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Le Haut
Moyen Âge à Paris (1ère partie)
Le Moyen Âge couvre la période historique qui
s'étend du Ve siècle au XVe siècle. Au plus simple, deux périodes
divisent sa chronologie, ici elle sera en trois temps : le haut Moyen Âge, suivi du bas Moyen Âge
(en deux
parties), puis la
déclinaison d'une époque Pré-renaissance et la dite Renaissance
jusqu'au règne de Louis XIII (4 pages à découvrir).
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À
la fois Paris devenait capitale et vivre son apogée
sous Clovis un court temps, puis pendant 400
ans, la ville a connu une longue mise entre parenthèse qui aurait pu
lui être
fatale? Même si le roi Franc le plus connu en fit sa ville capitale,
sous les Mérovingiens, puis sous les Carolingiens la cité
parisienne ne fut seulement que 16 années la capitale des royaumes
successifs, à peine trois années sous Clovis, si l'on s'en tient à la
date de 408. On
assista surtout à la montée en
puissance du pouvoir ecclésiastique, qui peu à
peu faute d'administration politique allait s'en charger à sa
place. |
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Il a existé entre la fin de l'empire Romain et
la naissance du royaume Franc, une transition religieuse qui trancha
avec les pratiques antérieures. Le
monde chrétien prenait place, un processus long et qui ne porta ses
fruits qu'au deuxième millénaire dans une acception ou soumission aux
lois chrétiennes établies. Il
s'agissait d'évangéliser les gaulois
plus ou moins romanisés, selon les régions, et les autres populations
du
continent. Ce fut
aussi que peu à peu l'Eglise chrétienne romaine ou byzantine
allait peser et devenir tout aussi puissante que le pouvoir politique.
Entre histoires et mythes religieux, où se trouve la part du
vrai et de la légende? On peut ainsi se référer à
certains textes anciens et comprendre que les relations entre pouvoirs
politiques et religieux ont été riches et compliquées. |
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Moyen Âge et périodes
traitées
chronologies et choix du rédacteur?
Quand a été rédigée cette histoire de Paris, en ligne, la question ne
s’était pas vraiment posée, c'est-à-dire comment nommer les différentes
périodes du Moyen Âge? Il existe en la matière plusieurs écoles, la
datation des périodes sur ces pages sur l'histoire de Paris se
rapprochant le plus
est celle de
l’INRAP (*).
« Le premier Moyen Âge
(Ve-XIe siècle), appelé aussi haut Moyen Âge. Cette période débute par
un très haut Moyen Âge (Ve-début VIIIe siècle). Le second Moyen Âge (XIIe-XVIe siècle), ou bas Moyen
Âge. » (Source Inrap). Ce qui diffère dans les approches est de
repousser
chez les historiens le bas Moyen Âge de deux siècles, et dans la cas de
l'Inrap, le Moyen Âge absorbe la Renaissance, qui est elle-même passée
dans les
Temps modernes à partir de 1450 pour l'enseignement supérieur.
Quelques changements sont donc intervenus par rapport à d'anciens
schémas
chronologiques ou simplement ce que l'on apprenait sur les bancs de
l'école, il a été jugé utile de le préciser. A
partir de 1350, il a été
choisi une déclinaison pré-Renaissance. La Renaissance bien que traitée
dans les pages suivantes
a été en tant que telle absorbée ces dernières années dans les études
historiques
par les Temps modernes, tout comme la Révolution française. En clair,
à
quelle chronologie se vouer, telle est la question?
L’objet n’était pas de
changer
la présentation globale, simplement de souligner l’importance de
l’archéologie bien au-delà de l’Antiquité ou de la Préhistoire, et des
relations pas
toujours simples entre historiens et travaux archéologiques. Même si
l’historiographie en ce domaine domine, elle n’est pas le seul vecteur
de
connaissance sur une période comme le Moyen Âge (1000 ans). Surtout que
l’on continue à Paris à découvrir d’anciens vestiges, à l’exemple des
fouilles entreprises à l’emplacement de l’ancien hôpital de la Trinité,
en lieu et place de l’ancien immeuble Félix Potin construit en 1910 sur
le boulevard Sébastopol (2ème arrondissement).
Il faut noter que le haut
Moyen Âge est la période la plus négligée ou la moins connue et pour
cause, néanmoins ce temps historique commence à apporter des réponses
moins caricaturales et au plus près des faits s’éloignant des mythes du
passé et des récits patriotiques. Une période longtemps dépeinte comme
presque maudite et soumise aux désordres et invasions
se propageant
comme une déferlante, alors qu’à l’échelle européenne, il y a à
mettre des guillemets, car le terme d’invasion est impropre. Et il est
difficile de parler de mouvements massifs de population, même si
apparaissent dans l'hexagone d'autres cultures de l'Est européen.
L’enjeu étant plus d’analyser des mouvements de population sachant que
depuis 4 ou cinq millénaires, la dimension temporelle donne à
comprendre que la situation n’est pas nouvelle, mais en plus grand nombre
et tout aussi offensive quant à la domination des territoires. Les deux
grandes périodes mérovingienne et carolingienne (cette dernière bien
plus courte en
durée) se terminent en guerres territoriales. Aux Xe et XIe siècles se
propage l’apparition des fortifications en hauteur dominant les plaines
et le monde féodal (de l'esclavage à l'asservissement des masses
paysannes).
Beaucoup
d’histoires ont été
noyées dans l’hagiographie des moines avec leurs récits surnaturels ou
exaltant les exploits des suzerains. Charlemagne et son neveu à Roncevaux est un vieux
classique suranné. Cependant certains textes de
religieux
permettent de mettre en lumière un monde face à ses crises, et rendre à
ces périodes leurs natures propres et pour beaucoup incertaines.
Beaucoup
des recherches à venir passent déjà et passeront par un retour
aux sources et par les archives et travaux de relectures de textes
oubliés, en ce domaine avec une bonne maîtrise des langues dites
anciennes et orientales, du bassin méditerranéen jusqu'à l'Inde, et la
Chine. Et il faut tenir compte que la langue des échanges a été le
latin durant tout le Moyen Âge, et que celui-ci a connu de nombreuses
évolutions, tout comme la langue française.
Derrière
une tête couronnée supposaient des clercs, les rares sachant
lire et écrire étaient les ecclésiastiques. Une réalité persistante,
même si elle s'améliora et s'entendit à d'autres couches de la société.
La population à partir du XIIe siècle est estimée a à peine 10% être en
mesure de lire et de rédiger (si elle peut ou dispose des moyens),
principalement des hommes
ayant pu
recevoir un enseignement. Notamment
avec l’apparition de petites écoles, suivi de collèges puis de l'Université de Paris, les études au contraire pouvaient
durer jusqu’à l’âge de 40 ans, concernant surtout les classes
privilégiées bourgeoises et principalement aristocratiques.
Le Onzième siècle n'avait pas été abordé, il a été rajouté quelques
éléments concernant la ville de Paris de ce temps-là ou ce que l'on nomme
aussi le Moyen Âge central (du Xe au XIIIe s.) pour toute information
sur la chronologie.
(*) INRAP : Institut national des recherches archéologiques préventives.
Notes de LM, le 9 mars 2018
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Les rois mérovingiens ne savaient, ni lire, ni
écrire, ils étaient
querelleurs, en bref c'étaient des soldats sans grandes morales et
brutaux? Ce
qui resterait à démontrer, le mythe du "barbare" violent et ignare a servi à rendre la
période mérovingienne comme très sombre. Longtemps les auteurs se sont
appuyés sur les seuls écrits de Grégoire de Tours (vers 538-594) et son
Histoire de Francs, (Gallica-Bnf, 2 tomes) devenue avec le temps une version édulcorée de ce qu'il avait rédigé en Dix livres d'histoire, son titre original (de
la genèse aux rois Francs). Les auteurs du haut Moyen Âge en
général servrent les intérêts de leurs protecteurs, et ils ont été décrit les
rivaux sous des traits plutôt grossiers. Il y a cependant une part de
vérité à écrire que la violence pouvait avoir connue des formes
très rugueuses. Nos rois francs étaient avant tout des chefs de guerre.
Cependant attention à ne pas généraliser et en faire que des brutes
épaisses...
Ci-contre
: Clovis 1er
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Au sein des
abbayes, on trouva en contre-point des personnalités cultivées et
attentives aux maux des populations, et de nouveaux lieux où
s'établirent des actes.
Un paradoxe qui allait permettre
à l'Église chrétienne d'asseoir sans grande
contradiction un pouvoir intellectuel et de nombreux droits
d'acquisitions sur les terres. A ce titre, il faut aussi avoir à
l'esprit le rôle des copistes, qui permirent à certains textes
d'échapper à l'oubli, même s'ils ont pu être à leur tour être
revisités,
le seul et vrai miracle est d'avoir pu résister à l'usure du
temps sur des périodes longues, ou sur plusieurs siècles. Des premières
époques du Moyen Âge, il ne reste que peu de sources, difficile dans ce
cas d'affirmer ou de confirmer les nombreuses inepties des historiens
du XIXe siècle, mais pas seulement. Cependant comme dans tous travaux
historiques chaque génération apporte sa contribution et il y a de quoi
rester attentif. Et, l'objet est surtout de comprendre les structures
et les modes de vie de nos très lointains parents, dont la parenté n'a pas vraiment de sens, ni de réalité biologique.
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Mythes,
légendes et histoires chrétiennes de Paris en Gaule romanisée
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Là où se répandirent
les mythes à travers toute l'Europe du haut Moyen Âge, ce fut
autour des saints et d'histoires à la fois vraies et fausses. En
quelques dizaines d'années la
Rome paganisée allait devenir le siège puissant des
chrétiens d'occident. Si en 177 (ap. J-C),
à Lyon, la sainte et jeune Blandine était donnée aux lions
des arènes, ainsi que Pothin (1er évêque de Lugdunum). Rome allait, non
pas tomber en décadence,
mais sur une période de cent cinquante ans mit un terme au culte
des dieux latins (311/313). Soixante-dix ans après la chrétienté
devenait le culte religieux officiel de l'Empire sous Théodose 1er.
À Paris, les trois saints Patrons et
protecteurs de la ville ont été la
très sainte Geneviève, le saint Denis, ainsi que saint Marcel.
Selon
les légendes, Geneviève de Nanterre fut la figure de la résistance aux
Huns, devant qui Attila renonça face à tant
d'héroïsme, et fit demi tour, la version la plus édulcorée et datant du
VIIIe siècle. Et pour autre légende fut la représentation
de Denis à la "tête coupée", qui du mont Montmartre à la ville future
de Saint-Denis, se rendit
la tête sous le bras pour s'y faire ensevelir. Puis Marcel, il a été le
neuvième évêque de Paris, et il aurait combattu un dragon qui menaçait
la ville avec sa crosse.
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Qui est le saint Denis? Il existe à minima trois hypothèses, hors
des légendes ou hagiographies des moines, des histoires et des auteurs de vies saintes :
Denis l'Aéropagite d'Athènes, disciple de saint
Paul? Envoyé du pape saint Clément, comme
évêque de Rome? Un des sept premiers
évêques envoyés par Rome au
IIIe siècle pour
évangéliser le pays?
Le dit saint
Denis fut possiblement un évêque envoyé par Rome,
dont on ne sait pas grand-chose. Subsiste
trois personnages, pour trois époques, rien que de
l'incertain. Sauf, qu'une fois que Rome devenue chrétienne, elle
envoya d'anciens soldats évangéliser ses terres gauloises. En arme si besoin était, mais Paris sembla une bonne
terre de
mission et les Parisiens n'étaient pas à un
syncrétisme près, et Rome non plus.
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Ci-dessous la légende figurant
dans la Vie des Saints de Jacques de Voragine (XIIIème siècle) |
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Denis, Éleuthère et
Rustique étaient arrêtés dans une carrière
du faubourg Saint-Jacques.
Ils furent incarcérés dans la prison de Glaucus.
Ils ont été ensuite torturés à la pointe amont de
l'île, puis fuernt condamnés à être
décapités devant le temple de Mercure. Les
soldats renonçaient à monter jusqu'au sommet
exécutèrent leurs victimes à mi-chemin de la pente.
Une fois décapité, Denis se
relèva, ramassa sa tête et continua à
grimper la butte guidé par un ange. Il fit une pause pour
laver sa tête à une source puis poursuivit sa route
jusqu'à l'actuelle ville de Saint-Denis, où il
tomba finalement aux pieds de la veuve Catulla. Celle-ci le fit
enterrer et du blé poussa immédiatement sur sa
tombe. |
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À noter : La
légende de Denis fut très populaire en Europe et de l'autre côté du Rhin, des moines annoncèrent en 1049
qu'ils avaient
retrouvé son tombeau en Allemagne (Ou dans le Saint-Empire romain Germanique,
plus
exactement). Une source
coulerait de la tombe et son eau a connu la réputation de
soigner la syphilis (le "mal français" comme disaient les Allemands... ou plus communément le "mal de Naples", pour les Français...). À Paris, saint Denis
était supposé intervenir pour guérir les maux de
tête et les morsures des chiens enragés.
Il existe
un
saint patron plus notable, dont les sources écrites sont
moins incertaines ou extravagantes. Il faut
citer à ce titre Sulpice
Sévère,
pour sa Vie de Saint-Martin, de 316 à
397 (traduit
du latin par M. Richard Viot en 1861). Martin est né en Panonnie
(actuelle Hongrie) il serait arrivé en Gaule vers 338 avec l'armée
romaine. A l'âge de 15 ans, il fut enrôlé comme enfant de troupe et
trois ans après il était baptisé à Amiens.
Martin a vécu
notamment
à Ligugé, près de Poitiers, d'abord en ermite puis créait une petite
communauté et sillonna le sud du Poitou avec quelques miracles à la
clef. Comme le jaillissement de sources en pays Sainton, près
du bourg
de Najogalio devenu Rioux-Martin (rivus
de martini ou le ru de Martin), il aida une jeune
paysanne du nom de Rebecca à désaltérer son animal. Martin
fit jaillir une fontaine pour la remercier de son geste et sa monture,
un âne, y
laissa selon la légende l'empreinte de son sabot. Sa présence serait attestée vers 370 du Poitou à la haute Saintonge et en charge de l'organisation des diocèses. Avant de
devenir évêque de Tours (vers 372) et de fonder le couvent de
Marmoutier. Il
aurait démoli les temples païens et abattu les arbres sacrés. Il est
par excellence le saint de la Gaule.
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« Un
jour qu'il entrait à Paris, comme il passait par une des portes de
cette cité : avec une grande foule de peuple, il bénit et baisa un
lépreux dont la figure affreuse faisait horreur à tous ; celui-ci fut
aussitôt guéri et vint le lendemain à l'église, avec un visage sain et
vermeil, rendre grâces à Dieu pour la santé qu'il avait recouvrées.
Mais ce que nous ne pouvons nous dispenser de dire, c'est que les fils
des vêtements ou du cilice de Martin opérèrent de fréquentes guérisons;
appliqués aux doigts ou au cou des malades ; ils les délivraient de
leurs infirmités. »
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Martin a eu un rôle majeur dans la
construction et le poids de l'Église en Gaule, on lui doit « Sans
combat pas de couronne. » A
l'origine il s'engagea comme soldat, plus tard il fut à l'origine du
premier monastère en Europe occidentale (à Ligugé près de Poitiers),
puis devint
évêque romain. 80 ans environ après que
Rome soit devenue chrétienne dans ses fondements et que soit prononcé
l'édit de Milan en 313, qui mettait fin à la persécution des chrétiens
dans
l'Empire.
La légende de Martin laissa un
peu partout en Gaule des traces, à l'exemple de sa cape
qu'il partageât avec un plus démuni que lui, se déroula à Amiens (sic).
Il existe aussi des lieux de cultes, des diocèses, des
noms de villages, des villes et des voies de circulation. Près de 3000 lieux qui portent
son nom, comme l'artère de la capitale avec le faubourg parisien et sa
rue en premier lieu, pareillement à Angoulême pour exemples, ou
sur le même principe urbain des toponymes, et leurs évolutions au fil
du temps.
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Martin mourut en 397, il n'a connu aucun rapport
véritablement direct avec la ville de Paris, autre que plusieurs
toponymes rappelant ce saint vénéré depuis environ 17 siècles. De son vivant il eut droit à une
biographie et resta célèbre partout en France et ailleurs.
Paris ne dérogera pas à la règle en
attribuant des lieux portant son nom. Mais du mythe aux
réalités, il y a la période
médiévale qui pointe son nez dès le
cinquième siècle. La Gaule colonisée devenait le pays des Francs et
Lutèce était déjà devenue Paris sous les Romains, en souvenance de ses
premiers habitants les Parisii. (vers 310)
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Paris future
ville du royaume des Francs a du successivement affronter des
mutations difficiles. Place aux dites "invasions barbares" qui
débutèrent au IVe
siècle (passage du Danube par les Goth en 376) avec la fin des cultes panthéistes ou
polythéistes des plaines du Latium, la chrétienté s'mposa. L'histoire
de Paris par la suite allait se conjuguer avec plus ou moins de
difficultés avec celle
celle du christianisme en Gaule, en partie grâce
à Clovis et aux peuples Francs convertis au dieu unique (ou presque,
quand il s'agit d'une trinité?) de
la foi chrétienne. Mais cela ne balayait pas pour autant les anciennes
croyances très tenaces dans les campagnes et les villes. et rien
n'assure que tout le monde adhérait à une religion ou un dogme précis.
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Vie et influences d'une
"conseillère
municipale" de Paris ?
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Geneviève
de Nanterre, baptisée Genovefa, prénom germanique qui signifierait
"celle qui vient de loin" a bien vécu et l'on a d'elle de rares
témoignages, limités à une dizaine de pages (le double pour Clovis), ce
qui est maigre pour constituer une biographie, et nous ne disposons que
d'une Vie de Geneviève (ou sa Vita
ou ses faits miraculeux) rédigée en 520, 18 ans après sa disparition et
attribuée à un "gaulois méridional" et non à un clerc parisien. Ce
qui a pu être recopié par la suite n'a été qu'une dégradation du contenu,
et une fois de plus les travaux de l'historien Bruno Dumézil
(une conférence de 2019) sont venus bousculer
les entendus historiques et ce que j'avais pu écrire, et y participer
involontairement. Il s'agit d'une période plus complexe que l'on imagine, et
comme pour les anachronismes, il faut être vigilant à ne pas en
rajouter, et se tenir à distance des récupérations politiques plus que
douteuses.
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Nous commémorions en
2002, les 1500 ans de sa mort, ce fut une occasion de parler de ce
personnage historique et religieux. Elle
a
incarné la
résistance des Parisiens face aux dits "envahisseurs" qualifiés de
"barbares" devenus des soldats à la solde de l'empire, les fameux Huns
qui n'étaient qu'à l'origine de leur présence en gaule romaine des
mercenaires de Rome sous la houlette d'Attila, qui fut aussi un consul romain. Du moins la patience
de la jeune femme l'emporta sur la menace d'une attaque et de la menace d'une famine.
Geneviève a été considérée pour ces faits altérés comme la
mère fondatrice de la ville capitale. Elle inspira à
beaucoup l'idée de
protectrice de la ville de Paris. Son iconographie est importante et a
donné lieu à une
légende, ou une série de mythes ayant perduré longtemps ou sur la base de
récits christiques
assez enfantins. |
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Derrière
la légende de sainte Geneviève, il y a une
femme qui meurt en 502. Une
vie moins connue que celle de saint Martin, mais qui vaut le
détour malgré les manques et invraisemblances. De sa fin de vie ont
sait très peu de chose d'elle, il existe des témoignages et apports en
latin, mais ils sont tous postérieurs à son
décès, ou trois versions pas vraiment fiables ou hagiographiques,
quelqu'en soit la densité religieuse, qui n'a pas
fait défaut. Et de la difficulté de conserver des papyrus, qui était le
moyen ou le support des écrits pour beaucoup disparus, avant d'être
remplacés sous les carolingiens par des parchemins. Qui plus est
des copies de copies d'un latin non statique, ou des récits incompris
par les mythographes, qui ont fini par donner une explication plutôt
mièvre et sans fondement historique.
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On en sait pas vraiment plus aujourd'hui sur
cette "Vierge consacrée" qui a joué un rôle non négligeable dans
l'histoire de la résistance et la fondation de la ville capitale?
D'abord comme symbole de résistance, et à prendre avec des pincettes
pour sa
défense, puis pour jouer de son influence dans
la venue de Clovis à Paris et elle serait aussi
à l'origine de son baptême, mais en l'absence de toutes certitudes, il
faut se contenter de peu, et ceci avec des conditionnalités nombreuses. Geneviève aurait été un personnage historique
qui aurait fortement pesé sur son temps et
aussi sur ses
élites politiques, lesquelles sont un peu toute la problématique historique. Ses
fondements religieux en opposition à l'arianisme étaient la Trinité : le père, le fils et le saint-esprit,
une doctrine du christianisme qui s'imposa au sein de l'empire Romain à
partir de 380. Que nous nommons sous le terme générique de catholicisme.
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Geneviève
est née vers
420 à Nanterre (Nempto-durum),
au sein d'une famille de l'aristocratie
gallo-romaine sans l'affirmer, plus exactement d'origine franque d'un
marriage mixte et des propriétaires établis à Nanterre. Ses
parents Severus, militaire et Gerontia sa mère furent des
francs romanisés, ils s'étaient intégrés à l'empire romain comme une partie de la population locale depuis le troisième siècle.
Un empire plus ou moins effectif jusqu'au milieu de VIe siècle et
parsemé de royaumes qu'unifia Clovis dans un seul avant d'être à son
tour un ensemble divisé entre ses héritiers en sous royaumes. Un siècle avant
avait éclaté en son sein une grande crise financière avec la perte des
colonies africaines et survenues des révoltes contre les impôts : les
gabaudes ou
bagads en breton, associés à l'idée d'une foule agitée. Genovefa
a du de son vivant connaître la trame des événements, c'est-à-dire la
fin de l'empire Romain dans ses structures tardives et participer de
missions évangéliques, à caractère diplomatiques.
Fille unique elle
a pu hériter de la charge de
son père et exerça pour fonction celui de membre de la Curie parisienne, la ville était alors un diocèse de moyenne importance et dépendant de l'archidiocèse de Sens.
Conformément au droit qui prévalait au sein de
l'empire chrétien d'occident. Enfant, l'on dit qu'elle attira
l'attention de (saint) Germain d'Auxerre (et de saint Loup), sa foi
chrétienne
lui sembla si dense qu'il devina en elle un devenir singulier. Il
exista
même un acte de consécration entre elle et lui, et Geneviève
savait déjà qu'elle donnerait son amour qu'au seul
Christ durant toute sa vie et en même temps conservait la charge
parentale en raison des biens familiaux : des terres en région
francilienne. Elle ne rompit jamais ses vœux, et a connu des
déplacements au sein de la Gaule romanisée, pour des dévotions ou des
conciliations politiques? Elle a participé de la libération de
prisonniers auprès de Childéric (avant 481), puis avec son fils Clovis
premier.
Après Martin, elle a été la deuxième grande figure du christianisme en
Gaule romaine et sous influence orientale.
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Ce serait aussi
Germain d'Auxerre qui lui conseilla après le
décès de son père de venir s'installer
à Paris. Son
intégration s'avéra difficile et les Parisiens
n'appréciaient guère la jeune femme. En 451, les
hordes d'Attila se retournèrent contre Rome et se rendirent à Metz puis Orléans faire son siège. Les parisiens craignirent que
la déferlante entra dans Paris ; panique, l'on
préfèra la fuite. Geneviève de son côté ne
cèda pas aux alarmes en implorant et résista aux pressions, on
voulu jusqu'à attenter à ses jours. Mais les
Huns et leurs alliés non homogènes n'allèrent jamais plus loin que la ville de Reims pillée, tout comme Metz, après
avoir tentés de prendre et voulus rançonner Orléans, et c'était
déjà le début de
la fin d'Attila et il se résolut à prendre la fuite après la bataille des champs
Catalauniques (vers Troyes) la même année, et
décéda en 453. |
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La
pugnacité et les prémonitions
supposées de Geneviève lui donnèrent raison. Ce
fut de son vivant qu'elle devint une
idole, une authentique héroïne, une femme politique
très habile, plus tard une sainte
vénérée. Et surtout selon de ce qui est une légende ou pas, la
conseillère et amie du plus célèbre Franc qui fut, Clovis. Mais à
nouveau rien ne le confirme ou l'affirme. Son enterrement a été possiblement un
événement important et donna lieu à la construction de la basilique portant son
nom, composée de quatre murs sous Clovis et achevée plus tard, puis
détruite sans que l'on ait pu sous Napoléon 1er retrouvée les tombes de
manière précise. Puis les fouilles rebouchées sur des dépouilles qui se trouveraient peut-être rue Clovis? |
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On parlait de la sainte jusqu'en orient,
ce furent les marchands dits Syriens ou orientaux qui venaient à Paris qui
colportèrent les faits jusqu'à saint Siméon, qui
lui même poussa en sa propre foi à communiquer
"par esprit" avec Geneviève. Aujourd'hui,
il reste un culte bien vivant
chez les orthodoxes, notamment en ce qui est appelé "la
communion des saints", et elle est fêtée le 3 janvier de chaque année.
Elle a connu une place maîtresse
dans l'histoire religieuse de l'époque en occident chrétien. Son titre était "sponsa christi",
épouse du Christ ou plus exactement, vierge
consacrée. Ceci trouve son origine dans les vœux qu'elle
prononça devant l'évêque Germain toute jeune enfant, vers 9 ans
et dont elle ne dévia pas d'un pouce.
Toujours dans son
inclinaison pieuse, Geneviève prit dit-on pour exemple la vie de Martin, peu
d'années avant de mourir elle serait aller se
recueillir sur sa tombe à Tours. Une pleine
dévotion pour le père de l'église
chrétienne en Gaule, qui trouva en Geneviève une
belle continuité intellectuelle près de cent ans
après, aussi bien politique que religieuse.
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En ces
temps, des premiers
siècles de l'ère chrétienne le
ministère des femmes fut très vivant en orient,
en occident beaucoup moins, pour une simple raison, Rome n'ordonnait
pas le genre féminin. Et
la question reste toujours à l'ordre du jour.
Geneviève connue, on peut le présumer des oreilles,
et pas que des mots éclairés par le saint esprit,
mais bien des relations de natures politiques entre l'imposant royaume
de Clovis et l'expression de l'intemporel en siège à Contantinople depuis l'an 476. |
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Geneviève disparaissait âgée à plus de
quatre-vingt ans. Derrière
la sainte, c'est le
personnage public qui gagne a être connu. Dans les
lieux où l'on évoque encore son nom, on parle peu de sa
place plus qu'illustre, il y a maintenant 16 siècles
à Paris, en France et bien au-delà. Sur ce sujet,
une universitaire et historienne, Me Janine Hourcade avait publié
un ouvrage relatant la vie de Geneviève de Nanterre. A Nanterre en 2002
des manifestations culturelles ont
commémoré sa personne et ce qui reste de traces historiques.
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Mme
Janine Hourcade
a mené un travail important sur l'histoire des femmes dans
l'église chrétienne (*). Chose
étonnante cette
universitaire comme Geneviève fut aussi une vierge
consacrée. Depuis le concile Vatican II, les femmes
peuvent faire à nouveau des vœux et devenir "sponsa
christi". Et le choix de Madame Hourcade s'était semble-t-il
tourné sur la place des femmes dans un monde où elles sont
minorées et sans grande importance politique, parce qu'en
dehors des ordinations et du pouvoir omnipotent des hommes. Vaste
débat que les Anglicans ont
tranché en faveur du genre féminin, et que Rome ne veut pas faire
avancer depuis au moins le cinquième siècle. |
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(*) Ouvrages complémentaires de Janine Hourcade
et actes de la conférence de la ville de Nanterre
(février 2002) :
-
Sainte Geneviève hier et aujourd'hui - Éditions Médiaspaul, 1998
-
Une vocation féminine retrouvée l'ordre des vierges consacrées -
Éd. P. Téqui, 1997
Et
les Actes de la conférence sur Sainte Geneviève dans l'histoire, avec
Martin Heinzelmann, directeur de recherche à l'Institut Historique
Allemand de Paris, et Janine Hourcade, docteur en Théologie, sur le
thème "le culte rendu à sainte Geneviève et sa postérité
spirituelle".
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La vie
de Germain de Paris a été relatée par son ami, le poète Venance Fortunat (Vita Germani) : il
naquit vers 530 et a
disparu en 609, il fut une grande
figure intellectuelle de l'époque, d'origine italienne et évêque de
Poitiers. Germain serait né en 496 près d'Autun, en Bourgogne ou en terres Burgondes. Il fut « le
dernier d'une famille nombreuse frappée par la
misère, on raconta que sa mère ne le
désirait pas et qu'elle voulut se faire avorter, elle n'y
parvint pas et Germain vit le jour. »
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Il s'engagea contre
l'esclavage et le
paganisme, on lui accorda des guérisons et il fut
recherché pour ce don, et sa tombe fit office de pèlerinage comme pour Martin à Tours : « une
tendre compassion pour les prisonniers et les esclaves, d'un
zèle sans relâche pour sa propre perfection et
pour celle de tous les membres de sa communauté. » Le
roi
Childebert, non converti, fils de Clovis et de la reine Cloltilde, pensa qu'il avait intérêt à faire
nommer Germain évêque de Paris.
Germain déclina d'abord cet
honneur, puis il quitta son
monastère et s'achemina vers Paris où il fut sacré évêque vers 555, à
l'âge de 60 ans. Il ne changea pas ses habitudes de religieux,
et il reprocha dit-on sa férocité à
Childebert. Ce dernier aurait fini par se convertir au christianisme ainsi
que les
seigneurs de la cour. Il aida sainte Radegonde, reine franque et épouse de Clotaire 1er à quitter
la cour pour fonder près de Poitiers l'abbaye de la Sainte-Croix. |
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Germain
fonda, à Paris, l'abbaye de Saint-Vincent qui allait devenir
plus tard Saint-Germain-des-Prés, et aussi un bourg en dehors de la ville. Le roi se laissa
attendrir et la caisse
royale lui aurait été largement ouverte. Germain y puisa à son
gré pour soulager la misère. Tous,
chrétiens et païens l'admirèrent pour
sa charité, le respectèrent pour ce don des
miracles qui lui a été départi : - il
guérissait les malades et les infirmes que l'on plaçait sur son
passage, délivrait les possédés,
libérait des prisonniers, ressuscitait des morts, il accomplissait
toutes sortes d'actions prodigieuses qui témoignaient de la
puissance et de l'amour de son dieu créateur et suscitaient
d'innombrables
conversions
de cœur. En résumé un saint homme avec sa part
de légende. |
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Germain a été le 20ème évêque de Paris.
Il participa à plusieurs conciles : les 3 et 4ème conciles de Paris, en
557 et 573, et le 2ème concile de Tours, en 566. On le désigna comme
un "bâtisseur d'églises".
Sa mort survenait le 28 mai 576, à l'âge de 80 ans. Sa
vie durant il a su se tenir à distance des troubles et des violences de
son époque. Germain a été l'une des plus grandes figures de l'époque
mérovingienne et de l'Église romaine. Il fut enterré dans l'atrium de
l'église Sainte-Croix-et-Saint-Vincent qu'il avait fondée. En 585, lors
de l'incendie de Paris, il serait apparu pour libérer de leurs chaînes
les prisonniers qui se réfugièrent auprès de son tombeau.
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« Comme
le feu allait se communiquer aux prisons où étaient enchaînés les
prisonniers, saint Germain leur apparut, et ayant brisé les chaînes
auxquelles ils étaient attachés, ouvrit les portes de la prison en
sorte qu'ils sortirent sans aucun mal. Sortis de la prison ils se
rendirent à la basilique de Sain-Vincent, dans laquelle est le tombeau
de ce bienheureux évêque. Le vent qui soufflait portait la flamme dans
toute la ville, et l'incendie, dans sa plus grande force, commençait à
s'approcher de l'autre porte où l'on avait dédié un oratoire à saint
Martin ; il avait été construit en ce lieu, parce que le saint y avait
guéri un lépreux en l'embrassant. L'homme qui avait construit cet
oratoire de roseaux entrelacés sur le haut de sa maison, plein de
confiance dans le Seigneur, et ne doutant pas non plus des mérites de
saint Martin, se réfugia avec ce qu'il possédait dans l'oratoire,
disant « Je crois, et suis dans la confiance que celui qui a souvent
commandé aux flammes, et qui a guéri en ce lieu un lépreux par ses
baisers, repoussera d'ici cet incendie. » Lorsque le feu commença a
s'approcher, de gros globes de flammes venaient frapper les parois de
l'oratoire, et s'éteignaient aussitôt. Le peuple criait à cet homme et
à sa femme « Fuyez ô pauvres gens, afin de pouvoir échapper : voilà
déjà que le feu se précipite sur vous ; voila que les étincelles et les
charbons tombent comme une violente pluie, et s'étendent jusqu'à vous.
Sortez de l'oratoire et ne vous y laissez pas brûler. » Mais lui,
occupé à l'oraison, ne fut pas un instant ébranlé de ces cris et sa
femme ne quitta pas la fenêtre par laquelle les flammes entraient dans
l'oratoire. Une ferme espérance dans les mérites du saint évêque la
garantissait de tout danger. Telle fut en effet la puissance du saint
pontife que non seulement l'oratoire sauva la maison et les habitants
mais il ne permit pas que la violence des flammes nuisît à aucune des
maisons qui l'environnaient. Là finit l'incendie, de ce côté du pont.
De l'autre côté, il s'étendit avec tant de violence qu'il ne fut arrêté
crue par les bords du fleuve ; cependant les églises et les maisons qui
leur appartenaient ne furent pas brûlées. On disait que cette ville
avait été consacrée autrefois, en sorte que le feu ne pouvait s'y
propager, et qu'on n'y voyait ni serpents, ni loirs ; mais que, lorsque
dernièrement on avait nettoyé les conduits des ponts, et qu'on les
avait vidés de la boue qui les remplissait, on y avait trouvé un
serpent et un loir d'airain ; qu'après qu'on les eut ôtés il parut dans
Paris des loirs et des serpents sans nombre, et qu'après cela la ville
fut prise de l'incendie. »
Histoire des Francs, Grégoire de Tours - Livre VIII, pages 467 et 468 (ed. scientitifique F. Guizot, 1823)
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Nota Bene : Sur Passion Médiévistes Clara Germann archiviste paléographe de l'Ecole nationale des Chartes nous parle de l’évêque Germain : Son parcours jusqu’au statut de saint, entre le royaume Burgonde et le royaume Franc. (durée 25 minutes)
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Le chapitre de Notre-Dame et l'Hôtel-Dieu
structures et édifices religieux
avant la cathédrale sur l’île de la Cité
Sud de l'île de la Cité, plan de l'abbé Delagrive du XVIIIe s.
Jacques Bins de Saint Victor (1772-1858)
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Ce texte, ci-après, apporte un éclairage significatif sur une institution religieuse puissante : Le chapitre de Notre-Dame.
Vous trouverez ainsi tout une série d'éléments, sur l'histoire
religieuse de Paris, sur les édifices démolis ou aménagés de l'île de
la Cité et un apport sur la constitution et les fonctions de l'Hôtel-Dieu. C'est-à-dire
les différentes missions que prenaient en charge l'Église
dite primitive, en tant qu'ordre politique et moral.
Il a existé à Paris 13 chapitres selon l'auteur, lire la note n°2 à ce
sujet.
Le chapitre à l'origine avait pour objet de désigner en
son sein l'évêque (le surveillant en grec ancien), qui lui même nommait
les chanoines. Ce mode fonctionna plus ou moins avant la
mise en œuvre du Concile de Trente au XVIe siècle, qui mit fin à ce
système de désignation interne. Toutefois dès la
fin du XIIe siècle cette capacité élective était restreinte, mais ce
chapitre parisien
resta économiquement et en titres de propriétés un acteur clef des
richesses locales. Le pouvoir de l'évêque et sa nomination allait
dépendre des instances tutélaires ou politiques. Le domaine diocésain
et ses prérogatives ainsi
déclina, à l'exemple de la récupération des biens de la famille de
l'évêque de
Gondi en 1652, qui marqua un tournant politique décisif sur le
patrimoine
parisien, et pas seulement.
L'archevêché
à Paris n'est apparu qu'au XVIIe
siècle, les évêques relevaient jusqu'alors de l'archidiocèse, et l'archevêque allait être désigné par le pape lors
de conciliabules ou sous la coupe d'échanges secrets, mettant fin
aux anciens "archévéchés métropolitains" hérités des premiers âges du
christianisme. Les appellations sont nombreuses pour désigner la
hiérarchie ecclésiale et son organisation, sans parler des transformations qui s'opérèrent
ou oppositions entre les vues papales, les évêques et le pouvoir politique royal en
formation.
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A l'ouest de l'île de la Cité se trouvait le Palais royal, plus tardivement la sainte Chapelle et l'église St-Barthélémi (ou avec un y). L'église fut agrandie après
avoir été une ancienne chapelle du même nom, construite sous les
Mérovingiens et qui disparue en 1791. Bien avant que ne trône la
cathédrale Notre-Dame, dont les travaux débutèrent en 1163, il exista
antérieurement un certain nombre d'édifices religieux, le plus imposant
fut la basilique St-Etienne qui se trouvait sur l'actuel parvis.
L'on
dénombrait sur l'île, le
port de St-Landri et une église à son nom, tout comme les églises
St-Christophe, Saint-Denis-du-Pas, Saint-Jean-le-Rond, etc, dont
l'auteur fait mention ci-dessous. Dans cette rapide énumération, notons
des noms de rue comme, celle des "marmousets", "de l'enfer" (une
troisième répertoriée), "de la
juiverie" où se situait une synagogue qui devint l'église
Marie-Madeleine après que l'évêque Maurice de Sully récupéra les biens
juifs
spoliés par décision de Philippe Auguste. Le parvis bien moins étendu
a connu diverses fonctions et des transformations
nombreuses et avec le temps l'île une densité assez incroyable
d'habitants à l'hectare, sans
parler de sa situation centrale ou lieux de passages obligés entre les
deux
rives.
Ci-contre les édifices religieux sous les Mérovingiens
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Le haut Moyen Âge incluant les Mérovingiens et les Carolingiens (du
Ve au Xe siècle) reste encore à connaître, et certainement plus aux
vues d'une période de décadence ou à l'image de rois "fainéants", mais
à l'image d'un monde en mutation et propice à la fusion des cultures.
Ps : Avant que ne soit entrepris des travaux sous le préfet Haussmann, l'on recensait 22 églises pour la seule île de la Cité.
Notes de LM le 2 mai 2019
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LE CHAPITRE DE NOTRE-DAME
On entend par chapitre dans une église cathédrale ou collégiale, la
communauté des ecclésiastiques qui la desservent, lesquels sont appelés
chanoines (du latin canonicus, vient de «à canone», qui signifie
«règle»), et doivent vivre suivant la règle particulière de la
congrégation dont ils sont membres. Quelques-uns font remonter
l'origine des chanoines jusqu'aux apôtres qui, d'après toutes les
traditions, vécurent réunis avec les disciples, et donnèrent les règles
de la vie commune. En effet, quoique les noms de clercs et de chanoines
ne fussent pas usités dans les premiers temps, il paraît que les
prêtres-diacres de chaque église formaient entre eux un collège ; et
cette expression se trouve souvent dans les pères des trois premiers
siècles.
On trouve aussi que cet ordre et ces réunions furent souvent troublés
par les persécutions ; mais dans ces maux qui affligeaient les églises
les clercs séparés les uns des autres, continuaient du moins à mettre
leurs biens en commun ; les plus riches venaient ainsi au secours des
plus pauvres, et chacun se contentait de la sportule ou portion qu'il
recevait tous les mois de l'évêque, seul dispensateur de cette commune
propriété. Cependant la distinction que l'on fit, en 324, des églises
cathédrales d'avec les églises particulières, peut être regardée comme
la véritable origine des collèges et des communautés de clercs appelés
chanoines. Du temps de saint Basile et de saint Cyrille, ils étaient
déjà désignés sous ce nom en Orient ; on l'employa plus tard en
Occident.
Vers le milieu du quatrième siècle, saint Eusèbe (vers 290-371), évêque
de Verceil (région du Piémont), rassembla le premier ses clercs, et les
soumit à toute la rigidité de la vie monastique mais c'est surtout
saint Augustin qu'on peut considérer comme le restaurateur de la vie
commune dans cette partie de la chrétienté. Lorsqu'il fut devenu
évêque d'Hippone, il forma une communauté des prêtres de son église,
avec lesquels il vivait dans un entier détachement des choses du monde.
Cet exemple fut imité dans les Gaules, comme dans les autres parties de
la chrétienté ; mais les troubles qui, sous la domination des rois
francs, ne cessèrent d'agiter cette contrée, faisant naître partout la
licence et le désordre, n'épargnèrent point ces asiles de la piété et
de la paix.
La discipline ne tarda point à s'y altérer il y eut dérèglement et
scandale dans les mœurs, et souvent ce scandale fut porté à son comble.
Enfin saint Chrodegand (mort assassiné en 775), évêque de Metz, qui
vivait sous le règne de Pépin, conçut le projet d'en arrêter le cours,
ce qu'il fit et par ses leçons et par ses exemples. Les règlements
qu'il donna à ses chanoines furent adoptés par un grand nombre
d'églises et l'on vit de nouveau les clercs attachés aux cathédrales
vivre suivant les règles austères des anciens canons.
Quoique l'histoire ne nous laisse pas même soupçonner que le chapitre
de Notre Dame entraîné par le torrent, ou séduit par les exemples, soit
jamais tombé dans les écarts qui, dans ces siècles malheureux, furent
l'affliction de l'Église, et sont devenus l'injuste et éternel reproche
de ses adversaires, cependant on peut se persuader qu'il n'aura pas été
des derniers à adopter les règlements de saint Chrodegand ; parce que,
dans tout ce que nous en disent les traditions, on le voit zélé pour
ses devoirs, animé d'une véritable piété, et tendant sans cesse vers
une plus grande perfection.
Ces témoignages ont fait penser à l'historien de l'église de Paris que
l'institution ou plutôt la réforme du chapitre de la cathédrale avait
été faite par Erkenrad 1er sous le règne de Charlemagne : on n'en
trouve cependant de monuments authentiques que sous celui de Louis-le
Débonnaire. Ce prince profitant de l'occasion d'un concile qu'il avait
convoqué à Aix-la-Chapelle en 816, il y fut rédiger une règle fixe pour
les chanoines : un diacre nommé Amalarius fut chargé de ce soin par les
pères du concile.
Cette règle prescrivit l'habitation et la vie commune dans des cloîtres fermés
; mais elle n'exigeait point la désappropriation ni certaines
abstinences qui étaient de précepte et d'usage dans les monastères.
L'empereur ordonna qu'elle fut observée dans les différents Etats
soumis à sa domination, et ce fut là, suivant les plus sûres
apparences, l'époque de l'institution des chanoines de Notre-Dame dans
la forme qui s'est conservée presque entière jusqu'aux derniers temps.
C'est depuis cette réforme qu'on les voit appelés si souvent dans les
actes les frères de Sainte-Marie, et qu'il est parlé de cloître, de
règle et de chapitre (1).
Le concile de Paris, tenu en 829, ayant ordonné que les chefs des
communautés séculières et régulières pourvoiraient aux besoins
temporels de ceux qui les composaient, l'évêque Inchade céda pour
lors aux chanoines, en toute propriété, plusieurs terres et villages
qui appartenaient à l'église de Paris, avec toutes leurs dépendances. C'est
de la division qui se fit de ces mêmes biens dans des temps
postérieurs, que se sont formées les prébendes canoniales dont
jouissaient encore les chanoines de Notre-Dame au moment où l’église a
été dépouillée de son patrimoine.
Ce chapitre était non seulement le plus considérable de Paris (2), mais
encore de la France entière et il devait moins cet avantage au grand
nombre de bénéfices qui en dépendaient qu'au mérite, à la science et
aux vertus en quelque sorte héréditaires des dignes ecclésiastiques qui
le composaient. Il jouit dans tous les temps de cette haute réputation
dans tous les temps on le prit pour modèle, on le consulta avec
confiance, on reçut ses décisions avec respect.
Il a la gloire d'avoir donné à l'Eglise six papes, trente-neuf cardinaux et un nombre considérable d'évêques.
On voit un pontife illustre, Alexandre III, demander comme une faveur
que ses neveux fussent élevés dans le cloître Notre-Dame ; Louis VII et
plusieurs de nos princes y puisèrent l'esprit de la religion et le goût
de la science ; enfin un fils de Louis le Gros, Henri, fut chanoine de
Notre-Dame et Philippe, son frère, préféra le simple titre
d'archidiacre de l'église de Paris aux évêchés auxquels sa haute
naissance et ses vertus lui donnaient le droit de prétendre.
Ce chapitre était composé de huit dignités qui pouvaient être possédées
par d'autres que par les chanoines, et de cinquante-deux canonicats. Il
y avait en outre six vicaires perpétuels dont deux titres avoient été
unis au chapitre ; deux vicaires de Saint-Agnan et un chapelain ; huit
bénéficiers chanoines de Saint-Jean-le-Rond, et dix de
Saint-Denis-du-Pas. Ces bénéficiers, ainsi que tous les chapelains attachés à Notre-Dame, ne faisaient qu'un seul corps avec l'église de Paris
(3). La principale entrée du cloître était à côté de l’église
cathédrale. On y voyait, avant la révolution, une porte, laquelle avait
été construite en 1751 (4), avec les matériaux et en partie sur
l'emplacement de la petite église de Saint-Jean-le-Rond, dont nous
allons parler.
SAINT-JEAN-LE-ROND
On sait que les fonts baptismaux de l'église de Paris étaient jadis à
Saint-Germain-le-Vieux, qui avait alors le nom de
Saint-Jean-Baptiste,et qu'ils furent depuis transportés plus près de la
cathédrale, dans une chapelle bâtie pour cet usage. Cette chapelle, que
l'on abattit en même temps que les anciennes églises de Notre-Dame et
de Saint-Etienne, fut ensuite rebâtie et placée au bas de la tour
septentrionale de la nouvelle basilique. On présume, que dans
l'origine, elle était moins avancée vers l'occident ; on sait du reste
que le surnom qu'elle portait ne venait que de la forme ronde employée
dans ces sortes d'édifices.
La bâtisse de Saint-Jean-le-Rond de Paris ne paraissait être que du
treizième siècle, et même le portail était beaucoup plus nouveau. Ce
baptistère, que desservaient deux prêtres, fut pendant longtemps le
seul qu'il y eut dans cette capitale ; mais lorsque le nombre des
citoyens eut fait multiplier celui des églises, et que chacune eut
obtenu d'avoir son baptistère particulier ces deux prêtres furent
chargés de visiter les malades, d'inhumer les morts, et de célébrer,
pendant une année, la messe pour les chanoines décédés. Ils jouissaient
à cet effet du revenu annuel de la prébende de chaque chanoine défunt.
Ces dispositions changèrent depuis l'annuel fut transporté aux
chanoines de Saint-Victor, et l'on indemnisa les deux prêtres par le
don d'une prébende dans l'église de Notre-Dame, sous certaines
conditions qui les maintenaient dans la dépendance du chapitre (5).
Dans la suite le nombre de ces desservants fut augmenté.
On a remarqué que cette église, et peut-être même l'entrée de la
cathédrale étaient les lieux où se terminaient juridiquement certaines
affaires ecclésiastiques, coutume qui rappelait ce qui s'était pratiqué
plus anciennement aux portiques des grandes églises. Il existe un
ancien acte finissant par ces mots «Parisiensi apud cupas». On lit
aussi que les médecins se sont assemblés autrefois «ad cupam nostrœ
dominœ» (en prenant soin de notre-dame). Cette même église servait de
paroisse aux laïques logés dans le cloître Notre-Dame.
SAINT-DENIS-DU-PAS
(…) Ce terme de « passus » a été employé à l'égard de plusieurs saints
qui certainement n'ont jamais souffert le martyre ; et l'on ne peut
raisonnablement l'expliquer que par la situation de leur église. Celle
de Saint-Denis n'était séparée de la cathédrale que par un chemin
étroit nommé pas, et d'ailleurs était située auprès du petit bras de la
rivière qui coule entre l'île Saint-Louis et la Cité. Il ne faut donc
point chercher une autre origine à ce surnom, puisque autrefois on
appelait ainsi tout chemin étroit et tout courant d'eau qui est entre
deux terres et que, dans l'ancien langage français, pas et passage sont
synonymes.
Cette chapelle qui existait avant le douzième siècle, était depuis
longtemps négligée et il y a apparence qu'on n'y faisait plus le
service divin. En 1164 et jusqu'à la fin de ce même siècle, plusieurs
pieux personnages y fondèrent des prébendes, au nombre de cinq. Elles
furent ensuite divisées, par une ordonnance du chapitre de Notre-Dame
entre dix chanoines (6), qui les ont conservées jusqu'au moment de la
révolution. En 1182, le pape Luce III donna à Saint-Denis-du-Pas la
qualité d'église (7).
L’HOTEL-DIEU
L'institution des hôpitaux est un des bienfaits du christianisme. La
police des païens qui savait réprimer la fainéantise, qui empêchait le
mendiant valide de dérober à la pitié le pain qu'il pouvait obtenir par
son travail, n'allait point jusqu'à s'inquiéter du sort de l'infortuné
dont l'âge et la maladie avaient épuisé les forces. On croyait qu'il
valait mieux que le pauvre mourût que de vivre inutile et souffrant. La
vertu purement humaine n'était point capable d'un si grand dévouement?
il n'y avait qu'une charité toute céleste qui put embrasser dans sa
tendre prévoyance tous les âges, toutes les misères, toutes les
souffrances et, parmi tant de maux qui affligent les hommes regarder
comme les plus dignes de ses soins les infirmités les plus horribles et
les misères les plus repoussantes.
Dès les premiers temps, une partie considérable des biens que les
églises avoient obtenus de la libéralité des empereurs fut consacrée à
ces pieux établissements. Des prêtres les administraient, sous la
direction de l’évêque ; et l'on y recevait sans distinction et les
pauvres chrétiens et le païen indigent que ceux de sa religion
continuaient à repousser. Julien l'Apostat lui-même ne put s'empêcher
de rendre témoignage à cette vertu surnaturelle des premiers fidèles et
la confusion qu'il en ressent éclate dans une lettre qu'il écrit à un
pontife de Galatie auquel il recommande d'établir, à leur imitation,
des hôpitaux et des contributions pour les pauvres.
Dans cet écrit très remarquable, il attribue l'accroissement du
christianisme principalement à trois causes, à l'hospitalité, au soin
des sépultures, à la gravité des mœurs. Dès les commencements de la
monarchie française, on voit des hôpitaux établis dans différentes
villes par la piété de nos rois ; et l'on ne peut douter que
l'Hôtel-Dieu ne soit une des fondations les plus anciennes de ce genre.
Néanmoins toutes les recherches de nos historiens n'ont pu nous
procurer à ce sujet que des notions vagues et incertaines. C'est sans
doute de cette incertitude qu'est venue la tradition qui fait honneur à
saint Landri de la création de ce pieux établissement ; tradition vers
laquelle semblent pencher plusieurs savants distingués (8) qui se sont
occupés des antiquités de Paris.
Cependant on ne trouve dans les anciens titres qui prouvent
incontestablement que saint Landri a existé, aucune particularité sur
ses actions et sa vie. Son culte n'a commencé que sous l'épiscopat de
Maurice de Sully ; et c'est seulement dans une légende insérée dans un
bréviaire de 1492 qu'on lit pour la première fois que ce saint évêque
était particulièrement recommandable par sa grande charité.
Un éloge aussi vague ne pouvait suffire pour faire conclure qu'il est
le fondateur de l'Hôtel-Dieu, et c'est cependant sur ce seul titre que
la légende du dix-septième siècle lui en attribue la fondation, malgré
le silence absolu de tous les historiens et de tous les martyrologes.
Il est donc impossible de ne pas rejeter cette assertion jusqu'à ce
qu'on en ait donné des preuves raisonnables et suffisantes. Saint
Landri est mort vers l'an 656; et tout porte à croire qu'à cette
époque l'Hôtel-Dieu n'existait point encore. On trouve même qu'en 690
il y avait sur l'emplacement où il est situé un monastère de filles
dont Landetrude était abbesse. Alors c'était la maison de l'évêque qui était l'asile des malheureux de la veuve et de l'orphelin.
Le pauvre et le malade y trouvaient des secours et des consolations,
elle servait encore de retraite aux pèlerins et aux voyageurs et les
annales de l'église celles de la monarchie les actes, les récits les
plus authentiques nous représentent les évêques de Paris dignes
successeurs des apôtres, livrés par-dessus tout à ces pieux devoirs. On
les voyait, excitant le clergé par l'ardeur de leur zèle et de leur
charité, se faire un plaisir et une gloire de recevoir tous ceux que
leur affliction ou leurs besoins conduisaient vers eux, leur laver les
pieds, les servir eux-mêmes à table, leur administrer les sacrements,
et leur prodiguer ainsi tous les secours de l'âme et du corps.
Le premier titre où il est question de
l'Hôtel-Dieu est un acte de l'an 829, par lequel l’évêque Inchade
assigne à cette maison les dîmes des biens dont il avait gratifié son
chapitre, pour se conformer à une décision du concile
d'Aix-la-Chapelle, dont nous avons déjà parlé. On voit, par cet
acte de donation, que, dans certains temps, «que les chanoines y
lavaient les pieds des pauvres» ; d'où il résulte que l'Hôtel-Dieu
existait sous le règne de Charlemagne, et que l'évêque et son chapitre
y avaient des droits, soit pour l'avoir fondé soit pour avoir contribué
à le doter. Les chanoines possédaient, et sans doute à ce dernier
titre, la moitié de cet établissement ; l'autre leur fut cédée, en
1002, par Renaud évoque de Paris et vers la fin du même siècle, un
autre évêque, nommé Guillaume Montfort leur fit don de l'église
Saint-Chistophe.
Depuis cette dernière époque, on voit l'Hôtel-Dieu, entièrement sous
l'administration du chapitre, gouverné par des chanoines proviseurs
choisis dans son sein, et la chapelle Saint-Christophe desservie par
deux prêtres de la cathédrale. L'accroissement rapide de la population
ayant considérablement augmenté le nombre des pauvres, il fallut
bientôt multiplier celui des personnes employées au service de
l'Hôtel-Dieu, et fixer les fonctions de chacun de ces ministres.
« Dès l'an 1217, des statuts nouveaux furent dressés par Etienne»,
doyen de Paris conjointement avec le chapitre. Par ces statuts il est
établi pour l'administration de cette maison quatre prêtres, quatre
clercs, trente frères laïques, et vingt-cinq sœurs : ils portent qu'on
ne peut en admettre davantage, qu'ils sont tenus de garder la chasteté,
de vivre dans la désappropriation et en commun, d'être soumis au
chapitre, aux proviseurs, et à celui des prêtres qualifié du titre de
«maître de la maison de Dieu».
Quoique ce nom de Maison de Dieu, employé dans ces règlements et dans
une infinité de titres de la même époque, ne signifie pas une mais une
maison d'hospitalité et que l'Hôtel-Dieu ne soit pas autrement désigné
dans le testament de saint Louis (9) et dans plusieurs auteurs
contemporains, il est certain cependant qu'avant la fin du douzième
siècle, on y prenait déjà soin des malades, comme on l'a toujours fait
depuis. En cherchant l'origine de cette nouvelle destination de
l’Hôtel-Dieu, un auteur (10) a pensé qu'elle pourrait bien venir d'un
statut du chapitre de Notre-Dame, donné en 1168, par lequel il fut
réglé que tous les chanoines qui décéderaient ou quitteraient leurs
prébendes donneraient à cet hôpital un lit garni (11).
Cette multiplication des lits facilita sans doute la réception des
malades, et trente ans après, on lit dans un acte par lequel Adam,
clerc du roi, lègue à l’Hôtel-Dieu deux maisons dans Paris, qu'il ne
fait ce don que sous la condition qu'au jour de son anniversaire, il
sera accordé, sur leur produit, à ceux seulement. qui seront malades,
tout ce qu'il leur viendra dans la pensée de manger, «pourvu qu'on en puisse trouver», ajoute naïvement le donataire. (…)
La forme du gouvernement de cette maison fut changée dans la suite,
soit que le nombre des pauvres fût augmenté, soit que les revenus ne
fussent pas suffisants, ou qu'il se fût glissé quelque abus dans
l'emploi qu'on en faisait. Toutefois ce ne fut que longtemps après ; et
pendant plusieurs siècles elle fut gouvernée suivant les anciens
statuts dont nous venons de parler. On appelait alors frères et les
sœurs de la maison ou de l’Hôtel-Dieu, les personnes des deux sexes qui
s'y consacraient au service des pauvres et des malades, et cet institut
était une communauté, et non un ordre religieux (12).
Ce n'est qu'en 1505 qu'on voit un changement remarquable dans la double
administration de ce grand établissement. Le soin des affaires
temporelles fut alors confié à huit bourgeois notables et à un receveur
nommé par le prévôt des marchands et des échevins (13). On créa ensuite
des commissaires pour la réformation du gouvernement spirituel ; et en
exécution d'un statut donné en 1536, huit chanoines réguliers de
l'ordre de Saint-Augustin y furent introduits (*). Les règlements qu'ils
firent y établirent l'observance régulière de l'abbaye de Saint-Victor,
avec la forme des habits et les pratiques religieuses qui sont en usage
dans cette communauté.
Cette réforme devint encore plus parfaite vers 1630 par les travaux et
l'exemple de Geneviève Bouquet, dite du Saint nom de Jésus. Elevée
malgré elle et par l'éclat de ses vertus au rang de prieure, cette
sainte fille établit un noviciat régulier et la vie commune parmi les
sœurs de l'hôpital ; elle fit ordonner la rénovation des vœux, et
engagea les religieuses à quitter le nom de leur famille pour adopter
celui de quelque saint ou sainte.
Cet usage ainsi que la régularité s'est toujours maintenu dans cette
maison jusqu'à l'époque qui à tout détruit, sans en excepter l'asile du
pauvre. L'Hôtel-Dieu était desservi, pour le spirituel, par
vingt-quatre ecclésiastiques, dont le premier avait la qualité de
maître ; ils étaient sous la direction immédiate du chapitre qui la
faisait exercer par quatre députés réélus tous les ans, sous le titre
«d’administrateurs ou visiteurs de l’Hôtel-Dieu».
Les malades de tout âge, de tout sexe, de toute condition, de tout
pays, de toute religion, y étaient indistinctement reçus, à l'exception
de ceux qui étaient attaqués de certaines maladies, pour lesquelles
d'autres hôpitaux ont été institués. On y comptait douze cents lits
dans vingt et une salles et la, les malades, au nombre de trois mille
au moins (et ce nombre était quelquefois doublé), étaient servis avec
un zèle, une attention et une charité presque inconcevables, par plus
de cent religieuses de l'ordre de Saint-Augustin (14).
Le spectacle de ces saintes filles, renonçant au monde, à leurs
familles, à leurs biens, à toutes les espérances de la vie, ne
conservant de toutes les affections du cœur qu'une pitié plus
courageuse et plus tendre que n'étaient horribles les souffrances qui
les environnaient, a toujours étonné et attendri tous ceux qui en ont
été les témoins ; et ce n'est que dans notre siècle, où d'odieux et
vils systèmes ont flétri toutes les âmes et calomnié toutes les vertus,
qu'on. a cessé un moment d'admirer ce que la charité chrétienne offrit
jamais de plus admirable.
« Le cardinal de
Vitry, dit Helyot, a voulu sans doute parler des religieuses de
l'Hôtel-Dieu, lorsqu’il dit qu'il y en avait qui se faisaient violence,
souffraient avec joie et sans répugnance l'aspect hideux de toutes les
misères humaines, et qu'il lui semblait qu'aucun genre de pénitence ne
pouvait être comparé à cette espèce de martyre. »
« Il n'y a personne,
continue le même auteur dans son langage naïf, qui, en voyant les
religieuses de l’Hôtel-Dieu, non seulement panser, nettoyer les malades
faire leurs lits, mais encore, au plus fort de l'hiver, casser la glace
de la rivière qui passe au milieu de cet hôpital, et y entrer jusqu'à
la moitié du corps, pour laver leurs linges pleins d'ordures et de
vilenies, ne les regarde comme autant de saintes victimes, qui, par un
excès d'amour et de charité pour secourir leur prochain, courent
volontiers à la mort qu'elles affrontent, pour ainsi dire, au milieu de
tant de puanteur et d'infection causées par le grand nombre des
malades. (15) »
Philippe-Auguste est le premier de
nos rois qui ait fait des dons à l'Hôtel-Dieu après lui saint Louis le
combla tellement de ses pieuses libéralités, qu'il mérita d'en être
appelé le fondateur. Non seulement ce prince en accrut les revenus,
mais il en augmenta considérablement les bâtiments, qui, avant lui, ne
consistaient que dans trois ou quatre corps de logis, avec l'ancienne
chapelle de Saint Christophe (16).
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L'île de la Cité sous Philippe Auguste
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Notes de l’auteur :
(1) Depuis le concile d'Aix-la-Chapelle, le chapitre est nommé «
Congregatio vel conventus fratrum aut canonicorum Beatae Mariae ». Ce
n'est qu'en 1073 qu'on lit, pour la première fois, le mot Capitulum.
Ces mots de frères et de règle ont fait croire à quelques auteurs que
le chapitre de Notre-Dame était, dans les commencements, une communauté
de chanoines réguliers et qu'ils suivaient la règle de saint Augustin.
Le culte particulier qu'ils rendaient à ce saint docteur n'est pas une
preuve assez forte pour appuyer ce sentiment; et sa fête est célébrée
avec solennité dans plusieurs églises qui n'ont jamais reçu sa règle.
(2) Il y avait anciennement treize chapitres à Paris, qui étaient : 1°
le chapitre de Notre-Dame ; 2° ceux de Saint-Jean-le-Rond ; 3° de
Saint-Denis-du-Pas ; 4° de Saint-Marcel ; 5° de Saint-Honoré ; 6° de
Sainte-Opportune ; 7° de Saint-Méry ; 8° du Saint-Sépulcre ; 9° de
Saint-Benoît ; 10° de Saint-Etienne des Grès ; 11° de Saint-Thomas du
Louvre ; 12° de Saint-Nicolas du Louvre ; 13° de
Saint-Germain-l’Auxerrois. Le nombre de ces chapitres avait été diminué
par la réunion qui s'était faite de plusieurs d'entre eux, ainsi qu’on
le verra par la suite.
(3) Ce chapitre était indépendant de la juridiction de l'archevêque. Il
avait, ainsi que lui, son officialité et une justice séculière, appelée
la « Barre du Chapitre ». De lui dépendaient aussi les chapitre de
Saint-Méry ou Médéric, du Saint-Sépulcre, de Saint-Benoit et de
Saint-Etienne-des-Grés. On appelait vulgairement ces chapitres les
quatre filles de Notre-Dame ; comme ceux de Saint-Marcel, de
Saint-Honoré, de Sainte-Opportune, et celui de
Saint-Germain-l'Auxerrois, avant sa réunion au chapitre de Notre-Dame,
étaient nommés les filles de l’Archevêque. Nous en parlerons à
l'article de ces diverses églises.
(4) Elle a été abattue.
(5) Ces conditions étaient qu'ils s'acquitteraient des mêmes fonctions,
l'anniversaire excepte, qu'ils ne pourraient se qualifier chanoines de
Sainte-Marie, mais seulement de Saint-Jean, et que le chapitre
conserverait le droit de les nommer et de les destituer.
(6) Cinq de ces prébendes étaient sacerdotales, trois diaconales et deux sous-diaconales.
(7) Cette église a été abattue.
(8) L'historien de l’église de Paris, D. Félibien; M. de Mautour Mém. de l'Acad. des Inscrip. t. III p. 299.
(9) Histoire ecclésiastique tome III, p. 249.
(10) L'abbé Lebeuf.
(11) L'an 1413, les tours de lit commençant à n'être plus de simple
toile comme auparavant, et étant formés d'ailleurs d'un bien plus grand
nombre de pièces, les chanoines ordonnèrent que leurs héritiers,. en
donnant cent livres, somme en ces temps-là très considérable, seraient
quittes, s'ils voulaient, de cette charité. Cette disposition nouvelle
a duré jusqu'en 1592, que les directeurs séculiers de cet hôpital se
plaignirent au Parlement, et prétendirent que le ciel, les rideaux, la
courtepointe et autres accompagnements des lits des chanoines, soit
qu'ils fussent de soie, d'argent, d'or ou de telle autre étoffe que le
luxe avait ajoutée à la simplicité des siècles précédents, devaient
leur appartenir. Sur les conclusions des gens du roi, la cour leur
accorda leur demande. L'an 1654, elle condamna les héritiers de M. de
Gondi, archevêque de Paris à délivrer aux administrateurs de
l'Hôtel-Dieu son lit et tout ce qui en dépendait.
(12) Recueil des titres de l’Hôtel-Dieu.
(13) Leur nombre fut ensuite porté jusqu'à douze, en 1654, sous
l'inspection et l'autorité de l'archevêque et des premiers magistrats.
(14) Elles étaient aidées dans leurs fonctions par un grand nombre de
personnes, tant du dehors que de l'intérieur de l'Hôtel-Dieu. L'état
journalier de cette maison en portait le nombre a plus de cinq cents.
(15) La communauté dé ces religieuses était toujours très nombreuse,
malgré l'austérité de leur règle et les pénibles travaux qui y étaient
attachés elles étaient ordinairement cent trente. Leur noviciat durait
sept ans, à dater du jour de la prise de l'habit, et il ne fallait pas
moins de temps pour éprouver une vocation si difficile.
L'administration de cet hôpital a éprouvé bien des changements pendant
la révolution et c'est alors qu'on a pu se convaincre que des
dispositions purement humaines et des agents salariés ne pouvaient
suffire à des travaux, à des sacrifices qui sont tels qu'aucun prix sur
la terre ne peut les payer. Il n'appartient qu'à la religion et aux
immortelles espérances qu'elle porte avec elle, de produire de tels
prodiges de dévouement et de charité; et ils périraient avec elle, s'il
était possible qu'elle périt jamais. Les sœurs de l'Hôtel-Dieu ont donc
été rappelées, parce que l'on a reconnu qu'il était impossible de se
passer de leur assistance.
(16) Cette chapelle, différente de l'église du même nom, située à
l'autre extrémité du parvis, fut rebâtie vers 1380, par les soins
d'Oudard de Mancreux, bourgeois de Paris. Elle a été démolie pendant la
révolution.
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Source : Gallica-Bnf, (identifiant : ark:/12148/bpt6k2002170), Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours, Jacques-Maximilien Benjamin Bins de Saint-Victor. 1er tome, pages 355 à 376, en 4 tomes, 2e édition, librairie Charles Gosselin, 12 rue de Seine (Paris 1822-1827).
(*) "La force intacte de Saint-Augustin", France-Culture, Concordance des temps, 27/04/2019 avec Me Claire Sotinel, professeure d'Histoire romaine à l'université de Paris-Est Créteil.
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