
|
Cliquez ci-dessus pour
revenir à la page d'accueil |
Le Bas Moyen
Âge
à
Paris
(1ère
partie)
Le
roman naît
à l'époque médiévale
Ci-contre
: enluminure d'Aucassin et Nicolette
|
|
|
|
|
|
C'est avec la chanson de
geste que naissaient en Europe les premiers écrits romanesques
avec la très célèbre Chanson de Roland
(XIe siècle), suivirent des romans de chevalerie
et d'amour. Mais aussi des histoires populaires dont les auteurs sont
restés pour certains des anonymes : Aucassin et
Nicolette (auteur anonyme) ; Tristan de Thomas (1155) ; Le
roman de Renart (vers 1170, auteur anonyme) ; Le roman
de Tristan de
Béroul (XIIe siècle) ; Le Roman de Floire et Blancheflor
(vers 1175, auteur anonyme ) et Lancelot du Lac
(XIIe s., par Chrétien de Troyes). Etc. La version moderne de Tristan et Iseut a été constituée par
Joseph Bédier en 1900, la légende fondatrice de l’amour courtois (texte). |
|
Pierre Abélard
(1079-1142),
chanoine de Notre-Dame à Paris
|
|
|
Pierre
Abélard, natif du Pallet près de Nantes (1079),
après
avoir été un étudiant itinérant durant sept années (cours
de Roscellin de Compiègne), il allait après devenir maître d'école
(écolâtre) au sein du Chapitre de Notre-Dame (ou de
Saint-Étienne) sur l'île de la Cité.
Ce jeune Poitevin d'origine disposa d'une formation philosophique
auprès de grands théologiens ou doctrinaires de son temps, puis
bouscula l'édifice conceptuel et ses propres maîtres.
Alors que la
cathédrale Notre-dame n'était pas encore construite (commencement des
travaux
en 1163), il se dressait une imposante
et ancienne basilique sur le
parvis actuel, datant du IVe ou Ve siècle dédiée à saint Étienne et
détruite
vers 1160. Le
Chapitre signifiant le chœur, il s'agissait d'une institution qui
disparue au XIXe siècle. C'est en son sein que l'évêque de Paris
était élu par les chanoines, qui eux-mêmes étaient désignés par
l'évêque. Par ailleurs, le Chapitre de Notre-Dame a été un grand
propriétaire de terrains au sein de la ville comme à l'extérieur, et a
connu des conflits scolastiques ou internes réguliers. (retour histoires chrétiennes du
haut Moyen Âge, en bas de page sur l'institution).
|
|

Île de la Cité avec la basilique Saint-Etienne
|
L'arrivée de Pierre Abélard à Paris se
produisit vers l'an 1100, il a été un personnage de légende, oubliant
pour beaucoup son rôle dans le monde des idées. Le
jeune étudiant a suivi les enseignements de Guillaume
de Champeaux avec qui il se confronta lors d'une disputation autour
des enseignements de Platon et d'Aristote sur la question des
Universaux, et marquait leur rupture (1108).
Abélard a été
l'un des
grands penseurs de la philosophie du Moyen Âge, dite scolastique
(Nicholas était
l'école, son sens : le lieu où l'on va étudier). Ce courant
philosophico-religieux est né avec le poète et savant Alcium (Anglais)
sous le règne de Charlemagne à Aix-la-Chapelle.
Le terme (et les études) scolastique est spécifique à l'époque
médiévale jusqu'au XIIe s. Ou ce qui correspondait aux premières
écoles de formation de l'esprit avant la création des Universités. Un
de ses
prédécesseurs fut Saint-Anselme ou le moine, théologien et philosophe
Anselme de Cantorbéry (1033-1109), de l'ordre de Saint-Benoît.
Le moine philosophe Abélard introduisit
systématiquement le procédé du doute
en amenant des arguments dans un sens, ou dans un autre (venant de
l'Écriture ou des Pères) avant de trancher et de
répondre aux arguments. Un peu approximatif d'un point de
vue théologique, il a été condamné par divers conciles, dont celui
de Sens (1140) à l'instigation de Bernard de Clairvaux.
Son nom est resté
associé à Paris autour de son destin tragique et
amoureux avec Héloïse. Ils
eurent un enfant vers 1118, il se nomma Astrolabe (celui qui atteint
les astres) et demeura auprès de sa tante ou la soeur d'Héloïse à Le
Pallet dans l'Ouest du royaume, qui se chargea de son éducation. Les
deux amoureux auraient procédé à leur
union en secret. Une grande
fresque médiévale sur les relations de deux
amants, peu moraux selon les époques, et remis en exergue au XVIIIe s.
avec la publication des Lettres.
La trame d'un
roman, pourtant l'histoire a sa part de vraie, du moins possède des
fondements de vérité, comme bon nombre de légendes, ou ce qui fait
mythologie.
|
|
|
|
|
|
L'on
trouve encore de nos jours les
deux
amoureux, côte à côte, au
cimetière du Père Lachaise, une tombe les réunissant. Une
survivance du
romantisme et du dix-neuvième siècle. C'est le philosophe
Victor Cousin qui fit la traduction depuis le Latin des lettres entre
les deux amants, le livre est consultable sur wikisource, un ouvrage du XIXe siècle.
Pierre
Abélard de son vivant fut un universitaire et un des plus
grands "intellectuels" ou une des plus grandes intelligences du
douzième siècle (Selon
l'historien ou médiéviste Jacques Le Goff, le terme intellectuel est à prendre dans le
sens de vouloir
comprendre et discerner, mais le
substantif date du XIXe siècle). Notre philosophe s'illustra dans le
champ de la logique, un esprit rationnel avant l'heure, bien que
mystique dans l'âme. Ce qui n'avait rien de contradictoire à
l'époque. Certains érudits pensaient que
l'autobiographie d'Abélard, Histoire de mes
malheurs (1132), ainsi que la correspondance d'Abélard
et Héloïse étaient des écrits
apocryphes de Jean de Meung (XIIIe siècle). Le continuateur du Roman de
la Rose, il aurait lui-même
rédigé les textes. |
|
|
|
|
Notre moine
philosophe ouvrait la voie à une
pensée rationaliste et aux mondes des concepts.
Il a été avant
tout un esprit libre, sachant
conquérir le public étudiant à sa
cause. On y parlait des universaux, c'est-à-dire des
idées générales sur l'Homme, la
chrétienté, la justice, la bonté, etc. Pour ce que l'on connait
d'Héloïse, ce fut une jeune femme fort cultivée pour son temps. On lui
suppute d'avoir pu comprendre le latin, le grec et sans l'affirmer
l'hébreu. Elle fit en sorte de ne pas limiter Abélard, ou de devenir
une entrave à son professeur de philosophie et à l'expression de ce
dernier. Deux amants peu conventionnels, et il faut souligner deux fortes personnalités.
On peut saisir que Pierre Abélard, en expiant pour des
fautes charnelles avec la douce Héloïse paya
probablement de ses trop grandes lumières sur son temps? En
1110, il avait créé sa propre école à Paris,
au sein de l'abbaye Ste-Geneviève dirigée par Étienne de Garlande
(s'associant à la rue Galande) et gagnait les esprits.
D'après l'abbé Foulques, un contemporain, les
étudiants parvenaient d'Italie, d'Angleterre, de Flandre,
d'Allemagne, de Bretagne, d'Occitanie et de Bourgogne pour suivre son
enseignement. Ils bravaient les routes peu sûres pour l'entendre.
Le
concile de Soissons de 1121 le condamna au silence perpétuel
et à la claustration (enfermement) dans un monastère, ses écrits brûlés
(autodafé). Rapidement, le Pape leva les sanctions et Abélard
rejoignit l'abbaye de St-Denis, comme moine.
|
|
L'histoire
parisienne légendaire est dès plus pathétique. Pierre plus âgé donnait des cours à la fille d'une bourgeois se
nommant
Fulbert, il s'agissait d'un chanoine et de l'oncle d'Héloïse.
Dans le cadre des cours que donna Abélard, ils s'éprirent l'un de
l'autre. Leur relation
découverte, cette union favorisa la naissance d'un bébé. Puis ils fuirent en
Bretagne, etc., etc. L'amant dut revenir à Paris sans sa belle. Sans
entrée dans le
détail, Abélard fut l'objet d'une castration (1117), et l'un
et l'autre allaient se retirer dans une retraite monastique, et selon le
choix d'Héloïse qui refusa toute union pour assurer sa liberté à
Abélard. Ce
malheur le rendit
populaire. Des témoignages de sympathie émanèrent du clergé, des
étudiants. Abélard se retira
à l'abbaye de Saint-Denis, où il prononça ses
vœux de silence, tandis qu'Héloïse prenait le voile à l'abbaye de
Notre-Dame d'Argenteuil. |
|

|
|
|
Au
bout de trois ans, il s'en allait de Saint-Denis pour se
construire un ermitage de roseaux à mi-chemin de
Fontainebleau et Troyes, et devenait surtout le fondateur de l'abbaye
du Paraclet. Des disciples vinrent,
il continua ainsi
à dispenser son enseignement. Ses doctrines
inquiétèrent, elles donnaient à ses
étudiants l'habitude de se poser des questions et de
soumettre les dogmes à un libre examen de conscience.
Il fit
un Sic et Non
("Sic aut non"), sur les affirmations et
contradictoires de la bible, des Pères de
l'église autour de 157 questions. Dans une colonne les
citations donnant une réponse affirmative, dans l'autre des
réponses négatives, il s'attira
l'hostilité de nombreux théologiens, à
commencer par Bernard de Clairvaux. Menacé il fut contraint de
partir et se vit nommer abbé de saint
Gildas-de-Rhuys dans le Morbihan. Par ailleurs, il a été en rapport
avec les écrits de
Rachi, rabbin de la ville de Troyes (Rabbi Salomo ou Salomon de Troyes,
né vers 1040 et mort en 1105). |
|
Il resta pendant onze ans à la tête de
cette abbaye Bretonne. Puis,
on ne sait dans quelles circonstances, il repartit pour Paris reprendre
son enseignement dans les parages de la Montagne sainte Geneviève
(plutôt
dédiée au logement des étudiants qu'à l'enseignement). Il ne fut
jamais condamné comme hérétique, mais
le concile tenu à Sens en 1140 condamna 16 propositions
tirées de ses livres. Il mourut en 1142 à
St-Marcel, près de Châlon-sur-Saône.
Héloïse, née aux alentours de 1092, lui survécut 22 ans et fut
inhumée, selon leur désir et promesse mutuelle
d'être ensemble pour l'éternité...
« J'habite
un pays barbare dont la langue m'est inconnue ; je n'ai de commerce
qu'avec des peuples féroces ; mes moines n'ont d'autres règles que de
n'en point avoir. Je voudrais que vous vissiez ma maison, vous ne la
prendriez jamais pour une abbaye, les portes ne sont ornées que de
pieds de biches, de loups, d'ours, de sangliers, des dépouilles
hideuses des hiboux... J'éprouve chaque jour de nouveaux périls. »
Extrait d'une Lettre d'Abélard à
Héloïse
|
Lettres
d'amour d'Héloïse et Abélard (durée : 10 minutes)
|
|
|
|
Nota bene :
Vous trouverez sur France Culture deux autres émissions consacrées à Abélard et Héloïse de février-mars 2020. |
|
 |
|
1101 : L'ordre de Fontevraud est fondé par Robert
d'Arbrissel, sous la protection des familles Plantagenêt et des
Bourbon de France.
1107 : Le pape
Pascal II rencontre à St-Denis le roi Philippe Ier (4e de la dynastie
des capétiens, né en 1052) et son fils Louis.
1108, décès
de Philippe 1er à Melun et début du règne de
Louis VI, dit le Gros.
1109 -1112 : Insurrections
communales dans le royaume français.
1113 :
L'ordre des Hospitaliers est fondé par la bulle du pape Pascale II,
avec voeux de pauvreté (ne rien posséder en propre).
1115 : Fondation de l'abbaye
de
Clairvaux au bord de l'Aube.
1119 : L'ordre du Temple est
fondé par Hugues de Payns à
Jérusalem avec huit autres nobles (dissolution en 1312).
1122
: L'abbé Adam en
titre de l'abbaye de
St-Denis décède, Suger est élu à sa place sans l'avis du roi.
1133 : Louis le
Gros fait démolir l'ancienne basilique mérovingienne de Montmartre et
fait bâtir l'église Saint-Pierre (de style roman et ci-contre une
colonne sculptée).
1137
: Mort
de Louis VI. Sacre de Louis VII dit le Jeune et mariage du roi avec
Aliénor d'Aquitaine à
Bordeaux .
1139 : Alphonse
1er dit le fondateur devient le premier roi du Portugal acclamé par ses
troupes après une victoire sur les Maures.
|
|
|
|
Légendes
et mythes du Vieux Paris
|
|
La châsse et le mythe
de sainte-Geneviève
« Dans
les grandes calamités publiques, c'était surtout la châsse vénérée de sainte Geneviève qu'on promenait dans les
rues,
l'archevêque marchant à pied, à gauche de l'abbé qui était souvent dans
sa chaise. Cette procession se faisait avec une splendeur publiquement
incomparable. Le peuple de Paris avait confiance sans bornes, justifiée
par de nombreuses marques d'une protection évidente. (…)
|
|
 |
Sous le règne de Louis
le Gros, en 1129 ,
alors que la terrible épidémie connue sous le nom de mal des ardents
tuait les Parisiens par milliers : après avoir eu vainement recours à
l'art des médecins, aux jeûnes, aux prières, on porta la châsse de la
sainte à l'église Notre-Dame, dont la nef entière et le parvis
débordaient des malades, et tous furent instantanément guéris, sauf
trois et tous incrédules, - éclatante exception qui confirma le miracle
(sic). (…)
Cette châsse, conçue dans
le style du treizième siècle, et restaurée au dix-septième, était ornée
de douze statues également en or, élevée sur quatre grandes colonnes de
marbre et portée par quatre statues de vierges tenant des flambeaux.
Quand on promenait la précieuse châsse dans les rues de la ville,
c'était d'ordinaire le clergé de Notre-Dame qui venait la chercher, et
qui la reconduisait après la cérémonie, avec les reliques et qui la de
saint-Marcel, autre patron de Paris (…) et de même un ancien bourg,
puis quartier de la capitale. »
Source
: Galllica-Bnf - Les rues du vieux Paris, Victor Fournel
Page 158 – Editeurs Firmin-Didot et Ce - 1879
|
|
Mort du prince héritier Philippe
pour cause de cochon errant et maléfique
|
|
 |
« En
1131, le 13 octobre, Philippe fils aîné de Louis
VI arpentait à cheval la ville. Au niveau de l’ancienne rue du Martroi
(depuis disparue), se trouvant derrière l’Hôtel de Ville, soudainement
un cochon en errance se met en travers de sa route. Celui-ci chute de
sa monture la tête en avant sur le sol et une grosse pierre, et il se
fait piétiner par son propre cheval en panique et périt peu d'heures
après.
|
Dans le quotidien des Parisiens,
les animaux domestiques de toutes tailles circulaient dans la cité et
les cochons pouvant venir des villages limitrophes. Par ailleurs, les
rues étaient jonchées d’ordure se décomposant, provoquant des dépôts de
boues animales et aussi humaines. Suite à la mort de son héritier,
Louis VI interdit à tous les possesseurs de porcs leur présence dans la
ville, l’animal pouvant être emporté sous surveillance et être passif
d’un jugement devant dieu, et susceptible de finir chez le bourreau.
Cette interdiction des "pourceaux" dans la capitale fut prononcée de
nouveau à deux reprises par Louis IX et Charles V.
Suger écrivit dans sa chronique au sujet du prince Philippe : « un
porc (porcus diabolicus), véritable envoyé du diable, se mit en travers
de son chemin et heurta le cheval qui tomba lourdement. Le cavalier fut
projeté sur une grosse pierre, piétiné, puis écrasé par le corps du
cheval ». L’abbé parla de cris, de
pleurs et lamentations à la suite
de ce décès dans la capitale. Son frère cadet promis normalement à une
carrière ecclésiale accédera à sa place au trône à la mort du père. (...)
Le cochon,
lui, absorbe dans son vigoureux estomac les trois réunis jusqu'à ce
que, suivant la loi mystérieuse de la nature, il soit mangé à son tour
par la vieille nourrice du genre humain, la terre, marâtre impitoyable
qui dévore tous ses enfants. On ne peut dire d'une manière précise la
date des premières foires aux lards et aux chairs de porc qui, dès
l'origine, se tenaient au parvis Notre-Dame, le mardi de la semaine
sainte.
Un événement malheureux arrivé
au douzième siècle sur la Motte-Saint-Gervais, à l'endroit où s'élève
aujourd'hui la mairie du IVe arrondissement, donna lieu à une
ordonnance de police alors regardée gomme très-sévère, A cette époque,
comme dans les temps les plus reculés, les rues de Paris, encore
privées de pavage, étaient d'affreux bourbiers remplis d'ordures dont
les chiens et surtout les pourceaux, qu'on laissait vaguer librement
dans la
ville, absorbaient une grande partie ; c'étaient
les boueurs, balayeurs et orduriers de l'époque. Ce qu'ils
n'engloutissaient pas se décomposait sur place (...).

Or, en 1131, le roi Louis le
Gros passant, le 13 octobre, avec son fils, sur la Motte Saint-Gervais
qui venait d'être annexée à la capitale, un de ces cochons errants,
sans respect pour la majesté royale, vint se jeter dans les jambes de
la monture du jeune homme. Le cheval effrayé se cabra, et son cavalier,
vidant aussitôt les arçons, tomba d'une façon si malheureuse, qu'il en
mourut au bout de quelques heures.
Quelques chroniqueurs religieux
prétendent que saint Bernard avait prédit au roi que cette catastrophe
arriverait pour le punir d'avoir persécuté les évêques. La superstition aidant, tout le monde le crut. »
Source
: Gallica-Bnf - Légendes du vieux Paris, Amédée de Ponthieu
Pages 135 et 136 - Editeurs Bachelin-Florence - 1867
|
|
|
Paris allait
connaître
quelques administrateurs ou bâtisseurs, certains
rois s'imposaient dans leur souci de protéger la ville, de
codifier certaines règles, de tenter de mettre un peu d'ordre
dans la cité qui redevenait capitale sous Philippe II. Jusqu'au
début de la Guerre de Cent
ans (au quatorzième siècle), Philippe Auguste et
Saint-Louis laissèrent une empreinte particulière. La Ville
ne cessa de grandir et de repousser ses murailles plus loin, le
pouvoir politique de régenter tout ce qui pouvait concerner la
vie quotidienne et ses besoins. |
|
Le prévôt de Paris
(première partie)

illustration de la Prévôté de Paris
« Dés l'année 1134, Louis le
Gros avait confié au prévôt de Paris la dé́fense des privilèges dont
jouissaient les bourgeois de la capitale; et l'on verra plus loin
comment il fut chargé par nos rois de sauvegarder les privilèges
nombreux qu'ils avaient accordé́s à l'université. Lui seul pouvait
faire arrêter les é́trangers pour dettes.
Enfin, la police et, le repos
de la
ville étaient confié́s à ses soins. Cette charge ne pouvait jamais
vaquer : aussitôt que par la mort du titulaire l'office de pré́vôt
devenait vacant, le procureur gé́né́ral au parlement de Paris en é́tait
investi provisoirement. Le roi reprenait le bâton de commandement et le
remettait lui-même au successeur, dont il se réservait la nomination.
Quand le nouveau fonctionnaire avait reçu l'investiture de sa charge,
un président à̀ mortier et quatre conseillers de la grand-chambre se
rendaient au Châtelet, et, faisant asseoir le nouveau magistrat sur le
siè̀ge surmonté́ du dais royal (tenture fixée au dessus du trône), le
président lui disait :
Je vous installe dans la
charge de prévôt de Paris pour l'exercer dignement au contentement du
roi et du public. »
Source :
Antoine
Le Roux De Lincy - Persée.fr
|
|
|
Louis VII devient roi des Francs de 1137 à 1180
|
|
|
|
|
|
|
Louis VI dit le Gros meurt en août 1337 de dysenterie, comme son père, et il a été enterré à l'abbaye de St-Denis.
Louis VII, son fils avait 17 ans (ci-contre avec Suger), la même année de son couronnement il épousa la duchesse de Guyenne, Aliénor alors âgée de 15 ans,
qui en plus de devenir reine de France devint aussi comtesse du Poitou.
Ensemble, ils eurent deux filles (Alix et Marie), et faute d'héritier mâle, le
pape prononça l'annulation du mariage pour consanguinité. Il semble surtout que leur
départ commun en croisade créa quelques remous, rumeurs et pour Aliénor
beaucoup de légendes noires à son sujet.
|
|

|
|
|
 |
|
Avec
l'échec de son mariage, notre
Louis VII dit le jeune préfigura des luttes intestines avec
"l'envahisseur" d'outre-Manche. Aliénor duchesse d'Aquitaine (ci-contre, 1122-1204) future reine d'Angleterre
prenait pied et grignota peu à peu une bonne partie du royaume de France en raison de
ses unions. La deuxième fois ce fut avec Henri II de Plantagenêt, roi d'Angleterre, lui-même comte
d'Anjou et duc de Normandie. Aliénor
est aujourd'hui au sein de l'abbaye de Fontevraud où se trouve
son gisant, elle décéda dans sa quatre-vingt-deuxième année, quand on
ne dépassait guère les 40 ou 50 ans, et peu de ses enfants lui
survécurent. Cette
femme marqua son siècle et elle est considérée comme la grand-mère de
l'Europe en raison de sa lignée nombreuse et du mariage de ses enfants,
et de l'accès de trois de ses fils sur un trône : Henri dit le jeune,
Richard 1er dit Cœur de Lion et Jean dit Sans Terre. Sur l'annulation
du mariage évoquer la consanguinité a quelque chose de cocasse,
si l'on
examine les mariages aristocratiques et leurs descendances à l'échelle
européenne... Les liens entre cousins furent nombreux et parfois à des
degrès avancés, ou "issu de germain" avec l'accord du Saint-Siège à
Rome ("germanus" signifie "qui est du même sang"). Toutefois les liens
entre cousins devaient avoir au moins cinq degrés et au XIIIe siècle
jusqu'à sept, donc l'argument retenu a été plus une façade, que la
réalités des tensions qui ont existé entre un roi plutôt faible et une
femme combative.
|
|
|
Ce fut avec l'abbé Suger (né vers 1080-1151) que la
Basilique Saint-Denis et le Paris politique ont eu à faire
à cet homme d'église fort habile et
administrateur hors pair : par exemple en 1125, il affranchissait les habitants de Saint-Denis des servitudes du droit de mainmorte, ainsi que des familles du bourg Saint-Marcel, contre la somme de 200 livres qu'il consacra à la restauration de son abbaye. Il a été aussi l'auteur d'une Vie de Louis le gros en latin. Fils
d'un paysan serf, abbé de Saint-Denis, Surger se fit connaître
jusqu'au
sommet de l'Église et de l'État. Il a été le conseiller
des rois Louis VI et Louis VII, et répondit à un
travail législatif conséquent. Il assura la
régence quand Louis VII et Aliénor partirent en croisade avec
l'oriflamme de Saint-Denis bannière au vent.
Entrepreneur hors pair et financier contesté, Suger fit
reconstruire l'église abbatiale de Saint-Denis (l'abbaye date à
l'origine
des rois mérovingiens).
Il a eu le
sentiment de faire oeuvre pour l'Église et le royaume. Il
se trouva en contradiction avec Bernard de Clairvaux, celui-ci
préférait le dépouillement des lieux
de culte. On doit à Suger une nouvelle impulsion architecturale, que
l'on nommera Gothique en référence aux Goths pour en minimiser ou
relativiser l'importance.
|
|
L'abbé
Suger a connu des démêlés concernant le prieuré ou couvent d'Argenteuil
où se trouvait une certaine Héloïse (amante du philosophe Abélard) :
« La
restitution du prieuré d'Argenteuil à l'abbaye de Saint-Denis est de
l'année 1129. Ce monastère avait été fondé sous le règne de Clotaire
III, et donné aux religieux de Saint-Denis. L'empereur Charlemagne,
voulant seconder l'inclination de sa fille Théodrade pour la vie
religieuse, l'y établit avec quelques jeunes filles, dont il la fit
abbesse.
Cette princesse, qui gouvernait le monastère en 824, voulant assurer le
retour de la propriété à ses possesseurs primitifs après sa mort,
obtint, l'an 828, un diplôme de l'empereur Louis le Débonnaire, son
frère, arrêtant qu'aussitôt après son décès cet ancien prieuré serait
rendu à l'abbaye de Saint-Denis, suivant l'intention d'Ermenric et de
sa femme, qui l'avaient bâti sur leur propre terre. Théodrade étant
morte, l'abbé Hilduin laissa, par tolérance, subsister le couvent de
religieuses, à la condition qu'il relèverait de Saint-Denis, dont le
droit était par là sauvegardé.
Telle
était la situation respective des deux maisons, lorsque Suger,
profitant des désordres scandaleux de celle d'Argenteuil sous la
mauvaise administration d'Héloïse, qui, après y avoir été élevée, y
avait été ramenée par Abailard (ou Abélard) dix
ans auparavant et en était devenue prieure, demanda, à la suite des
plaintes adressées au pape contre les religieuses par Etienne, évêque
de Paris, que sa communauté fût remise en possession de cet
établissement.
Un
concile, présidé, à Saint-Germain-des-Prés, par le légat apostolique,
et où se trouvèrent les évêques Geoffroi de Chartres, Étienne de Paris,
Goslin de Soissons, Rainaud de Reims, examina les griefs articulés
contre les religieuses et les réclamations de Suger : les uns et les
autres ayant été reconnus fondés, le prieuré fut remis à l'abbé de
Saint-Denis, avec recommandation de transférer les religieuses dans un
autre monastère (note : remplacées
par des moines elles s'installèrent à l'abbaye du Paraclet, près de
Troyes).
Cette décision fut confirmée par une bulle pontificale, datée de
Latran, le 9 des calendes de mai. Suger fit prendre possession du
prieuré. »
Source : Gallica Bnf -
Oeuvres complètes de Suger, page 441, A. Lecoy de La Marche
(1867)
|
|
 |
|
Le nouveau choeur de la
basilique de Saint-Denis était solennellement consacré en juin
1144 par l'abbé Suger (ci-contre, vitrail de la basilique à l'initiative de l'architecte Viollet-le-Duc). L'abbé invita Louis VII le
Jeune et la duchesse d'Aquitaine, son épouse, ainsi que tous
les grands personnages du royaume civils et religieux à son
inauguration et laissa son public stupéfait.
La structure
haute et élancée et la luminosité des
vitraux impressionnèrent les visiteurs. Naquît ainsi l'Art
dit Gothique et une
course à la construction des futures cathédrales
qui fleurirent dans les villes du royaume de France et en Europe. |
|
|
Repères
chronologiques :
|
|
|
|
1141 : Louis
VII ordonne que tous les changeurs (agents de change) et orfèvres de
Paris de se rassembler sur le Grand-Pont, qui deviendra le pont aux
changeurs, puis, au change. |
|
1141-1143 : Traduction du
Coran en
Latin à la demande de l'abbé de Cluny.
|
|
1144 :
Louis VII banni du royaume les Juifs dits relaps, c'est-à-dire revenus
à leur culte ou qui avait été convertis au christianisme.
|
|
1145-1146
: Le pape Eugène III s'adresse à Louis VII pour qu'il s'en aille en croisade, l'année suivante Bernard de
Clairvaux prêche la seconde croisade depuis l'abbaye de Vézelay en Bourgogne.
|
|
1147 : Départ
de Louis VII pour la croisade en compagnie de son épouse et l'abbé Suger devient régent du royaume.
|
|
1150 : Architecture gothique classique et cycle
musical de l'école de Notre-Dame (époque du Motet). |
|
1154 : Henri
II de Plantagenet
est couronné roi d'Angleterre à Wesminster avec à ses côté, Aliénor
récemment séparée de Louis VII par l'annulation de son mariage, et ils ont donné naissance à dix enfants durant leur union. |
|
1163 : Début
de la
construction de Notre-Dame, la cathédrale est édifiée dans
l'abbaye de Notre-Dame, pas très loin de l'ancien emplacement de la
basilique Saint-Etienne détruite. Le
Pape Alexandre III
pose la première pierre en présence du roi.
|
|
1171 : Les
marchands d'eau de Paris obtiennent le monopole du commerce sur la
Seine et la fondation de l'hôpital Saint-Gervais dévolu à l'accueil des vagabonds et pour y séjourner 3 nuits.
|
|
1177 :
Achèvement du choeur de Notre-Dame de Paris.
|
|
|
|
Ci-dessus
:
vitraux de la basilique
de St-Denis
- allégorie de St-Paul
|
|
|
NB : Si vous
souhaitez connaître la fabrication du
vitrail et ses évolutions tout au long du Moyen Âge, vous pouvez
écouter le podcast de Passion Médiévistes
avec Marjolaine Bacot, vitrailliste et
peintre-verrier, étudiante en master conservation-restauration des
biens culturels à l’Université de Paris Panthéon-Sorbonne (durée 25
minutes).
|
|
|
Notre-Dame
de Paris, la maison des Parisiens (1163-1351)
|
|
|
 |
|
Il s'agit de l'édifice le plus
emblématique de la capitale, il n'était pas prévu dans l'histoire
légendée de la ville aux 100 clochers (et bien plus), que la cathédrale
Notre-Dame ferait l'objet d'un incendie ravageur le 15 avril 2019. Le
nombre des lieux de culte depuis les premiers siècles de la chrétienté
ont été nombreux et un recensement des chapelles, églises, basiliques,
représenterait une somme assez conséquente, ne serait-ce qu’en raison
des lieux disparus à différentes étapes de l’Histoire. Aujourd’hui, les
deux plus vieilles églises de Paris se trouvent à Montmartre, non loin
de la basilique et dans le quartier ou ancien village de Charonne
(20ème arr.), là où peut-être Geneviève de Nanterre fit sa rencontre
et ses voeux auprès de St.-Germain, évêque d'Auxerre. Mais en des
espaces
réaménagés ou
bien des structures datant des Mérovingiens ayant pu servir de
réceptacle à d’autres édifices religieux. Et
que précise Eugène Viollet-le-Duc dans un chapitre consacré à cette
majestueuse oeuvre gothique (à lire ci-dessous le texte sur Notre-Dame).
|
Les cathédrales entrent dans la catégorie des bâtiments de taille, si
elles ont été moins nombreuses en raison de leur coût et investissement
humain, sur une durée très variable et nécessairement longue, seules
les
villes en Europe avec une forte activité économique purent se permettre
de telles constructions. Il s'agit avant tout du
siège de l'Evêché et plus tard de l'Archidiocèse parisien, d'où
l'idiome latin cathedra qui veut dire : le siège (de
l'évêque et/ou de l'archevêque). Les premières bases de son
édification sont antérieures à 1163 et la pose d'une première pierre,
une date prise pour marquer l'événement, mais elle est relative quant à
sa conception. La mise en oeuvre des assemblages a été entreprise sur
une longue période et chaque étape avec son lot de difficultés : le
choeur, le
transept, la nef, les
bas côtés, les deux tours, la flèche et les arcs-boutants. Sa
conception architecturale
en fait un monument témoin avec plus de 850 années d'histoires et l'un
des plus vieux vestiges du Moyen Âge parisien.
La légende selon Viollet-le-Duc fait remonter à Charlemagne sa
construction et elle aurait nécessité six siècles, pour voir sortir du
sol sableux l'un des monuments les plus imposants de Paris pour une
durée néanmoins longue avant que l'imposant bâtiment ne soit achevé. Environ
200 ans pour son édification et au final la construction de l'autel,
sans parler des réaménagements et fouilles entreprises au XVIIe siècle
en son sein par l'architecte Mansart et pour ornementation imposante,
la Pieta en marbre voulue par Louis XIV, de même sous Louis XV
avec son
lot de dégradations, et le siècle suivant sous la conduite d'Eugène
Viollet-le-Duc à partir de 1847 dans un vaste chantier pour sa
sauvegarde. Et qui comme toute nouvelle conception a connu son lot de
réprobations, mais au fil du temps devenait insignifiant et participa
de
sa magnificence.
Ce
fut Victor Hugo qui tira le signal d’alarme sur sa vétusté et les
menaces qui pesaient à ne pas entreprendre sa rénovation. Après
avoir remis l’abbaye de Vézelay dans ses fondations romanes,
Viollet-le-Duc adjoint de l’architecte J.B. Antoine Lassus eurent la
lourde
charge de redonner à la cathédrale un nouvel éclat, un peu au fait et
parti prix d’un Moyen Âge romantique ou romancé. Cependant sa
rénovation s’était inspirée des pratiques artisanales du compagnonnage
et
de fait dans le fil droit d’une tradition rigoureuse des métiers d’art
et de leurs différents corps d’exercice : charpentiers, tailleurs de
pierre, menuisiers,
etc.
Ci-contre dessin du
XVIIIe s.
|
|
 |
Viollet-le-Duc y laissa en de nombreux endroits sa signature, les
statuaires extérieures furent plus nombreuses qu’à l’origine, et la
grande rosas fit un petit tour sur elle-même dans une configuration
différente des vitraux et de l’axe de la lumière. Ces
originalités sont venues à l’exemple des gargouilles pour évacuer les
eaux de pluie, une trentaine d’années pour ce chantier hors norme.
« L'église
de Maurice de Sully forme comme le noyau de la cathédrale de Paris, et
il est facile encore de la distinguer malgré la richesse de la
décoration dont, les XIIIe et XIVe siècles sont venus l'envelopper.
Ainsi que nous le prouvons plus loin, c'est aux premières années du
XIIIe siècle que l’on doit faire remonter la construction de la
magnifique façade occidentale celle des éperons et galeries de la nef,
ainsi que l'arrangement des grandes fenêtres, et c’est encore dans la
seconde moitié de ce siècle que furent ajoutées les chapelles de la
nef. Enfin les deux façades des transepts, les chapelles du chœur, et
une grande partie des arcs-boutants appartiennent au XIVe siècle. »
Il est aussi question, de
véritables trésors patrimoniaux et des emblèmes religieux au service
des croyances comme des reliques, objets de dévotion pour attirer les
fidèles ou gens du peuple. Un ensemble de
sculptures, de tableaux, de chapelles aménagées, etc., ont façonné et
surchargé un lieu ouvert en un lieu de prière avec ses rangées de
chaise et ses travées ornementées. Il existait aussi un cloître sur le
côté nord, en lieu et place des quais se tenait l’hôpital de
l’Hôtel-Dieu avant qu’il ne soit détruit sous Napoléon III et
réinvestit de l’autre côté du parvis à la place des Enfants-Trouvés.
A l’époque médiévale, il était possible de rentrer à cheval et la
cathédrale participait comme d’une maison commune, où l’on pouvait
déambuler dans ce vaste palais du peuple épuré et ouvert à tous les
vents. Toutefois, un espace colorisé en ocre par ses couches, qui
servirent d’isolation et de protection pour les pierres en calcaire.
La charpente ou la structure en poutre du toit a été appelée « la
forêt »,
le bois utilisé venait d'arbres probablement plantés sous les
Carolingiens, selon Viollet-le-Duc, et ils ont été travaillés et posés
au cours du XIIIe
siècle et du XIVe siècle,
une oeuvre qui faisait référence au sein des métiers d'art. Le point de
vue d'un archéologue est venu mettre quelques bémols au mois de juin
2019 sur les réalités du bois et des techniques employées. Charpente de Notre-Dame : stop aux idées reçues !
(Frédéric Épaud, chercheur CNRS). Et
une histoire qui ne peut s'abstraire de l'antériorité et l'existence de
deux lieux de culte disparus, l'un consacré à la vierge Marie, l'autre
à saint-Etienne avec une imposante basilique disparue depuis. La
cathédrale est depuis 1991 patrimoine de l'humanité sous l'égide de
l'Unesco et aussi sous le contrôle des architectes des bâtiments
historiques depuis le XIXe siècle.
|
|
|
NOTRE-DAME |

Plan Turgot, XVIIIe s.
Eugène Viollet-le-Duc |
|
«
L'église
cathédrale de Paris est comme les héros, elle a deux histoires, l'une
légendaire, l'autre réelle, et comme toujours aussi, la légende est
au-dessous de la réalité. Si l'on s'en rapportait aux auteurs les
plus anciens qui ont écrit sur Notre-Dame de Paris, le monument que
nous voyons aurait été commencé, tout au moins, du temps de
Charlemagne, et n'aurait été achevé que sous Philippe le Bel. Il
n'aurait pas fallu moins de six siècles environ pour accumuler ces
stratifications de pierres. De s'enquérir comment un plan, dressé sous
Hercandus, quarante-deuxième évêque de Paris, aurait pu être suivi à
travers les siècles et dans un pays aussi prompt aux changements que le
nôtre, on ne s'en souciait guère. (…)
La légende dit encore que l'église est fondée sur pilotis. Corrozet, du
Breul, et tant d'autres qui ont copié sans scrupule ces deux auteurs
ont répété cette fable. J'ai même, dans ma jeunesse, entendu un
bonhomme prétendre qu'un vieillard, de lui connu, s'était promené en
bateau, disait-il, entre les pilotis de la cathédrale. Le fait est que
les fouilles n'ont montré nulle part l'apparence d'un pilotage, mais
bien de belles et hautes assises de pierres, parfaitement taillées,
posées sur le sable de la Seine. La légende veut aussi que les
vingt-huit statues colossales qui garnissent la galerie inférieure du
portail occidental représentent les rois de France jusqu'à Philippe
Auguste, tandis que ces statues sont celles de rois de Juda, considérés
comme les ancêtres de la Vierge, l'église cathédrale étant placée sous
le vocable de la mère du Sauveur. Mais la légende dit encore bien
d'autres choses.
Avant Maurice de Sully, deux églises couvraient à
peu près l'espace occupé par la cathédrale actuelle, l'une sous le
vocable de saint Étienne, qui était la plus ancienne, l'autre dédiée à
la Vierge Marie. L'archidiacre Étienne de Garlande, qui mourut en
1142, fit faire des réparations importantes à l'église Sainte-Marie. De
ces travaux, il nous reste les beaux bas-reliefs du tympan de la porte
Sainte-Anne et quelques voussures, replacés au commencement du XIIIe
siècle, lorsqu'on éleva la façade que nous voyons. C'était une habitude
assez ordinaire, lorsqu'on reconstruisit à cette époque les grandes
cathédrales, de conserver des parties ou des fragments des monuments
antérieurs. Le même fait se présente à Chartres, à Bourges, à Rouen.
Si l'on tient compte des difficultés que présentait au XIIe siècle
l'érection d'un vaste édifice dans la Cité, alors populeuse, encombrée
de palais, d'églises et de maisons, à cette époque où l'on ne possédait
que peu de moyens de transport, où les engins faisaient défaut, on peut
s'émerveiller de l'activité des constructeurs de Notre-Dame. Commencée
en 1163, en 1182 le maître-autel était consacré ; en 1196, Maurice de
Sully, en mourant, laissait 5.000 livres pour couvrir en plomb la
toiture de la partie orientale. Alors le choeur était achevé jusqu'au
transept, la nef était fondée. Continués sous l'épiscopat d'Eudes de
Sully et sous celui de Pierre de Nemours, les travaux, à la mort de
Philippe Auguste, en 1223, étaient presque achevés, l'église était
entièrement voûtée et la partie supérieure du portail seule restait à
terminer.
L'oeuvre, interrompue pendant quelques années, reprise en 1230, fut
complétée vers 1235, sauf les flèches en pierre, qui devaient couronner
les deux tours et dont les amorces restent en attente depuis cette
époque. Mais le colosse, achevé, subit bientôt des modifications
notables. Il faut savoir qu'à la fin du XIIe siècle et au commencement
du XIIIe, les cathédrales que l'on reconstruisit dans les provinces du
nord de la France, avec une prodigieuse ardeur, n'étaient pas
seulement des édifices religieux.
Les ordres monastiques bénédictins, sapés par saint Bernard, penchaient
vers leur déclin. Les communes déjà riches secouaient le joug féodal et
s'insurgeaient. Les évêques, dont le pouvoir diocésain, si puissant
sous les Mérovingiens et les premiers Carlovingiens, avait été
singulièrement amoindri par les établissements monastiques de Cluny,
cherchaient à ressaisir ce pouvoir dans toute son étendue ; ils
comprirent bientôt l'avantage qu'ils pouvaient tirer des tentatives
d'affranchissement des communes, et offrirent à celles-ci d'élever dans
les villes épiscopales un monument, qui fût à la fois civil et
religieux, refuge de la cité, dans lequel pourraient se
rassembler les citoyens, sous la protection épiscopale, fût-ce même
pour discuter les affaires de la commune. S'appuyant sur un
raisonnement médiocre, mais qui eut un plein succès, l'épiscopat
prétendait :
« que l'Église, en
vertu du pouvoir que Dieu lui a donné, devait prendre connaissance de
tout ce qui est péché, afin de savoir s'il convient de remettre ou de
retenir, de lier ou de délier. Dès lors, comme tout procès résulte d'un
crime, d'un délit ou d'une fraude, le clergé soutenait avoir le droit
de juger toutes les causes, affaires réelles, personnelles ou mixtes,
causes féodales ou criminelles (1) ».
Le peuple ne voyait pas d'un
mauvais oeil ces empiétements sur le pouvoir féodal laïque ; il
trouvait dans les cours ecclésiastiques une manière de procéder moins
barbare que celle dont on faisait usage dans les justices
seigneuriales. Le combat n'y avait jamais été admis ; l'appel y était
reçu ; on y suivait le droit canonique, qui se rapproche, à beaucoup
d'égards, du droit romain ; en un mot, toutes les garanties légales que
refusaient les tribunaux des seigneurs, on était certain de les obtenir
dans ces cours ecclésiastiques.
C'est alors que, soutenus par le pouvoir monarchique déjà puissant et
qui ne voyait pas sans une secrète satisfaction l'abaissement de la
puissance indépendante des ordres religieux et les empiétements sur la
juridiction féodale, forts des sympathies des riches populations
urbaines, qui se précipitaient vers toutes les issues ouvertes sur les
voies de l'affranchissement, les évêques songèrent à doter leurs villes
épiscopales d'un monument fait sur un nouveau programme. Ils trouvèrent
rapidement des sommes considérables, et jetant bas les vieilles
cathédrales, ils commencèrent ces monuments immenses, destinés à réunir
autour de la cathedra, de la chaire épiscopale, les populations
désireuses de trouver un centre pour leurs assemblées. Cela se passait
à la fin du règne de Louis le Jeune et sous Philippe Auguste. C'est, en
effet, sous le règne, de ces princes que nous voyons commencer et
élever rapidement les grandes cathédrales de Soissons, de Paris, de
Laon, de Chartres, de Reims, d'Amiens, de Rouen, de Senlis, de Meaux,
de Bourges.
Ce n'est plus dans les couvents que les évêques vont demander des
architectes ; ils les prennent dans la population laïque. L'élan fut
prodigieux. L'argent abondait, et ces grandes églises s'élevaient comme
par enchantement. Mais l'alliance du haut clergé avec la monarchie,
l'influence qu'il prenait dans les cités épiscopales ne tarda pas à
inquiéter les barons. Saint Louis reconnut bientôt que, pour échapper
aux dangers que les prétentions de la féodalité laïque faisaient courir
sans cesse au pouvoir royal, le suzerain aurait affaire à d'autres
maîtres et qu'il tomberait bientôt aux mains d'une oligarchie cléricale
soumise à Rome. D'un autre côté, les bourgeois des villes ne trouvaient
pas dans les cours épiscopales les garanties sur lesquelles ils
comptaient, et les excommunications, se mêlant aux procédures,
causaient des troubles notables dans les familles et les cités.
En 1235, la noblesse de France et le roi s'assemblèrent à Saint-Denis
pour mettre des bornes à la puissance que les tribunaux ecclésiastiques
s'arrogeaient. Il fut arrêté d'un commun accord :
1° que leurs vassaux
ne seraient point obligés de répondre en matière civile ni aux
ecclésiastiques ni à leurs vassaux, devant le tribunal ecclésiastique ;
2° que si le juge
ecclésiastique
les excommuniait pour ce sujet, il serait obligé de lever
l'excommunication par la saisie de son temporel ou de celui qui aurait
poursuivi la sentence ;
3° que les
ecclésiastiques et
leurs vassaux seraient contraints de répondre devant les laïques dans
toutes les causes civiles de leurs fiefs, mais non de leurs personnes
(2).
Au mois de novembre 1246, après
que les prétentions des évêques de France, soutenus par les papes,
malgré les décisions du roi et des barons, eurent causé des troubles
sérieux dans plusieurs villes du royaume, la noblesse rédigea un acte
d'union, par lequel elle s'engageait à maintenir ses droits contre le
clergé, sans se mettre en peine des excommunications (3). Les délégués
de cette assemblée furent le duc de Bourgogne, le comte Pierre de
Bretagne, le comte d'Angoulême, fils aîné du comte de la Marche, et le
comte de Saint-Paul. L'acte de délégation, rédigé en latin et en
français, témoignait ouvertement que le désir des barons était de
réduire les ecclésiastiques à l'état de pauvreté de la primitive
Église. « Il est dit en somme que ces seigneurs ligués étaient tous
les grands du royaume, et on en parle comme d'une conspiration générale
de la France appauvrie par la cour de Rome... »
On remarque que saint Louis favorisa cette ligue et en fit sceller
l'acte de son sceau. On ajoute même que, suivant l'avis de son conseil,
il révoqua la permission qu'il avait donnée au pape de lever de
l'argent sur les ecclésiastiques... (4). D'ailleurs, le roi Louis IX
avait institué ses baillis royaux. Ceux-ci, présents dans les cours
seigneuriales, toutes fois qu'ils le jugeaient convenable, déclaraient
la cause cas royal et la portaient à la cour du roi, qui enlevait ainsi
à la féodalité une de ses prérogatives souveraines. C'était une
garantie pour les parties, qui trouvaient plus d'équité, plus de
lumières dans le parlement du roi que dans les cours féodales. La
tentative des évêques avortait ; aussi toutes les grandes cathédrales
qui ne furent point achevées avant 1245 ne purent-elles être terminées
qu'à grand'peine, quand la construction n'en fut pas interrompue pour
toujours.
Alors Notre-Dame de Paris était élevée, sauf les flèches en pierre des
deux tours, ainsi que nous l'avons dit tout à l'heure ; l'église était
entièrement bâtie sur le programme mi-religieux, mi-civil des
cathédrales françaises de la fin du XIIe siècle. Elle ne possédait
point de chapelles. L'autel seul, au milieu du rond-point de l'abside,
était entouré des stalles du chapitre, la chaire de l'évêque dans
l'axe. Les collatéraux de cette abside étaient de plain-pied avec le
choeur. C'était la basilique antique avec son tribunal, ses galeries
latérales à rez-de-chaussée et au premier étage. Le transept était
marqué, mais ne formait point de saillies sur les bas-côtés (5).
Des fenêtres larges, sans meneaux, percées dans les murs des bas-côtés,
éclairaient la partie basse de l'église ; d'autres baies plus longues,
ouvertes sous les voûtes des galeries supérieures, les éclairaient
ainsi que la nef centrale ; et, enfin, un troisième rang d'ouvertures,
également sans meneaux, faisait pénétrer le jour sous les hautes voûtes
(6). Des roses, percées sous les combles des galeries supérieures,
occupaient l'espace libre entre les arcs de ces galeries et l'appui des
fenêtres supérieures. Cette disposition était simple, large, sévère. La
cathédrale, ainsi faite, avait un caractère d'unité et de grandeur que
les adjonctions postérieures lui ont fait perdre en partie. Dans ces
basiliques, au milieu desquelles l'autel unique semblait présider, se
tenaient des assemblées qui n'avaient rien de religieux.
Des marchands s'établissaient intérieurement dans les collatéraux. Là,
à toute heure du jour, on pouvait se réunir, s'occuper des affaires de
la cité. Il faut se rappeler qu'alors tout acte, même civil, se
rattachait par un certain côté aux habitudes religieuses ; qu'en toute
occasion il fallait avoir recours à l'intervention des clercs, et on
reconnaîtra que les évêques étaient parfaitement entrés dans l'esprit
de leur époque en élevant ces larges abris dont ils occupaient le
centre et où il semblait qu'ils dussent être pour toujours les arbitres
des intérêts de la cité. (...)
Paris, centre du pouvoir suzerain, déjà puissamment établi au milieu du
XIIIe siècle, devait subir, plus qu'aucune autre ville du domaine
royal, l'influence de ces mouvements dans la politique intérieure du
royaume. A Beauvais, à Reims (l'histoire en fait foi), les évêques
résistèrent et tentèrent de maintenir la suprématie à laquelle
prétendaient les cours épiscopales ; mais à Paris, rien de semblable.
Il paraîtrait, au contraire, que les évêques se seraient résignés, plus
facilement que partout ailleurs, à ne voir dans leur cathédrale qu'un
édifice purement religieux. Vers 1245, déjà les chapelles étaient
pratiquées entre les contreforts de la nef, en supprimant le mur, percé
de fenêtres, qui fermait le double bas-côté. Avant cette époque,
c'est-à-dire vers 1240, le fenêtrage supérieur de la nef et du choeur
était changé.
Les anciennes fenêtres, agrandies aux dépens des roses percées
au-dessus de la galerie, étaient garnies de meneaux. Par suite de cette
modification dans la disposition primitive des hautes oeuvres, les
voûtes de la galerie jadis rampantes pour ouvrir de plus grands jours
sur la nef (7), étaient rétablies de niveau et les anciennes fenêtres
du triforium diminuées. Les corniches supérieures étaient refaites avec
une forte saillie de feuillages, un chéneau et des balustrades. Un jubé
était élevé devant le choeur (8). Les choses restèrent en cet état
jusqu'en 1257. Par suite de la construction des chapelles entre les
contreforts de la nef, les deux pignons du transept, de la fin du XIIe
siècle, se trouvaient en retraite de la saillie formée par ces
chapelles, ce qui devait produire extérieurement et intérieurement un
très mauvais effet. Ainsi que le constate l'inscription sculptée à la
base du portail méridional, les pignons du transept
furent démolis et avancés d'une travée en 1257 (9). Le maître des
oeuvres, Jean de Chelles, construisit les deux magnifiques pignons du
nord et du midi, et les premières chapelles du choeur, jusqu'à la porte
Rouge inclusivement, du côté septentrional, et jusqu'à l'ancienne
galerie de communication de l'évêché, du côté méridional. Au
commencement du XIVe siècle, l'évêque Matiffas de Bucy fit construire
les chapelles du rond-point, entre les saillies des anciens contreforts
de l'église de Maurice de Sully. Quant aux grands arcs-boutants,
autrefois à deux volées, l'abaissement des voûtes du triforium en
nécessita la construction en une seule volée. Ceux de la nef
furent refaits d'après ce dernier tracé, vers 1245, au moment où l'on
construisait les premières chapelles ; ceux du choeur, de 1260 à 1300.
C'est aussi à cette dernière date qu'il faut reporter la réfection des
fenêtres absidales de la galerie supérieure.
Comme nous l'avons dit, un jubé avait été élevé devant le choeur, au
milieu du XIIIe siècle. La clôture du tour de ce choeur ne fut
cependant commencée qu'à la fin du XIIIe siècle, par Jean Ravy, maçon
de Notre-Dame, lequel y travailla pendant vingt-cinq ans. L'inscription
qui donnait le nom de cet imagier ajoutait que l'oeuvre avait été
parfaite, en 1351, par Jean le Bouteiller. De cette clôture en pierre
et de ce jubé il ne reste que les deux parties au nord et au sud,
derrière les stalles. Le segment, qui entourait l'abside et dont les
sujets ajourés se voyaient du dedans et du dehors du sanctuaire, fut
détruit en 1699.
Lorsque Louis XIV voulut acquitter le voeu qu'avait fait le roi Louis
XIII son père, en mettant le royaume de France sous la protection de la
Vierge, par lettres patentes du 10 février 1638. Les travaux ordonnés
par Louis XIV coûtèrent plus d'un million de livres ; terminés une
année seulement avant sa mort, ils comprenaient toute une décoration de
marbres et de bronze (10). Le groupe du Christ descendu de la croix,
les deux statues de Louis XIII et de Louis XIV, les anges en bronze,
les stalles en chêne sculpté et le pavage en mosaïque existent encore.
Un autel fort riche avait remplacé le charmant autel du XIIIe siècle,
avec ses colonnes en bronze doré, surmontées de statues d'anges, et
l'édicule sur lequel était placée la châsse de saint Marcel.
Pour exécuter les travaux ordonnés par Louis XIV, on détruisit encore
de magnifiques tombes en bronze, qui se trouvaient placées dans le
choeur et qui recouvraient les restes de grands personnages, entre
autres d'Isabelle de Hainaut, première femme de Philippe Auguste ; de
Geofroy, duc de Bretagne, qui mourut en 1186 ; d'une comtesse de
Champagne, et d'un certain nombre d'évêques. Une statue en pierre,
peinte et couverte d'incrustations de pâtes coloriées, dont on a
retrouvé des restes, était dressée à la droite de l'autel, contre un
pilier ; c'était celle de Philippe Auguste. Des stalles en bois
sculpté, fort riches, à dossiers recouverts de cuirs dorés, avaient été
élevées, au commencement du XIVe siècle, des deux côtés du choeur.
Elles furent détruites et remplacées par les chaires que l'on voit
aujourd'hui, lesquelles sont d'ailleurs d'un beau travail. »
Notes de l’auteur :
(1) Institut, de saint Louis.
(2 et 4) Le Nain de Tillemont.
(3) Matth. Paris.
(5) Les cathédrales de Sens, de Senlis, de Meaux, contemporaines de
Notre-Dame de Paris, ne possédaient pas de transepts, ceux-ci furent
ajoutés plus tard. La cathédrale de Bourges, bien que commencée
seulement dans les premières années du XIIIe siècle, n'a point de
transept.
(6) On voit encore les restes ce cette disposition primitive conservée
sur les parois intérieures de la première travée de la nef après les
tours et de la dernière avant le transept.
(7) Deux des voûtes primitives des galeries existent encore dans la
travée près des tours, d'autres à l'extrémité de la nef contre le
transept.
(8) Ce jubé, dont nous avons retrouvé des fragments, datait de 1245
environ et était par conséquent plus ancien que les portions de
clôtures en pierre avec imagerie, qui existent encore.
(9) Voici cette inscription : ANNO. DNI. M.CC. LVII. MENSE FEBRUARIO.
IDUS SECUNDO. HOC. FUIT. INCEPTUM CHRISTI. GENITCIS HONORE. KALLENSI
LATHOMO VIVENTE JOHANNE. MAGISTRO. Des divers maîtres des oeuvres
auxquelles on doit la construction de la cathédrale de Paris, Jean de
Chelles est le seul dont le nom soit venu jusqu'à nous.
(10) Les bronzes furent fondus en 1792, les restes des marbres ont été
enlevés en 1860 pour pouvoir restaurer les piliers du rond-point qui
s'écrasaient par suite des mutilations qu'on leur avait fait subir.
|
|
Source
: Gallica-Bnf et l'INAH Les
églises de Paris,
Biographie et bibiliographie d'Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc (1814-1879).
Chapitre Notre-Dame - Pages
1 à 22 - Éditeurs : C.
Marpon et E. Flammarion (Paris-1883)
|
|
|
|
|
En 1179 Philippe II dit
Auguste est associé au trône |
|
|
Philippe
Auguste ou Philippe II (1165-1223) a été un des grands rois
constructeurs de Paris. La ville
lui dût le premier élargissement d'ampleur depuis les
romains et de retrouver sous son règne son statut de capitale du
royaume. Pour
mémoire, du nord au sud, il exista des portes
fortifiées, des murailles
élévées. Une grande place forte
s'érigeait et n'allait cesser de s'élargir avec le
temps. En 1180, la capitale avait une
population estimée de 25.000 âmes et passa à
50.000 habitants quarante ans plus tard.
Une réalisation gigantesque sur
au
moins cinq kilométres de diamètre se dresaient avec les imposantes
fortifications de Philippe Auguste, et sous l'effet d'un élan nouveau à
la fois économique et social important. La ville devenait une place
fortifiée.
|
|
 |
|
|
La construction des
remparts en rive sud a commencé en 1190, et au nord en 1210. Des tours, au
moins
trente-trois pour le pourtour nord de la rive droite et idem au midi,
plus celles qui fortifiaient les portes, qui s'élevaient
à quinze mètres environ et comprenaient deux
étages ; plus celles qui formaient la tête
d'enceinte, avec vingt-cinq mètres de haut sur dix environ
de diamètre comprenant trois étages en forme de
voûte. Plus deux grands murs reliés entre eux par
des "moellons" noyés dans du ciment, les pierres étaient
composées de pierres calcaires, qui devenaient ainsi à l'air presque
aussi dure que du
grès, et d'une teinte grisâtre. Par suite de
nombreuses réparations, il s'intercala des
pierres d'autres dimensions et de diverses natures. |
|
 |
La
muraille de Philippe dit Auguste était une combinaison "idéale" de
protection. Toute
en rondeur, elle fit de Paris une vaste structure qui s'étendit de nord en
sud, et avec en son centre les palais royaux, avec le futur Palais du
Louvre. Des subsitances, encore présentes en de nombreux lieux, pour qui
veut le voir ou le rechercher. Pour la défendre à l'ouest, le roi fit
ériger sur son argent propre le Louvre féodal, le reste fut financé par
la Ville.
Entre 1190 et 1220 sous le règne de Philippe II était construit
cette
oeuvre fortifiée, le second et dernier ouvrage au service d'une
défense "globale": une muraille avec un chemin de ronde, des créneaux,
des portes fortifiées et des tours rondes. Paris
en 1230 s'étendait sur 2.800 mètres sur la rive droite, et sur 2.600
mètres sur
la rive gauche, avec trois mètres d'épaisseur à la base, neuf mètres de
hauteur et une tour de quatorze mètres de haut tous les soixante-dix
mètres. La structure du rempart était composée de deux murs épais,
solides et appareillés. Tout l'espace entre les deux parois contenaient
de petites pierres et du mortier.
|
|
|
La construction du château
médiéval du Louvre a été réalisée de 1190 à 1202 (ci-contre en
dessin). Le
château forteresse dessinait un rectangle de 78 mètres sur 72 mètres
et comprenait 10 tours, entourées de douves. Au centre était un donjon
circulaire ou "Grosse Tour" de 15 mètres de diamètre et haut de plus de
30 mètres. Il est possible de voir les anciennes fondations du château
médiéval au sein du musée du Louvre, un des endroits les plus insolites
de la ville, ainsi que des maquettes de l'ancienne cité fortifiée.
|
|
 |
|
|
|
Création des
Echevins
&
armoirie de l’Hôtel-de-Ville

illustration de l'armoirie de 1180
Gilles Corrozet, (1561 et
1581) Imprimeur
et premier historien de Paris
« Reprenant le fil sur le temps du roi Philippe Auguste, dit le
Conquérant, il accrue grandement son royaume et enrichit de beaucoup sa
ville de Paris. Car en l’an 1080 il créa les échevins de cette ville,
lui donnant les armoiries qu’elle porte aujourd’hui, c’est de gueules à
un navire d’argent, le chef d’azur, semé de fleurs de Lys d’or, donnant
par ses signes à entendre, que Paris est la dame de toutes les autres
villes de France, dont le Roi est le seul gouverneur et patron, qu’elle
est la nef d’abondance et affluence de tous biens. Et tout ainsi que le
navire représente une république bien administrée aussi les autres
villes se règlent selon le gouvernement, et police de celle-ci.
Ce bon prince voyant que la ville était si orde (sale) et boueuse manda
le Prévôt, Echevins et Bourgeois, auquel il donna charge, moyennant
certains deniers qu’il fit délivrer, que toutes les rues de celle-ci
fussent pavées de carreau de grès, ce qui fut fait, et depuis a y été
toujours continué. D'avantage pour ce que la dîte ville était de peu de
défense, commanda aux dessus dits faire fermer et clore cette ville de
gros murs, portaux, et fossés, ce qu’ils firent et est ce qui ce qui
comprend, commençant à l’hôtel de Nesle, tout le circuit des portes St.
Germain des près, St. Michel, St. Jacques, St. Marceau (ou Marcel) et
St. Victor jusqu’à la rivière, au lieu appelé des Tournelles, vis-à-vis
des Célestins. Aussi la fit clore des mêmes portes ou grosse murailles,
qui environnent tout le reste de la ville, à savoir les portes et
fossés St. Honoré, Montmartre, St. Denis, St. Martin et St. Antoine et
ordonna d’édifier en cette clôture des maisons pour y habiter car tout
était vague depuis les vieilles portes qui ont été abattues jusqu’à
celle qu’on voit maintenant. (…) Sous le
règne de ce dudit auguste Roi, on fit
réparer le grand Châtelet de Paris, siège ordinaire de la justice.
Aussi fit faire la grosse tour du Louvre, laquelle a été démolie par
commandement du roi François en l’an 1529. »
Compléments de Bonfons Nicolas (1581) : « Je ne veux passer sans
déclarer la manière et quels sont les Echevins de cette notable ville :
je dis que nul ne peut venir à la dignité de Prévôt des Marchands, ni
d’Echevin, qui ne soit enfant des habitants de cette ville, afin que
les étrangers ne soient instruits aux secrets de la ville, et que la
communication de ceux-ci, ne soit préjudiciable et de mauvais exemples
pour la postérité. Mais encore y a-t-il une autre observation, qui est
qu’on épluche de si près la vie de ceux qui aspirent à ces dignités,
qu’il est impossible, qu’homme puisse y parvenir qui soit le moins du
monde marqué de quelque note d’infamie, ressentant dénigrement de
renommée, ou qui pour quelque méfait, et fut-il léger, aurait été mis
en prison, tant est saine cette autorité et honneur d’échevinage, que
la seule opinion de vice peut lui demander empêchement. La quantité des
magistrats de cet hôtel de ville est un Prévôt des Marchands, les
susdits quatre échevins ainsi que l’Etat est dressé dès sa première
institution, les 24 Conseillers et le Greffier, Procureur, Receveur,
Clerc, Quarteniers (officiers publics à la surveillance et au soin du
quartier), Cinquanteniers (officiers ayant sous ses ordres 50 hommes)
et désignés. »
Source
: Gallica-Bnf, Gilles
Corrozet (1510-1568) - Les
antiquités,
chroniques et singularités de Paris
avec les fondations et bâtiments
des lieux, les sépulcres et épitaphes des princes.
Texte mis en français
moderne et composé de deux documents.
|
|
|
|
Avec
le temps, la muraille fut aménagée, peu
détruite. Elle
servie
d'assise à de nouvelles
constructions, cela permettait de faire des économies substantielles
aux
entrepreneurs.
Une bonne partie de son parcours résida
quasiment intact servant d'appui aux nouvelles édifications, il demeure
aujoud'hui des portions visibles de la structure.
Des parties furent mises
à jour après la seconde guerre
mondiale. Il en est ressorti un long pan de mur et deux tours
oubliées, mais préservées : rue des
Jardins Saint-Paul (4ème arrondissement) et la tour Saint-Jean, rue
Etienne
Marcel (3ème ar.). |
|
 |
|
|
« Le
marché des Champeaux (ou du roi) fut renfermé dans l'enceinte construite par
Philippe-Auguste. Des
propriétés confisquées sur les Juifs servirent à son agrandissement. De
1181 à 1183, il fut clos d'une muraille bordée de loges abritées par
des auvents et deux halles y furent construites (Les champeaux à l'origine étaient un terrain vague
situé dans l’angle formé par les rues Saint-Denis et de la Ferronnerie). Afin d'achalander ce
marché, Philippe-Auguste y transféra, en 1181, la foire de Saint-Lazare
(ou foire
Saint-Laurent),
qu'il racheta de la léproserie de Saint-Lazare, en faveur de laquelle
elle avait été établie en 1110. »
|
|
 |
|
Et
l'on ne n'a cessé de vouloir toujours pousser un plus loin
les enceintes. Il
est fort possible que la ville fortifiée connue des
travaux quasi permanents. Pour preuve des expulsions ont été
organisées en raison de la guerre de Cent ans à l'exemple des des Filles-Dieu hors des enceintes
de la
Ville, celles-ci participèrent activement à la disparition des
marécages en des terres cultivables. Chaque assèchement
au fil du temps procéda d'une conquête de terrains, la rive
droite construisit ainsi ces quartiers les uns après les
autres, repoussant les zones marécageuses vers une
disparition progressive et très nette de son territoire
passé, mais pas totalement. |
|
|
Le grand
Châtelet
et
le Prévôt
de Paris (2/3)
|
 |
« Souvent modifié, presque totalement
reconstruit à
l'intérieur en 1506, 1537, 1544 et en 1684, le Châtelet conserva
néanmoins jusqu'à son entière destruction des traces d'une haute
antiquité. Trois tourelles rondes, très élevées étaient reliées
entre elles par des constructions de diverses époques. Deux de ces
tourelles en pendentif, d'inégale grosseur, protégeaient les deux
côés d'une voûte qui donnait accès dans la ville. Au sommet de la
plus forte de ces tourelles, il y avait unegalerie environnée d'une
balustrade en fer et surmontée d'un toit conique. Cette galerie
servait aux galles, ou gardes de nuit.
La voûte supportait deux étages, au milieu desquels on voyait un
cadran couronné d'un écusson aux armes de France. Une grande statue
de la Vierge tenant le Christ enveloppé dans son manteau, était
sculptée sur la clef de voûte et donnait au Châtelet le caractère
distinctif des portes de Paris (1). Un peu en avant une colonnette
terminée par une croix reposait sur un piédestal très orné. Tel
était, au dehors, l'aspect de ce monument célèbre qui, depuis le
douzième siècle, devint le siège de la juridiction royale de Paris,
et la demeure du prévôt institué par le roi pour veiller sur la
ville.
Disons quelques mots de l'origine de cette magistrature, aussi bien que
des fonctions et des prérogatives du dignitaire qui l'exerçait. A la
fin du dixième siècle, la féodalité triomphante monta sur le trône
de France dans la personne de Hugues Capet, comte de Paris. Le
nouveau roi confia le gouvernement de son ancien héritage à un
lieutenant, ou prévôt, chargé de le représenter.
Ce magistrat devint
naturellement un des chefs de la capitale et le plus important des
officiers féodaux qui y résidaient, comme dé légué du seigneur
suzerain. Non-seulement il exerça dans le fief particulier de son
maître justice haute, moyenne et basse, mais il put encore évoquer à
son tribunal bon nombre de contestations soulevées dans les fiefs
environnants. Ces prérogatives donnèrent au prévôt de Paris beaucoup
de pouvoir ; nous voyons qu'en 1060 et en 1067, il comptait au nombre
des principaux officiers du roi. Etienne souscrit en cette qualité
deux chartes des donations faites à l'église de Saint-Martin des
Champs par les rois Henri et Philippe Ier.
Le prévôt de Paris était chef de la noblesse et commandait
l'arrière-ban. Il siégeait de droit aux états généraux comme
premier juge ordinaire et politique de la capitale du royaume. Son
costume était le même que celui des pairs de France ; il portait un
bâton de commandement couvert d'une étoffe d'argent, et marchait
escorté de douze gardes, spécialement attachés à son service, qui
ne devaient jamais le quitter. »
Note :
1. Philippe-Auguste avait fait placer
au-dessus des portes de Paris une
statue du même genre. Corrozet, dans son livre des Antiquités de
Paris,
assure les avoir vues en 1530 ; Sauval, qui écrivait au milieu du
dix-septième siècle, dit à ce sujet : «
Je n'en ai pu trouver qu'une, qui est celle de la Porte-aux-Peintres,
élevée sur un pied d'estal contre une maison de la rue Saint-Denis,
qui fait le coin d'un cul-de-sac de la Porte-aux-Peintres.
Le propriétaire en a eu tant de soin qu'ayant rebaptisé sa maison,
pour
marquer plus de vénération, il a posé cette figure sur un pied
d'estal, l'a fait peindre et couronner d'un dais, avec cette
inscription en lettres d'or en bas. Cette image était sur
l'ancienne porte qui fut abattue en 1535, et a été mise ici pour
servir de mémoire. Elle est de pierre, plus grande que nature, tient
le petit Jésus entre ses bras, et le regarde amoureusement. Après
tout elle ne passe pas pour mal faite, quoi qu'ancienne de plus de 460
ans.
Antiquités
de Paris, etc., tome I, page 31
|
|
|
|
|
|
L'empereur
Julien l'Apostat aurait
dit vers 358 au sujet de l'eau de la Seine qu'elle était
"très pure et riante à la vue". Si les
eaux ont pu
permettre à une population de moins 20.000 habitants de
profiter de cette "pureté", la population au
début du XIIe siècle allait se multiplier par au moins cinq et
connaître près de 250.000 âmes
à la fin du XIIIe siècle. |
|
La Tutela ou bien la Vieille Seine,
cette protection
naturelle
inondable occupa une partie de la rive droite, elle connue aussi deux
sources pour l'alimenter. Il
resta un lien certain entre le ruisseau
de Ménilmontant et l'ancien bras nord, ce qui a pu porter
à confusion entre les sources des collines de la rive nord et le bras
de la Vieille Seine.
L'ancien bras du fleuve avait une jonction au bas des collines du
nord-est parisien
avec deux petits affluents venus des hauts de Belleville et de
Ménilmontant. Cette confusion était tout à fait
compréhensible, ces deux sources ou cours d'eaux allaient devenir sous
Philippe
Auguste souterrains, et de l'ancien bras ne subsita qu'un maigre
écoulement, qui prit antérieurement le nom
de ruisseau de Ménilmontant (pouvant se confondre avec le ru de
Belleville). |
|

|
|
|
Le
roi fit donc construire deux aqueducs souterrains. On captait les eaux
des hauteurs du Pré-Saint-Gervais et de Belleville, les
premières allaient à la léproserie de
Saint-Lazare et suivaient à peu près la rue Petit (actuel 19ème arr.)
rejoignant l'avenue des Flandres, puis
le faubourg Saint-Martin : Quartiers St-Martin et Saint-Denis (dans le
10ème arr.). -
jusqu'à l'enclos des Lazaristes à partir de 1179.
La présence des eaux en rive droite a été une raison
essentielle du développement de ce territoire en
jachère jusqu'au début des rois Mérovingiens, notamment en la
construction de puits,
à environ quatre mètres de profondeur, on
trouvait de l'eau, à un détail près, elle était croupissante le plus
souvent,
à moins de ne tirer directement dans une nappe
phréatique. |
|
L'état
sanitaire de Paris resta sur ce plan plus que médiocre
pour ne pas dire insalubre, l'évacuation des eaux
usées et des ordures allait devenir un enjeu dès la
fin du règne de Philippe Auguste. Un problème
qui ne fut (en partie) résolu que sous Napoléon
III, du moins l'eau courante dans les immeubles. On estima au début du
dix-neuvième
siècle que l'approvisionnement moyen pour un Parisien
était de l'ordre de un litre d'eau par jour et par personne. Le tout
était devenu avec le temps au tout avenant, la
chaussée était traversée le plus
souvent d'une rigole où coulait les eaux usées et les Parisiens avaient
peu de gène à jeter par les
fenêtres les eaux domestiques ou les bassins d'aisances (ou pôts de
chambre).
Avant que Paris ne connaisse des règles
élémentaires d'hygiène, en clair les
ruelles ne fleuraient pas très bon.
|
|
Les
catastrophes naturelles provoquées par les eaux ont
laissé quelques traces de mémoire et pour cause
les inondations se sont avérées pour certaines
meurtrières et dévastatrices. A
la fin du
VIème siècle Grégoire de Tours faisait
mention de naufrages survenus d'eaux subitement gonflées au
sud de la Basilique Saint-Laurent. L'on sait aussi que Philippe Auguste
déménagea au plus vite avec les siens
à l'abbaye Sainte-Geneviève, c'est à
dire en hauteur pour ne pas être noyé par les eaux
dans son palais de la Cité, en 1196.
« Au
mois de décembre de la même année 1206 la Seine débordée causa la plus
grande inondation qui eut été vue par tous ceux qui vivaient pour lors.
A la campagne les plus grands arbres furent emportez, et des villages
entiers submergés. La ville de Paris courait le même risque. Comme les
eaux étaient dans toutes les rues, où l'on ne pouvait plus aller qu'en
bateau, les maisons ébranlées jusqu'aux fondements, menaçaient d'une
ruine prochaine, ainsi que le Petit pont, dont les arches, quoique de
pierre, étaient extraordinairement agitées par l'impétuosité et
l'abondance des eaux. Dans la confirmation générale on eut recours aux
prières et aux processions publiques, pour essayer de fléchir la
miséricorde de Dieu sur son peuple. Toutes les églises de la ville,
avec leurs châsses, s'assemblèrent à sainte Geneviève , d'ou la
procession générale sortit pour se rendre à Notre-Dame. Le danger qu'il
y avait de passer sur le Petit-pont, dont on voyait déjà plusieurs
pierres se détacher, ne ralentit point la piété du clergé et du peuple.
La présence de la chiffe de Ste Geneviève les rassurait. Ils passèrent
et repayèrent le pont sans aucun mauvais accident. Mais à peine la
châsse de la sainte eut-elle été reportée dans son église, qu'environ
une demie heure après, trois arches du pont s'écroulèrent, et
entraînèrent avec elles les maisons qui étaient bâties dessus. C'était
un samedi au soir, au mois de décembre. On attribua à la protection de
la sainte, que personne ne périt pour lors, que les pluies cessèrent
aussitôt, et que les eaux commencèrent dès ce jour à baisser ; ce qui
redoubla la confiance de tout Paris dans les mérités de sainte
Geneviève.
Les
moines de St. Denis prirent aussi part à la consternation et à la
dévotion publique. Ils vinrent, pieds nus, à Notre-Dame avec la
couronne d'épines et l'un des clous de Notre Seigneur, Rigord assure
que l'abbé n'eut pas plutôt béni les eaux avec les saintes reliques,
qu'elles commencèrent à diminuer.
Dix
ans auparavant il y avait eu une autre inondation, si rapide qu'elle
rompit tous les ponts, c'est-à-dire le grand et le petit, qui avait été
rebâti de pierre depuis moins de vingt ans par l'évêque Maurice, et
noya plusieurs villages avec les habitants. On eut recours en ce
temps-là, comme en 1206 aux prières et aux processions générales. Le
roi y assista. Les religieux de St. Denis, pieds nus, portèrent le bras
de St. Siméon avec un des clous du Sauveur et une partie de la couronne
d'épines. Les eaux furent bénies avec cette formule : « Que Notre Seigneur par les signes de sa
sainte passion, veuille resserrer ces eaux dans leur lieu ordinaire.
» Peu de jours après les eaux diminuèrent et la rivière se retira dans
son lit. »
Source : Gallica-Bnf, Histoire de la ville de Paris,
Michel Félibien,
mise au jour par G.A. Lobineau, page 242, tome 1. Éditeur, G. Desprez (Paris, 1725)
|
|
 |
|
La
pluie faisait office de nettoyage et l'on peut se douter qu'en rive
droite ou gauche une bonne partie finissait dans la Seine ou
croupissait en
l'attente de l'été. Le
dallage des rues fut
ordonné aussi par Philippe Auguste et pris un temps
très long avant que la Ville ne soit complètement
pavée.
Seules les grandes voies de
communication connurent
vraiment une chaussée en dur, ensuite se posait la question de
l'entretien des chaussées?
Dont probablement la grande
rue ou route de Saint-Denis, qui a été l'axe principal de circulation
vers le nord
et l'ouest du royaume, un nœud routier et la voie royale vers la
basilique de Saint-Denis. A la porte du même nom était le lieu des
entrées et sorties solennelles, des enterrements des dignitaires du
royaume, il s'y déroulait en général un rituel en présence des
religieux et des bourgeois. Seul Charles VI dit le fol eut l'idée de
détruire un pan de la muraille pour faire son entrée et marquer ainsi
sa colère à l'égard des Parisiens au XVe siècle.
|
|
|
On doit
accorder
à Philippe Auguste une impulsion décisive dans
l'essor de la Nouvelle Ville ou de la Neuve Ville. Malgré les premières
tentatives de réglementations, l'eau a toujours
été une question de discorde ou d'enjeux de
développements. Et la ville avec ses permanentes mutations
immobilières toujours en quête d'espace. Les
premières mesures applicables en dehors des fortifications
furent peu suivies d'effet. Le royaume de France et sa ville capitale
allait attendre le seizième
siècle pour
connaître une certaine stabilité territoriale.
|
|
1180 : Fondation du collège des Dix-Huit sur l'île de la Cité.
1182-1183 : Philippe Auguste fait bannir les Juifs du domaine royal
et
consfiquent leurs biens. Et « donna,
l'année suivante, tous leurs édifices publics à Maurice de Sully,
évêque de Paris, avec permission de les consacrer au culte catholique,
» dont une synagogue devenue l'église Ste Madeleine (île de la Cité,
disparue au XIXe siècle).
1187 :
Défaites de Guy de Lusignan, roi de Jérusalem (jusqu'en 1192) avec la prise de la ville par Saladin en octobre.
1188-1190 : La
population du royaume est affligée par des famines, trois années
successives.
1189-1194 : La troisième croisade est lancée et
finie par la défaite
de Philippe II de France. En
1194 se produit une très forte
famine dans
le royaume.
1196
:
En mars, une crue de la Seine emporte les ponts de Paris, Philippe II quitte lui et sa cour
le palais et il se réfugie en hauteur à l’abbaye
Sainte-Geneviève.
1198 : Les Juifs ne sont
plus interdits, mais pour revenir au sein du royaume ils doivent payer
pour leur rétablissement.
1201 :
A Paris, l'hôpital de la
Trinité est fondé, rue St.-Denis par deux allemands.
1202-1204
: A la demande du pape Innocent III élu quatre ans plus tôt s'engage la quatrième croisade.
1203 : Annexion et occupation de la Normandie par le roi.
1204 : La ville
de Constantinople est assiègée puis saccagée par les Croisés, encore
qualifiés de Francs.
1209-1229
: Croisade contre les Albigeois décrétés
hérétiques (document vidéo sur l'invention des Cathares).
1220 :
En août, est fondée l'Université de médecine de Montpellier. (Statuts de Conrad d'Urach, légat du pape)
|
|

A noter : Des
croisades outre-mer ont été
rapportées comme produits naturels nouveaux : l'échalote d'Ascalon, l'artichaud,
l'abricot et les prunes de Damas...
Et le sucre de canne !
(à lire ci-dessous)
|
|
|
|
Un des chevaliers qui fit la
première croisade, Foulcher de Chartres
(vers 1059 et 1127), celui-ci a rapporté dans son Histoire des croisades
que :
« Dans
les terres en culture se trouvaient alors certaines plantes en
maturité, semblables à des roseaux, et qu'on appelle canna mellis
(cannes à sucre), nom composé des deux mots canna (canne) et mel
(miel). C'est de là, je crois, qu'on qualifie de miel sauvage celui
qu'on tire avec adresse de ces plantes. Nous les dévorions d'une dent
affamée à cause de leur saveur sucrée. » (Source
: Gallica-Bnf, contributeur Guizot, page 85)
Jusqu'au XVIe
siècle pour se procurer du sucre à Paris il fallait se rendre chez
l'apothicaire ou bien chez l'épicier. Sinon c'était le miel qui servait
le plus souvent d'aliment sucré aux familles, notamment pour les ragoûts
ou les plats en sauce. Le sucre issue de la canne et les épices étaient
des produits de luxe et plutôt rares, voire absents dans les foyers les
plus
modestes. Sinon le plant de la canne à sucre est originaire de la
Papouasie Nouvelle-Guinée, puis fut cultivé en Inde avant sa venue au
Proche Orient et dans le bassin méditerranéen.
|
|
|
Le supplice des Amauriciens |
|
|
L'hérétique
Amaury de Chartres,
était un philosophe et un théologien, né à Bène près de
Chartres. Il a vécu à
Paris de la fin du XIIe au début du
XIIle siècle. Il enseigna une mystique particulière, le panthéisme ; il défendit que
la loi évangélique devait être remplacée par le règne de l'Esprit
Saint. Il devint connu et a été suivi par de nombreux adeptes, qui
renforcèrent ses doctrines. Son livre, intitulé Physion,
traité des choses naturelles, a été vers 1204 condamné
par une bulle du pape Innocent III ; des disciples (une dizaine) furent
livrés aux flammes en la présence du roi Philippe II. Amaury de
Chartres, lui décèda de chagrin, en 1209.
Enluminure de Jean Fouquet (vers 1460)
au sein des Grandes Chroniques
|
|
 |
|
|
Lors
d’un concile rassemblé à Paris, des
fidèles d’Amaury de Chartres dits Amauriciens ont été condamnés, puis
livrés à la justice royale. Ils furent
brûlés hors de Paris durant l'hiver en 1210, non loin de la porte des
Champeaux. En surplomb des condamnés dans l'enluminure se trouve le
gibet royal de
Montfaucon. Où leurs
restes furent exposés à la vue de tous.
« En
1210, on découvrit, par hasard, une nouvelle hérésie qui venait de
naître à Paris, au sein des écoles de Sainte-Geneviève dont le pape
Innocent III allait faire l’Université. Un certain Guillaume l’Orfèvre,
qui se disait prophète d’une secte nouvelle, était allé trouver
Rodolphe de Namur, plus tard chantre de Cambrai, pour le gagner à ses
doctrines. L’exposé sommaire et incomplet qu’il lui en fit, mit en
éveil Rodolphe qui feignit de se laisser convaincre pour se renseigner
à fond sur ce nouveau système et ses principaux adhérents. Il apprit
ainsi que les membres les plus importants de la secte étaient maître
Guillaume de Poitiers, sous-diacre, qui avait professé les arts à Paris
et y avait étudié, trois ans, la théologie ; le sous-diacre Bernard ;
Etienne, prêtre de Corbeil ; Etienne, prêtre de Celles ; Jean, prêtre
d’Occines ; Dodon, prêtre familier du célèbre maître Amaury de Bène ;
Elinand acolyte, Odon diacre, ces deux derniers de Saint-Cloud ;
Guérin, maître-ès-arts de Paris et qui, devenu prêtre, avait eu pour
maître de théologie, Etienne Langton lequel devait devenir, plus tard,
archevêque de Cantorbéry ; le prêtre sexagénaire Ulric et Pierre de
Saint-Cloud du même âge, tous deux anciens étudiants de thélogie ;
Etienne diacre de Corbeil, Dominique de Triangulo. Rodolphe alla
apporter ces renseignements à Jean le Teutonique, abbé des chanoines
réguliers de Saint-Victor, et à deux autres de ses amis qui se
joignirent à lui pour en informer l’évêque de Paris, Pierre de Nemours.
Ce dernier, à la demande des maîtres de théologie de Paris, ordonna à
Rodolphe de feindre plus que jamais d’être hérétique pour pénétrer tous
les groupes de la secte ; et c’est ainsi qu’accompagné par les
hérétiques eux-mêmes, ce dernier parcourut, pendant trois mois, les
diocèses de Paris, Langres, Troyes et Sens pour élargir sa première
enquête. On connut ainsi l’extension de la secte et son origine (1210).
Elle provenait des enseignements du maître renommé des écoles de Paris,
Amaury de Bène (ou de Chartres) qui était quelques années auparavant,
après avoir enseigné la dialectique, puis la théologie. Dès 1205, sa
doctrine avait paru si suspecte qu’elle avait été dénoncée par
plusieurs de ses collègues au pape Innocent III lequel avait mandé
Amaury à Rome et avait condamné en exigeant de lui une rétraction. »
Source : Gallica-Bnf, Histoire de l'Inquisition au Moyen Âge, Jean Guiraud, pages 196 et 197 (Paris, 1938)
|
|
|
Retour victorieux
de Philippe Auguste et "Ferrand bien enferré"
|
|
|
Philippe
II ramenant ses prisonniers
|
|
En 1214, c'était la fameuse victoire
de Bouvines en Flandre, elle servit longtemps de référence sur
la naissance du royaume Français et aux accents
corcardiers selon les pompeux récits nationaux. Philippe
Auguste échappa de peu à la mort lors de la bataille, et selon les
règles de l'host (ou l'ost)
l'enjeu de
l'affrontement était de faire des prisonniers de haut rang et d'exiger
en échange
des
rançons, sinon d'affermir des positions territoriales, ou bien obtenir
une vassalité. Non partagée, comme ce fut le cas avec le comte de
Hainaut
et de Flandre alias "Ferrand de Flandre" (ou Fernand de Bourgogne,
infant du Portugal et comte des Flandres de 1212 à 1233), à cheval
entre la France et le Saint Empire,
et avec les appuis de l'Angleterre. Ainsi prenait fin avec les
Plantagenet une série de conflits guerriers et Philippe II
affaiblissait les
positions anglaises sur le continent, et il agrandissait le royaume
sans
pour autant se défaire des féodalités. |
|
|
« La
trêve ayant donc été conclue entre les deux partis, le roi magnanime
revint à Paris, où ayant eu une entrevue avec la femme de Ferrand et
les Flamands, d'après sa bonté accoutumée, le 17 octobre, contre
l'espoir et la volonté de presque tous, il consentit, si on lui donnait
pour otage Geoffroi, fils du duc de Brabant, âgé de cinq ans, et si on
détruisait entièrement, aux frais des Flamands, toutes les forteresses
de Flandre et de Hainaut à renvoyer chez eux en liberté, tant Ferrand
que les autres grands, exigeant néanmoins pour chacun d'eux, la
légitime rançon qu'ils devaient pour de si grands crimes.
|
Le traité en fut signé à Paris,
entre le roi et Jeanne, comtesse de Flandre et de Hainaut, l'an du
Seigneur 1214, le vendredi après la fête des apôtres saint Siméon et
saint Jude. (…)
Tous les habitants de tout genre, de tout sexe et de
tout âge accourant de toutes parts voir un si grand triomphe, les
paysans et les moissonneurs interrompant leurs travaux, suspendant à
leur cou leurs faux, leurs hoyaux et leurs trubles (car c'était alors
le temps de la moisson), et se précipitant en foule vers les chemins
pour voir ce quatre ferrants bien ferrés, menant Ferrand bien
enferrés, ce Ferrand, dont peu auparavant ils redoutaient tant les
armes. (...)
|
|
|
|
Toute la
route se
passa ainsi jusqu'à ce qu'on fût arrivé à Paris. Les habitants de
Paris, et par-dessus tout la multitude des écoliers, le clergé el le
peuple, allant au-devant du roi en chantant des hymnes et des
cantiques, témoignèrent par leurs gestes quelle joie animait leurs
esprits ; et il ne leur suffit pas de se livrer ainsi à l'allégresse
pendant le jour, ils prolongèrent leurs plaisirs dans la nuit et même
pendant sept nuits consécutives, au milieu de nombreux flambeaux ; en
sorte que la nuit paraissait aussi brillante que le jour. Les écoliers
surtout ne cessaient de faire de somptueux festins, chantant et dansant
continuellement. »
Stanislas
Prioux, Bataille de Bouvines : la France et l'Angleterre
au Moyen Âge, pages 64 et 65, (Soisson,1855)
|
|
En
1215, Philippe Auguste réglementait l'installation de "La foire
du Lendit ou du Landit", sa tenue était occasionnelle et
antérieure à sa réglementation depuis pluisieurs siècles. Ce marché
fonctionnait une fois l'an, durant deux semaines, au mois de juin dans
l'actuelle ville de la Plaine Saint-Denis, un lieu connu pour sa production
agricole
et son approvisionnement de Paris en produits maraîchers. Lors de son
déroulement les marchands des Halles parisiennes se devaient de
ne pas vendre, et de laisser les denrées
invendues être réexposées aux Champeaux
(les Halles) les jours suivants. |
|
Plan de Paris de 1223 dit quatrième plan de la Ville

Attention le nord est en bas et le sud en haut !
|
|
|
|
|
Les
liaisons
à grandes distances : pour se substituer aux routes, des
canaux comme le Naviglio Grande étaient creusés dans
le Milanais
au XIIe siècle.
Au
douzième
siècle les conquêtes Vikings ou Normandes devenaient lointaines et les
"invasions" Magyares avaient cessé. Le climat devenait plus doux,
il démarrait une expansion démographique, des
défrichements nouveaux et une division du travail
ré-apparaissait. Les villes antiques du bassin de la
Seine renaissaient et étaient en relation avec la campagne
environnante,
ainsi l'attelage moderne du cheval (enfilé et avec un collier
d'épaule) et sa ferrure (inventée au
IXe s.) furent utilisés, la charge des charrettes
pouvait augmenter. |
|
 |
|
Les villes
comportaient des rues plus ou moins entretenues : en 1186 Philippe II
Auguste (1165-1223) ordonna au prévôt de faire paver les principales
rues de Paris, les dalles romaines subsistantes étaient depuis
longtemps disparues sous une épaisse couche de boue. Des
villes possédaient aussi quelques ponts, le plus souvent en bois et
parfois en pierres, et les moyens financiers nécessaires pour
l'édification de ces ponts étaient fournis par une fondation.
L'entretien était assuré dans la capitale par les "oeuvres du pont",
et ils
tenaient leurs revenus ou ressources des
péages. Et le roi ordonna de même, que les rues ou grands axes fassent
six mètres de largeur ou de quoi faire passer deux charettes ou deux
cavaliers en armure.
|
|
|
Annexion de la Normandie et accès à la mer?
« Dès le règne de Philippe Auguste, les questions
maritimes avaient
eu une place dans notre histoire. Depuis longtemps, l'état capétien,
dont la prospérité était faite de l'exploitation de la Seine, aspirait
à s'assurer la liberté de la navigation jusqu'à la mer, à
s'affranchir
de la servitude gênante que lui imposait la présence d'une domination
étrangère à Rouen ; l'intérêt commercial des Parisiens et la jalousie
de nos rois contre leurs puissants vassaux de l'Ouest étaient d'accord
pour faire de l'annexion de la Normandie une nécessité. En 1203, une
occasion se présenta et Philippe Auguste profita de l'horreur
qu'avaient soulevée les crimes de Jean-sans-Terre pour prononcer la
confiscation du duché et le faire occuper par ses troupes. Un instant
même il put croire que la totalité des domaines de son rival allait
passer entre ses mains : la conquête de l'Anjou, du Poitou, de
l'Aquitaine était un fait accompli, et les barons d'Angleterre,
révoltés contre le roi assassin et parjure, offraient la couronne à
Louis de France, fils de Philippe, Jean-sans-Terre réussit à se relever
une première fois et ses amiraux vinrent contraindre à s'incendier dans
le port de Damme (en Flandre) les 1.700 bateaux que Philippe y
avait
concentrés pour envahir l'Angleterre (21 mars 1213), tandis que sa
diplomatie soulevait contre le roi une redoutable coalition ; mais ses
alliés furent battus à Bouvines 27 juillet 1214), la défection du
pirate Eustache le Moine (en lien le roman)
lui fit perdre le contrôle de la mer et permit
à Louis de passer en Angleterre ; par malheur la mort de Jean réunit
tous les Anglais contre les envahisseurs, et, quand la destruction de
la Hotte d'Eustache aux Cinq îles, devant Calais (24 août 1217) eut mis
fin à l'arrivée des renforts qu'ils tiraient du continent, il ne resta
plus aux Français qu'à demander la permission de rentrer chez eux. »
|
|
|
|
|
|
Cet espace
d'expression citoyen n'appartient à aucune organisation politique, ou
entreprise commerciale. Le contenu est sous la
responsabilité de son créateur, en tant que rédacteur.
Les
articles et textes de Lionel Mesnard sont sous la mention tous droits réservés
Ils ne peuvent faire l'objet d'une
reproduction sans autorisation
Les autres documents du site sont sous licence
Creative Commons 3.0 ou 4.0 (audio)
http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/deed.fr
|
|
|
|