui
vient de
naître est, n'est-ce pas, une très pauvre et
impuissante petite chose
au regard du monde extérieur tout-puissant et plein
d'actions
destructrices. Un être primitif, n'ayant pas encore
développé un « moi
» organisé, est exposé à
tous ces traumatismes. Il ne vit que pour la
satisfaction « aveugle » de ses instincts, ce qui
souvent cause sa
perte. La différenciation
d’un « moi » est avant tout
un progrès en faveur delà conservation vitale.
Bien entendu, quand
l'être périt, il ne tire aucun profit de son
expérience, mais,
survit-il à un traumatisme, il se tiendra en garde contre
l'approche de
situations analogues et signalera le danger par une
répétition abrégée
des impressions
vécues lors du premier
traumatisme : par un « affect » d'angoisse. Cette
réaction au péril
mène à une tentative de fuite, condition de salut
jusqu'au jour où
l'être, devenu assez fort, pourra faire face aux dangers
épars dans le
monde extérieur de façon active,
peut-être même en prenant l'offensive.
« Cela nous entraîne bien loin de ce que vous aviez
promis de me dire ».
SF : Vous ne vous doutez pas combien je suis près de tenir
ma promesse.
Même chez les êtres qui auront plus tard un
« moi » organisé à la
hauteur de sa tâche, le « moi » dans
l'enfance est faible et peu
différencié du « soi ».
Maintenant figurez-vous ce qui arrivera quand
ce « moi »sans force sera en butte à une
aspiration instinctive du «
soi », à laquelle il voudrait bien
résister, devinant que la
satisfaction en serait dangereuse, capable d'amener une situation
traumatique, un heurt avec le monde extérieur, mais cela
sans avoir
encore la force de dominer cette aspiration instinctive. Le «
moi »
traite le péril intérieur
émané de l’instinct comme s'il
était péril
extérieur ; il tente de prendre la fuite, il se retire de
cette région
du « soi » et l'abandonne à son sort
après lui avoir supprimé tous les
apports que d'ordinaire il met à la disposition des
émois de
l'instinct. Nous disons alors que le « moi »
entreprend un refoulement
de cette aspiration instinctive. Cela a pour résultat
immédiat de parer
au danger, mais on ne confond pas impunément ce qui est
interne et ce
qui est externe. On ne peut pas se fuir.
En
refoulant, le « moi » obéit au principe
du plaisir, que sa tâche
habituelle est de modifier : il doit donc en porter la peine. La peine
en sera que le « moi » aura ainsi durablement
restreint son royaume.
L'aspiration instinctive refoulée est maintenant
isolée, abandonnée à
elle-même, inaccessible, mais aussi impossible à
innuencer. Elle suivra
désormais ses propres voies. Le « moi »
ne pourra en général plus, même
lorsqu'il se sera fortifié, lever le refoulement ; sa
synthèse est
détruite, une partie du « soi » demeure
au « moi » terrain défendu.
L'aspiration instinctive isolée, de son
côté, ne reste pas non plus
oisive, elle trouve à se dédommager de la
satisfaction normale qui lui
est refusée, engendre des rejetons psychiques qui la
représentent, elle
se met en rapport avec d'autres processus psychiques qu'elle
dérobe à
leur tour au « moi », de par son influence, et
enfin fait irruption
dans le « moi » et dans la conscience sous une
forme d' «ersatz»
déformée et méconnaissable, bref,
élabore ce qu'on appelle un «
symptôme ». Nous embrassons maintenant d'un coup
d'œil ce qui constitue
un trouble « nerveux » d'une part, un «
moi » entravé dans sa synthèse,
sans influence sur une partie du « soi », devant
renoncer à exercer une
part de son activité afin d'éviter un heurt
nouveau avec ce qui est
refoulé, s'épuisant dans un vain combat contre
les symptômes, rejetons
des aspirations refoulées ; d'autre part, un « soi
», au sein duquel
des instincts isolés se sont rendus indépendants,
poursuivent leurs
buts à eux sans égard aux
intérêts généraux de
l'être, et n'obéissent
plus qu'aux lois de la psychologie primitive qui commandent dans les
profondeurs du « soi ».
Voyons-nous les choses de
haut, alors la genèse
des névroses nous apparaît sous cette formule
simple : le «moi» a tenté
d'étouffer certaines parties du « soi »
d'une manière impropre, il y a
échoué et le « soi » se
venge. La névrose est donc la conséquence d'un
conflit entre le «moi» et le
«soi», conflit auquel le «moi»
prend part
- un examen approfondi le démontre - parce qu'il ne peut
absolument pas
renoncer à sa subordination aux
réalités du monde extérieur.
L'opposition est entre le monde extérieur et le «
soi » et puisque le «
moi », fidèle en cela à son essence
intime, prend parti pour le monde
extérieur, il entre en conflit avec son « soi
». Mais prenez-y bien
garde : ce n'est pas le fait de ce conflit qui conditionne la maladie -
de tels conflits entre réalité et « soi
» sont inévitables et l'un des
devoirs constants du « moi » est de s'y entremettre
- ce qui cause le
mal est ceci : le «moi» se sert, pour
résoudre le conflit, d'un moyen
insuffisant, le refoulement. Mais la cause en est que le «
moi », quand
cette tâche s'offrit à lui, était peu
développé et sans force. Tous les
refoulements décisifs ont en effet lieu dans la
première enfance.
« Quels curieux détours
! Je suis votre conseil,
je ne critique pas, vous voulez donc seulement me montrer ce que la
psychanalyse pense de la genèse des névroses, afin
d'y rattacher ce qu'elle entreprend pour les guérir.
J'aurais plusieurs
questions à poser, j'en poserai quelques-unes plus tard. Je
serai
d'abord tenté de suivre vos traces, de tenter à
mon tour une
construction hypothétique, une théorie. Vous avez
exposé la relation
Monde extérieur - Moi – Soi et établi
comme condition essentielle des
névroses, ceci : le «moi», restant dans
la dépendance du monde
extérieur, entre en conflit avec le « soi
». Le cas contraire ne
serait-il pas concevable? dans un tel conflit le « moi
» se laissant
entraîner par le « soi » et
renonçant à considérer d'aucune
façon le
monde extérieur ? Qu'arrive-t-il alors? Je ne suis qu'un
profane, mais
d'après les idées que je me fais sur la nature
d'une maladie mentale,
une telle décision du « moi » en
pourrait bien être la condition.
L'essentiel d'une maladie mentale semble donc être qu'on se
détourne
ainsi de la réalité. »
SF : Oui, j'y ai pensé moi-même, et je le crois
juste, bien que la
démonstration de cette idée exige la mise en
discussion de rapports
fort enchevêtrés. Névrose et psychose
sont évidemment apparentées de
très près et doivent cependant, en quelque point
essentiel, diverger.
Ce point pourrait bien être le parti que prend le «
moi » en un tel
conflit. Et le «soi», dans les deux cas, garderait
son caractère
d'aveugle inflexibilité.
« Poursuivez, je vous en prie.
Quelles indications donne votre théorie pour le traitement
des névroses? »
SF : Notre but thérapeutique est maintenant aisé
à déterminer. Nous
voulons reconstituer le «moi», le
délivrer de ses entraves, lui rendre
la maîtrise du « soi », perdue pour lui
par suite de ses refoulements
précoces. C'est dans ce seul but, que nous pratiquons
l'analyse, toute
notre technique converge vers ce but. Il nous faut rechercher les
refoulements anciens, incitant le «moi»
à les corriger, grâce à notre
aide, et à résoudre ses conflits autrement et
mieux qu'en tentant de
prendre devant eux la fuite. Comme ces refoulements ont eu lieu de
très
bonne heure dans l'enfance, le travail analytique nous
ramène à ce
temps. Les situations ayant provoqué ces très
anciens conflits, elles
sont le plus souvent oubliées, le chemin nous y ramenant
nous est
montré par les symptômes, rêves et
associations libres du malade, que
nous devons d'ailleurs d'abord interpréter, traduire, ceci
parce que,
sous l'empire de la psychologie du « soi », elles
ont revêtu des formes
insolites, heurtant notre raison.
Les idées subites, les
pensées et
souvenirs que le patient ne nous communique pas sans une lutte
intérieure nous permettent de supposer qu'ils sont de
quelque manière
apparentés au « refoulé », ou
bien en sont des rejetons. Quand nous
incitons le malade à s'élever au-dessus de ses
propres résistances et à
tout nous communiquer, nous éduquons son
«moi» à surmonter ses
tendances à prendre la fuite et lui apprenons à
supporter l'approche du
«refoulé». Enfin, quand il est parvenu
à reproduire dans son souvenir
la situation ayant donné lieu au refoulement, son
obéissance est
brillamment récompensée ! La
différence des temps est toute en sa
faveur : les choses devant lesquelles le « moi
» infantile,
épouvanté, avait fui, elles apparaissent souvent
au «moi» adulte et
fortifié comme un simple jeu d'enfant.
Notes :
Cet entretien est paru dans la revue « La
Révolution Surréaliste ». Il
a été publié, le 1er octobre 1927,
numéro 9-11 (troisième année).
(*) Extrait d'un livre à
paraître sous ce titre à la N. R. F. (Traduction
Marie Bonaparte).
(1) Schiller. Note du traducteur.
(2) En allemand « Triebe ». Note du traducteur.
Source
: Gallica-BNF
À quel
psy s’en remettre ? ENTRETIEN
AVEC ELISABETH ROUDINESCO
par Lucien Degoy
Élisabeth
Roudinesco, historienne de la psychanalyse, intervient à
chaud
dans le débat public sur les thérapies psychiques
(1) .
Des psychanalystes ont cédé, dit-elle, aux
sirènes
du dogmatisme scientiste.
Le
nouveau livre d’Élisabeth Roudinesco est un
combat. Il est
dédié à Maud Mannoni, figure
emblématique
s’il en est de la lutte contre l’enfermement
asilaire, de
ces thérapeutes qui ont poussé loin en avant
l’héritage freudien : celui qui confie le sujet
à
la puissance libératrice de la parole, qui enracine la
démarche analytique dans la réflexion et la
critique de
l’ordre social.
L’exact
opposé en somme des règlements bureaucratiques
que
l’État s’efforce aujourd’hui
d’ériger en modèle de vertu sur le
grand
marché du bien-être psychique.
Prétextant la
présence de canards boiteux, ce qu’on appelle
l’amendement Accoyer-Mattei, surgi cet hiver du
débat
parlementaire et visant à encadrer légalement
l’exercice des psychothérapies jugé par
trop
libéral, est devenu l’un des mots-clés
de la
politique de santé gouvernementale.
Le
problème, dit Élisabeth Roudinesco,
c’est que cette
mise au clair s’identifie bien plus à une mise au
pas
qu’à une réflexion sereine, collective
et
nécessaire sur la situation contemporaine des
thérapies
de l’âme et le statut du sujet qu’elles
dessinent.
À pointer le fer contre les " charlatans ", on oublie
qu’en science on est toujours un peu le charlatan
d’autrui,
on calque le paysage psychique sur l’horizon
indépassable
de la biologie - archi-dominée par les trusts
pharmaceutiques -,
on réduit le sujet à une poignée de
typologies
chimiquement réactives d’où
l’on
évacue différence et identité.
La
vision que l’État propage ainsi du patient et du
thérapeute " moderne " est simpliste, autoritaire, elle
gomme
les différences d’approche entre psychiatrie
(épuisée et distributrice de pilules),
psychothérapies et psychanalyse, les enrôle toutes
dans
une normalisation fallacieuse du sujet. Et l’auteure de
déplorer que l’État ait obtenu des
principales
associations de psychanalystes ce geste incroyable : livrer leurs
listes d’adhérents à la puissance
publique en
échange du nouveau sésame censé leur
garantir
avenir professionnel et tranquillité sociale - le titre de
psychothérapeute.
Désormais,
la chasse est ouverte au psy " non inscrit " ou au " psy "
déviant de la mauvaise école, et ce sont les
héritiers de Freud et de Lacan qui la mènent.
D’aucuns jugeront ce portrait en situation par trop amer.
Mais
l’historienne de la psychanalyse a des arguments
précis :
au passage, elle rappelle qu’un tiers seulement de la
profession
a soutenu la création du pacs. À
déserter depuis
des années le terrain des luttes
d’émancipation, la
majorité des psychanalystes se renient, prévient
Roudinesco. L’avertissement peut être salutaire.
Charlatans,
gourous, " psys ", marchands de bonheur, médecines
parallèles, " nouveaux thérapeutes " : la liste
s’allonge de celles et ceux qui prétendent soigner
la
souffrance des âmes, dans une société
libérale en proie à tous les malaises. Du
côté du patient, à quel saint se vouer
? Comment se
garder des imposteurs ? L’État mandate des "
experts " et
entend faire la police dans les professions, en réveillant
certaines nostalgies d’ordre moral. Mais, surtout, interroge
l’historienne de la psychanalyse dans son dernier livre, les
critères de vérité de la biologie,
devenue
l’inévitable référence
scientifique,
peuvent-ils être appliqués aux sciences de
l’homme
ou à la psychanalyse sans tomber dans l’absurde ?
Rencontre.
Les questions... LD : La
prolifération sectaire vous semble-t-elle une
caractéristique de notre époque ?
ER
:Il
y a certainement toujours eu des sectes. C’est un
phénomène trans- historique, comme le montre
magnifiquement Christian Jambet. Mais, en effet, la chute de
l’engagement dans les grandes religions et aussi de
l’engagement communiste suscite un désarroi qui
pousse
chaque sujet à vouloir se différencier. Plus se
développe socialement un système de
liberté
où chacun a de moins en moins de comptes à rendre
à quiconque et plus un certain nombre de sujets trouvent
à satisfaire leur désir de contraintes sous cette
forme
caricaturale des religions que sont les sectes. Bien entendu, ce sont
les gens les plus fragiles, ceux qui auraient besoin de
psychothérapies ou de psychanalyses qui se mettent ainsi
sous la
dépendance de gourous faisant un usage pervers de leurs
connaissances psychologiques.
LD :
Vous
voulez dire qu’idéologie du " fais comme bon te
semble "
et servitude volontaire font bon ménage sur le grand
marché du " bien-être " ?
ER
:C’est
cela. La mondialisation libérale suscite une
crédulité sans limites. Les sectes fonctionnent
désormais comme des " États voyous ", selon le
mot de
Derrida. Elles n’ont même plus la dimension
mystique
d’autrefois. Ce qui les caractérise, au-
delà des
controverses de définition, c’est
qu’elles
requièrent l’abandon et une exploitation du corps
de
l’adhérent, la consommation sexuelle avec le
gourou ou son
représentant, souvent l’exploitation
économique, et
enfin un certain rapport à la pensée magique,
quoique
toute magie ne soit pas d’ordre sectaire. Il existe des
chevauchements, des frontières entre toutes sortes de
pratiques,
souvent à prétention scientifique, comme la
Scientologie,
qu’il s’agit de recenser, analyser, classer, sans
pour
autant les assimiler. Je ne classe pas, par exemple, les
médecines parallèles dans les sectes. On peut
comprendre,
sans approuver, que dans ce contexte touffu les
psychothérapeutes réclament de
l’État
qu’il pose des limites et des règles.
LD :
L’autre
montée en puissance de notre époque, qui se pose
en
conseiller du Prince en matière scientifique,
c’est ce que
vous appelez le " bio-pouvoir ", le savoir
biologico-médical…
ER
:Il
se réclame à juste titre de la raison et il
s’appuie sur la science. Le problème vient de ce
qu’il prétend pousser les limites de
l’observation
au-delà de ce que cette dernière peut
raisonnablement
expliquer. Or rien n’est plus dangereux qu’une
science qui
délire, qui se met à recourir à la
magie, qui
prétend, par exemple, sans fournir aucune preuve, expliquer
le
psychisme par les seuls phénomènes biologiques.
On met
aujourd’hui le cerveau au centre de tout, à tel
point
qu’on entend " prouver " que l’inconscient existe -
ou
plutôt n’existe pas - par imagerie
cérébrale
: comme si ce concept dynamique et opératoire avait une
extension spatiale, une localisation cérébrale !
Même si un jour on connaît tous les
corrélats
chimiques, cérébraux de la psychose, des troubles
psychiques divers, il y aura toujours un " lieu " de l’humain
irréductible à ces déterminations et
qui constitue
ce qu’on peut appeler la conscience. Les progrès
de la
science sont évidents, la chimie et les molécules
psychotropes ont incontestablement des effets
bénéfiques
sur des troubles graves, bien qu’à long terme la
prescription systématique de ces substances ait des effets
organiques et psychiques non négligeables. La parole
médicale accompagnant la promesse de guérison
n’est
pas neutre, ni inoffensive : elle révèle aussi ce
que
sont les croyances et l’idéologie du prescripteur.
LD :
Vous
montrez que cette chimie du médicament est devenue - tant
pour
l’institution médicale que pour
l’État, le
principal critère "d’évaluation
objective" des
thérapies psychiques. D’où un conflit
inévitable avec la psychanalyse ?
ER
:Cette
boulimie d’expertise rencontre une sacrée
difficulté : c’est qu’on ne peut
justement
expertiser le psychisme ! On a raison d’évaluer
l’efficacité des médicaments, des
neuroleptiques :
mais la question de la guérison des troubles psychiques est
un
tout autre problème, l’histoire de chacun est
toujours
autre chose que les recettes chimiques auxquelles une certaine vision
de l’humain prétend les réduire.
C’est
pourquoi il ne faut absolument pas que l’État se
mêle de cette question de la cure. Quant aux psychanalystes,
on
ne peut pas dire qu’ils s’offusquent de cette
intrusion
dans leur discipline.
LD :
Précisément,
vous reprochez à beaucoup d’entre eux
d’avoir
accepté que l’État s’en
mêle,
d’avoir en quelque sorte échangé leur
tranquillité professionnelle contre une sorte de mise en
ordre
contrôlée de la discipline ?
ER
:Je
leur reproche de ne s’être occupés
depuis des
années que des débats sur le cerveau,
d’avoir
engagé le dialogue avec leurs ennemis alors qu’ils
croyaient dialoguer avec la science. À l’exception
de
quelques universitaires, comme Roland Gori, qui ont très
bien
résisté à cette tentation, ils ont cru
pouvoir
faire la preuve, notamment à
l’université,
d’une scientificité de la psychanalyse, ce qui
n’a
pas de sens. Le problème n’est pas, bien entendu,
le
dialogue avec la science, mais bien la reconnaissance, la validation
implicite de l’idéologie scientiste que recouvre
cette
démarche. La psychanalyse est un système
interprétatif, rationnel, culturel. On ne peut pas
prétendre expertiser une cure comme on expertise un
médicament, même si une cure a des effets
organiques. Les
seuls critères que cette discipline peut apporter de sa
validité et de sa valeur sont de l’ordre des
témoignages qu’une analyse de type sociologique
pourrait,
en revanche, mettre en cohérence, analyser statistiquement.
La
réussite de la cure est elle-même sujette
à
interprétation, elle se mesure sur une échelle
subjective, implique la parole, le point de vue et le
témoignage
de sujets : ce n’est pas une science exacte.
LD :
Cette
dérive scientiste de la psychanalyse est aussi complice,
dites-vous, d’un désengagement politique et social
?
ER
:En
effet. En renonçant à dialoguer avec les
sociologues, les anthropologues ou les historiens, la
majorité
des psychanalystes ont fini par passer à
côté des
évolutions majeures de nos sociétés
durant ces
vingt dernières années. Or la psychanalyse depuis
Freud
est aussi destinée à comprendre la famille, le
sexe, la
société, les conflits. Les trois quarts des
psychanalystes ont déserté le terrain de la
clinique
d’une société. De sorte que, sous
l’influence
de l’IPA notamment, ils sont devenus franchement
réactionnaires, alors que leur discipline était
à
l’origine progressiste et subversive. Ils vivent chaque
nouveauté ou chaque évolution des moeurs comme
une
agression contre la psychanalyse. Ce qui est pour le moins paradoxal.
LD : La
situation vous semble désespérée ?
ER
: Non,
mais elle me semble assez grave pour en appeler
à un sursaut collectif de réflexion et
d’analyse.
L’enjeu est clairement de sauver la liberté et la
puissance émancipatrice de la psychanalyse.
Note :
(1)Le Patient, le
Thérapeute et l’État, par Elisabeth
Roudinesco, Éd. Fayard, 2004
Psychoses et Névroses, quoi-qu'est-ce?
Il
existe une distinction capitale entre la névrose d'une part,
la psychose d'autre part. Ce sont deux types de maladies nerveuses. Si
les maladies psychotiques nécessitent des soins
médicaux, toute forme de nervosité pour autant ne
demande pas de prise en charge obligatoire du patient. Un bon
névrosé a besoin possiblement d'une cure
analytique, mais certainement pas d'un psychiatre, sauf si celui-ci est
aussi psychanalyste et permet une prise en charge partielle du
coût financier de la psychothérapie.
La
psychose, si l'on peut expliquer au mieux ce terme, sans entrer dans un
jargon de spécialiste, peut s'assimiler à l'image
de l'enfermement sur soi. En sorte, ne plus pouvoir établir un
contact cohérent pour soi et avec les autres, ce qui ne veut
pas dire que la personne n'est pas toujours consciente. Elle
"disjoncte" pour reprendre un terme commun. Elle ne fait pas lien entre
son univers et ce qui l'entoure, cela peut devenir un isolement total
à l'exemple des enfants autistes. Il n'y a pas un et un seul
cas de psychose, certaines se soignent, d'autres méritent
des soins permanents. Sur "l'échelle" des psychoses, il en
va d'une crise passagère qui peut survenir au moment d'une
épreuve douloureuse à tout chacun, et peut aller
jusqu'au handicap qui invalidera un homme ou une femme à
tout jamais dans sa perception du monde, à l'exemple des
troubles de guerre.
Comme
il y a une différence entre un maux de gorge et une
opération à coeur ouvert, la nervosité
ou la névrose n'a rien d'handicapant jusqu'à un
certain stade. C'est comme d'un "bien commun à
tous", mais une névrose peut devenir aussi une psychose,
mais la grande majorité des névroses ne
deviendront jamais des maladies psychotiques. Il n'est pas
véritablement possible d'expliquer pourquoi untel va au
cours de sa vie développer une psychose. On a cru longtemps
que le conditionnement familial était sujet à ce
type de maladie lourde chez les bébés. La
génétique n'explique pas plus les raisons ou ses
mystères. Il en va possiblement d'un
dérèglement neurologique, qui peut intervenir
suite à un événement. Pour exemple, on
a pu ainsi déceler une psychose chez les femmes
après la naissance d'un enfant, et aujourd'hui, des soins
appropriés répondent à cette crise
nerveuse spécifique et limitée dans le temps.
Le
terme névrose peut porter à confusion. Il indique surtout des
comportements nerveux qui peuvent devenir de véritables
maladies. Une pathologie avec des perturbations psychiques et
physiologiques, dans le cas d'une névrose d'angoisse.
L'agitation nerveuse peut devenir un vrai handicap pour une personne,
les troubles de l'anxiété devenant la cause de
maux divers. Dans le cas des phobies, des
réalités quotidiennes simples peuvent devenir un
obstacle. Cet exemple est fragmentaire mais reflète la
situation de millions d'individus dont les perceptions sont
troublées sans pour autant en perdre la raison. Du moins de
croire vivre en cohérence, mais de ne pouvoir aborder
certaines choses courantes ou faits communs, ou son pendant
obsessionnel qui poussera à en faire plus que de besoin,
voilà très brièvement ce que peut
être une névrose.
Il
est important de souligner, que les troubles nerveux et mentaux sont
aussi nombreux que les brins d'herbe d'une vaste étendue de
prairie.
Il y a en quelque sorte autant de
problèmes nerveux qu'il y a d'individus sur cette
planète, voire de cultures ou de peuples. Selon les
époques, nos "folies" mutent, disparaissent à
l'exemple de ces femmes hystériques que soignait le
professeur Charcot au dix-neuvième siècle. Ou
selon l'image plus populaire du fou qui se prenait pour
Napoléon a lui aussi disparu. Cela n'existe plus
ou ne couvre plus la même terminologie. Vous
trouverez dans "névrose, psychose et perversion" de Freud - collection PUF - un ouvrage qui explique bien
la nature de ces maux. Comment ils peuvent s'organiser ou survenir
selon un contexte affectif et social. Si évolution, il y a
eu depuis Sigmund
Freud, son analyse des troubles reste néanmoins
très juste, en quelque sorte les causes demeurent similaires.
Notes, LM, année 2004
À
propos de la résilience...
Ce
terme de "résilience" en quelques années a fait
parler de lui par l'intermédiaire du Professeur Boris Cyrulnik.
Comme tout terme "scientifique" devenant peu à peu commun
dans le
langage courant, il en est devenu encore plus abstrait. La
médiatisation de ce concept fait de cette idée
presque une panacée.
Est-ce le cas, ou quelle parenté existe-t-il par exemple
avec la
psychanalyse?
Le texte ci-dessous apporte un éclairage fort
intéressant
et vient alimenter une critique utile. Si l'idée est
louable, rien ne
permet d'accréditer que tout le monde suite à un
choc de l'existence,
puisse toujours surmonter l'épreuve. Et à ce
sujet le professeur
Cyrulnik le confirme aussi, il existe des conditions
spécifiques pour
surmonter certains chocs de la vie. En particulier les
personnes
qui ont été soumises à des chocs
traumatiques violents.
A l'exemple des
traumatismes de guerre : http://libresameriques.blogspot.fr et personnes qui ont conserrvé des séquelles lourdes et
à caractère répétitif
favorisant une pathologie où il devient impossible de faire lien avec
le réel ou bien avec les réalités du
quotidien.
CES
MOTS QUI POLLUENT LA PENSÉE
« Résilience » ou
la lutte pour la viepar Serge Tisseron (*)
En juillet dernier s'est
tenu à Vitoria (Espagne) le Vème
congrès international d'histoire des concepts. Venus du monde entier,
des universitaires y ont mis en garde contre les manipulations qui se
dissimulent sous le langage : « Tous les pouvoirs, ont-ils
rappelé, créent des mots pour nous obliger
à penser comme eux. » George Orwell nous avait
déjà alertés contre le totalitarisme
de toute « novlangue ». Comment alors ne pas
s'interroger sur l'idéologie qui se camoufle sous le mot
à la mode de « résilience » ?
L'idée de quelque chose qui résiste aux pressions
sans trop se déformer ou en pouvant retrouver sa forme, un
peu comme un ressort, existe aux Etats-Unis depuis longtemps. Paul
Claudel écrit d'ailleurs dans L'Elasticité
américaine : « Il y a dans le
tempérament américain une qualité que
l'on traduit là-bas par le mot resiliency, pour lequel je ne
trouve pas en français de correspondant exact, car il unit
les idées d'élasticité, de ressort, de
ressource et de bonne humeur (1).»
Dans le champ de la
psychologie, Fritz Redl a introduit le concept d'« ego
resilience » en 1969 ; puis a été
décrit le phénomène appelé
« invulnerable children ». Enfin, au milieu des
années 1980, plusieurs ouvrages consacrés
à la « résilience » ont
été publiés, analysant le destin
réussi d'individus que leur enfance catastrophique semblait
pourtant promettre à un sombre avenir (2). Aux Etats-Unis,
cependant, rien de comparable à l'extraordinaire engouement
que connaît aujourd'hui la France pour ce concept. Pourquoi ?
D'abord grâce à un génial tour de
passe-passe... La résilience, qui est en Amérique
une vertu sociale associée à la
réussite, est devenue en France une forme de richesse
intérieure... Il ne s'agit plus, comme dans la version
américaine, d'orienter sa vie pour connaître le
succès, mais de « chercher la merveille (3)» ou encore de
« cultiver l'art de rebondir (4)
». Pourtant,
sous cette séduisante parure, le produit reste le
même.
L'opération
« habits neufs » commence avec la
métaphore de la perle dans l'huître : celle-ci
réagit à l'introduction d'une impureté
dans son organisme - par exemple, un grain de sable - par un travail
qui aboutit à la fabrication de ce merveilleux bijou qu'est
une perle. Nourri par une
métaphore aussi précieuse, le mot devient
commercial : chacun veut avoir sa perle ! C'est ainsi qu'un
collègue, qui évoquait le
décès de son père et la «
forme éblouissante » de sa mère,
s'entendit répondre par une dame : « Oui, c'est
vrai, nous autres, les femmes, nous sommes plus
"résilientes". » La résilience
assimilée à l'adaptation sociale sentirait le
soufre, mais comparée à un bijou longuement
« sécrété » et
poli par l'organisme, elle suscite chez chacun le désir de
s'en parer ! Autre exemple. Un tract, distribué à
l'entrée d'une université, appelle à
une société plus juste et plus
égalitaire. Il se termine par cette phrase : «
Battons-nous pour une société nouvelle
où tout le monde aurait sa chance (grâce
à la résilience). »
Le concept,
né de la psychologie sociale américaine, n'a
aucune difficulté à y retourner : le but n'est
plus d'apporter à chacun l'eau courante, des logements
salubres, la démocratie et un travail digne, mais... la
« résilience » ! A la limite, la pression
sociale n'a plus d'importance : ceux qui sont «
résilients » rebondiront, les autres pourront
toujours avoir affaire au psychologue, au psychiatre ou à un
« tuteur » éventuellement
bénévole. Le lecteur juge peut-être
qu'il s'agit là d'usages caricaturaux et abusifs qui
n'entament en rien la valeur du concept. Nous allons essayer de montrer
le contraire.
Le mot «
résilience » est d'abord ambigu, car il masque le
caractère toujours extrêmement fragile des
défenses développées pour faire face
aux traumatismes. La résistance psychique s'apparente
dans son évolution à la résistance
physique face à un cancer connu. Le patient est
aidé, traité au mieux, mais nul ne
maîtrise ses rechutes possibles. Et c'est seulement lorsque
le malade est mort que l'on peut dire, selon les cas, s'il a bien
résisté ou non ! Dans le domaine de la
résistance psychique aux traumatismes, tout peut toujours
basculer de manière imprévisible, notamment sous
l'effet d'une expérience existentielle comme le
décès d'un proche, l'éloignement d'un
être cher ou même un simple
déménagement. La «
résilience » est peut-être belle comme
une perle, mais elle n'est jamais solide. Or le problème
réside dans le fait qu'on a pourtant toujours tendance
à la considérer comme un fait acquis, ou
à acquérir.
Favoriser l'adaptation sociale
Le second reproche qu'on
peut faire à l'usage de ce mot est de masquer la grande
variété des mécanismes de
défense destinés à lutter contre les
conséquences d'un traumatisme (5). A un extrême,
le traumatisme peut être évoqué
répétitivement par des gestes symboliques, des
images ou des mots, tandis qu'à l'autre extrême il
peut être enfermé au fond de soi dans une sorte de
« placard psychique » où on tente de
l'oublier. Et dès que l'on prend en compte la vie sociale,
tout se complique encore. Certains de ces mécanismes
contribuent en effet à renforcer la capacité
d'affirmer ses choix personnels, tandis que d'autres poussent
à une adhésion inconditionnelle à son
groupe. Enfin, la troisième raison pour laquelle ce concept
est discutable est qu'il recouvre des processus
d'aménagement des traumatismes qui profitent à la
fois à l'individu qui les pratique et à ses
proches, et d'autres par lesquels l'ancienne victime d'un traumatisme
« rebondit » aux dépens de ceux qui
l'entourent.
Cette confusion n'est
pas un hasard. La « résilience » est
inséparable de la conception d'un « Moi autonome
» développée par la psychologie
américaine, et qui n'est autre qu'une instance favorisant la
réussite des « plus aptes ». La « résilience
» est de ce point de vue un concept qui évoque
plus la « lutte pour la vie » chère
à Darwin que la distinction morale. Et c'est bien
là que la confusion menace. Car, derrière ce mot,
le mythe de la Rédemption n'est pas loin, le «
résilient » étant censé
avoir dépassé la part sombre de ses souffrances
pour n'en garder que la part glorieuse et lumineuse. On entend de plus
en plus de gens parler de leur « résilience
» comme si c'était une qualité
à porter à leur crédit, voire quelque
chose qui pourrait nourrir l'estime d'eux-mêmes. Mais,
à les écouter, on se prendrait parfois volontiers
à plaindre leur entourage...
J'ai connu quelqu'un qui
avait grandi dans une famille où existait un secret grave.
Il en avait d'abord beaucoup souffert, mais avait finalement
réussi une promotion fort rapide. Il se disait fier d'être capable de
dissimuler avec beaucoup d'habileté le fonctionnement
réel de son entreprise aux syndicats, et d'arriver, pour
cette raison, à manipuler efficacement ses «
employés » - qui étaient symboliquement
ses enfants. Cet homme, avec la découverte du mot
résilience, avait appris à décrire son
parcours d'une manière qui le gratifiait.
Réchappé du camp des humiliés et des
perdants, où il avait failli basculer, il ne
s'était pas laissé « écraser
» par ses traumatismes d'enfant, il avait
sécrété sa perle. Soit. Mais nous
sommes ici du côté de valeurs qui n'ont rien
à voir avec la psychologie et tout avec l'adaptation sociale
qui fait, aux Etats-Unis, de la réussite
l'équivalent de la vertu.
Enfin, non seulement le
« résilient » peut devenir une source de
traumatismes graves pour les autres, y compris sa propre famille, mais
il peut même parfois déployer une grande
énergie destructrice. N'oublions pas que les kamikazes du 11
septembre 2001 ont dans l'ensemble été
décrits comme de bons maris, de bons parents et
éventuellement de bons éducateurs,
malgré des parcours personnels pour la plupart difficiles.
Bref, ils étaient exemplaires, jusqu'à leur acte
suicidaire et meurtrier, d'une solide résilience, comme
l'était aussi David Hicks, celui qu'on a surnommé
le « taliban australien (6) ».
Si ces auteurs
d'attentats-suicides s'étaient sortis de leur
passé douloureux, c'était à un prix,
celui de devenir des sortes de « monstres dormants
», adaptés et généreux,
jusqu'à ce que des circonstances exceptionnelles les
révèlent, comme cela s'est d'ailleurs
passé en Allemagne entre 1933 et 1945, ou en ex-Yougoslavie
plus récemment.
Dans la pratique clinique, il n'est pas rare de
rencontrer des patients dont l'organisation psychique correspond
à ce schéma. Du point de vue de leur existence
familiale et sociale, ils semblent avoir parfaitement
surmonté leurs graves traumatismes d'enfance. Ils sont
« polis, respectueux, sérieux et
honnêtes » comme l'était David Hicks (7).
Pourtant, leur haine à
l'égard de leurs parents ou de leurs éducateurs
maltraitants reste intacte et ne demande qu'à être
déplacée vers un ennemi que leur groupe leur
désigne, permettant du même coup de mettre
définitivement hors de cause ces parents ou ces
éducateurs.
En pratique, pas plus
qu'on ne peut savoir si une guérison apparente est stable ou
pas, on ne peut déterminer à quoi correspond un
altruisme apparent chez une personne qui a vécu un
traumatisme. Il
peut en effet résulter d'un dépassement
réussi de celui-ci, mais aussi de la mise en sommeil d'une
haine inextinguible pouvant conduire, plus tard, à
réaliser un acte de violence inexplicable comme moyen de
rendre vie à cette partie de soi à laquelle on
n'a jamais voulu renoncer. C'est pourquoi les différents
psychanalystes qui se sont intéressés
à la résistance aux traumatismes (8)
ont renoncé à
l'idée de ranger sous un même vocable des
phénomènes qui résultent autant de
l'environnement que des possibilités psychiques propres
à chacun, et qui peuvent contribuer à des
personnalités aussi différentes que Staline ou
Mère Teresa.
Leur prudence semble
avoir été fondée, surtout si l'on en
juge par l'usage courant qui est fait maintenant du mot «
résilience ». Il paraît
correspondre à celui de ces mécanismes qui est
à la fois le plus problématique et le plus
trompeur, à savoir un clivage soutenu par un lien social
capable d'ensommeiller, pour un temps
indéterminé, le monstre tapi au creux de
personnalités meurtries...
(*)
Psychanalyste et psychiatre, auteur de L'Intimité
surexposée, Hachette, Paris, 2002, et de Bienfaits des
images, Odile Jacob, Paris, 2002.
Source : Le
Monde diplomatique Août 2003
Notes du
texte :
(1) Paul Claudel, Oeuvres en prose, Gallimard, coll.« La
Pléiade », Paris, 1965, p. 1205.
(2) Notamment Julius Segal, Winning Life's
toughest Battles. Roots of human Resilience, Mac Grow Hill, New York,
1986 ; et James E. Anthony and Bertram J. Cohler, The Invulnerable Child, Guilford Press, New York, 1987.
(3) Selon l'expression de Boris Cyrulnik dans Un merveilleux malheur, Odile Jacob, Paris, 1999.
(4) Sous-titre de l'ouvrage
de Rosette Poletti et Barbara Dobbs, La Résilience, Ed. Jouvence, Saint-Julien-en-Genevois, 2001.
(5) Citons les formes de
clivage - compliquées ou non de projection -, le refoulement
et les diverses modalités de symbolisation de
l'événement traumatique, que ce soit avec des
comportements, des images ou des mots.
(6) Le Monde, 29 décembre 2001.
(7) Ibid.
(8) Que ce soit Sandor
Ferenczi avec la dynamique du clivage, Anna Freud avec
l'étude des mécanismes de défense ou
encore Winnicott avec la crainte de l'effondrement comme signe d'une
catastrophe psychique qui a déjà eu lieu dans le
passé du sujet.
Résilience : définition(s)
+ notes
Ce terme est aujourd'hui le segment de nombreuses recherches et il
importe de mieux transmettre cette notion et ses concepts scientifiques
auprès de tous !
Brouillard ou arc-en-ciel de sens?
par Dominique Collin
À l'origine,
en métallurgie, la résilience désigne
une qualité des matériaux qui tient à
la fois de l'élasticité et de la
fragilité, et qui se manifeste par leur
capacité à retrouver leur état initial
à la suite d'un choc ou d'une pression continue. Le Robert
ne retient qu'une de ces deux idées, celle de la
résistance au choc, et définit la
résilience comme le rapport, exprimé en joules
par cm2, de l'énergie cinétique
absorbée qui est nécessaire pour provoquer la
rupture d'un métal à la surface de la section
brisée.
Pour l'informaticien, il s'agit de cette
qualité d'un système qui lui permet de continuer
à fonctionner correctement en dépit de
défauts d'un ou de plusieurs éléments
constitutifs. L'anglais utilise le terme system resiliency,que l'on rend, selon le contexte, par
tolérance aux failles, tolérance aux anomalies,
insensibilité aux défaillances
Pour l'écologiste, la résilience exprime, d'une part la capacité de
récupération ou de
régénération d'un organisme ou d'une
population, et d'autre part, l'aptitude d'un
écosystème à se remettre plus ou moins
vite d'une perturbation la reconstitution d'une
forêt après un incendie, par exemple. Pour les
pisciculteurs, la résilience exprime une idée
voisine, celle de la résistance naturelle d'une race de
poissons en fonction de sa fécondité. On lui
donne un sens voisin, mais déjà plus riche, dans
le domaine de l'économie .
Dans les domaines de la médecine, de
la psychologie et de la criminologie, iil est question de
résilience en rapport avec la résistance
physique, les phénomènes de guérison
spontanée et de récupération soudaine.
Le terme s'est imposé particulièrement dans le
traitement d'enfants à risque dont on cherche à
solidifier l'aptitude à rétablir leur
équilibre émotionnel dans des situations de
stress ou d'abus importants, par une meilleure compréhension
du ressort psychologique.
Plus récemment, les expressions resilient
business et resilient community, moins souvent
utilisées en français, font leur apparition dans
les publications américaines et canadiennes, lorsqu'il est
question de mettre en évidence la capacité
intrinsèque des entreprises, des organisations et des
communautés à retrouver un état
d'équilibre soit leur état initial,
soit un nouvel équilibre qui leur permette de
fonctionner après un désastre ou en
présence d'un stress continu. Dans la même veine,
on parlera de sociétés, d'ethnies, de langues ou
de systèmes de croyances faisant preuve de
résilience.
Notons d'abord que toutes ces utilisations
nouvelles du mot résilience ont un fond de sens commun, qui,
curieusement, marque une distance importante par rapport au sens
premier du terme en métallurgie.
Premièrement, pour ce qui est de l'objet que la
qualité décrit: il est question de la
résilience, non plus d'une matière inerte et
simple, mais d'un tout ou d'un système complexe. La
résilience se caractérise ensuite par une forme
d'homéostasie qui permet aux systèmes de
retrouver leurs conditions de départ ou de maintenir leurs
fonctions initiales dans un environnement dynamique et changeant
où interagissent un nombre important de forces, qui doivent
être maintenues dans un équilibre plus ou moins
fragile. La tolérance au stress fait apparaître
des seuils, en deçà et au-delà
desquels la structure se rompt ou éclate. Autre
élargissement du sens: là où la
métallurgie voit dans la résilience une
résistance due à la nature même de la
matière, il s'agit maintenant d'une réaction d'un
système qui met en jeu des contre-forces tenues en
réserve pour refaire l'équilibre
brisé; forces qui modifient l'environnement de
manière à préserver les conditions
favorables au maintien des structures.
Mais au-delà de ces
éléments: complexité,
équilibre, seuils de tolérance au stress,
ressources intérieures pour maintenir
l'intégrité de la structure, on peut
soupçonner des glissements. S'agit-il alors de raffinements
progressifs dans le sens de la métaphore, selon qu'elle sert
à décrire des systèmes
mécaniques, vivants ou conscients et selon que, pour chacune
de ces trois catégories, l'unité
décrite est un individu (système
constitué de parties multiples et
différenciées, tel un phénotype), une
espèce (système formé par le
regroupement d'individus semblables, tel un génotype) ou une
société (ensemble regroupant nombre
d'espèces différentes tel un
écosystème)? Brouillard ou arc-en-ciel de sens?
Source : Attila
passe, l'herbe repousse (2002)
Notes
complémentaires sur la résilience
Ces
dernières années, on a publié beaucoup
de textes
sur la résilience, particulièrement en anglais,
mais
aussi de plus en plus dans d'autres langues. Étant
donné
la rapidité des développements sur le sujet, il
vaut
mieux donner des noms de chercheurs que des
références
d'ouvrages, à quelques exceptions près. Il existe
les
textes scientifiques, au sens classique, et les textes plus ou moins
populaires.
Il
y a également - mais cela reste rare - des textes qui
essaient
de jeter un pont entre la connaissance scientifique de la
résilience et la pratique. Enfin, on découvre de
plus en
plus d'expériences pratiques qui démarrent sur le
terrain, en Amérique latine, en Inde, à Taiwan,
mais ces
expériences ne sont pas forcément
documentées ni
analysées en détail.
En
France, ce n'est que très récemment que la
résilience est devenue un sujet de recherche et de
discussion.
Parmi les promoteurs, on trouve Boris Cyrulnik et Michel Manciaux.
Davantage que dans les autres pays, la réflexion sur la
résilience est marquée en France par les
pédiatres
et par les psychanalystes (très critiques pour certains). En
Amérique latine, se développe une
réflexion
spécifique sur la résilience, en Colombie, en
Argentine, au
Brésil et au Chili notamment : on y a
développé la
notion de résilience communautaire !
Autres infos sur la résilience et source d'origine :
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