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La résilience ?

Sommaire de la page :


- Présentation
- Le concept et ses implications - cours manuscrit
- Les définitions : "Arc en ciel ou brouillard de sens"
- Création et résilience
- Notes complémentaires et bibliographie
- "L’implication dans l’action éducative" au Brésil



Présentation

La résilience, Ce terme est aujourd'hui le segment de nombreuses recherches et il importe de mieux transmettre cette notion "psy" et ses concepts scientifiques auprès de tous! Dans la présente page, la résilience est abordée sous différentes coutures avec principalement ses liens avec l'action culturelle et éducative. Comment des professionnels face aux difficultés sociales les plus lourdes doivent aussi faire face à des jeunes dont le potentiel est rarement pris en compte. S'il faut rester à distance d'un concept encore trop évasif sur ses implications prétendument étendues, nous avons pourtant des exemples ou des pistes à suivre. Cette "résilience" a plus les traits d'un ensemble collectif, que celui d'un cheminement personnel.
Notes de LM, année 2007

Vous trouverez une série d'émissions sur France Culture avec le professeur Cyrulnik, dont en lien une spécifique sur le concept de résilience et l'espoir du 18/06/2021.

"La résilience est le concept qui conduit Boris Cyrulnik à toucher un très large public par le biais de nombreux ouvrages. Il observe avec recul aujourd’hui la pratique de la psychiatrie et fonde beaucoup d’espoirs dans la jeune génération de psychiatres.

Ce concept selon lequel il est possible de surmonter une expérience traumatique, rencontre un succès public majeur en France, mais aussi dans le monde. C’est parce que ce concept concerne l’épanouissement qu’il rencontre un aussi grand succès, succès qui ne va pas sans sa contrepartie : la résistance de certains professionnels."

Le concept de résilience est entré dans la culture à une vitesse stupéfiante. (...) La résilience concerne l’épanouissement. Les gens qui haïssent ce concept font un contre-sens. B.C

Source : A voix nue par Antoine Beauchamps. Une série d'entretiens réalisée par Luc-Jean Reynaud. Prise de son : Yann Fressy.




Le concept de résilience



Cours manuscrit de Psychologie et santé

I)  Qu’est ce que la résilience ?

               
1) Origine du concept

 
(...) En psychologie, on appelle « résilience » la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité.
 
Le concept a été découvert en 1982 par Emmy Werner. Cette psychologue américaine a suivi à Hawaï 700 enfants sans famille, sans école, vivant dans la rue et victimes d’agressions physiques ou sexuelles. Trente ans plus tard, la plupart d’entre eux étaient devenus des adultes détruits psychiquement. Cependant, 28% avaient réussis à apprendre un métier, fonder une famille, et ne souffraient pas de troubles psychiques majeurs. Elle en conclut que certains enfants avaient une capacité particulière à surmonter les traumatismes de la vie pour s’en sortir, et appela ces enfants des « résilients ».
 
En France, c’est Boris Cyrulnik, psychiatre, neurologue et éthologue français ; né à Bordeaux en 1937, qui va développer le concept et surtout le faire connaître auprès du grand public. Pour lui, la résilience est un véritable « antidestin ». Boris Cyrulnik pense que les pires épreuves sont surmontables, que la guérison est toujours possible, et que nul n’est condamné au malheur. La résilience est pour lui « ce processus complexe par lequel les blessés de la vie peuvent déjouer tous les pronostics ».

Lorsque l’on découvre l’histoire de ce psychiatre, on peut se demander si son histoire personnelle n’a pas influencé son intérêt pour ce concept :

Né dans une famille juive, son père est ébéniste puis s’engage dans la légion. Durant l'Occupation, ses parents le confient à une pension pour lui éviter d'être arrêté par les Allemands, cette pension le placera ensuite à l'Assistance publique. Il y est récupéré par une institutrice bordelaise, Marguerite Farge, qui le cache chez elle. Mais au cours d'une rafle, il est trouvé et regroupé avec d'autres Juifs, dont beaucoup d'enfants, à la synagogue de Bordeaux.

Il parvient alors à se cacher dans les toilettes et évite ainsi le sort des autres raflés, emmenés vers la gare Saint-Jean pour y être déportés. En se faufilant hors de la synagogue, une infirmière le cache dans une camionnette (qu'il prend alors pour une ambulance). Il sera ensuite pris en charge et caché par un réseau, puis placé comme garçon de ferme, sous le nom de Jean Laborde, jusqu'à la Libération. Il est ensuite recueilli à Paris par une tante qui l’élève. Ses parents, eux, mourront en déportation. C’est au cours de cette expérience personnelle traumatisante qu’il décidera de devenir psychiatre.
 
2) Définition :
 
« La résilience est la capacité d’une personne ou d’un groupe à se développer bien, à continuer à se projeter dans l’avenir en dépit d’évènements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes parfois sévères » (M. Manciaux et coll., 2001, p17).
 
                      
II) Comment devient-on résilient ?
 
1) Le traumatisme


Pour Boris Cyrulnik, c’est à partir du moment ou la personne subit un traumatisme qu’elle va tenter de le surmonter et mettre en place un processus de résilience.
 Le traumatisme est donc l’agent de la résilience.
 
Rappelons que pour la psychanalyse, « le traumatisme est un évènement de la vie du sujet qui se définit par son intensité, l’incapacité ou se trouve le sujet d’y répondre adéquatement, le bouleversement et les effets durables qu’il provoque dans l’organisation psychique » (J.Laplanche et J.-B. Pontalis, 1967)

Cette définition, tout en mettant en évidence l’origine interne et externe du traumatisme, montre que celui-ci est avant tout psychique, puisque ce n’est pas l’évènement en lui-même qui est traumatique , mais plutôt l’incapacité qu’à le sujet d’y faire face. (Ex. : Différentes réactions après l’explosion d’une bombe dans le RER B St-Michel)
 
Pour Boris Cyrulnik, il ne peut y avoir traumatisme que si ‘il y’a une « effraction » qui provoque la déchirure de la bulle protectrice de l’enfant, si bien que celui-ci ne parvient pas à comprendre ce qui lui arrive. Son monde se désorganise et devient confus.

L’auteur utilise la métaphore du chemin pour illustrer cette idée : « le chemin de l’homme normal n’est pas dépourvu d’épreuves : il se cogne aux cailloux, s’égratigne aux ronces, il hésite aux passages dangereux et, finalement, chemine quand même ! Le chemin du traumatisé, lui, est brisé. Il y’a un trou, un effondrement qui mène au précipice.

Quand le blessé s’arrête et revient sur son parcours, il se constitue prisonnier de son passé, fondamentaliste, vengeur ou soumis à la proximité du précipice. Le résilient, lui, après s’être arrêté, reprend un cheminement latéral. Il doit se frayer une nouvelle piste avec, dans sa mémoire, le bord du ravin. Le promeneur normal peut devenir créatif, alors que le résilient, lui, y est contraint ».
 
B. Cyrulnik montre que le développement que l’enfant parvient à rattraper après son traumatisme et qui témoigne d’un processus résilient, n’est jamais tout à fait identique à celui qu’il aurait dû poursuivre dans des conditions normales. En effet, c’est avec ce traumatisme que l’enfant aura à se développer. Ce traumatisme est inclus dans sa personnalité.
 
Il est à noter que les auteurs ayant travaillé sur la résilience se sont essentiellement centrés sur la guerre, le terrorisme, et les catastrophes naturelles. Rarement sur les traumatismes individuels.
 
2) Des dispositions personnelles
 
Aujourd’hui encore, la notion de résilience est difficile à cerner compte tenu de la diversité des recherches et des points de vue sur ce thème. Certains la conçoivent comme un trait de personnalité acquis et stable, d’autres comme un processus. Or la résilience n’est jamais acquise une fois pour toute. Elle ne correspond donc pas à un type de personnalité précis.
 
Les partisans de la psychologie clinique psychanalytique conçoivent la résilience comme un processus et ont cherché à déterminer les mécanismes permettant au sujet de surmonter son traumatisme.

Pour eux, la résilience s’effectue selon deux axes :
    
      - Un axe intrapsychique, qui concerne les capacités propres à chaque individu.
 
    - Un axe relationnel, qui concerne les liens que le sujet met en place avec son               environnement.

 
Ainsi, tout comme il existe chez certains individus des facteurs de vulnérabilité au traumatisme (caractéristiques sociodémographiques, troubles psychiques préexistants, traits de personnalité, antécédents familiaux, expériences de l'enfance…etc.), il existe un certain potentiel de résilience chez d’autres.
 
Wolin et Wolin (1999) puis le psychanalyste P. Bessoles (2001) ont ainsi retenu sept caractéristiques de personnalité susceptibles d’avoir un rôle protecteur face aux évènements difficiles :
 
                  - Perspicacité = capacité d’analyse, de repérage, de discrimination
                  - Indépendance = capacité à être seul, autonomisation
                  - Aptitude aux relations = facteur de socialisation
                  - Initiative = capacité d’élaboration et de représentation
                  - Créativité = capacité à créer des formations réactionnelles et substitutives
                  - Humour = sublimation
                  - Moralité = capacité à interroger les valeurs

 
Ces traits de personnalité sont considérés comme des facteurs de résilience mais ils ne suffisent pas à eux seuls à développer ce processus.
 
Le fonctionnement de la résilience se décompose en deux temps :

 
- 1er temps : Le temps du traumatisme : l’enfant résiste à la désorganisation psychique en mettant en place des mécanismes de défense qui vont lui permettre de s’adapter à la réalité frustrante.
 
- 2eme temps : Le temps de l’intégration du choc et de la réparation. Intégrer ne veut pas dire « effacer » mais « faire avec ». Après l’effraction du traumatisme, il y’a un rétablissement progressif des liens, puis une reconstruction à partir de l’adversité. Cela passe par la nécessité de donner un sens à sa blessure.

L’évolution de ce processus tend vers la résilience quand l’enfant a retrouvé sa capacité d’espérer. Il pourra alors s’inscrire dans un projet de vie, et des choix personnels. On voit bien que lorsque l’on parle de dispositions personnelles à intégrer un traumatisme, on fait appel à la notion de mécanismes de défenses adaptatifs.

3) Les facteurs extérieurs et environnementaux
 
Un enfant blessé semble avoir plus de chance de devenir résilient s’il est entouré et soutenu. Ainsi, de nombreux auteurs ont mis en évidence le rôle de l’environnement dans le processus de  résilience.

Ils considèrent que des relations précoces de bonne qualité seraient à la base de la construction de la résilience et se centrent alors sur la théorie de l’attachement. D’autres montrent l’importance de placer auprès de l’enfant des tuteurs de résilience.
 
                           
 - Le type d’attachement
 
B. Cyrulnik insiste sur le fait que la résilience se construit dans la relation avec autrui. C’est ce qu’il appelle « un tricotage de l’attachement ». Cela signifie que pour devenir résilient, l’enfant doit avoir connu, avant le « fracas » du traumatisme, une certaine stabilité affective.

Il reprend ainsi, l’idée exprimée auparavant par J. Bowlby, puis par Mary Ainsworth, sur le lien d’attachement.

Ces auteurs ont découvert que l’enfant dans les interactions avec sa mère, peut développer différents types d’attachement :

Sécurisant (65 %)
Ambivalents (10 %)
Evitant (20 %)
Désorganisés (5 %)


Selon le type de relation qu’il aura réussi à établir, l’enfant saura plus ou moins bien se reconstruire après une blessure de la vie. Les enfants ayant un type d’attachement sécurisant seront les plus aptes à être résilients.

- Les tuteurs de résilience

 
Les « tuteurs de résilience » ou « tuteurs de développement » sont des personnes qui, placée sur le chemin de l’enfant, vont le guider et le soutenir.Pour cela il faut que s’effectue « la rencontre » c'est-à-dire « le fait que l’enfant résilient ait pu croiser et accrocher un jour un adulte, ou au moins un aîné, qui lui a apporté de l’aide, de l’affection et de l’estime ».

Les « tuteurs de résilience » sont donc les personnes qui rendent possible la reprise d’un développement après que l’enfant ait subi un traumatisme.

Ces tuteurs peuvent être un parent, un enseignant, éducateur, psychologue…etc. Toute personne qui va croire en lui, stimuler son développement, lui permettre de reprendre confiance en lui et d’avoir un projet d’avenir.
                
III)  Les limites du concept de résilience
 
Nombreux sont les auteurs qui se montrent sceptiques face au concept de résilience. En effet, aujourd’hui encore, ses contours sont flous et sa définition reste superficielle.

Simple habillage commercial de concepts déjà connus pour certains (le processus de résilience peut recouper les notions de mécanismes de défenses et d’adaptation ou et coping et s’appuie sur le type d’attachement de l’enfant) ou glissement dangereux pour d’autres, comme le psychanalyste Serge Tisseron qui met en garde contre ce qu’il appelle « les pièges de la résilience ».

« La résilience, écrit-il, qui est en Amérique une vertu sociale associée à la réussite, est devenue en France une forme de richesse intérieure…»

Pour lui, une personne résiliente n'est pas libérée de ses souffrances, mais bien asservie aux mécanismes de refoulement et de compensation, aux schémas de comportement qui lui permirent, jadis, de survivre à un environnement hostile.

Le parcours personnel de Boris Cyrulnik illustre combien l'auteur d'un Merveilleux malheur a théorisé la notion de résilience à partir de son propre vécu refoulé, non reconnu comme tel. Bien qu'il se soit longtemps refusé à parler publiquement de son passé dramatique, Cyrulnik a fini par dévoiler, au fil des interviews, quelques éléments biographiques qui permettent de comprendre les stratégies d'adaptation qu'il a dû mettre en œuvre, enfant, pour survivre et échapper à la mort, et leurs liens avec certaines des idées qu'il défend aujourd'hui.

Privé de la sécurité la plus essentielle du fait de la folie des adultes, et pour ne pas sombrer lui-même dans cette folie, le jeune enfant dissocie sa terrible souffrance de sa pensée consciente en faisant rire son entourage, glanant ici ou là un regard compatissant. « Moi, on m'a aidé parce que je passais mon temps à faire le pitre » confiera Cyrulnik à un journaliste (Dans son ouvrage Les vilains petits canards), le psychiatre théorisera cette stratégie de survie en avançant notamment que certains enfants - « contraints à la métamorphose » - s'en sortent parce que privés de leurs parents, ils sauraient inspirer aux autres l'envie de les aider.

On a également mis en avant certains artistes présentés comme résilients parce qu’ils ont connus des traumatismes importants qu’ils ont sublimé dans leur art. Mais on ignore la réalité de leur souffrance, et de leur structuration psychique. En effet, être riche et célèbre est le signe d’une réussite sociale mais n’a jamais été un gage de bonne santé mentale.
 
IV) La résilience ou l’extension d’un concept « à succès »
 
Le concept de résilience a connu un tel succès qu’il a été étendu à plusieurs domaines :


En écologie, la résilience est la capacité d'un écosystème ou d'une espèce à récupérer un fonctionnement et/ ou un développement normal après avoir subi un traumatisme ; en économie, la résilience est la capacité à revenir sur la trajectoire de croissance après avoir encaissé un choc.

Dans le domaine de la gouvernance, de la gestion du risque et du social, la résilience communautaire associe les approches développées dans le cours en s'intéressant au groupe et au collectif plus qu'à l'individu isolé ;

En informatique, la résilience est la capacité d'un système ou d'une architecture réseau à continuer de fonctionner en cas de panne.

Dans l’armement et l’aérospatial, la résilience dénote le niveau de capacité d’un système embarqué à tolérance de panne, de pouvoir continuer de fonctionner en mode dégradé tout en évoluant dans un milieu hostile.

V) La résilience, reflet de notre époque?

 
Dans un article original, le psychologue Jean Garneau décrit les rouages sociétaires qui, selon lui, ont conduit au succès du concept de résilience.

Pour lui, nos sociétés occidentales étaient jusqu’à présent fondées sur un principe d’élimination du risque et de surprotection de ses individus. Mais depuis un certain 11 septembre (2001), notre vision du monde a progressivement changé et nous évoluons dans une société du « danger omniprésent ». Il suffit d’écouter un peu les médias pour s’en persuader.

Face à ce phénomène de société, la notion de résilience prend un sens nouveau et se trouve présentée comme une sorte de moyen de survie dans une société qui évolue vers la dangerosité et la menace du traumatisme. C’est ce qui expliquerait son succès actuel. (...)


Source : Blog IFSI -  année 2009




Brouillard ou arc-en-ciel de sens?    

     Dominique Collin   
   

À l'origine, en métallurgie, la résilience désigne une qualité des matériaux qui tient à la fois de l'élasticité et de la fragilité, et qui se manifeste par leur capacité à retrouver leur état initial à la suite d'un choc ou d'une pression continue. Le Robert ne retient qu'une de ces deux idées, celle de la résistance au choc, et définit la résilience comme le rapport, exprimé en joules par cm2, de l'énergie cinétique absorbée qui est nécessaire pour provoquer la rupture d'un métal à la surface de la section brisée.

Pour l'informaticien, il s'agit de cette qualité d'un système qui lui permet de continuer à fonctionner correctement en dépit de défauts d'un ou de plusieurs éléments constitutifs. L'anglais utilise le terme system resiliency, que l'on rend, selon le contexte, par tolérance aux failles, tolérance aux anomalies, insensibilité aux défaillances

Pour l'écologiste, la résilience exprime, d'une part la capacité de récupération ou de régénération d'un organisme ou d'une population, et d'autre part, l'aptitude d'un écosystème à se remettre plus ou moins vite d'une perturbation ­ la reconstitution d'une forêt après un incendie, par exemple. Pour les pisciculteurs, la résilience exprime une idée voisine, celle de la résistance naturelle d'une race de poissons en fonction de sa fécondité. On lui donne un sens voisin, mais déjà plus riche, dans le domaine de l'économie .

Dans les domaines de la médecine, de la psychologie et de la criminologie, iil est question de résilience en rapport avec la résistance physique, les phénomènes de guérison spontanée et de récupération soudaine. Le terme s'est imposé particulièrement dans le traitement d'enfants à risque dont on cherche à solidifier l'aptitude à rétablir leur équilibre émotionnel dans des situations de stress ou d'abus importants, par une meilleure compréhension du ressort psychologique.

Plus récemment, les expressions resilient business et resilient community, moins souvent utilisées en français, font leur apparition dans les publications américaines et canadiennes, lorsqu'il est question de mettre en évidence la capacité intrinsèque des entreprises, des organisations et des communautés à retrouver un état d'équilibre ­ soit leur état initial, soit un nouvel équilibre ­ qui leur permette de fonctionner après un désastre ou en présence d'un stress continu. Dans la même veine, on parlera de sociétés, d'ethnies, de langues ou de systèmes de croyances faisant preuve de résilience.

Notons d'abord que toutes ces utilisations nouvelles du mot résilience ont un fond de sens commun, qui, curieusement, marque une distance importante par rapport au sens premier du terme en métallurgie. Premièrement, pour ce qui est de l'objet que la qualité décrit: il est question de la résilience, non plus d'une matière inerte et simple, mais d'un tout ou d'un système complexe. La résilience se caractérise ensuite par une forme d'homéostasie qui permet aux systèmes de retrouver leurs conditions de départ ou de maintenir leurs fonctions initiales dans un environnement dynamique et changeant où interagissent un nombre important de forces, qui doivent être maintenues dans un équilibre plus ou moins fragile. La tolérance au stress fait apparaître des seuils, en deçà et au-delà desquels la structure se rompt ou éclate. Autre élargissement du sens: là où la métallurgie voit dans la résilience une résistance due à la nature même de la matière, il s'agit maintenant d'une réaction d'un système qui met en jeu des contre-forces tenues en réserve pour refaire l'équilibre brisé; forces qui modifient l'environnement de manière à préserver les conditions favorables au maintien des structures.

Mais au-delà de ces éléments: complexité, équilibre, seuils de tolérance au stress, ressources intérieures pour maintenir l'intégrité de la structure, on peut soupçonner des glissements. S'agit-il alors de raffinements progressifs dans le sens de la métaphore, selon qu'elle sert à décrire des systèmes mécaniques, vivants ou conscients et selon que, pour chacune de ces trois catégories, l'unité décrite est un individu (système constitué de parties multiples et différenciées, tel un phénotype), une espèce (système formé par le regroupement d'individus semblables, tel un génotype) ou une société (ensemble regroupant nombre d'espèces différentes ­ tel un écosystème)? Brouillard ou arc-en-ciel de sens?

Source : Attila passe, l'herbe repousse (année 2002)



Résilience
et
création...?


Peindre, écrire, parler ou jouer d'un instrument peuvent devenir des actes essentiels dans la valorisation de personnes, un peu, voire beaucoup bousculées par la vie. Ainsi elles peuvent trouver le chemin de leur propre désir en exprimant ce qui est constitutif en eux, et qui vaut d'être écouté, regardé et soutenu. Afin d'aider tout individu marginalisé - ou pas - à se construire dans l'imaginaire et le réel, pour faire face au quotdien de l'existence.

L'engouement pour les émissions fabriquant "des nouveaux artistes" est un facteur à ne pas négliger, les tremplins télévisuels vers le vedettariat font recettes et sont à la limite de l'aliénation mentale. Nous sommes loin de l'acte de création, l'on ne fait que produire, non pas une oeuvre mais un objet de consommation. L'on sait depuis les années 1930-1940, ce qui est advenu aux enfants «étoiles» de Hollywood, les dégâts intervenus au cours de l'existence adulte de ces personnes. Brooke Shield a connu en juin 2005 des échanges vifs avec un acteur US vaporeux (scientologue). Elle a tourné dès l'âge de 10 ou 11 ans (entre autres « La Petite » de Louis Malle), et à la fin de son adolescence, cette femme a connu de nombreuses crises dépressives et des problèmes de dépendance à l'alcool. Il semblerait qu'elle est encore besoin d'un traitement médical. En bref, un parcours de vie pas simple, ou plus clairement, détruit par le feux des projecteurs.

La pratique artistique est en soit assez lointaine de la question de devenir une star, il s'agit plutôt d'un travail sur le long terme. Très jeune on peut être passionné par tel ou tel exercice : danse, théâtre, mais cela demande à ne pas tomber dans les pièges de la lucarne et de son miroir aux alouettes. Surtout cela fait appel à des adultes responsables, qui ne confondent pas leur propre désir avec celui de leur enfant. Créer est d'une tout autre matière, avant toute oeuvre, il y a un temps d'apprentissage et de confrontation à la vie. Si l'on fait un peu attention, à qui a bien pu apporter aux différents arts de nouvelles pistes, l'on remarque que se sont souvent des personnes en marge. L'histoire de la création en France et de manière universelle à des figures qui donnent à réfléchir. Van Gog, Edgar Alan Poe, Camille Claudel, Antonin Artaud, Stephan Zweig, et de très nombreux autres artistes connus ou moins connus ont dû faire face à des problèmes mélancoliques.

Alfred Hitchcock dont on connaît l'humour et son intérêt pour la psychanalyse dans ses films, avait trouvé une raison ou la cause de son enclin pour les films policiers. Il avait vers l'âge de 7 ans connu une difficulté avec un policier britannique. Il en avait gardé une grande peur et possiblement un moteur pour construire la plus grande oeuvre cinématographique de tous les temps. Tous les créateurs ne sont pas tous des névrosés en puissance, mais tout à chacun est confronté à un parcours propre. La vie la plus insolite est certainement celle de Salvador Dali, peut-on deviner un jeune homme introverti ? certainement pas, mais ce qu'il fut. C'est vers l'âge de 25 ans qu'il décida d'être un génie et l'a été, et ce mystique sans limite le doit certainement à son papa anticlérical. La complexité humaine fait que l'on doit faire un peu le tri entre ce qui est conditionné et ce qui est propre à l'humain. Résilience ou pas, créons !

Créer n'est pas un acte anodin. C'est apprendre à savoir qui l'on est, et tout à chacun peut au long de son existence avoir une ou plusieurs pratiques artistiques. Sans pour cela en faire acte de notoriété, c'est avant tout une question d'enrichissement personnel. Et une grande source d'épanouissement individuel qui va au delà de l'illusoire de la mode ou des mimétismes télévisuels.

On ne naît pas artiste ou créateur. On le devient au travers de parcours de vie pas toujours simples. Le plus souvent parce que c'est, ou ça été un moyen de survivre, ou simplement d'exprimer ce qui en soit a pu trouver écho par ce seul et honorable acte de vie qu'est le travail de création. L'art est utile pour exprimer sa colère, ses doutes, notre rapport à la vie, à l'amour et à la mort sous toutes ses coutures.



 
Ces quelques poésies ci-après sont de Sonia O.

(une adolescente de 14 ans)
 

Mon Amour.

Les feuilles tombent. Comme ces larmes qui coulent.
Une petite brique d'amour pour moi.Toi qui m'a appris à t'aimer.

Apprends-moi à t'oublier.
Il m'a fallu une seconde pour t'aimer.

Mais il me faudra une éternité pour t'oublier.

La seule chose qui peut me faire sourire c'est l'espoir.

L'espoir que tu reviennes me voir.

Sonia O. Evry-Pyramides 2000

 




     

La dernière nuit

Après la dernière nuit passée,
Ensemble l'aube n'est pas réapparue.

Une lumière éblouissante c'est lointainement imposée,


Sur la Ville et le temps s'est arrêté de tourner à partir du moment ou mon coeur à cesser de battre pour toi.

Et si

Et si l'amour n'existait pas.
Existerais-tu... ?
Et si le temps s'arrêtait.
Mon coeur cesserait-il de se battre pour toi... ?
Et si je t'avais dis "je t'aime".
Me l'aurais-tu dis ? ...
Et si tout simplement "si" ??
 
Sans titre 1

Les hirondelles ont des ailes c'est pour voler.
Et moi j'ai un coeur c'est pour t'aimer.

Sans titre 2

Dès que je t'ai vu.
Tu m'as tout de suite plu.
Je pense toujours à toi.
Sans regretter à chaque fois que je te vois..

Sans titre 3

J'ai mis une seconde pour t'aimer.
Mais je mettrais une éternité pour t'oublier.

Sans titre 4

Tu es comme le feu, tu éclaires mon visage.
Et tous les jours mon amour inondait de page en page.
C'est un livre sans fin.
Ou tu es mon destin ou mon amour?


Notes de L.M - Année 2002




Notes complémentaires sur la résilience (année 2002)



Ces dernières années, on a publié beaucoup de textes sur la résilience, particulièrement en anglais, mais aussi de plus en plus dans d'autres langues. Étant donné la rapidité des développements sur le sujet, il vaut mieux donner des noms de chercheurs que des références d'ouvrages, à quelques exceptions près. Il existe les textes scientifiques, au sens classique, et les textes plus ou moins populaires.

Il y a également - mais cela reste rare - des textes qui essaient de jeter un pont entre la connaissance scientifique de la résilience et la pratique. Enfin, on découvre de plus en plus d'expériences pratiques qui démarrent sur le terrain, en Amérique latine, en Inde, à Taiwan, mais ces expériences ne sont pas forcément documentées ni analysées en détail.

En France, ce n'est que très récemment que la résilience est devenue un sujet de recherche et de discussion. Parmi les promoteurs, on trouve Boris Cyrulnik et Michel Manciaux. Davantage que dans les autres pays, la réflexion sur la résilience est marquée en France par les pédiatres et par les psychanalystes.

En Amérique latine, se développe une réflexion spécifique sur la résilience, en Argentine, au Brésil et au Chili notamment : on y a développé la notion de résilience communautaire.

Autre dossier sur la résilience et sources d'origines : http://agora.qc.ca/

Bibliographie sur la résilience :

Parmi les recherches fondamentales, il faut signaler celles de Emmy Werner, qui a suivi le développement d'enfants jusqu'à l'âge adulte (au-delà de 30 ans). Ces recherches gardent tout leur intérêt, même si elles ne sont pas très récentes. Selon certains scientifiques, la masse de recherches publiées depuis lors ajoute peu de chose à notre compréhension de la résilience.

Parmi les publications de l'auteure, nous citerons :

Emmy Werner & Ruth Smith, Overcoming the Odds. High Risk Children from Birth to Adulthoodª,Cornell University Press, Ithaca - London, 1992.
 
Ou un résumé qui reste fort intéressant : Emmy Werner, Children of the Garden Island,in: Scientific American, April 1989, pp 76 - 81
 
Celui qui cherche trouvera les noms de beaucoup d'autres chercheurs, comme par exemple: Antonovksy, Clarke & Clarke, Garbarino, Garmezy, Fonagy, Loesel, Rutter...
 
La fondation van Leer a publié un livre pratique sur la résilience, en anglais, rédigé par Edith Grotberg. Ce livre va de la recherche vers la pratique et possibilité de se le procurer auprès de : Bernard van Leer Foundation, PO Box 82334, NL - 2508 EH Den Haag, Nederland /Pays-Bas
 
Le Bice a publié un cahier sur la résilience, qui est sorti de la confrontation mutuelle de résultats, de recherches et d'expériences du terrain. Cette approche est très appréciée tant par les gens du terrain que par certains universitaires. Ce cahier a été publié par le Bice en anglais, en français, en espagnol (3 impressions).
 
Des traductions spontanées ont été faites en dehors du Bice en néerlandais, en italien, en catalan, en tamoul, en arabe, en chinois (mandarin), et des traductions sont planifiées ou en cours en portugais, en estonien, en thai, en swahili.
 
Référencé du cahier publié par le BICE : La résilience ou le réalisme de l'espérance - Blessé mais pas vaincu- Stefan Vanistendael - 3ème Édition (1998)






L’implication dans l’action éducative auprès des jeunes Brésiliens à risque

  Georgina Gonçalves -
doctorante à l’Université de Paris 8 sous la direction d'Alain Coulon


Introduction

Les politiques publiques, au Brésil, depuis que le pays a signé la Convention des Droits de l’Enfant, en 1990, n’ont pas beaucoup progressé. Le rapport de l’ONU divulgué en avril 2004, dit que nous n’avons accompli qu’un tiers des objectifs assumés pendant cette Convention: des 27 objectifs, le Brésil n’en a atteint que 9 et accompli, en partie, 11. L’éradication du travail infantile en est toujours au même stade, tout comme les soins adéquats pour les adolescents infracteurs, le combat contre le tourisme sexuel qui atteint aussi bien les petits garçons que les petites filles.

Nous pouvons affirmer que la présence d’enfants sur les voies publiques n’est pas un fait nouveau. Au Brésil, il y a des registres historiographiques qui datent au moins du XIXème siècle, où des enfants attirent l’attention du fait qu’ils se trouvent physiquement et moralement abandonnés sur les voies publiques (Rizzini :1997). Ce phénomène sera toujours associé aux caractéristiques de notre processus d’urbanisation, pendant et après la période de l’esclavage. Le besoin du travail infantile s’imposait et s’impose encore comme une réalité urbaine incontournable pour les populations pauvres. Mais aujourd’hui, il est déjà clair, pour une grande partie des chercheurs dans ce domaine, qu’un enfant ne va pas à la rue seulement pour y travailler. Elle exerce un grand attrait pour l’enfant qui vit dans les quartiers tristes et abandonnés de la périphérie. En s’éloignant de sa famille d’origine, temporairement ou de façon permanente, mais progressivement, il va se présenter à l’espace urbain, non seulement comme témoin de l’échec de l’État, mais de celui de toute la société.

Il est correct de penser que la socialisation d’un enfant (1) qui n’est pas supervisé par un adulte ou protégé par un foyer, se fait de la façon la plus aléatoire et sujette à des contingences beaucoup plus difficiles à estimer que celle d’enfants qui grandissent dans des conditions plus prévisibles, du moins du point de vue de la classe moyenne et occidental. Beaucoup de ces enfants ne sont jamais allés à l’école, même ceux qui l’ont fréquentée sont scolarisés médiocrement.

Même quand ils démontrent leur inquiétude pour bien élever et protéger leurs enfants, les adultes avec lesquels ils ont vécu ou ceux avec lesquels ils vivent encore leur offrent beaucoup moins que le nécessaire pour un développement intégral et sain. Parmi eux, beaucoup sont soumis à des situations permanentes de violence intra-familiale, d’abus et de souffrances psychologiques. Quand ils ne sont pas impulsés au travail précoce qui en fait des adultes avant l’âge et rend ainsi leurs chances de scolarisation encore plus incertaines.

Ce contingent d’enfants et d’adolescents est la mire du travail entrepris par les Maisons d’Accueil de la Fondation Cidade Mãe (2). C’est là que travaillent des éducateurs, dont l’objectif est d’aider ceux qui arrivent, acheminés ou de leur propre gré, à la recherche d’un soutien pédagogique, d’hygiène, de repos, d’alimentation ou de protection. Le vécu dans la rue, variable selon le cas, donne des caractéristiques très particulières à cette population: il leur est difficile de rester dans un espace fermé, ils ne se soumettent pas facilement aux normes de la convivialité, ils sont défiants, et beaucoup d’entre eux n’ont jamais appris à se sentir en sécurité auprès d’un adulte. Même en évitant intentionnellement de comprendre ces enfants sous l’angle de ce qui leur “manque“, il faut souligner que le contact avec leurs réalités difficiles donne à l’adulte un très haut niveau d’exigence psychologique.

Ainsi, être éducateur auprès d’enfants des rues au Brésil n’est pas une profession facile. Aucune formation spécifique ne lui est consacrée. Les éducateurs œuvrant dans ce domaine peuvent avoir à l’origine différentes formations professionnelles, ce qui induit une grande diversité des équipes (3). Ils peuvent avoir une formation universitaire (pédagogie, service social ou psychologie le plus souvent) ou être des personnes ayant à peine terminé leurs études secondaires. Du fait qu’ils reçoivent de très bas salaires, la plupart exercent une autre activité (policier, étudiant universitaire, artisan, artiste ou professeur dans le public ou le privé) qui, selon eux, leur permet de survivre avec le minimum nécessaire. Ceci est un facteur important qui doit être considéré lorsque l’on évalue les difficultés qu’ils rencontrent dans leur pratique quotidienne auprès de ces enfants.

Ces différentes origines du point de vue de la formation et des concomitances professionnelles nous présentent l’ambiance d’un métier très différent de la plupart des autres, du moins de ceux du monde de l’éducation.

En tant que directrice de ces maisons d’accueil pour enfants des rues, au sein d’un organisme public lié à la municipalité de Salvador, à Bahia, je me suis toujours demandée pourquoi ces personnes étaient là, pourquoi elles avaient choisi ce travail dans lequel les situations dramatiques s’ajoutent à l’urgence et à la précarité matérielle. En grande majorité, les éducateurs ne sont pas des fonctionnaires publics de carrière. Ils n’ont pas passé de concours, ce qui me semble pertinent dans la mesure où cela évite de devoir manager des professionnels inadaptés à cette fonction – être reçu à un concours n’assure pas nécessairement la compétence professionnelle dans ce domaine. Ils arrivent sur la recommandation d’une connaissance, ou se portent candidats à un poste vacant; certains ne supportent pas ce travail et s’en vont au bout de quelques semaines ou de quelques mois; d’autres, au contraire, sont là depuis la création de l’institution, il y a plus de dix ans.

Comment parviennent-ils à vivre quotidiennement avec des jeunes si exigeants? Où trouvent-ils la force d’écouter sans cesse des histoires difficiles, dont certaines sont tragiques et sans solution dans le cadre de l’institution? Qu’est-ce qui fait que les personnes choisissent un métier où elles côtoient la violence, la souffrance des autres, et se soumettent à une vie pleine de tensions? Et que faisais-je là moi-même, coordonnant ce travail qui pouvait me mener jusqu’au petit matin, selon le type de prise en charge nécessaire?

Ce que disent les éducateurs

Lors d’une réunion portant sur l’analyse de la pratique, alors que j’étais encore coordinatrice de ce projet, l’observateur extérieur qui dirigeait la session proposa au groupe d’éducateurs une approche utilisant la technique de la ligne de vie: chacun, le long d’une ligne, nota les événements les plus importants de sa propre vie; puis dut sélectionner un de ces événements, y réfléchir et présenter ses considérations au groupe.

Au fil des interventions des éducateurs, nous avons perçu une grande convergence dans les thèmes abordés; les plus prégnants avaient trait à l’exclusion liée à l’ethnie et à la classe sociale, ou à l’histoire de vie des parents; leur origine sociale nous a suggéré que ces personnes, pendant l’enfance et l’adolescence, auraient toutes pu adopter des comportements considérés à risque, et y avaient échappé. Mais l’époque était autre. Par exemple, la pauvreté n’impliquait pas fatalement le chômage des parents. Les encouragements de la famille et un grand effort personnel ont permis qu’aucun d’eux ne bascule de l’autre côté de la ligne de risque. Peut-être que j’étais devant un groupe de résilients (4). Être éducateur avait été, pour tous, une forme d’ascension sociale. Comme l’indique la littérature dans ce domaine (Cyrulnik,1998, 1999, 2001; Tomkiewicz, 1999), les personnes résilientes, fréquemment, thématisent leur vie, en se dédiant à ceux qui se trouvent dans les mêmes conditions qu’elles, afin d’empêcher qu’elles ne passent par des difficultés.

Au long de l’évaluation de cette réunion, j’ai compris comment, du fait de notre extraction sociale (classes laborieuses urbaines), beaucoup d’entre nous avaient vécu l’exclusion, qui peut être à Bahia à la fois ethnique, religieuse, économique, politique et culturelle (5). Nous étions tous noirs, afro-descendants, mais tous nous avions été « sauvés » de situations à risque. Ces histoires avaient-elles à voir avec le choix professionnel ?C’est dans le tâtonnement vers ces réponses, motivée par une nécessité de compréhension, que je développe mon travail de recherche. Lors de longues heures d’entretiens non structurés, j’ai pu saisir comment ces hommes et ces femmes articulent passé et présent, comment ils donnent sens à leur travail, quelles entraves ils perçoivent à leur pratique, quelle perspective d’avenir ils imaginent pour cette population de jeunes démunis matériellement, et quelle est la nature des relations institutionnelles qu’ils établissent au cours de leur pratique.

 Je parle d’un adulte qui, comme l’affirme Milito (1995, 150-151) :

(…) vit dans un état de perplexité et d’alerte face à l’inhabituel et au risque. Ce travail sur l’estime de soi [des enfants] lui confère, au milieu du quotidien chaotique dans lequel il se débat, au moins quelques certitudes, et, en même temps, crée un rôle pour lui-même, celui d’inventeur des enfants.

Bien qu’ils décrivent une enfance relativement protégée, ils furent des enfants pauvres dont la famille ne connut jamais de répit du point de vue économique, entrevoyant l’éducation comme une possibilité d’ascension sociale et comme une stratégie susceptible de minorer ou de solutionner les effets de leurs conditions difficiles d’existence. Pour ces éducateurs, articuler travail, école et survie eut pour conséquences des expériences frustrantes d’interruption d’études ; ainsi, ils connurent de manière précoce le travail, qui, dans le but d’assurer leur survie immédiate, fut une priorité dans leur vie. Cette bataille, pour certains, reste quotidienne, et ils luttent encore pour leur ascension sociale, en s’engageant dans des cursus ou des formations dont la qualité n’est pas toujours garantie.

Leur préoccupation avec le social par rapport à la trajectoire de militance elle-même auprès des organisations communautaires, des syndicats et des mouvements sociaux, est un autre aspect qui unifie ce groupe de travailleurs sociaux, sans oublier l’importance qu’ils attribuent à l’amélioration du quotidien urbain d’une ville qui doit accueillir l’enfance et la jeunesse dans de meilleures conditions. Un éducateur dit:

Tout comme vous avez misé sur votre enfance: « je vais réussir », vous misez avec la même force et le même espoir sur l’enfant avec lequel vous travaillez.

Un autre aspect à considérer est la présence masculine dans ce type d’action. Au Brésil, les travailleurs du secteur de l’éducation sont des femmes à une majorité écrasante. Au sein des espaces dans lesquels nous intervenons, les maisons d’accueil de nuit, le rapport s’inverse : les hommes sont plus nombreux que les femmes à exercer la fonction d’éducateur et les femmes ont une plus grande mobilité que les hommes. Au commencement du projet, la grande majorité des éducateurs recrutés était composée de femmes (quinze femmes et huit hommes); dix femmes sont parties ou furent écartées contre seulement cinq éducateurs masculins. Ainsi, le mythe selon lequel la force physique serait nécessaire pour maîtriser et discipliner les jeunes « difficiles » attirerait une population prioritairement masculine pour cette fonction. Les départs féminins seraient-ils dus au fait que le travail soit trop exigent pour les femmes, en ce qu’il représente le risque quotidien d’affrontement physique avec les jeunes, expliquant que les hommes assument plus longtemps la fonction que les femmes ?

Les éducateurs rapportent des situations très dures survenues au quotidien dans les maisons d’accueil. Le haut niveau d’exigence et les nombreux conflits à supporter soulignent les aspects très subtils des habiletés et des ressources personnelles nécessaires à l’exercice de la fonction. Il est clair dans leurs discours que l’adulte éducateur est affecté par les relations avec son objet de travail, exposant ainsi les aspects subjectifs de leur action. Quand nous pensons à la résilience, c’est fréquemment le côté de l’enfant et non celui de l’adulte tuteur qui est considéré. Le contact quotidien avec les exigences de cette pratique interfère dans la subjectivité de ces adultes, ce qui évoque le concept d’altération utilisé dans le cadre de l’ approche multiréférentielle (Ardoino,2000).

Ils ne se réfèrent pas seulement à des situations d’affrontement physique, mais à la complexité des exigences posées par les jeunes, en particulier les filles. La rue est particulièrement dure avec elles. Pour assurer leur défense et leur survie la plus immédiate, corporelle même, elles s’emparent de différentes ressources et stratégies qui donnent une densité supplémentaire au travail éducatif. C’est comme si, au-delà d’une même réalité qui touche sans discrimination les garçons et les filles, le simple fait d’être femmes était un risque supplémentaire. On observe d’ailleurs une spécialisation liée au genre: les éducateurs, hommes ou femmes, se consacrent en priorité, soit aux garçons ou soit aux filles, certains préfèrent les garçons et d’autres choisissent de travailler avec des filles.

Au-delà d’un processus d’identification avec les jeunes, à partir d’itinéraires de vie qui auraient pu occasionner, dans le cas des éducateurs, une rupture avec la famille et une marginalisation dans la rue, ce travail éducatif prend un caractère de militantisme politique. Dans la mesure où ces maisons d’accueil, de par leur fonctionnement différencié, ne constituent pas une nouvelle forme d’emprisonnement pour les jeunes en difficulté, il n’est pas précipité d’affirmer qu’elles attirent des personnes qui croient en une proposition de prise en charge ouverte:

c’était un enfant qui avait été élevé dans la rue depuis l’âge de deux ans, sans avoir jamais vécu dans un espace fermé. Vous imaginez quelqu’un qui n’a jamais vécu dans un espace fermé? Il n’avait pas de notion d’espace, se cognait contre les murs. Il avait été élevé à place de la Piedade, et là il abordait les gens et courait. Alors, quand il arrivait dans une pièce de douze mètres carrés, il tapait un autre enfant et courait. Il poussait une chaise devant lui et se cognait contre le mur et revenait. Il faisait … il gesticulait comme s’il se disait « pourquoi est-ce que je suis là-dedans ? »

Un témoignage comme celui-ci démontre que les éducateurs ont la conviction d’être devant des sujets de droit et non face à de simples « déchets de la société » sans droit à la parole. L’enfant a du mal à rester dans un espace fermé, même pour peu de temps. Il faut connaître son histoire pour comprendre son comportement. Il est nécessaire de détenir l’histoire particulière de chacun d’entre eux et en tenir compte pendant le travail pédagogique, dans la mesure où:

L’exigence de la transformation du réel, qui est au cœur de l’étique du pédagogue, exige que celle-ci ne confonde pas avec la tentation de la toute-puissance (…) il fait dire au pédagogue qu’il ne saurait y avoir une théorie générale de l’éducation et que tout savoir-faire pédagogique passe par le rencontre face-à-face avec l’enfant réel (Gaberan, 1998 :125)

Les éducateurs traduisent dans leur discours une préoccupation pour le social. Elle semble liée à leur propre trajectoire de militants dans les organisations communautaires, les syndicats et les mouvements sociaux qui apparaissent dans leurs argumentations, et compose les éléments définissant leur choix professionnel.

Ainsi, ils relient leur travail à une préoccupation pour une amélioration du quotidien urbain, à une recherche de citoyenneté pour les populations opprimées, au droit qu’a chaque enfant d’avoir un présent et un futur. En vivant avec ces jeunes, les éducateurs développent des possibilités de compréhension de la complexe réalité sociale, se pensant eux-mêmes comme des agents possibles de transformation. On peut même percevoir une admiration pour la résistance des enfants face à l’adversité, le « vivre dans la rue » étant considéré comme une réponse salutaire aux conditions adverses. Dépassant la vision encore répandue de ces enfants comme des « pauvres petits », « livrés à leur propre sort », etc., qui reste vivace dans le tissu social, aucun témoignage ne porte trace de cette attitude; au contraire, reconnaissant que cette partie de la jeunesse doit se saisir de nombreuses ressources pour garantir sa survie, il existe une admiration dans certains de leurs discours, qui définit, d’une certaine façon, leur immersion dans cette pratique:

Ce qui est le plus intéressant, c’est qu’ils sont beaucoup plus créatifs que les éducateurs. Toujours, toujours, toujours. (…) Ils sont hautement créatifs...

Parlant d’expérience, ils affirment que leur travail implique d’agir dans les « brèches ». Brèche, pli, les lieux où se placer stratégiquement pour se protéger et créer (Deleuze, 1992). Ils commentent, sans le savoir, le concept de Deleuze, parlant, en vérité, d’une autre façon de faire, politique, d’une micro-politique qui se confond avec les actions ordinairement vécues au contact des enfants. Pour eux, leur travail est la forme même de cette action. Le militantisme politique fut un chemin et leur pratique actuelle, être éducateur, est dans la continuité de leur militantisme antérieur.

Dans le premier regroupement par thèmes que j’ai réalisé à partir des entretiens avec les éducateurs, j’ai considéré deux notions qui, a priori, me paraissaient différentes : les témoignages relatifs à leur implication dans leur travail et ceux qui exprimaient ce que j’ai appelé l’identification avec l’enfant. En relisant les extraits sélectionnés pour discuter ces deux éléments, j’ai commencé à percevoir un croisement entre les deux perspectives. D’une certaine façon, derrière leurs discours sur la dimension politique de leur choix professionnel ou ce qu’ils pensent être leur mission dans ce monde, ils se reconnaissent dans les enfants du point de vue des caractéristiques comportementales qui permettent leur survie dans des conditions difficiles, du point de vue de leur propre origine sociale, semblable à celle des jeunes, ou même par le simple fait d’être enfant ou adolescent.

L’étymologie du mot implication nous aide dans ce parcours. Dans la présentation du numéro 39 de la revue Pratiques de Formation-Analyse, consacré à la discussion des idées d’Edgar Morin, Jacques Ardoino établit une différenciation entre complexité et complication, partant du fait que malgré leur étymologie commune, ce sont des concepts très éloignés, voire antagonistes. Les deux termes viennent du latin plicare, qui signifie plier, à l’origine de mots comme expliquer, compliquer, appliquer et impliquer. Ce dernier verbe, ainsi, pourrait être compris comme « plier en dedans ». Même sous cet angle, la discussion motivationnelle des relations de l’éducateur avec ce domaine spécifique de travail nous amènerait donc à regarder « en dedans » de lui pour parvenir à comprendre.

Je trouve intéressant d’entendre des discours émus et très sincères sur la vie ardue de ces enfants, les difficultés qu’ils rencontrent, l’abandon qu’ils expérimentent, comme si leur quotidien était fait de tristesse, du poids, de la rage d’avoir été « choisis » pour cette vie risquée, sans le support naturel de la famille. C’est seulement en vivant avec eux qu’on peut comprendre qu’ils sont, par de nombreux aspects, des filles et des garçons comme les autres. La joie, l’amusement, la posture friponne de l’adolescent apparaissent au quotidien dans le travail, même si cela paraît souvent invraisemblable aux personnes extérieures, et renforcent les caractéristiques humaines présentes dans les relations.

Violent, dissimulé il est triste et a peur de dormir et il ment en disant qu il allait tirar braba à la maison d’accueil. Il arrive déjà en provoquant la bagarre, il rejette les normes qu’il connaissait pourtant depuis longtemps. Après plusieurs essais d’autres éducateurs, un éducateur trouve une issue, une « méthode » : J’ai commencé à lui faire des bisous. Devant chaque nouvelle menace dirigée vers moi ou les autres enfants, je l’embrasse. Je l’embrasse, je ne fais que l’embrasser. Il semble être fâché comme si sa masculinité, à seize ans, pouvait être heurtée. Il crie: Putain, tu me cherches; je te prends dehors. – Je réponds: si tu me bats dehors, je vais dire que c’est à cause des bises que je t’ai données. Je vais raconter à tout le monde que ce dont tu as besoin c’est de bisous, de tendresse.

Bien qu’ils évoquent la difficulté de leur travail et le considèrent comme stressant et exigent, les éducateurs veulent poursuivre leur activité et font preuve d’une compréhension remarquable du sens de l’éducation :

Pourtant, je vais toujours travailler là-dedans, parce que je trouve que c’est la meilleure chose qui existe. Je ne ferais pas bien un autre métier. Pour moi l’éducation est le quotidien de la culture (…)

S’ils parlent de difficultés, ils ne les attribuent pas aux jeunes dont ils s’occupent, mais à leur relation avec l’institution. Les éducateurs sont convaincus que l’institution, dans sa forme actuelle, boycotte leur travail d’une certaine façon, en compliquant leur action à travers des mesures administratives, la précarité matérielle, salariale et surtout, en empêchant la visibilité sociale de cette action. Pour Ardoino (2000), l’implication du praticien peut être – et elle l’est fréquemment – mal vue par l’institution. L’implication, parce que toujours liée à l’autorisation et signifiant que l’éducateur est, au moins, un co-auteur, revendique un lieu de non passivité et d’insoumission aux règles de l’institution, exige une valorisation sociale de son travail et un travail de formation continue incontournable.

Les témoignages recueillis permettent d’affirmer que « le faire » de l’éducateur se caractérise par l’imprécision, l’incertitude et l’insécurité: son action est imprécise parce qu’il ne sait jamais si le dispositif utilisé pour prendre en main une situation posée par un enfant spécifique fonctionnera de nouveau avec un autre enfant; incertaine parce qu’il ne peut pas se réassurer que son action pédagogique résultera en des changements, dans d’autres formes de viabiliser la survie elle-même, moins néfaste ou dangereuse pour l’enfant; et finalement, l’insécurité parce qu’il existe une certaine volatilité dans le travail avec ces populations qui peuvent empêcher la continuité de l’action pédagogique en cours, soit par la disparition ou par la mort de l’enfant, soit parce qu’il ne veut plus fréquenter la maison d’accueil. C’est comme si, d’une certaine manière, sa profession allait à la dérive, au gré de ce qui va se passer durant le quotidien marqué par l’imprévisible, par l’urbanité nomade de ce segment d’enfants nés ou élevés dans la pauvreté:

Je trouve qu’entre l’éducateur et l’enfant, une ligne d’équilibre s’établit. C’est comme la corde du funambule. Si l’éducateur ne sait pas dans quel sens il va, sur la corde, sans parapluie, il tombe. Et il n’y a pas de filets au-dessous. Alors je pense que sur cette corde du funambule, normalement, c’est l’enfant qui soutient l’éducateur (...) L’éducateur est sur le fil et l’enfant lui tient la main pour lui donner de l’équilibre. Nous vivons en fonction de cela.

Notes :


(1) Bien que l’âge le plus courant pour qu’un enfant quitte le foyer soit 7 ans, on peut trouver des enfants encore plus jeunes qui vivent dans les rues, au Brésil. (Source: Projet Axé, 2003).
 
(2) La Fundação Cidade Mãe est un organisme public lié à la municipalité et responsable pour toute l’assistence à l’enfance de la ville de Salvador, Bahia. Les Maisons d’Accueil de nuit s’adressent aux enfants et adolescents à risque personnel et social dans la tranche d’âge de 07 à 17 ans acheminés par des organisations diverses qui travaillent auprès des populations sans domicile fixe de la ville de Salvador (Projet Axé, Conseils de Tutelle, Tribunal des Mineurs, Ministère Public, etc). Ces Maisons offrent des moyens de couchage, hygiène personnelle, alimentation, des activités ludiques et pédagogiques orientées vers la socialisation et la réadaptation à des espaces fermés. Les enfants peuvent arriver entre 18:00 et 19:00h et doivent partir, après le petit-déjeuner entre 07:00 et 07:30 h; les maisons fonctionnent en système ouvert.

(3) Ce qui ne peut être considéré comme étant inadéquat, bien sûr.

(4) La résilience, c’est la capacité qu’a chaque personne, de pouvoir surmonter les événements difficiles ou traumatiques de la vie, tout en continuant à évoluer, à condition que l’environnement immédiat ou la culture la soutienne.

(5) Dans la région métropolitaine de Salvador où 86,6% de la population qui travaille (dix ans ou plus) est formée par des noirs et des métis, on retrouve la plus grande disparité entre les blancs et les noirs sur le marché du travail. En premier lieu, pour le taux de chômage: 9,3% parmi les blancs et 18,3% pour les noirs et les métis. Le panorama s’aggrave au niveau des rémunérations, trois fois plus élevé pour les blancs: R$ 1.550 contre R$ 556 par mois.

Bibliographie :

Ardoino, J. (2000) Les avatars de l’éducation. Paris: PUF.Ardoino, J. (1999) La complexité revisitée. Pratiques de Formation-Analyses. No. 39 p. 1-7.Curulnik, B. (1998) Ces enfants qui tiennent le coup. Revigny-sur-Ornain, Hommes et perspectives.Cyrulnik, B. (1999) Un merveilleux malheur. Paris: Odile Jacob.Cyrulnik B. (2001) Les vilains petits canards. Paris: Odile JacobDeleuze, G. (1992) Conversações. Rio de Janeiro, Ed. 34.Gaberan, P. (1998) Être éducateur dans une société en crise. Un engagement, un métier. Paris: ESF Éditeur Rizzini, I. (org.) (1997) Olhares sobre a Criança no Brasil: Séculos XIX e XX. Rio de Janeiro: USU Ed. Universitária/CESPI/USU. AMAIS Livraria e Editora (Série Banco de Dados 5).Silva, H. e Milito, C. Vozes do Meio-fio (1995). Rio de Janeiro: Relume-DumaráTomkiewicz, S. (1999) La résilience: l’amour et la loi. In Souffrir mais se construire. Ramonville Saint-Agne: Erès/Fondation pour l’Enfance.



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