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Ce qui est démocratique : faire du petit cercle de connaisseurs un grand cercle de connaisseurs


Bertolt Brecht  

Archives Amérique Latine, 2008 - 3ème partie  
 
Sommaire, 
COLOMBIE : La Minga, otages et crimes d'État


1 - Article, L'autre Colombie, par Raul Zibechi
2 - Article, USA-Colombie Les tristes causes du futur ministre d’Obama, par Doug Ireland
3 - Vidéo,  Colombie, la Minga à Bogota, par le Centre des Médias Populaires

4 - Article, Colombie, La révolte depuis tout en bas, par Benito Perez
5 - Article, La Colombie face à la crise financière internationale, par  Alter Presse Haïti

6 - Vidéo,
Colombie, mobilisation des peuples originaires, par Contravia TV
7 - Article, La Colombie est-elle une démocratie ?
8 - Vidéo, Colombie, paramilitarisme et multinationales, par Radio Campus de Bruxelles
9 - Pétition, Stop à la barbarie et à la criminilisation des mouvements sociaux colombiens





L’autre
Colombie


par  Raúl ZIBECHI
Traduit par  Thierry Pignolet,
le 23 novembre

"Quelque chose de nouveau est en train de mijoter dans ce pays", dit Alfredo Molano, journaliste et sociologue poursuivi par le régime uribiste -parce qu’il dit ce qu'il voit, et qu’il dit tout haut ce que pensent tout bas des millions de Colombiens auxquels les médias sont inaccessibles. Il ne le dit pas dans un local clos, mais à ciel ouvert dans le Forum de la Solidarité de Moravia, quartier pauvre de Medellín construit sur une énorme montagne de déchets que les déplacés dus aux guerres successives ont transformé en une trame urbaine, périphérique et solide, basée sur un réseau de solidarité impressionnant.

Ce qui est nouveau, c’est l'ampleur, l'extension et la profondeur de la protestation, et surtout la confluence d'acteurs qui sont en train d’acculer le gouvernement d'Álvaro Uribe. Les grèves les plus mises en évidence par les médias sont celles du secteur public pour les salaires, ou de la branche judiciaire qui a amené le gouvernement à décréter l'état de "commotion intérieure"[1]. Ont suivi ensuite les fonctionnaires du Registre national de l’État-Civil (Registraduría[2]), les enseignants, les camionneurs et autres employés publics qui voient leurs salaires décimés par l'augmentation incessante des prix. C’est, toutefois, la convergence d’en bas qui donne le plus d’insomnies à ceux qui sont au pouvoir...

Le secteur sucrier dans la Vallée du cauca, avec la localisation des raffineries (ingenios)

Le 15 septembre passé, dix mille coupeurs de cannes à sucre, travaillant au forfait et dans des conditions féodales, ont entamé une grève d’occupation dans huit raffineries de la Vallée du Cauca. Les coupeurs de canne à sucre, presque tous afro-colombiens, se lèvent à quatre heures du matin, travaillent de six heures à dix-sept heures sous un soleil sans pitié, et arrivent vers vingt heures chez eux, après avoir donné 5400 coups de machette et respiré la fumée du brûlage de canne et le glyphosate[3] utilisé dans les plantations. Ils gagnent un peu plus que le salaire minimal, payent de leur poche la sécurité sociale, les outils, les vêtements de travail et le transport jusqu'à la plantation. À la tombée du jour se devinent, au bord de la Panaméricaine de Cali à Popayán, de grandes silhouettes foncées, chancelantes comme des zombies après une journée de travail criminelle…

La grève des plus pauvres a surpris tout le monde, tant pour sa durée que pour l’appui massif des affiliés au syndicat Sinalcorteros. Pour le gouvernement et l'Association des Cultivateurs de Canne de Sucre, la grève est un problème, car elle a obligé à importer du sucre de l’Équateur et de la Bolivie, a paralysé la production d'éthanol, et a élevé le prix de l'essence –l’éthanol de leurs voitures sort des bras meurtris des coupeurs de canne. C'est sans doute pour cela que le ministre de la Protection Sociale -ironie de classe dirigeante- a dit au Parlement que la grève n'est pas un problème social mais une protestation de délinquants, et a accusé les coupeurs de canne d’être infiltrés par les FARC[4].

Les coupeurs de canne demandent à être embauchés directement par l'entreprise -parce que pour l’instant on les oblige à rentrer dans des coopératives qui sont des bourses du travail permettant de diminuer les salaires-; qu’on leur paie les journées perdues lors des arrêts de travail et des visites médicales -car les accidents de travail mettent, chaque année, deux cents coupeurs en incapacité. Ils exigent, en outre, qu'on élimine les bascules mobiles qui « penchent » plutôt en faveur du patron, qu'on enlève les machines qui accomplissent le travail de cent-cinquante coupeurs, et qu’on augmente leur salaire de trente pour cent.

En cette 516e année de résistance a commencé, le 12 octobre passé, la Minga[5] des Peuples qui reprend les décisions du premier -réalisé en septembre 2004- Congrès Itinérant des Peuples pour la Vie, la Joie, la Justice, la Liberté et l'Autonomie. De celui-ci est né le Mandat Indigène et Populaire qui prévoit le rejet du TLC - un traité "entre des patrons et contre les peuples"-; l’abrogation des réformes constitutionnelles soumettant les peuples à l'exclusion et à la mort; un « stop à la terreur du Plan Colombie (...) qui infeste nos territoires et y sème mort et déplacements »; la mise en application par l’État des accords suite au massacre du Nilo en 1991 -où ont été assassinés vingt Nasas[6]-; et la construction de l'Agenda des Peuples naissant du « partage et ressenti de la douleur des autres peuples et causes ».

La Minga, travail collectif dans le monde andin, a commencé au bord de la route Panaméricaine, où quelque 10 000 indigènes, surtout des Nasas regroupés au sein du Conseil régional indigène du Cauca (CRIC) et dans l'Association des Conseils Municipaux Indigènes du Nord du Cauca (ACIN), ont installé un territoire de Paix, de Communauté et Dialogue dans la commune La María Piendamó. Ils ont barré la route et furent brutalement attaqués par les forces armées, ce qui s’est soldé par deux morts et 90 blessés -la plupart par balles. La violence n'est pas parvenue à les déloger, mais ils se sont attiré l'appui de toute la « Colombie d’en bas ».

La négociation avec les autorités ayant échoué, la Minga s’est mise en marche vers Cali, la troisième ville du pays, où douze mille Indiens escortés par la garde indigène auxquels se sont joints les coupeurs de canne et autres travailleurs regroupés au sein de la CUT[7] arriveront le lundi 27 - après avoir parcouru cent kilomètres à travers la riche plaine couverte de plantations. Le plus marquant est que la Minga des Peuples est en train de se transformer en une articulation de ceux « d’en bas » sans appareil bureaucratique, rencontre « d’en bas » et dans la lutte, confluence de  multiples torrents qui commencent à creuser le lit d’une autre Colombie. Un de ceux-ci a été la journée nationale de grève appelée par la CUT le 23 octobre 2008.

Le cahier de doléances est impressionnant. Les seuls indigènes dénoncent que, durant les six années de gouvernement d'Uribe, 1243 Indiens des 100 ethnies existantes en Colombie ont été assassinés, et 54 000 autres expulsés de leurs territoires. Les derniers 15 jours ont déjà vu 19 assassinats. "Nous sommes tous des coupeurs de canne, nous sommes tous des indigènes", dit un communiqué de l’ACIN. La longue expérience du peuple nasa leur dit qu’"aucun secteur agissant seul ne peut faire face au programme d’exploitation et de soumission de ceux qui, au sein du régime, le mettent en oeuvre".

La Minga est la manière avec laquelle ceux « d’en bas » ont décidé "de convenir d’une parole et de la transformer en chemin". C'est à peine le premier pas. Mais c’est celui qui indique la voie à suivre et qui laisse des traces.


Notes :

[1] État de Commotion intérieure : « La Colombie a connu pendant les 50 dernières années différentes formes d’ « état d’urgence » octroyant, pendant de longues périodes, à l’armée de larges pouvoirs, favorisant ainsi des violations flagrantes des droits humains. En 1991, la nouvelle constitution remplaçait le concept d’ « état d’urgence » par celui de « commotion intérieure ». Il s’agit d’un mécanisme temporaire, qui reste sous la supervision des pouvoirs législatif et judiciaire. Il est initialement prévu pour 90 jours renouvelables, mais ne peut en aucun cas dépasser 270 jours. » (RISAL)

[2] Registre National de l’Etat-Civil (Registraduría Nacional del Estado Civil) : institution décentralisée de l’État colombien chargée du registre civil national, ainsi que de la convocation y de l’organisation électorales sous le mandat et la supervision du Conseil National Électoral. (Wikipedia)

[3] Le glyphosate (N-(phosphonométhyl)glycine, C3H8NO5P) est un désherbant total, c’est-à-dire un herbicide non-sélectif, autrefois produit sous brevet exclusivement par la société Monsanto à partir de 1974 sous la marque Roundup. Le brevet étant tombé dans le domaine public en 2000, d'autres sociétés produisent désormais du glyphosate. Le glyphosate est notamment utilisé par le gouvernement colombien, aidé par le gouvernement US  dans son Plan Colombie pour détruire les champs de coca produisant de la drogue qui finance des actions de groupes rebelles. Ces actions détruisent des milliers d'hectares de reliques de forêt tropicale, parfois classées réserves naturelles, comme la forêt du Putumayo, et des exploitations agricoles légales. Les populations de ces forêts craignent des impacts sur leur santé, comme dans le cas du Roundup pulvérisé en Palestine, ou, antérieurement, avec l'Agent Orange utilisé comme défoliant pendant la guerre du Viêt Nam. Les communautés amérindiennes sont parmi les premières touchées.(Wikipedia). Lire à ce sujet l’article de Jorge Aldao ici

[4] FARC : Les Forces armées révolutionnaires de Colombie - Armée du peuple (en espagnol « Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia – Ejército del Pueblo »), généralement appelées FARC (l'acronyme exact est FARC-EP), sont la principale guérilla communiste colombienne impliquée dans le conflit armé colombien. (Wikipedia)

[5] Minga : Une minga, également appelée « minka » (en langue quechua) ou « minca » ou encore « mingaco », est une tradition sud-américaine de travail collectif à des fins sociales. D'origine précolombienne, cette tradition met le travail commun au service d'une communauté, d'un village ou d'une famille, à des moments déterminés où un effort important est nécessaire : récoltes agricoles, constructions de bâtiments publics, déménagements, ... (Wikipedia)

[6] Nasas ou Paez : peuple amérindien qui habite le département du Cauca dans la zone andine du sud-ouest de la Colombie (Wikipedia)

[7] CUT : Central Unitaria de Trabajadores de Colombia (CUT-Centrale unitaire des travailleurs), confédération syndicale colombienne fondée en 1986, affiliée à la Confédération syndicale internationale et organisation fraternelle de l'Organisation régionale interaméricaine des travailleurs (Wikipedia)

Source : La Otra Colombia
 


USA - Colombie :

Les tristes causes
du futur ministre d’Obama


 par Doug Ireland,
le 21 novembre 2008

Le futur ministre de la Justice de Barack Obama est un avocat qui a le mauvais goût de défendre la firme Chiquita Brands… réputée pour ses coups tordus en Amérique du Sud.

Pour la première fois dans l’histoire des Etats-Unis, un Noir va occuper le poste d’« attorney general », l’équivalent du garde des Sceaux en France. Barack Obama a en effet choisi Eric Holder, 57 ans, pour diriger le Département de la Justice. L’homme en connaît par cœur les coulisses car, pendant une vingtaine d’années, il en a gravi les échelons. D’abord comme procureur avant d’être nommé numéro deux du ministère par le président Clinton. Sur les questions de maintien de l’ordre, l’hebdomadaire Newsweek le décrit comme un « centriste ».

La nomination d’Eric Holder par Obama a pour objectif de le récompenser d’avoir officié comme co-président de la campagne du candidat démocrate. Si personne ne conteste ses compétences, la presse a en revanche beaucoup disserté sur son rôle dans la scandaleuse grâce présidentielle accordée par Bill Clinton au milliardaire Marc Rich. Celui-ci était poursuivi pour une fraude fiscale de 100 millions de dollars et s’est enfui des Etats-Unis avant son procès pour se réfugier en Suisse puis en Israël.

Denise la généreuse

L’épouse de Marc Rich, Denise, a contribué à hauteur de 450 000 de dollars au financement de la bibliothèque de Clinton et a donné un million de dollars au parti démocrate peu avant la grâce présidentielle accordée à son mari. Par la suite, elle a fait don de plus de 109 000 dollars à Hillary Clinton lors de sa première campagne sénatoriale. Une générosité qui a valu à la riche Denise d’être convoquée par une commission du Congrès soucieuse de l’entendre sur l’éventuel « achat » de la grâce de son époux. Mais, comme on dit en américain, Madame Rich « took the Fifth », s’est retranchée derrière le cinquième amendement de la Constitution stipulant qu’un citoyen n’a pas à s’auto-dénoncer.

Holder a, lui aussi, été entendu par cette commission. En cause ? Son extraordinaire complaisance politique en vertu de laquelle il ne s’est pas opposé à la grâce de Rich.

Depuis que le nom du futur ministre de la Justice d’Obama a été rendu public, les médias suggèrent que cette histoire de grâce pourrait bien être instrumentalisée par les républicains lorsque le Sénat validera cette nomination (c’est une procédure obligatoire). Rich n’a en effet pas respecté les usages de la grâce présidentielle voulant que cinq années doivent s’écouler entre le moment où la grâce est prononcée et la fin du procès de la personne concernée. Or, Rich étant en cavale, il n’a jamais été jugé.

L’aveuglement délibéré d’Holder n’est vraiment pas à son honneur. Pire, par la suite, Holder l’ambitieux a demandé à l’avocat de Rich, Jack Quinn (un ancien conseiller du président Clinton) de l’aider à devenir ministre de la Justice au cas où Al Gore remporterait l’élection présidentielle de 2000.

Avocat de Chiquita Brands alias United Fruit

Holder a également su mettre à profit son travail aux côtés de Bill Clinton pour rejoindre le cabinet d’avocats international Covington et Berling qui représente la crème de la crème des grandes entreprises, de Halliburton à Microsoft. Et parmi les clients que Holder a défendu figure la multinationale Chiquita Brands International. Celle-ci est plus connue sous le nom tristement célèbre de United Fruit.

Archétype même du néocolonialisme, United Fruit, spécialisée dans le commerce de bananes et autres fruits tropicaux, était surtout réputée pour son art de faire et défaire les gouvernements d’Amérique Centrale et Latine. La célèbre expression de « république bananière » a d’ailleurs été inventée pour décrire les gouvernements à sa solde ! Par exemple, en 1954, le coup d’Etat commis au Guatemala contre le gouvernement démocratiquement élu du gauchiste Jacobo Arbenz Guzman était organisé par la CIA pour le compte d’United Fruit. La firme était le plus grand propriétaire terrien du pays et se sentait menacée par les réformes agricoles et les amendements au code de travail promulgués par Arbenz. En Colombie, en 1928, une grève massive de 30 000 ouvriers d’United Fruit dans la ville côtière de Ciénaga a dégénéré en un « massacre bananier » lorsque l’armée, aux ordres d’ United Fruit, a tué au moins mille pauvres grévistes. Le célèbre roman « Cent ans de solitude » du Prix Nobel colombien de littérature Gabriel García Marquez s’achève sur un récit de ce massacre.

United Fruit a peut-être changé de nom mais pas d’habitudes. Aujourd’hui, Eric Holder, futur ministre de la Justice, défend Chiquita Brands International (le nom d’United Fruit depuis 1985) qui a fourni de l’argent et des armes aux paramilitaires colombiens d’extrême-droite des AUC (Autodefensas Unidos de Colombia). Sous prétexte de lutter contre la guérilla des Farc (ceux qui ont séquestré Ingrid Betancourt), les paramilitaires ont tué des paysans par milliers.
Guerre de la banane en Colombie

Selon un excellent article d’octobre 2007 sur la « guerre de la banane colombienne » paru dans la revue Portfolio, le magazine d’affaires du groupe de presse Condé Nast, entre 1997 et 2004 Chiquita « a donné 1,7 million de dollars aux AUC dont les escadrons de la mort ont détruit les syndicats, terrorisé les ouvriers et tué des milliers de paysans ».

Un rapport de 2003 de l’Organisation des Etats Américains (OAS) affirmait que dans la seule région bananière d’Urabá, l’AUC a tué 3 778 personnes et forcé 60 000 paysans à quitter leurs terres. Chiquita a ensuite « volontairement » fait état de ces paiements à la Justice américaine. Mais comme l’a rapporté le Washington Post dans un article en date du 2 août 2007, les officiels du ministère de la Justice « disaient clairement que Chiquita était en train de violer la loi et que ces versements aux AUC ne pouvaient pas durer ». Toujours selon le Post, « les avocats de la Justice et le procureur fédéral à Washington étaient outrés par ce qu’ils considéraient comme la continuation flagrante de ces paiements illicites en dépit d’avertissements formels ».

Hypocrise, hypocrisie…

En 2004, Eric Holder et son équipe de Covington et Berling (cabinet d’avocats) ont négocié un accord avec la justice fédérale où Chiquita a plaidé coupable d’avoir violé la loi et a donné son accord pour payer une amende de 25 millions de dollars. Mais, grâce aux talents d’Holder, pas un seul dirigeant de Chiquita mêlé à ces versements meurtriers n’a été inquiété. Selon l’article du Post, le futur ministre a même demandé clémence pour les dirigeants de Chiquita qui ont pris des « décisions douloureuses » mais n’a jamais exprimé le moindre regret pour les paysans colombiens massacrés.

Aujourd’hui, Eric Holder continue de défendre Chiquita. C’est le cas dans un procès intenté par les familles de 173 paysans colombiens tués par les AUC. Les familles sont représentées par l’avocat Terry Collingworth de l’association International Rights Advocates qui a déjà forcé le géant pétrolier Unocal à payer 30 millions de dollars suite à des abus des droits de l’homme en Birmanie.

La nomination d’Holder par Barack Obama devrait beaucoup inquiéter ceux qui ont voté pour le démocrate en espérant un changement dans les mœurs de Washington. Et la déception est d’autant plus grande qu’Obama, dans son dernier face-à-face télévisé avec John McCain organisé à trois semaines à peine de l’élection présidentielle, s’est élevé contre l’accord de libre-échange entre les Etats-Unis et la Colombie à cause des violations des droits de l’homme systématiques contre les syndicalistes colombiens.

La nomination d’Eric Holder a un nom : l’hypocrisie.

Source : Bakchich Info
http://www.bakchich.info/article5905.html

 "La Minga à Bogota"

Extraits traduits en Français

(Novembre 2008 - durée 11 minutes)
  
cliquez ci dessous :

        Intervenante :
 Aïda Quilcue (Cric-Colombia)

Plus d'infos :

- Cric - Colombie  (en castillan):  
http://www.cric-colombia.org/
- Coordination Populaire Colombienne à Paris :  
http://coordinadora.popular.googlepages.com/home

Colombie:
 

La révolte
depuis tout en bas


 Propos recueillis par Benito Perez,
le 15 Novembre 2008

Solidarité avec le MOUVEMENT SOCIAL : Indigènes et ouvriers agricoles, deux communautés parmi les plus marginalisées, sonnent le réveil de l'autre Colombie, malgré la répression et la stigmatisation.

Retour à la réalité?

La Colombie est actuellement secouée par deux mouvements sociaux aussi prolongés qu'inattendus. A quelques semaines d'intervalle, les ouvriers agricoles et les peuples indigènes – deux communautés parmi les plus marginalisées – ont entamé un bras de fer avec les autorités et le patronat, rappelant au pays la réalité d'une Colombie rurale et démunie, volontiers occultée par les discours du président Alvaro Uribe sur la croissance et l'insertion dans la globalisation. Premiers à entrer en action, 12.000 coupeurs de canne à sucre de la vallée du río Cauca (sud-ouest) ont cessé le travail, le 15 septembre dernier, pour protester contre la précarité de leur emploi, les horaires démentiels et les bas salaires. La combativité de ces sans terre souvent issus des communautés afro-colombiennes a surpris la puissante association patronale Asocaña qui, en juillet, refusait d'entrer en matière sur les revendications syndicales. En particulier sur l'abandon des pseudo-coopératives auxquelles les travailleurs sont forcés de s'affilier pour rendre inopérante la loi sur le travail salarié.

Déterminé, le mouvement des corteros – vite rebaptisé «la révolte des plus pauvres»– est parvenu à paralyser huit méga-exploitations de sucre et d'éthanol. Un tremblement de terre dans ce département du Valle del Cauca, dont plus de la moitié de la surface agraire est couverte de canne à sucre. La secousse s'est ensuite propagée à l'entier du pays, médusé de voir les prix du sucre et de l'essence prendre l'ascenseur.

Lutte commune

Soumis aux pressions syndicales et politiques, sept des huit exploitants ont d'ores et déjà signé des accords plus ou moins conformes aux revendications des coupeurs de canne (lire ci-dessous). Quant à María Luisa, la dernière exploitation sucrière en lutte (1), elle vient de recevoir une visite hautement symbolique, avec le passage de la Minga (2) de résistance indigène.

Initiée le 12 octobre dernier, au 516e anniversaire de la Conquista, ce mouvement s'appuie en effet sur deux piliers qui le rapprochent des corteros: l'exigence du respect de la loi – droit à la terre et à l'autodétermination – et l'arrêt des exactions militaires et paramilitaires.

Car si les syndicats déplorent intimidations et assassinats – déjà une quarantaine cette année– les organisations indigènes annoncent plus de 1200 morts en six ans et le déplacement forcé de 55.000 indigènes.

Autre similitude: les deux mouvements sont présentés par Bogota comme manipulés par les Forces armées révolutionnaires (FARC). L'accusation a notamment servi à justifier la répression à balles réelles de plusieurs manifestations indigènes à la mi-octobre, notamment dans la vallée du Cauca, où trois personnes ont perdu la vie.

Loin d'éteindre la révolte, la répression paraît l'avoir attisée. En marche vers Cali, troisième ville du pays, du 21 au 25 octobre, les activistes du Conseil régional indigène du Cauca (CRIC) ont ainsi rassemblé pas moins de 30.000 personnes. Un élan rare à mettre en rapport avec les 1,3 million d'indigènes disséminés sur l'ensemble du territoire de la Colombie (3% de la population).


Contagion contestataire

Pis, pour le gouvernement, à mesure qu'elle prend de l'ampleur, la Minga agglutine d'autres mécontentements sociaux (fonctionnaires, étudiants, etc.), qui plus est autour de revendications très politiques, telles que le rejet du Traité de libre-échange avec les Etats-Unis ou la réforme des lois encadrant l'exploitation des ressources naturelles.

Craignant cet élargissement, Alvaro Uribe a tenté, fin octobre, d'initier des négociations. Mais le président s'est heurté à l'exigence de mesures immédiates et non plus de promesses mille fois oubliées.

Le vent en poupe, la Minga a quitté Cali et se dirige désormais vers la capitale Bogota. «Pour préparer l'insurrection populaire», assurent les plus radicaux. «Pour poursuivre la négociation avec le gouvernement», modère José Domingo Caldon, porte-parole de la marche. Le Courrier l'a joint mercredi peu avant l'arrivée du cortège de 7000 indigènes à Ibagué, capitale du Tolima, à 200 kilomètres de Bogota.

Quel est le but de cette marche sur la capitale?

Il y en a plusieurs. En premier lieu, nous voulons sensibiliser la population. Les médias étant contrôlés par le gouvernement, il nous faut trouver d'autres façons de communiquer. C'est pourquoi, avant d'entrer dans Bogota autour du 20 novembre, nous allons parcourir les municipalités environnantes. Nous espérons être environ 30.000 au moment d'entrer dans la ville. En second lieu, nous allons à Bogota pour continuer le débat avec le gouvernement autour des trois thèmes centraux de notre mobilisation: l'arrêt des violences, l'accès aux services publics et le droit à la terre.

Comment expliquer l'ampleur de la mobilisation, notamment au sud?

Il y a un vif mécontentement de communautés du Cauca, auxquelles le gouvernement avait promis l'attribution de 15.000 hectares en compensation d'un massacre réalisé avec la complicité de l'Etat en 1991 (lire ci-contre). Or, dix-sept ans plus tard, moins de la moitié de la surface a été attribuée. D'autres promesses formulées depuis, en matière de terres, de production agricole ou d'accès aux services de base (santé, éducation, etc.), sont aussi restées lettre morte. Nous sommes en outre confrontés à un regain de violence. Il y a eu des assassinats, des déplacements forcés et des señalamientos (3). Le ras-le-bol est manifeste au-delà du Cauca. La grande majorité des organisations sociales se taisent, car elles ont peur. Nous, nous avons décidé d'affronter cette réalité. C'est pourquoi des ouvriers, des paysans et des étudiants se sentent concernés et nous rejoignent.

Comment réagit la populationtraversée par la Minga indigène?

Ils applaudissent, nous rendent des hommages, nous remercient. Ils disent: «Vous nous redonnez le moral, vous seuls dites ce que ressent le peuple.

Comment s'organise la caravane? Qui vous héberge? Comment vous nourrissez-vous?

Chaque communauté vient avec ses réserves de nourriture et d'argent. Nous installons des cuisines collectives et des villages de tentes.

En matière de droits humains, quelles sont vos exigences?

L'arrêt de la politique de «sécurité démocratique», dont le principe est de stigmatiser ceux qui s'organisent et revendiquent. Des récompenses sont données à ceux qui les dénoncent en tant que guérilleros. Les militaires harcèlent les communautés, occupent maisons et écoles, poussent à l'exil. Cette année, 117 camarades indigènes ont été tués. Beaucoup sont morts parcequ'ils tentaient de récupérer leur terre. A chaque occupation, il y a des affrontements avec l'armée.

Quelle est la situation de la terre pour les indigènes du Cauca?

Difficile: beaucoup de familles ne possèdent rien, et ceux qui ont un lopin, c'est au maximum 2-3 hectares pour nourrir cinq ou six personnes... La situation demeurera critique tant que l'Etat se refusera à acheter les terres qu'il nous a promis. Il faut aussi qu'il modifie les lois sur les mines, sur l'eau et l'exploitation pétrolière, qui permettent à des entreprises de s'emparer d'immenses territoires sans nous consulter, en contradiction avec la Constitution. Mais malgré la gravité de la situation, la pauvreté, la violence, les promesses non tenues, notre protestation est pacifique. Nous ne sommes pas des terroristes.

Notes :

1 - Le fonds de grève étant épuisé, des appels à la solidarité ont été lancés par les syndicats. A Genève, des dons sont récoltés par l'association Protierradentro (CCP 17-560000-0 mention grève de la canne).
2 - Terme quechua désignant un travail d'intérêt collectif, communautaire, dans ce cas précis à caractère revendicatif.
3 - «Signalement»: accusation publique de lien avec la guérilla, qui mène généralement à une arrestation ou à l'inscription sur la liste noire des paramilitaires.


La grève terminée,
les coupeurs craignent des représailles

   

Connu pour ses démêlés avec Nestlé et Coca-Cola, Sinaltrainal, le syndicat colombien de l'agroalimentaire, est également à la pointe du combat des ouvriers de la canne à sucre. Edgar Páez, membre de la direction nationale, décrit cette grève inédite dans un secteur habituellement soumis par la peur du chômage et la violence.

Qu'est-ce qui a motivé une si longue lutte?

Les 19.000 coupeurs de canne du sud-ouest vivent et travaillent dans une précarité absolue. Ils ne bénéficient d'aucune protection légale, car, formellement, ils ne sont pas salariés par les exploitations, mais affiliés à des coopératives de travail associé (CTA) auxquelle les sucriers sous-traitent le travail agricole. Les entreprises n'assument par conséquent pas leur part de sécurité sociale et ne délivrent aucune prestation sociale, tandis que l'ouvrier, lui, peut être contraint à des journées de 14 heures! Le 14 juillet, Sinaltrainal, Sinalcorteros et la Centrale unitaire des travailleurs du Valle del Cauca ont présenté un cahier de revendications, dont les principales concernaient l'arrêt de la sous-traitance, les salaires et un frein à la mécanisation. Le refus du patronat d'ouvrir une négociation a conduit à l'arrêt du travail du 15 septembre dans huit des treize entreprises du secteur.

Quelles sont les conditions de vie?

Précaires aussi. L'absence de droits sociaux oblige les familles à vivre avec un salaire mensuel moyen de 230 dollars.

L'ampleur de la mobilisation a surpris.Les syndicats sont-ils très présents?

Quand les ouvriers ont voté la grève, seule une petite proportion était affiliée. Organiser les corteros est difficile, en particulier à cause de la présence de syndicats jaunes (créés par les patrons, ndlr). Dans les années 1990, six travailleurs qui tentaient de s'organiser ont été assassinés.

Comment ont réagi patrons et autorités?

Uribe a lui-même admis que les conditions de travail des corteros étaient mauvaises.

Les employeurs et le gouvernement national, Uribe en tête, ont réagi avec brutalité. Le 15 septembre, la force publique a agressé les ouvriers, faisant 43 blessés. Le 25, une seconde intervention a fait quatre blessés. A cela, il faut ajouter l'arrestation d'une vingtaine de camarades et six inculpations. Une Allemande et deux Français ont été expulsés pour le seul fait d'être sur les lieux (1). Les señalamientos (lire ci-dessus) et les menaces n'ont pas cessé... Uribe a parlé de mauvaises conditions et même de capitalisme sauvage, mais n'a rien fait pour résoudre le conflit. De façon irresponsable, il a affirmé que le conflit était infiltré par la guérilla et a invoqué l'ordre public pour militariser la zone. Ces accusations ont mis les travailleurs en danger.

Désormais que la grève a pratiquement cessé, nous craignons une contre-attaque de l'oligarchie sucrière et du gouvernement. Des rumeurs font part de nouvelles inculpations et de représailles contre les organisations syndicales. La solidarité internationale doit rester attentive à ce qui va se passer ici.

Les médias et les autres organisations sociales vous ont-ils soutenu?

La grande majorité des articles de presse ont été défavorables. Ils mentionnaient des blocages illégaux et des infiltrations par la guérilla. Ils accusaient aussi les travailleurs de causer de graves dommages à l'économie nationale... Heureusement, des médias alternatifs n'ont pas participé à cette désinformation. En partie, nous leur devons l'immense solidarité du mouvement social, sans laquelle nous n'aurions pas pu mener et financer cette lutte.

Presque toutes les entreprises ont signé des accords. Etes-vous satisfaits?

On est parvenu à améliorer des conditions de travail et salariales, mais la sous-traitance est maintenue. Le principal succès est politique: le conflit a renforcé l'unité et l'esprit combatif des corteros, ainsi que d'autres secteurs en lutte contre les politiques néolibérales.

Note :

1 - L'Allemande a été expulsée pour avoir participé à une manifestation. Elle est interdite de séjour durant sept ans. Trois reporters alternatifs français ont aussi été arrêtés après avoir visité une exploitation en grève. Deux ont été expulsés, le troisième au bénéfice d'un visa de coopérant a pu rester. M. Uribe les a accusé de faire «l'apologie de délits» en Colombie et de «déformer la vérité» avec leurs articles à l'étranger.

Source : Le Courrier
http://www.lecourrier.ch/

 La Colombie
face à la crise financière internationale,
aux mouvements sociaux
et au conflit armé interne


    Par Wooldy Edson Louidor
et Angélica Rocío López Granadale,
le 10 novembre 2008
    
    À l´instar des autres pays latino-américains, la crise financière internationale a eu un impact considérable sur l´économie colombienne. Cet impact s´est vu aggraver, sur le plan national, par des protestations en série de syndicats et mouvements sociaux exigeant de meilleures conditions de vie et de travail face aux conséquences de la crise financière telles que l´augmentation du coût de la vie dans le pays et la diminution du pouvoir d´achat des familles, constatent des reporters d’AlterPresse.

    En même temps, au niveau international, des gouvernements et organismes de droits humains n´ont cessé d´accuser l´actuelle administration du président colombien Ávaro Uribe Vélez de commettre des abus et de cautionner des violations de droits humains contre sa population civile, dont les membres se convertissent de plus en plus victimes de la violence et sont forcés d´abandonner leurs maisons et même leur pays, dans le contexte de conflit interne armé entre l´État, la guérilla (principalement les Forces armées révolutionnaires de la Colombie, les Farc) et les paramilitaires.

    Impact de la crise financière internationale sur l´économie nationale

    La diminution des flux de capitaux vers le pays, la raréfaction du crédit international, la chute des prix des matières premières exportées (pétrole, nickel, charbon, café…), l´augmentation du déficit commercial, la non disponibilité de capitaux nécessaires pour financer ce déficit et la dévaluation de la monnaie locale (peso colombien) par rapport au dollar américain, constituent les principales conséquences de cette crise sur l´économie colombienne.

    Comme corollaires, le taux de chômage a augmenté de 11% dans le pays, alors que le pouvoir d´achat des familles a diminué et la croissance économique a décéléré.

    Face à cette situation, le gouvernement colombien a pris des mesures pour « protéger les finances publiques », notamment par l´imposition de restrictions à l´octroi de crédits bancaires et le maintien de la stabilité des indicateurs macroéconomiques.

    À souligner que les transferts d´argent provenant de la diaspora n´ont pas été affectés par la crise, mais ils ont plutôt augmenté par rapport à l´année dernière. Des analystes se demandent si cette augmentation n´est pas due au blanchiment d´argent, quand les transferts envoyés par les migrants ont accusé une baisse considérable dans presque tous les pays latino-américains.

    Sur le plan social, une explosion de manifestations

    Pendant que le gouvernement s´attèle à « maquiller » les effets de la crise, des manifestations en série organisées sur tout le territoire colombien ont éclaté tout au cours du mois d´octobre dernier.

    Les syndicats des opérateurs de justice, des leaders des officiers d´État civil, des coupeurs de canne et autres ouvriers de l´industrie sucrière ont gagné les rues pour exiger l´augmentation salariale, des bonifications et autres avantages sociaux face à la hausse vertigineuse du coût de la vie (de l´ordre de 7.5% chaque année).

    Par ailleurs, plus de 30 000 indigènes provenant du département de Cauca (au sud de la Colombie) ont réalisé, pendant le même mois, une grande marche pacifique réclamant des terres que les différents gouvernements leur ont promises depuis plusieurs décennies.

    Ces manifestations ont reçu l´appui et la solidarité de plusieurs mouvements sociaux et des secteurs politiques à l´intérieur et à l´extérieur du pays.

    Dans cette ébullition sociale, le président Álvaro Uribe Vélez a vu « un intérêt de déstabiliser le gouvernement ». Certains analystes ont dénoncé cette tentative du gouvernement de « disqualifier ces mouvements sociaux » qui ont résisté jusqu´ici à la répression des forces publiques.

    Au niveau international, des critiques au gouvernement pour abus contre les droits humains

    Au niveau international, l´actuel gouvernement colombien est de plus en plus critiqué par d´autres pays et par des organismes de droits humains pour avoir perpétré des abus ou cautionné des violations de droits humains contre la population civile.

    L´organisation Amnistie Internationale vient de publier un rapport spécial sur la situation des droits humains dans le pays en 2007.

    Ce rapport intitulé « ´Déjenos en paz´. La población civil, víctima del conflicto armado interno de Colombia » (en français, « ´Laissez-nous en paix´. La population civile, victime du conflit armé interne en Colombie ») a fait état de 1 400 homicides perpétrés contre des civils en 2007, dont 330 par les Forces armées, 300 par les paramilitaires et 260 par la guérilla. Le même rapport a indiqué qu´environ 305 000 personnes ont été « déplacées » par la violence et 190 sont portées disparues.

    330 exécutions extrajudiciaires ont été réalisées par les forces de sécurité, suivant le rapport. Le président colombien, qui dans un premier moment a démenti ce chiffre avancé par Amnistie internationale, vient de destituer 3 généraux et 24 officiers et sous-officiers pour leur participation présumée à des exécutions extrajudiciaires appelées « les faux positifs » (en espagnol, los falsos positivos).

    Le scandale des « faux positifs » se réfère à la macabre complicité entre des militaires et des paramilitaires qui recrutent clandestinement des civils (principalement des jeunes) ou les enlèvent de force pour les assassiner dans des patrouilles nocturnes irrégulières et ensuite présenter leurs cadavres comme étant ceux de guérilleros tués au combat.

    Cette stratégie constitue une manipulation visant à prouver l´efficacité des forces de l´ordre dont les membres ayant tué des guérilleros sont grandement rémunérés par le gouvernement.

    Cette situation de violation de droits humains et de violence contre les syndicats et autres mouvements sociaux constitue l´une des principales raisons évoquées par les démocrates américains, dont le président des États-Unis d´Amérique récemment élu, Barack Obama, pour s´opposer à la ratification du Traité de Libre Échange (en espagnol, Tratado de Libre Comercio, TLC) signé entre les deux gouvernements depuis 2006.

    L´accession au pouvoir du démocrate Barack Obama, qui a promis dans sa campagne de mettre les droits humains au centre de son administration, risque de faire basculer les rapports entre les deux pays.

    Cependant, il faudra attendre l´investiture du nouveau président, prévue pour le 20 janvier 2009, et surtout le 5e Sommet des Amériques qui se tiendra à Trinidad et Tobago, du 17 au 19 avril 2009, avec la participation des 34 chefs d´État et de gouvernement du continent.

    L’avenir du Plan Colombie dans l´impasse

    Troisième plus grand bénéficiaire de l´aide américaine dans le monde après l´Israël et l´Égypte, la Colombie pourrait voir diminuer cette assistance, dont environ 5 milliards de dollars sont consacrés à la dotation de ressources militaires, à la lutte anti-narcotique et au renforcement des institutions démocratiques.

    Vu la crise financière ayant occasionné une dette nationale de 500 milliards de dollars et un déficit fiscal de 950 milliards de dollars aux États-Unis d´Amérique et poussé l´administration Bush à renflouer les banques commerciales à hauteur de 700 milliards, le prochain gouvernement américain se verra aussi obligé de réduire son support financier au « Plan Colombie ».

    Conçu en 1999 par les présidents, colombien Andrés Pastrana et américain Bill Clinton, le Plan Colombie est un projet binational visant principalement à diminuer le trafic de stupéfiants et résoudre le conflit armé dans ce pays sud-américain.

    Initié avec un financement américain de 1.3 milliards de dollars et avec d´autres appuis apportés par le président Clinton en ressources humaines (personnel militaire pour entrainer les forces locales et spécialistes civils pour appuyer l´élimination des plantations de coca), ce plan a reçu une assistance de plus en plus massive de la part de l´administration Bush.

    Faisant de la Colombie son principal allié dans la région, de plus en plus dominée par des gouvernements socialistes (principalement, le Venezuela, la Bolivie, l´Équateur, le Nicaragua, Cuba), l´administration Bush a apporté une importante aide à ce pays dans le contexte du Plan Colombie.

    Considéré par quelques analyses comme un « plan militariste », le Plan Colombie a permis au gouvernement de Uribe de mener une guerre sans merci contre les Farc qualifiées de « guérilla terroriste et narco » et contre la drogue ; guerre où des méthodes telles que des fumigations avec des produits chimiques très toxiques sont utilisées, entraînant ainsi des conséquences désastreuses pour la survie des communautés paysannes et indigènes.

    Dans la foulée de ce même plan, des centaines de milliers de personnes, victimes de la répression des autorités, des paramilitaires et de la guérilla, ont été forcées de laisser leurs maisons et leurs communautés pour se rendre dans d´autres villes et même hors du pays, principalement vers l´Équateur et le Venezuela. D´autres, moins chanceux, ont été vilement exécutés ou sont portés disparus.

    En dépit du succès de quelques opérations militaires menées par l´actuel gouvernement contre les Farc, parents et amis d´autres otages entre les mains de cette guérilla ainsi qu´un important pan de la société colombienne et de la communauté internationale exigent de plus en plus la fin du conflit interne armé et la reprise du dialogue comme seule voie de solution pour un échange humanitaire.

    À rappeler que l´une de ces opérations appelée « Opération Jaque » a permis la libération de l´otage franco-colombien Ingrid Bétancourt, de 3 militaires américains et de 11 militaires et policiers colombiens.

    Vers la reprise du dialogue entre les Farc et le gouvernement colombien ?

    À présent les Farc sont très affaiblies, suite à l´ « Opération Jaque », à l´assassinat d´un de leurs chefs, Raúl Reyes à la frontière avec l´Équateur, à la fuite du guérillero « Isaza » en compagnie de l´ex parlementaire séquestré Óscar Tulio Lizcano et à la désertion de plusieurs de ses intégrants.

    Elles viennent d´accepter la proposition d´un groupe d´intellectuels colombiens pour reprendre le dialogue, initié par le président vénézuélien Hugo Chávez et la sénatrice colombienne Piedad Córdoba et brusquement interrompu par l´actuel gouvernement.

    La balle est actuellement dans le camp du président Uribe, élu en 2002 et réélu en 2006, qui se présentera probablement aux prochaines élections de 2010, s´il sort gagnant du référendum visant à modifier la Constitution. Le Congrès colombien est en train de discuter de l´autorisation de ce référendum.

Notes sur la Colombie :

    5e puissance économique de la région derrière le Brésil, le Mexique, l´Argentine et le Venezuela, la Colombie compte une population d´environ 44 millions d´habitants.

    Partageant des frontières avec l´Équateur, le Panama, le Brésil, le Venezuela et le Pérou, la Colombie s´étend sur une superficie de 1 141 748 kilomètres carrés.

Source : Réseau alternatif haitien d'information
http://www.alterpresse.org


(Vidéo) Colombie, mobilisation des peuples originaires

Extraits traduits en Français
de "La Minga dans le Cauca" de Contravia TV

(Octobre 2008 - durée 9 minutes)
  
cliquez ci dessous :

Intervenants :

Manuel Rosental (ACIN-Colombia)  et Aïda Quilcue (Cric-Colombia)


Plus d'infos :

        Cric - Colombie :   http://www.cric-colombia.org/



La Colombie est-elle
une démocratie ?


Par Lionel Mesnard,
 le 24 octobre 2008

C’est quoi une démocratie, comment peut-on définir ce terme ? Si l’on s’en tient à une définition commune, il en va de l’organisation du pouvoir par et pour le peuple. La question sur le fond est de savoir ce qu’est une société démocratique ? En ce domaine, les approches peuvent être différentes, et s’associer à divers modes de fonctionnements, qui vont au plus court de la démocratie libérale à directe. La grande majorité des états considérés comme démocratiques s’appuient sur des fondements, en premier l’observation des règles de justice en ce que l’on dénomme un « État de Droit ». Si les principes des Droits de l’Homme ne sont pas réels, il y a là la nature à s’interroger sur un état prétendument démocratique. La Colombie soulève à ce sujet de sérieux problèmes, et il semble difficile de projeter hors du pays une situation qui dépasse de loin les normes admises. Il y a un barrage pour faire passer ce qui s’apparente à des vérités macabres par monceaux (4.000 charniers mis à jour ces dernières années). Il reste à mener l’examen attentif d’une nation qui outrepasse pour beaucoup les règles les plus communes et démocratiques. Un réveil des opinions publiques en la matière est plus que souhaitable. Il serait temps que les médias parlent des crimes d’un état s’apparentant plus à un régime extrême droitier et maffieux. Premier constat de taille, les pouvoirs étatiques usent de l’exercice d’une terreur permanente, on peut même observer un phénomène de caste, du moins un type d’organisation culturel purement raciste.

Au-delà du cas des seuls otages, si l’on ne prend pas en compte l’ensemble des crimes commis, comment faire connaître ces anonymes et invisibles colombiens, et quand parlera t’on du sort des victimes présentes et passées ? Sans cela jamais les dizaines de milliers de disparus, les millions de déplacés, les dizaines de milliers d’exilés ne pourront faire entendre une voix quelque peu discordante. Le but affiché étant d’établir des vérités simples et terrifiantes, et pouvoir faire entendre ce en quoi consiste «nettoyer» un pays et spolié la grande majorité de sa population. Pour tréfonds pourrons-nous un jour comprendre pourquoi, ici en France, il est fait peu part des massacres et atteintes régulières aux usuels de la liberté en Colombie. En juillet 2008, une cacophonie médiatique à donner lieu au pire de l’insipide, ce fut un vrai malaise. Quand vous avez connaissance du rôle et parcours personnel du président Alvaro Uribe, et ce qu’il a mis en pratique depuis son accès au pouvoir en 2002, on ne peut envisager pire stratégie et son lot de terreur pour ses administrés. Cet homme a de quoi répondre devant quelques juridictions internationales et internes. Il est probablement un des hommes les plus impliqués dans l’exercice de ce que l’on mentionne sous le nom de «parapolitique» (un mélange d’affairismes, de trafics et d’activités criminelles et sous la coupe de nombreux proches du président en exercice). Il est possible qu’Uribe ne soit qu’un rouage d’un vaste système, mais il est l’acteur zélé d’une politique ultraconservatrice et guerrière. Il est d’évidence le chef d’orchestre d’un conflit meurtrier, ou les origines mafieuses et l’appui de groupements armés authentiquement fascistes se confondent.

La loi de « Paix et Justice » devait mettre un terme au paramilitarisme, notamment celui des Armées Combattantes de Colombie (AUC). Son application semble connaître des manquements volontaires, quand il ne s’agit pas d’un maquillage de façade. Les milices d’hier ont depuis repris forme sous la dénomination d’Aigles Noirs. La fameuse démobilisation a aussi permis la fuite récente pour une prétendue extradition vers les Etats-Unis d’anciens chefs paramilitaires des AUC. Ils se trouvaient incriminés pour crimes de guerre et contre l’humanité (dont plusieurs milliers d’assassinats à leur actif).  Un beau tour de passe-passe, où Alvaro Uribe est un maître en la matière, le maniement du mensonge est chez lui un art de haut vol. L’important, c’est qu’il soit fait peu mention de la Colombie, que les médias internationaux évitent d’y mettre leur nez et ne cherchent pas à établir les responsabilités d’un homme loin de tout soupçon. En quoi les mécanismes d’un système pervers enferment cette nation dans un silence pesant ? Je ne suis pas le premier à faire le constat, mais un peu au fait de comment continue à agir en toute impunité une armée régulière appuyer par des nettoyeurs. Il n’y a pas d’autres termes pour incriminer des bandes armées semant la mort sur leur passage. Le dispositif militaire, policier, et milicien engendre des  discriminations et des atteintes racistes, les conséquences les plus connues sont les menaces et l’élimination quasi systèmatique des acteurs sociaux du progrès. La menace se traduisant par l’obligation de fuir pour vivre. Pour exemple, l’on dénombre 70 à 100.000 réfugiés politiques colombiens à travers le monde, 4 millions de déplacés et 4 millions de nationaux hors du pays. Ces seuls chiffres traduisent un déséquilibre et des manquements graves à la dignité humaine.


Un eldorado économique...

La Colombie ne manque pas de ressources et elle est considérée comme un eldorado économique. Pour cause, ses ressources vivrières et minières sont considérables. Ce pays subit de plein fouet la globalisation sans chercher une expansion maîtrisée de ses sous-sols et un meilleur partage des richesses. Quand deux pour cent de la population est propriétaire de la moitié du pays agricole ou forestier, les producteurs de blé de la Beauce pourraient passer pour des petits bras ou un syndicat français groupusculaire de la terre. Nous ne rêvons pas sur l’objet de démesure. Comble du cynisme, le gouvernement Uribe a mis en place une loi sur les terres. Il est ainsi possible de mettre en œuvre la vente à la découpe de terres jusqu’à là protéger. On ne s’attache pas à la diversité biologique, on vise à appauvrir et mettre en péril les économies locales et favoriser des profits à court terme. Les résultats se  traduisent par l’expulsion des petites et moyennes exploitations agricoles. De préférence, de modestes fermes familiales ayant l’insidieuse idée de vivre depuis des générations près de réserves de pétrole, d’espaces miniers, ou disposant de terres ouvrant à des plantations massives d’huile de palme et autres produits d’exportation. Le tout pour les meilleurs profits d’entreprises agroindustriels étrangères. Plus qu’étonnant ce paradis économique, où la guerre et les mafias sévissent depuis des décennies, quand soixante pour cent de la population survit économiquement et connaît depuis des générations une misère économique injustifiée. Un tel déséquilibre entre riches et pauvres est le fruit d’une histoire sociale conflictuelle, le produit de 200 ans d’une histoire sociale et nationale peu glorieuse, qui au final a abouti au pire de l’entendement. Que peut vouloir dire perdre sa terre et être dans l’obligation de grossir les quartiers défavorisés des grandes cités urbaines ? Qui sont vraiment les terroristes, à qui fait-on la guerre en réalité ?

Depuis le début des années 2000, il existe des sources permettant de mesurer les atteintes aux Droits de l’Homme en Colombie, et l’on y apprend que la grande majorité des crimes commis sont imputés aux milices d’extrême droite et à l’armée régulière (environ 75%). Un beau paradoxe quand on nous explique à tour de bras que les seuls criminels et parrain de la drogue sont du seul côté des FARC, la réalité est tout autre. Les relations entre les milices et certaines firmes transnationales ont donné lieu à des jugements aux Usa concernant des entreprises liées au paramilitarisme. Les paramilitaires sont aussi considérés comme terroristes (comme les FARC ou l’ELN), ces milices fascistes interviennent par des actions criminelles à l’encontre des populations civiles. Il y a en ce domaine à mettre en lumière à qui profite d’investir en Colombie ? Il est très facile d’acheter des terres depuis quelques années en Amérique Latine, le cas n’est pas isolé à une nation, cela résulte d’une domination économique et sociale particulière. Ainsi actuellement, l’on constate dans le département de l’Arauca depuis 2000, qu’une partie de la population civile est indûment désignée comme terroriste et se trouve très exposée si elle oppose des résistances notamment de nature juridique ou simplement citoyennes (droit de manifestation, de pétition, …). Le travail de nettoyage y est en œuvre. Les attaques arme en main contre des hommes ou des femmes dont le crime est de penser application des droits sont réguliers, ou simplement pouvoir vivre chez soi en paix et au sein de sa collectivité. Sur les deux dernières décennies, le nombre des victimes (disparues et assassinées) et des déplacés ne cessent de croître. La répression pousse à sacrifier des villageois rétifs et souvent pacifiques. À rayer de la carte des hameaux entiers, si la population locale n’obéit pas aux injonctions des paramilitaires ou de l’armée nationale. Le plus courant consiste à pousser les populations paysannes vers les métropoles régionales.  Pour prendre une exemple récent, le département de l’Arauca limitrophe du Venezuela est frappé par ce malheur que sont les énergies fossiles. En plus il dispose de terres fertiles. L’Arauca  est un espace vivrier important, qui jusqu’à peu servait de terres nourricières à de nombreux colombiens. Non seulement on importe un modèle économique impropre et en plus on remet en cause les bases d’une économie locale et notamment ses modes agricoles. Et pour cerise sur le gâteau, on y implante des structures militaires étasuniennes, et hasard géographique, nous sommes non loin du Venezuela pour ligne de mire.

L’État pieuvre et ses tentacules

Il est difficile de donner un simple contour d’une nation, ou se conjugue l’autoritarisme, le banditisme et dont on ne peut oublier la participation et l’appui des USA dans la lutte contre le «terrorisme» depuis au moins le 11 septembre 2001.  Et au gré d’une histoire de relations de domination de maître à vassal entre les deux nations, l’exemple majeur restera la partition en 1903 du Panama.  Une opération menée de toutes pièces par Washington ayant entraînée une intervention militaire étasunienne, dont la raison économique et stratégique fut le fameux canal initié à ses débuts par Ferdinand de Lesseps entre la rive atlantique et pacifique. Ce que l’on dénomme sous le terme d’oligarchie indique une particularité non insignifiante. Il s’agit d’une minorité infime de la population ayant la main basse sur les richesses du pays. L’oligarchie colombienne est connue pour son grand conservatisme et une perception effrayante de l’ordre du monde. Tout au long de son histoire contemporaine, elle n’a pas hésité à s’emparer des richesses, à éliminer si nécessaire toute forme d’opposition, voire à ensanglanter le pays depuis au moins 2 générations pour sa propre perpétuation à la tête du pays. Car l’enjeu n’est pas démocratique, comme au sein d’un pacte commun républicain, ou l’usuel (des droits de l’Homme) fonctionne comme une colonne vertébrale et en faveur d’une justice égale pour tous. Que dire, que penser de l’équité, de la redistribution des richesses, de l’expression des contradictions sociales comme lieu présumé de l’équilibre, si rien ne concorde vers un enjeu commun, mais préserve dans l’action une main indirecte qui donne force de loi. Le seul moteur est d’assouvir une domination sans égale par l’économique et le politique. Aujourd’hui le pays se vend à la découpe, pour info, il faut compter 60 dollars pour un hectare, de quoi allécher tout investisseur  (le Nouvel Observateur - été 2007).

Le cynisme est à un niveau où l’organisation de la société fonctionne comme un circuit fermé. Les victimes colombiennes qui peuvent témoigner d’un quotidien âpre, ou la terreur est au centre des préoccupations, ne peuvent le faire à visage ouvert parce qu’ils mettraient leur vie en péril. Certains sont amenés à se cacher, et même en terre étrangère pour échapper à la pieuvre. L’action de cette main indirecte va jusqu’à employer des sicaires, plus communément pour nous en Europe des tueurs à gage. Car la grande et la petite criminalité fonctionnent de concert en ville comme dans les campagnes. Un entrepreneurs qui ne veux plus de tel ou tel militant syndical ou associatif, peut s’offrir un sicaire pour des sommes relativement dérisoires. C’est un autre pan du nettoyage sévissant en Colombie, et il  vise pour beaucoup des personnes civiles et en particulier des représentants sociaux. Où comment se payer pour quelques centaines d’euros un "psychopathe" prêt à tuer sur ordonnance. Une véritable toile d’araignée, dont il est difficile de distinguer le politique du militaire, et le policier du maffieux.  Et un président dont beaucoup présume un devenir «à la Fujimori» (ancien président destitué du Pérou), mais qui pourrait aussi par certains traits rappeler l’ex narco-président du Panama, Noriega.

Il semblerait que bon nombre se lave les mains, ou ne veuille pas voir ou entendre, pire comprendre le niveau d’abjection de cette présumée démocratie. Ce visage ne laisse pas rêveur et fait appel à notre entendement, à ce qui devrait provoquer un peu plus d’indignation, de questionnement sur un état s’appuyant sur des armées mercenaires. Notre attention a été polarisé sur le rôle de FARC, quand les armées rebelles ne furent, et demeurent le résultat d’une lutte des classes sans merci, ou l’exercice de la force prévaut toujours depuis 60 ans sur le dialogue et les compromis au sein d’un même état entre opposition et majorité. Toute démocratie doit normalement assurer la diversité et le respect des expressions toutes confondues de gauche comme de droite. Des responsables politiques de gauche, hommes et femmes de progrès, syndicalistes, juristes, journalistes, prêtres, ouvriers et paysans, payent depuis maintenant 60 ans un tribut humain sans commune mesure, qui relève d’une criminalité  délibérée contre la vie humaine en ce qu’elle peut avoir comme force d’expression malgré les enjeux encourus. De nombreux leaders d’opinions sont obligés de se déplacer sous escorte. Ils sont amenés à prendre un maximum de précaution. L’on retrouve tous les travers mafieux consistant à présurer les individus dans leur vie de tous les jours, c’est-à-dire se soumettre au clanique de la chose. S’établit ainsi une contrainte, un code non-écrit, mais présent dans les consciences et le devenir de chacun. Un usage du pouvoir politique selon des pratiques propres à tous les fascismes. L’objet est d’instituer la terreur comme équilibre social pour les besoins d’une infime minorité, et aussi vanter les mérites du chef. Cet homme à poigne, Alvaro Uribe qui sert à la fois de tête et tentacule et dispose d’une perception peu ordinaire de la paix civile et de la protection de ses citoyens. 

France terre d’écueil

Pour de nombreuses raisons Paris est depuis plusieurs décennies une voie d’exil pour de nombreux latino-américains, et en particulier pour fuir des régimes dictatoriaux ou des zones de non-droit. La présence d’un nombre important de ressortissants colombiens illustre la dernière génération, les plus récents à avoir choisi la France loin de ce qui fut le vocable de terre d’accueil, se présente par bien des aspects en réalité comme une terre d’écueil. Il y a maintenant près de 30 ans et plus, Chiliens et Argentins avaient connu un exil forcé et avait pu s’établir à l’époque sans grandes difficultés. Il n’y avait pas alors de doute sur la brutalité des régimes extrêmes droitiers de Pinochet et Videla, mais nous étions dans les années 1970. Le statut de réfugié s’obtenait assez facilement. Il fut ainsi possible à de nombreuses familles d’échapper aux menaces pesant sur elles. Aujourd’hui nous sommes face à de nouveaux cas de figure. D’un point de vue légal, est-il encore possible de faire reconnaître un statut de réfugié politique en toute circonstance ? En raison des lois qui ont connu des modifications substantielles depuis 30 ans, n’a-t-on pas créé des obstacles empêchant des personnes victimes de trouver une protection au regard des textes internationaux ? La chasse aux migrants se trouve ainsi renforcée par les récentes directives européennes. Ce recul du droit en matière de circulation des femmes et des hommes permet en Europe de créer des conditions insoutenables, tout cela participe d’un repli manifeste sur des politiques grégaires et fort peu libérales au bon sens terme (libertés publiques).

Il en va de s’inquiéter des relations que nous entretenons avec depuis longtemps avec les nations latino-américaines. Les réactions de nombreuses diplomaties outre-atlantique ont été sans appel. Des terres qui depuis plus de 500 ans ont été des sols de migrations massives pour les Européens vont voir l’accès de leurs compatriotes devenir quasi impossible entre Séville et Stockholm. C’est une ironie de l’histoire que le président Evo Morales a rappelée dans une lettre à l’Union, la ramenant a peu de sens commun (lire le texte). Le président bolivien a marqué un désaccord fort avec une position fleurant bon l’impérialisme. Il a aussi exprimé son refus d’accords commerciaux dans les termes actuels, dans un sens uniquement libre-échangiste. La Bolivie et d’autres nations n’ont pas voulu se subordonner aux accords commerciaux étasuniens pour venir se faire dépouiller par une Europe aussi peu scrupuleuse du devenir de peuples souverains. En langage courant, c’est un peu fort de café… À la fois, nous voulons profiter des ressources de pays producteurs, et il faudrait en plus que ceux que l’on bloque dans la construction d’une économie au service de leurs populations empêchent leurs forces vives de migrer. Le cynisme est de haute voltige et l’on a peur de rien à Bruxelles, Paris, ...

En France, comme dans d’autres pays continentaux se pose la question de la présence d’exilés, c’est-à-dire des victimes qui n’arrivent pas à faire entendre leurs droits. Selon les critères actuels, la Colombie est considérée comme une démocratie. Les réfugiés sont amenés à prouver ce qu’ils ont pu subir. Un critère en soit que Frantz Kafka a peut-être oublié dans son oeuvre, ou comment la victime devient coupable d’avoir été dans son intégrité physique et morale mise en danger. Le nœud du problème est là. La Colombie depuis 20 ans et plus souffre d’un conflit spécifique, et le délabrement de ses institutions a de quoi laisser plus qu’un doute sur sa nature authentiquement démocratique. Il est devenu impossible de différencier qui du politique et de la criminalité mafieuse est au pouvoir. Les preuves sont nombreuses, les organisations non gouvernementales internationales et locales apportent régulièrement des faits. Et là quand on nous annonce que la politique de sécurité (guerrière) du président Uribe est une réussite, l’on décompte depuis son arrivée en 2002 plus de 13.000 morts civils en raison du conflit armé l’opposant aux FARC et à l’ELN. Soit 2000 morts par an, pour une guerre dont on ne cherche pas à prendre en compte l’existence. Le régime colombien est une façade, une pantomime de démocratie. Si certains fondements résistent comme le Tribunal Suprême de Justice, sur le fond, l’État est depuis longtemps malade de ses méthodes corruptives et violentes. Que dire d’un pouvoir dont le calque trouve pour référence les fascismes latins et européens, la mafia en plus. Non seulement on tue par idéologie, mais aussi pour des raisons occultes ou souterraines. À ce stade, on ne discerne plus  les économies parallèles et les comptoirs que s’octroient certaines firmes transnationales.

Comprendre le réel et se solidariser avec toutes les victimes

Il importe de comprendre une chose, en 30 ans, le monde a connu des évolutions et aussi des régressions. Ces dernières années ont insufflé un nouveau visage à l’Amérique Latine. Toutefois la Colombie n’a pas suivi les mêmes traces et pose légitimement la question de mettre un terme aux bandes armées qui plongent le pays dans les ténèbres. Nous en sommes à 200.000 déplacés supplémentaires pour la seule année 2008. On arrive à des cimes de brutalité qui ne peut laisser aucun démocrate ou républicain social douter du sort que l’on afflige au peuple colombien. La chape de silence frôle un niveau d’indifférence qui ne peut que soulever de la tristesse et de la colère. Des parts entières de la société colombienne résistent et ce front est aujourd’hui la seule alternative politique possible. Cela doit poser à tout internationaliste conséquent de créer des ponts de solidarité avec les victimes. Soixante ans de guerres internes  ne sont pas sans séquelles. Les traumatismes de guerre sont au centre d’une société ou la mort est présente au quotidien, à un niveau de banalisation désarçonnant. Villes et campagnes subissent leurs lots de violences, quelque en soient leurs natures propres, ces maux agissent comme un chaos permanent. La criminalité sous ses nombreux aspects participe à prouver dans quel état de non-droit vivent les populations. Si le droit le plus courant ne s’applique pas à la société entière dans les règles d’une justice équitable – qui peut encore croire que cette nation est une démocratie ?

Comment un état érigeant la violence à ce point peut-il passer au travers des gouttes (de sang) ? Pourquoi la Cours Pénale Internationale saisie depuis 1998 n’a-t-elle pu faire avancer son travail en rapport avec des crimes de guerre et contre l’humanité ? Quand un gouvernement est à ce point impliqué et l’instrument majeur de la violence, il serait temps que des autorités juridiques se saisissent des faits. Il viendra un jour d’établir les responsabilités (et complicités) ayant couvert une idéologie fascisante et ses mécanismes de terreur contre les populations civiles. Il est impossible de savoir quand, car pour la question des mémoires historiques tragiques il faut en général beaucoup de temps pour que les victimes puissent obtenir réparation. En attendant, vous, moi, nous devons mobiliser pour mettre en lumière une situation opaque, dont l’objet ne se résume pas au seul séquestre. «Celui qui ne sait pas est un imbécile, mais celui qui sait et qui ne dit rien est un criminel». Cette maxime est de Bertold Brecht, même si dans son acceptation il y a de quoi en critiquer la dureté morale, elle présente une vérité qui s’adresse à ceux découpant la question colombienne en tranche, et selon des intérêts pas toujours très honorables.



(Vidéo) COLOMBIE, PARAMILITARISME ET MULTINATIONALES

    cliquez ci-dessous :

Une vidéo de Pantuana TV

Un entretien avec Teofilo Acuña, président de la fédération agro-minière du sud  Bolivar
Un document de Radio Campus (Bruxelles) 
Durée  : 10 minutes - Juin 2008


STOP À LA BARBARIE
ET À LA CRIMINALISATION
DES MOUVEMENTS SOCIAUX COLOMBIENS !



«Nous ne sommes pas des juges, Nous sommes des témoins. Notre tâche consiste à faire en sorte que l'humanité soit témoin de ces crimes horribles et se range du côté de la justice».

Bertrand Russel   


APPEL INTERNATIONAL
lancé à Paris le 9 octobre 2008

Depuis le 1er janvier 2008, 41 syndicalistes, 37 hommes et 4 femmes ont été assassinés[1] dont le dernier en date le 26 août.[2] Le cadavre torturé de Guillermo RIVERA a été retrouvé le 27 juillet après avoir disparu le 24 avril et aucune enquête n’a été ouverte.

Pendant le premier mandat d’Alvaro Uribe Vélez, entre 2002 et 2006, 560 personnes liées aux syndicats ont été assassinées.[3] Des multinationales telles que Brand ont supprimé l’ensemble d’un syndicat dans le département de Urabá. Coca-Cola et Nestlé sont également associés à des menaces à des syndicalistes.[4] Beaucoup de responsables syndicaux sont menacés de mort à plusieurs reprises. Ils doivent se déplacer en voitures blindées et habiter dans des locaux sécurisés. La Centrale Unitaire des Travailleurs (CUT) affirme que 97% des cas d’assassinats restent dans la plus totale impunité. L’OIT a jugé, pour la seconde année consécutive, la Colombie comme le pays le plus dangereux du monde pour exercer le syndicalisme

Deux défenseurs des droits de l’homme colombiens…sans défense !

Nous appelons à soutenir deux courageux leaders sociaux colombiens, syndicalistes et défenseurs des droits de l’homme qui, malgré les menaces de mort, continuent leur action déterminée de défense des travailleurs et de dénonciation des milices paramilitaires.
Soutenez la pétition pour Gaston TESILLO et le Docteur Jorge CEBALLOS.

GASTON TESILLO, SYNDICALISTE SUR LA LISTE DES AIGLES NOIRS

Le syndicat des travailleurs « SINALTRAINAL » a reçu le 11 août 2008 des menaces de mort écrites de la part du groupe paramilitaires « Les aigles noirs ». Dans ces communiqués, sont condamnés à morts 36 dirigeants du département de l’Atlantique. Parmi les condamnés à mort se trouve GASTON TESILLO GALINDO, conseiller municipal de Baranoa pour le Pôle Démocratique Alternatif (PDA) et ancien représentant de l’association des Travailleurs des Hôpitaux et des Cliniques de Colombie (ANTHOC).

Gaston avait déjà été obligé de quitter la Colombie en 2007 en raison de menaces de mort. Il avait été accueilli en Europe dans le cadre d’un programme de prise en charge des victimes de violations des Droits de l’Homme de la Principauté des Asturies. Il est intervenu en Italie et en France par l’intermédiaire du Réseau de Fraternité et de Solidarité (REDHER) afin de dénoncer la situation dramatique que vit le Peuple Colombien, en général, et les syndicalistes, en particulier. Il a témoigné contre les groupes paramilitaires qui assassinent, en toute impunité, les responsables syndicaux et associatifs.

DOCTEUR « COURAGE » CEBALLOS DANS LES TERRES DU CARTEL DE MEDELLIN

JORGE CEBALLOS,[5] représentant du ministère public pour les Droits de l’Homme, réalise un travail fondamental et courageux d’enquête et de dénonciation des abus de tous types commis à Medellin. Il a dénoncé que 6000 paramilitaires démobilisés, se sont réarmés et ont repris le contrôle des communes résidentielles. L’organisation non gouvernementale Codhes a affirmé auprès de Human Rights Watch qu’elle a peur que le docteur Ceballos soit en grave danger imminent à cause des révélations qu’il a faites.

Le 23 août dernier, le docteur JORGE CEBALLOS, a été menacé de mort par des groupes paramilitaires. José Miguel Vivanco, le représentant de Human Rights Watch, a demandé au gouvernement colombien de protéger le représentant du ministère public.

Les menaces du groupe paramilitaire « Les aigles noirs » se sont élargies aux représentions diplomatiques étrangères dont celles de l’Union Européenne[6] ainsi qu’aux ONG étrangères de défense de droits de l’homme.[7]

Nous qui signons ce texte :


Nous exigeons du gouvernement colombien qu'il cesse immédiatement de criminaliser et de stigmatiser les militants des organisations sociales et des syndicats,[8] les défenseurs des Droits de l'Homme, les journalistes et l'opposition démocratique.[9]

Nous demandons l’arrêt immédiat de la répression policière et militaire contre les Mouvements sociaux ainsi que la libération immédiate des leurs dirigeants emprisonnés. Nous dénonçons l’application arbitraire et partiale des lois anti-terroristes.[10]

Nous exigeons du gouvernement colombien qu’il remplisse son devoir de protection pour TOUTES les victimes de la violence dans le pays,[11] qu’il reconnaisse l'existence du conflit armé et qu’il respecte le droit international humanitaire et le droit international des Droits de l’Homme.

Nous demandons aux gouvernements des pays occidentaux de conditionner leur aide économique et leur assistance militaire au respect des droits de l’homme en Colombie.

Nous souhaitons une solidarité active de la part des Peuples Européens auxquels nous demandons d'informer et dénoncer ces exactions... Le Mouvement social colombien prend de l'ampleur en Colombie mais la Solidarité Internationale est urgente…


Cet appel sera transmis à :

Président de la Colombie, Ministre colombien de la justice, Ministre colombien des relations extérieures, Ministre colombien de l’intérieur, bureau des droits du haut commissariat des Nations Unies pour les droits humains, Commissariats européens des relations extérieure et du commerce.




Le Tribunal International d’Opinion – Affaire du Sud de Bolívar – Colombie, est un collectif libre, de solidarité avec le peuple colombien qui œuvre, depuis l’an 2000, à informer et sensibiliser les médias et la société civile française et européenne sur la situation politique et juridique des mouvements sociaux colombiens et alerter sur les violations qui sont commises contre.


Notes :

[1]  Bilan au 24 août : 40 syndicalistes assassinés.
[2] Europa Press : le dirigeant indigène et communautaire, Raúl Mendoza Hío, à été assassiné par un sicaire (tueur à gage).
[3] Selon un rapport sur la torture, celle-ci s’est intensifiée durant la période de politique de «sécurité démocratique». Selon l'information d'une ONG 13.634 morts par violence sous le gouvernement Uribe.
[4] Violation des droits humains commises par des sociétés transnationales en Colombie. Les cas Nestlé et Coca-Cola pour les plus connus.
[5] HRW demande au gouvernement colombie qu'il protège un fonctionnaire menacé à Medellín.
[6] Les menaces du groupe paramilitaire «Les aigles noires» se sont élargies aux représentions diplomatiques étrangères.
[7] La chercheuse allemande CHRISTINA FRIEDERIKA MÜLLER a été EXPULSÉE de Colombie !
[8] Des menaces contre une journaliste en Arauca.
[9] La groupe national de l'ACEU est déclaré objectif militaire pour les paramilitaires.
[10]L'ONU est préoccupé des arrestations massives et de l'usage de la prison préventive.
[11] Colombie: l’armée assassine pour gonfler les chiffres de la lutte antiguerilla.



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Dernières modifications : 05/02/2011