Histoire
obscure de la psychiatrie Pinel rendant
visite aux femmes aliénées de la
Salpetrière
Philippe PINEL
(1745-1826), Aliéniste.
Traité
médicophilosophique de la maladie mentale ou la manie, paru
en 1801.
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Son
âge aliéniste en France débute vers 1790 avec
Philippe Pinel au sein des Hôpitaux Généraux de
Paris : à Bicêtre se trouvait les hommes et à la
Salpêtrière, les femmes. En 1790, c'était
l'abolition des lettres de cachet : elles permettaient à
l'administration royale d'incarcerer quiconque était
suspecté de démence. Une auscultation
préalable était dès lors exigée. Ce sont
les premiers débuts de la médicalisation de la
folie. Avant la révolution
française de 1789, on ne distinguait pas les
forçats des malades mentaux. Ces derniers se
retrouvaient pour nombres d'entre-eux en chaîne,
abandonnés au plus total dénuement. Pinel soutenu
l'idée qu'il importait de pouvoir distinguer ces hommes et
ces femmes "aliénés en l'esprit". Une petite
révolution au sein de la révolution, peut-on
estimer, quand on sait la misère et la détresse
humaine dont regorgeait à cette époque ces
espaces de réclusion . Etienne ESQUIROL, aliéniste, sera
celui qui posera les fondements du fonctionnement asilaire, en 1805. Il rédige une
thèse sur "Les Passions
considérées comme causes, symptômes et
moyens curatifs de l'aliénation mentale". C'est
en septembre 1818 qu'il se rend chez le ministre de
l'intérieur pour remettre son mémoire :"Des
établissement d'aliénés en France, et
des moyens d'améliorer le sort de des infortunés". La psychiatrie au 19ème et au
20ème siècle va s'avérer
être tout aussi malsaine que ne l'est encore la prison. Elle restera longtemps
et principalement une pratique médicale de nature coercitive
au sein de l'appareil judiciaire et au sein de l'espace hospitalier.
Elle le demeure encore partiellement de nos jours. Un monde qui fleura
bon la bourgeoisie la plus conservatrice. Ce qui permettait de se
débarrasser des "anormaux", ou des proches pour des
questions qui furent propre à une logique sociale et morale,
où les moeurs furent plus que contrastés. C'est
ainsi que la psychiatrie faisait un peu lieu et place de poubelle de
nos maux.
Alors que faire, de celui dont personne ne sait plus quoi
faire ou ne veut plus entendre parler? Le patient pouvait se trouver
confié à des expérimentateurs parfois
sadiques, surtout très longtemps incompétents ou
impuissants face aux troubles. La thérapeutique
était soit impropre, soit le plus souvent dans une vision
hygièniste très étriquée.
Plutôt que de pouvoir apporter véritablement des
soins médicaux appropriés à chaque
patient.
Gaétan Gatien
de Clérembault, psychiatre ayant exercé dans la
première partie du vingtième siècle
fut un regard novateur sur la folie, il défendit une
"psychiatrie républicaine". Il se consacra
à l'analyse d'une pathologie singulière, qui fut
en partie la sienne, et qui poussait certaines femmes à
avoir un contact particulier avec les étoffes dans le cadre
de leurs rapports sexuels et orgasmiques. Notamment en ayant des
émotions intenses par le touché de certaines
soieries. On lui connu aussi une grande passion pour la photographie.
Il sera le maître d'un certain Jacques Lacan, un personnage
un peu étrange mais attachant. Il faudra attendre après la seconde
guerre mondiale
pour
que l'institution change. La pensée freudienne, plus
tardivement le mouvement anti-psychiatrique bousculeront ce monde
clos et obscur. La psychiatrie était devenue un ordre dans
un ordre. Elle avait un rôle plutôt
néfaste ou impropre au sein de la
société française, en premier lieu
pour les patients. A la fin des années soixante, on est
encore a une époque où l'on ne distingue pas la
dépression névrotique des autres maladies de
natures psychotiques. Ces dernières sous l'effet de la
découverte des psychotropes
bénéficieront d'un champs
d'expérimentation social assez inquiétant.
Heureusement une nouvelle génération va vouloir
dé-sacraliser le monde psychiatrique. II s'en suivra des
progrès majeurs, en particulier concernant la diminution des
internements. Mêmes fussent-ils pour bonne part le
succès de la pharmacologie moderne (dont l'inventeur des
psychotropes est le professeur Henri Laborit). Depuis la psychiatrie a su s'ouvrir
à d'autres doctrines et en tirer
bénéfice en devenant une pratique
médicale plus honorable. Son rapport tutoral face au patient persiste
dans une certaine rigidité. La nosographie psychiatrique le
prouve. Il semble comme indispensable à cette
spécialité de classifier les individus. Mais
c'est aussi le politique qui décide du fonctionnement de
cette vieille institution publique, lui ordonne de répondre
à des missions qui n'ont rien d'angéliques ou de
simples. Le domaine sensible de la psychiatrie sont principalement
toutes les questions en rapport avec la psychose. C'est une maladie ou
l'individu perd lien avec le réel. Il ne fait plus qu'un en
général avec sa maladie, et cela peut intervenir
à n'importe quel moment de l'existence. On peut être
psychiatre et psychanalyste, et c'est en partie pour cette raison que
l'on peut se perdre aisément dans le domaine "psy". Il importe de
distinguer le médecin, sa discipline, et l'exercice de la
psychanalyse. On peut être
aussi neurologue et psychiatre, pédopsychiatre, etc...
Depuis maintenant 30 ans, les espaces de recherche et d'exercices sont
devenus plus pointus et variés. Nous dirons
pluridisciplinaires, pour autant pour ne pas porter confusion la
psychiatrie est essentiellement de nature médicale. Les
soins se déroule dans espace qualifié de clinique
et se distingue en deux points : soit délivrer une
ordonnance et un traitement, soit proposer un travail
psychothérapeutique ou analytique. Pour cela le
médecin psychiatre doit faire une analyse personnelle, ce
qui n'est pas toujours le cas. Surtout quand certains
résument leur pratique à une cause organique. Médecins psychiatres et aussi
psychanalystes s'accordent sur un point précis de loi : il est
nécessaire de disposer d'une formation médicale,
ou universitaire, si l'on est psychologue pour pouvoir intervenir dans
l'univers médical. Il n'y a pas à ce sujet
à porter une grande contradiction. On peut toutefois se
demander si l'espace psychiatrique ne conserve pas un rôle
opaque dans notre fonctionnement social, et s'occupe de ce que la
société ne veut surtout pas se
préoccuper. Quoi qu'on le veuille la folie demeure encore un
sujet tabou. Une question qui justement pose pour paradoxe de rarement
faire état d'un débat public. Depuis l'amorce de
la réforme de Claude Evin en 1990, rien depuis n'a vraiment
évolué, et la confusion semble avoir
gagné plus que de mesure. Au sujet de l'exercice de la
psychanalyse, l'amendement Accoyer (président du groupe UMP)
est venu encadrer une pratique qui ne le demandait point, paradoxe du
libéralisme... La pratique psychiatrique au regard de ce que
pourrait être un espace médicalisé de
qualité pour le psychisme et le corps, est aujourd'hui
à nouveau en crise. Faut il la réformer ? Probablement , et lui
donner des moyens supplémentaires. C'est la parente pauvre
au du système hospitalier. Le témoignage que vous
trouverez en fin de page illustre bien la dérive du
système économique qui pousse le praticien
à se faire une clientèle. Plus que de s'engager
à refonder une pratique quelque peu vieillote
d'hygiènisme mental, faute d'en faire un service public
digne de notre république. L'on remarque une progression
inquiétante de troubles névrotiques en crises
psychotiques chez les jeunes mineurs délinquants et dans la
cadre des pratiques toxicomanes multiples. Sans omettre un nombre de
suicides très préoccupant chez les moins de
dix-huit ans. Sans oublier les cas d'anorexie ou de boulimie de plus en
plus pris en charge par l'espace hospitalier et qui demandent aussi des
soins propres. Il est à
craindre
que
dans cette histoire les sciences cognitives et comportementales ne
l'emportent sur l'analyse de la vie des patients. La menace est
sérieuse pour ne pas être prise pour une question
d'évolution normale des sciences. Il en va comme
pratiquement de l'ensemble des disciplines médicales de
limiter la place du malade à un organe. Ici c'est le
cerveau, certes ce domaine de recherche à sa place, mais
attention nous entrons dans une logique trompeuse et hors sujet, si
l'on ne situe pas le patient, à la fois comme
entité biologique et psychique, nous serions face
à un danger totalitaire certain. Qui d'autre à pu mettre le doigt sur
les deux pathologies en présence "les névroses et
les psychoses",
si
ce n'est la pensée freudienne ! Se serait
réduire à néant la pensée
psychanalytique et limiterait l'étendue de ses
découvertes, si l'on gommait d'un trait de plume son apport.
La psychiatrie est un domaine limité et ne sera jamais
qu'une spécialité médicale, et pas
"une pensée" comme l'envisageait Freud pour la psychanalyse.
C'est à dire une métapsychologie, un espace
conceptuel bien plus conséquent que la
métaphysique en philosophie. Que peut-on attendre d'un lieu
ouvert ou transversale pour la maladie mentale ? Si ce n'est qu'il soit
adapté aux besoins actuels et réponde
à des enjeux publics majeurs mais sous estimés. Le pré-carré
psychiatrique s'il advenait en France à se fossiliser témoignerait
d'un recul patent. Celui-ci serait politique et morale, car
derrière l'enfermement se profile la question
de notre liberté. Certaines avancés scientifiques
préfigurent pas toujours du meilleur. Si l'on prend
l'individu pour moteur, les sciences cognitives répondent
très partiellement à la nature de
l'économie de l'Homme. On répare certains maux de
la vie, mais on n'apprend pas à s'en libérer, de
plus l'économie du médicament et sa panoplie de
psychotropes, neuroleptiques en tout genre vise à rendre
conforme. Et nous entrons de plein pied dans ce que Roland Jaccard,
essayiste et journaliste, décrivit comme "une
humanité éteinte" (in "l'exil
intérieur").
LM, année 2002
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Pour
ou contre
la psychiatrie | |
Faire un pour ou contre
est un contexte ardu, il ne sert à rien de diaboliser un
espace qui doit s'adapter à certains maux nouveaux. Nous n'en sommes plus
aux pages sombres de son histoire, mais bien à une
étape nouvelle. Son poids universitaire est
indéniable et parfois omnipotent, mais ce corps
médical supporte à lui seul un domaine : la
maladie mentale. Elle demande une réponse propre et les
espaces de soins ne se concentrent pas qu'au sein des
hôpitaux. C'est aussi souvent au sein de petites structures
que l'on recense des psychiatres au service des sans domiciles,
d'enfants psychotiques, etc... C'est aussi dans ces centres d'accueils
thérapeutiques que les demandes explosent
littéralement. Les familles le plus souvent sont
refusées faute de places suffisantes, ou bien sont en liste
d'attente. Un enfant psychotique cela peut attendre et c'est bien
connu... d'autant plus que si l'on ne sait pas après 21 ans
que faire de la personne ? Toujours dans notre logique du
carcéral, la psychiatrie est certainement un outil plus
adapté que ne l'est la prison pour aider certaines
souffrances. Aujourd'hui
la prison absorbe pour beaucoup des personnes atteintes par des
symptômes pathologiques. Qui surviennent le plus souvent dans
le cadre de l'enfermement. Cela mériterait une autre prise
en charge, un gardien de prison ne dispose d'aucune formation
médicale. Il va de soit que ce n'est pas au
système pénitencier de supporter des
dysfonctionnement mentaux. Ils font appels à des
thérapeutiques complexes, et paradoxalement ce sont les
prisons qui supportent des missions sans en avoir la
compétence. Sauf à souligner que dans les
établissements réservés aux mineurs,
90 pour cent des jeunes reclus prennent des psychotropes sans
accompagnement psychologique véritable. Que dire, que croire d'un système
qui est loin d'avoir réponse à tout et risque au
fil des ans de devenir un système relativement
désuet et un peu trop normatif ? Il est à
remarquer comme bon nombre de professions médicales que les
psychiatres deviennent rares dans le public et le monde associatif. Il
peut-être temps d'ouvrir un débat public et
permettre d'assouplir cet univers et le rendre moins opaque. Il en va
de la qualité des différentes institutions
citées, c'est à dire de mieux en
délimiter les espaces et les interventions qui
relèvent de l'aide aux personnes souffrantes.
Quand l'Organisation Mondiale de la
Santé délivre un avis ce sujet, elle pose d'abord
une nosographie répondant au doux nom de DSM-4. On ne se pose pas la
question de savoir si la question de l'Homme répond bien
à un universalisme et qui bien malin peut
répondre à savoir si l'humanité est
indivisible ou pas ? Alors on saucissonne, au vue d'une morale
dominante, celle des marchés le plus souvent. Ou sinon
à partir d'un système ou l'on parle plus de
l'humain, mais de la seule une mécanique implacable
prévaut. En un objectif inavoué, faire
entrée le malade potentiel dans une case, au sein d'un
article codifié. Vous êtes par exemple un
"maniaco-dépressif", bipolaire pour reprendre la
terminologie du moment, et tout est dit et entendu, sauf le sujet le
plus souvent. Nous pouvons avoir plus
que des doutes à l'égard de ces psychiatres
médiatisés qui cherchent à s'assurer
une bonne rente littéraire et une clientèle. Cela va à
l'encontre de l'éthique médicale et participe au
désordre actuel et à la confusion. La
médicalisation des symptômes neurologiques est
devenue un marché financier non négligeable, elle
participe à la course un peu folle de la globalisation
marchande. S'affrontent des intérêts financiers
colossaux, mais les psychiatres français ne sont pas les
premiers fournisseurs de psychotropes, bien au contraire. Ce qui prouve
que la psychanalyse en tant que postulat a fortement
influencé le monde psychiatrique. Il y a beaucoup
à faire pour qu'un grand service public de santé
mentale puisse agir en rapport avec les besoins actuels. Certains
besoins confinent à l'urgence depuis trop longtemps. Le débat que nous avons connu sur
les prisons a permis une prise de conscience. Le monde psychiatrique
a probablement besoin de redéfinir son action, ses espaces
d'interventions, de sortir d'un moule ou le mot folie fait peur
à grand nombre. "La folie" on ne sait pas trop à
quoi cela peut correspondre ? Ce que l'on sait, c'est qu'il existe une
demande sociale en France, elle fait lourdement défaut. Nous
sommes encore un peu trop dans des schémas de
société ou "le fou" est par trop absent de la vie
quotidienne et cela ne peut qu'être dommageable. Parce que ne
pouvant modifier notre regard sur ce qui reste pour bonne part un
silence pesant concernant des femmes et des hommes nous ressemblant
pour beaucoup. Leurs torts est simplement d'éveiller en nous
des angoisses, dommage une profondeur nous échappe. Psychanalyse oblige, il importe de
dénicher le non-dit et de refuser un "tout
médical" sans accompagnement par la parole. Un médecin
généraliste consacre en sept ans
d'études environ 30 heures aux questions psychologiques.
L'ennui, c'est que la notion de prévention est quasiment
absente hors pathologie corporelle. Quand quelqu'un fait d'une cause
physiologique écran d'une cause psychique, la
généralité ne sert pas à
grand chose. Plus encore, le médecin spécialiste
et c'est fort regrettable. Cela éviterait probablement des
dépenses médicamenteuses à notre
collectivité. Si l'on a pu longtemps mettre à
l'index la psychiatrie, n'est-ce pas aujourd'hui notre
système médical tout entier qui est en crise ? Ne serait-ce trop
demander que de vouloir une médecine qui soigne aussi bien
le corps - et elle le fait remarquablement bien - et savoir
écouter des maux qui en cachent d'autres ? C'est une autre
affaire. Tel est l'enjeu peut-on penser d'une meilleure diffusion de la
pensée psychanalytique, si l'on considère comme
important de ne pas dissocier l'esprit du corps. Il s'agit surtout
d'une approche nouvelle des patients, c'est-à-dire une autre
écoute. LM,
note de 2002
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Point de vue
d'un
psychiatre-psychanalyste | |
La position
française demeure originale : nous avons toujours une
propension à vouloir donner des leçons au monde
entier depuis Clérambault, Janet, Deniker, l'organodynamisme
de Henri Ey et la nouvelle psychanalyse de Jacques Lacan. Ainsi
à propos de ce dernier a-t-on évoqué,
dans le monde psychanalytique, le "French Freud" ou une certaine
conception française de la psychanalyse.
- Mais nous n'avons malheureusement plus les
moyens de nos rêves de grandeur. Nous avons conservé une conception
sociale et républicaine de la psychiatrie: des soins pour
tous au travers de l'expérience dite du "secteur" qui est un
maillage serré de la population française afin
que les psychotiques, riches ou pauvres, soient tous pris en charge.
Les hôpitaux psychiatriques ferment
et pratiquent l'extra-hospitalier. Ils procèdent
dans le même temps à l'expulsion
prématurée des psychotiques lourds parfois
qualifiée "d'externement" systématique. Le
"secteur psychiatrique" qui autrefois paraissait le lieu principal de
la réflexion épistémologique
s'étiole désormais.
-
Les
jeunes psychiatres qui jadis s'intéressaient, pour 50
à 60% d'entre eux, à la psychanalyse se
consacrent désormais à la pharmacologie ou aux
thérapies cognitives. La psychiatrie dans son ensemble s'embarque
dans la décennie du cerveau. Malgré notre foncier
désir d'originalité française nous
sommes désormais sous le primat du DSM-4 et de la
psychiatrie a-théorique et syndromique, creusant ainsi
l'écart entre les générations de
psychiatres. L'ancien monde psychiatrique en France est tout
à la fois théorique, nosologique et
psychanalytique alors que le nouveau monde est a-théorique
et syndromique.
-
- La
qualité de l'enseignement donné aux jeunes
psychiatres n'a pas beaucoup évolué.
Les enseignants officiels des Cliniques Universitaires donnent un
enseignement primaire tout juste utile à de jeunes
étudiants en médecine de deuxième
année tandis que des séminaires de
qualité se produisent en dehors des circuits officiels. Le
rôle des infirmiers psychiatriques depuis la circulaire de
1990 est devenu majeur: ils font l'accueil des patients. Est-ce un bien
ou plutôt une régression? La loi des internements de juin 1838, connue dans le monde
entier, a été abolie et remplacée par
celle de 1990 qui s'avère inapplicable.
Il
y a d'autre part en France une quantité énorme,
excessive de psychiatres, environ 12.000, dont
8.000 sont mixtes, chiffre le plus important parmi les pays
économiquement avancés alors que dans le
même temps il manque des psychiatres qualifiés
(4.800/12.000) dans les hôpitaux publics. Nos caisses
d'Assurance Maladie traversent une crise très grave. Enfin, ceci expliquant
cela, l'accès aux études psychiatriques a
été frappé d'un numerus clausus de
fait depuis une quinzaine d'années. Source
: Docteur psychiatre-psychanalyste, Ludwig
FINELTAIN - Année 2002 |
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Michel Foucault,
Psychiatrie et
médecine | |
«Ce qui
m'intéresse,c'est la manière dont la connaissance
est liée aux formes institutionnelles, aux formes sociales
et politiques - en somme : l'analyse des relations entre le savoir et le
pouvoir». M.Foucault,
Folie une question de pouvoir Dits et Ecrits (Volume II)
L'oeuvre de Michel Foucault, si
on ne l'envisageait que de manière superficielle, pourrait
apparaître comme celle d'un véritable historien,
terminologie qu'il a pourtant toujours refusée .Si
l'Histoire, au sens classique du terme, suppose à la fois
continuité et intelligibilité, l'Histoire telle
que la pratique Foucault est, elle, au contraire, faite de ruptures, de
discontinuités. A l'Histoire, Foucault a d'abord
préféré la notion d' «
archéologie », qu'il définit
lui-même comme l'analyse de la somme des discours
effectivement prononcés. L'enquête
archéologique, telle que la mènera Foucault au
début de sa carrière, ne sera donc pas l'histoire
de telle ou telle discipline, l'articulation de tel
événement avec tel autre. Elle sera d'abord
l'analyse des conditions de possibilités d'un discours
particulier:
Foucault veut, en quelque sorte, saisir le moment
où une culture s'affranchit de ce qui la constituait
jusque-là et se met à penser autrement. Michel
Foucault a posé, en outre, des questions sur le
présent, notre présent. Foucault a ainsi mis au
point une méthode «
généalogique » qu'il applique en
écrivant ce qu'il nomme lui-même une «
histoire du présent » ,au sens finalement assez
proche de celui que lui donne Friedrich Nietzsche,en rupture avec la
philosophie traditionnelle plutôt tournée vers
l'éternité: « Je me
considère comme un journaliste dans la mesure où
ce qui m'intéresse c'est l'actualité ,ce qui se
passe autour de nous,ce que nous sommes,ce qui arrive dans le monde
» (1).
A d'autres occasions, d'ailleurs,
Foucault prendra le contre-pied de la plupart des objets communs de la
philosophie (par exemple il étudiera la folie quand la
philosophie s'attache à définir la raison).A la
différence de l'archéologue, le
généalogiste admet les
intérêts polémiques qui motivent et
constituent l'étude de l'émergence du pouvoir
dans la société moderne. La
généalogie retrace donc le mouvement d'apparition
et le développement des institutions sociales et
repère les techniques et les disciplines des sciences
humaines qui permettront d'asseoir certaines pratiques sociales. Depuis
la publication de Maladie Mentale et personnalité, en 1954,
jusqu'à sa mort, trente ans après, Foucault a
écrit sur des sujets tels que la folie, la maladie, le
crime, les discours, la sexualité.
Toute cette
diversité de thèmes et d'objets
présente une nouvelle façon de mettre en question
la modernité dont nous sommes héritiers. En
jouant à la fois le rôle d'historien, de
sociologue et de philosophe, il nous a légué une
pensée qui demeure une référence
essentielle pour toute la réflexion sur
l'actualité. À côté de ses
principales oeuvres, L'Histoire de la folie (1961), Naissance de la
clinique (1963), Les Mots et les choses (1966), Surveiller et punir
(1975), des trois volumes de L'Histoire de la sexualité
(1976 et 1984) et de ses cours au Collège de France
(1970-1984), un vaste ensemble de conférences, entretiens et
articles nous offre de véritables « instruments
à penser » et continue à susciter de
nombreuses questions sur les thèmes des relations de
pouvoir, de la formation des savoirs et des formes de la
subjectivité au présent. Son
inventivité conceptuelle, qui nous a donné les
notions de dispositifs, de tactique de pouvoir, de la
gouvernementalité, permet encore aujourd'hui d'entretenir
une problématisation permanente de notre vie et de notre
société.
Foucault est
né d'un père anatomiste et d'une mère
elle-même fille de chirurgien. Etait-ce
déjà un signe prémonitoire de
l'intérêt quasi permanent qu'il allait porter
à la médecine ? Foucault s'est en tout cas
très tôt intéressé au
domaine médical. Il raconte même qu'il
était « très tenté,
fasciné même par les études
médicales »(2).Devant toutes les analyses et
discussions réalisées autour de ce
thème, il apparaît que l'existence de plusieurs
images de la médecine se dessine chez Foucault. Ces images
ne peuvent pas être rapportées à une
considération générale sur la valeur
ou la vérité de la médecine en tant
que savoir unifié. Au contraire, elles sont le
résultat de différentes manières de
repérer quelques aspects de cet ensemble mêlant
savoirs, pratiques et institutions .La considération de ces
analyses de Foucault sur les savoirs et les pratiques
médicales s'accompagne d'un effort de
déchiffrement des implications entre les formations de
savoir, les exercices de pouvoir et les différentes formes
de production de la subjectivité.
Dans
Naissance de la clinique (1963), par exemple, Foucault essaie
d'écrire une histoire de la médecine
différente de son histoire traditionnelle, dans laquelle la
naissance de la science serait le résultat de la clinique
moderne et cette clinique, à son tour, serait le produit des
progrès successifs de la science médicale. Pour
les historiens de la médecine, il s'agit, selon ce
modèle progressiste de l'histoire, de revenir aux moments
fondamentaux du progrès du savoir médical en
montrant son évolution. Pour Foucault, en contrepartie, il
s'agit de montrer que le regard clinique, qui est au fondement de la
médecine moderne, n'est pas le résultat du
progrès ou de l'évolution du savoir
médical, mais qu'il a le sens même d'une invention
historique. Les réflexions de Foucault sur les conditions
d'apparition de la médecine clinique à la fin du
XVIII éme siècle montrent comment cette
médecine a été possible,
étant donné la conjonction de plusieurs
éléments extérieurs (comme les
épidémies à la fin du XVIII
éme siècle en Europe) et de situations politico
institutionnelles précises (comme l'absence d'un
modèle d'assistance qui puisse répondre
à cette nouvelle réalité). On voit
s'organiser un nouvel espace, la clinique moderne, qui
réunit l'observation, la pratique et l'apprentissage, chaque
domaine médical spécifique répondant
à cette situation spécifique.
Dans
l'approche propre à Foucault se trouve une
réflexion sur le statut
épistémologique de la médecine et une
critique de son histoire traditionnelle. Les
caractéristiques de la pensée de Foucault
intègrent une analyse de la formation d'un savoir et d'un
pouvoir de normalisation. Une fois fondée sur un partage
essentiel entre le normal et l'anormal, l'étude de Foucault
échappe à une explication classique,
traditionnelle d'une théorie de la souveraineté.
Ainsi, chez Foucault, il ne s'agira pas de poser des questions sur le
pouvoir en partant d'un modèle juridique qui partage le
légitime et l'illégitime, mais plutôt
de poser ce thème à partir des notions de
stratégies, de mécanismes et de relations de
pouvoirs.
Le pouvoir de normalisation n'oblige ni n'interdit qui ou
quoi que ce soit, il ne définit pas les termes de l'ordre et
du désordre, mais il incite à la production des
actes, des gestes et des discours selon un critère de
normalité. C'est justement pour bien comprendre cette
idée d'un modèle de normalité que le
partage entre le normal et l'anormal (par laquelle s'est
structurée la pensée médicale) est une
référence fondamentale. Ces recherches, autour
d'un pouvoir de normalisation, trouvent une nouvelle
résonance à l'idée
développée par Foucault d'une technologie de
pouvoir centrée sur la vie : le bio-pouvoir. Et dans ce
passage d'une analyse de la normalisation disciplinaire au biopouvoir,
la référence à la pensée
médicale a aussi une place importante.
Dans
les conférences prononcées à Rio de
Janeiro, au mois d'octobre 1974, Foucault va aborder les
stratégies et les politiques autour des systèmes
contemporains de santé, en étudiant l'apparition
de la médecine sociale au XVIII ème et au XIX
ème siècle. À partir de cette
discussion sur l'apparition de la médecine sociale, les
conférences de Rio annoncent déjà une
série de nouvelles analyses (en continuité avec
celles des disciplines des corps) sur le sexe, l'espèce et
la race. Dans les cours au Collège de France de 1975 (Les
Anormaux) et de 1976 (Il faut défendre la
société) ainsi que dans La Volonté de
savoir, et les Dits et écrits, les approches sur la
pensée et les pratiques médicales permettent
à Foucault de déplacer l'idée de
normalisation des limites précises des corps et des espaces
individuels au champ amplifié des populations et de leurs
processus vitaux.
La bio-politique met en relation les
mécanismes de pouvoir/savoir et les
phénomènes liés à la vie.
La gestion de ces phénomènes est la marque de ce
bio-pouvoir où s'intègrent les
mécanismes de la normalisation et les systèmes
plus généraux de la souveraineté. Dans
ce sens, les processus de médicalisation des comportements,
des conduites et des désirs, étayés
par la supposition de la neutralité d'un discours tenu comme
scientifique par excellence, sont au croisement de la normalisation et
la gestion de la vie. C'est à travers ces
différentes approches que l'on mesure la façon
dont Foucault conserve, mais surtout infléchit et replace
dans une nouvelle perspective ses analyses sur la médecine.
Enfin, une autre image de la médecine est
proposée par Foucault dans ses derniers ouvrages
où l'étude des thèmes des pratiques et
du gouvernement de soi présente une nouvelle perspective
pour penser aux implications entre pouvoir, savoir et
subjectivité.
Dans L'Usage des
plaisirs, Le Souci de soi et les cours au Collège de France
du 1981 à 1984, les références
à la médecine ancienne renvoient aux arts de
vivre et aux pratiques du souci. Dans l'Antiquité, des arts
de l'existence impliquent un régime et la
médecine a été un lieu de
réflexion sur les régimes qui
intègrent les pratiques de soi. Il semble, enfin, que ce
repérage des différentes images de la
médecine chez Foucault exemplifie quelques-unes des
questions fondamentales dont sa philosophie est porteuse. A travers ces
divers questionnements, il apparaît que sa pensée
ne cesse jamais de s'élaborer. On le voit, l'objet
médical est transversal à tous les
écrits de Foucault. D'une part, il n'y a pas, à
l'intérieur de son oeuvre, une seule pensée
médicale mais une pluralité, le philosophe
s'étant intéressé à des
aspects bien différents de la médecine.
D'autre
part, la pratique de la médecine n'est pas
intéressante pour elle-même, elle se situe
plutôt à l'intérieur d'un immense champ
discursif. Nous constaterons également que
l'étude de la médecine par Foucault permet de
nous interroger sur la méthode employée par le
philosophe pour sa recherche de sources, d'archives et de documents :
elle révèle avant tout leur nombre
(conséquent), leur diversité et leur
étendue. Foucault s'est aventuré ,et c'est ce qui
fait aussi son originalité, dans un domaine qui
n'était que très peu étudié
par des non médecins ,des non praticiens .L'ensemble des
écrits étudiés montre ainsi la
démarche historienne de Foucault ,une démarche
qui aura marqué la profession :ses concepts de
médicalisation ou de bio-politique ayant
participé à un vaste ensemble de
ré-interrogations sur cet « objet
médecine ».
Michel Foucault est le philosophe
français qui a le plus influencé ce domaine
très particulier de la médecine qu'est la
psychiatrie, bien qu'il n'y eut que très peu de
débats réels entre lui et la profession
psychiatrique. On ne sait même pas vraiment si des rencontres
ont eu lieu entre Foucault et les psychiatres. Alors qu'il est encore
étudiant, il évite toute rencontre
médicale et fuit la psychanalyse. Son livre , Histoire de la
folie à l'âge classique, qui paraît en
1961, est le premier contact « réflexif
» avec l'institution psychiatrique, contact qui ensuite est
brisé de manière très nette durant un
long moment, jusqu'à ses réflexions du milieu des
années 1970. Un regard différent, nouveau sur le
sujet, permet de mieux formaliser les notions de pouvoir, de
discipline, de tactique, soit tout un ensemble de termes nouveaux qui
constitue un champ d'investigations et de réflexions
inédit. Ce dernier va dépasser toute
théorisation sur le discours : C'est plutôt aux
pratiques qu'il va désormais s'attacher, aussi bien
discursives que non discursives.
Le terme
« psychiatrie »a été
inventé par le médecin allemand Reil en 1803 et
n'est apparu en France qu'en 1809,mais ce n'est qu'en 1860 qu'il
remplace ,dans le langage médical français, le
terme d'aliénisme ,dont on peut faire remonter l'origine
à Pinel. Il est clair, néanmoins que l'objet de
la psychiatrie, c'est à dire ce que nous appellerons la
folie, les troubles psychiques, a fait l'objet de nombreuses
spéculations dès le début de
l'histoire humaine. Comme le souligne Jackie.Pigeaud dans le
Dictionnaire de la pensée médicale de Dominique
Lecourt, « la folie est de tout temps » : il y a
toujours eu des traitements de la folie. C'est d'ailleurs ce que
Foucault a voulu montrer à travers Histoire de la folie
à l'âge classique. Il constate toutefois que la
médicalisation de la folie est assez récente et
que cette expérience a apporté un regard sur le
fou totalement différent de celui que l'on portait
à des époques plus
éloignées.
On considère à
partir de la fin du XVIII éme siècle, la folie
comme une maladie mentale. Cette démarche
médicale consiste en un traitement moral de la folie qui
repose d'une part sur un repérage et à un
classement nosologique de symptômes ,d'autre part sur un
traitement ,le placement du malade dans des établissements
spécialisés, les asiles. La psychiatrie fut la
discipline médicale la plus sujette à la
réflexion de Foucault, et ce dès Histoire de la
folie à l'âge classique .Il semblerait, en tout
cas, au regard de l'oeuvre a posteriori, que ce livre laissait la porte
ouverte à un autre genre d'étude, à
une réévaluation de la psychiatrie sous un aspect
différent avec d'autres moyens et d'autres outils. Les cours
donnés au Collège de France sur le pouvoir
psychiatrique entre 1973 et 1974 vont ainsi permettre à
Foucault d'appréhender la médecine mentale par un
biais totalement nouveau. Il déplace l'enjeu d'Histoire de
la folie à l'âge classique en adaptant la question
psychiatrique au contexte de l'époque, les années
1970, où les questions portant sur le pouvoir -questions
ancrées dans la modernité- ont
remplacé le questionnement de la possibilité ou
non pour la discipline d'atteindre une forme de «
scientificité ».
Il nous a
semblé que Foucault a envisagé la
médecine et la psychiatrie sous plusieurs angles,
à la lumière de termes, de concepts et d'outils
d'analyses à chaque fois différents : Nous en
avons dégagé trois : En premier lieu le savoir
médical et le savoir psychiatrique par rapport aux discours.
Nous nous demanderons ici comment Foucault a su dégager les
processus d'émergence de disciplines comme la clinique ou
encore la psychologie grâce notamment à la
méthode archéologique. Ensuite, nous poursuivrons
notre étude avec l'analyse de l'institution
médicale et psychiatrique chez Foucault, en nous
interrogeant notamment sur sa vision de la médecine sociale,
de la médicalisation d'une part et sur son histoire de
l'asile dans Histoire de la folie d'autre part. Enfin, dans la
continuité de ce dernier point, nous nous interrogerons,
dans un troisième temps, sur la manière dont
Foucault réinterroge « l'objet psychiatrie
» quelques années après
son ouvrage de
1961 ainsi que les nombreuses remises en questions dont ce dernier a
fait l'objet.
C'est ce cheminement, somme
toute assez particulier, entre savoirs et pouvoirs, qu'il nous est paru
intéressant d'étudier, à travers ses
contradictions, mais aussi une certaine forme de cohérence.
Notes
:
1 - Michel Foucault, « Le monde est un
grand asile » in Dits et Ecrits vol I et II, Quatro
Gallimard, Paris, 1994, p.1302.
2 - Michel
Foucault « Le pouvoir une bête magnifique
», entretien avec M.Osirio in Dits et écrits vol
III, Gallimard, Paris, 1994, p.369.
Source : Mémoire de David
Labreure (Introduction) Université Paris 1
(Panthéon Sorbonne), sous la direction de Mr
Jean-François Braunstein - Année 2004 |
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