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L'histoire de Paris et les périodes, pendant et l'après règne de Louis XIV aux mondes contemporains ne sont pas traités sur ce site. L'abondance des sources, les recherches du rédacteur se limitent à un travail plus "localiste" pour la suite de la promenade, seule une évocation d'une émeute populaire de 1648 racontée par Melle de Montpensier, et puis au final sur un moment très court de l'histoire contemporaine : la Commune de Paris dans l'Est parisien. De plus, Versailles devenait le centre du pouvoir. Il fallut attendre le mois d'octobre 1789 pour faire revenir les Bourbon au palais royal des Tuileries, en dehors de la parenthèse du régent Philippe d'Orléans (1715-1723).


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Ce bref résumé du règne de Louis XIII ne fait pas parti de la Renaissance, mais finalise l'évolution vers l'absolutisme, nous entrons dans les Temps dits modernes.

Louis XIII dit ''le juste'' (1601-1643), précurseur de l'absolutisme ?

Le monarque fut sacré roi à Reims le 17 Octobre 1610, Marie de Médicis (1573-1642), sa mère, la régente (en portrait ci-contre) entamait une politique contre les Protestants. Elle se sépara de Sully, et trouva l'influence de l'escroc Concino Concini, Maréchal d'Ancre. Le roi épousa Anne d'Autriche dans une perception antiprotestante, menée par sa mère et dans le cadre du traité de Fontainebleau qui organisa le contrat de mariage dès 1611. L'année qui suivit, le 27 avril, Marie de Médicis fondait l'hôpital ou l'hospice Notre-Dame de la Pitié (conférence de Me Rollin de 1h27) destiné à l'enfermement des vagabonds et des mendiants dans le quartier Saint-Victor à Paris, prévu pour 1.500 personnes. Ce qui s'avéra un échec et se transforma une dizaine d'années après en l'accueil et l'éducation d'environ 1.200 enfants, principalement des jeunes filles. L'hôpital fut détruit au début du 20ème siècle, il se trouvait là où se situe aujourd'hui la Mosquée de Paris.



En 1614, s'engageait la révolte des grands princes du Royaume contre la régence, cette dernière ne fit la paix que contre le versement de sommes d'argent et la convocation des Etats généraux, qui s'ouvrirent à la fin du mois octobre de la même année (les prochains se tiendront en mai 1789). Louis XIII devenait majeur, mais tous les pouvoirs restaient entre les mains de Concini. En 1615, il s'unissait à Anne d'Autriche. L'année suivante, une nouvelle révolte des nobles éclatait. Le prince de Condé continuait ses intrigues et se voyait arrêté. Apparait alors un nouveau secrétaire d'Etat à la Guerre et aux Affaires étrangères, Armand du Plessis, évêque de Luçon, puis nommé cardinal et duc de Richelieu.

En 1617, une nouvelle révolte des grands du royaume éclatait. Concini était abattu sur ordre de Louis XIII et sa femme exécutée pour sorcellerie (le favori de Louis XIII, Charles d'Albert, le duc de Luynes reçu l'ensemble des biens de Concini).

Louis XIII (jeune, ci-contre) fit exiler sa mère Marie de Médicis au château de Blois et renvoyait Richelieu. Pendant 3 ans, la noblesse restée fidèle à Marie de Médicis se révolta. La reine-mère elle-même passa de nombreuses années en guerre contre son fils.

La guerre de Trente Ans (1618-1648) a été un événement majeur du XVIIe siècle, dit le Grand Siècle et qu'il n'est pas possible de traiter en peu de mots. La dimension du conflit fut à la fois européen et avoir des répecutions mondiales entre les puissances coloniales ou empires occidentaux en quête de nouveaux territoires.
 


En 1620, Louis XIII reprenait la lutte contre les huguenots, qui se rassemblèrent à La Rochelle et proclamèrent l'union des provinces réformées de France. Louis XIII partit en campagne dans le Sud-ouest, il échoua devant la ville de Montauban (Le duc de Luynes décéda lors du siège). La campagne contre les Réformés allait durer (en plusieurs étapes) de 1620 à 1622 et se termina par la paix de Montpellier octroyant aux Protestants deux forteresses : La Rochelle et Montauban.

En 1623, Paris devenait un archevêché. L'année suivante, Richelieu redevenait ministre du roi, il acheta à Paris l'hôtel de Rambouillet et des terres non loin du Louvre, il donna ordre à l'architecte Lemercier de lui bâtir une vaste demeure, que l'on nomma le Palais Cardinal avant de devenir l'ensemble immobilier du Palais Royal.

En 1625, Richelieu en appellait au renfermement des pauvres, estimés à environ 40.000 pour la seule ville de Paris. L'estimation de la population sans grandes ressources a été de 40% pour les habitants des villes et 60% pour les campagnes, Faut-il ne pas faire un bloc homogène des plus pauvres, les très pauvres à Paris ont pu représenter 10 à 20 % de sa population. Cette décision, toutes comme celles prisent antérieurement par les rois, Jean II en 1350, puis par François Ier, avec entre autres le Bureau des Pauvres, puis des édits d'Henri II et Henri IV n'ont pas connu les succès escomptés, qui obligeaient les villes à prendre en charge les plus déshéritès du royaume. Il faudra attendre 1656 un édit de Louis XIV sous la férule de Mazarin pour la seule capitale et une série de décisions les années suivantes
- 1673 pour le reste du pays - pour que soit lancé l'Hôpital général - qui aura pour but l'enfermement des "mauvais pauvres", et le regroupement des Maisons et établissements au sein de la capitale en charge de la pauvreté sous toutes ses formes.

Lettre du cardinal Richelieu sur les Pauvres Renfermés :

« Pour ce que plusieurs vagabonds et fainéants, au lieu de s'occuper comme ils peuvent et doivent à gagner leur vie, s'adonnent à la quêter et mendier, ôtant le pain aux pauvres nécessiteux et invalides auxquels il est du, incommodent les habitants des villes et privent le public du service qu'il pourrait recevoir de leur travail, nous voulons qu'en toutes les villes de notre royaume soit établi ordre et règlement pour les pauvres, tel que non-seulement tous ceux de la dite ville, mais aussi des lieux circonvoisins, y soient enfermez et nourris, et les valides employés en œuvres publiques. Et qu'à cette fin soient assemblez tous les ans les députés des ecclésiastiques, officiers, maires et échevins et communauté des marchands, en la maison de l'évêque des villes épiscopales, ou des autres des maisons de ville, pour ensemble aviser et résoudre la dépense y nécessaire par chacun an, et les moyens d'en trouver le fonds, auquel sera affecté tous les deniers, grains, revenus légués aux pauvres, soit sur les bénéfices ou autres biens quelconques. Et le surplus sera levé par capitation (par tête), laquelle après que d'un consentement il y aura été résolu ce que chaque corps doit porter ; les taxes des particuliers en seront par après faites par ceux que chaque corps députera à cet effet. Ensuite, des mesures sont indiquées en cas de refus ; et il est ordonné aux maires et échevins de rendre compte dans six mois de l'exécution des ordres du roi sur ce sujet. »

Source : Gallica-Bnf : Lettres, instructions diplomatiques et papiers d'état du cardinal de Richelieu,
1624-1627, en 8 tomes. Tome II, pages 180 et 181, textes recueillis et publiés par M. Avenel (Paris, 1853-1877).

La politique du duc et cardinal de Richelieu consista aussi à circonscrire les Protestants, imposer la monarchie absolue à une noblesse mise au pas, et lutter contre les maisons d'Autriche et d'Espagne. De 1627 à 1629 la guerre contre les huguenots reprenait avec notamment le siège de La Rochelle et la victoire du roi, puis une autre guerre contre les Réformés du midi, qui prit fin avec la paix d'Alès et son édit mettant un arrêt aux places fortes huguenotes.
Toutefois dans les milieux dévôts ou des conservateurs religieux, il fut reproché au cardinal les alliances du royaume avec des pays réformés dans le cadre de la guerre de Trente ans. On lui doit aussi d'avoir contribué à l'élimination des villes fortifiées.

Lettre de Louis XIII envoyée à Messieurs les Prévôts des Marchands
et Echevins de la ville de Paris sur la paix d'Alès


« De par le roi,

Très-chers et bien aimés, envoyant le sieur de Quincé (Joachim, militaire et ambassadeur) vers notre très honorée dame et mère, pour lui donner avis des soumissions que le duc de Rohan, et les villes qui jusques à présent nous étaient rebelles ont envoyé prendre par leurs députés pour implorer notre miséricorde et de la grâce qu’ensuite il nous a plu leur faire, moyennant la démolition entière de toutes leurs fortification anciennes et nouvelles, à la réserve de la seule ceinture des murailles ; nous avons bien voulu vous faire cette lettre pour vous donner part de ce succès, lequel, outre cet avantage de notre autorité et la sureté du repos de cet état apportera sans doute beaucoup de contentement à notre bonne ville de Paris, en l’espérant pourra prendre de notre retour, auquel une des choses peut autant convier est le désir que nous avons de témoigner au général, et aux particuliers de notre dite ville ce qui est de notre bienveillance particulière en notre endroit, et d’autant que nous nous remettons sur le dit sieur de Quincé de vous dire toutes autres particularités. Nous vous en ferons plus longue lettre.

Donné au camp de Lédignan le 29ème jour de juin 1629
».
Source : Gallica-Bnf, Lettre du Roy





La
situation

de
Richelieu
en
1629


Jules Michelet

La grande victoire catholique sur La Rochelle et l’hérésie fut fêtée à Paris d’un triomphe païen. Selon le goût allégorique du siècle, Richelieu exhiba Louis XIII déguisé en Jupiter Stator, tenant à la main un foudre doré. Que menaçait le Dieu, et qui devait trembler? l’Espagne apparemment, l’Autriche. L’empereur voulait nous exclure de la succession de Mantoue, nous fermer l’Italie. Et l’Italie, Venise, Rome, dans attente terrible des bandes impériales, criait à nous, nous appelait, envoyait courrier sur courrier.

Donc Louis XIII allait lancer la foudre, mais on pouvait se rassurer. Ce maigre Jupiter à moustaches pointues, s’intitulant Stator (qui arrête), disait assez lui-même qu’il ne voulait rien qu’arrêter, qu'il n’irait pas bien loin, s’arrêterait aussi bien que les autres, et foudroierait modérément, jusqu’à un certain point.

Le fondre était de bois. Il y manquait les ailes dont l’Antiquité a soin de décorer celui de Jupiter. Ces ailes aujourd’hui, c’est l’argent. Le déficit énorme accusé en 1626, l’aggravation d’emprunts faits pour le siège, semblaient rendre impossible le secours d’Italie. Chaque effort de ce genre demandait un miracle, un coup de génie. Et encore, les miracles n’eussent pas d’effet quant au but principal. Gustave-Adolphe (de Suède) le dit et le prédit à notre ambassadeur, qui faisait fort valoir la puissance de son maître : « Vous ne pourrez sauver Mantoue. »

L’histoire de Richelieu est obscure quant au point essentiel, les ressources, les voies et moyens. De quoi vivait-il, et comment? on ne le voit ni dans les mémoires ni dans les pièces. Un ouvrage estimable qu’on vient de publier sur son administration, et qui s’étend fort sur le reste, ne dit presque rien des finances. Comment le pourrait-il? Tout ce qu’on a des comptes de Richelieu (3 vol. manuscrits, biblio. fonds S.G.-354-355-356) ne comprend que quatre années (1636-38-39-40), et donne fort confusément les récoltes ordinaires, poussées à 80 millions. Pas un mot de l’extraordinaire (*).

Note de Jules Michelet :


(*) La belle publication de M. Avenel (Lettres de Richelieu) étant peu avancée encore, c’est à lui-même que j'ai demandé des renseignements. Personne, à coup sûr, ne connaît mieux cette époque.  Mais nous n’avons pas de document qui éclaircisse ce point. J’ai été réduit aux trois volumes manuscrits de la Bibliothèque (nationale), tellement insuffisants - L’ouvrage estimable sur l’Administration de Richelieu, dont je parle dans le texte, est celui de M. Caillot.  M. Caillot est savant, exact, judicieux (sauf le chapitre de l’éducation auquel je reviendrai). - Du reste, ce qui fait sentir partout les embarras financiers de Richelieu, ce sont ces licenciements de troupes au moment le plus grave, mesures absurdes si elles n’avaient été commandées par la nécessité.


Source : Gallica-Bnf, Oeuvres complètes de Michelet - Histoire de France
Tome XV, Richelieu et le Fronde. Chapitre II, pages 16 et 17  (Editions Calmann-Lévy - Paris, 1898


En 1639, éclatait la révolte des va-nu-pieds en Normandie, ainsi que d'autres révoltes de paysans dans le royaume, d'autres courroux se ravivèrent quand Richelieu décida de pousser la guerre vers l'expatriation de nombreux Français pour des terres d'exil. La Papauté a été fortement menacée par son propre déclin, l'invention de l'imprimerie et la diffusion des écrits révolutionnaires d'une foi ouverte aux principes de la science, allaient à l'encontre d'un pouvoir qui instruisait en Espagne et en Italie une inquisition sans relâche. La frange de la noblesse française la plus acquise aux idées d'un clergé omnipotent allait accéder au pouvoir, et Mazarin maintenir le joug.

Ce triste et nouveau Cardinal entraîna avec lui aussi un combat décisif sur qui ordonna la foi unique dans le royaume, et aussi un grand recul des idées les plus humanistes du moment. Nous ne sommes pas en des temps lumineux, ce sont deux conceptions du monde dit occidental qui s'affrontaient violemment. La part la plus instruite devait laisser à la part catholique, la plus obscurantiste, faire oeuvre du pire et parfois se traduisait en oeuvre de charité.

Cela se traduisit à Paris, au sein des faubourgs parisiens, à donner l'aumône aux pauvres hors des murs. Saint Vincent de Paul ou Monsieur Paul n'a pu que s'indigner du sort qui était fait aussi bien aux crèves la faim, qu'aux Protestants ? L'horreur et les atrocités traduisaient en réalité le pouvoir des nouveaux Bourbon, la vie quotidienne des Parisiens hors des murs de Charles V n'a pas eu les éclats de la cour.

Louis XIII résida au Louvre (ci-contre), il a eu pour Paris quelques plans et fut à l'origine des Hôpitaux Généraux de Paris.

Le monarque envisagea que les Invalides de guerre puissent s'installer à Bicêtre  (Gentilly). Il fit aussi aménager une maison de chasse à Versailles.
On parle de lui souvent d'un roi faible dont ses ministres tiraient les ficelles.


Louis le treizième a du surtout répondre aux conflits internes du royaume, son pouvoir servit principalement à l'Eglise catholique à stopper l'érosion de sa domination en France, en s'appuyant sur le pouvoir royal qui à son tour allait prendre le dessus sur le pouvoir intemporel, et à la faveur des cardinaux gallicans qui se succedèrent, comme précepteurs ou conseilleurs. En 1642, Richelieu mourrait, et Jules Mazarin (1602-1661) entrait au Conseil du roi à sa demande. Louis XIII décèda à Saint-Germain-en-Laye, le 14 mai 1643 dans les bras de Vincent-de-Paul, d'une péritonite, 33 ans jour pour jour après l'assassinat de son père.

A la fin de ses jours Mazarin était devenu l'homme le plus riche du royaume, tout en ayant été le précepteur du jeune monarque, le futur roi Louis XIV, et ce qui suscita des bruits sur sa
très grande proximité avec la reine mère, Anne d'Autriche. Ce fut dans une grande hostilité que naquît le jeune Louis, enfant roi sur un trône incertain, il garda probablement le désir de continuer le chemin qu'avait accompli son père et avant son grand-père. Louis le quatorzième a été pour Paris surtout un grand aménageur, mais il aura été pour le petit peuple des Parisiens celui qui partit à Versailles et abandonna la capitale à une surveillance très étroite de ses habitants sous la coupe des Lieutenances générales de Paris (il existait divers titres de Lieutenants généraux pour des fonctions différentes, militaires ou civiles). Et surtout, il en fut d'une organisation du pouvoir plutôt méconnue, mais qui a été très importante dans la vie quotidienne des Parisiens.


 Journée
des Barricades
de 1648


Extraits du cinquième chapitre
des Mémoires,

 Mademoiselle de Montpensier
 


Le vendredi 28 août (1648), étant à Amboille, je reçus les particularités de la bataille de Lens, et voulant revenir à Paris, j'appris en chemin que les barricades étaient telles dans le quartier de la porte Saint-Antoine, que je ne pouvais passer, de sorte que je retournais à Amboille, d'où je revins le lendemain matin à Paris, où tout était apaisé. Restait seulement quelques coins des rues dépavés et quelques tonneaux pleins de pierres.

J'appris de plusieurs les particularités de tout ce qui était arrivé, savoir que, le samedi 22 août, le parlement avait donné arrêt, qu'il serait informé contre Catelan, Tabouret, Lefebvre et autres, et à cette fin commissaires nommés. Cet arrêt fit remuer tous les traitants, qui, s'étant assemblés, jugèrent qu'ils ne seraient jamais en repos qu'en ruinant le parlement ; furent se plaindre de cet arrêt à M. de La Meilleraye ; lui promirent fournir tout l'argent nécessaire qu'il désirerait, pourvu que l'on fit cesser le parlement.

Cela l'émut beaucoup pour résoudre de pousser le parlement à bout. Les nouvelles de la victoire lui firent prendre cette résolution, outre que la facilité serait de prendre les prisonniers, le jour du Te Deum, que les gardes seraient en armes. Bautru, Senneterre, le commandeur de Jars, le maréchal d'Estrées, intéressés beaucoup dans les prêts, l'y poussèrent encore et firent mettre la reine en colère par le moyen de la Beauvais (2) sur le dernier arrêt du parlement. Ils résolurent de faire arrêter MM. de Broussel, quoiqu'il n'eût point été d'avis du dernier arrêt, de Blancmesnil, Charton, Laisné, La Nauve, Loisel, et de l'exécuter le jour du Te Deum.

La résolution dernière en fut prise le mardi au soir, et les ordres donnés.

Le mercredi matin 26 août, le Te Deum fut chanté ; le roi y fut avec la reine et M. le cardinal. Tout le peuple était en joie ; les gardes étaient par les rues, sous les armes, et y demeurèrent après le Te Deum chanté. Le matin, Cebret (3) fut porter à M. de Broussel des papiers de la part de M. le chancelier, et M. Des Fontaines-Bouère y fut, de la part de la reine, lui dire qu'à deux heures les traitants iraient chez lui, pour travailler, et qu'il mit papiers sur table. Ils ne savaient point le dessein de l'arrêter.

A midi, Comminges, lieutenant des gardes de la reine, alla chez M. Broussel, le trouva sortant de table, le pressa de le suivre avec quelques paroles rudes, et l'emmena en pantoufles et en manteau, et ce parce qu'il craignaient la rumeur ; il l'empêcha de prendre aucun livre. Le peuple courut après le carrosse, qui rompit près du Palais (4). Là, on le menaça du poignard, s'il parlait, en disant que l'on en avait ordre. Comminges fit descendre une damoiselle qui passait en carrosse, fit monter M. de Broussel dedans sa voiture et l'emmena vers le Palais-Royal.

Le peuple, qui suivait, fut arrêté par les gardes. Au Palais-Royal, ils trouvèrent un autre carrosse, avec lequel ils menèrent à Madrid, (5) où ils le firent chausser, et de là à Saint-Germain-en-Laye, d'où il partit le jeudi, et le ramenèrent par la France, (6) pour le conduire à Sedan. Ils évitaient de passer dans les villages, de crainte d'émotion ; il était accompagné de gardes à cheval. DuBois, exempt des gardes de la reine, fut chez M. de Blancmesnil, qui était avec madame de Marillac. Après l'avoir cherché, ils le prirent et l'emmenèrent avec plus de civilité, mais fort promptement au bois de Vincennes ; MM. Charton et de la Nauve se sauvèrent. L'enlèvement de ces deux prisonniers fit grand bruit dans le peuple, qui commença à s'armer et à tendre les chaînes.

Le jeudi matin 27 août, le parlement étant assemblé, M. le chancelier ayant ordre d'y aller pour lui défendre de s'assembler, et, en cas de désobéissance, les interdire enfin faire ce qu'il jugerait à propos sur l'heure, partit de chez lui avec M. de Meaux, (7) mesdames de Sully (8) et de Ligny, dans son carrosse ; ils ne s'étaient pu retirer la veille à cause des chaînes. A la croix du Tiroir, (9) il trouva une chaîne, que l'on ne voulut point baisser pour lui. Il alla par une autre rue sur le Pont-Neuf, où il trouva une chaîne, au quai des Orfèvres, qu'on refusa encore de baisser, avec de rudes paroles. Nonobstant ce qu'on lui put dire, il alla par le quai des Augustins ; étant averti que les carrosses ne passaient point sur le pont Saint-Michel à cause des chaînes, il mit pied à terre pour passer sur ce pont.


    

A la première, il fut reçu avec injures, et le petit peuple commença à l'appeler maltôtier et à lui jeter des pierres ; il fut obligé de fuir. Le maître d'une hôtellerie lui refusa sa maison. Il fut contraint d'aller jusqu'à l'hôtel de M. Luynes, (10) où il trouva heureusement la porte ouverte. Il y entra, fit fermer la porte si vite qu'un de ses gardes fut laissé dehors. le peuple lui ôta sa hallebarde ; il se sauva chez M. de Bernières.

M. le chancelier demeura quelque temps sur la montée, sans trouver qui lui pût ouvrir les portes : tout le monde dormait encore. Enfin il monta au galetas, où il se renferma dans une cloison de sapin, avec M. de Meaux, mesdames de Sully et de Ligny, et se confessa. Le peuple enfonce la porte de la rue, cherche par la maison. Au bruit, M. de Luynes (11) se réveille, et madame. Il sort en chemise au-devant du peuple, qui lui dit qu'on ne lui ferait point de tort ; qu'il fit détourner ses meubles, de crainte des fripons ; mais qu'ils voulaient avoir le chancelier, le chef des maltôtiers. Il leur ouvrit toute sa maison.

Ils cherchèrent partout, furent dix fois à la porte de la chambre, où il était ; mais ne s'avisèrent jamais d'y entrer. C'est un miracle visible. Cependant M. de Bernières y vint, fit avertir au Palais-Royal de ce qui se passait et fut au parlement dire ce qu'il avait vu. On lui répondit : Nihil ad curiam ; que l'on avait à délibérer d'affaires plus pressées, et beaucoup de particuliers dirent que c'était justice de l'assommer, et que ce devrait être déjà fait. Enfin la haine parut tout entière.

Les compagnies des gardes françaises et suisses y vinrent et firent retirer le peuple après quelque résistance, où un capitaine suisse fut tué et trois ou quatre soldats. M. de La Meilleraye monte à cheval avec les chevau-légers et vint délivrer M. le chancelier, qui descendit et fut conduit à pied par deux hommes, le tenant sous les bras, jusque devant les Augustins, où il trouva le carrosse de M. le lieutenant civil, dans lequel il se jeta, avec madame de Sully, et se sauva bien vite, la cavalerie faisant main basse sur le peuple.

Ce fut ce qui l'anima davantage, et il se mit à tirer contre le carrosse ; une balle frappa madame de Sully à l'épaule et la lui meurtrit. Un archer, qui était à la portière, eut une balle amortie contre l'estomac et une autre effleura son côté. Le fils de Sanson, le géographe, (12) reçut, tenant la portière, un coup dans la cuisse, dont il est mort. Picot, l'exempt, qui courait après le carrosse, étant chu, fut percé de deux coups d'épée, dont il alla mourir chez M. de Montbazon. M. de La Meilleraye tua de sa main un marinier ; ce qui aigrit extraordinairement tout le peuple contre lui ; aussitôt on tira contre lui, et il courut grand hasard. Il avait été suivi à cheval par La Rallière, (13) Montauron et quelques autres partisans.

S'étant tous retirés au Palais-Royal, le peuple retourna à la maison de M. Luynes, où il pilla quelque chose, et commença à se barricader avec tant de promptitude et d'industrie, que ceux qui ont été aux armées disent que les gens de guerre n'auraient pas si bien fait les barricades. Elles furent faites jusqu'auprès du Palais-Royal, et les sentinelles étaient proches celles du roi. Jamais rien ne parut plus furieux, toutes les boutiques fermées, tout le peuple en armes, aux fenêtres et dedans les rues. Le parlement s'étant assemblé, alla en corps, à pied, au Palais-Royal, redemander leurs confrères.

Le peuple les laissa passer, leur disant qu'ils ramenassent M. de Broussel. Le premier président ayant fait sa harangue, la reine leur répondit qu'elle ne le rendrait point. Le premier président insista ; elle demeura ferme. Le président de Mesmes prit la parole et dit qu'il croyait qu'elle n'était pas avertie du péril, où elle était ; que présentement elle ne pouvait plus dire : « Je ne veux pas, » et que de sa réponse dépendait ou la ruine ou le bien de l'État. Nonobstant, elle les refusa et se retira dans son cabinet. Quelques-uns racontent qu'elle dit qu'elle ferait plutôt prendre M. de Broussel que de le rendre.

Le parlement fort étonné, sort pour retourner au palais, étant deux heures. Ils passèrent toutes les barricades jusqu'à la croix du Tiroir, que le premier président fut arrêté, et un rôtisseur lui porta un pistolet à la tête : « C'est toi, b. . . . ., qui est cause de tout le mal ; tu trahis ta compagnie ; je te devrais tuer présentement. » Le président, fort étonné de cette résistance, demanda conseil à M. de Mesmes, qui lui dit qu'il fallait retourner au Palais-Royal faire connaître le péril, et aussitôt ils retournèrent. Mais tous les autres présidents se retirèrent chez eux, et quelques conseillers fort éperdus.

Viole-D'Osereau se déguisa en jacobin, un autre prit un manteau rouge et un chapeau gris. Le parlement retournant au Palais-Royal, le peuple cria qu'ils n'en sortiraient point, s'ils ne ramenaient M. de Broussel. Étant entrés, la reine leur dit qu'ils délibérassent. M. le cardinal entra en conférence, témoignant qu'ils fissent quelque chose pour obtenir leurs confrères et conserver l'honneur du roi. On les mit dans la galerie, où on leur apporta à manger. La difficulté fut s'ils pouvaient délibérer et donner arrêt hors le parlement, la conséquence en étant très-grande ; que l'on dirait qu'ils n'avaient pas été libres, et que ce serait un moyen d'obtenir à l'avenir tout ce que l'on voudrait d'eux.

Néanmoins, la nécessité les obligeant de prendre avis devant que de sortir, l'État étant perdu, s'ils ressortaient, sans obtenir leurs confrères, il fallait terminer toutes ces affaires ; il passa à délibérer sur-le-champ. Ce qu'ils firent et donnèrent arrêt que la reine serait très-humblement suppliée d'accorder le retour de leurs confrères ; que ce qui avait été ordonné serait exécuté ; qu'ils continueraient à délibérer sur le fait des rentes et du tarif, et que le surplus des délibérations serait remis au lendemain de la St-Martin. M. le duc d'Orléans délibéra avec eux, ainsi que M. le chancelier et M. d'Elboeuf ; ils étaient vingts-six délibérant.

Il y eut un jeune conseiller, qu'on m'a nommé Martineau, qui dit en opinant que son avis était d'accorder au peuple ce qu'il demandait, puisqu'il le demandait de bonne grâce. Monsieur répliqua, s'il appelait demander de bonne grâce, les armes à la main. M. le chancelier para très-bien, et ne parut rien à son discours de la frayeur qu'il avait eue le matin. M. de Mesmes parla aussi très-bien et fortement. Les sièges furent disposés comme dans le parlement. Aussitôt la reine leur accorda leurs prisonniers et les remercia.


   

                 Illustration en 3 parties ou découpes  de  l'arrestation de Broussel le 26 août 1648

L'on expédia incontinent les lettres de cachet et on les donna à M. Boucherat, le conseiller, pour porter à M. de Broussel, et à MM. de Thou et du Coudray, pour porter à M. de Blancmesnil. Les carrosses du roi furent aussitôt prêts, et ils s'y mirent. Le peuple eut grand peine à les laisser passer, et chacun de ces messieurs courut grand hasard. Ils furent obligés de montrer leurs lettres de cachet et furent cinq heures devant que sortir la porte St-Antoine ; ils y furent avec leur robe et leur bonnet. M. de Lamoignon y fut avec sa femme et madame de Marillac ; ce qui facilita la sortie du carrosse du roi, dont le cocher fut bien battu. Pour M. de Blancmesnil, il rentra à minuit. M. de Broussel, qui était au Mesnil-Madame-Rance, ne put revenir que le lendemain matin.

Cependant le parlement sortit du Palais-Royal à sept heures, leur arrêt à la main, assurant le peuple que M. de Broussel leur était accordé ; ce qu'ils avaient grand' peine à persuader. Enfin ils passèrent, et le peuple dit qu'il resterait sous les armes, jusqu'à ce que M. de Broussel fût revenu. La nuit se passa ainsi jusqu'au lendemain matin ; le peuple ne voulut pas ôter les barricades avant le retour de M. de Broussel, qui arriva sur les neuf heures. Il entra par la rue Saint-Denis, et le peuple le reçut avec des acclamations de : Vive le roi ! vive de Broussel ! telles qu'il ne se peut rien dire de pareil.

C'était un triomphe, chacun lui baisant les mains et la robe. Il fallut, pour satisfaire le peuple, le mener par les quartier les plus échauffés, où il fut reçu avec salve de mousqueterie. Il passa par la rue Saint-Honoré et de là sur le Pont-Neuf, et fut à Notre-Dame entendre la messe. Le peuple voulait faire chanter le Te Deum et en pressa M. le coadjuteur. de là, M. de Broussel fut chez lui envoya s'excuser au parlement, s'il n'y pouvait aller. Le parlement lui manda qu'il fallait qu'il y vînt, et lui envoya des huissiers. Il pensa être étouffé dans le palais, où il fut reçu avec grand applaudissement. Le parlement donna arrêt aussitôt pour faire ôter toutes les barricades ; ce qui fut exécuté, et en moins de deux heures tout fut apaisé, les boutiques ouvertes, le commerce rétabli, comme s'il n'y eût jamais eu de bruit.

L'après-dînée, le tumulte recommença au quartier de la porte Saint-Antoine, sur un faux avis qu'il entrait par là deux mille chevaux et sur ce que l'on sortit de l'arsenal deux tonnes de poudre sur une charrette, avec des balles et des mèches, pour conduire, hors de la ville, au Palais-Royal. Le peuple s'en aperçut et pilla la poudre dans le faubourg. La rumeur se fit aussi dans l'Ile, sur un faux bruit que M. de La Meilleraye faisait mener du canon dans l'île Louviers (14), pour la battre et s'en rendre maître ; mais tout cela fut apaisé le soir, et le samedi matin il n'y eut plus de bruit.

Ce qui fut un miracle visible, vu les méchants discours qui se firent parmi le peuple, pour les pousser à faire pis. L'on disait que M. de Broussel avait été tué et que l'on ne rendrait point M. de Blancmesnil ; que le cardinal se voulait sauver, et qu'il y avait de la cavalerie dans le bois de Boulogne. Ce qui était vrai ; mais c'était de la cavalerie qu'on avait fait venir d'Étampes, pour entrer dans Paris. Car ce dessein d'enlever M. de Broussel avait été concerté de longue main, et l'on avait fait venir des troupes. On ajoutait que l'on voulait emmener le roi, et il est vrai que tout fut prêt pour cela pendant vingt-quatre heures. Ce qui était le plus méchant conseil, que l'on pût prendre dans cette occasion.

En quelques endroits, l'on disait tout haut qu'il fallait avoir le cardinal, les uns pour lui faire rendre les louis qu'il [avait] pris, les autres pour le châtrer ; qu'il fallait avoir le chancelier et le grand-maître.(15) Mais Dieu détourna toutes ces méchants pensées, qui étaient proposées malicieusement par quelques-uns, dont, si l'on eût exécuté la moindre, tout était perdu ; et je crois que Dieu a permis ce désordre pour faire connaître à la reine l'état des choses, dont on lui avait caché la vérité. Car, jusqu'à ce que le parlement retournât, l'on lui disait que ce n'était qu'une bagatelle et que trois gardes dissiperaient tout cela.

Je crois que Dieu a conduit les pensées de tout le peuple ; car c'est une merveille que, sans chef, sans conseil prémédité, les bourgeois aient eu, par tout Paris, une même pensée de ravoir M. de Broussel seulement, et qu'ils aient empêché le pillage des maisons ; qu'ils n'aient point été aux bureaux ; et que, dans leur émotion, ils aient conservé un esprit d'ordre et d'obéissance. Il n'a été fait tort à personne, hors chez M. de Luynes ; mais on lui reporte tous les jours ce qui a été pris. Par la douceur, ils ont ôté leurs barricades, lorsqu'ils étaient le plus animés. Il n'y a pas eu plus de vingt hommes de tués, dont la plupart par malheur ; et, de tout ce feu, il n'est resté qu'une haine grande des bateliers contre M. de La Meilleraye, pour avoir tué un des leurs.

J'oubliais d'écrire que M. le coadjuteur, étant prié par les bourgeois d'aller remonter le désordre à la reine, y fut le mercredi, après-dînée, en rochet, camail et bonnet, à pied, sa croix devant lui, soutenu par deux gentilshommes. La reine le reçut très-mal, lui dit qu'elle savait ce qu'elle avait à faire et qu'il se mêlât de prier Dieu.



Sources et notes de Monsieur James Eason

2. Madame de Beauvais était première femme de chambre de la reine Anne d'Autriche.

3. Cebret, ou Ceberet, était un des secrétaires du chancelier.

4. Broussel demeurait rue Saint-Landry, près de Notre-Dame.

5. Château bâti par François Ier, près du bois de Boulogne.

6. L'île de France.

7. Dominique Séguier, frère du chancelier, mort en 1659.

8. Charlotte Séguier, fille du chancelier, avait épousé Maximilien-François de Béthune, duc de Sully.

9. La croix du Tirouer, ou du Trahoir, était à l'angle des rues Saint-Honoré et de l'Arbre-Sec.

10. Cet hôtel était situé sur le quai des Augustins, au coin de la rue Gît-le-Cur. Il a été démoli en 1672.

11. Louis-Charles D'Albert, duc de Luynes, mort en 1690.

12. Nicolas Sanson, né à Abbeville en 1600, mort en 1667.

13. La Rallière était fermier des aides. C'était, avec Montauron, un des plus riches financiers de l'époque.

14. Ce mot désigne l'île de la Cité ou probablement l'île Saint-Louis.

15. Le maréchal de La Meilleraye, grand maître de l'artillerie.


 

Six étapes historiques 
pour découvrir Paris


Les étapes comprennent
3 ou 4 pages de lecture
(elles sont toutes dans un ordre chronologique)

Ancienne présentation
et raisons à l'origine de ce travail !




L'objectif de ce site n'est pas d'apporter une vision grandiose ou globale de la capitale. Ou la chance d'être parisien sur le reste de la France et du monde, simplement s'interroger sur une ville en perte d'âme. Justement c'est à la croisée des pouvoirs politiques et des évolutions sociales, économiques, urbaines que se dessine une histoire propre à Paris. Certes prestigieuse, connue mondialement, mais le plus souvent dont on ne fait que présenter un aspect carte postale : la fameuse Ville Lumière.

Si vous prenez un bateau mouche sur la Seine, on peut entendre ce type de choses rigolotes : "sur la droite vous découvrirez la plus vieille maison de la capitale", "là-bas en flèche la statue de sainte Geneviève qui repoussa Attila des portes de Paris". Une histoire parcellaire et souvent fausse. On peut se dire qu'il suffit pour visiter Paris de connaître un peu la généalogie des rois de France? Oui, c'est vrai ou utile, ils ont laissé pour quelques uns une empreinte. Mais c'est oublié que Paris est aussi une ville comme les autres. Elle a connu aussi des heures sombres, difficiles. Que l'on soit du côté des rois ou empereurs ou du peuple de Paris, la voix légitime fut souvent discordante avec les pouvoirs en place. Il y a forcément moins d'éclat, moins d'éléments clinquants ou de faste sur le pouvoir à faire découvrir.       

D'autre part, ce travail n'a pas en soit de valeur historique ou de label universitaire. Pour autant, certains travaux ont servi pour réponses à des hypothèses. Comme toute recherche, c'est une accumulation de lecture sur le sujet, avec ce que l'on peut dire la volonté de venir bousculer certaines idées fausses. Quand certaines histoires de Paris n'ont fait que répéter ou amplifier les erreurs d'origines, comment rétablir un peu de vérité ou de cohérence?

 Ce travail de recherche est parti d'un bout de territoire de la capitale, d'un quartier de Paris. Et face à une certaine démesure historique, l'accumulation des mythes et histoires erronées, le but fut de limiter le travail à une artère, dans un premier temps. Ensuite ce fut affaire de curiosité et de patience. La topologie a servi de base et a permis de remonter au plus loin dans les ères géologiques, pour se donner une idée d'un terrain nu. Comment alors se forma le bassin parisien? Et les surprises furent grandes et sont venues bousculer pour bonne part l'évolution de la rive droite parisienne. Comme si un cours d'eau oublié pouvait avoir des conséquences sur une implantation humaine?   

Ce fut comme un défi de faire ce travail que l'on peut qualifié de pluri-disciplinaire. Un seul type d'analyse ne pouvait vraiment suffire, car de l'étude des temps protohistoriques à la Commune de Paris, les outils ne sont pas les mêmes. Et il ne s'agit pas de confondre ou comparer, mais de rechercher ce qui a été oublié, ou moins mis en lumière.   

L'antériorité permet toujours de suivre une évolution chronologique, mais chaque période marque une évolution, un tournant et l'on explique mieux en quoi les unes apportent aux autres des passerelles. Anthropologie, paléontologie, géo-politique, etc..., pourquoi limité son regard quand la recherche peut être aussi une question pour amateur éclairé? Comment filé le virus, au mieux transmettre quelques pistes? Ouvrir à d'autres des possibilités de faire de la recherche, sans pour autant être universitaire.

Il faut souligner la responsabilité d'un certain M. Sigmund Freud. C'est à la lecture de son ouvrage Malaise dans la civilisation, que la question de la mémoire s'est posée. Comment une ville comme Rome s'est constituée sur plus de 2.500 ans. Comment ce qui fut une ville d'un million d'habitants, et demeure la capitale de l'Italie a pu accumuler comme couches de mémoires? Et il compare comment notre propre mémoire peut agir pareillement. Sans entrer dans des questions psycho-neurologiques, comment alors restituer un peu de vraisemblance dans ce qui n'est qu'une illustration de notre égo ou de notre perception du temps?

Paris est une ville d'essence latine, bien qu'un peu perdue au nord de la France. Mais elle doit sans égard à l'Italie une bonne part de ce qu'elle a été dans ses fondations. Et si les romains ont aimé Lutèce, ce fut en raison de ses sept colines, rappelant Rome en plus petite. Paris est une petite ville si l'on prend en compte sa dimension. Elle est très densifiée (plus au nord, qu'au sud). Elle reste encore énigmatique sur ses premières heures. Recouvrement du temps et surtout le bétonnage intensif de ces quarante dernières années, ont laissé peu de place ou de temps aux archéologues. Toutefois l'on peut se douter qu'en certains points de la capitale, il reste ou restera en ses sous-sols des restes ignorés, comme la mémoire humaine.        

Paris vaut bien mieux que d'être une ville musée, mais on peut souligner que dans un musée, il y a matière à l'imaginaire. Paris est une ville froide, peu accueillante, et si l'on connaît les parcours touristiques, l'on évite la masse de voyageurs qui viennent voir et se perdre dans un Paris qui n'a rien à voir avec le quotidien de sa population. Les besoins des résidents d'une ville sont des enjeux urbanistiques. Quelle ville voulons-nous? Le drame de de cette cité est probablement d'être la capitale politique de la France et quel bien nous ferait de voir les administrations partir ailleurs et laisser Paris et sa région, moins sous le joug du centralisme. Mais cette ville (et ceux qui en ont eu la gestion) s'est embourgeoisée et à chasser en banlieue ou mis en ghetto ses populations les plus pauvres.

On parle de mixité, mais l'on sait que les vrais parigots (têtes de veaux) sont en Seine Saint Denis ou dans le Val de Marne, en périphérie. On se demande alors qui réside dans Paris et dans sa banlieue? Il y a une lecture de Paris et de sa région qui souvent échappe. Une lecture Est/Ouest,des territoires pauvres-riches que l'on ne soupçonne pas. Il y a aussi le gag de découvrir que la géographie de cette ville ressemble à une coquille d'escargot. Une carapace, un centre fermé sur lui-même et tournant en spirale. Et quand un parisien vous répond à un renseignement sur une rue, "c'est tout droit", il a une notion des angles qui lui sont propres. Nous avons aussi la pire des enceintes fortifiées qui soit et qui ne permet pas d'articuler cette ville à ses liens évidents que sont les villes de la petite ceinture et au delà.

Le politique pense cercle, donc il délimite son espace selon un ordre très ancien. Le périphérique, lui tourne autour de la spirale et comment rendre fou un anglo-saxon, simplement lui expliquer que la ligne droite n'existe pas vraiment dans cette ville. Sauf pour les architectes et les urbanistes qui eux sont venus surajoutés une touche propre, où l'on se demande si ce n'est pas la folie de ces derniers qui fait de Paris une ville étouffante. Quoi qu'on veuille la capitale a perdu son âme populaire. Cause de la démesure des réalisations s'entassant et ne répondent finalement qu'aux questions de circulation quand tout est pensé, pour et à partir de la voiture.

Les vieux parisiens du Paris populaire sont quasiment des reliques, et ceux qui font aujourd'hui la ville sont au delà du périphérique.

         

Ô que nous avons de quoi maudire Pompidou de n'avoir pas su respecter les populations et rendre cette ville à elle même. Dans les années 1990, nous en étions encore a penser une petite exode vers Paris et sa région de plusieurs millions de personne (le SDRIF, pour les experts). Où comment nous devions passer de onze à quinze millions d'habitants sur ce territoire. Avec 12 millions d'âmes, on ne sait pas loger correctement une somme non négligeable de la population. Et à Paris, la crise du logement sert à pousser depuis les années 1980 à la hausse et rendre quasi impossible l'accès à des logements à des prix comparables, à tout le reste du pays. Et encore moins un accès aux logements sociaux, ils sont plus de 100.000 en liste d'attente, dont 50.000 prioritaires : c'est à dire disposant de moins de quatre mètres carrés par personne...

L'état sanitaire de cette ville a toujours été au centre du problème. Et pour de diverses raisons historiques et sociales, il est difficile de maintenir une population sur si peu d'espace. Se pose la question d'une crise urbaine qui peut annoncer un déclin de civilisation? Qui sont les parisiens, la plupart des "non" parisiens. A Paris, le mouvement est impressionnant entre la province d'une part, et le reste du monde d'autre part. De plus, une métropole sans communauté urbaine, donne à penser des relations plutôt déséquilibrées entre le centre et sa périphérie. Le centralisme n'a pas vraiment évolué depuis Monsieur Colbert. A la lecture des différentes étapes de cette ville, tout commence depuis au moins le Moyen Âge : les pouvoirs royaux n'ont cessé de renforcer leurs législations dans une volonté de contrôle du clergé, de l'aristocratie, des masses, puis de la Nation toute entière.

LM - juin 2005

Suite de la promenade :
 Le Quartier de la Porte Saint-Denis

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Dernières modifications : 10/09/2017