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Le Haut
Moyen Âge

à Paris (seconde partie)


Les "grandes invasions barbares" qui venaient de la partie orientale de l'Europe à partir du Ve siècle provoquèrent la décomposition par étape de l'Empire romain d'Occident. Nous passons avec une période de transition, de l'Antiquité dite tardive ou gréco-romaine, à ce qu'il est convenu d'appeler le Moyen Âge avant l'an 1000.

Ci-contre : le baptême de Clovis

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Les grandes invasions ou migrations du Ve siècle ?

  De la prétendue rupture brutale, le passage de l'Antiquité à un nouvel âge s'est étiré sur plusieurs décennies. La chute de l'Empire romain d'Occident de 476 n'a pas eu vraiment lieu, la destitution de Romulus, le petit Auguste d'à peine 12 ans laissait place nette à l'Empire romain d'Orient en place à Constantinople face à un ensemble européen très hétéroclite, et marquait la fin de l'Empire romain d'Occident. Le haut Moyen Âge a été cette période longtemps vue au seul filtre des "grandes invasions" qualifiées de "barbares". Cette période historique aurait mis un frein à la civilisation latine, notamment la mise entre parenthèse de son développement urbain pendant près de 500 ans?

Ce qui a été le cas d'une partie de l'Europe, sauf que les Mérovingiens ou les Francs ont conservé, voire pérénisé le modèle romain, même si l'on a beaucoup moins construit avec de la pierre, les villes ont été préservées. Pareillement, le mythe selon lequel les rois de ces temps étaient sans connaissances de l'écrit ou de la lecture, il en fut autrement. Aussi question importante, peut-on parler d'État? Bien qu'il faille en la matière rester prudent, il faut noter que l'administration fiscale était un héritage romain. Alors, d'un oui pas totalement affirmatif, dans la limite où fut collecté des impôts, de fait il exista des fonctionnaires pour les prélever, bien qu'en petit nombre cette petite administration allait d'un à deux mille agents d'un État embryonnaire et demandait aussi de disposer d'une monnaie. Et dernier point important de notre introduction les rois mérovingiens ont été nomades entre leurs différentes résidences, à l'exemple des villes comme Chelles, Compiègne, Clichy, Chalons-sur-Marne, Metz, Orléans, Paris, Senlis, Soissons, etc...

« La question de l’État dans le Haut Moyen Âge occidental est négligée depuis longtemps par les historiens. En France même, les médiévistes se sont délibérément et prudemment dispensés d’employer le terme « État », auquel ils préféraient celui de « royaume » ou de « monarchie » pour désigner l’entité politique suprême qui contrôlait un territoire ou une population avec sa propre légitimité du pouvoir. »

Source : OpenEdition : À propos de la fiscalité et de l’État mérovingien aux VIe et VIIe siècles, Sho-ïchi Sato (2004).

Le dépoussiérage de cette période et de cette page qui s'étend du Ve au XIe siècle a été plus que nécessaire. Quand on dispose de peu de documents comme c'est le cas sur les Mérovingiens ou les Francs des premières générations, les travaux des archéologues sont venus bousculer tout un pan de l'historiographie (de l'histoire écrite), ou ce qui a pu être rédigé ou recopié en d'autres termes au titre de l'Histoire. Il y aurait à ce sujet de quoi s'attarder sur les usages politiques et leurs malversations de l'Histoire, car les Mérovingiens, ou nous concernant les Francs ont été l'objet d'un rejet ou d'une récupération, au point de ne plus trop savoir ce qu'il a pu en être, ou ce qu'ils ont été. Et il faut tenir compte que cette réalité passée et en partie oubliée n'est en rien facile à reconstituer dans ce qui constitua la Francia, c'est-à-dire le pays des Francs.


Citons à ce sujet le professeur et historien Bruno Dumézil (*), sans qui il n'aurait pas été évident d'améliorer cette page consacrée au haut Moyen Âge parisien. Il s'agit d'un temps historique âpre, pour deux raisons, primo le rédacteur n'est pas médiéviste et cette époque est particulièrement complexe. Il faut pouvoir échapper aux savoirs anciens et poser le bon équilibre entre une vision très critique sur les Francs comme le fit Grégoire de Tours, c'est-à-dire n'y voir qu'une bande de "tueurs en série" chez les Mérovingiens... ; et en contre exemple, n'y recueillir qu'enchantement et finesse avec le poète et moine Venance Fortunat. Les médiévistes d'aujourd'hui, de cette période mal aimée, et surtout méconnue sont pour beaucoup obligés de prendre en compte les fouilles et les études menées sur des sites archéologiques pour afiner leurs études, et éviter tout parti pris idéologique passé ou présent. De plus, il est difficile de nier des résultats de nature scientifique et avec des outils difficilement réfutables et de plus en plus performants. 

« Au moment où débuta l’aventure mérovingienne, au milieu du Ve siècle, diriger plusieurs peuples pouvait apparaître d’une grande banalité en Europe. Rome avait longtemps exercé son pouvoir de cette façon, même si, depuis l’édit de Caracalla de 212, les ethnicités locales s’étaient en théorie effacées devant la citoyenneté romaine universelle. »

Bruno Dumézil, L'empire Mérovingien, page 11


Jusque dans les années 1970 et depuis des lustres, il a été possible d'aligner cliché sur cliché. Un florilège de stéréotypes et pour cause le manque de sources a surtout favorisé des erreurs et des surinterprétations. Voire répondu aux attentes historiques du moment, comme après la guerre de 1870, où l'on a accolé aux Prussiens, puis aux Allemands une parenté avec les Germains, et les républicains français se sont trouvés des origines gauloises, plutôt que "franke". Et pour bien marquer la différence des historiens du XIXe siècle mettaient un "k" à la fin du mot pour faire une sonorité à caractère germanique. Des scénarios aux limites du fictionnel sur les fameux "barbares", dont ils firent partis, mais au service l'Empire. Le tout accompagné d'une fantasmagorie sur des envahisseurs cruels en raison de leurs mœurs, évidemment barbares. Et une terminologie qui a pris beaucoup de place et un sens très négatif depuis les années 1930, plus encore après 1945. A contrario, au XVIIIe siècle, il avait été de bon ton dans l'aristocratie de louer ses ancêtres Francs pour se présumer des origines germaniques, puis à partir de 1940, un objet comme la francisque, la hache franque revue et corrigée fut prise comme emblème ou armoirie du pétainisme.


Loin de cette mystification, depuis les Grecs, ensuite les Romains, le barbare était l'autre, l'étranger non civilisé, celui qui s'exprimait par des borborygmes, c'est-à-dire par des sons ou des bruits incompréhensibles. Ce monde perçu comme primitif et à l'image d'un ensemble rebelle, il leur était attribué d'avoir une forte pilosité ou une chevelure abondante, d'être nomade, de manger beaucoup de viandes, de boire de la bière et non du vin, et utilisait du beurre et non de l'huile d'olive pour s'enduire le corps, etc. Toutefois la bière imposait de cultiver de l'orge, donc d'être sédentaire, et au nord de l'Europe l'olivier était (et reste) inexistant. L'important était de déqualifier, renvoyer à une forme d'animalité, et puis de les romaniser jusqu'au port de la toge... et l'imposition des lois civiles et religieuses. On se référait aussi à la "théorie des humeurs" d'Hippocrate (Ve siècle av. J.C.), cette pseudo doctrine médicale attribuait entre autres, un comportement particulier selon que l'on habitait au nord ou au sud, avec point d'équilibre
le monde dit civilisé, qui se trouvait au nord du bassin méditerranéen : la Grèce ou l'Italie. Cette théorie qui a bien des aspects loufoques perdura jusqu'à Montesquieu au XVIIIe siècle, et participa à de nombreuses confusions.

Le terme barbare a été en plus associé à l'idée d'invasion, et dans notre cas au Ve siècle il a été question longtemps de "grandes invasions", puis sont devenues en des temps plus récents les "grandes migrations". Mais aux lueurs de nouvelles connaissances, les migrations du IIIe au VIe siècle concernèrent assez peu d'individus, seulement plusieurs dizaines de milliers se déplacèrent au sein de la Gaule, un peu plus d'un millions au Ve siècle à l'échelle de l'Europe du Sud et de l'Afrique du Nord, mais pas toutes les populations franques, il s'agissait 
notamment des armées, plus que des populations civiles. L'estimation de la population de la Gaule était de l'ordre de 9 millions d'habitants Gaulois et d'un demi-million de Francs. Par choix du vainqueur ou du dominant ce sont les populations autochtones ou gauloises qui décidèrent de prendre des patronymes germaniques. Et à la fin du Ve siècle en plus, les sujets Francs étaient en partie exemptés d'impôts, de quoi revoir son identité d'origine... et de quoi se conformer aux nouveaux dominants. A ce stade historique, la puissance romaine avait déjà influé les élites "barbares", pour ne pas dire les avait pour beaucoup intégré à son giron comme soldats mercenaires, ou comme des fédérés, c'est-à-dire associés à l'Empire. Au mitan du Ve siècle, la frontière avec les Germains (le limes en latin) n'était plus sous la seule protection des seules garnisons romaines, mais d'une seule. Ce furent les populations dites barbares ou des frontaliers qui servirent à la place des légions romaines. Et les Romains dans leur propre historiographie n'ont pas mentionné la présence d'envahisseurs.

Les manuels scolaires en Histoire des écoles élémentaires, dans un temps pas si lointain, il était encore appris ces grands mouvements de population qui n'ont pas pu avoir cours (encore des traces en classes du primaire en 2019). Et personne des générations antérieures n'a pu vraiment échapper à l'image des rois mérovingiens de la lignée des rois fainéants avachis sur leurs couches. (ci-contre) Ce que nous savions de cette période a été noircie à l'excès, parfois repris dans une généalogie sélective, d'abord par les Carolingiens. Par exemple, iIs créèrent de toute pièce la légende des rois fainéants et du char à boeufs. Puis de nouvelles couches de noirceurs ou de mythologies aux XVIe et XIXe siècles apportèrent de nouvelles bizarreries, et une histoire sans fondements quant à la justesse des situations dépeintes.


Des minces informations dont nous disposons, sont connues principalement les lignées des familles royales mérovingiennes. L'aristocratie et plus encore la population paysanne et à moindre échelle citadine, sont plutôt absentes des écrits, plutôt rares. Les papyrus employés n'ont pas supporté nos climats humides, il n'est resté que des maigres textes, c'est-à-dire pouvant être parcellaires ou incomplets. Il n'existe donc que peu de traces écrites sur ces sujets, l'on dispose en tout de six courriers concernant Clovis 1er. Hors des textes religieux, avec une floraison de saints et de saintes aux Ve et VIe siècles et la tenue des conciles, et encore si le papyrus a été recopié ou pas, voire son contenu détourné ou simplement incompris. Rien n'est simple pour en extraire une part de vérité. Il faut en supplément se limiter à assez peu d'ouvrages à l'exemple des auteurs suivants pour les premiers siècles de présence franque : Sidoine Appolinaire, Grégoire de Tours, Venance Fortunat, et la chronique de Frégédaire, ..., et encore il faut s'assurer du contenant.

« Quand nous voulons connaître une société ancienne, nous devons tout d'abord nous poser cette question : avons-nous les moyens de la connaître? L'histoire est une science : elle n'imagine pas ; elle voit seulement ; et pour qu'elle puisse voir juste, il lui faut des documents certains. Elle ne peut trouver la vérité sur une société disparue que si cette société lui a laissé des renseignements sur elle-même. »

Source : Gallica-Bnf, Histoire des institutions politiques de l'ancienne France.
La monarchie franque, Denis Fustel de Coulanges, page 1, ré-édition revue par Camille Jullian (1914).


Seuls les travaux archéologiques peuvent apporter un peu de clarté sur l'habitat, avec de nombreux détails sur la vie quotidienne, de même, sur la nature artistique de certaines pièces à l'exemple des éléments d'orfèvrerie comme les grenats. Il était très chic d'en porter chez les Mérovingiens fortunés. Ces pierres pouvaient provenir du Sri-Lanka ou d'Europe de l'Est plus tardivement, car l'espace de l'empire Romain offrait à de larges échanges commerciaux et des réseaux de communication étendus. Comme nous avons pu le voir dans les pages précédentes. Sinon l'on découvre que les modes d'inhumations ont pu avoir des caractèristiques syncrétriques héritées il semblerait des Celtes, les chefs se faisaient enterrer avec leur attirail guerrier et leurs chevaux. La tombe la plus riche fut celle de Childéric 1er découverte à Tournai en 1753 avec une grande quantité d'or (80 kilogrammes), depuis ce trésor a disparu en presque totalité suite à un vol.

Ci-contre : une abeille en or et grenat


Depuis le milieu du Ve siècle les Francs se firent remarqués comme de bons soldats et occupèrent pas mal de places de généraux au sein de l'Empire. L'appellation "Franc" pour désigner une population fit son apparition vers l'an 270, ils auraient été à l'origine une douzaine de tribus composites ou de diverses origines du nord ou de l'est européen, rien de très homogène dans la composition ethnique (l'ethnogenèse), et de même quand il a fallu agréger de nouveaux sujets comme les gallo-romains. Il en résulta, l'existence de deux groupes Francs à peu près distincts, les Saliens et les Rhénans (ou bien nommés Ripuaires), et l'existence de plusieurs têtes couronnées jusqu'à l'avénement en 481 de Clovis 1er, qui allait en changer la donne et unifier les Francs en une seule entité qui perdura jusqu'aux Carolingiens, soit trois siècles de continuité.

Sinon, étaient-ils si violents les dits barbares Francs? A vrai dire, pas plus que les Romains, et l'on retrouve des particularités communes. Les pratiques romaines ont été pour beaucoup reprises, de même dans certains exercices du pouvoir politique ou religieux. A une différence près Clovis a été le premier chrétien catholique, d'autres avant lui se référaient à l'hérésie arianiste comme les Wisigoths. Et c'est à l'occasion de la bataille de Tolbiac vers 496, que Clovis aurait juré selon la légende se convertir s'il venait à vaincre les Alamans, qui prirent un temps le dessus avant que le miracle ne se produise... Les rois mérovingiens n'ont rien eu à envier aux Romains quant à la fréquence des Césars ou de leurs rois, tout comme l'assassinat des indésirables familiaux ou pas, ou ce que l'on nomma la "Faide". Sorte de code de l'honneur ou de "vendetta" qui pouvait entrainer des vengeances sur plusieurs générations. Pour que l'affront s'arrêta ou cessa, un vol amenait à un vol et idem pour un meurtre.


Carte de l'expansion des Francs de l'an 481 à 814



L'année 481 marqua la presque fin de la domination romaine en Gaule, le décès de Childéric à Tournai (en Wallonie) ouvrait le trône franc à son fils Clovis 1er. Cinq années plus tard le général et administrateur romain Syagrius était battu en 486 à Soissons, il devenait le dernier du pouvoir romain établi en Gaule du nord, il fut mis à mort par Clovis.



Crédits : Wikipédia.org   
 


Les Mérovingiens au Val d'Europe est un documentaire sur les fouilles entreprises par les équipes de l'INRAP dans les années 2000, des découvertes qui sont venues tordre le cou à l'idée d'une période très sombre, ou uniquement fait de hordes déferlantes... Il est précisé que :  « Tous les spécialistes de l’Archéologie de l’histoire, en France et en Europe, s’accordent pour dire que la découverte du village de Serris les Ruelles constitue sur le plan scientifique, archéologique et historique un évènement majeur pour l’interprétation du Haut Moyen Âge. » (durée 26 minutes)

(*) Si vous le souhaitez, vous pouvez  écouter les conférences et entretiens  que B
runo Dumézil a donné ces dernières années ou mois : C'est ici !

Repères chronologiques du Ve siècle :

406 : Fin décembre, le Rhin est gelé et permet le passage d’un grand nombre de Vandales, d’Alains, de Suèves et de Burgondes en Gaule, et le franchissement du limes Rhénan à la hauteur de la ville de Mayence.
415, 435-437 : Reprise des révoltes appelées Bagaudes, elles sont de retour en Aquitaine et en Armorique sous la coupe d’un certain Tibatto (possiblement exécuté).
434 : Après la mort de leur oncle Ruga, Attila et son frère Bleda deviennent rois des Huns.
438 : Le code dit de Théodosien est promulgué dans les deux parties de l’Empire.
450 : Des révoltes fiscales éclatent dans le bassin Parisien.
455 : Sous prétexte d'un mariage non conclu avec une fille de l'empereur romain, les Vandales venus par la mer attaquent Rome et pillent la ville pendant 15 jours.
458 : Apparition du zéro en Inde.
Vers 460 : Geneviève de Nanterre fait bâtir une basilique sur l'emplacement de la tombe du saint Denis.

466 : Euric devient roi des Wisigoths après avoir assassiné à Toulouse son frère Théodoric II.
471 : Le chroniqueur gaulois et propriétaire terrien Sidoine Apollinaire est désigné évêque de Clermont.
481 : Inhumation de Childéric 1er à Tournai (Belgique), Clovis lui succède comme roi des Francs saliens.
482 : Remi, évêque de Reims se soumet à Clovis comme gouverneur de la Belgique seconde (territoire des Francs saliens).
493 : Clovis épouse Clotilde, princesse Burgonde (chrétienne nicéenne) en deuxième "noce" à Soissons.


La période Mérovingienne

Au tout début du cinquième siècle les dites "invasions" s'étaient engagées, comme des vagues successives de conquêtes militaires en Europe, jusqu'en Afrique du Nord, avec les Goths subdivisés en Ostrogoths et Wisigoths, les Alamans, les Alains, les Suèves, les Vandales, les Burgondes, les Lombards et les Francs dits saliens nous concernant, plus l'installation des Huns en Pannonie (Hongrie) vers l'an 500, voilà plusieurs peuplades qui prirent place suite à la désintégration lente de l'Empire romain d'Occident. Le roi franc des saliens Clodion dit le chevelu aurait été le premier monarque de la dynastie mérovingienne (sauf que nous disposons de rien pour l'affirmer). Ses armées furent battues par le général romain Aetius dans le nord de la Gaule, mais elles remportaient Cambrai et prolongeaient leur territoire jusqu’à la rivière de la Somme (vers 430/440). Après la victoire des armées de Clovis 1er sur les troupes du romain Syagrus, il fit progresser les Francs jusqu’à la Loire (486) et 20 ans plus tard les Wisigoths étaient repoussés d'Aquitaine vers la Septimanie.

Le trône de Dagobert

Les femmes reines ou régentes ont durant cette période tenu un rôle important, mais leurs époux ne se plièrent pas vraiment aux exigences de l'Eglise dans le respect du contrat de mariage chrétien sur la fidélité, la polygamie a été une pratique courante chez tous les rois mérovingiens. Sinon les mariages consanguins ou entre parents proches étaient interdits et les filles pour se marier devaient avoir au moins 12 ans et les garçons 15 ans chez les Francs devenus chrétiens nicéens (Concile de Nice de 326), c'est-à-dire catholique. Si les mâles étaient bien les dominants d'une société à bien des égards partriarcale, les reines mères mérovingiennes ont exercé le pouvoir pendant un peu plus d'une centaine d'années en tant que régentes, et elles ont comme les hommes participé à des histoires familiales, qui ont pu déboucher sur des assassinats de diverses natures. Mais elles ne pouvaient prétendre aux trônes, seuls les héritiers mâles pouvaient se succéder. Sinon les femmes disposaient d'une plus grande autonomie financière que chez les Romains.

Et point important, par rapport à la société romaine, l'on a vécu un peu plus vieux durant ces 300 ans. A ce titre, certains dignitaires religieux décédèrent à des âges très respectables, d'au moins 80 ans. Mais attention ceci ne fait pas une référence, c'est un simple constat. Lors de l'antiquité romaine les âges des humains tournaient autour de 20 et 30 ans. Ce qui est une moyenne, sachant que de nombreux enfants mouraient en couche ou à un jeune âge au sein des familles, et cette réalité perdura très longtemps jusqu'au début du XXe siècle. Avec les travaux archéologiques les âges des mérovingiens ont révélé
des squelettes de 25 à 45 ans lors des fouilles, ainsi il a été possible de constater une légère amélioration, nous sommes loin d'une période ou tout aurait été sombre ou serait allé à vau-l'eau. Cependant les périodes de trèves ou de paix entre les différentes royautés "barbares" ont plutôt été limitées dans le temps, et donné lieu à de nombreuses guerres territoriales entre voisins et héritiers.

Les Francs, désignés comme Saliens ou Rhénans s'étaient établis dans le delta du Rhin au début de notre ère, et firent la conquête de la Gaule romaine par étapes successives à partir du Ve siècle. Les Francs Saliens ont été considérés comme les fondateurs de la loi Salique, qui a été diversement appliquée selon les états en formation. Toutefois les fondements légaux avaient des origines romaines et étaient entre autres et pour exemple dévolus aux terres des soldats, et cette partie du code interdisait l'accès des femmes aux soldes de leurs conjoints. Mais elles héritaient du bien de leurs époux. L'on ne dispose d'aucune trace écrite de cette loi sous les Mérovingiens. Il existe cependant 70 manuscrits de la même loi. Le roi Clovis a repris à son compte la loi Salique et jusqu'à Charlemagne son contenu a été remanié plusieurs fois. Sinon, il y a encore des doutes pour savoir si le texte et ses codes légaux ont été appliqués dès le IVe, ou bien au VIe siècle?


Pièce frappée
sous Clovis 1er


Les Francs avec Clovis (ou bien Chlodovechus en latin) à leur tête, se rendaient maîtres de la plus grande partie de la Gaule anciennement romanisée. De la fin du Vème siècle au VIIème siècle, son père Childéric s'empara un temps de la petite ville de Paris et avait établi des relations avec Geneviève de Nanterre, qui aurait évitée ainsi un pillage. Clovis était le fils de Basina une princesse de la région du Thuringe, et de Childéric Ier maître de Paris en 465, lui-même fils de Mérovée, considéré comme le fondateur de la lignée, mais aussi un être plus proche de la fiction que de la réalité, une sorte de demi-dieu. La domination mérovingienne débuta surtout après la victoire de Vouillé (vers 506 près de Poitiers) avec les troupes et alliés de Burgondie sur les Wisigoths d'Allaric II, mort lors des combat et tué des propres mains de Clovis marqua son triomphe. Ce dernier en devint Consul de l'Empire romain d'Orient, désigné par l'empereur byzantin Anastase 1er.

Clovis accèda au trône à l'âge de 15 ans et plus tard a été reconnu comme le grand souverain de l'Europe occidentale, le roi des Francs (rex francorum en latin). Il décida vers la fin de ses jours de se fixer sur l'ile de la Cité
et en fit la capitale de son royaume en 508, pendant trois courtes années et ensuite d'autres rois Francs administrèrent ainsi l'ancienne Lutèce comme capitale du royaume (devenue Paris au IVe siècle, Urbs Parisiorum). Le vainqueur des Romains en 486 lors de la bataille de Soissons s'établissait tardivement à Paris. Mais la difficulté réside dans l'assurance que l'on peut avoir des sources, plutôt rares, des mythes et légendes qui se bousculent, et ce qui reste d'écrits est dans la majorité des cas peu fiable. D'ou le risque de mal interprété les rares données. Où commence, ou se termine la légende différente de l'Histoire, qui a pour but de restituer le vrai et les faits?

C'est le grand handicap de cette page d'histoire noircie ou enjolivée à l'excès, et où beaucoup se mélange. Le manque de documents ou de sources y contribuent, ce qui est problématique pour l'historiographie source d'inexactitudes, qui en plus demande une très bonne connaissance du latin. Non contrairement à ce qui peut être encore du domaine de la croyance, nous sommes encore loin de pouvoir parler de la France au Ve ou VIe siècle, et cette question de savoir quand commence à naître le sentiment national? Pour un historien anticlérical de la IIIe République, faire d'un germain comme Clovis un français était inconcevable, à qui l'on préférait les gaulois qui n'avaient eu aucun penchant pour le cléricalisme. Comme cette histoire du vase de Soissons (enluminure du XIVe s. ci-contre) qui a été légendée, que de nombreux enfants ont appris comme un fait historique en partie altéré. Dont on dispose d'une seule lettre en faisant part, et un vase qui n'a pas pu être brisé, car tout simplement en argent.

Tout au long du Moyen Âge la question se pose à différentes étapes, elle peut être linguistique avec la naissance des premières formes de la langue française en 843? Ou bien limitée dans sa division entre la Francie orientale ou occidentale. Ou sinon patriotique lors de la guerre de Cent ans? C'est un peu toute la difficulté. Et apporter une réponse n'est pas à coup sûr une réponse. Pour l'historien des temps longs comme Ferdinand Braudel, la France commençait en 1789 et il est difficile de lui donner tort, si l'on retient l'importance de la langue. L'unité nationale par une langue commune, le français comme seule langue nationale fut très tardif et il faut avoir à l'esprit que Louis XVI parlait de "ses peuples", en raison de la diversité culturelle et linguistique du pays. Pour Claude Gauvard historienne, « La France, n’existe pas au Moyen Âge, du moins pas avant le début du XIVe siècle, quand les frontières se durcissent au contact de l’étranger. »
(Source : La France au Moyen Âge du Ve au XVe siècle).

Pourquoi Clovis prenait-il place à Paris? Selon la légende, lors de "l'invasion" ou présence temporaire d'Attila en Gaule, Geneviève de Nanterre galvanisa les habitants de Paris et leur intima de ne pas déserter la ville. Elle engageait la résistance devant les Huns d'Attila - qui ne vinrent jamais à Paris. Attila était en rupture avec l'Empire après avoir été à son service, il disposait de troupes pas vraiment homogènes d'un point de vue ethnique, et l'armée qu'il dirigeait ressemblait pour beaucoup aux armées adverses, comme lors de la bataille des champs catalauniques (451), dont il ne ressortit aucun vainqueur. La jeune femme cependant en devint très écoutée des Parisiens.

Clovis a du demeurer à Paris, probablement dans le palais construit sous l'empereur romain Julien. Assurément pour des raisons stratégiques : le fleuve et l'île de la Cité (de plus petite dimension qu'aujourd'hui) comme protections naturelles, des garnisons militaires pour renforts. A l'époque Gallo-romaine Paris a été une ville de garnison et de mise au repos des troupes aux saisons froides (les hivernages). Mais aussi pour des raisons religieuses, Clovis venait d'être converti et baptisé depuis peu, influencé par Geneviève de Nanterre? Il semblerait que non. La conversion de Clovis serait intervenue plus tardivement un peu après l'an 500 (et non en 496), donc plutôt après la disparition de Geneviève, ce qui vient bousculer les idées reçues. Il y a des chances que ce fut plutôt sa seconde épouse Clotilde qui poussa Clovis à la conversion au culte catholique (et non arien comme chez les Wisigoths et les élites Lombardes), qui fut elle-même reconnue comme sainte chrétienne une quinzaine d'années après sa disparition en 545.



 Représentation
de Geneviève
en bergère...


À la mort de Geneviève, vers 502, Clovis 1er fit construire à Paris une basilique, sur le lieu où Geneviève avait été inhumée et où il souhaita lui-même reposer, puis de même Clotilde décédée plus tardivement à Tours y fut inhumée. Le roi Franc décida de faire bâtir la basilique des saints Apôtres, sur cet emplacement se construisit aussi l'église Sainte-Geneviève et plus tard ce qui devint le Panthéon. Clovis faisait de Paris officiellement la capitale des Francs en 508. Un an auparavant, il avait triomphé avec ses armées d'Alaric II à Poitiers, il s'était emparé de nouveaux territoires dont Toulouse, et chassa ainsi les Wisigoths de leur ancienne capitale ou siège politique, qui devint par la suite Narbonne.

Lorsque Clovis décéda en 511, le partage des terres s'organisa entre ses quatre fils,  Thierry ou Théodoric, Clodomir, Clotaire, et Childebert, ainsi émergèrent quatre sous royaumes aux noms de Paris, d'Orléans, de Soisson et de Reims. Clovis comme selon ses vœux fut enterré à l'église des saints Apôtres (comme l'empereur Constantin) aux côtés de Ste-Geneviève qui donna son nom à cette "montagne", environ 85 mètres de hauteur, une colline plus exactement. Thierry ou Théodoric, enfant d'une première épouse, recevait du partage en tant qu'ainé le titre de "rex francorum", mais selon la coutume chacun héritait d'une part avec un sous royaume et des enclaves dans les autres, ainsi Théodoric devint maître de la région de Metz ou de l'Austrasie, Clodomir prenait possession d'Orléans, Childebert règna à Paris, Clotaire devenait maître de Soissons, et c'est la reine Clotilde qui assuma la régence ou la contuinuité pendant une dizaine d'années.


Clovis 1er convoqua en 511 un concile à Orléans pour associer la royauté Franque à l'Eglise catholique. Il fut  conféré à la royauté la désignation des évêques, et permit aussi le droit d'asile dans les enceintes religieuses, ainsi que certaines règles au sujet de l'esclavage, sur les moeurs ou le mariage, etc. Lire les 31 canons ou décisions prises à cette occasion, ci-dessous. Le roi Clovis en fin d'année allait décéder à Paris fin novembre et lassait à ses fils un vaste royaume à administrer.

Préambule du concile d'Orléans


« A leur seigneur, fils de l’Église catholique, le très glorieux roi Clovis, tous les évêques à qui vous avez mandé de venir au concile. Puisque si grand est le souci de la foi glorieuse qui vous incite à honorer la religion catholique, que vous avez, par estime pour l'avis des évêques, prescrit que ces évêques se réunissent pour traiter des questions nécessaires, c'est conformément à la consultation et aux articles voulus par vous que nous faisons les réponses qu'il nous a paru bon de formuler. De la sorte, si ce que nous avons déterminé est aussi reconnu juste à votre jugement, l'approbation d'un si grand roi et seigneur confirmera que doit être observée avec une plus grande autorité la sentence d'un si grand nombre d'évêques ».

Source : J. Gaudemet, B. Basdevant, Canons des conciles mérovingiens, tome 1, p. 71 (Paris, 1989)

Premier Concile d'Aurelianense (Orléans)



 Enluminure de Saint Remi et Clovis de Jacques de Voragine, XIVe siècle.


« Ce fut le roi Clovis qui fit assembler ce concile, par le conseil de saint Remi de Reims, et de saint Melaine de Rennes, le 10 du mois de juillet 511. Il s'y trouva cinq métropolitains, savoir : Cyprien de Bordeaux, Tétradius de Bourges, Licinius de Tours. Léonce d'Eause (Auch), et saint Gildard ou Godard de Rouen, avec plusieurs évêques, trente-deux en tout, dont quelques-uns avaient assisté au concile d'Agde de l'an 506, parce qu'apparemment leurs diocèses étaient tombés de la domination d'Alaric, 508 sous celle de Clovis, depuis la victoire remportée par ce monarque sur le roi des Wisigoths.

Clovis marqua lui-même aux prélats, d'après les indications de saint Remi, les articles sur lesquels il désirait qu'on fit des règlements. On y porta, conformément aux désirs du roi, les trente et un canons suivants, précédés d'une petite préface où les évêques reconnaissent que c'est en obéissant à l'appel de Clovis qu'ils se sont assemblés, et d'une lettre à ce prince, où, après avoir loué sa piété et son zèle pour la foi catholique, ils le prient d'appuyer de son autorité les décrets qu'ils vont faire en réponse aux divers articles qu'il leur a proposés.

Le 1er est pour maintenir le droit d'asile que les canons et les lois romaines avaient accordé aux églises et aux maisons des évêques. Il y est défendu d'enlever les homicides, les adultères et les voleurs, non-seulement de l'église, mais du parvis et de la maison de l'évêque, aussi bien que de les livrer sans avoir pris serment sur l'Evangile qu'ils n'auront à subir, ni mort, ni mutilation, ni tout autre genre de supplice, en convenant seulement d'une satisfaction que fera le coupable à celui qu'il aura offensé. Celui qui aura violé son serment sera exclu, non-seulement de la communion de l'Eglise et de tous les clercs, mais encore de la table des fidèles. Que si la partie intéressée ne veut pas recevoir la composition, et que le coupable s'enfuie par un motif de crainte, les clercs n'en auront plus la responsabilité.

Le 2e apporte une modification à ce canon, à l'égard des ravisseurs qui se sauvent dans l'église avec les filles qu'ils ont enlevées. Si c'est par force et contre leur gré qu'ils les ont ravies, et que le fait soit constaté, la fille enlevée sera mise en liberté, et le ravisseur sera fait esclave ou obligé dé se racheter. Mais, si la fille a consenti à son enlèvement, et qu'elle ait encore son père, elle lut sera rendue, sans que le père puisse exiger aucune autre satisfaction du ravisseur.

Le 3e porte que si un esclave, coupable de quelques fautes, s'est réfugié dans une église, il sera rendu à son maître, à qui l'on fera toutefois prêter serment de ne lui faire aucun mal pour sa faute ; que si, contre son serment, il est convaincu de l'avoir maltraité, il sera séparé de la communion et de la table des catholiques. Que si l'esclave refuse de sortir, quoique son maître ait fait serment, à la demande des clercs, de ne lui point faire de mal, son maître pourra le tirer par force de l'église.

Le 4e défend d'ordonner aucun séculier sans le commandement du roi ou le consentement du juge : on en excepte ceux dont les pères et les ancêtres auraient été dans le clergé, parce qu'ils devaient demeurer sous la puissance des évêques. La raison de ce canon est que, comme les laïques de condition libre devaient au roi le service de guerre, on ne les engageait pas sans son agrément dans la cléricature, qui les exemptait de ces charges.

Le 5e porte que les fruits des terres que les églises tiennent par donation du roi, avec exemption de charges, seront employés aux réparations des églises, à la nourriture des prêtres et des pauvres, et à la rédemption des captifs, avec ordre aux évêques d'en avoir soin, et, avec menace de priver les négligents de la communion de leurs frères

Le 6e défend d'excommunier ceux qui croient pouvoir poursuivre leurs droits contre l'évêque ou contre l'église, pourvu qu'ils n'accompagnent point leurs poursuites de reproches outrageants ou d'accusations criminelles.

Le 7e défend, sous peine d'excommunication et de privation de l'honneur de leurs qualités, aux abbés, aux prêtres, aux clercs et aux religieux, d'aller demander des grâces au prince sans la permission de l'évêque, qui toutefois pourra les rétablir, lorsqu'ils auront satisfait pleinement-pour cette faute.

Le 8e porte que si un évêque ordonne un esclave diacre ou prêtre à l'insu de son maître, quoique bien informé lui-même de sa servitude, l'esclave demeurera clerc, mais que l'évêque ou celui qui l'a fait ordonner en payera le prix au double. Que si l'évêque ne l'a pas su, on s'en prendra à celui qui l'aura présenté pour l'ordination.

Le 9e impose la peine de déposition et d'excommunication à un prêtre, ou à un diacre, coupable d'un crime capital.

Le 10e permet que l'on admette les clercs hérétiques bien convertis aux fonctions dont révoque les jugera dignes, en leur donnant toutefois auparavant la bénédiction de l'imposition des mains. Il consent aussi à ce que les églises des Goths soient réconciliées avec les mêmes cérémonies que celles des catholiques.

Le 11e interdit la communion et la table des catholiques aux pénitents qui abandonnent leur état pour retourner aux actions du siècle ; défendant à qui que ce soit de manger avec eux, depuis leur interdit, sous peine d'être aussi privé de la communion.

Le 12e accorde la permission à un prêtre ou à un diacre qui se serait éloigné de l'autel pour faire pénitence de quelque faute, de donner le baptême en cas de nécessité, et supposé qu'il ne se trouve point d'autre ministre de l'Eglise pour le conférer.

Le 13e dit que si la veuve d'un prêtre ou d'un diacre se remarie et ne veut pas quitter son second nuci ils seront tous deux excommuniés

Les trois canons suivants regardent la dispensation des revenus de l'église. Il y est dit que l'évêque aura l'administration de tous les fonds appartenants à l'église, soit qu'on les ait donnés à l'église matrice ou aux paraisses ; mais qu'à l'égard des oblations qui se font à l'autel dans l'église cathédrale, il en aura la moitié, et le clergé l'autre, mais seulement le tiers dans les paroisses ; que l'évêque donnera, autant qu'il le pourra, le vivre et le vêtement aux pauvres et aux invalides qui ne peuvent travailler.

Le 17e déclare que, suivant l'ancien droit, l'évêque aura la juridiction sur toutes les nouvelles églises que l'on bâtit dans son diocèse.

Le 18e défend d'épouser sa belle-sœur, ou la veuve de son frère, ou la sœur de sa défunte femme.

Le 19e soumet les abbés aux évêques, qui doivent les corriger, s'ils manquent à la règle, et les assembler une fois l'an. Les moines doivent obéir aux abbés, qui leur ôteront ce qu'ils auraient en 'propre, mettront en prison les vagabonds, avec le secours de l'évêque, pour les punir selon la règle. On ne sait quelle était la règle dont il est ici fait mention ; et l'on ne voit pas qu'il y en eût alors dans les Gaules de commune a tous les monastères.

Le 20e défend aux moines de se servir de l'orarium (linge pour s'essuyer le visage) dans le monastère, et de porter des chaussures. (...)

Le 21e porte qu'un moine qui abandonne le monastère, et se marie, ne pourra jamais entrer dans l'état ecclésiastique.

Le 22e, qu'un moine qui, par ambition, aura quitté son monastère, ne pourra, sans la permission de l'évêque ou de l'abbé, bâtir une cellule ailleurs, pour vivre séparément.

Le 23e, que si l'évêque, par bonté, donne des terres de l'église à des clercs ou à des moines, pour les cultiver, ou en jouir pour un temps, ils ne pourront les retenir au préjudice de l'église, ni acquérir contre elle aucune prescription, en vertu des lois civiles.

Le 24e ordonne que le carême soit de quarante jours, et non de cinquante. (...)

Le 25e déclare qu'aucun des citoyens ne pourra, si ce n'est à raison d'infirmité, célébrer à la campagne les fêtes de Pâques, de Noël et de la Pentecôte.

Le 26e ajoute que personne ne sortira de la messe avant qu'elle soit achevée et que l'évêque ait donné la bénédiction. La bénédiction terminait la messe ; car on ne disait point alors de dernier évangile. C'est une institution assez récente, dit le Père Longueval ; elle doit son origine à la dévotion des fidèles, qui se faisaient souvent réciter le commencement de l'Evangile de saint Jean, à la fin de la messe.

Le 27e ordonne que toutes les églises célébreront les Rogations (prières publiques pour obtenir de bonnes récoltes) ou les Litanies (prières d'invocation à Dieu, à Jésus, à la Vierge et aux saints) ; que le jeûne, qui se pratiquera en ces trois jours, finira à la fête de l'Ascension ; qu'on usera, en ces jours de jeûne des mêmes aliments qu'en carême, et que pendant ces trois jours, les esclaves et les servantes seront exempts de travail.

Le 28e porte que les clercs qui négligeront de participer à une œuvre si sainte seront punis suivant la volonté de l'évêque. (...)

Le 29e renouvelle les anciens canons qui défendent, tant aux évêques qu'aux prêtres et aux diacres, toute familiarité avec les personnes du sexe qui ne sont pas de leur famille.

Le 30e prive de la communion de l’Église ceux qui observent les divinations, les augures ou les sorts, faussement appelés les sorts des saints.

Le 31e veut que l'évêque assiste le dimanche à l'office de l'église la plus proche du lieu où il se trouvera, s'il n'en est empêché par quelque infirmité. »

Source : Gallica-Bnf, M. L'abbé A.C. Peltier. Encyclopédie théologique.
Dictionnaire universel et complet des conciles tant généraux que particuliers, etc.
Pages 179 à 183, tome 2. Édité par l'abbé Migne (Petit-Montrouge, 1847)


Arbre généalogique des premiers mérovingiens (Ve et VIe siècle)



Enluminure des 4 fils de Clovis 1er
 
                                                                



En 547, un immense incendie commença d'une des maisons bâties sur le pont d'un petit bras de la Seine sur la rive gauche et détruisit une bonne partie la ville gallo-romaine. Le fils de Clovis, Childebert 1er, vers 550 faisait construire l'église de la Sainte-Croix et Saint-Vincent au sein du monastère du même nom. Qui sera plus tard l'abbaye de St-Germain des Près. Le monastère servira aussi à inhumer les premiers rois mérovingiens. 

En 583, sous Childebert II pour l'Austrasie et Chilpéric 1er pour la Neustrie, les eaux de la Seine étaient en crue selon Grégoire de Tours (vers 539-594) :

« La huitième année du roi Childebert, le 31 janvier, au moment où dans la ville de Tours, on venait, le jour du Seigneur, de donner le signal des Matines, et lorsque le peuple se levait pour se réunir dans la cathédrale, le ciel étant couvert de nuages, il en tomba avec la pluie un grand globe de feu, qui parcourut dans les airs un long espace, et donna tant de lumière qu’on distinguait toutes choses comme en plein jour. Après quoi il rentra dans le nuage, et l’obscurité succéda à la clarté. Les eaux grossirent au-delà de la coutume, et causèrent autour de Paris une telle inondation de la Seine et de la Marne, que beaucoup de bateaux périrent entre la Cité et la basilique Saint-Laurent ». (Source : Wikisource, traduction de F. Guizot, Histoire des Francs)

De 589 à 591, une épidémie de peste se répandit en Gaule-franque, tuant une part importante de la population, il est question d'un tiers des habitants.


 


Sarcophages mérovingiens


La vie à Paris se concentrait principalement sur l'île de la Cité et sa rive sud jusqu'aux incendies. Elle débuta sur la rive nord et de la Seine autour de la Grève  - qui n'était qu'une plage de sable et servait d'accostement aux embarcations fluviales, - et autour du pont reliant les deux rives du nord, non loin de ce qui allait advenir bien plus tard l'Hôtel-de-Ville. Toutefois, les fils de Clovis continuèrent à être garant de Paris comme le roi Dagobert, qui la conserva comme capitale jusqu'à la fin de son règne vers 639. Mais les différents rois francs ont pu disposer d'une trentaine de résidences que l'on nommait sous le terme de Palais, son siège, c'est-à-dire là où se trouvait la cour et le roi, ils étaient de fait itinérants dans l'exercice des pouvoirs établis ou existants. Les dignitaires du régime étaient des agents de l'administration : comme les chambriers (en charge des comptes) ; aux écritures l'on désignait des notaires ; et les comtes étaient en charge de la justice royale. Si l'on peut parler d'un état faible, son point fort était sa décentralisation. Sinon une fois par an, le roi soumettait aux grands du royaume les grandes décisions dans une assemblée que l'on nommait le Plaid, qui ressemblait au Sénat romain, ou du moins comme une continuité.

« Entre les hommes du Palais il y avait des rangs. Les plus élevés en dignité s'appelaient les Grands du Palais. La langue officielle les nommait proccres palatii ou optimates. (…) Nul ne faisait partie du Palais que par la volonté du roi. La naissance n'y appelait personne de plein droit. Le roi pouvait aussi en exclure qui il voulait. La punition de certains délits était d'en être chassé. D'autre part, l’homme qui y avait été admis n'en pouvait plus sortir qu'avec la permission du roi. Beaucoup d'hommes y passaient toute leur vie. Ou y entrait jeune et l'on y vieillissait, franchissant peu à peu les degrés d'une hiérarchie. On montait de grade en grade on acquérait successivement la dignité d'aulicus, puis celle de comes, de domesticus, de conviva régi  et l'on devenait à la fin un procer on un optimas. Il y avait ainsi une carrière aux étapes bien déterminées avec des règles d'avancement et ce qu'on peut appeler un cursus honorum. Chaque dignité nouvelle était conférée par le roi pour récompenser les services rendus. »

Source : Gallica-Bnf, Histoire des institutions politiques de l'ancienne France.
La monarchie franque, Denis Fustel de Coulanges, pages 140 à 142, ré-édition revue par Camille Jullian (1914).


D'un point de vue territorial, il faut faire face à plusieurs appellations, différents espaces ont pu servir de repaires comme la Neustrie. Elle couvrit principalement le nord-est de la Gaule et signifiait de "nouvelles terres" ; ce terme de Neustrie perdura jusqu'au XIIème siècle et se confondit avec la Normandie. Sa frontière a connu des changements tout au long de cette période. Tout comme l'Austrasie au nord-est, l'Aquitaine au sud-ouest et la Burgondie (la future Bourgogne) au centre et au sud-est jusqu'en Provence, qui furent des territoires avec des histoires spécifiques en concurrence ou des conquêtes, ou bien des terres rassemblées en une seule unité : un vaste royaume sous Clovis. Sous les mérovingiens la ville était appelé Pagus qui veut dire pays, c'était le territoire qui délimitait la cité ou les subdivisions rurales.


Chartes en faveur
de l'abbaye
 de
Saint-Germain-des-Prés


du 6 décembre 558 (1
)


Comme de nombreux actes établis à cette époque, les origines sont souvent douteuses, ce qui ne facilite en rien la connaissance du vrai et du faux.

« Childebert 1er, ayant fondé, avec le concours des Francs et des Neustriens, sur les conseils de Germain, évêque de Paris et d'accord avec les évêques, près des murs de Paris, sur une terre défendant du fisc royal d'Issy, au lieu dit « Locotitia », un monastère en l'honneur de saint Vincent, dont le roi a rapporté d'Espagne les reliques, de la sainte Croix, de saint Etienne, saint Ferréol, saint Julien, saint Georges, saint Gervais, saint Protais, saint Nazaire et saint Celse, donne au dit monastère le fisc d'Issy en Parisis, près de la Seine, avec tout ce qui en dépend, en particulier les moulins établis entre la porte de la cité et la tour, la pêcherie appelée « Vanna », et toutes les pêcheries établies sur la Seine depuis le pont de la cité jusqu'au ruisseau de Sèvres, avec la jouissance de la largeur d'une perche de terre (2) sur chaque rive du dit fleuve, les engins établis pour prendre les oiseaux sur la rivière, et aussi la chapelle dédiée à saint Andéol, que le roi a achetée d'Hilaire et de Chéron. »

Notes :

(1) Cette charte est un faux : Sur cet acte et le suivant, cf. l'historien J. Quicherat, Critique des deux plus anciennes chartes de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, Bib. de l'Ecole des Chartes, T. XXVI, p. 513.

(2) ancienne mesure, ou environ 18 à 20 pieds, de 6 à 7 mètres.

Source : Gallica-Bnf, Recueil des chartes de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, des origines au début du XIIIe siècle. René Poupardin (1874-1927). Tome I, page 1 et 2. Éditions  H. Champion (Paris, 1909)

Repères Chronologiques : du VIe siècle
506 : Conquête de l'Aquitaine par les Francs de Clovis et recul des Wisigoths dans la péninsule ibérique. Le concile d'Agde condamne l'arianisme comme hérésie.
511-558 : Clovis meurt et Childebert devient roi de Paris. Childebert aurait lancé la construction de la basilique Saint-Étienne sur l'île de la Cité. A son décès, il est inhumé dans l'église Saint-Vincent.
527 :  Justinien 1er devient empereur romain d’Orient (fin du règne en 565).
533 : Childebert 1er, roi de Paris et d'Orléans prend contre les Juifs un arrêté d'expulsion.
534-843 : Le royaume de Burgondie est défait. Se met en place le royaume de Bourgogne, il est constitué à partir des royaumes burgondes.
539 : Chilpéric 1er devient roi des Francs.
540-550 : Les territoires de Théodebert Ier s’étendent aux vallées du Rhin, de la Moselle et du Rhône, à l’Auvergne, à une partie de la Provence et de la Narbonnaise, à la Thuringe, à la Bavière et aux Alpes méridionales.
577 : Se tient un concile à Paris au sujet des accusations intentées par le roi Chilpéric contre l'évêque Prétextat de Rouen.
582 : Chilpéric 1er décide que tous les Juifs doivent se faire baptiser. Le Juif Priscus est assassiné.
584-629 : Chilpéric 1er est assassiné à Chelles, il est inhumé en l'église St-Vincent (St-Germain des Prés).
585 : Un incendie se répand sur l'île de la Cité.
586 : L'évêque Prétextat de Rouen meurt assassiné par un sicaire supposé aux ordres de la reine Frédégonde.
587 : Le traité de paix d'Andelot est signé par le roi Gontran et le jeune roi Childebert II, représenté par la reine-mère Brunehaut. Mort de Radegonde épouse de Clotaire 1er et future sainte, fondatrice d'un monastère à Poitiers.
590-604 : Pontificat du pape Grégoire le Grand à Byzance.
592-597 : Conflits entre l'Austrasie et la Bourgogne.
597 : La reine de Neustrie Frédégonde, veuve de Chilpéric décède à Paris.

Au VIIe siècle, il se produisit un affaiblissement du royaume sous les dits rois fainéants, un pur mythe élaboré par l'historien Augustin Thierry au XIXe siècle. Clotaire II et Dagobert Ier tentaient une unité de façade. Les héritages familiaux semaient discordes et vengeances. Une forme très archaïque du pouvoir provoqua surtout une rotation des têtes couronnées des différents royaumes francs (Neustrie, Austrasie, etc.) à un rythme soutenu empêchant toute unité organique. Pour M. Guizot au XIXe siècle, ce dernier calcula la moyenne des durées au pouvoir des Mérovingiens et trouva huit années et quatre mois, le temps moyen du règne des rois. Une période de transition difficile à résumer tant sur le plan des mœurs, des lois, des pratiques religieuses encore diverses et non figées. Et les dernières têtes couronnées sous les Mérovingiens furent affublées du titre de rois fainéants (étymologie : qui ne fait rien), c'est-à-dire qu'ils pouvaient être sous le coup d'une tutelle, celle des maires du Palais, qui ne laissa guère avec le temps de pouvoir à ces derniers. De son côté l'Eglise, organisa en 614, à Paris un concile et participait de la fondation des abbayes de Saint-Germain-des-Prés, de Saint-Victor et, hors de la ville, à Saint-Denis et à Saint-Maur des Fossés. En 639, Dagobert 1er, roi des francs pendant dix années était le premier dignitaire mérovingien à se faire enterrer à Saint-Denis au sein de l'abbaye. Puis se retrouvera plus tardivement avec son tombeau au sein de la basilique de l'abbé Suger.


Arbre généalogique des derniers mérovingiens (VIIe et VIIIe siècle)


Sous le roi  Clovis II, en 651, la Grande famine terrassait le pays, le prêtre et fonctionnaire Landry (nom d'origine germanique : land "pays", et ric "roi"), devint l'année suivante le 28ème évêque de Paris. Il fit bâtir un hôpital sous le patronyme de Saint-Christophe, plus connu sous celui de l'Hôtel-Dieu, appelation qu'il prit plus tard. Un édifice plusieurs fois détruit et/ou reconstruit jusqu'au XIXe siècle. En 653, l'évêque Landry participa au concile de Clichy qui décida de la fondation de l'abbaye royale de Saint-Denis et plaça l'institution sous la seule conduite de l'Eglise (l'ecclesia en latin étant l'assemblée). En raison de ses aides aux pauvres, Landry a été aussi un saint chrétien, il décèda en 656 et fut inhumé à Saint-Germain de l'Auxerrois. Au sujet des évêques, ils étaient nommés par l'autorité royale et les conciles ne rassemblaient en Gaule-franque que les évêchés désignés :

« Les Mérovingiens (...) usent d'une façon plus large de leur droit, rarement contesté, de diriger et de contrôler le recrutement de l'épiscopat. Tant que les rois ont joué un rôle politique actif, ils n'ont pas lâché cette prérogative de la nomination épiscopale qui leur permettait de s'attacher par l'épiscopat toutes les forces tant spirituelles, intellectuelles et morales que sociales, politiques et économiques que représente l'Eglise qui, par ailleurs et pour une large part, est le porte-parole de la population romane dans leurs royaumes. »

Source : Reinhold  Kaiser, ROYAUTÉ ET POUVOIR ÉPISCOPAL AU NORD DE LA GAULE (VIe-IXe SIÈCLES),  p.143.

En 687, Pépin de Herstal devint le chef réel des trois royaumes, puis entre 711-714, les armées du Califat de Damas (Al Andalus) engagèrent depuis la péninsule ibérique une présence en terres franques. Charles ou Carolus dit Martel, maire du Palais vers 732 les auraient mis en échec à Poitiers? Il a été dénombré une cinquantaine de champs de bataille potentiels, mais cette victoire militaire n'a rien d'un fait majeur. La dernière ville reprise par les Francs aux mains des Sarrasins a été Narbonne en 759. L'on sait de cette présence pas grand-chose à part qu'ils ont surtout procédé par razzia, l'Islam une donnée encore inconnue. Le terme Sarrasin ne désignait pas spécifiquement le monde arabo-andalou, et n'avait de connotation religieuse propre. Difficille de décrire une situation historique dont les traces ou sources remontent à plusieurs dizaines d'années après les faits, à minima au IXe siècle du côté Franc et plus tardivement pour le bassin méditerranéen (Arabes et Berbères). Pour plus d'informations sur ce sujet nous vous conseillons la vidéo ci-dessous sur la déconstruction (*)  d'un mythe identaire !


Charles Martel et la bataille de Poitiers :
de l’histoire au mythe identitaire




Avec William Blanc, historien, et Christophe Naudin, professeur d’histoire-géographie, les co-auteurs
de Charles Martel et la bataille de Poitiers,  de l’Histoire au mythe identitaire (éditions Libertalia, 2015).


(*) Le terme de déconstruction ne veut pas dire destruction, mais consiste à savoir comment le travail historique a été établi, c'est-à-dire, se référer à ce qui a été écrit selon les époques, ou bien s'appuyer sur des fouilles archéologiques qui peuvent aider à identifier, dans notre cas, le champ de bataille de "Poitiers" de 732. En l'état très incertain, et qui a pu se dérouler plus au nord, vers Tours.

Les jugements de Dieu : l'ordalie (*)



L'ordalie par l'eau (Lambach, Stiftsbibliothek, codex lambacensis 73, fol. 64)

« Au Moyen Âge, nos aïeux, dans leur foi naïve, croyaient à l’intervention divine dans certaines cérémonies et coutumes pour faire connaître, par un miracle, l’innocence ou la culpabilité de certains prévenus. Telle était la nature des épreuves qui furent adoptées dans le Moyen Âge comme moyens judiciaires. Cette manière d’obtenir ou de faciliter la décision en matière criminelle fut en usage principalement dans les IXe, Xe et XIe siècles. Comme Dieu était l’agent principal dans les épreuves, les décisions qui en provinrent furent nommées « jugements de Dieu ».

Les genres principaux étaient l’épreuve par serment, l’épreuve par duel et l'« ordalie » ou épreuve par les éléments. L’épreuve par serment se nommait aussi « purgation canonique ». Le prévenu était nommé jurator ou sacramentalis. Il prenait une poignée d’épis et la jetait en l’air en attestant le ciel de son innocence. Le plus fréquent de ces moyens, celui dont la durée fut la plus longue, était de jurer sur un tombeau, sur des reliques, sur l’autel, sur les Évangiles. (…)

Selon la croyance du temps, Dieu devait nécessairement donner la victoire à celui qui avait le droit de son côté. (...)

Ce mot « ordalie » vient du saxon « ordal », et cette dénomination prouve que ce moyen fut encore employé dans les forêts de la Germanie. C’est évidemment le même mot que celui qu’on écrit aujourd’hui « urtheil » (jugement) et que le peuple prononce « ourdel » ; il consiste en deux épreuves principales: par l’eau et le feu.

Les chevaliers, les ecclésiastiques et les autres personnes dispensées du combat subissaient l’épreuve par le feu. Elle consistait à marcher pieds nus sur des charbons ardents ou sur une barre de fer rougie, ou bien à prendre en main une barre de fer ou un anneau de fer placé au fond d’une cuve pleine d’eau bouillante.

Préalablement, l’accusé jeûnait trois jours, entendait la messe, faisait serment de son innocence et communiait après. Le prévenu prenait la barre de fer, plus ou moins échauffée, selon les présomptions de la culpabilité et la gravité du crime et sans doute aussi selon le degré de bienveillance des juges. Il la soulevait deux ou trois fois et la portait durant un certain nombre de pas, toutes circonstances indiquées dans la sentence. On lui mettait ensuite la main dans un sac qu’on scellait. Le troisième jour, on faisait l’ouverture du sac : le prévenu était déclaré innocent s’il ne paraissait point de brûlure et quelquefois aussi suivant la nature et l’inspection de la plaie.

L’épreuve par l’eau froide consistait à lier le patient et à le jeter en cet état dans l’eau ; s’il surnageait, il était déclaré coupable.

Les papes et les conciles ont condamné ces barbares moyens judiciaires. Dès le commencement du IXe siècle, Agobard, évêque de Lyon, se récrie contre le nom de jugement de Dieu qu’on osait donner à ces épreuves : « comme si Dieu les avait ordonnées, et comme s’il devait se soumettre à nos préjugés et à nos sentiments particuliers, pour nous révéler tout ce qu’il nous plaît de savoir. »

Quatre conciles provinciaux, assemblés en 829 par Louis le Débonnaire (ou le Pieux), les défendirent. A partir du XIVe siècle, ces épreuves devinrent rares, et la plupart des justices, féodales les abolirent dans le commencement du siècle suivant. Il faut dire que l’Église fit tout ce qu’elle put pour faire perdre aux seigneurs suzerains cette déplorable façon de rendre la justice. »

(*) Note : L'ordalie ou « le jugement de Dieu »?

L'ordalie existe depuis au moins les Egyptiens, puis les Grecs durant l'Antiquité, il s'agissait d'un rituel primitif qui apportait en retour une réponse à caractère divine dans la cas d'un jugement, et a connu plusieurs variantes : par le feu, par l'eau froide, par l'eau bouillante, par le duel ou par l'aliment. Et par la croix, il fallait tenir les bras écartés et ne pas les laisser fléchir, cette dernière pratique fut abolie sous l'empereur Lothaire 1er (785-855), quand Charlemagne son grand-père l'institua et avait un faible pour ces rites. Les plus connus de ces rituels furent à l'aide du feu, ce qui consistait à marcher sur des braises ou bien utiliser un tison plus ou moins rougie par les juges. Si cela n'était suivi d'aucune souffrance ou plaie, l'accusé(e) était innocenté(e). Car il s'agissait d'une forme de justice, il fallait par ces moyens apporter la preuve de la bonne foi de l'accusé par l'action clémente ou pas du ciel.

Différents papes s'opposèrent à l'ordalie, à commencer par Grégoire 1er dit le Grand au tout début du VIIe siècle. Dans la seconde moitié du IXe siècle Etienne VII réprouva nettement et Alexandre II à la mitan du XIe siècle reprenait sa ferme réprimande. Il fallut attendre le quatrième concile de Latran en 1215 pour qu'une condamnation de l'ordalie soit prononcée comme définitive et universelle. En 1258 Louis IX mit fin aux ordalies dans le royaume français, il en changea les procédures accusatoires par des mesures inquisitoires (enquêtes).

Source : Galllica-Bnf, La vie féodale en France du IXe siècle à la fin du XVe, Ch. de La Paquerie,
Chapitre I, pages 253, 254 et 255, 261 à 263. Éditeur, A. Cattier (Tours, 1902)


Repères chronologiques du VIIe siècle

613 : A la demande de Clotaire II, la reine Brunehaut est exécutée à Renève (royaume de Bourgogne).
613-639 : Les rois Clotaire II (613-629) et son fils Dagobert Ier (629-639) refont l'unité du royaume franc sous la tutelle de la Neustrie.
614-615 : Clotaire II, fait un édit ou un capitulaire qui unifie le royaume Franc et le divise en trois provinces : l'Austrasie, la Neustrie, et la Bourgogne, ces territoires se trouvent sous la gestion des maires du palais.  L'année suivante,  il confirme les privilèges des seigneurs Francs, évêques et clercs.
615 : Est réuni un concile, le cinquième à Paris sous les auspices du roi Clotaire II, et sont instruits quinze canons concernant des règles à suivre pour les ecclésiastiques en interne comme la question des héritages.
630 : Un capitulaire de Dagobert Ier statue que les esclaves attachés à une église ou à un monastère peuvent travailler pour eux-mêmes trois jours par semaine, les trois autres jours au service de leurs maîtres.
639 : Début des conflits entre l'Austrasie et la Neustrie.
647-709 : Conquête musulmane du Maghreb.
651 : Effondrement du monde Perse.
657-669 :  Sous la régence de Bathilde, ancienne captive d'origine saxonne et épouse de Clovis II, il est fait interdiction dans le royaume Franc d'acheter ou vendre des esclaves. Ce qui n'y mettra pas fin.
664 : Au concile de Paris, comme en 638 auquel le roi Dagobert avait assisté, les évêques re-confirment les privilèges accordés par l'évêque Landry, à l'église de Saint-Denis.
666 et 669 : Attaques  musulmanes contre la Sicile sous domination byzantine (Empire romain d'Orient).
673 : Le premier original sur parchemin est une charte de fondation du monastère de Bruyère par dame Clotilde.
675 : Childéric II, roi d'Austrasie, puis des Francs est assassiné avec la reine Bilichilde, ils sont tombés dans une embuscade lors de la traversée d'une fôret.
687 : Fin des conflits guerriers entre la Neustrie et l'Austrasie, l'Austrasie en sort vainqueur.
679 : Dagobert II est assassiné lors d'une chasse.
680 : Le maire du Palais de Neustrie, Ebroïn est assassiné. La reine Bathilde décède à Chelles.
685 : Sous Clotaire III, roi de Neustrie, la charge de Préfet est accordée. A la fin du VIIe siècle, le Préfet de la ville de Paris prend le titre de Comte  (des officiers royaux dans les cités franques).


 De la période carolingienne aux attaques Vikings

« Après 717, la royauté mérovingienne connut une crise dont une grande famille austrasienne put tirer profit. Les Pippinides, bientôt appelés Carolingiens, parvinrent à capter les pouvoirs royaux puis à s’emparer du trône en 751. Pour justifier ce coup d’État sans doute plus impopulaire qu’on ne l’a dit, les nouveaux venus arguèrent de l’impuissance politique et de l’incurie des Mérovingiens. Efficacement relayée par les propagandistes de Charlemagne, cette légende noire devint la vérité historique. Encore aujourd’hui, les trois siècles d’histoire du royaume mérovingien demeurent souvent éclipsés par l’image de l’Empire carolingien, pourtant bien éphémère ».

Source : Bruno Dumézil, Les royaumes francs, Livret en ligne de l'expostion 2017 du Musée de Cluny


  D'abord maire du Palais de la Neustrie, Pépin III dit le Bref (714-768), fils de Charles Martel devenait par un coup de force roi des Francs en 751, il fondait la dynastie carolingienne. Il avait au préalable en 743 remit sur le trône Childéric III et l'avait libéré avant de le destituer 8 ans plus tard avec l'accord du pape Zacharie. L'année suivante, il épousait Bertrade de Laon (alias Berthe au Grand Pied). Pépin le Bref (pour sa petite taille) fut sacré deux fois, la première fois à Soissons le jour de Noël par acclamation des nobles, des évêques de Neustrie et d'Austrasie, et des dignitaires de son royaume, les leudes. Puis des évêques lui firent une onction avec une huile sacrée (le saint chrême), ce qui lui donna un rôle équivalent à une divinité ; puis un seconde fois en 754 à Saint-Denis, cette fois-ci avec la présence du pape qui le couronna. (enluminure ci-contre) Le pape Etienne II (né Stéphanus) fit appel à Pépin pour se départir de la présence Lombarde dans la botte italienne et allait créer avec son appui militaire les états Pontificaux. Pépin devint ainsi : « le protecteur, le fils aîné, et un roi très-chrétien ». Cette période a été propice à un des mythes fondateurs de la naissance de la France, à relativiser, mais à prendre en considération. Pépin décédait le 24 septembre 768 à Saint-Denis, après avoir partagé le royaume entre ses deux fils, Charles (le futur Charlemagne) et Carloman Ier.

Sous Charlemagne (vers 742-814) s'agrandissait considérablement l'empire Carolingien, celui-ci fit d'Aix la-Chapelle sa capitale, et sembla n'avoir accordé à Paris de n'être qu'une de ses potentielles résidences. Toutefois rien ne fait état de sa présence, et contrairement aux Mérovingiens, l'on dispose de plus de textes ou sources historiques. Le parchemin est apparu au cours du VIIe siècle et devenu au VIIIe siècle d'un usage très courant, et a pour particularité une assez grande résistance au temps, contrairement au papyrus ou même au papier que nous utilisons. En 768, le royaume était partagé en deux entre Charles et son frère Carloman. En 771 décédait son frère Carloman, Charles s'empara de tout le pouvoir, et usurpait à ses neveux leur héritage et devenait roi des Francs. La femme de Carloman, Gerberge de Lombardie prit la fuite avec ses enfants en direction de l'Italie. La même année, Charles épousait Hildegarde, fille du comte franc Gérold l’Ancien, un geste politique en direction de l'aristocratie alémanique et en 774, il devenait roi des Lombards.

En 778, après une tentative d'incursion en terres ibériques sous domination Sarrasine, l'arrière-garde des armées franques avec le comte Roland, son neveu (rien ne le prouve), étaient pris au piège
dans un col de montagne et décimés à Ronceveaux par les Basques en révolte. Ce qui donna lieu à la Chanson de Roland, comte des Marches de Bretagne et à sa légende. A noter, que "Sarrasin" a été le terme qui a été donné aux Arabes et Berbères par les Francs. La Méditerranée était sous domination chrétienne jusqu’au début du VIIIe siècle, la progression de l’Islam, et la conquête par les Arabes de l’al-Andalus et auparavant du Maghreb (sauf la partie Marocaine et ce qui veut dire : occident) mettait fin à cette situation.

Charlemagne, à l'inverse de Clovis 1er, qui avait son Palais sur l'île de la Cité, fit d'Aix-la-Chapelle la capitale de son royaume, puis de son Empire. Paris comptait au plus cinq mille habitants et une petite communauté de marchands "Syriens" (le terme syrien désignait sans distinction les personnes originaires du Proche-Orient), ainsi qu'une communauté juive. La lecture et le calcul étaient pratiquement inconnus, l'hygiène corporelle inexistante, ce qui peut expliquer à la marge que Charlemagne ait créé des écoles et installé un bain dans son palais, mais sans l'assurer sur l'hygiène publique. Ce que l'on sait, c'est qu'il fut une partie de sa vie sans savoir lire ou écrire, et s'entoura à ce sujet d'un conseiller lettré en la personne d'Alcuin. Dont Charles fit la connaissance à Rome, Alcuin lui était originaire du Yorkshire situé de l'autre côté de la Manche, à l'époque nommée la Bretagne, et provenait d'une famille noble. Il fut nommé abbé de Saint-Martin de Tours en 796 par Charlemagne. En 789, fut promulgué le capitulaire Admonitio generalis (avertissement général), il était décidé, que dans chaque évêché, il devait être créé une école, et la décision fut accompagnée d'un programme d’apprentissage des savoirs. Contrairement aux légendes tenaces, Charlemagne n'a pas inventé l'école, mais il donna une sérieuse impulsion à son développement. (Qui sont les enseignants du IXe au XIIIe siècle? Le cours de l'histoire, France Culture, 30/10/2023)

Repères chronologiques du VIIIe siècle

711 : Arrivée des armées Musulmanes à Gibraltar, la conquête de la péninsule Ibérique débute.
736 : En août, Charles Martel bat les Sarrasins à Sernhac près de Beaucaire en Occitanie.
743-751 : Règne du dernier roi Mérovingien Childéric III.
756 : Le corps de saint Germain est déplacé de l'atrium (qui est une annexe au sein des églises paléo-chrétiennes) au Choeur de l'église St-Vincent.
759 : Pépin le Bref prend Narbonne aux Sarrasins grace aux habitants de la ville.
771 : Mort de Carloman, son frère Charles hérite de Paris.
799 : Premier raid des Vikings sur les côtes de l'Europe continentale et du royaume Franc.

En Europe en sa partie occidentale, en l'an 800, le 25 décembre, Charles 1er dit le Grand (Carolus Magnus ci-contre) était sacré à Rome, empereur d'Occident. Il faut noter qu'il passa une grande partie de son règne à faire la guerre, on ne lui connait que trois années de répit, sans champ de bataille et à faire face à un ennemi, comme le furent notamment les Saxons.

En 814 les armées franques de Charlemagne s'emparaient des Marches d'Espagne (Une partie de la Catalogne) et décédait la même année. La présence musulmane ne disparaissait pas pour autant, aux IXe et Xe siècles il a existé en Provence des communautés sarrasines, dont un port en Camargues et une présence plus à l'Est en Suisse et en Italie, tout comme dans le bassin méditerranéen à l'exemple de la Sicile, qui fut aussi un temps aux mains des Vikings.



Louis 1er dit le Pieux ou le Débonnaire succèda à Charlemagne comme empereur d'Occident après avoir été roi d'Aquitaine. Lors de son règne, il a connu des difficultés avec ses trois héritiers qui pactisèrent un temps avec le pape et le déposèrent en 833, ce qui fragilisa son empire. A sa mort, en 840, il partagea ses possessions entre ses fils, Lothaire, Louis le Germanique, et Charles le Chauve, et L'on retrouvait ainsi les mêmes pratiques de partage que sous les Mérovingiens et une certaine continuité romaine. Un nouveau partage de l'empire d'Occident eu lieu en 843 (traité de et à Verdun), et Charles II dit le Chauve devenait le "premier roi de France" en titre (La Francie occidentale de 843 à 877) et empereur d'Occident les deux dernières années de sa vie. Son successeur fut Charles III dit le Gros, qui à partir de 881 devenait à son tour co-roi de la Francie de 876 à 887.


Charles II dit le Chauve (823-877) organisa la défense grâce un système de fortifications et les habitants trouvèrent refuge ainsi sur l'île de la Cité à l'époque plus réduite en taille, face aux menaces. En effet, les Vikings depuis plusieurs décennies remontaient l'estuaire de la Seine et menaçaient ainsi la cité parisienne de ses attaques (lire le récit ci-après sur les pirates).

En 841 et l'année suivante, deux crues de la Seine ont été relatées par Nithard, petit-fils de Charlemagne, il a été un des rares à écrire des chroniques de son temps comme l'Histoire des fils de Louis le Pieux. Il avait en particulier restranscrit les Serments de Strasbourg (Sacramenta Argentariæ) en deux langues, ce qui donna naissance à la langue française, et Nithard en a été son premier auteur, pareillement il donna vie à l'idiome germanique en 842.

En 845, les Vikings attaquaient et pillaient la ville du roi de Francie occidentale Charles II, ce dernier se vit rançonner en échange de leur retrait de la région. En 860, Charles dit le Chauve faisait construire un pont dans la capitale, six ans plus tard, le 6 février lors d’un siège des Vikings, un des ponts reliant les deux rives était emporté par la Seine en crue sous le regard des pirates scandinaves.

En juin 864, Charles II lors d'un des conciles
qui se tint sous son règne durant 10 ans promulgua l'édit de Pîtres (ou de Pistres, localité du département de l'Eure). Ce texte permettait l'ouverture d'un atelier à Paris et de neuf autres sur ses territoires pour frapper une monnaie unifiée et sous l'emblème carolingien, aussi d'établir les poids et mesures et de faire condamner les faux-monnayeurs. Charles le Chauve devint roi d'Aquitaine en 832, ensuite roi des Francs et d'Italie, puis empereur d'Occident en 875. On lui doit d'avoir institué la féodalité. Il décéda en 877, le trône impérial resta vacant quatre ans.

En 885, les Vikings assiégeaient de nouveau l'île de la Cité pendant plus de 13 mois. Lors des raids les bourgs et villages se placèrent sous la protection des abbayes. Le Comte Eudes et l'évêque de Paris Gozlin à la tête de leurs chevaliers repoussaient les assauts répétés des Vikings. Le siège fut levé en 887.

« Eudes de Francie occidentale (aussi connu sous le nom d’Eudes ler, c. 856-898, règne de 888 à 898) était comte de Paris et le héros du siège de Paris face aux vikings (885-886) qui devait être élu roi de Francie occidentale peu de temps après (Son couronnement en enluminure ci-contre). Fils aîné de Robert le Fort (c. 830-866), il était aussi comte d'Anjou, duc des Francs, marquis de Neustrie et frère aîné de Robert Ier (r. 922-923) qui remplaça Charles le Simple (r. 893-923) en tant que roi de Francie occidentale. Malgré les nombreuses difficultés qu'il rencontra tout au long de son règne, Eudes est généralement considéré comme un monarque capable. Cependant, il est surtout connu pour le rôle essentiel qu'il joua dans la défense de Paris. Historiquement, il fut le premier monarque non-carolingien de Francie occidentale et réussit à se maintenir sur le trône pendant dix ans tout en parvenant à tenir à distance les grands du royaume qui soutenaient Charles le Simple. Contraint à céder de plus en plus de pouvoir à Charles et à ses partisans, Eudes réussit néanmoins à conserver sa couronne jusqu’à sa mort, qui survint en 898. »

Eudes de Francie occcidentale article de Joshua J. Mark,
traduit par Yves Palisse pour
l'Encyclopédie de l'Histoire du Monde




Arbre généalogique de la dynastie carolingienne (du VIIIe au Xe siècle)

Repères chronologiques pour le IXe siècle

801-802 : Charlemagne et le calife de Bagdad Haroun al-Rachid font un échange d’ambassadeurs. Et l'année suivante Charlemagne reçoit en cadeau un éléphant du calife.
802 et 813 : Attaques de la Corse par les Sarrasins, la seconde attaque concerne aussi Nice et des territoires proches de Rome.
814 : Charlemagne décède et Louis le Pieux lui succède et fait son entrée à Aix-la-Chapelle avec son administration venue d'Aquitaine. Inchald devient évêque de Paris.
827-871 : Conquête de la Sicile par les troupes musulmanes venus de Tunisie.
834 et 841 : La Seine déborde de son lit.
843 : Charles II dit le Chauve devient roi des Francs ou de la Francie occidentale.
847 : L'édit  ou capitulaire de Mersen stipule que, « Tout homme libre, pourra se choisir un seigneur, soit le roi ou un de ses vassaux ; aucun vassal du roi ne sera obligé de le suivre à la guerre, si ce n'est contre l'ennemi étranger. »
848 : La cité d'Arles est conquise par les Musulmans. Charles II est couronné à Orléans, roi des Francs. Le gouverneur de Saragosse vient en pays Franc et Charles le Chauve tente des conciliations.
853 : Charles II le Chauve réprime le brigandage dans un capitulaire. Les habitants de la Neustrie fuient en masse face aux assauts des Normands et Bretons.
855 : Lothaire Ier partage son royaume entre ses 3 fils lors du traité de Prum. Lothaire II reçoit le nord, Louis II, l’Italie et Charles, la Provence et la Bourgogne.
856 : Les vikings s'installent avec des forces puissantes sur la Seine. Il est signé un contrat de mariage entre Louis II le Bègue, fils de Charles II et la fille du roi de Bretagne, Erispoë, et il devient roi de Neustrie. Robert le Fort devient marquis des Marches bretonnes et se rebelle contre Charles le Chauve.
855-858 : Léon IV décède à Rome, le nouveau Pape aurait été une femme, Jeannne la Papesse. Elle se serait fait passer pour un homme jusqu'à ce que l'on découvre la supercherie.
861 : L'église Saint.-Vincent (bourg St-Germain) est incendiée par les Northman et le Grand Pont est détruit.
875-877 : Le jour de noël, Charles le Chauve devient  empereur d'Occident, à sa mort il s'éteind sur la route qui le menait vers la péninsule italienne, il est enterré à Saint-Denis.
877-879 : Charles Il laisse le pouvoir à son fils Louis II le Bègue et celui-ci décède à Compiègne.
882-883 : Eudes devient comte de Paris et Gozlin est désigné comme évêque de Paris.
888 : Mort de Charles III dit le Gros à Neudingen dans l'actuelle région du Bade-Wurtemberg.

A Partir de l'an 900, après avoir enseigné à Reims le bénédictin Rémi d'Auxerre (vers 841 et 908) s'installa à Paris et aura pour élève le moine Odon (écolâtre ou maître d'école), le deuxième abbé de l'abbaye de Cluny (fondée vers 910). Rémi d'Auxerre ou en Latin Remigius Autissiodorensis fut entre autres grammairien et a laissé de nombreux manuscrits théologiques.

De la période anarchique de 877 à 987 émergaient les Robertiens de Paris (dynastie franque) dont Eudes (888-898) et Robert Ier ont été comtes de Paris et rois des Francs, (922-923), entre-temps, les Vikings s'emparaient après accord de la Normandie en 911. Louis V, dit le fainéant, né en 967 était le fils de Lothaire. Il fut roi des Francs et le dernier souverain carolingien, et il a disparu en 987, après s'être illustré dans la défense du royaume de Francie contre les Vikings scandinaves (Suède et Danemark notamment).


Les pirates Scandinaves à Paris
sous le royaume Franc

Dernière actualité :
C'est en 799 que se manifestèrent les premières attaques dites Vikings ou des mondes normands sur les côtes atlantiques, avant de remonter les estuaires vers 840. Une histoire qui abonde en cliché, hier comme aujourd'hui, pour suivre ou comprendre les recherches les plus récentes sur les terres de l’Atlantique nord et jusque vers l’Orient, du VIIIe au XIe siècles, dans un contexte d’échanges de toutes natures et d’acculturation réciproque? Pierre Baudoin, enseignant en histoire médévale et invité de Concordance des temps apporte quelques éclairages supplémentaires fort utiles sur cette civilisation "perméable", mais néanmoins flottante... : Cliquez ici ! (durée 58 minutes, France Culture du 7/03/2020).

Ni l'Escaut, ni la Loire ne furent attaqués avec plus d'acharnement que la Seine.

« Le 15 mai 841, une flotte Scandinave y arriva, conduite par le terrible Ogier, dont les sanglants exploits devaient laisser un tel souvenir parmi les peuples, que son nom changé en celui d'Ogre, a traversé les siècles et sert encore d'épouvantail. Ogier brûle Rouen, Jumiéges, Fontenelle, détruit villes et monastères, traîne en esclavage les populations sans défense, égorge tout ce qui résiste.

Quatre ans plus tard, le Norvégien Ragnar-Lodbrog remonte jusqu'à Paris avec 120 bâtiments chargés de pirates. Les habitants étaient enfuis; les Danois pillèrent tranquillement les monastères et la cité. Le roi Charles le Chauve, réfugié à Saint-Denis, se hâta de pactiser avec eux et de leur donner 7.000 livres d'argent pour les renvoyer. Ragnar, après avoir juré, « par ses dieux », de ne plus attaquer le royaume, s'empressa, dès qu'il eut reçu la somme promise, de ravager tous les pays qu'il traversait pour s'en retourner.

Revenu dans son pays, il étale son immense butin sous les yeux de ses compatriotes émerveillés. Il raconte à la jeunes empressée autour de lui, comment il a soumis à un tribut « tout le royaume des Francs! » comment il a parcouru en conquérant une terre bonne, fertile, remplie de biens, couverte d'habitants lâches et incapables de se défendre. Ses récits enflamment la cupidité et redoublent l'audace des pirates. C'est en vain que les rois de France, de Germanie et d'Italie demandent la paix au « kongar » (roi) des îles danoises (847), ce dernier lui-même se sent impuissant à arrêter le courant qui entraîne ses peuples vers des rivages plus fortunés.

En 851, Ogier qui revient de Gascogne où il n'a rien laissé debout, réparait huit à coup. Il renverse ceux des monastères des deux rives qui s'étaient rachetés à prix d'or dans sa première invasion et répand une telle terreur, qu'au dire des chroniqueurs, on n'avait jamais vu semblable extermination dans ces contrées. Mais comme il revenait de piller Beauvais, il fut surpris par un des seigneurs du pays, et le petit nombre de ses compagnons qui échappèrent au massacre s'enfuirent dans les bois et regagnèrent de nuit leurs vaisseaux

En 853, Godfried, « roi de mer », après avoir tenté d'établir une colonie à Vernon, vogua vers la Loire pour piller le monastère de Saint-Martin, l'illustre sanctuaire de la Gaule mérovingienne. Nos vieux chroniqueurs nous montrent les chemins couverts de peuple, de moines, de prêtres épouvantés, portant à eux les reliques des saints, les restes de l'apôtre des Gaules, qui fuyaient de toutes parts devant les bannières d'Odin.

Bientôt les pirates, commandés par Biern-Côte-de-Fer, reparaissent dans la Seine. Mais Charles le Chauve les attendaient à la tête d'une armée et en fit un grand carnage dans la forêt du Perche. Cette défaite n'empêcha pas Biern de revenir, en 857, après avoir reformé sa flotte. Paris fut livré à un nouveau pillage. Presque toutes ses églises furent brûlées.

« Lutèce, dit un contemporain de ce désastre, Lutèce, cette noble capitale resplendissante de gloire, ce trésor des rois, port des nations, ne représente plus qu'un amas de cendres.»

« La Seine, s'écrie Hildegher, évêque de Meaux, roule à la mer d'innombrables cadavres chrétiens ; la poussière des os des captifs morts entre les mains des pirates blanchit toutes les îles du fleuve.»

Les North-mann revinrent encore en 861 et enlevèrent tout ce que leurs devanciers avaient laissé. Comme ils s'en retournaient, Charles leur ferma la retraite, leur fit restituer une partie de leur butin et força Weeland, un de leurs principaux chefs, à recevoir le baptême ; ce qui ne compromettait guère celui-ci aux yeux de ses compagnons, tout prêts à en faire autant pour sauver leur vie ou leur butin.

Pendant 24 ans, les North-mann, occupés ailleurs, ne songèrent plus à Paris qu'ils croyaient avoir anéantie pour toujours. Les Parisiens profitèrent de ce répit pour se fortifier, en construisant une solide enceinte.

Enfin, en 885, les pirates reparurent plus nombreux que jamais. 700 barques peintes, couvrait le fleuve sur une étendue de deux lieues, portaient 30.000 combattants, et arrivèrent devant Paris, le 25 novembre. Les audacieux North-mann. attirés par l'espoir de piller une quatrième fois la capitale des Franks, furent bien surpris de la trouver fortifiée et de voir la Seine barrée par deux ponts protégés eux-mêmes par deux énormes tours.

Cette fois, les Parisiens allaient se défendre, sous les ordres de leur évêque Gozlin et de leur comte, Eudes, ancêtre des Capétiens.

Jugeant bien qu'ils n'auront pas facilement raison de la ville, les pirates demandent seulement à la traverser, en franchissant le barrage de la Seine, pour remonter ce fleuve et aller piller le centre de la Fiance. Leur proposition est repoussée avec horreur.

L'attaque commença le lendemain, mais elle n'eut aucun succès. Après quelques semaines de repos, les Barbares reprirent les attaques de vive force en employant toutes les machines que la science militaire des Romains avait inventées.

Tour roulante, à trois étages, tortues de boucliers, mantelets de cuir frais, béliers, brûlots, tout vint échouer contre le courage des assiégés.

L'inclémence du ciel ne put elle-même les effrayer. La chute du Petit Pont, emporté par une crue subite de la Seine, vint faire tomber une tour au pouvoir des North-mann sans affaiblir la résolution des Parisiens. Leurs hauts-faits retentissaient dans tout l'empire et faisaient contraste avec la lâcheté des autres villes. De toutes parts on organisa des secours; mais nul ne put faire lever le siège.

Bientôt la peste, dont l'héroïque évêque Gozlin fut une des premières victimes, abattit les plus intrépides défenseurs de la cité, sans abattre pour cela le courage de ceux qui restaient.

Enfin Charles le Gros arriva avec des troupes assez nombreuses pour écraser les assiégeants qui livrèrent un dernier assaut, repoussé comme les autres, et se préparèrent à vendre chèrement leur vie.

Mais le lâche empereur, au lieu de combattre, prit le parti de payer aux pirates une rançon de 700 livres d'argent et de leur donner, en outre, le droit d'aller ravager la Bourgogne. Malgré les termes de cette convention, Paris ne s'y méprit pas. C'était une capitulation !...

A partir de ce jour, la dynastie des Carlo-vingiens fut perdue dans L'esprit du peuple indigné, qui chercha dans son propre sein des hommes capables de le défendre et ne tarda pas à donner la couronne au plus digne de la porter, à Eudes, fils de Robert le Fort, et fondateur de la dynastie des Capétiens. La rançon payée par Charles ne désarmait pas les pirates; elle les rendit plus entreprenants.

Ne pouvant traverser Paris pour aller piller la Bourgogne, ils transportèrent leurs barques par terre, de l'autre côté de la cité, et l’année suivante, le 24 juin 888. Eudes les surprit dans les défilés de l’Argonne et en passa 19.000 au fil de l'épée.

D'autres désastres avaient presque anéanti les North-mann, lorsque, des ports de la Scandinavie, partirent de nouvelles nuées, à la suite d’une guerre civile. A leur tète; ils avaient placé le célèbre Rollon dont voici l'histoire en peu de mots.

Rollon, que les anciens chroniqueurs appellent tantôt Rolf, Rou, Raoul, Haroul ou Robert, exilé pour certains actes de violence, ne pouvait revoir la Scandinavie. A la tête d'une troupe d'aventuriers, il s'abat sur les côtes d'Ecosse, imprime son souvenir en lettres de sang sur les rivages anglais, tombe sur la Frise, bat et fait prisonnier le comte de Hainaut, qu'il soumet à un tribut et aborde en France, vers l’an 876.

Après avoir remonté la Seine jusqu'à Rouen, il s'empare, sans combat, de cette ville; mais au lieu de la piller, il la fortifie et en fait sa place d'armes. La victoire de Pont de-l'Arche, remportée sur l'armée française, lui livre Meulan ; une autre victoire lui donne la tranquille possession des bords de la Seine.

Il aurait bien voulu Paris ; mais il tenta vainement, en 911, de s'en emparer. Il se consola en allant saccager Bayeux et le pays Bessin. Dans cette expédition, il parvint à s'emparer de Popée, fille du comte Bérenger, femme d'une grande beauté, dont il était éperdument amoureux et qu'il épousa par amour, comme on disait alors, quand le prêtre ne bénissait pas l'union.

Souvent battu, mais jamais vaincu, Rollon vogue vers l'Angleterre, pour secourir le roi Alfred, son ami, alors en guerre avec ses sujets ; puis il reparaît en France, conquiert Nantes, Angers, le Mans ; pousse des excursions jusqu'en Bourgogne et en Auvergne.

Battu sous les murs de Chartres, dont il fait le siège, il parvient à se retirer sans se laisser entamer et force le faible Charles le Simple à lui proposer la paix. Un traité fut conclu à Saint-Clair-sur-Epte, traité par lequel le North-mann resta maître, en qualité de duc, de la partie de la Neustrie qui, depuis, a porté le nom de Normandie.

Rollon, pour faire une fin sérieuse, se convertit au christianisme et épousa Gisèle, fille du roi (912). La cérémonie du baptême avait été précédée de l'hommage, dont une des formalités était de baiser les pieds du roi. Lorsqu'on avait proposé cet acte humiliant au fier Scandinave, il s'était récrié. Une vieille chronique latine dit même qu'il refusa carrément, par ces mots : « - Ne se, by god ! Jamais, de par Dieu !  »

D'où serait venu le sobriquet de bigots, donné d'abord aux Normands et appliqué ensuite à ceux qui parlent souvent de Dieu. On ne put rien obtenir de lui, sinon qu'il ferait baiser le pied du roi par un de ses officiers. Celui-ci, furieux d'accomplir une semblable commission, empoigne brusquement le pied auguste du monarque, et le porte jusqu'à ses lèvres, sans daigner se baisser ; de sorte que le roi tomba en arrière, aux grands éclats de rire des Normands présents à cette cérémonie.

Le faible Charles, incapable de se venger, fit semblant de prendre cette insolence pour une maladresse ; et l'hommage de Rollon (appelé Robert depuis son baptême) ne servit qu'à humilier, une fois de plus, la majesté royale.

A l'exemple de leur prince, les Normands s'empressèrent de recevoir le baptême. Ils se présentèrent un jour en si grand nombre aux pieds des autels, qu'il n'y eut pas assez d'habits dits de néophytes, habits dont on couvrait alors les nouveaux convertis et qui leur restaient ensuite. On en fit à la hâte d'assez grossiers. Mais les Normands n'en voulurent point.

- Garde ta casaque pour des bouviers, dit l'un d'eux en colère ; voilà, grâce au ciel, la vingtième fois que je me fais baptiser ; jamais on n'avait encore eu L'insolence de n'offrir de pareilles guenilles. »
Source : Gallica-Bnf, L’Histoire illustrée des pirates - Un livre de Jules Trousset publié en 1880.
Livre V, les pirates scandinaves, les North-mann en France, pages 366 à 368.


Nota bene : En langue scandinave, appelée le "Norois" : "vikingr" se traduit par “pirate” ou “pillard”. Son origine latine vient de “vicus” qui désigne les ports marchands. Pour les notions étymologiques ce sont aussi, les Normands, c’est-à-dire les hommes du Nord ou North-man. De même le mot "drakkar" est une invention du XIXe siècle et vient du Suédois moderne qui veut dire dragon, et il n'existait pas une seul type de bateau, mais plusieurs de différentes tailles.




La civilisation Viking, sur les routes d'eau : cliquez ici
Avec Régis Boyer, linguiste et spécialiste des Vikings - France Culture - Appel d'air - 31/03/2003 - durée 55 minutes



Les Premiers rois « français » et règne des Capétiens



Les quatre premiers rois Capétiens furent Hugues Capet, Robert II, Henri Ier et Philippe Ier.
Ces têtes  régnantes ont été tour à tour les maîtres d'un réel petit domaine autour de Paris, de Senlis à Orléans.


 


Le 29 février 888, Eudes était élu roi par ses pairs. L'autorité du nouveau roi fut symbolique. Son domaine s'étendait à peu près sur le nord géographique de la France actuelle. L'élection d'Eudes, comte de Paris, mettait fin à l'empire fondé par Charlemagne. Cette désignation préfigurait d'une monarchie « françoise ». Celui-ci fils d'un soldat, Robert le Fort a été connu pour sa résistance aux North-man. Eudes son fils montra la même combativité dans la défense de Paris. Après dix ans de guerres, Eudes et Charles III, dit le Simple signaient un accord, ce dernier se retrouvait avec un pouvoir limité entre la Seine et la Meuse.



Robert, le frère d'Eudes participa des tractations de Saint-Clair sur Epte en 911, ce traité avait été négocié entre le roi franc Charles III dit le simple et Rollon (ou Hrôlfr en Narois). Ce chef viking prenait la tête - à la suite d'un échec guerrier à Chartres face au roi - d'une principauté autour de Rouen, et devenait le fondateur du duché de Normandie et se convertissait au christianisme en 912 (enluminure de son baptême ci-contre). Le récit des événements et des accords de paix a été narré par le chroniqueur Dudon de Saint-Quentin. Le 29 juin 922, Robert 1er devenait roi de la « Francie occidentale ». Son règne fut bref, une année, il décédait à Soissons face à Charles III, pourtant vaincu à l'issue de la bataille. Puis était élu Raoul de Bourgogne en lutte lui aussi contre Charles le Simple, jusqu'à celui-ci disparaisse en 929. Etc., etc.

Après le long règne de Lothaire roi des Francs (954-986), son fils Louis V le fainéant resta roi une petite année. Lothaire fut le dernier de la lignée des carolingiens en titre et il décédait sur les terres d'Hugues Capet. Puis Hugues 1er, habile négociateur était élu roi, le 3 juillet 987 et sacré à Noyon. La ville de Paris connue diverses fortunes, mais ne redevint une capitale qu'avec Philippe II dit Auguste. Hugues 1er s'empara de la couronne et fonda ainsi la dynastie des Capétiens, et celui-ci devenait le premier de la lignée.

« Le roi Hugues-Capet (987-996), et Adélaïde de Poitou, sa femme, pleins d'affection pour l'abbaye bénédictine de Saint-Magloire, à Paris, lui donnèrent un clos de vignes : "Juxta Savelas". Mais on croit que cette donation se fit lorsque ce prince n'était encore que duc de France et comte de Paris. A cette époque où la ville de Paris commençait à s'agrandir, au nord et au midi, elle était tout comme Lutèce, la vieille ville gauloise, enceinte d'un épais rempart d'arbres, de plusieurs kilomètres de profondeur; et près de cette capitale, deux vastes forêts occupaient les bords de la Seine : l'une, au midi, l'autre, au nord. Leurs deux extrémités subsistent encore sous les noms de Bois de Boulogne et de Bois de Vincennes. »

 Source : Notice hist. sur la commune de Belleville,  Nicolas-Michel
Troche (Paris-1864)


Le dernier des Carolingiens
et Hugues Capet prétendant au trône




illustration du livre sur le Paris médiéval

Jacques-Antoine Dulaure
« Louis V (...) après moins de deux ans de règne, mourut le 21 mai 987, sans enfant (*). Charles, duc de Lorraine, son oncle, et frère du roi Lothaire, avait seul, suivant l'ordre établi, le droit de lui succéder ; mais pendant qu'il perdait du temps à délibérer, Hugues, surnommé Capet, comte de Paris, duc de France, abbé de Saint-Germain-des-Prés, abbé de Saint-Martin-de-Tours, abbé de Saint-Denis près de Paris, abbé de Saint-Aignan d'Orléans, etc., qui avait hérité de l'esprit de révolte de son père Hugues-le-Grand et de sa haine contre la famille régnante, se hâta de convoquer à Noyon une assemblée qui, vers la fin de mai 987, le proclama roi de France.

Cette assemblée, n'étant composée que des vassaux de Hugues Capet et de quelques seigneurs ses partisans, ne représentait point la nation, et ne pouvait légalement procéder à un acte d'une si haute importance; mais alors la force et l'audace tenaient lieu de règles et de droit. Le 3 juillet suivant, le nouvel élu se fit sacrer roi par Adalbéron, archevêque de Reims, son partisan. A cette nouvelle, le prince Charles adressa de vifs reproches à ce prélat rebelle, et résolut de soutenir sa légitimité par la force. A la tête d'une armée nombreuse, il s'empara de la ville de Laon.

Hugues Capet vint, en 988, l'y assiéger. Charles fit une sortie, mit en fuite son ennemi, et brûla son camp. Hugues Capet, revenu à la charge, fut de nouveau repoussé. Voyant la force inutile, il eut recours à la perfidie. Il parvint à corrompre l'évêque de Laon, nommé Adalbéron Ascelin, sujet et conseiller du prince Charles. Cet évêque n'hésita pas à trahir son maître; et, pendant la nuit du 2 avril 991, il ouvrit à l'ennemi une porte de cette ville.

Hugues Capet y entre en force, surprend Charles et son épouse dans leur lit, les fait enlever et conduire à Orléans, où ils sont renfermés dans une étroite prison. Ils y périrent bientôt tous les deux; mais, avant sa mort, l'épouse de Charles avait donné le jour à deux jumeaux qui, devenus grands , se réfugièrent auprès de l'empereur. (...)

Hugues Capet eu beaucoup de peine à se maintenir sur son trône usurpé. Outre la guerre contre Charles, il en soutint plusieurs autres contre des comtes et des ducs qui refusaient de le reconnaître pour roi : tels étaient le comte de Flandre, le duc de Normandie, le duc d'Aquitaine, le comte de Périgueux, etc., etc., etc.

On sait que ce dernier comte, nomme Aldebert, lui fit, en 990, pendant qu'il assiégeait Tours, une réponse qui présente le trait le plus saillant du règne de Hugues Capet.

Ce nouveau roi, n'osant le combattre, se borna à lui faire parvenir cette demande : Qui t'a fait comte? Aldebert lui répondit : Qui t'a fait roi? Arnoul, archevêque de Reims, fils naturel de Lothaire, qui prétendait à la couronne, fut encore son ennemi le plus acharné: le propre fils de Hugues Capet, Robert, lui fit aussi la guerre. Tels furent les fruits amers de son usurpation. Hugues Capet résidait à Paris lorsqu'il était comte de cette ville; il continua d'y résider lorsqu'il fut roi. (...)

Ce chef de la branche des rois capétiens, après un règne de dix ans, cessa de régner et de vivre, le 24 octobre, l'an 996. Sous le règne de Hugues Capet, Paris ne s'enrichit d'aucun établissement civil ou religieux. »

(*) Note de l'auteur : La chronique d'Adhémar de Chabanne porte que ce roi fut empoisonné par Blanche, son épouse adultère. Un autre écrivain dit que Hugues Capet épousa Blanche. (Recueil des Historiens de France, tome X).

Source : HISTOIRE PHYSIQUE, CIVILE ET MORALE DE PARIS,
DEPUIS LES PREMIERS TEMPS HISTORIQUES, Volume II, première édition 1823.
(Il existe plusieurs éditions dont une sur Gallica-Bnf)

Repères chronologiques pour le Xe siècle

899-970 : Incursions des Magyars en Europe et dans les Balkans.
909-910 : Le duc d’Aquitaine Guillaume le Pieux fonde l'ordre de Cluny.
962-1806 : Fondation du Saint-Empire romain germanique et couronnement d'Otton 1er.
Vers 965 : Hugues Capet, comte de Paris confie la dépouille de saint Magloire.
980 : Fondation de l'abbaye bénédictine de Saint-Barthélémy-Saint-Magloire sur l'ïle de la Cité.
982-985 : Le Groenland est colonisé par des Vikings dont Erik le rouge (4 siècles de présence).
1000 : Fondation du prieuré Saint-Denis-de-la-Chartre, il se situe sur l'île de la Cité, et édification de l'église du même nom (détruite en 1810).


Le onzième siècle

L’empire constitué par Charlemagne n’était plus et nous entrons dans une période dite anarchique ou de mutation, qui a été le fait de constitutions ou fortifications des fiefs où demeuraient des seigneurs locaux avec leurs règles propres. Ce que l’on peut appeler les bases de la constitution du monde Féodal : en baronnies, comtés, etc., avec ses vassalités. Soit, l’organisation des dominations avec des duchés ou royaumes encore incertains, à ce titre Paris représentait un Vicomté avec des enclaves territoriales diverses, et l'évêché parisien dépendait de l'archidiocèse de Sens (L'archevêché est la résidence de l'archevêque).

L’an 1000 n’a été que le passage au nouveau millénaire, il a surtout eu pour effet de créer des légendes artificielles, mais rien n’indiquait des populations affolées par une présumée "fin du monde" ou bien des peurs millénaristes. Les incertitudes et les transitions furent d’un autre ordre. Le deuxième de la dynastie capétienne fut le fils d’Hugues Capet, Robert II dit le Pieux. Il était né en 972 à Orléans et devenait roi des Francs en 997, sa première épouse a été Adélaïde d’Aquitaine, celle-ci disparue en 1004. Robert II a été pendant une dizaine d’années, roi de Bourgogne. Sa seconde épouse et reine des Francs a été Constance de Provence, qui décéda un an après son époux au château de Melun, mère d’Henri, le dauphin ou héritier au trône.


Les Vikings firent toujours parler d’eux tout au long du siècle, ils ont été à l’origine de la chute de la dernière place forte en Italie des Byzantins à Barri en 1076. Entre 980 et l’an 1010, venus d’Islande, des originaires et bannis de Scandinavie après avoir établi une colonie au Groenland, Erik dit le rouge découvrait et colonisait les îles de Terre-Neuve. Les îles ont été re-découvertes plus tardivement par les Basques pour la pêche à la morue au XIVe ou XVe siècle avant l’arrivée des Caravelles de Cristobal Colombo ou Christophe Colomb aux Antilles (ceci est une hypothèse). En Europe de l’Ouest, la région Normande conquise par les Vikings le siècle passé, voyait la naissance de Guillaume le Conquérant, duc de Normandie (1027-1087). Après la bataille de Hastings et la défaite d’Harold prétendant au trône pour les Anglo-saxons (1066), Guillaume devenait roi d’Angleterre (« Dieu et mon droit ») et allait donner bien plus tard au XIIe siècle naissance à la dynastie des Plantagenêt (les armoiries familiales comprenaient le genêt ou "planta genista") avec les comtes d'Anjou et du Maine, une autre branche continentale.

Le XIe siècle a été propice à la construction de châteaux fortifiés après avoir été sous la forme de grosse motte de terres et fait de bois principalement, avec un plus grande utilisation de la pierre pour les fortifications (ci-contre dessin de Charles Nodier - Tancarville en Normandie). Pour ce qui n’était encore qu’une ville de seconde importance, Paris vit fleurir ou fonder des prieurés. Il s’agit de monastères avec à leur tête des abbés, élus ou désignés par leur communauté abbatiale dépendant des abbayes, dont celle de Notre-Dame fondée à la fin du Xe siècle. Paris dans les années 1030 connut par deux fois des ravages importants avec un incendie sur l’île de la Cité, dont la ruine de l’église St-Pierre-des-Arcis. Cette bâtisse religieuse devait son édification quelques années auparavant au Vicomte de Paris, se nommant Thoudon. Elle fut reconstruite puis réaménagée, elle a été considérée comme une des plus vieilles églises de la capitale, détruite en 1860 à l’emplacement du marché aux Fleurs (Ile de la Cité).

« A la fin du XIe siècle, le nombre des villes s’augmente, en même  temps que s’accroissent les libertés des bourgeois : deux faits connexes et qui s’expliquent l’un par l’autre. Les villes se multiplient et s’agrandissent parce que la condition des habitants s’améliore. Ceux-ci deviennent d’autant plus exigeants et audacieux dans leurs entreprises contre le seigneur qu’ils se sentent plus nombreux et plus capables de résister et de vaincre. »

Les premiers capétiens, Achille Luchaire, chap. VI, page 339, éditions Hachette et C° (Paris, 1911)

Sur le plan artistique et cultuel, l’art Roman prédomine dans de nombreuses régions pour les édifices religieux, bien qu’à Paris il existe peu de lieux de cultes de l’époque. Seulement quatre ou cinq églises au maximum conservent encore des traces d’origines. Pour les fondations, seule vraiment l’architecture de Saint-Germain-des-Prés y correspond. Cette église fut rebâtie au XIe siècle après la disparition de l’église mérovingienne de Saint-Vincent détruite par les North-man ou pirates scandinaves, et le quartier n’était encore qu’un bourg à proximité de la ville alto-médiévale. 


Bruno d’Eguisheim (ci-contre), ce fils d’une famille de la petite noblesse alsacienne a été d’abord évêque de Toul en 1026, puis pape vers 1048 sous la gouverne de son cousin Henri III du Saint-Empire romain germanique (incluant la Germanie, l’Italie, et deux territoires annexes, la Bourgogne et la Lorraine). Canonisé en 1083 par un de ses successeurs, saint Léon a été l’objet de légendes et de récits romancés. Ce que l’on sait, à sa désignation comme pontife, deux de ses prédécesseurs ont été empoisonnés. Sous son pontificat, il a voulu affronter les Normands, et en retour s’attira la  haine des Italiens, et provoqua sur la base de textes encycliques la rupture entre les deux versants ou places antagoniques du pouvoir christique. En bref, l’on peut considérer que ce fut la naissance du dit Occident, ou sinon que l’Ouest ou la partie occidentale de l’Europe tournait le dos à ses origines ou fondations orientales depuis Constantin.

A partir du milieu du siècle, le schisme entre Rome et Byzance était consommé, chrétiens d’Orient et d’Occident constituaient deux pôles de pouvoirs religieux et politiques disjoints. Le versant Italo-romain fit face à une crise profonde, les successeurs grégoriens œuvrèrent à une restauration des splendeurs romaines. L’on commença à imposer le célibat des prêtres, cette règle était inexistante jusqu’alors, elle allait s’engager sur une longue période avant que les mesures prises soient effectives face à de fortes résistances internes, notamment quant au respect des vœux de chasteté. Ce qui donna lieu aux premières formes du libertinage de l’épiscopat romain.

A la fin du XIe siècle le pape Urbain II prêchait la croisade. Par ailleurs, la dite "reconquête" (ou reconquista) engagée depuis déjà au moins deux siècles, selon Rodrigo Jiménez de Rada, archevêque de Tolède et contributeur d'une histoire de la Reconquista est un texte sans réels fondements historiques jusqu'au XIIe siècle dans l’entité ibérique. Et le terme de "reconquête" est indubitablement inexact, il s'agit d'une conquête sur les ancien royaumes dits "barbares" en Hispanie, dont notamment les Wisigoths. Cependant le recul progressif du monde Arabo-musulman, puis la montée de la domination du royaume de Castille allaient provoquer plus tardivement sa déliquescence en Europe occidentale. Ce qui participa de la disparition du Califat de Cordoue en 1031 ouvrit à une grande période d’instabilité politique et religieuse avec sa partition en des petits royaumes Berbères au sud de l'Espagne et du Portugal actuel.



Tapisserie (en réalité une broderie) de Bayeux relatant la bataille d'Hastings (1066) de 70 mètres de long.

Repères chronologiques de Paris, du royaume capétien et d'ailleurs au XIe siècle :
1002 : Naissance de Bruno d'Eguisheim le futur pape Léon IX, un pontife réformateur et désigné avec l’accord des Francs, il est originaire d’Alsace.
1031 : Mort de Robert II à Melun, règne d’Henri I sacré à Reims roi des Francs, troisième dans l’ordre des Capétiens.
1034 : Paris, l'île de la Cité est ravagée par un incendie, incluant l’église St Pierre-des-Arcis 
1037 : Paris est de nouveau la proie de flammes et la ville est embrasée dans plusieurs lieux.
1049 : Le concile de Reims condamne les Vikings ou North-man en Italie du Nord s’attaquant au populations et aux biens de l’Eglise, et s’en prend aussi aux « Simonies » (déviations des charges des prêtres) et aux « Nicolaïtes » (déviances en faveur des œuvres de Satan dans l’Apocalypse, le rôle de la sexualité des prêtres et le fait de ne pas pêcher par la luxure). Pontificat de Léon IX.
1051 : A Reims, en mai, le roi Henri 1er épouse Anne de Kiev. Ils auront pour fils le futur roi Philippe.
1054 : Mort du pape Léon IX à Rome. Début du Grand Schisme entre les églises d'orient et d'occident : naissance de l’église Orthodoxe et de la papauté romaine. Venise s'émancipe de l'empire byzantin et fait le choix de Rome.
1055 : Henri Ier, roi des Francs
annexe le comté de Sens au domaine royal.
1056 : L'arrivée de la fourchette à Venise, via Byzance est une pure légende, connue pendant l'Antiquité, mais diversement oubliée selon les modes culturels, son utilisation commune a été en France très tardive, ou sinon réservée à une élite.
1059 : Philippe 1er est sacré roi à Reims du vivant de son père et est fondée l'abbaye bénédictine de Saint-Martin des Champs, « en lui accordant de grands et nombreux privilèges, lui concéda une grande partie de ces bois, ainsi que des vignes, pressoirs et maisons ».

Charte fondatrice du monastère St-Martin  par Henri 1er roi des Francs



 (Source Gallica-Bnf, Dom Martin Marrier, en latin d'après une copie de 1359)


1060 : Mort d’Henri Ier et règne de son fils Philippe sous la régence de sa mère Anne de Kiev, puis de Baudouin V de Flandre (beau-frère d'Henri) jusqu'en 1066, il est le quatrième de la dynastie capétienne. Début de la conquête de la Sicile par les Normands.
1066 : Massacre des juifs de Grenade par les musulmans de la ville.
1072 : Le duc Robert de Hauteville, normand, avec ses troupes navales s'emparent de la ville de Palerme en Sicile aux mains des musulmans.
1073-1085 : Sous le pontificat de Grégoire VII s'engage la Réforme grégorienne, (sujet d'histoire diocésaine, Persée.fr), ou l'organisation des relations entre les clercs et les laïques.
1076-1077 :
A Paris et ailleurs, la population subit deux longs hivers avec une chute des températures, les plus froides du siècle.

1077 : Annexion du Vexin par Philippe Ier.
1079 : Fondé 20 ans plus tôt sur l'emplacement d'une ancienne basilique détruite par les Normands, le prieuré de Saint-Martin des Champs en rive gauche est confié aux Clunisiens (établis en Bourgogne).
1081 : Naissance de Louis Thibaud, fils de Philippe Ier et de Berthe de Hollande. Le futur Louis VI sera élevé à l'abbaye de St-Denis durant son enfance.
1094 : Venise détient le plus vieil édit rédigé en relation avec le carnaval signé par son doge.
1095 :
Le pape Urbain II lors du concile de Clermont lance un appel pour la première croisade, et récrimine les désordres ecclésiastiques. Godefroy de Bouillon prend la tête des barons pour chasser les "hérétiques".
1097-1098 : Le roi d'Angleterre Guillaume II dit le Roux engage la guerre dans le Vexin, et rencontre la résistance des seigneurs du Vexin menés par le prince Louis.
1100 : Fondation de la léproserie de Saint-Lazare par les chevaliers de Saint-Ladre sur la route menant à l’abbaye de Saint-Denis. Et arrivée présumée du philosophe et moine Abélard à Paris.

La Neuve Ville ou la ville nouvelle

C'est ainsi que l'on appela la rive droite de Paris, la Nouvelle Ville en français contemporain. Elle allait devenir le poumon économique de la capitale à partir du second millénaire en raison de son agrandissement régulier.

« L’administration de ce temps n’est que de l'exploitation, mais encore faut-il qu’elle soit intelligente pour être fructueuse. Aussi voit-on les princes fonder des marchés et des villes neuves, faire des concessions intéressées aux bourgeoisies, développer graduellement et surveiller leur système administratif. (...)

Ces créations artificielles qu’on désigne sous le nom de villes neuves, sauvetés, bastides, et que l’appât des privilèges concédés faisait surgir, étaient dues à l’initiative des seigneurs et surtout des églises. Le Clergé avait ce grand avantage de pouvoir fonder des asiles où les habitants bénéficiaient de l’inviolabilité attachée aux possessions de Dieu et de ses saints. (...)

La franchise ainsi établie n’implique pas la suppression du pouvoir seigneurial. Les bourgeois des villes neuves sont soumis, comme les autres, à des redevances en argent et en nature, à des prestations, à des corvées. Mais ils ne sont exploités que par un seul maître, grand avantage sur les autres centres de population. »

Source :  Les premiers capétiens, Achille Luchaire, pages 325, 390 et 391, éditions Hachette et C° (Paris, 1911)

Le pouvoir de l'Église était manifeste, le féodalisme avait permis un contre-pouvoir, notamment dans la conduite de l'administration, et les évêques de Paris furent avant tout les gestionnaires d'un diocèse fleurissant. Encore de nos jours, l'archevêché parisien reste le deuxième propriétaire de biens immobiliers à Paris. Une histoire politique et religieuse d'une très grande richesse, et l'on ne pourrait comprendre le développement des quartiers périphériques sans les congrégations qui commencèrent tout d'abord à défricher et développer les cultures maraîchères afin de répondre aux besoins alimentaires des Parisiens. (Lire la page sur les figures du Quartier de la Porte Saint-Denis)

 C'est au coude à coude que la bourgeoisie et les ordres religieux allaient partir à la conquête de notre fameuse Tutela. La rive gauche en comparaison n'a pas connu vraiment d'expansion notable en dehors de son axe sur la voie Saint-Jacques. Mais allait devenir le ventre fécond d'un des plus grands centres universitaires en France et en Europe en raison de l'ouverture d'écoles religieuses, notamment tout autour de la Montagne Sainte Geneviève, bien connu sous le nom de quartier Latin.

Si la première impulsion data de Charlemagne qui s'émouvait du peu de connaissance de ses sujets, c'était l'Église qui détenait pour bonne part le savoir et les moyens de sa transmission.
L'écrit se faisait encore essentiellement en latin quand la langue était à mi-parcours entre un français et des patois en langue d'oïl au nord de la Loire. Spiritualité, pouvoirs politiques et développement industriel allaient être les trois centres notables de la ville de Paris.


La Neuve Ville, l'Université et la Cité

Pendant le premier millénaire, seuls deux quartiers, celui du Marais et du port de Grève s'étaient développés en rive droite. Sinon il fallait remonter derrière l'actuelle gare de l'Est, jusqu'au niveau de l'ancienne et disparue église Saint-Laurent (elle se trouvait à hauteur de la rue Philippe de Girard). Et de même pour trouver des habitations qui n'étaient pas sous la menace des crues de la Seine et ce qui avait été le bras mort du fleuve, c'est-à-dire un ruisseau s'amenuisant avec le temps. Paris grandissait et prenait de l'importance à partir du Xe siècle, en raison de l'impulsion ou de l'essor économique, d'une démographie croissante et le développement des routes. Ce fut par l'agglomération industrieuse et marchande de la rive droite ou du nord, que Paris grandissait et à grand pas.


S'organisa une subdivision géographique en trois pôles, le pouvoir se trouvait au centre de la petite capitale, à l'origine dans l'île de la Cité, il passa plus tard au Louvre, l'Université et les cloîtres étaient en rive gauche ou sud. Les marchands, les industriels et le petit peuple en rive droite allaient faire de cette dernière le pôle émergeant de ce nouveau millénaire. On la nomma la Ville au sens plein, ou bien "la neuve ville" en français ancien. Ce fut avec différentes activités de production que les bourgeois parisiens prospérèrent, les marchands d'eau par navigation fluviale devinrent les premiers magistrats de la capitale. La Hanse des marchands d'eaux était devenue plus puissante que l'ancienne corporation des Nautes. En tout début de ce que l'on nomme le bas Moyen Âge, pose l'enjeu du futur statut de Paris et des fonctions des Prévôts, que l'on devra à Louis IX.

Cette première étape constitutive de la rive droite a connu un port très actif, il s'étendait le long des rives nord.

L'activité fluviale donna un nouvel essor et favorisa les activités de commerce et les échanges de ce savoir faire sur la rive droite (ou nord) de la capitale.



Ci-contre : carte de Paris sous Philippe II



Les métiers allaient devenir la plupart très organisés et se trouvaient en des lieux portant encore de nos jours des noms de rue. À l'exemple de la rue de la Jonglerie, où résidaient les artistes les plus sollicités du temps de Louis IX ; ou bien la rue de la Ferronnerie, de la Tannerie, etc... Tout comme l'on vit la construction de bâtisses destinées à protéger les marchandises, comme le Champeaux qui préfigura les grandes Halles marchandes. Et une rue fut très révélatrice d'un lieu peu sécure, celle de la grande truanderie...

En rive droite, ce fut un véritable rapport de force qui allait s'engager sur la propriété des sols et la juridiction ou autorité royale sur l'ancienne Tutela (ancien bras mort et disparu de la Seine). Qui de l'Eglise ou du pouvoir royal pouvait se prétendre propriétaire naturel des lieux? La polémique au sens plein allait durer quelques temps, d'au moins 814 à 1222 entre la royauté et les différents évêques parisiens.


l'Église se retrouvait quasi seule à pouvoir produire des actes écrits au sujet des terrains de la Tutela ou la "tudella" selon l'abbé Jaillot, ou ce qui pouvait tenir lieu à l'expansion de la "Neuve Ville" en rive nord et à sa justice. Ce vaste territoire allait être âprement négocié. La plupart des actes avaient été des faux en écriture, ils prévalaient d'un droit de l'évêché et du Chapitre de Paris, sur la partie occidentale de la rive droite de part en part de l'arc ou quart de cercle dessiné par l'ancien marais septentrional. Produit sur la foi de deux actes datés de 814 et 820, revus en 978, le choix fut tranché en décembre 1222 par Philippe Auguste et proclamé à Melun. Un texte que l'on désigna sous le nom de Charta Pacis (charte de paix) et qui réglaient les compétences des officiers du roi, de l'évêque et du Chapitre.


 Au fil des routes

Une des dernières bornes milliaires gallo-romaine date de 435. En Europe occidentale s'engageait la fin de l'entretien des routes et l'arrêt de la circulation charretière aux VIe et VIIe siècles, au profit d'une navigation fluviale de faible activité. En 614, un édit de Clotaire II (584-628) supprimait les droits sur la circulation des marchandises.

En 793 un capitulaire de Charlemagne (742-814) prescrivit que les réparations des ponts et des routes devaient être effectuées selon les usages antiques. En 819, 823 et 830 Louis le Pieux (778-840) ordonna le rétablissement de relais pour ses envoyés et la réparation ou la reconstruction des ponts construits au temps de son père. Mais aucune organisation efficace ne fut prévue et le trafic s'effectuait avec des bêtes de somme ou des chars à bœufs qui constituaient des véhicules tout terrain.

Les difficultés des transports en Europe occidentale imposèrent une dispersion des centres de production : agriculture indifférenciée, vignes le plus au nord possible, multiplication des étangs pour la pisciculture et utilisation pour la construction des matériaux locaux.

Les pèlerinages s'organisèrent : vers Saint-Martin-de-Tours (VIe siècle), Saint-Gilles-sur-le-Rhône (Xe s.), Saint-Jacques de Compostelle (XIe s.).

L'accès aux cités, aux universités (à partir du XIIIème s.) : devait se faire pour y parvenir à pied le plus souvent, par des sentiers en empruntant des gués ou par des bacs pour traverser les cours d'eaux.



Les secrets de st.-Jacques de Compostelle : cliquez ici !
Histoire d'un jour (RTBF) avec Philippe Martin, professeur d’histoire moderne à l’université Lyon 2,
spécialiste d’histoire religieuse - durée 33 minutes



Suite de la promenade :
Le Bas Moyen Âge à Paris (1ère partie)

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