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La Renaissance à Paris

(seconde partie)

En août 1572, c'était aussi l'union de Marguerite de Valois, catholique, (ci-contre) dans la capitale avec son cousin Henri de Navarre. Le Béarnais abjura-t-il sa foi pour la paix civile du royaume? Ce qui le poussa à six revirements... tentons d'y voir plus clair !

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Le futur Henri III était élu roi de Pologne en 1573 (ci-contre son portrait en tant que duc d'Anjou peint par Jean Decourt). A la mort de son frère Charles IX, l'année suivante, neuf mois après il fut sacré à Reims, le 13 février 1575. Le roi épousait le surlendemain Louise de Vaudémont contre toutes les attentes de Catherine de Médicis, qui envisageait un mariage princier avec la Suède et de faire élire son dernier fils François, duc d'Alençon, comme le nouvel édile de Pologne et de Lituanie à la suite d'Henrik 1er, remplacé au final par un prince Transylvanien (Etienne Bathory).

A contretemps, Henri de Valois épousa une femme de petite noblesse lors du retour de son périple européen, qui plus est de la maison de Lorraine. Toutefois comme sa mère, la jeune reine inattendue s'avéra elle aussi comme une femme d'Etat, pareillement à sa belle-mère. Toutes les deux eurent une activité diplomatique conséquente. Et en ce domaine Catherine de Médicis fut au centre des nombreuses tractations qui assurèrent l'unité du royaume, loin ou à rebours des portraits et récits dressés par les historiens du XIXe siècle, et toujours en débat.


Sous le coup d'une légende noire, les réalités ne sont pas simples à exposer. Catherine de Médicis avec ses trois enfants rois "névrosés",  il n'est pas évident d'aborder une période, où le discrédit était général et les oppositions exacerbées, donc propice à des partis pris, même en l'état des recherches et connaissances. Selon l'idée que les vainqueurs effacent ou éliminent les vaincus, Henri de Navarre n'aurait pas pu ramasser la mise sans les vues à long terme de la reine-mère, qui assura plusieurs régences. Et Henri le Béarnais a été sous son emprise et inclus à ses perspectives politiques d'unions, mais pouvait-elle se douter que ses ouailles pouvaient la contrecarrer ou être les acteurs directs de la discorde?

Henri de Valois naquit à Fontainebleau en 1551 et avant d’accéder à la couronne de France, il a été d’abord roi de Pologne en 1573 sous le nom d’Henri 1er pendant deux années, il fut élu par la Diète, le Parlement polonais. Parti en Pologne l’année 1574, ce fut sa mère Catherine de Médicis (ci-contre) qui assura la régence en son absence. Henri de Valois fit en sorte de ne pas conserver le titre étranger, son ambition (et espoir de gloire) aurait été de devenir roi de France. Ce qui ne correspondit pas au plan de sa mère, depuis la disparition d’Henri II, cette dernière avait la haute main sur les affaires et administrait le pays comme régente.


Le quatrième fils (et le préféré) de Catherine de Médicis et d’Henri II, le nouveau monarque débuta son règne en s’appuyant un temps sur la sainte Ligue. Mais un de ses appuis, le cardinal Charles de Lorraine de la famille de Guise contesta la transmission réclamant le trône pour sa branche, mais cette prétention n’allait pas pour autant en finir avec cette vieille lignée carolingienne. Ce dernier décéda peu après.

Les deux Henri (Navarre et Valois) avaient à peu près le même âge et ils avaient grandi ensemble à la cour d’Henri II. Henri III se vit confronter à la menace que représenta son cousin le troisième duc de Guise, Henri 1er, et fit en sorte de se débarrasser de cette contestation, et là où il avait échoué devant les forces Réformées, il dut se résoudre à la paix et ouvrit ainsi la succession à Henri de Navarre. Henri III a été à l’origine des édits de Beaulieu et de Poitiers, bien plus favorables aux huguenots, que l’acte promulgué en 1598 par son cousin héritier.

Avec Henri de Valois, il n’est pas plus simple de faire une synthèse des faits ou événements de ce règne d’une quinzaine d’années, ou ce qui est propre à la seconde partie du XVIe siècle, du sacre d’Henri II au règne d’Henri IV. Pour une raison assez simple, l’avènement de ce prince n’a pas laissé grandes victoires ou louanges, mais des critiques négatives et oppositions nombreuses. Une attitude désinvolte et pleine de maladresse irritèrent divers partis dès son accession à la tête du royaume. Ce qui en fit un personnage d’intrigues et erratique dans ses comportements. Et s’il a été tant décrié, il représente une faille et demanderait à plus d’éclaircissement.

À la suite des nombreuses guerres civiles et religieuses survenues de 1562 à 1598, sur 36 années se déroulèrent huit étapes conflictuelles plus ou moins longues et faîtes de batailles, de déplacements de troupe et villes assiégées, comme La Rochelle en 1573, qui opposèrent les réformés aux tenants du dogme romain. Et qui participèrent des traités de paix plus ou moins solides et selon une géographie, où la France n’était pas vraiment établie dans ses frontières de l’est ou à l’orient, menacée au nord par les Pays-Bas espagnols. Mais cela ne suffit pas à comprendre les conditions dans lesquelles Henri de Valois accédait dans un contexte de fortes rivalités, si l’on examine les deux décennies avant l’édit de 1598 et le rôle et les fonctions de la reine mère depuis son union avec Henri II, nous plongeons dans un roman familial où beaucoup peut concourir à ne plus savoir qui est qui ?




Famille de Valois d'Henri II à Henri III


Chaque maillon de la famille de la reine mère et en particulier ses héritiers mâles : cinq au total, trois furent rois et en offrant au mariage sa fille Margueritte de Valois (Margot) à son cousin Henri de Navarre, elle a su tisser des liens et une mainmise affirmée sur la conduite des affaires et de la famille royale. Son dernier fils, François proche des huguenots a été envisagé dans une union à Elisabeth 1ère d’Angleterre, et Catherine de Médicis a su contracter des unions utiles pour maintenir l’unité du royaume face à la toute puissance de l’Espagne. Une femme de caractère, sans nul doute, qui jusqu’à son décès en 1589 officia à un rôle prépondérant, ce qui ne signifia pas que ses enfants ne furent pas pour autant contradictoires ou dans une opposition au monarque? On peut considerer que pour l'ensemble des partis en cause la famille royale était intouchable, et les rivalités familiales s'exerçaient à fleurets mouchetés... jusqu'alors.


L’ennui et contrairement aux nombreuses couches que connut Catherine la "florentine" : une dizaine, les héritiers ou progénitures n’ont rien laissé comme possible dauphin ou succeseur mâle. A la mort de son fils Charles IX qui n’a pas vraiment régné, en raison de son jeune âge et de crises de folie, la régente à sa disparition ordonna la fermeture de certains accès du Louvre et appela à sa rescousse des forces armées pour protéger les entrées, dont elle conçut l’idée d’un Palais royal. Par ailleurs, la reine-mère mit en demeure son dernier fils le duc d’Alençon - et d’Anjou à son tour - et Henri le Béarnais de ne pas quitter la cour, jusqu’à ce que ces derniers prennent la poudre d’escampette, et combattent à leur tour.

La place des histoires familiales et de leurs choix pour la Réforme ou contre n'expliquent pas tout, ni les nuances qui ont pu exister, entre autres à l'exemple la modération d'hommes comme Montaigne (tout comme le poète de cour Pierre de Ronsard, Montaigne a connu le mécénat de la reine Catherine). Ce qui est sûr c'est que les grands perdants furent les huguenots, et que l'édit de Nantes n'a été qu'une pâle copie par rapport à l'édit de Beaulieu ou de Poitiers. Il s'agit de même de prendre en compte une guerre civile et un affrontement anglo-espagnol. Le rôle des ambassades, des services secrets sont aussi de cette histoire tumultueuse où Catherine de Médicis a été renvoyée à ses occupations sur l'occultisme, ou bien avoir été l'instigatrice de la Saint-Barthélemy, ou même être une empoisonneuse, soit l'équivalent d'une sorcière ou d'une personne maléfique. Dans le doute obtenu et une déconsidération abusive, il vaut mieux échapper aux binarismes des "gentils et méchants". De toute part les violences ont dominé et décimé, et les cercles fermés des pouvoirs négocier en coulisse, et malgré les plans prévus, elle ne se doutait pas qu'Henri de Valois (tout aussi discrédité), et bien que son fils préféré lui amener de si gros soucis de gouvernabilités.


Néo-platonicienne et de formation humaniste, la reine-mère a laissé une abondante correspondance (5.000 lettres), elle s'adonnait aux horoscopes ou prédications de mages (Nostradamus et Ruggieri), ce qui n'avait rien d'anormal, la chose était courante, l'astrologie pour l'époque était une science. Et pour saisir le contexte, René Descartes naissait à la fin du siècle, la pensée rationnelle plutôt absente pour considérer ces temps-là autrement que par ses oppositions cultuelles et ses réalités économiques et sociales.


L'annonce de la disparition de Marie de Clèves, princesse de Condé son amante et mère d'une fille qui lui fit perdre la vie en couche, encore duc d'Anjou et d'Orléans, Henri de Valois à l'annonce de sa mort sombra dans des excès, aussi bien mystiques, qu'en des dépenses inconsidérées pour des somptueuses festivités.
Henri III avait été un batailleur, il mena de rares batailles du temps de son règne, le roi avait ainsi cru prendre la tête de la sainte Ligue et tenir à distance les prétentions à un trône, qui  s'avéra en apparence plus vacillant, qu'il ne le pensait.

On pourrait en oublier les pressions et interventions extérieures des états Allemands calvinistes, et des traités qui favorisèrent des solutions d’aménagements territoriaux face aux pays frontaliers de l'Est, qui comprenaient : les duchés de Savoie, du Dauphiné, de Lorraine, la Franche-Comté espagnole et le saint Empire germanique. Au final, il y a de quoi s'interroger sur la conception et mise en oeuvre de l'Eglise gallicane parachevant la structure intemporelle en faveur de la royauté et d'un pouvoir tendant pas à pas à "l'absolutisme" : ce terme prendra forme sous la plume de Montesquieu, plus tardivement. Depuis François 1er jusqu'à Henri IV, il est possible de parler de rois absolus.


Nous ne pourrons pas apporter sur cette période terminale du XVIe siècle tous les tenants, sauf à comprendre les oppositions religieuses en une autre perception conflictuelle. Assassinats et duels, et conflits guerriers ont été légions dans les rangs de l’aristocratie française, tout camp confondu. Mais ces données ne peuvent suffire pour en saisir toutes les interactions et nuances, et de quoi se perdre ou patauger dans les lignages. Le danger est d’appréhender le règne d’Henri III sous le seul angle des bons et mauvais huguenots ou catholiques et toujours de manière frontale. Une vision un peu trop simple et limitée au royaume. Sinon, Henri III marquait la fin de la dynastie des Valois et l'entrée en scène des Bourbons.



Les origines de la sainte Ligue (ou sainte Union)

Les 40 dernières années du XVIe siècle sont particulièrement riches et denses, et tout ce qui se déroule dans la capitale n’aide pas à prendre en considération l’état général du royaume et plus largement en Europe. Une mutation d’ampleur qui va au-delà des seuls affrontements guerriers en interne et met en scène la première puissance avec l’Espagne, financeur de la sainte Ligue, qui s’appuya sur le clan des Guise, ducs et cardinaux de Lorraine pour tenter de mettre la main sur la couronne de France. Souhait que n'a pu réaliser Philippe II d'Espagne, malgré la fortune considérable qu'il y a engloutie.



Procession de la Ligue par le peintre Jacob Bunel (Château de Pau)

La réalité de trois clans familiaux à intérêts divergents, mais dont le but commun était de diriger le pays participa du chaos ambiant sans se défaire, le paradoxe de cette époque trouble. Les membres et soutiens à Henri troisième duc de Guise (le petit dernier) représentèrent le camp des ultras catholiques refusant toute conciliation et s’armèrent comme du temps des croisades pour combattre l’hérésie huguenote jusqu’au dernier de ses membres. Une folie meurtrière dont les huguenots calvinistes ont été aussi acteurs de massacres dans les années 1560.

La famille royale de la dynastie des Valois, bien que dotée de plusieurs héritiers successifs (François II et Charles IX), avec l’avènement d’Henri III finissait la dynastie des Valois, à un peu plus des trois-quarts du siècle, l’issue ne pouvait amener que soit un de Guise, soit un de Bourbon sur le trône, deux familles prétendantes et Philippe II aux embuscades. Ce n’était pas sans compter sur l’appui des états Allemands calvinistes et ceux que l’on nommait les "Malcontents ou Mécontents", qui au sein du royaume se positionnèrent sur les partisans religieux modérés des deux camps et trouvèrent dans le duc François d’Alençon leur figure de prou, dernier fils de Catherine de Médicis (décèdé en 1584). Plus d’enfants mâles pour succéder et les menaces externes se précisant, l’unité ne céda pas pour autant et s’est maintenue au fil des conflits et trêves ou Etats Généraux.

Quant au parti catholique organisé dans la sainte Ligue, il prenait pour décision d'interdire au roi Henri III de faire allégeance aux Protestants, prêt si besoin était,
notamment de mettre un arrêt à la dynastie des Valois, ce qui survint par absence d'héritiers mâles.

« Dès l’an 1562, vingt-six ans avant la journée des barricades, le cardinal de Lorraine étant au concile de Trente conçut le plan d’une sainte ligue, ou association de catholiques, qui devait avoir le triple but de défendre à main armée, l'église romaine en France, de faire rendre au frère du cardinal, François duc de Guise, la lieutenance générale du royaume, et de l'aider a monter au trône, dans le cas où la race (dynastie) des Valois viendrait à s'éteindre. La mort du duc, assassiné devant Orléans par Poltrot, ne permit pas au cardinal d'exécuter son plan.

Cinq ans après, Henri de Lorraine, duc de Guise, fils aîné de François, et alors âgé de dix-huit ans, fit, pour la première fois, composer une formule de serment, par laquelle les signataires s'engageaient à sacrifier leurs biens et leurs vies à la défense de la religion catholique envers et contre tous, excepté contre le Roi, la famille royale et les princes de son alliance. Cette formule fut signée par la noblesse de Champagne et de Brie, provinces dont Henri était gouverneur, et le 25 juillet 1568, l'évêque et le clergé de Troyes la signèrent également. L’association est nommée dans la formule sainte ligue, ligue chrétienne et royale.

Jusqu'à l'année 1576 cette association resta secrète et ne franchit pas les limites de la Champagne. Les massacrés de la Saint-Barthélemy avaient suffi pour occuper les catholiques et pour satisfaire l'ambition des Guises. D'un autre côté, l'inventeur de la Ligue, le cardinal de Lorraine, étant mort en 1574, ses plans semblaient devoir s'éteindre avec lui ; mais Henri de Guise n'oublia pas les instructions de son oncle, et le nouveau roi, Henri III, lui donna bientôt l'occasion de les mettre à profit. » 
Source : Gallica-BnF - Histoire abrégée de la Ligue depuis son origine, Vitet Ludovic,
pages 282 et 283, éditions Michel Lévy frères Paris, 1861.

C'est à partir de l'année 1585, qu'était publié à Perrone (département de la Somme) la proclamation de la Ligue, elle demandait entre autres, la tenue d'Etats Généraux, et une religion unique. La dite sainte Ligue avait obtenu le soutien du roi Philippe II d'Espagne, pour faire pression sur le roi de France, et resta relativement secrète avant de se manifester ouvertement dans Paris et y trouver le soutien des Parisiens du peuple. Les ligueurs demandèrent au prince Henri de Guise de les rejoindre à Paris. Le roi Henri III, de son côté fit venir des troupes françaises et des gardes Suisses, qu'il disposa tout autour du Louvre et de l'île de la Cité. Dans cette ambiance surchauffée, la foule fit le choix de la Ligue et se prononça en faveur d'Henri de Guise, dit le Balafré, présent à Paris depuis le 9 mai 1588. Une rumeur circulait dans la ville d'une Saint-Barthélemy de revanche, qui devait s'organiser contre les catholiques cette fois-ci.

La révolte gagna le vendredi 12 mai 1588, dès l'aube, le quartier dit latin se remplissait de « barricades », les monticules étaient formés à partir de barriques.
Les objets le plus couramment utilisé pour barrer les voies, et plusieurs porteurs d'armes y trouvèrent la mort.
Henri III s'en allait précipitamment à Chartres, se replia par la suite à Rouen et signait l'édit de l'Union. Le roi se soumettait aux conditions de la sainte Ligue, Henri de Guise devenait Lieutenant-général du royaume, puis Henri III convoquait une nouvelle fois les Etats-généraux à Blois.


La journée des Barricades et fuite d'Henri III

Pierre de l’Estoile (1546-1611)

De l’arrivée du duc Henri de Guise à Paris à la fuite d’Henri III après la journée des Barricades, Pierre de l’Estoile ici nous narre un petit bout d’histoire qui marqua les esprits. Son journal ou mémoires est un splendide et authentique témoignage, car l’auteur a été un contemporain des événements. Bien que parti pris dans son récit, il raconte ces journées avec entrain et simplicité, et il est de toute façon, un des rares écrits qui n’ait pas tourné à l’avantage des Ligueurs, qu’il détestait. Est-il précisé dans l’ouvrage dans sa présentation, placardages venus des partis adverses qui s’activèrent à la publication de brûlots contre le roi et la reine mère, et qui a perduré longtemps sous d'autres formes.

Nous sommes à peu de mois de la disparition d’Henri de Guise, et qui l’année suivante connaît la disparition et la fin tragique d’Henri de Valois, sans héritier naturel, et le dernier souffle de Catherine de Médicis. Et cela ne mettait pas fin aux guerres civiles et de l’extérieure, tout en influant en interne, mais ouvrit la voie au Béarnais dans des conditions où l’unité de la France se vit menacée, jusqu’à la conclusion de l’édit de Nantes et le ralliement de tous les grands du royaume. Hier farouches ennemis de ce roi de Navarre hérétique aimé par l’auteur de ce présent texte, sa référence ultime. Il est à noter que la fin de la Renaissance diffère très peu du Moyen Âge et cet écrit est une assemblage de notes de l’auteur (les parenthèses des éditeurs scientifiques n’ont pas été conservées, mais intégrées au texte).



Journal et Mémoires du 5 au 14 Mai 1588 à Paris

« Le jeudi 5 mai, le seigneur de Belièvre revint de Soissons, de l'assemblée qui s'y était faite avec ceux de Lorraine et de Guise, et rapporta au Roi, qui l'y avait envoyé, et mandé par lui au duc de Guise qu'il n'eût à venir à Paris, des réponses ambigües de sa part, avec hautes paroles de mécontentement du dit duc de Guise, qui fût cause que le Roi lui fît une recharge par le dit de Belièvre, par laquelle il lui mandait exprès qu'il n'eût à venir à Paris qu'il ne le mandât ; et que s'il y venait, les affaires étant en l’état qu'elles étaient, pourraient y causer une émotion de laquelle il l'en tiendrait à jamais auteur et coupable de tout le mal qui en adviendrait. Et pour le regard de la ville de Paris, sa majesté étant dûment avertie qu'il s'y pratiquait un remuement dedans contre lui et son état; pour y donner ordre et prévenir les conspirateurs, fît faire fort guet de nuit et de jour et renforcer ses gardes à l'entour de son Louvre, avec résolution d'y châtier quelques Ligueurs perturbateurs du repos de la ville et de l'Etat.

De quoi ceux de la Ligue ayant été avertis envoyèrent en diligence à Soissons supplier le duc de Guise de les venir secourir contre les cruels desseins du Roi. Celui qui y fût envoyé de leur part, fût Brigart qu'on appelait à cette heure là le courrier de l'Union, lequel démontra à M. de Guise le hasard que courait la Ligue à Paris, s'il n'y venait, et que sa présence y était tellement requise, que s'il ne s'y acheminait promptement, il ne fallait plus qu'il fît état d'y avoir aucun serviteur usant de ces mots : « que les frères étaient fort débauchés, mais que sa présence rhabillerait tout et qu'il pouvait assurer sur sa vie et son honneur, que tout se porterait bien s'il y venait. »

Sur quoi M. de Guise ayant un peu songé et insisté sur la défense que le Roi lui en avait faite, enfin s'étant résolu, il monta à cheval avec huit gentilshommes des siens, sur les neuf heures du soir, Brigart faisant le neuvième de sa troupe, et en cette compagnie arriva le lendemain à midi à Paris, qui était le lundi 9 mai. Etant arrivé, alla droit descendre au logis de la Reine mère, qui était indisposée, laquelle néanmoins se fît porter dans sa chaire à bras jusques au Louvre, accompagnée du duc de Guise toujours à son côté, qui la suivie à pied jusques au dit lieu. Cette venue étant annoncée au Roi, l'étonna et lui fut si peu agréable, qu'étant enfermé pour lors en son cabinet, avec le seigneur Alphonse Corse, il lui commença à dire avec un visage triste et plein d'indignation :

- Voilà monsieur de Guise qui vient d'arriver, et toutefois je lui avais mandé qu'il ne vînt point à votre avis capitaine Alphonse, si vous étiez en ma place et que vous lui en eussiez mandé autant et qu'il n'en eût tenu autre compte, que feriez-vous?
- Sire, dit-il, il n'y a ce me semble qu'un mot en cela tenez-vous monsieur de Guise pour votre ami ou pour votre ennemi?
A quoi le Roi n'ayant rien répondu, sinon par un geste qui donna assez à connaître à l'autre ce qu'il en pensait le seigneur Alphonse alors lui dit :
- Sire, il me semble que je vois à peu près le jugement qu'en fait votre majesté, ce qu'étant, s'il vous plait de m'honorer de cette charge, sans vous en donner autrement peine, je vous apporterai aujourd'hui sa tête à vos pieds, ou bien vous le rendrait en lieu là où il vous plaira d'en ordonner, sans qu'homme du monde bouge ne remue, si ce n'est à sa ruine. Et de ce j'en engage présentement ma vie et mon honneur entre vos mains.

A quoi le Roi répondit qu'il n'était encore besoin de cela, et qu'il espérait de donner ordre à tout en bref, par un autre et plus court moyen. Et là-dessus étant sorti de son cabinet, le duc de Guise lui ayant fait une grande et plus basse révérence, mais moins assurée que de coutume, Sa Majesté lui fît assez maigre accueil, se plaignant de ce que l'ayant prié de ne venir, il n'avait laissé nonobstant sa prière et son mandement, de passer outre. De quoi le duc de Guise s'excusa le mieux qu'il pût, laissant à la Reine-mère à faire le demeurant, qui ne cessa d'après le Roi qu'elle ne l'eût apaisé et non tellement toutefois, qu'il n'en demeurât du ressentiment dans l'estomac de ce prince principalement quand il eût entendu, ce jour, les grandes révérences et acclamations que ce sot peuple avait faites à sa venue, et qu'en la rue Saint-Denis et Saint-Honoré on avait crié : Vive Guise vive le pilier de l'église! même qu'une damoiselle étant sur une boutique avait abaissé son masque et dit tout haut ces propres mots Bon prince, puisque tu es ici, nous sommes tous sauvés. »

Le mercredi 10 mai, le Roi ayant eu avis que le duc de Guise avait fait approcher de Paris ses Albanais et autres gens de guerre qui n'en étaient pas loin, et que la suite de ses amis et serviteurs entraient à Paris file à file même que l'archevêque de Lyon, qui était l'intellect agent de son conseil, était arrivé sur le point du dîner à l'hôtel de Guise redoublant ses soupçons et sa défiance commanda la garde des postes très étroite et qu'on eût à faire la nuit bonne garde et sentinelles.

Le vendredi12 mai, le Roi, dès le grand matin, fît à petit Pont, depuis le carrefour Saint-Sevrin, jusques au devant de l'Hôtel-dieu ranger une compagnie de Suisses, et une compagnie de soldats français de sa garde sur le pont Saint-Michel, une compagnie de soldats Français au Marché-Neuf, trois compagnies de Suisses et une compagnie de Français en la place de Grève, trois compagnies de Suisses et une compagnie de Français dedans le cimetière des Innocents quatre compagnies de Suisses et deux compagnies de Français. Et autour du château du Louvre, les autres compagnies de Suisses, restants des quatre mil, et les autres compagnies françaises.


Le Roi tâchait par ce moyen d'exécuter ce qu'il avait déjà résolu en son conseil, c'est à savoir de se saisir de quelque nombre des bourgeois de Paris, de la Ligue, des plus apparents, et de quelques partisans du duc de Guise, faisant la faction comme chef de part, contre lui et contre son état et qui avaient signée la conjuration qu'il disait savoir au vrai avoir été arrêtée entre les Parisiens et ceux de Guise, pour se saisir de sa personne et le déposséder de sa couronne, et faire mourir tous tels remuants et rebelles par les mains des bourreaux, pour servir d'exemple aux autres Ligueurs adhérents au parti du duc de Guise, qui à la bonne foi l'avaient suivi, ayants été trompés sous le masque de la religion qu'il avait prise pour prétexte et couverture de ses damnables et ambitieux desseins.

Telle était l'intention du Roi ; laquelle, le président Séguier sans y penser assez imprudemment pour un grand courtisan qu'il est, découvrît ce matin à un Ligueur, qui lui demandait que ce pouvait être que tout ce grand remuement car il lui dit qu'il était raisonnable que chacun fût le maître en sa maison, et que le Roi se ferait reconnaître ce jour à Paris ce qu'il était, mettant ses bons serviteurs en liberté, par la justice et châtiment qu'il ferait faire des mutins et perturbateurs. Lequel dessein du Roi, toutefois ne réussit à la fin par lui prétendue ; car le peuple voyant ainsi toutes ses forces disposées par la ville, commença à s'émouvoir, et craindre quelque chose de pis, et à murmurer qu'on n'avait jamais vu ni ouï à Paris qu'on y eût mis une garnison étrangère.

Sur ce incontinent chacun prend les armes, sort en garde par les rues et cantons, en moins de rien tend les chaînes et fait barricades aux coins des rues l'artisan quitte ses outils, le marchand ses trafics, l'université les livres, les procureurs leurs sacs, les avocats leurs cornettes, les présidents et les conseillers mêmes mettent la main aux hallebardes on n'ait que cris épouvantables, murmures et paroles séditieuses pour échauffer et effaroucher un peuple. Et comme le secret, l'amour et le vin, ne valent rien quand ils sont éventés, ainsi le duc de Guise ayant découvert de ce côté là le secret du Roi, comme pareillement le Roi avait découvert le sien, craignant d'être prévenu, envoie sous mains plusieurs gentilshommes de ses partisans qu'il fait disposer de son ordonnance en chaque canton pour encourager ce peuple assez mutin mais couard, et enseigner aux escouades et dizaines le moyen de se bien barricader et défendre car encore que l'archevêque de Lyon eût assuré le duc de Guise de la part du Roi, que le département des gens de guerre par les quartiers de Paris, n'étaient contre lui, sinon s'en veut-il fier qu'à son épée.

Au contraire le Roi, qui jusques au midi dudit jour était le plus fort, ayant moyens de rompre les intelligences et barricades du Guisart et de ses Parisiens, remet la sienne au fourreau, avec défense à tous les siens de tirer leurs épées, seulement à moitié, sur peine de la vie espérant que la temporisation, douceur et belles paroles, accroîtraient la fureur des mutins, et désarmeraient peu à peu ce sot peuple, lequel tout au rebours, l'après dîner venue s'étant armé, assemblé et barricadé plus que devant et se sentant fort, commença à regarder de travers les Suisses et soldas français étant par les rues et à les braver de contenance et de paroles, les menaçant, si bientôt ils ne se retiraient, de les mettre tous en pièces. De quoi le Roi averti, envoya le seigneur d'O, le capitaine Alphonse, les maréchaux de Biron et d'Omont, Grillon et plusieurs autres des siens, pour retirer toutes ces compagnies, tant étrangères que françaises, le plus doucement qu'ils pourraient vers lui, du côté du Louvre, et empêcher que ce peuple mutin ne les offensât. Mais ils n'y purent sitôt venir que déjà l'émeute ne fût commencée vers le Petit-Pont, et le Marché-Neuf, et qu'on n'eût déjà blessé quelques-unes des compagnies des Suisses qui y étaient.

Lesquels lesdits seigneurs d'O et Corse retirèrent, les reconduisant par-dessus le pont Notre-Dame et pria as le peuple de les laisser aller sans les offenser, si ne peuvent-ils tant faire, ni ces pauvres Suisses ; jetant les armes bas et criants bonne France et à mains jointes : « miséricorde!» que ce peuple furieux, depuis le Petit-Pont, jusques au pont Nostre-Dame, n'en tuât tout plein tant de coups d'arquebuse, qu'autres coups de main et de grès, et pierres que les femmes et enfants jetaient par les fenêtres. Les autres s'étant rendus criant vive Guise furent désarmés par monsieur de Brissac, et logés en une boucherie au Marché-Neuf, et les morts enterrés d'une fosse qui fût faite au milieu du parvis Notre-Dame. Le reste des gardes du Roi passa ledit pont à grande peine, et furent lesdits seigneurs d'O et Corse,qui les ramenaient, en grand danger de leurs vies et personnes, confessant qu'ils n'avaient jamais eu tant de peur qu'à cette heure là. Ceux de Grève et des Innocents menacés d'être taillés en pièces, aussi bien que les autres, furent sauvés avec ces pauvres Suisses prisonniers, par le duc de Guise, lequel, à l'instante prière et requête du Roi, qui lui envoya le maréchal de Biron, exprès pour cet effet, les alla prendre et conduire lui-même en lieu de sûreté. Sans lui ils étaient tous morts et n'en fût réchappé la queue d'un, comme depuis ils ont reconnu et avoué ne tenir la vie que de ce seigneur, qui pria le peuple de les lui donner, ce qu'il fît tout aussi tôt, étant la fureur de cette sotte populace accointée au simple son de la voix de Guise, tant elle était empoisonnée et assottée de son amour.

Il n'était sorti tout ce jour de son logis, et avait toujours été aux fenêtres de son hôtel de Guise, avec un pourpoint blanc découpé, et un grand chapeau, jusques à quatre heures du soir de ce jour, qu'il en sortît pour faire ce bon service au Roi. En sortant furent ouïs quelques faquins ramassés là pour le voir passer, qui crièrent tout haut il ne faut plus lanterner ; il faut mener Monsieur à Reims; passant par les rues, c'était à qui crierait le plus haut : vive Guise ! Ce qu'il voulait faire paraître avoir à déplaisir, tellement que baissant son grand chapeau, on ne sait s'il riait dessous, leur dit par plusieurs fois « Mes amis, c'est assez ; Messieurs, c'est trop; criés vive le Roi ! Les autres compagnies françaises de la garde du Roi, se retirèrent vers le Louvre, sans être autrement offensées fors deux ou trois, qui furent si téméraires que de vouloir braver les bourgeois du carrefour Saint-Sevrin qui étaient animés et assistés par le comte de Brissac, qui avait dès le matin gagné le côté de l'université, fait armer les écoliers, et fait faire les premières barricades vers la rue Saint-Jacques et le quartier de la place Maubert où un avocat de la cour, nommé La Rivière, se montra tant ardent et actif par dessus tous tes autres à barricader et animer le peuple à l'encontre du Roi, qu'il lui échappa, en régnant Dieu, de dire ces vilains mots : « Courage, messieurs, c'est trop patienter, allons prendre et barricader ce bougre de Roi dans son Louvre. »



Paris à la fin du XVIème siècle

Le chevalier d'Omale vint sur le soir retirer monsieur d'O de la presse où il était et le ramena avec le seigneur Corse jusques au Louvre en assurance. Laquelle escorte servît bien au dit d'O, qui était mortellement haï et mal voulu du peuple, qui avait opinion que par son conseil, et celui de Villequier son beau-père, le Roi avait fait faire cette belle disposition de troupes armées par la ville; comme aussi ç'avait été lui qui, le matin, les y était venu poser et disposer avec Grillon, au quel on n'en voulait pas moins, pour avoir été si insolent, et vilain en paroles, que de menacer les bourgeois de Paris cette nuit là, du déshonneur de leurs femmes, et ce en termes injurieux, sales, et impudiques tout outre. Toute cette nuit le peuple fût en alarme, et par deux fois en la dite nuit vint le comte de Brissac l'animer et encourager de poursuivre sa pointe, lui tenant le secours des écoliers, qu'il avait fait armer, prêt au carrefour Saint-Sevrin, pour le faire marcher quand besoin serait. Et pour ce que, le jeudi des barricades, toutes les portes de Paris avaient été tenues fermées fors la porte Saint Honoré qui seule avait été ouverte, le lendemain qui était le vendredi 13 mai, les portes Saint-Jaques, Saint-Marceau la porte de Bussi (Buci ou St. Germain) et celle de Saint-Antoine furent ouvertes et gardées par les bourgeois de la Ligue, qui n'y voulurent souffrir les gardes des Suisses, et soldats français, que le Roi y voulait envoler, si bien qu'à ce pauvre Roi ne demeura que la fausse porte du Louvre, par la quelle il se pût sauver, (comme il fît), la nécessité le pressant. Or voyant le prévôt des marchands et échevins que ce peuple armé et mutiné, qui toute la nuit était demeuré tumultueux, les armes au poing, et bravant sur le pavé, continuait encore ce jour, et menaçait de faire pis, soutenu sous main par le duc de Guise et ses partisans qui se renforçaient d'heure à autres, et entraient à la file dans la ville, allèrent au Louvre accompagnés de quelques capitaines de la ville parler au Roi, et lui remontrer que s'il ne donnait prompt ordre d'apaiser ce tumulte, sa ville de Paris s'en allait perdue.

A quoi le Roi (rassurant un peu sa contenance qu'il portait fort triste), leur dit qu'il ferait tout ce qu'on voudrait mais qu'il voulait que le peuple levât les barricades et posât les armes, les assurant en foi et parole de Roi, qu'il ferait retirer ses forces à sept lieues de Paris, voire à dix, si ce n'était assez, et contremanderait les autres, qu'il avait mandées venir à lui. Sur quoi auraient répliqué à sa Majesté le dit prévôt et capitaines, que l'affaire pressait, et qu'il eût été bon que sa Majesté, pour raccoiser (calmer) un peu la fureur du peuple, les eût fait sortir à l'heure même sans plus tarder, et qu'il n'avait autre moyen pour leur faire quitter leurs armes et leurs barricades, car si on attendait davantage, ils avaient peur qu'on y vînt trop tard. Sur quoi le Roi leur dit, qu'il y allait donner ordre incontinent, et qu'ils regardassent de leur part d'apaiser le peuple. Sur ces entrefaites, le seigneur de Meru, que le Roi avait envoyé hâter, se vînt présenter avec sa compagnie d'hommes d'armes à la porte Saint-Honoré ; mais les bourgeois qui étaient en garde ne le voulurent pas laisser entrer. Aussi lui manda le Roi, qu'il se retirât, craignant qu'on ne courût lui et à ses gens, comme on était prêt à ce faire. Le tumulte se renforçant, la Reine-mère, laquelle tout du long de son dîner n'avait fait que pleurer, prend le chemin vers l'hôtel de Guise, pour tâcher de pacifier cette émotion laquelle était telle qu'à peine pue-t-elle passer jusques là par les rues si dru semées et retranchées de barricades, desquelles, ceux qui les gardaient, ne voulurent jamais faire plus grande ouverture que pour passer sa chaire.

Enfin y étant arrivée, elle parle au duc de Guise, le prie d'éteindre tant de feux allumés, venir trouver le Roi, du quel il aurait autant de contentement qu'il en pourrait espérer, et lui faire paraître en une si urgente occasion qu'il avait plus de volonté à servir qu'à dissiper sa couronne. A quoi le duc de Guise, faisant le froid, répond qu'il en était bien marri mais qu'il n'en pouvait mais, que c'est un peuple, et que ce sont des taureaux échauffés qu'il est malaisé de retenir. Quant à aller trouver le Roi, dit que le Louvre lui est étrangement suspect, que ce serait une grande faiblesse d'esprit en lui d'y aller, les choses étant en l'état qu'il les déplorait, et se jeter faible et en pourpoint à la merci de ses ennemis.

Lors la Reine remarquant de l'opiniâtreté en la résolution et au dessein du duc de Guise, en donna avis au Roi par Pinart, lequel voyant le peuple continuer en ses armes et en sa furie, et celle-ci croître et augmenter d'heure en heure, l'Hôtel de la Ville et l'arsenal pris et occupés par le duc de Guise, et les Parisiens ses partisans, qui s'étaient approchés des portes du Louvre, et commençaient à se barricader contre celles-ci entre les autres, un coquin de tavernier nommé Perriechon (qui depuis fût pendu à Paris par ses compagnons) ; averti d'ailleurs qu'en l'université le comte de Brissac, et les prédicateurs qui marchaient en tête comme colonels des mutins, et ne tenaient autre langage, si non qu'il fallait aller quérir frère Henri dans son Louvre, avaient fait armer sept ou huit cens écoliers, et trois ou quatre cens moines de tous les couvents, prêts à marcher vers le Louvre, à la faveur du peuple, furieusement animé contre le Roi et ceux qui étaient prêts de lui, sur les cinq heures du soir, ayant reçu avis par un de ses serviteurs, qui déguisé se coula dans le Louvre qu'il eût à sortir plutôt tout seul, ou qu'il était perdu, sortît du Louvre à pied, une baguette en la main, comme s'allant (selon sa coutume) promenée aux Tuileries.

Il n'était encore sorti la porte qu'un bourgeois de Paris, qui le jour de devant avait sauvé le maréchal de Biron, l'avertit de sortir en diligence pour ce que le duc de Guise était après pour l'aller prendre avec douze cens hommes dont le capitaine Boursier, capitaine de la rue Saint-Denis en était, qui avait usé de ce langage « Il ne faut plus attendre, allons quérir le sire Henri dans son Louvre. Etant arrivé aux Tuileries, où était son écurie, il monta à cheva), avec ceux de sa suite, qui eurent le moyen d'y monter ceux qui n'en avaient pas, ou demeurèrent,ou allèrent à pied. Du Halde le botta, et lui mettant son éperon à l'envers : «  C'est tout un, dit le Roi, je ne vais pas voir ma maîtresse, nous avons un plus long chemin à faire. » Etant à cheval, se retourna devers la ville, et jeta sur elle sa malédiction, lui reprochant sa perfidie et ingratitude, contre tant de biens qu'elle avait reçus de sa main, et jura qu'il ne rentrerait que par la brèche. Il prît le chemin de Saint-Cloud, accompagné du duc de Montpensier, du maréchal de Biron, du sieur d'O du chancelier, des seigneurs de Villeroi et Brulard, secrétaires d'état, du sieur de Bélièvre, du cardinal de Lanoncour, de maître Jacques Faye, son avocat au parlement, et de plusieurs autres, avec ses quatre mille Suisses et soldats français, de sa garde, qui quittèrent le logis à ces nouveaux rois, et l'escortèrent jusques à Saint-Cloud, et de là le suivirent plus lentement, car il alla passer à Trappes de là faire collation et coucher tout botté à Rambouillet, et le lendemain dîner à Chartres, où il fut bien reçu par les habitants, et y séjourna jusques au dernier jour de mai.

Ce jeudi 12 de mai, surnommé le jour des barricades, fût le commencement et l'occasion des grands troubles advenus depuis, haut loué et magnifié seulement des Ligueurs et des sots badauds de Paris, que la bonté du Roi seule sauva, et non la vaillance du duc de Guise, qui (Dieu merci) ne fut point en peine de mettre la main à l'épée contre ses compères et bons amis, qui se montraient tant siens et affectionnés ce jour-là, qui ne lui resta à faire que ce qu'il n'osa entreprendre le lendemain. Sur quoi un quidam ne rencontra pas mal quand il disait, que les deux Henri avaient tous deux bien fait les ânes, l'un pour n'avoir eu le coeur d'exécuter ce qu'il avait entrepris, en ayant eu tout loisir et moyen de le faire jusques à onze heures passées du matin du dit jour des barricades, et l'autre pour avoir, le lendemain, laissé échapper la bête qu'il tenait en ses filets. Et à la vérité, qui a voulu boire une fois du vin des dieux, jamais ne se doit reconnaître homme qu'il puisse, car il lui faut être César ou rien du tout.

Ce que le duc de Guise a enfin reconnu, mais bien tard. En quoi, les gens de bien et craignant Dieu doivent remarquer le jugement de Dieu et son indignation sur cette maison meurtrière, en ce principalement que les pères et enfants brûlants d'ambition, et s'osant promettre avancement par la ruine de ceux de la religion en France prenants ce voile pour couverture de leurs tyranniques desseins, Dieu les a abandonnés aux cupidités de leurs cœurs endurcis et aveuglés, pour leur faire perdre toute raison et tout respect, afin d'attenter sur l'état et sur la personne du Roi, lequel de successeur de saint Louis, roi Très Chrétien et Catholique, leur a commencé à être tyran, hypocrite, et hérétique, quand ils l'ont vu pauvre orphelin, tant qu'à la fin, ils l'ont chassé ignominieusement de sa capitale ville, le contraignant de leur quitter la place, ce vendredi 13 mai. Pauvre condition d'un roi à la vérité, mais péri à la longue de l'usurpateur, sur lequel vengeance de Dieu doit tomber, pour la catastrophe de la tragédie. Aux premières nouvelles qui furent apportées au roi de Navarre des barricades de Paris, il ne dît mot, sinon qu'ayant songé un bien peu, étant couché sur son lit vert, il se leva et tout gaiement dit ces mots : «
Ils ne tiennent pas encore le Béarnais. »

Le samedi 14 mai, la forteresse de la Bastille fut rendue au duc de Guise, qui, en ayant ôté le capitaine que le Roi y avait mis, y fit entrer maître Jean Le Clerc (1), procureur en parlement, capitaine de sa dizaine de la rue des Juifs, qui était estimé fort brave soldat pour un procureur, et fort zélé à la cause de la Ligue, et l'on établit garde et gouverneur du consentement des Parisiens, id-est des zélés mutins de la Ligue ses partisans. Ce jour, arriva à Paris le cardinal de Guise, et fut l'Italien Jamet (ce grand partisan) mené à l'hôtel de Guise, et tôt après lui y furent portés certains coffres pleins de deniers clairs et comptants, montants à grandes sommes. Et disait-on que ce avait fait le duc de Guise à la faveur de Jamet pour la conservation de sa personne et de son bien car le peuple murmurait fort contre les Italiens, nommément contre ceux qui prenaient les partis, et les menaçaient du couteau et du sac. »



Notes :


Ce texte  été mis dans un « françois » plus actuel.

(1) Jean Leclerc avait été prévôt de salle avant d'être procureur; il entra dans la Ligue en 1587, et fut fait lieutenant de la Bastille sous Lachapelle-Marteau, maître des comptes, et prévôt des marchands de Paris après les barricades. Ce prévôt des marchands ayant été député aux États de Blois, y fut retenu prisonnier après la mort du duc et cardinal de Guise.

Source : Gallica-BnF, Mémoires et journal de Pierre de l’Estoile-
Registre/journal d’Henri III d’après diverses notes de Lestoile, pages 248 à 252
de MM. Champollion-Figeac et Aimé Champollion fils. (édition à Paris,1837)



Chronologie du règne d'Henri III  :

1573 : Quatrième guerre entre les partis Catholiques et Protestants (depuis 1572). En mai, Henri duc d'Orléans et d'Anjou, le futur Henri III est élu par la Diète roi de Pologne sous le nom d'Henrik Ier, il s'y rend l'année suivante et conservera le titre jusqu'en 1575. Michel de Montaigne est nommé gentilhomme ordinaire de la chambre du roi de France, qu'il servira tout au long de son règne loyalement.
1574 : Cinquième guerre de religion (jusqu'en 1576). Mort de Charles IX, Catherine exerce la régence, et le Henri III part pour un voyage à travers l'Europe (Pologne, Autriche et Italie) et fait à son retour une halte à Avignon. Sont publiés Les Sonnets à Hélène de Pierre de Ronsard.


Commissaires
(de Police)

distribués
dans les quartiers
de Paris


Michel Félibien




Ci-contre : Grand Chatelet de Paris,
dessin d'Alexandre-Hyacinthe Dunouy (1785)


Du jeudi 9 Septembre de l'an 1574.

« La cour sur les remontrances et conclusions du procureur général du roi, pour le désordre qui est au fait de police, et les fautes et négligences qui procèdent par le défaut des commissaires du châtelet de Paris en la résidence des quartiers auxquels ils sont tenus demeurer et résider, afin de donner ordre chacun en leur quartier à ce qui dépend de leurs états ; et après avoir vue les remontrances des dits commissaires, a ordonné et ordonne que pour la plus prompte et facile exécution de l'arrêt et ordonnance de cette cour faite le 12 décembre 1561.

Les dits commissaires seront tenus et contraints de garder et observer étroitement le département et distribution des seize quartiers de cette ville et faubourgs à eux assignés et distribués, en la forme et selon le retranchement qui en est, à savoir :

1. Le quartier de la porte de Paris à maîtres Gilles du Pré et Gervais Beautemps.
2. Le quartier de Grève à maîtres Grégoire Bachot et Nicolas Peon
3. Le quartier de Ste Avoye et le Temple à maître Charles Bourdereau et Pierre Jacquet.

4. Le quartier St. Gervais et Mortellerie à maiftres Charles Poucet et Nicolas Debout.
5. Le quartier de la porte Baudoyer et St. Antoine à maîtres Pierre Leurmant et Jehan Canto, lequel Canto ira résider rue St. Antoine.
6. le quartier de la Verrerie et Tisseranderie à maîtres Olivier Le Clerc et François Hardy.
7. Le quartier quartier St. Martin à maîtres Nicole Aubert et Jehan Fournier.
8. Le quartier de la rue St. Denis et St. Josse à maîtres
Jehan Bouchard et Nicolas de la Croix.
9. le quartier des Halles à maîtres Regnault Chambon et Gilles Tondelle.
10. Le quartier de St. Eustache à maîtres Léon de Corbie et Claude l'Estourneau.
11. Le quartier St. Honoré à maîtres Denis Lufaige et Etienne Coullet.
12. Le quartier St. Germain de l'Auxerrois à maître Jérôme de Sens seul.
13. Le quartier Ste Opportune à M. Jehan Poncet seul.
14. Le quartier de la rue de la harpe à maîtres Pasquier Vallée, Nicolas l'Allemant, Nicolas le Tellier et Nicolas Martin.
15. Le quartier de la place Maubert à commencer à Petit-pont tirant contre-mont la rue St. Jacques, compris les faubourgs dudit St. Jacques, et St.Victor et St. Marcel, à maîtres Simon Brûlé, Claude Pépin, Jehan Hervé de Guillaume Nicolle, lequel Hervé ira résider au carrefour Ste Geneviève tirant à la porte Bordelle, et le dit Nicolle près les Jacobins.

A tous lesquels commissaires qui ne sont à présent résidents aux dits quartiers à eux ci-dessus distribués, la dite cour y enjoint de résider et se tenir dedans le jour de la St. Remy prochainement venant pour tous délais, sur les peines contenues et portées par le dit arrêt de décembre 1551, qui sont, qu'à faute de ce faire dedans le dit temps et celui passé, la dite cour déclare dès à présent leurs offices vacants et impétrables (qu'on peut obtenir), et tout ce qui sera par eux fait, n'ayant obéi au présent arrêt, nul et de nul effet. Et ne pourront les dits Hervé et Nicolle eux départir et retirer des quartiers à eux ci-dessus ordonnés et distribués, qu'il ne soit advenu vacation d'autres quartiers à commencer de l'ancien. Et au surplus enjoint aux lieutenants civil et criminel du dit Châtelet de faire garder le présent arrêt, et au substitut du dit procureur général d'y tenir la main.
»

Source : Gallica-BnF, Histoire de la ville de Paris, Michel Félibien, revue, augmentée
et mise au jour par G.A. Lobineau, pages 2 et 3, tome 5
. Éditeur, G. Desprez (Paris,1725)



En 1575, la bourgeoisie marchande engageait une offensive pour réduire le nombre des tavernes dans la capitale et ses stocks de vente facteur de spéculation et de prix élévés. Les vins se virent soumis à des droits d'octroi pour toute entrée dans Paris et l'habitude instaura de passer les enceintes pour boire à moindre coût, mais aussi les prémices d'une contrebande du vin. Apparition des guinguettes et des cabarets qui au fil des ans s'ouvriront hors des murailles. Le guinguet était le vin que l'on trouvait en Ile de France et donna son nom aux débits de boisson en région parisienne. Ce qui provoqua en retour des "émotions" populaires contre cette taxe à Bordeaux et dans la capitale.

1575 : En février, le 13, Henri III est sacré à Reims sous les auspices du cardinal Louis de Guise (ou de Lorraine) et épouse peu après Louise de Vaudémont. Le savant Bernard Palissy (1510-1590) débute ses conférences dans la capitale jusqu'en 1584.
1576 : En février, Henri de Navarre, troisième du nom s'enfuit de la cour. En mai est promulgué l'édit de Beaulieu ou "paix de Monsieur" (Francois d'Alençon négociateur). Montaigne fait graver sur un médaillon : Que-sais-je? Tenue des Etats Généraux et ouverture à Blois en décembre (jusqu'en 1577 et divers actes royaux sur les monnaies). Le philosophe Jean Bodin (v.1530-1596) est édité pour son livre : Les six livres de la République (le nom de cet ouvrage peut-être trompeur, Bodin y fait l'éloge d'un pouvoir en une seule main, en la défense d'une monarchie absolue. Toutefois, il y prend la défense de la tolérance religieuse).
1577 :  Sixième guerre dont le conflit se passe pour grande part dans le bas Languedoc et promulgation de l'édit de Poitiers. Les Tragiques d'Agrippa d'Aubigné sont rédigés  (publiés en 1621). A Paris est pris un arrêté par le Parlement le 14 août, il impose de s'approvisionner à moins de  vingt lieues (80 kilomètres) aux marchands de vin et cabaretiers de la capitale
1578 : Catherine de Médicis engage en août un tour de France pacificateur en direction des Protestants (il s'achève en novembre 1579). Débuts de la construction du Pont-neuf : en raison des troubles et de la difficulté des travaux, la construction est stoppée au bout de peu d'années, ou suspendue (sic) pendant dix années (En 1599, Henri IV relancera le chantier et les travaux finiront en 1607). Il est le plus ancien pont existant, ou ayant échappé aux usures du temps, catastrophes ou intempéries. Il est question d'une possible apparition du choléra à Paris, nommé le "courant."
1579 : En janvier est signé le traité d'Utrecht, il unifie les provinces protestantes et sépare en deux les Pays-Bas dits espagnols, cet acte marque les débuts de l'indépendance des Provinces-Unies. En février est signé entre les parties adverses le traité de Nérac, puis 6 mois après les accords non respectés par les forces huguenotes entraînent le septième conflit. Le 1er avril, se produit en rive gauche une imposante crue de la Bièvre ou plus usuellement désignée sous le nom de la rivière des Gobelins. Cette montée des eaux est surnommée le « déluge de la Saint-Marcel », de 14 ou 15 pieds de hauteur (1 pied est égal à un peu plus de 30 cm) et le faubourg Saint-Marcel est inondé. Et il sort des presses la première édition des Essais de Michel de Montaigne.
1580 : Epidémies de peste et de coqueluche dans la capitale à partir de mai, elles font au moins 20.000 morts, la ville se vide de ses habitants et s'ouvre de fait aux voleurs pour le pillage des maisons. En juin, Montaigne entreprend son voyage à cheval pour des cures thermales jusqu'à Rome pour des raisons médicales (maladie de la pierre). Depuis le bordelais Montaigne se dirige en premier vers Paris où il présente ses Essais au roi Henri III. Son périple équestre s'étalera sur deux années, le philosophe se rendra en Suisse, puis en Allemagne et enfin en Italie l'année suivante, ce qui donnera lieu à un Journal de voyage qui ne sera pas édité avant 1774. En novembre, est signée la Paix de Fleix en Dordogne, et fin du septième conflit civil et religieux. 
1581 : Sont annoncées les fiançailles de François duc d'Alençon et d’Anjou avec la reine Élisabeth d’Angleterre (malgré une rencontre prometteuse les fiancailles seront sans suites). Au retour de son tour européen, Montaigne apprend qu’il est élu maire de Bordeaux (en septembre), il pense un temps refuser sa nomination, mais Henri III le presse de prendre la fonction.
1582 : En février, le pape Grégoire XIII ordonne la mise en oeuvre du calendrier grégorien, dix jours calendaires sont supprimés. Marguerite de Valois ("la petite Margot") quitte son époux Henri de Navarre pour la cour.
1583 : Henri III renvoie sa soeur Marguerite de Valois de la cour. Selon Pierre de l'Estoile, le prévôt de la capitale fait arrêter et conduire en prison une cinquantaine de femmes de la bourgeoisie parce que contrevenantes à l'édit sur les habits.
1584 :  Henri III se rend chez Jean de Vigny, receveur de la ville, il fait ouvrir la caisse et s'empare du contenu. Une nouvelle épidémie apparaît, soit de peste ou la coqueluche, selon Alfred Franklin. Est annoncée la mort de François duc d'Alençon et d'Anjou, frère cadet du roi.
1585 : La guerre des "Trois Henri" : de France, de Navarre et de Guise est désignée aussi comme la huitième guerre (jusqu'en 1598). Henri III se déclare "roi de la Ligue" et en juillet, il interdit le culte protestant avec l'édit dit de Nemours (ci-après). Henri IV est excommunié par le pape Sixte V (ou Quint). L'ordonnance d'octobre, sur la police des prisons de Paris fixe le droit d'entrée au Châtelet à dix livres parisis pour un comte ou une comtesse, à vingt sols pour un chevalier banneret, à cinq sols pour un simple chevalier ou une simple dame, à onze sols pour un juif ou une juive, à huit deniers pour tous les gens de basse condition. L'article 173 ordonne au geôlier de tenir pleine d'eau « la grande pierre qui est sur les carreaux ; » il devait, en effet, fournir « à ses dépends pain et eau aux prisonniers qui n'ont de quoi vivre ». Constitution de la sainte Ligue à Perrone.



Edit du Roi sur la réunion de ses sujets

à l'église catholique,
apostolique et romaine



Lu et publié en la cour de Parlement, à Paris,
le roi y siégeant, le 18 de juillet, 1585.

Edit du roi Henri III dit de Nemours


Henry par la grâce de Dieu Roy de France et Pologne, à tous présents et à venir, Salut.

Dieu et les hommes savent la volonté que nous avons toujours eu, et la continuelle peine que nous avons prise devant et depuis notre avénement à la Couronne, pour réunir au giron de I'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, nos sujets séparés de celle-ci, et purger de tout notre Royaume des sectes et diversités d’opinions en la Religion, qui ce sont coulées et introduites en celui-ci, durant la minorité des feux Rois nos très-chers Sieurs et frères, que Dieu absolve, et la notre, tant pour décharger notre conscience envers Dieu comme nous sommes tenus de faire, que pour établir et fonder un bon, solide et perpétuel repos entre nos sujets : par le moyen duquel nous puissions rendre notre règne aussi heureux et tranquille qu’ont été ceux des Rois, nos prédécesseurs d’heureuse mémoire.

Car nous avons souvent pris les armes, et longuement fait la guerre en notre dit Royaume pour cette seule occasion en quoi nous aurons très volontiers employé notre propre personne, et toute notre puissance assistée de nos bons et loyaux sujets. D'ailleurs aussi les Rois nos dits Sieurs et frères, et nous voulons épargner le sang et la substance de nos sujets, et délivrer notre pauvre peuple de l’oppression et injure de la guerre : Avons semblablement fait plusieurs et divers Edits de Pacification, pour essayer de parvenir au but de notre intention par la voix de douceur. Mais Dieu n’a permis que ce chemin nous ait été plus heureux que celui de la force, comme il se voit à présent par la nouvelle sublimation et prise, des armes fait en notre dit Royaume, qu’elle a tiré son origine et fondement de la diversité de la dite Religion tolérée en celui-ci.

Par où nous connaissons et éprouvons, que si la prévoyance humaine est faible et très fragile en toutes choses, elle l'est encore plus en ce qui touche et concerne le fait de la Religion : en laquelle toutes et quantes (combien de) fois qu'il y a eu controverse et division dans un Etat, il a été sujet à toute infélicité et désolation, fuyant la sainte parole de Dieu. A quoi désira pourvoir et remédier comme un Roi Très-Chrétien, qui a son salut et celui de ses sujets en singulière recommandation.

Nous pour ces causes et autres bonnes, et grandes raisons à ce nous mouvas (?), de l’avis de la Reine notre très honorée Dame et Mère, de plusieurs Princes et Sieurs de notre Conseil ; avons celui de notre présent Edit perpétuer et irrévocable, dit, statué et ordonné, disons, statuons et ordonnons ce qui s’ensuit.

PREMIEREMENT qu’en celui notre Royaume, pays, terres et Seigneuries de notre obéissance, il ne se sera plus dorénavant aucun exercice de la nouvelle Religion prétendue Reformée, mais seulement celui de notre Religion Catholique, Apostolique et Romaine. Ce que nous inhibons et défendons très-expressément à tous nos sujets de quelque qualité et condition qu'ils soient, sous peine de confiscation de corps et de biens : nonobstant la permission qui était donnée de ce faire par nos Edits de Pacification précédents.

Laquelle nous avons révoqué et révoquons par ces présentes, par lesquelles voulons et ordonnons sur les mêmes peines que dessus est dit, que tous Ministres de la dite religion aient vider et à sortir de notre dit royaume, et pays de notre obéissance, un mois après la publication qui en aura été faite en nos Cours de Parlement. Et pour mieux retrancher l'occasion des grands maux et calamités que la tolérance de la diversité d’opinions la Religion à ci-devant introduit en notre dit Royaume et remettre en repos et tranquillité plus assurée entre nos sujets : Nous avons ordonné et ordonnons sur les mêmes peines que dessus, que tous nos dits sujets seront tenus de vivre dorénavant selon la Religion Catholique, Apostolique et Romaine : et ceux qui font de la dite Religion nouvelle de s'en départir, se réduire à la dite Religion Catholique, Apostolique et Romaine : en faire profession dedans six mois après la publication de ces présentes : et au cas qu'ils ne veulent pas faire la dite profession, nous voulons qu’ils aient à vider et sortir de notre Royaume et pays de notre obéissance.

En quoi faisant leur avons permis et permettons de pouvoir néanmoins vendre, jouir ou autrement disposer de leurs biens ; tant meubles, qu’immeubles, ainsi que bon leur semblera. Pour la même cause et considération, nous avons aussi déclaré et déclarons par ces dites présentes, tous ceux de nos sujets de quelque qualité et condition qu’ils soient, qui se trouveront atteint d’hérésie, incapable de tenir et exercer aucunes charges publiques, états, offices et dignités en notre dit Royaume, et pays de notre obéissance. Et pour éteindre la mémoire des troubles passés, et de la diversité qu'il y a eu entre nos sujets au fait de la Religion : Nous avons dès à présent révoqué et révoquons les Chambres Mi-parties, Tri-parties, et autres établies en nos Cours de Parlement, suivant et en vertu de nos Edits de Pacification, et par même moyen avons renvoyé et renvoyons les procès qui y sont pédants (de peu d’importance) ; en quelque état qu'ils soient, par devant les juges, auxquels la connaissance en appartient.

VOULONS aussi et ordonnons que les villes, qui ont été ci-devant baillées en garde à ceux de ladite Religion nouvelle pour leur sureté, soient par eux délaissées libres, et que les Garnisons qui y sont en sortent et soient mises hors incontinent après la publication de ces dites présentes en nos Cours de Parlement au ressort desquelles elles sont situées et assises.

ET POUR CE qu'à l'occasion des susdites défenses de l'exercice de la nouvelle Religion, aucuns pourraient prendre prétexte d'exercer vengeances particulières, et émouvoir troubles et séditions en celui-ci notre Royaume. Nous défendons très-expressément à tous nos sujets, de quelque qualité qu’ils soient, sur peine de la vie, d'user de voie de fait, ni entreprendre aucune chose les uns sur les autres de leur autorité privée : réservant à nos Officiers la correction et la punition des contraventions à celui-ci notre présent Edit.

Et d’autant que nous avons connu que ce que les Princes, Officiers de la Couronne, Prélats, Seigneurs, et autres nos Officiers, Villes, Communautés, et tous ceux qui les ont suivis, secourus et favorisés, ont fait en ces nouveaux remuements, tant en la prise des armes, villes, forteresses, deniers de nos recettes générales, et particulières, ou autres nos deniers, en quelque sorte que ce soit, vivres, fonte et prise d'artillerie, confection de poudres, boulets, et autres munitions de guerre, pratiques, et levées de gens de guerre, rançons, actes d'hostilité, et généralement toutes autres choses qui ont été faites, gérées et négociées dedans et dehors notre dit Royaume, pour raison de ce que dessus, a été pour le zèle et affection qu'ils ont à la manutention et conservation de la dite Religion Catholique, Apostolique et Romaine : Nous avons déclaré et déclarons par ces mêmes présentes, que nous l'avons pour agréable, l'approuvons, et voulons qu'ils en demeurent déchargés en tout et par tout, sans pouvoir en être recherchés à l’avenir, en quelque sorte et maniéré que ce soit : imposant sur ce silence perpétuel à nos Procureurs généraux, présents et à venir, et à tous nos autres juges et personnes quelconques.

Et si pour raison des choses susdites aucuns jugements avaient été donnés. Nous voulons et entendons qu'ils demeurent nuls et comme non advenus. Et à fin que le contenu en notre présent Edit fait de tant (?) mieux suivi et observé en tous et chacun ses points, Nous voulons que tous les Princes, Pairs de France, Officiers de notre Couronne, Conseillers en notre Conseil d’Etat, Chevaliers de nos Ordres, Gouverneurs et Lieutenants Généraux de nos Provinces, Présidents, et Conseillers en nos Cours souveraines, Baillis, Sénéchaux, et autres nos Officiers : Les Maires, Echevins, Corps et Communautés de nos villes, promettent et jurent solennellement de garder et observer inviolablement celui-ci notre Edit : et que de leurs ferments, Actes, et procès verbaux soient dressés et mis les Registres des Greffes de nos dites Cours, pour y avoir recours quand besoin sera.

Si donnons en mandement par ces dites présentes à nos âmes et féaux les gens tenants nos Cours de Parlement, Baillis, Sénéchaux, Prévôts et leurs Lieutenants et à tous nos autres Justiciers et Officiers, et à chacun d'eux, si comme il appartiendra, que celui-ci notre présent Edit, ordonnance, vouloir et intention, ils fassent lire, publier et enregistrer, entretiennent, gardent et observent, et fassent entretenir, garder et observer inviolablement et sans enfreindre : Et à ce faire et souffrir, contraignent, et fassent contraindre tous ceux qu'il appartiendra, et qui pour ce seront à contraindre.

Car tel est notre plaisir : Nonobstant quelconques Edits, Ordonnances, Mandements, Défenses, et Lettres à ce contraires : auxquelles nous avons pour le regard du contenu en ces dites présentes, et sans y préjudicier en autres choses, déroge et dérogeons.

Et à fin que ce soit chose fermé et fiable à toujours, nous avons signé ces dites présentes de notre main : et à celles-ci fait mettre et apposer notre sceau.

Donner à Paris : au mois de juillet l’an de grâce mil-cinq-cents quatre-vingt-cinq.
Et de notre règne le douzième.


Ainsi signé, HENRY

Et sur le repli est écrit, Par le Roi, étant en son Conseil.

Par Frédéric Morel, Imprimeur Ordinaires du Roy. M.D. LXXXV. Avec privilège dudit Seigneur.

Ps :
L’édit royal a été mis dans un français moderne et deux mots suivis
d’un point d’interrogation n’ont pas pu trouver de correspondance actuelle.



1586 : Henri de Guise parade dans Paris. Marguerite de Valois est mise sous bonne garde à Usson en Auvergne, où elle restera en résidence surveillée jusqu'en 1605.
1587 : Froids, pluies abondantes et mauvaises récoltes provoquent une famine à Paris et la peste fait son retour. Il est procédé à des cérémonies religieuses et à des prières publiques pour l'obtention de la clémence divine face aux fléaux. Se déroule la bataille de Coutras avec la mort au combat du duc Anne de Joyeuse, "mignon" d'Henri III.
1588 : En mars, c'est l'annonce du décès du prince de Condé, cousin d'Henri de Navarre. En mai, le duc de Guise entre dans Paris et se rend au Louvre, le monarque s'interroge pour savoir s'il doit le faire assassiner? Puis se produit "la journée des barricades", Henri III est dans l'obligation de fuir la ville. Le 1er août, un ordonnance royale, il est assigné seize noms de quartiers à la ville de Paris. « Le quartier que l'on voulait appeler de Carrel se nommera dorénavant de Sainte Geneviève ; Celui de Huot se nommera Saint Séverin ; Celui de Guerrier, de Notre-Dame ; ... » etc. En octobre se tiennent les Etats Généraux à Blois, où le duc et son frère le cardinal de Guise sont assassinés sur ordre du roi fin décembre. Le cardinal Charles de Bourbon, oncle d'Henri le Béarnais est mis aux arrêts sur ordre d'Henri III. Elisabeth 1ère d'Angleterre apporte son soutien aux insurgés des provinces des Pays-Bas contre l'Espagne, "l'invicible armada" envoyée pour se venger de l'exécution en février de Marie Stuart, en août, les forces navales de Philippe II sont battues par la marine anglaise.
1589 : En janvier, c'est l'annonce du décès de Catherine de Médicis à Blois. Le 1er août, c'est le premier siège de Paris, il est levé au bout de 6 semaines et pareillement en octobre avec le même résultat négatif. Henri III est assassiné à Saint-Cloud, le 2 août, par le moine dominicain Jacques Clément partisan de la Ligue, qui lui-même fini massacré par les gardes royaux (dessin ci-dessous). Avant son dernier souffle le roi reconnait Henri de Navarre comme son héritier, et s'ensuivent les campagnes militaires du nouveau roi Henri IV en Normandie avec la victoire d'Arques, en septembre. Le cardinal Charles de Bourbon est reconnu par les Ligueurs comme le roi de France sous le nom de Charles X.



DEUX MARTYRES PARISIENNES :
Radegonde et Claude Foucaut (28 juin 1588)



Bûcher en place de Grève


Nathanaël Weiss (*)

Il est très regrettable que pour les persécutions de l'époque de la Ligue nous ne possédions aucune narration détaillée comme pour les époques précédentes. L'Histoire ecclésiastique, (de l’imprimerie de Genève) Crespin (1), les Mémoires de l'État de France et beaucoup d'autres relations contemporaines nous donnent une idée, sinon complète, du moins suffisante de ce qui a été entrepris pour l'extirpation du protestantisme jusqu'à la Saint-Barthélemy inclusivement. Le continuateur de Crespin, Simon Goulart, aurait pu sans doute combler cette lacune, car il avait rassemblé de nombreuses informations grâce auxquelles il put compléter l’Histoire des Martyrs et compiler les Mémoires de la Ligue.

Mais, soit la lassitude, soit l'insuffisance des matériaux dont il disposait, le décidèrent à ne nous laisser, pour la période qui s'étend de 1572 à 1597, qu'un résumé ou récit d'histoire qui forme le livre XII et dernier du Martyrologe. Un seul fait y est raconté avec des détails qui ne peuvent venir que d'un témoin occulaire ou du moins minutieusement informé, c'est celui du martyre des «Foucaudes » dont nous publions ci-dessous le jugement définitif.

Jacques Foucaut (2), procureur au parlement de Paris, avait eu vers 1547 et 1551, deux filles. L'aînée, Radegonde, épousa plus tard Jean Surault (3) garde des sceaux de Montargis, y fut au service de Renée de Ferrare et eut trois enfants dont deux au moins furent des fils. Claude, la cadette, ne se maria point et continua, après la mort de son père, à habiter le faubourg Saint-Germain. Nous ne savons quand mourut Jean Surault, mais seulement que sa veuve se retira, sans doute après la mort de sa protectrice (1575) à Pierrefitte, au-dessus de Saint-Denis, où elle avait une propriété.

L'édit de Nemours, du 8 juillet 1585, vint l'en chasser ; on sait qu’il accordait aux protestants qui ne voulaient pas abjurer, six mois pour réaliser leur fortune et quitter le royaume. Or trois mois plus tard, le 6 ou 7 octobre, Henri III y ajouta une déclaration restrictive, laquelle, sous prétexte d'armements et de complots organisés par les huguenots, grâce à ce délai de six mois, le réduisait à quinze jours (1). Radegonde Foucaut était résolue à quitter le royaume, mais fut retenue au-delà du terme légat par la mauvaise foi de son vigneron qui, « pour s'acquitter envers elle, l'accusa d'hérésie ».

Le 29 octobre 1587 les deux sœurs, alors âgées de quarante et trente-six ans, furent saisies et incarcérées au Châtelet. Il faut lire dans Crespin (édition de 1597, fol. 757) le récit des tentatives que firent les plus grands personnages et le roi lui-même, pour obtenir leur abjuration. Fortes de leur bon droit et fermes dans leur foi, elles réfutèrent tous les arguments et ne se laissèrent ébranler ni par les promesses ni par les menaces. Cette résistance faisait évidemment redouter en haut lien le spectacle d'un supplice que l'innocence et la constance des victimes ne pouvait rendre glorieux que pour elles. On part donc s'être arrêté au parti de les laisser mourir sans bruit et comme oubliées, après la longue agonie causée par la faim et par les horreurs du cachot, à laquelle Bernard Palissy devait succomber deux ans plus tard (4).

Cette résolution fut traversée par la journée des Barricades (12 mai 1588). Le duc Henri de Guise ne pouvait mieux honorer son nom et sa royauté éphémère qu'en faisant assassiner et noyer le plus grand nombre possible d'hérétiques. Ce retour aux traditions des bourreaux d'Amboise et de Vassy détermina le prévôt de Paris et le procureur du roi au Châtelet et conclure le procès des Foucaudes par une sentence capitale aux termes de laquelle elles devaient être pendues, étranglées, puis brûlées en place de Grève. Or cette sentence ne put être exécutée tout de suite, parce que, déterminée à se défendre jusqu'au bout, les courageuses femmes en appelèrent au parlement. Elles furent donc transférées du Châtelet à la Conciergerie dont les sombres murailles, encore debout, sont comme imprégnée des souffrances de nos martyrs.

Le parlement, lui aussi, semble avoir hésité à confirmer le jugement en première instance, puisque la populace, fanatisée par les fameux prédicateurs de la Ligue, vint menacer « les présidents et conseillers de leur dire un mauvais parti s'ils ne condamnaient à mort les deux prisonnières ». Celles-ci tentèrent une démarche suprême en faisant présenter, par le fils aîné de Radogonde, une requête à la duchesse de Nemours, fille comme on sait, de Renée de Ferrare, et mère du héros des Barricades. Anne d'Este, qui n'a jamais complètement renié sa haute origine, insista vainement auprès de son fils qui craignait « que la commune se mutinât contre lui ».

Le 28 juin 1588, la cour confirma donc l’arrêt du Châtelet, on y ajoutant une clause qui nous livre le secret de ses hésitations. Elle redoutait que ces nobles femmes fissent entendre une de ces paroles qui avaient si souvent révélé l'iniquité ou la honte des bourreaux, et c'est pourquoi elle ordonna qu'elles seraient « bâillonnées avant d’être renvoyées » par devant leurs premiers juges.

EXTRAIT des REGISTRES du PARLEMENT (5)

1588 : Radegonde et Claude Foucaut

Vue par la Cour le procès criminel fait par le Prévôt de Paris, ou son lieutenant, à la requête du substitut du Procureur général du roi au Châtelet, demandeur, à l’encontre de Radegonde Foucaut, veuve de feu M. Jehan Sureau, vivant garde des sceaux de Montargis, et Claude Foucaut sa sœur, filles de feu M. Jacques Foucault vivant procureur en Parlement, natives de Paris, prisonnières ès prisons de la Conciergerie du Palais, appelants de la sentence contre eux donnée ;

Par laquelle pour raison de crime d'hérésie, et nouvelle opinion en laquelle elles ont vécu et persisté jusques à présent, et n'avoir obéi aux édits et ordonnances du roi, les dites Radegonde et Claude Foucaut auraient été condamnés à être pendues, et étranglées à une potence croisée, qui pour ce faire sera plantée et mise en la place de Grève, leurs corps morts jetés dans un feu pour y être consommées et réduites en cendre, tous et chacun de leurs biens acquis et confisqués à qui il appartiendrait sur iceux préalablement pris la somme de trois cents écus applicables, cent écus au roi, cent écus à l'Hôtel-dieu de Paris, et autres cent écus au couvent des Cordeliers pour la réfection de leur église ;

Le certificat de MM. Jehan Prevost, et Christophe Aubry, docteurs en la faculté de théologie, qui auraient par ordonnance de ladite cour ouï les dites Radegonde et Claude Foucaut sur le fait de leur religion et croyance par lequel appert (apparaît) icelles Foucaut être opiniâtres en leur opinion, et ne vouloir recevoir et croire autre doctrine, que la doctrine de ceux qui se disent de la religion prétendue reformée, et non de l'Église catholique apostolique et romaine ;

Ouies et interrogées en ladite cour les dites Radegonde et Claude Foucaut, sur les causes d'appel et cas à elles imposés, et tout considéré ;

Dit a esté, qu'il a été bien jugé et sentence par le Prévôt de Paris ou son lieutenant, mal et sans grief appelé par lesdites Radegonde et Claude Foucaut, et l'amenderont ; ordonne qu'elles seraient bâillonnées et renvoyé prisonnières par devant le dit Prévôt de Paris ou son lieutenant.

Elles furent exécutées à mort le 28 juin, la veille St-Pierre mil cinq cent quatre-vingt et huit.

Ainsi qu'on vient de le lire, l'exécution eut lieu l'après-midi du même jour. Pendant qu'on les conduisait à la place de Grève, dit d'Aubigné, « le peuple les trouvant belles, et un vieillard tout blanc ayant monté sur une boutique pour s'écrier : « Elles vont devant dieu », le peuple au lieu de sauter au collet de cet homme répondit quelques gémissements ».

Crespin, confirmé par l'Estoile, ajoute qu'en montant à l'échelle de la potence où elle devait être pendue, Radegonde « secoua de ses mains un bois en figure de croix qu’on lui avait attaché par force, dont la populace fut tellement irritée qu'elle vint jusqu’à ruer pierres et bâtons, tellement que le bourreau l'ayant jetée bas, coupa promptement la corde, et ainsi à demi-morte elle chut dans le feu, où elle rendit l'âme à dieu comme aussi fit sa soeur. Tôt après, le duc de Guise et le roi aussi eurent leur tour ».

(*)
N. Weiss, pasteur et historien - 1845-1928

Notes conservées de l’auteur :

(1) Crespin l'appelle Jean par erreur.
(2) D'Aubigné se trompe en les appelant les filles de Sureau.
(3) Il est probable qu'on laissa ainsi périr Palissy pour éviter un deuxième spectacle comme celui du supplice des Foucaudes.
(4) Il s’appelait Antoine du Prat. Il était séparé de sa femme qu'il fit, dit-on, égorger peu après, le 10 novembre. Voyez Mémoires journaux de l’Estoile, éditeur Jouaust.
(5) Fonds Dupuy, bib. nationale, n°135, f.85

Source : Gallica-BnF - Bulletin historique et littéraire
Société de l'histoire du protestantisme français. Tome 35 - Pages 406 à 410
Éditeur, Agence centrale de la Société (Paris,1886)


Pour plus d'information nous vous conseillons
la consultation
du site Musée Protestant : ici !
et notamment ce document pdf sur les huit guerres de religion (1562-1592)


 


1590 :  C'est la bataille d'Ivry le 14 mars et une victoire importante du futur Henri IV. Le Parlement de Paris reconnait Charles de Bourbon à la mi-mars comme roi de France (celui-ci meurt deux mois après le 9 mai). Puis s'engage le deuxième siège de Paris d'avril au mois d'août entre Henri de Navarre et le duc de Nemours pour la Ligue. Le 9 juillet la ville de Saint-Denis menacée par la famine se rend aux troupes d'Henri IV. Selon le mémorialiste Pierre de l'Estoile : « Le 27 juillet se sont assemblés de divers quartiers grand nombre de bons bourgeois, et sont allés vers le duc de Nemours, auquel ils ont remontré avec larmes qu'il était déjà mort trente mille personnes par la famine. » En septembre, la situation tourne au profit des Ligueurs. Ce qui permet de réapprovisionner la ville sous le coup de la faim, et des cas de cannibalisme ont pu être constatés lors de ce siège. Pedro Cornejo, religieux de l'ordre du Carmel, historien espagnol et à Paris au moment des faits explique : « que les pauvres se nourrirent de pain fait avec les ossements des morts mis en poudre ». Et ajoute : « Je l'ai vu de mes propres yeux, et m'a assuré davantage un président de la ville que l'on avait mangé vingts et deux enfants. » Bernard Palissy, huguenot peintre, verrier et potier meurt à 80 ans prisonnier à la Bastille « de misère, nécessité et mauvais traitements », selon Pierre de l'Estoile, à qui il lègue une tête de mort pétrifiée (qu'il appelait sa pierre philosophale). Découverte des fractions décimales, algèbre littérale par François Viète.


Le siège de Paris en 1590

« Donc s’étant passé jusques à quinze jours sans que le Roi de Navarre se remuât, lui étant arrivé une partie des munitions qu'il attendait, et lui semblant que son armée s’était assez reposée, partit de Mantes avec celle-ci, et chemina en intention d’ôter le commerce de la rivière à Paris, duquel elle se maintenait : et passant aux environs de celle-ci, commanda à quelque cavalerie s'avancer pour connaître et tenter la volonté de ceux de la ville de Corbeil assise sur la rivière de Seine, distant de Paris de sept lieues, qui est comme la clef de tous les vivres qui défendent par cette rivière. Cette cavalerie gagna les faubourgs sans beaucoup de résistance et le lendemain les habitants, qui n'avaient voulu recevoir garnison des Catholiques, se rendirent à volonté, où entrant le Roy de Navarre se fait reconnaître pour Roy : et séjourna là quelques jours, se réjouissant comme si la perte de Paris n'eût consisté qu'à gagner ce peuple, et de fait tous ceux qui étaient avec lui le pensaient aussi. La ville de Lagny, sise de l'autre côté sur la rivière de Marne quasi vis à vis du dit Corbeil, se rendit aussi bien que par ce moyen serrant plus étroitement les rivières d’une part et d'autre, il fit mettre du canon d’une part et d'autre, pour empêcher, que pas une flotte, tant petite fut elle, put passer. »

Source : Gallica-BnF, Bref discours et véritable des choses plus notables, arrivées au siège mémorable
de la renommée ville de Paris, pages 10 et 11, par Pierre ou Pedro Cornejo. 1590.



La levée du siège de Paris de 1590 - Frans Hogenberg

Lettre d'Henri IV adressée aux manants
et habitants de notre ville de Paris (15 juin 1590)


« Pour ce que vous avez pu demeurer étonnés de ce que nous avons révoqué le passeport que nous avions premièrement accordé à ceux que vous aviez député pour aller trouver le duc de Mayenne, c'est que nous ne doublons point que ceux qui, sous leur faux prétexte de religion et liberté, vous ont précipité aux extrêmes périls où vous êtes, et qui ne fondent plus leur espérance que sur vos désespoirs, ne tâchent maintenant sur ce sujet que de vous désespérer de trouver jamais en nous aucune grâce et clémence (...) Vous ayant bien voulu dire tout succinctement ce que dessus, tant pour la décharge de notre conscience envers Dieu et ne laisser rien de ce qui est de notre devoir et qui peut servir à votre bien, que pour vous faire paraître le charitable soin que nous avons de vous et de votre conservation, et que ne devez entrer en aucun désespoir de ne pouvoir requérir et recouvrer votre grâce, laquelle, en vous réduisant en ce qui être votre devoir, vous sera toujours favorable et propice, et qu’aussi peu déviés avoir aucune appréhension que nous voulions rien innover, altérer ni changer de la religion catholique, laquelle nous protestons devant Dieu de vouloir conserver, maintenir et la prendre en notre protection, avec tous ceux. qui en font profession ; et ne souffrirons aussi qu'il y soit rien attenté ou entrepris non plus que à notre propre personne. Ce sera à vous à vous conseiller, vous adresser à Dieu et recourir à sa sainte bonté, à ce qu'il lui plaise vous dessiller les yeux, pour pouvoir discerner ce qui est de votre salut ou de votre ruine, vous donner moyen de vous retirer du péril qui vous est sy imminent, et vous pouvoir servir de ce peu de loisir qui vous reste, qui est véritablement bien bref, mais toutefois encore tel qu'il vous peut servir, pourvu que le vouliez et que n'en laissiez écouler l'occasion. »

Source : Gallica-BnF, Lettres de Henri IV, t. III, p. 203 et 204.


1591 : A Paris, se déroule "la journée des farines", un stratagème d'Henri de Navarre pour reprendre la ville aux Ligueurs, mais il renonce à déployer son plan. De février au 16 avril se tient le siège puis la prise de la ville de Chartres et l'entrée du roi Henri IV. Le 15 novembre, Barnabé Brisson président du Parlement de Paris est pendu pour traitrise et hérésie, les magistrats Claude Larcher et Jean Tardif sont exécutés comme hérétiques place de grève à la demande du Conseil des Seize (l'exécutif des ligueurs, un membre par quartier désigné).
1592 : Le maréchal de Brissac meurt sous les feux d'un canon, il est le premier officier de haut rang à être victime de l'artillerie ou d'un boulet à Epernay. Clément VIII devient  pape et décès de Michel de Montaigne.
1593 : En janvier, convocation des Etats Généraux à Paris à l'appel de la Ligue. En juillet Henri le Béarnais, après s'être emparé de la ville de Dreux et de ses réserves, le 8, il abjure sa foi protestante, le 25 à St.-Denis. Premiers jardins botaniques français à l'université de Montpellier, invention du thermomètre par Galilée (et 10 ans plus tard, il réalisera la Loi de la chute des corps).


Henri IV (1553-1610), le plus Parisien de nos rois...

Les guerres de religion ont laissé des traces importantes, les menées contre les protestants allaient favoriser l'accession de ce roi de Navarre, très opportuniste (ci-contre, peint par Franz Pourbous dit le jeune). Il a été pourtant d'une grande sagesse politique, Henri de Navarre a représenté le "bon roi Henry" pour mémoire parisienne. Son nom fut maintes fois prononcé lors des révoltes populaires ou la révolution de 1789. Toutefois, le Béarnais ne se fit pas que des amis, et l'on peut avoir plus que des doutes sur sa popularité du temps de son vivant. Il fut sujet de plusieurs attentats. Son assassinat a probablement construit sa légende. Henri dit le "vert Galant" (pour ses frasques sexuelles) naquit en 1553 à Pau. Il était le fils de Jeanne d'Albret, reine de Navarre, elle-même la fille de Marguerite d'Angoulème, soeur de François Ier, et le fils d'Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, et descendait de Louis IX. Il devint, le roi Henri III de Navarre à la mort de sa mère en 1572.

La même année, suite à la paix de Saint-Germain entre catholiques et protestants, il épousait à Paris, Marguerite de Valois (La reine Margot) à la demande de Catherine de Médicis. Le mariage fut annulé par le pape Clément VIII en 1599. Suite à ce mariage et le massacre de la Saint-Barthélémy, poussèrent Henri de Navarre à abjurer sa foi huguenote. 

 

Jusqu'en 1576, Henri de Bourbon a vécu à la cour d'Henri III (de Valois). Puis il s'enfuya et rejoignit de nouveau le camp huguenot et reprenait la lutte contre les Ligueurs en combattant en Guyenne, Saintonge et Poitou. En 1587, c'était la bataille de Coutras, dite ''bataille des trois Henri'', victoire du roi de Navarre.

En 1588, ce fut la fameuse ''journée des barricades'', les Ligueurs se voyaient maîtres de la ville en mai, ce qui contraignit Henri III à fuir de Paris, et à s'allier à son cousin béarnais Henri. Le roi fit assassiner le duc de Guise en décembre. Deux ans après se tenait la mémorable bataille d'Ivry, le duc de Mayenne était à nouveau défait, au nom de ''ralliez-vous à mon panache blanc'' (phrase qui n'a jamais été prononcée).

Henri de Bourbon mena trois sièges de suite de Paris, le premier débuta en mai 1589 avec Henri III avant que celui-ci ne fut tué en octobre à Blois, et une deuxième fois la même année se tint un nouveau siège sans plus de réussite.  Henri de Navarre revint avec ses troupes l'année suivante en avril, il tenta une fois de plus le siège de Paris et s'empara des faubourgs et en juillet de la ville de Saint-Denis soumise elle aussi à un siège, ce qui provoqua dans la capitale une famine de 12 à 30.000 morts sur environ 200.000 personnes. Mais cette fois là, les ducs de Parme et de Mayenne le poussa à rebrousser chemin, fort du soutien de l'Espagne. En 1591, la Ligue fit régner la terreur dans la ville, Barnabé de Brisson, le Président du Parlement resta à Paris, et fut exécuté avec deux de ses conseillers, cette même année.

En 1593, siègèrent les Etats-généraux de la Ligue, sous l'impulsion du duc de Mayenne, la loi salique était une fois de plus évoquée, pour qu' « aucun traité ne se fasse pour transférer la couronne en la main de prince ou princesse étrangers
» (extrait de l'arrêt de Jean Lemaître, avocat général au Parlement de Paris). Sous la pression de ses proches et en particulier Maximilien de Béthune qui conserva sa foi huguenote, le 25 Juillet, Henri de Navarre abjura sa foi en la basilique de Saint-Denis. On lui a accordé d'avoir dit à cette occasion « Paris vaut bien une messe », mais la phrase en question, elle aussi n'a jamais été prononcée. Ce fut sa sixième et dernière conversion au catholicisme, qu'il fit mine de pratiquer par la suite très dévotement, tout en rejetant certains rites. Et le 27 Février 1594, Henri IV était sacré roi à Chartres et non à Reims, et en mars il pouvait entrer enfin dans Paris.


Dernière conversion d'Henri IV

«
L'avant-veille, Henri  écrivait à Gabrielle d'Estrées, sa belle maîtresse : « ce sera dimanche que je ferai le saut périlleux ». (...)
«
Le matin du 25 juillet, il se présentait devant la porte de l'église, tenue grande ouverte. Il était accompagné d'une suite nombreuse et richement vêtu d'un pourpoint de satin blanc, recouvert à demi d'un court manteau noir. Il entra dans la nef, fit quelques pas et se trouva en présence de l'archevêque de Bourges, assis en habits pontificaux sur un siège garni de satin blanc. Trois curés de Paris tenaient debout près de lui. D'un geste il arrêta le roi :

- Qui êtes-vous?
- Je suis le roi. ?
- Que demandez-vous ?
- Je demande à être reçu au giron de la sainte Eglise catholique, apostolique et romaine.
- Le voulez-vous sincèrement ?
- Oui, je le veux et je le désire.

On apporta un coussin. Le roi s'agenouilla devant l'archevêque, et fit une humble profession de foi. Il jura de « vivre et mourir en la religion catholique, de et défendre envers tous, au péril de son sang et de sa vie, renonçant à toutes hérésies contraires ».

Source : Gallica-BnF - Paris et les Parisiens au XVIe siècle,
Alfred Franklin, Préface, pages XIV et XV, réédiion Paris 1921



 Les événements du 22 mars 1594
 
« Ce fut-là le premier fruit de la conversion de Henri IV. Cependant les négociations de Brissac créé maréchal de France par le duc de Mayenne, et le zèle de quelques citoyens de Paris, donnèrent à Henri IV cette capitale que la victoire d’Ivry, la prise de tous les faubourgs et l’escalade aux murs de la ville n’avaient pu lui donner.

Le duc de Mayenne avait quitté la ville, et y avait laissé pour gouverneur le maréchal de Brissac. Ce seigneur au milieu de tant de troubles avait conçu d’abord le dessein de faire de la France une république ; mais un échevin nommé Langlois, homme qui avait beaucoup de crédit dans la ville, et des idées plus saines (sic) que le maréchal de Brissac, traitait déjà secrètement avec le roi.

Lhuillier prévôt des marchands entra bientôt dans le même dessein ; ils y entraî̂nèrent Brissac ; plusieurs membres du parlement se joignirent secrètement à lui. Le premier président Le Maître était à la tête, le procureur-général Molé, les conseillers Pierre d’Amours et Guillaume Du Vair, s’assemblaient secrètement à l’arsenal (c'est-à-dire l'actuelle bibliothèque de l'arsenal, située bd. Morland). Le reste du parlement n’était point dans le secret ; il rendit même un arrêt par lequel il défendait toute sorte d’assemblées et d’amas d’armes. »

Source : Histoire du Parlement de Paris, Oeuvres de Voltaire,
 tome 22,
chapitre 35, page 175, Henri IV reconnu dans Paris


Le nouveau roi converti avait provoqué l'inquiétude des Ligueurs, ce qui avait poussé le légat du pape et le cardinal Pellevé à promener dans Paris la châsse de sainte Geneviève pour contrecarrer la conversion de "l'hérétique" Henri. Le Parlement avait aussi rendu dans son arrêt, que toutes critiques de la sainte Ligue étaient considérées comme un "crime d'état". Ainsi les ambassadeurs d'Espagne, la faction des Seize, la Sorbonne et autres autorités religieuses se trouvèrent à leur réveil trompés et au fond de leur lit pour la plupart, lorsque le 22 mars à quatre heures du matin, retentissait un coup de feu et des cris dont on distingua un « vive le roi ! ». On recensa une soixantaine de soldats étrangers morts dans cette prise par surprise de la ville, selon Voltaire. Qui a été aussi l'auteur de l'Henriade, un texte faisant l'apologie d'Henri IV.

L'Huillier et Langlois avaient passé la nuit avec tous les bourgeois qui étaient au courant de cette manipulation.  On fit ouvrir la porte des Tuileries, celle de Saint-Denys, et la Porte-Neuve (entre le Louvre et les Tuileries), les troupes d'Henri pénétrèrent dans la capitale par ces trois côtés et en direction de la Bastille. A peine le cardinal légat fut-il sorti de son sommeil, qu'Henri IV se trouvait déjà maître de Paris. Auguste de Thou, juriste et témoin privilégié le résuma ainsi : « On vit presque en un moment les ennemis de l'État chassés de Paris, les factions éteintes, un roi légitime affermi sur son trône, l'autorité du magistrat, la liberté publique et les lois rétablies. »

« De par le Roi, Sa majesté désirant réunir tous ses sujets, et les faire vivre en bonne amitié et concorde, notamment les bourgeois et habitants de sa bonne ville de Paris, veut et entend que toutes choses passées et advenues depuis les troubles, soient oubliées. Défend à tous ses procureurs généraux leur substitut et autres officiers, en faire aucune recherche à l'encontre de quelques personnes que ce soit, mêmes de ceux que l'on appelait vulgairement les Seize (les membres de la Ligue parisienne), (....) est contenu par les articles accordés à la dite ville. Promettant sa dite Majesté en foi, et parole du Roi, vivre et mourir en la religion catholique, apostolique et romaine, et de conserver tous ses dits sujets et bourgeois de la dite ville en leurs biens, privilèges, états, dignités, offices et bénéfices. »

A Senlis, le 26ème jour de mars 1594.



Henri IV mettait de l'ordre à tout avec le secours d'Auguste Thou, grand érudit qui obtint les fonctions de procureur général. Le Parlement de Paris (la grande chambre des affaires juridiques) était rétabli par le roi, qui annula tout ce qui avait été inscrit contre Henri III et sa personne. Il cassait les états de la Ligue, et institua "à perpétuité" une procession à laquelle devait assister le Parlement tous les ans, le 22 mars, en robes rouges. Dès le mois de septembre 1594, le roi proposait de l'ouvrage au Louvre et à l'abbaye de Saint-Denis. Le nouveau Louvre démontrait son tout neuf pouvoir, ce fut dans la construction du Pont-Neuf qu'il manifesta le plus d'enthousiasme. Comme à l'automne 1601. Henri IV, non loin de la Seine, à proximité des travaux du pont en construction prit son élan, il lança son cheval au galop et le fit sauter. Ainsi, il afficha sa joie et en retour celle des ouvriers et des passants présents, dit badauds.

Après l'intronisation, en 1595, le duc de Mayenne se soumettait, Henri était absous par le pape Clément VII en septembre, et déclarait la guerre à Philippe II d'Espagne, et puis il signa en 1598 la Paix de Vervins avec l'Espagne (selon les modalités du traité de Cateau-Cambrésis de 1559). Puis s'en suivait la proclamation de l'édit de Nantes, qui ré-accordait la liberté de culte aux Protestants, du moins des droits plus élargis que l'édit de Mantes (juin 1591) qui ressemblait pour beaucoup à l'édit de Poitiers (1577), bien plus restrictif sur la tolérance religieuse et le culte réformé.


En 1600, Henri IV épousait Marie de Médicis (ci-contre) sans qu'il soit procédé à son sacre. Henri IV mourrait assassiné le vendredi 14 Mai 1610, rue de la Ferronnerie par François Ravaillac, un angoumoisin catholique intégriste, plus ou moins aidé dans ce régicide. Ses années de pouvoir laissèrent un socle et engagea une nouvelle dynastie, qui n'en avait pas finie de créer des guerres intestines ou d'en subir. Les intrigues de cour eurent une dimension politique pesante jusqu'au milieu du dix-septième siècle et l'arrivée du despotisme dit éclairé de Louis XIV.  

Henri de Bourbon et de Navarre aura tenté d'asseoir un peu d'équilibre dans le Royaume de France. Il avait créé de nouvelles fondations dans Paris, en particulier dans le dixième arrondissent de Paris, où il fit bâtir l'hôpital Saint-Louis pour répondre aux maladies infectieuses et de peaux. Sa femme Marie de Médicis a tenu un rôle prépondérant dans l'installation du couvent des Récollets (actuel 10e arrond.), elle lança la construction en y posant la première en 1614, après que furent donnés des terrains en 1604 à l'ordre des Franciscains. On lui doit aussi la construction du Palais du Luxembourg, la rénovation d'un aqueduc romain pour les besoins de cette nouvelle résidence et ses jardins (aujourd'hui le Sénat et le jardin du Luxembourg).

Certains rois ont été des bâtisseurs, Henri IV l'était, le temps du règne il changea radicalement la conception de la vie urbaine par des initiatives novatrices à Paris. Il fit du développement général et de l'embellissement de la capitale son principal objectif politique d'aménagement. Paris aura été toujours au centre de sa prise de pouvoir et de ses ambitions. L'édit de Nantes en 1598, aura été une petite parenthèse de tolérance religieuse, mais qui n'effaça pas au sein de l'aristocratie les tensions. Et il faut préciser que l'édit dit de Nantes avait un caractère temporaire, ce qui permit à Louis XIV en 1685 de le révoquer.

Chronologie du règne d'Henri IV (suites et fin)

1594 : En février, la ville de Lyon se rallie et Henri IV est sacré roi en la ville de Chartres. Traité de St-Germain-en-Laye et Charles III duc de Lorraine, fils du "balafré" se plie à l'autorité royale en novembre. A la fin de l'année est condamné à mort Jean Châtel ou Chastel (Jésuite), pour crime de "lèse majesté", une tentative d'assassinat d'Henri IV mise en échec. En décembre, Les Jésuites sont expulsés de France sur décision du Parlement de Paris. Il existe au moins huit carrosses dans la capitale.
1595 : En janvier, déclaration de guerre à l'Espagne et siège de la ville de Cambrai par les troupes espagnoles en août. Henri IV lance les travaux d'une aile supplémentaire au Louvre, nommée la Galerie du bord de l'eau, longue de 450 mètres (les travaux dureront 15 ans).
1596 : Henri IV s'enfui à Rouen par peur devant les ravages de la peste. A l'hôpital de l'Hôtel-Dieu, en avril, on recense 600 morts et en juillet 350 décès en raison de l'épidémie, etc. A Paris l'effondrement du pont des Meuniers fait 150 morts. C'est l'ouverture de l'Assemblée des Notables à Rouen et naissance de René Descartes.
1597 : En janvier, sont remis les cahiers de doléances de l'Assemblée des Notables. Entrée du roi dans la ville de Nantes.
1598 : Maximilien de Béthune devient surintendant des finances du royaume. Le 30 avril c'est la promulgation de l'Edit de Nantes (texte en ligne) et il marque la fin de 36 années conflictuelles depuis 1562, d'un pays fatigué de ses guerres intestines. La paix est signée avec le royaume d'Espagne (Paix de Vervins) et célébrée à Notre-Dame, le 21 juin. En septembre, Philippe II d'Espagne (ou Felipe II) et autres possessions meurt au palais de l'Escurial (près de Madrid) et Philippe III lui succède. Le nombre de Protestant dans le royaume français a chuté de 1572 à 1598 de 10 à 6% de la population. Réforme de l'Université, la supériorité des médecins sur les chirurgiens est décrétée, et a l'obtention du diplôme les docteurs en médecine doivent s'engager devant un notaire à ne plus opérer : « car, disent les statuts, il convient de conserver pure et entière la dignité de l'ordre des médecins. » Les chirurgiens sont ainsi relégués à principalement raser les barbes et à faire des coupures pour les saignements, d'où le nom de "chirurgien-barbier" qui leur est conféré.
1599 : Le mariage de Marguerite de Valois avec Henri IV est annulé et la favorite du roi, Gabrielle d'Estrée décède lors d'un accouchement.
1600 : Vincent de Paul est ordonné prêtre. En avril, est signé le contrat de mariage avec Marie de Médicis. En octobre est organisé un mariage par procuration à Florence et le 3 novembre, la prochaine reine de France débarque à Marseille. Et au final, le mariage des deux époux se déroule à Lyon en décembre en leurs présences.
1601 : En janvier, fin de la guerre avec la Savoie, le traité de paix est signé à Lyon,  le mois suivant, c'est l'arrivée de Marie de Médicis à Paris. En avril, sous l'impulsion d'Henri IV est ouverte la manufacture des Gobelins, en lieu et place d'« une grande maison où anciennement se faisait la teinture », les maîtres tapissiers flamands Marc Coomans et François van der Placke sont récrutés pour le tissage des tapisseries à la façon des Flandres. C'est aussi la naissance du dauphin le futur Louis XIII accouché par la sage-femme et accoucheuse de Marie de Médicis et de ses six enfants, Louise Bourgeois.
1602 : A Paris, Théophraste Renaudot suit les cours de chirurgie du collège de Saint-Côme. Sous l'autorité de l’évêque de Paris et l'impulsion de la reine, les Frères de la Charité (ou Frères de St-Jean-de-Dieu) s'établissent et créent l’hôpital de la Charité (détruit en 1935). Les droits d'entrée ou taxes sur le vin dans la capitale sont augmentés du triple, et si l'imposition de la taille baisse dans les campagnes, l'imposition sur le sel (la gabelle) lui progresse.
1603 : Elisabeth 1ère d'Angleterre et d'Irlande  décède en mars, lui succède Jacques Ier, jusqu'à présent roi d'Ecosse. Henri IV paraphe à Rouen l'édit de rappel des Jésuites (expulsés en 1595) et ces derniers récupèrent leurs établisements d'enseignement. Le roi franchit le Pont-Neuf non achevé à cheval sur un plancher jusqu'au Louvre. Arrêtés en septembre dans la capitale Julien et Marguerite de Ravalet, les enfants du seigneur de Tourlaville sont condamnés pour inceste et adultère ; le 2 décembre, ils sont décapités en place de Grève.
1604 : De mars à avril, Henri IV quitte la capitale pour faire le siège de Sedan et mettre fin à la sédition d'un énième grand du royaume (le duc Henri de la Tour d'Auvergne). Le Parlement enregistre l'édit de Rouen et rétablit la Compagnie de Jésus en France sous la condition d'un serment. Un édit annonce l'établissement d'une manufacture d'habits de draps et toile d'or, d'argent et de soie à Paris. Jules Mazarin naît à Pescina dans les Abruzzes, au sein du royaume de Naples.
1605: Henri IV lance le projet de création à Paris d'une place Royale (la place des Vosges). Le même roi qui passait par le Pont-Neuf sur sa monture est attaqué et menacé par un dénommé Isle, qui tente de le tuer  d'un coup de poignard, l'assaillant échoue. Un cousin du roi, Charles de Bourbon, devient le premier vice-roi de la Nouvelle France (Canada).
1606 : Un traité avec Jacques 1er, roi d'Angleterre et d'Ecosse pour la liberté du commerce est ratifié en mai. Par lettres patentes Maximilien de Béthune devient duc de Sully et Pair de France. En juin, les époux royaux et leur suite échappent à la noyade en traversant le bac de Neuilly. Un pont en bois y sera construit. Richelieu est désigné évêque de Luçon par le roi. 
1607 :  Henri IV unifie son domaine, le Béarn, à celui du royaume. En décembre est promulgué un édit sur les questions de voirie. Il est à noter la création et aménagement de la place Dauphine sur l'île de la Cité et la fondation de l'hôpital St.-Louis (rive nord).
1608 : En janvier, est rédigé par Lettres-patentes la construction d'un pont marchand à Paris en remplacement du pont détruit en 1496, dit des Meuniers. Pierre Coton (jésuite) devient le confesseur ordinaire du roi. Est Inaugurée la grande galerie du Louvre (où seront présentées des oeuvres d'art). En septembre, est publié un énième édit pour l'entretien des rues de Paris : « Nous défendons à toutes personnes de quelque état, qualité et condition qu'ils soient, demeurans en nostre dite ville et fauxbourgs de Paris, de jetter ou faire jetter en la rue aucunes ordures, immondices, charrées, paille, gravois, terreaux, sumiers, râclures de cheminées, ou autres ordures que ce soit, sur peine de six livres d'amende ». Samuel de Champlain fonde le 3 juillet, la ville de Québec, et en fait  la capitale de la Nouvelle France (Canada).
1609 : Henri IV depuis Fontainebleau fait publier en juin l'édit visant l'interdiction des querelles et des duels. L'abbé Vincent de Paul rencontre le roi et devient l'aumonier de Marguerite de  ou de Valois, répudiée. Louise Bourgeois, sage-femme (1563-1636) publie deux ouvrages : « Instructions, l'art d'être sage-femme et Observations diverses sur la stérilité, perte de fruit, fécondité, accouchements et maladies des femmes et enfants nouveaux nés. » L'astronome Galilée met au point un télescope plus puissant, avec lequel il fait de nouvelles découvertes : La surface de la lune est montagneuse, la voie lactée se compose d'étoiles distinctes, et apperçoit quatre satellites autour de Jupiter, qu'il nomme les "astres médicéens". 
1610 : Le 14 mai, le roi part du Louvre sans protection au chevet de Sully malade, le carrosse se rend à l'Arsenal, et il est assassiné en route, rue de la Ferronnerie par un fanatique, F. Ravaillac (dessin ci-contre). Le régicide est  exécuté en place de Grève 13 jours après. Théophraste Renaudot, médecin, publie le Traité des pauvres et défend l'idée d'un bureau de placement. A Venise en mars, Galilée fait publier Sidereus nuncius (le messager des étoiles), l'ouvrage est dédié à Cosme de Médicis, grand-duc de Toscane (qui l'invitera  à venir à Florence commme mathématicien et philosophe de cour). Si vous cherchez à en savoir plus sur les réalisations sous Henri IV, consultez : Les actes de Sully passés au nom du roi de 1600 à 1610, etc. (Imp. nationale, 1911).

Court extrait d'un poème

Aux campagnes d'Ivry (*).
Ta valeur délivrant ton peuple d'esclavage,
Rend l'honneur aux Français,
Et remplit tes soldats de ce brillant courage,
Ici ta valeur seule,
et ta propre personne
Décident du combat.

(*) La bataille d'Ivry en Normandie s'est déroulée le 14 mars 1590



Au fil et au final de nos routes...

En 1552, Charles Estienne (1504 -1564) éditait le premier guide routier français : Le Guide des chemins de France qui décrit deux cent quatre-vingt-trois itinéraires, dont une petite partie (Paris-Orléans) était pavée. En 1599 était créé l'office de grand Voyer de France qui était confié à Maximilien de Béthune, duc de Sully (1560-1641).

En 1596, le pont dit aux Meuniers (ci-contre) construit sous Charles le Chauve (860) était emporté par une crue de la Seine.

Si vous souhaitez en savoir plus sur l'histoire la capitale et ce qu'il y à découvrir comme lieux de mémoires (Musées de la ville), vous pouvez aussi consulter : LIre à Paris et autres sites où trouver de même des ouvrages sur l'histoire de Paris avec des archives sonores ou des vidéos complémentaires.


Maximilien de Béthunes duc de Sully ordonna l'édification ou l'achèvement de nouveaux ponts dont le Pont-Neuf de Paris (1576-1606). En 1602, sur ce même pont était construit la pompe à eau de la Samaritaine,  pour l'alimentation du Louvre.

Le surintendant des finances organisa des inspections annuelles des chaussées, des ouvrages d'art, des réparations et du bon emploi des péages et des financements royaux.

Nous ne pouvions oublier dans cette énumération des constructions entreprises sous Henri de Bourbon, à qui nous devons de 1595 à 1610, la construction de la Grande galerie ou Galerie au bord de l'eau donnant sur la Seine, le tout relié des appartements royaux jusqu'aux Tuileries et se terminant par le pavillon de Flore. Et l'oeuvre a été édifiée sous la conduite de l'architecte Louis Métézeau (1560-1615).

Autre réalisation à signaler fut l'édification de 1605 à 1612 d'une nouvelle place dite Royale (l'actuelle place des Vosges), une des plus belles places parisiennes connut jusqu'à ce jour, notamment avec la présence de la maison de Victor Hugo et le somptueux Hôtel de Sully réalisé à partir de 1624 (le duc de Sully y habita de 1634 à sa mort en 1641)  : qui permet de déambuler de cette place carrée à la rue de Rivoli. L'ancienne place Royale a été conçue par Louis Métezeau, qui s'inspira de la place ducale de Charleville-Mézière, et elle a été classée monument historique en 1954.


« Sur bien des points, la Seine était sans quais ; les rives descendaient en pente douce jusqu'au fleuve. Aussi les inondations se succédaient-elles presque sans interruption. (...) Les quais du Louvre et de la Mégisserie datent de François Ier. Jusqu'en 1580, la Seine venait battre les murailles du Palais ; on commença alors la construction des quais de l'Horloge et des Orfèvres, qui ne furent terminés qu'en 1611. On établit le quai Malaquais sur une sorte de levée en dos d'âne qui avait pour objet de protéger contre les inondations le petit Pré-aux-Clercs, dont l'aire était en contre-bas des terres environnantes. De là vint le nom de rue des Marais donné à une voie nouvelle ouverte entre la rue de Seine et le chemin de la Noue. Le quai de l'Arsenal et le quai Saint-Michel furent aussi commencés au XVIe siècle, qui ne vit pas leur achèvement. »

Paris et les Parisiens au seizième siècle, etc., page 56, Alfred Franklin (Paris, 1921)



Dessin de la vue du Pont-neuf avec ses habitations et commerces  (les tourelles) sur chaque pilône

Suite de la promenade :

Le règne de Louis XIII et les barricades de 1648

&
présentation du travail d'origine


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Dernières modifications : 31/12/2023