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Infos sur l'Amérique Latine, année 2011
Sommaire de
la page 1,
1 - Les narco-paramiltaires
débarquent en France?, par
Sergio Camargo
2 - Protestation
contre la nomination d'Alvaro Uribe, par Marie-Christine
Vergiat
& Lettre
au directeur de l'ENIM à Metz, par TEJE-France
3 - France-Colombie
: Alvaro Uribe enseigne en France, une hypocrisie sans nom ?
& Non
à la nomination d'Alvaro Uribe comme professeur en France,
par TEJE-France
4 - La
Libye met mal à l'aise la gauche latino-américaine,
par Bernard Perrin
5 - Chili : L'"état
de droit", à l’épreuve du
procès Mapuche de Cañete, par
Michael Barbut 6 - Haïti
:
De l'urgence au relêvement, par OXFAM
7 - Argentine, les habitants
cultivent pour sortir de la crise, par Sophie
Chapelle
8 -
Argentine : Le cauchemar
des hommes violents, par Marta Dillon
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LES
NARCOPARAMILITAIRES DEBARQUENT EN FRANCE
*
Entretien
téléphonique
avec M. Pierre Padilla, directeur de l’INEN
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Sergio Camargo (*), le 14
mars 2011
Le mois de novembre 2010 un ami français m'envoie un
courrier en
m'annonçant que l'ex- président colombien Álvaro Uribe, a
été invité à l'Institut National d'Ingénieurs de Metz (INEM), sa
visite dans cette ville de l’Est de la France a été rapide
et
peu ébruité. Seulement une petite note d'un journal local, a
commenté la venue de l'imprésentable ex- président de la Colombie.
Personnellement, je n'ai jamais cru que la venue d'Uribe avait pour but
d’être nommé comme un éminent professeur d'une
institution éducative et moins encore qu’il fut embauché
sur la
base d'un curriculum tronqué ou dépourvu de vérité.
Je me suis demandé du coup, si c’était par manque
d’information ou le fait d’une institution
ignorante de la
réalité Colombienne, qui pouvait inviter l’ex-président
Álvaro Uribe Vélez, ce paramilitaire et narcotrafiquant sans mettre
en péril son honorabilité personnelle ou institutionnelle.
Le 28 février, je reçu un communiqué dans lequel on
m'annonçait que monsieur Uribe avait été nommé professeur
de
l'Institut National d'Ingénieurs de Metz, j’ai rapidement
regardé le site internet du dit établissement et effectivement en
première page l'imprésentable ex- président colombien apparaissait
en compagnie de Monsieur Pierre Padilla, directeur de l'Institut.
Je me mis en communication par téléphone avec le dit établissement
et je demanda de parler avec le directeur, on me passa monsieur Pierre
Padilla. Je lui ai demandé de me recevoir pour faire une interview. Il
me répondit que pour le moment ce n'était pas possible.
Je lui ai demandé confirmation si monsieur Uribe était vraiment
professeur associé de l'établissement qu'il dirige, lequel me
répondit par l’affirmative.
Je lui ai fait savoir la grande surprise et le déclenchement de rejet
que cela pouvait susciter, mais monsieur Padilla se montra indifférent.
Je lui ai alors demandé, s'il savait vraiment qui était Uribe. Un
ancien président respectable me répondit-il. Je l'ai interrogé de
nouveau en lui demandant s'il connaissait les multiples dénonciations
existantes contre Uribe, comme les violations des droits de l'homme et
les crimes contre l'Humanité. Le directeur, Monsieur Padilla, s'est
empressé de me répondre qu'aucune condamnation n'existait contre
celui-ci.
Je lui ai précisé qu'Uribe apparaissait comme le numéro 82 dans une
liste établie par le Département d'Etat des Etats-Unis et comme l'un
des narcotrafiquants les plus dangereux d’Amérique. Et, à
la
suite de ces informations, il a été possible d’établir
qu'Uribe et sa famille (son père Alberto et ses frère Jaime et
Santiago) ont été associés au dangereux narcotrafiquant Pablo
Escobar Gaviria et créateurs d’escadrons de la mort.
Monsieur Padilla m’a répété qu'aucune condamnation
n'existait contre Uribe.
Je lui ai demandé s'il connaissait les violations continuelles des
droits de l'Homme en Colombie sous le gouvernement de Sécurité
Démocratique d'Uribe, il m'a répondu qu'il ne se mêlait pas des
affaires internes du pays.
J'ai lui ai posé la question si cela ne lui provoquait pas de
problèmes de savoir qu'Uribe était considéré en Colombie, et par de
nombreuses organisations humanitaires dans le monde entier, comme un
narco-paramilitaire.
Il a insisté sur le fait qu'il ne s'immiscerait pas dans la politique
interne colombienne.
Je lui ai dit que moi-même j’avais fait des
recherches et
avais écrit un livre intitulé le "Narcotrafiquant N°82", dans
lequel les preuves de la complicité d'Uribe avec le crime et la mafia
sont indiscutables. Immédiatement Monsieur Padilla s'est empresser de
demander si je vivais à Medellín ou à Bogotá et en un castillan
presque sans accent, il m'a dit qu'il aimait la Colombie et que son
principal travail était d'aider le pays.
Je lui ai demandé s’il connaissait la Colombie et il m'a
répondu que depuis 1984, il la visitait régulièrement. Je lui ai
demandé alors, s’il avait connaissance de la grave situation
des
droits de l'homme dans le pays et il m'a dit que sa préoccupation
principale était d'aider des jeunes à ce qu’ils ne
rejoignent
pas la guérilla. Que son Institution travaillait en partenariat avec
la SENA (Service National de l’Apprentissage) et qu'il
collaborait à faire baisser le chômage en Colombie, me
citant
quelques chiffres extraordinaires selon lesquels son établissement
l'INEM et le SENA donnaient du travail à 9 millions de jeunes
colombiens. (?)
Je lui manifesta mon approbation sur les accords entre des institutions
pour le progrès de nos sociétés, mais je signifia à Monsieur
Padilla que mon objectif était de savoir pourquoi le
narco-paramilitaire Uribe faisait partie de sa liste de professeurs ;
et en quoi son passé et présent de criminel ne
l’intéressait
pas. Il m'a répondu que les accords avaient été réalisés quand
Uribe était président. Je lui précisa que j’étais
d’accord, mais maintenant que Uribe était un simple citoyen
avec
de fortes présomptions d'être complice de crimes commis par
les
narco-paramilitaires; cela changerait tout et menacerait
l'honorabilité de son établissement.
Monsieur Padilla a insisté de nouveau sur le fait qu'il ne
s'intéressait pas aux affaires internes du pays.
De plus, j'ai appuyé sur le fait que divers de ses collaborateurs les
plus proches, amis et de la famille d'Uribe avaient été jugés et
condamnés pour “narco-parapolitique” et de crimes
contre
l’Humanité. Il me demanda lesquels, et je lui donna
seulement
deux exemples.
Jorge Noguera Cotes, son ami, et collaborateur, qui était de la
première campagne présidentielle, et qu’Uribe a nommé chef
de
la Police Politique colombienne, appelé le DAS (Département
Administratif de Sécurité), cette personne a été condamnée pour
ses liens avec le paramilitarisme et le meurtre de syndicalistes.
L'autre exemple que j'ai donné à Monsieur Padilla, a été celui-là
du cousin d'Uribe, l'ex-sénateur Mario Uribe, lui aussi condamné pour
ses liens avec le narcotrafic des paramilitaires et à des crimes de
lèse humanité.
Le directeur de l'INEM n’a pas réagit.
J'ai insisté de nouveau en lui disant, si tout cela n'était pas une
situation inconfortable qui allait au détriment de son établissement.
Il m'a répondu que l'ex-président Uribe a lutté contre la guérilla
et a donné une sécurité au pays, en me demandant alors pourquoi
Uribe était sorti de la présidence avec 60% de popularité, ce à
quoi je lui ai expliqué concernant la Colombie l’énorme
manipulation des sondages et je lui ai rappelé les cas de la Tunisie
et de l'Égypte, où ses dictateurs sanguinaires se présentaient comme
démocrates, soutenus par les États-Unis, l'Angleterre, la France et
en général par la Communauté Européenne. Le narco-paramilitaire
Uribe, lui ai- je dit est égal ou pire aux dictateurs arabes, puisque
la Colombie n'a jamais été véritablement une démocratie.
Monsieur Padilla s'est montré contrarié, car, selon lui, on parle mal
de la Colombie et on donne une image négative du pays. Il m'a
déclaré que lui même travaillait pour donner une autre
image du pays
à l’étranger. Mais les faits sont les faits, et nous ne
pouvons
pas les cacher, lui ai-je dit.
Il continua à me manifester qu'il fallait changer cette image néfaste
du pays et montrer autre chose. (Mais ce qui est certain,
c’est
qu'avec Álvaro Uribe Vélez comme professeur de son établissement, il
n'améliorera pas l'image du pays).
Je demanda au directeur de l'INEM, si parmi ses élèves pouvait y
avoir d'ex-amis paramilitaires d'Uribe, il n'a pas su me répondre. Je
lui ai également demandé la signification “de professeur
associé”, sans obtenir une réponse claire.
En argumentant Monsieur Padilla, m’a dit qu’il
admirait
l'ex-président Uribe, puisqu’il avait fait un excellent
travail
en Colombie contre la guérilla, et, qu’il avait imposé la
paix
dans le pays. Il m’a affirmé qu'Uribe était l'unique
politique
colombien qui avait fait en réalité quelque chose ; parce que les
autres hommes politiques colombiens étaient un groupe de corrompus et
d’inaptes. Uribe est un homme politique admirable et
respectable
qui a beaucoup fait pour la Colombie, a-t-il continué d'affirmer.
Je demanda à Monsieur Padilla ce qu’il pensait des
accusations
contre Uribe pendant ses huit années de présidence au sujet : des
meurtres de civils perpétrés de la part des militaires et des
narco-paramilitaires, de l'augmentation de la violence
institutionnelle, de la croissance soutenue du trafic de stupéfiants,
de l'augmentation de la pauvreté aux limites de
l’inimaginable,
de l’absence de sécurité des citoyens (syndicalistes,
journalistes, enseignants, citadins anonymes, ...).
Et pour ne pas nommer tout, je lui fais spécialement part du
déplacement interne de millions de paysans et des interceptions
téléphoniques illégales (le scandale des
“chuzadas”), de
magistrats, de journalistes d’adversaires politiques et des
organisations nationales et internationales des droits de l'Homme.
En me répondant le directeur de l'IMEN, me dit que les journalistes
inventent beaucoup de choses et en me demandant de nouveau si Uribe
avait été condamné. Parce que, selon Monsieur Padilla, la presse
parle beaucoup, elle accuse sans preuves, et de toute façon
Uribe est pour lui un grand homme qu’il admire et tient comme
exemple.
Je lui ai posé une suggestion en lui demandant ; que ferait-il si
demain, Moubarak venait le solliciter pour un poste de professeur dans
son établissement, il répondu d’une façon
catégorique:
« - je lui donne un coup de pied au ... et je le
renvoie
dans son pays.- »
La dernière question pour M. Padilla que je lui ai demandé était ;
quelle message veut-il adresser, qu’a-t-il a dire aux
centaines
de milliers de victimes causés par le narco- paramilitarisme et le
terrorisme d’état, où dans plusieurs de ces faits horribles
Uribe apparaît comme un complice, un instigateur ou
l’auteur intellectuel.
Monsieur Padilla a répondu seulement qu'il n'avait pas de connaissance
de ce dossier, qu'il ne savait absolument rien à ce sujet.
Selon les mots du directeur de l'INEM, Uribe continuera comme
professeur associé de son établissement d'éducation, puisque M.
Padilla est honoré de l'avoir dans son personnel, sans prendre en
compte les graves accusations de trafic de stupéfiants qui pèsent sur
cet ex- président et les milliers de morts et victimes que
lui-même et sa famille ont généré pendant son passage au
gouvernement d'Antioquia (1995-1997), et, pendant les huit ans en sa
qualité de chef d'état (2002-2010), années durant lesquelles ont
augmenté les crimes des narco-paramilitaires.
De même que le
chômage a crû, ainsi que l’insécurité,
la pauvreté
a triplé, la guerre interne dans le pays a provoqué des extrémités
invraisemblables, avec le meurtre de milliers de civils présentés
comme guérilleros morts au combat (le scandale des
“faux-positifs”) ; et même
jusqu’à son
gouvernement qui s’est offert le luxe d’assassiner
des
citoyens équatoriens, mexicains et vénézuéliens dans sa "lutte
contre le terrorisme", en ouvrant une brèche énorme dans les
relations avec ses voisins et en général avec beaucoup de pays
d’Amérique.
Note complémentaire :
le 9 mars j’ai reçu un courrier d’un
Conseiller
Politique du parlement européen Monsieur Paul-Emil Drupet m'informant
d’une lettre ouverte par des députés européens et refusant
la
nomination d'Alvaro Uribe dans sa qualité de professeur de l'INEM.
Cette nomination a suscité une grande indignation dans la société
civile française et des parlementaires européens demandent
aux
journalistes la divulgation de la dite lettre, et de la faire
connaître le plus largement possible.
(*)
Sergio Camargo, est journaliste et écrivain. Il est l’auteur
entre autres des livres : la Démocratie Réelle Universelle et Le
Narcotrafiquant N°82-Álvaro Uribe Vélez. Il a également
écrit
de multiples articles sur la réalité latino-américaine et en
général sur l'actualité mondiale.
Source : Sergio Camargo
Traduction
libre (castillan-français) de Lionel Mesnard
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Lettre de
protestation de parlementaires européens
suite à la nomination de M. Alvaro Uribe en France |
par
Marie Christine Vergiat, le 5 mars 2011
Je viens de signer cette lettre, comme nombre de parlementaires du
groupe de la Gauche Unitaire européenne - Gauche Verte
Nordique.
Nous, parlementaires français et européens,
tenons
à faire part de notre indignation suite à la
nomination
de l'ex-président colombien M. Alvaro Uribe Velez comme
enseignant à l'École Nationale
d'Ingénieurs de
Metz (ENIM), en contre-partie des contrats juteux passés
entre
cette institution éducative et l'Etat colombien. L'Union
européenne et la France se revendiquent de la
défense des
droits de l'homme. Ce serait ajouter une nouvelle
incohérence
à l'accomplissement de ces objectifs politiques, et ce
serait
rendre un bien mauvais service à l'éducation de
jeunes
européens que d'accepter une telle nomination.
Nous tenons à rappeler le bilan des mandats de Monsieur
Uribe en termes de droits de l'homme:
· M. Uribe a mis en place une politique
controversée dite
de "sécurité démocratique" visant
officiellement
à lutter contre l’insécurité
et renforcer
l’Etat de droit. Dans le contexte du conflit armé
que
connaît la Colombie depuis plus de 50 ans, celle-ci promet
notamment aux soldats, primes et avantages pour chaque
guérillero tué au combat. Cette «
politique du
chiffre » catastrophique a eu pour effet d’inciter
les
militaires à assassiner plus de 3000 civils innocents, issus
de
quartiers pauvres, afin de les déguiser et de les
présenter comme « guérilleros morts au
combat
»
· De nombreuses affaires de corruption,
d’assassinat et
les révélations conséquentes
à la mise en
œuvre de la loi « Justice te paix » ont
permis de
mettre en évidence les liens forts existant entre les
escadrons
de la mort (paramilitaires) liés à la mafia et la
famille
politique de M.Uribe. Plus de 120 politiciens proches de son
gouvernement ont été mis en examens et plusieurs
dizaines
ont déjà été
condamnés pour
ces liens criminels. Le propre cousin de
l’ex-président,
M. Mario Uribe, qui est son associé politique, vient
d'être condamné à sept
années et demi de
prison pour s’être allié et avoir
utilisé ces
organisations criminelles afin de faciliter son élection au
parlement national et de s’approprier illégalement
une
grande quantité de terres fertiles.
· La Colombie est aujourd’hui le 2ème
pays
(derrière le Soudan) avec le plus de
déplacés
internes au monde. Bien que ce phénomène ait
commencé avant l’arrivée au pouvoir de
M. Alvaro
Uribe, on estime qu’environ 2,4 millons de personnes ont
été déplacées durant son
mandat. On
dénombre par ailleurs l’existence de plus de mille
fosses
communes en Colombie dont la plus importante
d’Amérique
Latine, mise à jour dans le département du Meta,
«alimentée» depuis 2005 par les
militaires et
contenant plus de 2000 corps non identifiés. Plusieurs fous
crématoires avaient été
installés pour
faire disparaître les corps des victimes.
· De nombreuses affaires de corruption impliquant le
gouvernement et la famille politique de M. Uribe ont
émaillé son mandat. A titre d'exemple aujourd'hui
son
ex-ministre de l’agriculture est mis en examen pour avoir
détourné d’énormes sommes
d’argent de
leur objectif initial (aides à la petite paysannerie) afin
de
contribuer indirectement au financement de la
réélection
de M. Uribe.
· Sous la présidence de M. Uribe, les services
secrets
colombiens (DAS) ont été utilisés pour
espionner,
persécuter, menacer, stigmatiser et attaquer des
défenseurs de droits humains, des syndicalistes, des
opposants
politiques, des journalistes, la Cour Suprême de Justice ; la
récente découverte de documents internes du DAS a
même permis de révéler la
volonté de
surveiller et de discréditer la Commission des droits
humains du
Parlement européen, le Bureau du Haut-commissaire aux droits
humains de l’ONU, et les ONGs de défense de droits
humains. Parmi ces organisations ou personnes, nombreuses sont celles
qui ont été explicitement
désignées par
l’ex-président comme « vitrine
intellectuelle
» des FARC, les mettant de ce fait en danger de mort.
La nomination de M. Uribe au poste de « professeur des
universités » à l'ENIM n'est pas
fortuite. Elle
survient après l'attribution par l'administration
colombienne
alors que M. Uribe en était encore le président,
pour de
la modernisation de centres de formation colombiens (SENA). Monsieur
Uribe avait du reste déjà
été nommé
"Ingénieur Honoris Causa de l'ENIM" à cette
occasion. M.
Uribe, rattrapé dans ces graves affaires dans son pays,
avait
déjà tenté de se donner une
respectabilité
en se faisant nommer professeur à l'Université de
Georgetown (USA). Mais cette tentative avait suscité un fort
rejet de la part du milieu universitaire et de la
société
civile des Etats-Unis.
Nous appelons aujourd'hui toutes les citoyennes et tous les citoyens
français-e-s et européen-ne-s à faire
de
même aujourd’hui en dénonçant
avec nous la
nomination de M. Alvaro Uribe à l’ENIM, et nous
exigeons
de cette institution éducative qu'elle rompe au plus
tôt
ce contrat qui lui fait honte.
Nous estimons que le système éducatif
européen ne
peut servir à blanchir des personnes ayant commis des
violations
des droits de l'homme, et que Monsieur Uribe doit répondre
de
celles-ci devant la justice colombienne, ou à son
défaut,
devant la Cour pénale internationale.
Source : Marie-Christine
Vergiat
Groupe parlementaire européen GUE-NGL
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Lettre
d'indignation au directeur de l'ENIM
sur la nomination de l'ex-président Uribe comme enseignant |
par
Teje France, le 5 mars 2011,
Monsieur
le Directeur,
Nous avons constaté avec effarement que vous affichiez avec
fierté la présence d'Alvaro Uribe en tant
qu'enseignant
dans votre établissement; compte tenu de votre honorable
fonction, nous ne pouvons qu'imaginer que vous ignorez les controverses
dont fait l'objet actuellement l'ex Président de la Colombie;
Nous sommes choqués par la présence d'un tel
professeur,
car, contrairement à ce qui est affiché sur votre
site,
c'est la jeunesse colombienne qui a été la
victime
principale du Président Uribe.
Dans un contexte de conflit armé existant depuis les
années 1950, il promettait aux soldats des primes et des
avantages pour chaque guérillero tué au combat.
Ceci a
déchaîné un des
phénomènes les plus
macabres de la dernière décennie : les
« faux
positifs ». Ce sont près de 3.000 personnes, selon
les
estimations, dont beaucoup étaient des jeunes des quartiers
défavorisés, qui ont été
tués de
sang froid et présentés ensuite comme des
guérilleros morts au combat, augmentant les statistiques
gouvernementales en faveur d’Uribe.
Cette même politique de récompenses a
oeuvré
à l'intérieur des universités et des
lycées. Nos jeunes ont été
encouragés
à participer au conflit armé. Alvaro Uribe a
profité de leur vulnérabilité
financière
pour leur proposer un salaire en échange de la
dénonciation de leurs condisciples, qu'ils
soupçonnaient
d'avoir des liens avec des guérillas. Cette mise en pratique
d'une politique éhontée de chasseurs de
récompenses est, pour le moins sur le plan
éthique,
fortement condamnable.
Toujours en dépit de la liberté et de l'autonomie
des
universités, la police et l'armée colombiennes
ont fait
irruption dans les établissements scolaires employant des
balles
réelles et faisant des victimes mortelles parmi les
étudiants, comme ce fut les cas de Jaime Acosta à
Bucaramanga, de Nicolas Neira à Bogotá et de
Jhonny Silva
à Cali, entre autres.
M. Uribe, rattrapé par ces graves affaires dans son pays, a
déjà tenté de se donner une
respectabilité
en se faisant nommer professeur à l'Université de
Georgetown (USA), ce qui a engendré fin 2010 un scandale
dans le
milieu universitaire des Etats-Unis.
Ayant été enfin dignement averti de cet
état de
fait, nous ne pouvons que penser que vous n’entacherez pas
plus
longtemps la réputation de l’ENIM avec la
présence
d'un tel personnage qui n'honore malheureusement pas votre
établissement;
Nos Salutations
indignées,
Les
membres de l'association TEJE
Source : TEJE (Travailler Ensemble Jeunes et Engagés)
Courriel
: asso(at)teje.fr - http://www.teje.fr/
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Non
à la nomination d'Alvaro Uribe
comme professeur en France ! |

par Teje France, le 2 mars 2011
Nous, membres de l'Association TEJE, composée
majoritairement d'étudiant(e)s colombien(ne)s et de
diplômé(e)s d'institutions d'éducation
supérieure en France, exprimons notre indignation face
à la nomination récente d'Alvaro Uribe
Vélez comme enseignant à l'École
Nationale d'Ingénieurs de Metz (ENIM).
Personnage controversé de l'histoire récente de
la Colombie, ancien Président de la République de
Colombie de 2002 à 2010, Alvaro Uribe a
été impliqué dans de nombreux cas de
violations des Droits Humains ; il est notamment accusé
d’ avoir percé dans le paysage politique
grâce à des manœuvres
exécutées en lien avec les narcotrafiquants et
les leaders des armées paramilitaires, dont il a
été, par ailleurs, promoteur dès les
années 1980.
60 parlementaires de son parti et des partis associés,
certains de ses collaborateurs les plus proches et des membres de sa
famille – dont son cousin et allié politique Mario
Uribe, condamné le 20 février dernier –
ont été jugés et se trouvent
aujourd'hui en prison pour avoir été instigateurs
et complices de crimes commis en connivence avec les
narco-paramilitaires.
Par ailleurs, il a espionné, à travers les
services secrets de l'État (DAS), des opposants,
journalistes, défenseurs des Droits Humains et
même des membres du Parlement Européen,
opérant une campagne pour les discréditer. Ses
déclarations publiques ont mis en danger la vie de tout
opposant à son gouvernement. Certains ont
été poussés à l'exil.
Mais, plus grave pour nous, la jeunesse colombienne a
été la victime principale de Monsieur Uribe. Ce
dernier a instauré une politique de récompenses
à double tranchant. Dans un contexte de conflit
armé existant depuis les années 1950, d'un
côté, il promettait aux soldats des primes et des
avantages pour chaque guérillero tué au combat.
Ceci a déchaîné un des
phénomènes les plus macabres de la
dernière décennie : les « faux positifs
». Ce sont près de 3.000 personnes, selon les
estimations, dont beaucoup étaient des jeunes des quartiers
défavorisés, qui ont été
tuées de sang froid et présentées
ensuite comme des guérilleros morts au combat, augmentant
les statistiques gouvernementales en faveur d’Uribe
Cette même politique de récompenses a
œuvré à l'intérieur des
universités et des lycées. Nos jeunes ont
été encouragés à participer
au conflit armé. Alvaro Uribe a profité de leur
vulnérabilité financière pour leur
proposer un salaire en échange de dénoncer leurs
condisciples, qu'ils soupçonnaient d'avoir des liens avec
des guérillas. Cette mise en pratique d'une politique
éhontée de chasseurs de récompenses
est, pour le moins sur le plan éthique, fortement
condamnable.
Toujours en dépit de la liberté et l'autonomie
des universités, la police et l'armée
colombiennes ont fait intrusion dans les établissements
scolaires employant des balles réelles et faisant des
victimes mortelles parmi les étudiants, comme furent les cas
de Jaime Acosta à Bucaramanga, Nicolas Neira à
Bogotá, Jhonny Silva à Cali, entre autres.
En circonstances similaires, en 2010, Alvaro Uribe a
été l'objet de polémique à
l'Université de Georgetown, où 80 professeurs des
États-Unis ont signé une lettre de refus pour sa
présence dans celle-ci mais également dans
d'autres institutions d'éducation. L'université a
compris l'ampleur et le poids des protestations et elle a
arrêté cette mission.
D'après un communiqué de l'ENIM, «
L'École Nationale d’Ingénieurs de Metz
ne pouvait pas rêver meilleur ambassadeur. On n’a
pas tous les jours l’ancien président
d’un pays comme professeur ». Certes, cela ne se
reproduit pas souvent et c'est pour cette même raison que
l'École devrait se garder de bien choisir ses
invités. Il résulte inexcusable, par les temps
qui courent, de légitimer des personnages
contestés, voire sanctionnés par le propre peuple
victime des dérives de leur pouvoir. La chute des dictateurs
dans le monde arabe, autrefois reçus en grande pompe par le
gouvernement français, nous le prouve.
Au nom des millions des victimes des massacres, des
déplacements de force (l'Agence des Nations Unies pour les
réfugiés parle de 3,4 millions de
réfugiés internes à cause du conflit),
des attaques contre la liberté d'expression, nous
exerçons notre devoir des concitoyen(ne)s, en faisant
entendre ici notre voix et celle de tous les Colombiennes et les
Colombiens qui ont été, et qui continuent
d'être les victimes de la guerre absurde qui se livre dans
notre pays. Une guerre davantage exacerbée pendant les huit
années d'Alvaro Uribe au pouvoir.
Source : Association TEJE
(Travailler Ensemble Jeunes et Engagés)
Courriel
: asso(at)teje.fr - http://www.teje.fr/
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La Libye
met mal à l'aise
la gauche latino-américaine |

par Bernard Perrin, le
28 Février 2011
Le
soulèvement contre Kadhafi, allié politique et
économique du bloc de gauche, déboussole certains
gouvernements «révolutionnaires».
Stupéfiant et inquiétant parallélisme.
Alors que de nombreuses chancelleries européennes sont
inquiètes à l'idée de voir le colonel
Kadhafi, qui était il y a peu encore un «ami
intime» (Silvio Berlusconi) ou tout du moins un partenaire
économique vital (90% du pétrole libyen prenait
le chemin de l'Europe), tomber sous la pression de son peuple, une
autre peur s'empare des gouvernements de gauche
«progressistes» d'Amérique du Sud: celle
d'assister à la chute d'un... camarade
révolutionnaire. Le premier cas de figure n'a au fond rien
de très surprenant. L'Europe capitaliste
préfère un partenaire fiable, même s'il
fut longtemps en tête de liste des terroristes les plus
infréquentables de la planète, même
s'il fait aujourd'hui tirer sur son propre peuple. Le cynisme de la
realpolitik.
Faiblesse
idéologique
Le second cas de figure, lui, est plus intrigant. Que du Venezuela
à la Bolivie en passant par Cuba, l'Equateur et le
Nicaragua, certains pleurent la chute du «guide spirituel de
la révolution» malgré le massacre du
peuple libyen dont il se rend coupable, démontre une triste
lecture de l'histoire en cours et un aveuglement dont la gauche a
déjà été trop souvent
coutumière au cours du siècle passé.
Derrière la façade discursive du
«socialisme du XXIe siècle», se dessine
malheureusement une autre réalité: l'absence
d'une réelle boussole idéologique, de Caracas
à La Paz. Comment le dictateur sanguinaire libyen peut-il
être un «frère
révolutionnaire»? Son opposition à
l'impérialisme américain justifie-t-elle donc
toutes ses exactions? Comment se tromper ainsi de
révolution?
Pour l'Argentin Pablo Stefanoni, directeur de l'édition
bolivienne du Monde diplomatique, et auteur avec le politologue
français Hervé do Alto de Nous serons des
millions, Evo Morales et la gauche au pouvoir en Bolivie, la
réponse est simple: «Le socialisme
sud-américain a été pris par surprise
par les événements, et s'est retrouvé
sans ressources politiques ni idéologiques pour
déchiffrer les clés de ce qui se passe dans le
monde arabe.»
En Amérique latine, au Venezuela, à Cuba, en
Equateur, en Bolivie ou au Nicaragua, Kadhafi est encore et toujours
considéré comme un «combattant
révolutionnaire», malgré sa volte-face
historique et son idylle nouée avec l'Occident, de
Washington à Rome en passant par Londres et Paris. Hugo
Chavez ne l'a pas caché: pour comprendre la
révolution en cours dans les pays arabes, il avait
personnellement appelé il y a quelques semaines... Tripoli!
Quant au ministre des Affaires étrangères
bolivien, David Choquehuanca, il avoue sa fascination pour le
«Livre vert» du leader libyen, comme de nombreux
autres dirigeants latino-américains.
«Soutenir
les peuples»
Plus concrètement, le président nicaraguayen
Daniel Ortega a ouvertement apporté son soutien au
régime sanguinaire, estimant qu'il était victime
d'un «lynchage médiatique afin de faire main basse
sur ses richesses pétrolières». Une
information, parmi d'autres, largement diffusée par
Télésur, la chaîne d'information
continentale basée à Caracas. Le journal cubain
Granma, lui, a titré «Kadhafi dénonce
un complot étranger contre la Libye». Aucune
allusion à la sanglante répression. En Bolivie,
Evo Morales s'est montré un peu plus prudent, appelant le
colonel Kadhafi et le peuple libyen «à une
résolution pacifique de la crise».
Heureusement, les gouvernements n'ont pas le monopole du socialisme
latino-américain. Au Venezuela, le groupe Marea socialista
(Marée socialiste, mouvance du Parti socialiste d'Hugo
Chávez) appelle à la victoire du peuple libyen.
Et dénonce «l'horreur dont sont capables les
dictateurs, soumis ou non à
l'impérialisme». Les militants
vénézuéliens estiment que les
événements démontrent qu'il s'agit
«d'un soulèvement populaire qui fait partie du
tremblement de terre démocratique qui secoue le monde arabe,
de la lutte pour la liberté et la
démocratie». Une lutte «qui ouvre la
porte à la révolution mondiale contre le
capitalisme et ses régimes d'oppression et de
misère».
«La gauche, estime Pablo Stefanoni, doit soutenir les
peuples, les luttes démocratiques et les aspirations
à la liberté, et ne pas s'acoquiner avec des
dictateurs pathétiques et corrompus sur la base de
considérations purement
géostratégiques.» Hervé do
Alto abonde dans le même sens: «Aujourd'hui, le
danger pour la gauche latino-américaine est de plaquer sa
propre réalité – la lutte quotidienne
contre l'impérialisme – sur celle d'autres
continents. Par exemple, on peut voir dans l'instabilité
politique en Libye un risque de démembrement similaire
à celui que font planer les oppositions de Santa Cruz en
Bolivie. Or, confondre la lutte anti-impérialiste et la
lutte à mort des élites liées aux
dictatures serait un recul majeur.»
Plus fondamentalement, «tant que la gauche
déprécie la question du respect des droits de
l'homme, considère que la realpolitik justifie tout, et
qu'elle confond l'anti-impérialisme avec les
intérêts bureaucratiques, il n'y a rien
à attendre d'elle», tranche-t-il.
Mais si l'Europe capitaliste peut se permettre de mener des relations
avec des partenaires douteux, pourquoi les pays d'Amérique
latine devraient renoncer, eux, à cette realpolitik?
«Tout d'abord, répond Hervé do Alto,
toutes les dictatures ne massacrent pas leur peuple comme le fait
actuellement le régime de Kadhafi. C'est donc un
critère déterminant, si l'on considère
que ces gouvernements ont justement l'ambition de développer
une 'diplomatie des peuples'.»
«Ensuite, ajoute le politologue, c'est une chose d'entretenir
des relations commerciales avec des régimes autoritaires,
mais c'en est une autre de développer une
solidarité politique à leur égard en
confondant leur anti-impérialisme (qui n'est d'ailleurs en
réalité souvent qu'une opposition aux USA) avec
leur caractère progressiste.»
Partenaire
mais pas «camarade»
Dès lors, oui, la Bolivie garde absolument le droit de
commercer avec la République islamique d'Iran.
«Mais personne n'oblige Evo Morales à lever le
bras d'Ahmadinejad en l'appelant 'camarade'. Il faut savoir que ce
régime mène une répression
à l'encontre des mouvements sociaux que même la
Bolivie des gouvernements de droite a été
très loin d'égaler», tempère
Hervé do Alto.
S'aligner sur un Ahmadinejad ou un Kadhafi au prétexte qu'il
est un partenaire stratégique reviendrait donc à
renoncer au «nouvel ordre mondial» progressiste,
socialiste proclamé. Et renoncer à toute action
dirigée vers un changement social, notamment dans le champ
des relations internationales.
Mais si les luttes en cours sont loin d'être
pro-occidentales, elles ne sont pas non plus fondamentalement
socialistes. Comment la gauche latino devrait-elle se situer
dès lors? «Karl Marx, qui ne perdait pas une
occasion de critiquer la démocratie bourgeoise,
considérait que cette démocratie formelle
était un premier pas absolument
nécessaire», répond Hervé do
Alto. En d'autres termes, dans l'immédiat, le vent
démocratique ouvre à nouveau (et enfin) la porte
aux mouvements socialistes arabes, quarante ans après leur
déroute.
La conclusion, elle, tombe de la plume de l'écrivain et
militant uruguayen Raúl Zibechi: «Il faut regarder
l'horreur en face. Parfois la gauche n'a pas voulu voir, pas voulu
entendre, ni comprendre les douleurs des gens d'en bas,
sacrifiés sur l'autel de la révolution. Nous ne
pourrons pas dire que nous ne savions pas cette fois-ci.»
Dénoncer de manière totalement
justifiée les menaces d'intervention en Libye par
l'entremise de l'OTAN ou des Etats-Unis et les tentatives
d'ingérence occidentales ne doit d'aucune manière
éclipser ce vrai débat.
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La
criminalisation d’une lutte politique
L’«Etat de droit» chilien
à l’épreuve du procès
Mapuche de Cañete |
Extraits
d'un rapport de Michael Barbut (°),
janvier-février 2011
La
Mission d’observation internationale
Le 12 Juillet 2010, plus de trente prisonniers politiques Mapuches
entament une grève de la faim dans plusieurs prisons du
Centre-Sud du Chili. La grève de la faim est porteuse
d’une série de revendications :
-La non-application de la loi anti-terroriste dans les
procès
liés à des faits qui prennent racines dans le
cadre de la
cause Mapuche
-La fin du double procès qui soumet les Mapuches
à des
tribunaux civils et militaires pour les mêmes
délits
-La démilitarisation des communautés en conflit
-La liberté de tous les prisonniers politiques Mapuches
-Le droit à la libre-détermination du peuple
Mapuche
Si la liste des revendications apparait ample, en
réalité
ce que visaient avant tout les prisonniers politiques Mapuches en
grève de la faim, c’est la reconnaissance du
caractère politique des procès auxquels ils sont
soumis
et le droit à un procès équitable. Des
revendications sommes toutes modestes. Après plus de 80
jours de
grève de la faim, pour des raisons de santé
évidentes, les prisonniers politiques Mapuches se sont vus
dans
l’obligation de déposer leur grève. Les
gains
obtenus sont modestes : le gouvernement chilien s’engage
à
abolir le double procès (civil et militaire), pratique pour
laquelle l’Etat chilien avait déjà
été condamné par la cour
interaméricaine
des droits de l’homme, et s’engage à
cesser de
poursuivre les Mapuches pour conduites terroristes.
Ces avancées sont d’autant plus modestes que les
carabiniers chiliens en cas de délits dans le cadre de
l’exercice de leur fonction continuent à
être
jugés par des tribunaux militaires. En d’autres
termes,
les policiers qui seraient amenés à se rendre
coupables
de la mort de Mapuche, comme ce fut le cas par le passé ,
seront
toujours jugés par des tribunaux militaires,
c'est-à-dire
par leurs pairs.
En outre, si l’Etat chilien cesse de demander
l’application
de la loi anti-terroriste, le ministère public,
entité
autonome du ministère de la justice chilienne, en charge de
mener à bien l’accusation, n’est pas
tenu de
s’aligner sur la position du gouvernement. De fait le
procureur
en charge du procès de Cañete ne prend aucune
mesure
allant dans ce sens. Au contraire, il choisit de persister dans son
accusation et demande au tribunal l’application de la loi
anti-terroriste.
Au-delà de ces modestes avancées, la principale
victoire
des grévistes a donc surtout résidé
dans la
capacité à rappeler à la
société
chilienne l’existence du peuple Mapuche, ses souffrances, sa
lutte pour la défense du territoire Mapuche (Wallmapu) et
les
injustices qui l’ont accablé depuis la mal
nommée
« Pacificacion de la Araucania », guerre
à feu et
à sang qui s’achève en 1883 par la
colonisation
totale du territoire Mapuche par l’Etat chilien.
La grève de la faim de la trentaine de prisonniers
politiques
Mapuches a été un moment de mobilisation sans
précédent du peuple Mapuche et de la
société chilienne, afin d’exiger la
satisfaction
des revendications des prisonniers politiques Mapuches.
C’est aussi dans ce contexte qu’en dehors du Chili,
en
France, en Allemagne, en Suède, en Italie, en Espagne, au
Canada, aux Etats-Unis et dans d’autres pays, des
défenseurs des droits de l’homme, des droits des
peuples
autochtones, des militants politiques et autres acteurs associatifs se
sont mobilisés pour exercer une pression sur
l’Etat
chilien afin qu’il cesse de criminaliser la lutte Mapuche en
l’associant à des actes terroristes. En se
mobilisant ces
différents acteurs ont aussi voulu rappeler à
l’Etat chilien ses obligations en matière de
respect
d’un certain nombre de traités internationaux dont
il est
signataire et qu’il bafoue dans sa relation au peuple Mapuche
.
C’est dans ce cadre qu’en France s’est
crée un
collectif de solidarité avec le peuple Mapuche regroupant
plusieurs organisations luttant depuis plusieurs années pour
le
respect des droits de l’homme, des droits des peuples
autochtones
et particulièrement du peuple Mapuche.
La grève de la faim terminée s’ouvre un
cycle de
procès politique dans plusieurs villes du Centre-Sud du
Chili
(Cañete, Angol, Temuco, Lautaro principalement)
où des
Mapuches sont accusés de délits terroristes dans
le cadre
de la lutte qu’ils mènent pour la
récupération de leurs terres et la reconstruction
de la
territorialité Mapuche.
Le premier de ces procès a lieu à
Cañete au
début du mois de Novembre 2010. Il concerne dix huit
personnes accusées de divers délits :
-Vols
de bois
-Vols avec intimidation,
-Incendies terroristes
-« Attaques » à des fonctionnaires de
police
-« Embuscade » à un procureur de la
République
-Association illicite terroriste.
Ces différentes accusations renvoient au conflit territorial
agitant les rives du Lac Lleu-Lleu depuis son occupation par
l’Etat chilien à la fin du XIXème
siècle.
Face à la criminalisation de la lutte Mapuche et
à
l’usage de la loi anti-terroriste, les prisonniers politiques
Mapuches accusés dans ce procès et leur famille
décident de faire appel à la
solidarité
internationale qui s’était manifestée
durant la
grève de la faim. C’est ainsi que nait
l’idée
d’inviter des citoyens du monde entier,
préoccupés
par le respect des droits de l’Homme, à observer
le
procès de Cañete. L’usage de la loi 18.
314 sur les
conduites terroristes laisse penser aux prisonniers politiques,
à leur famille et proches qu’ils
n’auront pas le
droit à un procès équitable.
Les observations, remarques et analyses qui suivent sont le produit
d’une mission de plus d’un mois au cours de
laquelle
j’ai pu assister à une vingtaine de
journée
d’audiences, discuter régulièrement
avec les
avocats de la défense, les familles et proches des
prisonniers
politiques, ainsi que les prisonniers eux-mêmes.
J’ai aussi
pu me rendre dans le territoire du Lleu-Lleu, connaitre et discuter
avec un certain nombre de comuneros habitant les communautés
qui
bordent le lac. Enfin, j’ai pu avoir accès
à un
certain nombre de documents, notamment le précieux travail
historique sur les demandes territoriales des Mapuches du Lleu-Lleu
réalisé par Martin Correa.
(...) Le
procès du ministère public
A première vue, le procès de Cañete
semble
régulier. On y observe plusieurs procureurs qui
mènent
à bien l’accusation et des avocats
chargés
d’assurer la défense des accusés.
L’entreprise Forestal Mininco ainsi que l’Etat
représentent les plaignants (« querellantes
»). La
dispute opposant accusation et défense est
arbitrée par
trois juges, qui doivent s’assurer du respect de la
procédure pénale et en dernière
instance rendre
leur verdict.
Toutefois, au fil des journées d’audience, des
interrogations et des contre-interrogations de témoins et
d’experts, des discussions avec les avocats et les
prisonniers
Mapuches la réalité du procès apparait
tout autre.
L’usage de la loi anti-terroriste a entrainé la
limitation
du droit à la défense et le ministère
public a en
partie élaborée son accusation en ayant recours
à
des méthodes illégales.
Le
droit à la défense limité
La limitation du droit à la défense
réside
principalement dans l’usage de la loi anti-terroriste. Comme
on
l’a dit, celle-ci permet au ministère public de
faire
usage de témoins secrets dont
l’identité est
inconnue à la défense. Afin de ne pas
révéler l’identité du
témoin, des
parties des déclarations prêtées par
celui-ci
auprès du ministère public ne sont pas fournies
à
la défense. Ainsi les avocats se retrouvent
privés
d’éléments indispensables à
la
réalisation de la contre-interrogation des
témoins
secrets.
Aussi, les déclarations prêtées par les
témoins secrets sont fournies très tardivement
aux
avocats de la défense, ce qui leur laisse peu de temps pour
construire leur défense. Par delà les
témoins
secrets, au cours de ce procès, les avocats de la
défense
ont pris connaissance du dossier de l’accusation tardivement,
ce
qui les a obligés à travailler dans la
précipitation, ce qui constitue une des marques de la
situation
d’inégalité dans laquelle ils se
trouvent par
rapport au ministère public.
La loi anti-terroriste permet aussi de maintenir sous silence pendant
dix jours les personnes détenues ce qui signifie que
celles-ci
ne peuvent avoir accès à un avocat. Pendant ces
dix
jours, certaines personnes non informées de leur droit
peuvent
être amenées à déclarer
certaines choses
indépendamment de leur volonté en raison des
pressions
qui s’exercent alors sur elles.
Condamner
à n’importe quel prix : la violation de la loi
Convaincu de l’existence d’une organisation
terroriste
autour du lac Lleu-Lleu, le ministère public a eu recours
à plusieurs reprises à des moyens
illégaux afin de
fonder son accusation.
Comme on l’a vu, les témoins secrets ont
été
amenés à déclarer à
plusieurs reprises. Ces
déclarations ont évolué au cours du
temps, des
noms ont été ajoutés,
d’autres ont
été retirés. Ce qui fait dire
à
l’avocat de la défense Pablo Ortega que le
ministère public a
délibérément
occulté certaines preuves au tribunal, toutes celles
n’allant pas dans le sens de son accusation.
Aussi, il est possible que certains témoins aient
été incités à
prêter certaines
déclarations en échange d’argent ou de
terres.
Pour inciter certaines personnes à témoigner
contre les
accusés, tous les moyens sont bons selon le
ministère
public. L’un des accusés du procès de
Cañete, Eduardo Cesar Painemil Peña,
n’a jamais
milité en faveur de la cause Mapuche. Le 15 Aout 2009, il
est
interpellé à son domicile. Il est
accusé
d’avoir participé à des incendies
terroristes,
alors même qu’à la date de leur
réalisation
il se trouvait à Rancagua où il travaillait comme
saisonnier dans les industries de fruit de la région.
Très rapidement, les fonctionnaires en charge de son
interrogation lui proposent d’abandonner les poursuites en
échange de déclarations où il
accuserait un
certain nombre de militants Mapuches. Il refuse et c’est
aujourd’hui pour cela qu’il est jugé. Le
ministère public a décidé de lui faire
payer son
indocilité. Pour avoir refusé
d’être
témoin secret, il est enfermé depuis
près de 18
mois et est menacé de 39 années de prison.
Un des témoins secrets étaient imputés
originellement de plusieurs délits pour lesquels sont
jugés les accusés. Le ministère public
a
cessé de le poursuivre en échange de son
témoignage. Dans ces conditions, difficile de lui attribuer
une
quelconque valeur juridique.
Il y a pire. En ce qui concerne les incendies terroristes desquels sont
accusés plusieurs des prisonniers politiques Mapuches,
certains
des témoins sont des personnes qui au moment de
prêter
déclaration étaient mineurs. La loi chilienne
affirme
qu’en aucun cas un policier peut enregistrer la
déclaration d’un mineur sans la
présence d’un
avocat. Or, il y a au moins trois personnes âgées
de moins
de 18 ans qui dans le cadre de ce procès ont
prêté
déclaration en dehors de toute présence de leur
avocat.
La police pour se défendre affirme qu’ils ont
renoncé à la présence d’un
avocat, or cette
option n’est pas prévue par le droit chilien.
Le 13 Janvier 2011, alors que l’accusation du
ministère
public touche à sa fin, un de ces jeunes, Rodrigo
Viluñir
Calbul, s’arme de tout son courage et brave la peur et les
menaces du ministère public. Appuyée par une
partie de sa
communauté, il décide de se rendre au tribunal
oral de
Cañete où il demande à l’un
des avocats de
la défense de signaler sa présence et de demander
au
tribunal d’avoir la possibilité de
s’exprimer. Cette
demande infondée juridiquement est refusée par le
tribunal. Toutefois, l’important est ailleurs. Rodrigo
Viluñir a décidé de sortir du silence.
Il est
l’un des 36 témoins secrets qui ont
déclaré
dans le cadre de ce procès. Toutefois, comme la
majorité
d’entre eux, il n’a pas été
appelé
à témoigner devant le tribunal, certainement
parce que le
ministère public était conscient de son
indécision
et des possibilités de volte-face du témoin.
Une fois l’audience terminée, dans le hall du
tribunal
s’improvise une conférence de presse. Devant
plusieurs
journalistes, des observateurs nationaux et les avocats, il raconte les
conditions dans lesquelles son témoignage a
été
incorporé à l’accusation du
ministère
public.
Il raconte que par une journée d’Aout 2009, sans
aucune
raison, alors qu’il se trouvait avec son père, les
carabiniers les ont interpellés. Ils ont
été
transférés dans des véhicules
séparés. Arrivé au niveau du lac
Lanalhue, les
carabiniers ont demandé à Rodrigo de descendre du
fourgon
de police et lui ont demandé s’il connaissait les
Mapuches
imputés de six incendies dans la zone du Lleu-Lleu et qui
sont
des comuneros de communautés voisines à celle de
Rodrigo
(...) Jusqu’à présent Rodrigo
Viluñir
n’a pas osé déposer plainte pour la
violence dont
il a été victime de la part de fonctionnaires de
police
dans le cadre de l’instruction de l’accusation du
procès de Cañete. Toutefois, son
précieux
témoignage achève définitivement de
disqualifier
les moyens mis en œuvre par le ministère public
afin de
fonder son accusation.
Conclusion
Ce qui se joue et se négocie au tribunal de
Cañete,
au-delà du procès de militants de la cause
Mapuche,
c’est le droit à un procès
équitable, une
dispute entre accusation et défense dont l’enjeu
est
l’approfondissement de l’Etat de droit qui souffre
de
nombreuses entorses dans le Chili post-dictature. Dispute sur fond de
luttes politiques : lutte contre le modèle
économique
ultralibéral qui sévit dans la région,
offrant des
milliers d’hectares de terres aux uns et condamnant les
autres
à la pauvreté, mais aussi lutte pour la
reconnaissance
des droits politiques du peuple Mapuche. Le «
contrôle
territorial » que n’a eu de cesse de stigmatiser le
ministère public dans ce procès ne fait que
renvoyer
à l’article 7 de la convention 169 de
l’Organisation
Internationale du Travail (OIT) qui prévoit que «
les
peuples originaires devront avoir le droit de décider de
leurs
priorités en matière de développement,
dans la
mesure où celui-ci affecte leurs vies, croyances,
institutions
et bien-être spirituel et les terres qu’ils
occupent ou
utilisent, et contrôler, dans la mesure du possible, leur
propre
développement économique, social et culturel.
»
Cette lutte, portée par des militants Mapuches et leurs
avocats,
dépasse en partie la cause Mapuche en venant remettre en
question la qualité de la transition démocratique
chilienne. Elle exige à la justice chilienne plus de
cohérence vis-à-vis des traités
internationaux
(convention 169 de l’OIT, pacte international des droits
civiles
et politiques ou encore déclaration universelle des droits
de
l’homme) dont l’Etat chilien est signataire.
Alors que les rapports des diplomates nord-américains
basés au Chili, rendus publiques par Wikileaks, affirment
sans
détour qu’il n’y a pas de terrorisme
Mapuche au
Chili, nous avons assisté pendant plus d’un mois
à
un procès où un groupe de Mapuches est
accusé de
terrorisme par le ministère public du tribunal de
Cañete.
Cette accusation de terrorisme infondée si l’on en
croit
les diplomates nord-américains, a pourtant permis au
ministère public de limiter le droit à la
défense
en utilisant les dispositions légales prévues par
la loi
18.314 sur les conduites terroristes. Elle lui aussi permis de
maintenir 12 hommes enfermés (prison préventive)
de 16
à 20 mois selon les cas, alors même
qu’ils
n’ont été condamnés par
aucun tribunal.
Nous avons acquis la conviction que l’instruction qui a
permis
d’établir les déclarations de
témoins
brandies par le ministère public comme autant de preuves a
été entachée
d’irrégularités :
pressions, menaces, tortures, subordinations et corruptions, autant de
pratiques qui disqualifient entièrement le
ministère
public et son accusation. C’est pourquoi il est
impératif
d’exiger la non-condamnation et la libération des
prisonniers politiques Mapuches jugés à
Cañete et
l’ouverture d’une enquête judiciaire sur
les auteurs
de délits dans le cadre de l’instruction de ce
procès.
(')
Michael Barbut, observateur international
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Haïti
: De l'urgence au relêvement
Soutenir la bonne gouvernance en Haïti après le
séisme? |
par
OXFAM, le 6 janvier 2011
L'action humanitaire déployée en Haïti suite au tremblement
de
terre du 12 janvier 2010 a atteint une complexité quasi inégalée à
ce jour. Pourtant, à l'approche du premier anniversaire de la
catastrophe, l'État haïtien et la communauté internationale
ont
peu progressé sur le plan de la reconstruction.
Les autorités haïtiennes doivent faire preuve d'une direction
stratégique plus forte et prendre des décisions en accord avec les
besoins les plus urgents de la population haïtienne. Elles
doivent
lancer des projets d'infrastructure publique synonymes d'embauches et
de développement des compétences, inciter les familles à retourner
dans leurs foyers ou allouer des terrains pour la construction de
nouveaux logements, et investir dans l'agriculture. Quant à la
communauté internationale, elle doit redoubler d'efforts pour soutenir
ces actions, en renforçant la capacité et la
responsabilité
des institutions haïtiennes.
Résumé
Le séisme qui a frappé Haïti le 12 janvier 2010 a
complètement
dévasté une nation insulaire déjà très vulnérable,
entraînant la mort de plus de 200 000 personnes et
détruisant
les maisons de plus d'un million de rescapés. En octobre 2010, un
second malheur affecte l'île : la flambée de choléra qui,
selon
les chiffres annoncés à la mi-décembre, a déjà touché plus de 122
000 personnes et fait au moins 2 600 morts.
L'aide humanitaire déployée au cours des 12 derniers mois a permis de
sauver un nombre incalculable de vies en fournissant eau,
assainissement, abri, aide alimentaire et autre assistance vitale à
des millions de personnes. Pourtant, à l'approche du premier
anniversaire de la catastrophe, ni l'État haïtien, ni la
communauté internationale n'a progressé notablement sur le plan de la
reconstruction.
La déception des nombreux Haïtiens qui espéraient une
reconstruction de leur pays sur de nouvelles bases, propices à de
meilleures conditions de vie est immense, mais pas si surprenante. Bien
avant le tremblement de terre, Haïti ajoutait à
l'extrême
pauvreté et aux fortes inégalités une instabilité politique
chronique et des institutions nationales faibles et corrompues. La
reconstruction suite à une catastrophe naturelle peut nécessiter
beaucoup de temps, même dans les pays développés. Au Japon
par
exemple, il a fallu sept années pour reconstruire la ville de Kobe
suite au séisme de 1995.
Toutefois, aucune montagne n'est infranchissable. Pour résoudre les
problèmes créés par le séisme, le nouveau gouvernement
haïtien
devra travailler de toute urgence avec la communauté internationale
afin de créer les conditions requises pour permettre aux personnes
déplacées de quitter les camps et de retrouver un emploi.
À l'écoute de la population haïtienne
Les autorités haïtiennes doivent progresser sur les domaines
prioritaires qui relèvent de leur seule responsabilité. Elles doivent
résoudre les questions juridiques freinant la reconstruction des
logements et le dégagement des débris. Elles doivent en outre prendre
des mesures pour encourager les personnes à regagner leurs
communautés et à construire des logements sur les sites existants ou
sur d'autres sites désignés.
L'État haïtien doit développer en priorité des programmes
d'investissement et un plan sur le long terme pour favoriser l'embauche
et le développement des compétences. Il pourrait s'agir de projets
d'infrastructures publiques nécessitant beaucoup de
main-d'œuvre, tels que des travaux de voirie et
d'approvisionnement en eau. L'État doit également mettre en place des
programmes de protection sociale, tels que des programmes de transfert
d'espèces ou de microcrédit, qui garantissent une aide à court terme
et génèrent une activité économique. Les bailleurs doivent soutenir
en priorité ces initiatives.
En Haïti, le pouvoir, les prises de décisions et les
richesses
sont concentrés dans la capitale Port-au-Prince, et ne concernent
qu'une infime minorité. Il est essentiel d'étendre et d'accélérer
le processus de décentralisation économique et politique afin de
permettre aux autorités locales de gérer les problèmes régionaux.
Suite aux élections contestées de novembre 2010, il convient
également de tout mettre en œuvre pour lutter contre la
corruption à tous les niveaux, instaurer un climat de confiance entre
les citoyens haïtiens et les autorités et davantage tenir
l'État
responsable des communautés et de leurs besoins. Les bailleurs,
agences des Nations Unies et ONG doivent travailler avec les
collectivités locales et soutenir ce processus.
Certains organes de l'État haïtien ont obtenu des résultats
plus
probants. C'est le cas de la DINEPA (Direction Nationale de l'Eau
Potable et de l'Assainissement) qui, avec d'autres services des
ministères de la Santé et de l'Agriculture et de nombreux maires, ont
démontré que les institutions gouvernementales pouvaient jouer un
rôle phare dans la reconstruction.
La voix des citoyens pauvres d'Haïti trouve très peu de
résonnance dans le processus d'élaboration des politiques qui
affectent directement leurs vies. En collaboration avec la communauté
internationale, les autorités haïtiennes doivent consulter,
communiquer et impliquer les citoyens dans les programmes et les plans
de reconstruction du pays. Les femmes doivent participer à ce
processus. Il est en effet indispensable de les associer au processus
décisionnel pour amorcer la transformation du pouvoir, de la
citoyenneté et de la démocratie. Les autorités haïtiennes
doivent s'investir davantage pour soutenir les efforts de millions
d'hommes et de femmes ordinaires luttant chaque jour pour améliorer
leurs conditions de vie et celles de leurs enfants.
Des
pratiques portant atteinte à l'État haïtien
La communauté internationale n'a pas suffisamment soutenu les
principes de bonne gouvernance et de leadership efficace en
Haïti.
De nombreux organismes humanitaires continuent de contourner les
autorités locales et nationales dans la fourniture de l'aide, tandis
que les bailleurs ne coordonnent pas leurs actions ou ne consultent pas
comme il se doit la population ïtienne et les principaux
ministères lors de la prise de décisions affectant l'avenir du pays.
La Commission Intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti
(CIRH) a
été créée en avril 2010 par l'État haïtien sous la
pression
de la communauté internationale, avec pour mission d'améliorer la
coordination, de renforcer la capacité de l'État et d'associer
bailleurs et gouvernement afin d'optimiser le processus de
reconstruction.
Malheureusement, la CIRH, sous l’influence considérable des
États- Unis, n'est jusqu'à présent pas parvenue à remplir cette
fonction. Elle doit s'investir bien davantage pour impliquer les
ministères, les autorités locales et la population haïtienne
dans le processus de planification et la mise en œuvre des
projets. À ce jour, elle ne compte que deux représentants de la
société civile haïtienne, sans droit de vote.
Les bailleurs doivent mettre fin au « bilatéralisme rampant
»5 et bannir les priorités et politiques souvent
contradictoires
qui gangrènent la CIRH. Ils doivent en outre faire preuve d'une
coordination plus étroite les uns avec les autres afin d'éviter toute
incohérence ou doublon dans le financement. Par exemple, des fonds ont
été débloqués pour construire des logements provisoires, mais
presque rien n'a été alloué au déblaiement des débris.
Les États donateurs doivent également honorer leurs engagements et
tenir leurs promesses pour reconstruire Haïti. En novembre
2010,
le bureau du Envoyé spécial des Nations Unies en Haïti a
indiqué qu'à peine plus de 40 % des fonds promis pour 2010 avaient
été versés.
Quelles que soient les faiblesses de l'État haïtien, il
demeure
l'autorité souveraine dont la participation est vitale pour répondre
aux besoins d'Haïti en termes d'urgence, de reconstruction et
de
développement. La tâche du nouveau gouvernement, suite aux
élections générales contestées de novembre, sera des plus
difficiles. Il aura cependant une opportunité historique de rompre
avec le passé et de reconstruire un avenir meilleur pour
Haïti.
Pour cela, les acteurs nationaux et internationaux devront redoubler
d'efforts pour renforcer la capacité, les politiques et la
responsabilité de l'État à l'échelle nationale et locale. Ni une
« république d'ONG », ni un gouvernement
fantöme
d'administrateurs, composé de bailleurs et d'institutions financières
internationales, ne pourront apporter des solutions durables à la
population haÏtienne. (...)
Lire la suite ou télécharger le
rapport OXFAM :
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En
Argentine, les habitants cultivent
pour sortir de la crise |

par Sophie Chapelle, 2 janvier 2011
En Argentine, la crise économique de 2001 a
généré un chômage et une
désespérance sociale sans
précédent. Pour y
faire face, la municipalité de Rosario a jeté les
fondements d’une véritable politique
d’agriculture
urbaine. Jardins communautaires installés en
périphérie, pratiques agricoles en biodynamie ou
encore
livraisons de paniers de légumes : c’est une
révolution alimentaire au cœur de la ville, qui
fait vivre
désormais des centaines de familles. Reportage.
Sur le bord de l’autoroute, ils sont plusieurs à
bêcher, arroser ou récolter. Nous sommes
à Rosario
en Argentine, à 300 km au nord de Buenos Aires. Dans le
bruit
sourd des moteurs, plusieurs hectares très bien entretenus,
où poussent légumes et fruits, jouxtent les
quartiers les
plus vulnérables de Rosario. Loin d’être
un lieu
isolé, ce jardin s’inscrit dans une
stratégie de
développement de l’agriculture urbaine
menée par la
municipalité depuis bientôt dix ans.
« Nous avons commencé en 2001 au moment de la
grande crise
argentine, mais depuis la fin des années 1980, nous
travaillons
sur le thème de l’agroécologie
», explique
Antonio Lattuca. Impliqué dans le processus depuis une
vingtaine
d’années, il est coordinateur du Programme
d’agriculture urbaine (PAU), qui dépend du
secrétariat à la promotion sociale du
gouvernement
municipal de Rosario. Dans les années 1990, face
à la
disparition de milliers de postes de travail, l’INTA,
institut du
ministère de l’Agriculture, lance le programme
Pro-Huerta.
L’idée ? Fournir à des groupes
d’habitants en
situation de grande pauvreté des outils de jardinage, du
matériel et des semences. Des terres
généralement
non constructibles se transforment alors en jardins communautaires dans
plusieurs endroits de la ville.
Organiser
la cession gratuite des terrains
La fameuse crise argentine de 2001 oblige la ville de Rosario
à
mettre les bouchées doubles. Face à un peso
dévalué au tiers de sa valeur et un taux de
chômage
exponentiel, l’INTA distribue de plus en plus de
matériel.
« Les conditions étaient réunies pour
jeter les
fondements d’un véritable programme
d’agriculture
urbaine, et la municipalité s’est
décidée
à suivre », relate Antonio.
De 2002 à 2003, un registre des terrains vacants dans la
ville
est établi. Un an et demi plus tard, en 2004, le maire de
Rosario approuve un règlement qui officialise la cession
temporaire de terrains aux fins d’agriculture urbaine. Afin
de
faciliter ce transfert, le gouvernement municipal exempte
d’impôts les propriétaires durant deux
ans. La
municipalité supprime aussi l’impôt pour
ceux qui
vendent sur les marchés. « Les élus ont
compris que
la pauvreté relevait d’une
responsabilité
collective qu’ils devaient prendre en charge »,
raconte
Maria Paulo Hoyos, la collègue d’Antonio.
Des agriculteurs sans terre,
chassés par la culture du soja
Au niveau national, un plan d’aide est lancé,
proposant
aux chômeurs 150 pesos par mois en contrepartie de
l’exécution de certains travaux. Nombre
d’entre eux
choisissent la voie de l’agriculture urbaine. Rapidement,
Rosario
compte plus de 800 groupes de jardiniers.
L’activité de
production s’est consolidée après la
crise,
essentiellement dans des espaces périphériques.
La particularité de Rosario ? « La population avec
laquelle nous travaillons, analyse Maria. Beaucoup sont des
agriculteurs qui ont été
déplacés
d’autres lieux du pays à cause de
l’avancée
du soja, par exemple. Très pauvres, souvent
analphabètes,
ils vivent ici sans pouvoir s’insérer dans le
marché. La seule chose qu’ils savent faire,
c’est
travailler la terre. » Pour l’ensemble des
jardiniers et
consommateurs rencontrés, le développement de
l’agriculture urbaine a bouleversé leur vie.
Près de 800 jardins
cultivés
« Étrangement, explique Antonio,
l’Argentine
n’a pas la culture des marchés à la
différence d’autres pays de
l’Amérique
latine. » Contre vents et marées,
l’équipe du
Programme d’agriculture urbaine (PAU) met en place en 2003
sept
marchés hebdomadaires dans différents quartiers
de
Rosario. Transport, auvents, nappes, planches, tréteaux,
tout
est pris en charge par la municipalité afin que les
jardiniers
puissent exposer sur les marchés. Le résultat est
inespéré. « Les producteurs pensaient
qu’il y
avait une dévalorisation des légumes dans notre
société, cela a donc été
une surprise
qu’ils puissent écouler leurs productions.
»
La commune fournit également des clôtures, creuse
des
puits et distribue des pompes à eau. La crise
passée,
certains abandonnent leurs jardins. Mais la municipalité
maintient son objectif : faire de l’agriculture urbaine une
source d’emploi et un moyen de réduire la
pauvreté
à Rosario. Le PAU compte aujourd’hui 640 jardins
pour la
consommation familiale et communautaire et 140 jardins qui
commercialisent sur les marchés.
Révolution alimentaire
Ces dernières années, des systèmes de
paniers,
« les bolsones », se sont aussi
développés.
Paula Rovetto en est très fière. La jeune femme
fait
partie de Vida Verde (La vie verte), le réseau des
consommateurs
de Rosario, qui propose de grands paniers avec entre cinq et huit kilos
de légumes de saison, provenant des jardins de Rosario.
Chaque
semaine ou tous les quinze jours, ils sont livrés
à
domicile ou retirés dans différents points de la
ville.
Dans le cadre de Vida Verde, Paula organise
régulièrement
des ateliers dans les écoles ou des visites dans les
jardins.
L’objectif ? Développer « une
consommation
responsable sur les plans environnemental, sanitaire et social
»,
explique-t-elle. « L’agriculture urbaine a
bouleversé les consciences. Elle a permis
d’insérer
les gens sans travail dans le réseau économique
et social
de la ville ». Dans les bureaux, c’est
également la
révolution alimentaire avec la vente de plateaux-repas. La
commune joue là aussi un rôle en fournissant les
locaux
où sont emballés les légumes.
Profitant de
l’engouement pour l’agriculture urbaine, une
chaîne
de supermarchés commercialise depuis février 2009
les
légumes et plateaux-repas dans un de ses magasins.
Jardins naturels et produits bios
Du côté du PAU, les formations
itinérantes se
poursuivent. « Nous nous rendons dans les jardins pour
enseigner,
de façon pratique et assez peu théorique
»,
explique Maria. Au menu : agroécologie, biodynamie et
produits
naturels. « Nous ne parlons pas "d’agriculture
biologique"
parce que cela supposerait le paiement d’une certification,
justifie Maria. Mais les jardins sont naturels : ils sont
préparés en grande partie manuellement,
compostés,
cultivés sans engrais ou pesticides chimiques. «
Un
changement culturel pour le jardinier lui-même
habitué
à travailler de façon conventionnelle. »
Le naturel fonctionne tellement bien qu’une marque, Rosario
Natural, a été lancée par la ville.
L’ortie,
l’aloès, la bardane, cultivées dans les
jardins,
sont à la base de produits de beauté
réalisés par différents groupes de
femmes. Ces
dernières ont reçu un coup de pouce de la
municipalité avec la remise à neuf d’un
entrepôt, sur les rives du fleuve Paraná. La
municipalité inscrit cette action dans le cadre plus large
de
promotion d’entreprises sociales de production et de
transformation des aliments directement issus des jardins de Rosario.
À moyen terme, une certification participative à
l’image du label Nature et Progrès en France est
envisagée à Rosario. L’idée
est de faire
participer les acteurs, ceux qui produisent et qui consomment. Une
façon de sortir de la logique du système, de
vivre de
manière saine et de consommer ce que nous produisons
à
proximité », explique Maria.
Une des dix meilleures pratiques du monde pour lutter contre la
pauvreté
Rosario a aussi créé une nouvelle typologie de
l’espace public avec les « parcs-jardins
».
L’espace manquait dans la ville pour développer
des
jardins. Et il existait un grand nombre de terrains non constructibles
en bordure des routes, des voies ferrées et des cours
d’eau, dont la réserve naturelle de Bosque de los
Constituyentes. La municipalité a accepté
qu’un
champ soit cultivé sur la réserve, à
condition que
les jardins soient attrayants. Aujourd’hui 160 agriculteurs
urbains travaillent sur six parcs-jardins, d’une superficie
totale de 20 hectares. Le dernier a été
inauguré
en juin dernier et rassemble trente familles produisant des
légumes, des fleurs, des plantes médicinales, des
arbustes destinés à la consommation familiale et
à
la commercialisation. Ce nouvel espace compte également des
zones de culture aux objectifs didactiques.
Pour Antonio, l’enjeu désormais est « de
renforcer
la participation de la société civile dans la
gestion des
parcs-jardins ». « Après quinze ans de
travail,
poursuit Maria, comment allons-nous soutenir toute cette
activité autour de l’agriculture urbaine ?
» Rosario
est à l’heure actuelle la seule ville en Argentine
ayant
une véritable politique publique dans ce domaine. Mais le
soutien pourrait venir de l’extérieur. En 2004, le
programme de l’ONU pour l’Habitat a reconnu le plan
de
Rosario comme l’une des dix meilleures pratiques du monde
pour
lutter contre la pauvreté, dans le respect de
l’environnement. Rosario a réussi un
développement
communautaire à la fois sain, équitable et juste
sur son
territoire. Pour Marco Morani, du service de coopération
italien
en Argentine, « cette décision du gouvernement
territorial
d’appuyer l’agriculture urbaine est rare et nul
doute que
nous avons en Europe et en Italie beaucoup de retard ».
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Argentine
: Le cauchemar des hommes violents
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par Marta Dillon, 1er janvier 2011
Ce
dossier « Féminismes autonomes » est
constitué de deux textes. Le premier, publié
ci-dessous,
a paru dans Las 12, le supplément du vendredi au journal
Pagína 12, le 28 juin 2002. Il présente une
manière collective, autonome et efficace pour lutter contre
la
violence dans les relations hommes-femmes. Le second est un entretien
avec María Galindo, du collectif bolivien Mujeres creando
[1],
qui est l’autrice d’un documentaire sur les femmes
de la
villa de Bajo Flores, évoquées dans le premier
texte.
Elle propose réflexions et témoignages sur les
luttes
menées par le collectif et la question du
féminisme.
Texte publié dans le numéro 28 de Mu, revue
mensuelle de
la coopérative de travail lavaca (septembre 2009).
Vicky, Alicia, Elsa, Cinthya : leurs noms sont connus de presque toutes
les femmes de la villa [2] de Bajo Flores et des environs. Parce que
beaucoup sont des femmes battues et maltraitées et
qu’elles ne trouvent de réponse ni
auprès de la
police ni auprès de la justice alors qu’elles en
trouvent
auprès de ce groupe de femmes qui s’occupe du
comedor
(cantine) Niños Felices [3] et qui, quand elles
reçoivent
une plainte de violence conjugale, accompagnent la victime et
surveillent le « cogneur » ; quelques fois
même, dans
des situations extrêmes elles vont
jusqu’à
l’affronter et s’il faut frapper, elles frappent.
Une ruelle étroite et sinueuse, boueuse en hiver, conduit
à l’intérieur d’une
cité sans murs
mitoyens ni égouts, sans cadastre ni taxes
immobilières.
C’est la villa 1-11-14, ou la villade Bajo Flores, la plus
grande
de Buenos Aires. Rasée par les excavatrices du plan
d’urbanisation de l’ancien maire Osvaldo Cacciatore
[4] et
reconstruite de nouveau, comme un arbre que l’on
élague
pour qu’il pousse avec plus de force. Là
s’agglutinent des dizaines de milliers de personnes
forcées de partager leur intimité dans tous ses
détails. Dans la villa, tout se sait. Dans la villa, les
secrets
sont comme des ballons maintenus en l’air parce que beaucoup
de
mains les poussent. Ce n’est pas différent de ce
qui se
passe dans d’autres vecindades [5], sauf que la
pauvreté
est comme une loupe qui expose et dénonce, on ne peut pas
perdre
son temps à dissimuler telle ou telle chose ;
l’urgence
est quotidienne, le reste n’existe pas. Les femmes du comedor
Niños Felices le savent bien, habituées
à prendre
ce passage tous les matins pour tenter de se procurer des
denrées auprès des commerçants. Elles
ont besoin
de compléter ce qu’elles reçoivent de
la
municipalité parce que les rations qu’elles
touchaient ne
suffisent déjà plus. Si en décembre on
recevait
200 enfants, maintenant ils sont 395. Mais aujourd’hui le
groupe
des femmes qui sortent ensemble du comedor ont un autre but et le
quartier le sait bien.
« On voit que nous sommes comme
transformées quand nous partons pour une
opération
commando » dira Alicia Almaza quand elle sera de retour et
racontera de quoi il s’agit. Maintenant elle n’a
pas le
temps, elle était en train de faire la cuisine avec ses
compagnes quand est arrivée une petite fille, haute de moins
d’un mètre, les joues rouges de froid et de peur.
Le papa
avait battu encore une fois la maman qui avait envoyé la
petite
fille chercher « les amazones », comme les appelle
le
curé de la villa. Elles y sont allées et elles en
sont
revenues, comme un groupe de choc entraîné et
unanime.
« Nous sommes allées sur un des marchés
qui
s’installe entre les ruelles de la villa du
côté de
l’avenue Cobo – c’est là que
ce couple a un
petit étal. Nous voulions parler avec l’homme,
mais le
type se moquait de nous, il faisait le malin, il ne nous
écoutait pas. Alors les femmes l’ont
cerné, lui ont
coupé le passage : « Nous voulons vous parler
» lui
ont-elles dit, là, devant tout le monde. Il est devenu
agressif
et alors – raconte Alicia –, Mabel n’a
pas pu
s’empêcher de lui flanquer une gifle.
Le type
essayait
toujours de s’enfuir et Vicky l’a
arrêté avec
un bâton entre les jambes. Nous voulions lui faire un
escrache
[6], car le pire pour l’homme qui frappe sa femme,
c’est
que tout le monde le sache. Mais c’est encore pire
d’être vu frappé par une femme.
Finalement, il
s’est calmé et nous lui avons parlé.
Que n’a
pas fait cet homme ! Il s’est mis à pleurer,
à
s’excuser, en promettant qu’il ne le ferait plus.
»
Alicia et Mabel ne l’ont pas trop cru, car elles sont
habituées à ce théâtre de la
repentance.
C’est pourquoi ensuite elles suivent l’affaire et
passent
par la maison de la famille pour voir comment vont les choses.
«
Car il faut aller jusqu’au bout, vider
complètement
l’abcès. Quand nous voyons la dame, nous la
saluons, comme
de vrais flics : “Comment ça va Madame, comment
ça
marche”. On voit qu’elle a peur parce
qu’elle nous
fait des signes, mais c’est la seule manière pour
que le
type sache que nous sommes là et qu’elle
n’a rien
à craindre ». C’est en cela que consiste
l’opération commando. Il s’agit
d’intervenir
directement dans des cas de violence conjugale parce que, quand on vit
tellement marginalisé, la justice a bien souvent un bandeau
sur
les yeux.
Alicia a un compagnon, mais ils ne vivent pas ensemble. Ses amies
l’envient beaucoup parce qu’ainsi elle a plus de
liberté et elle peut rentrer chez elle quand elle le veut.
Par
exemple, quand elle discute avec Salvador sur le travail que font les
femmes du comedor au sujet de la violence conjugale. « Lui
n’est pas d’accord parce qu’il dit
qu’au lit
tout s’arrange. Vous vous rendez compte ! C’est
quelque
chose qu’on dit beaucoup. On dit aussi que nous nous
consacrons
à séparer les couples. Mais ce n’est
pas ça,
ce qui se passe c’est que bien souvent il n’y a pas
d’autre solution ». Cette femme de 33 ans avec
trois
enfants est une des fondatrices du comedor Niños Felices,
qui a
commencé vers 1989, comme soupe populaire. En pleine
époque d’hyperinflation, trente femmes du quartier
se sont
retrouvées dans un Centre de l’Action sociale,
attendant
une distribution de nourriture. Après des heures de queue,
quelques unes avaient obtenu des lentilles, d’autres du lait,
d’autres de l’huile et de la farine. De retour dans
la
villa, elles virent que quelques unes n’avaient rien eu du
tout.
Avec neuf caisses PAN [7], elles commencèrent à
cuisiner
pour tout le monde dans une cour, dehors. Deux ans passèrent
ainsi à écouter le harcèlement des
critiques de
beaucoup de gens « qui les traitaient de gauchistes ou qui
les
accusaient d’être contre le gouvernement,
à ce
moment-là déjà celui de Carlos Menem.
« Cela
nous a fait beaucoup de torts, les camions venaient apporter des
marchandises et on ne reconnaissait pas que nous y avions droit, bien
que nous donnions à manger à de très
nombreuses
familles. Ils nous lançaient trois ou quatre paquets et nous
devions nous arranger, nous finissions toujours par pleurer
».
Avec ou sans larmes, elles continuaient à faire la cuisine
et
dans la vapeur de la tambouille elles commencèrent
à
parler de ce dont on ne parle jamais.
« Nous
étions
ensemble, mais nous ne nous étions pas rendu compte que nous
avions déjà ça : que c’est
bon
d’être ensemble. Nous avions beaucoup de
problèmes
semblables chez nous, avec les enfants, avec les maris ». La
majorité n’avait pas encore trente ans, mais la
vie avait
commencé trop tôt. Trois ans après la
mise en
marche de la soupe populaire, elles ont obtenu les matériaux
pour commencer à construire le comedor dans lequel Mabel,
Ruiz
et Alicia s’abritent aujourd’hui avec leurs
écharpes
de laine. Un tableau noir comme à
l’école sur
lequel on note les horaires de la journée orne la salle en L
qui
borde la cuisine. À une extrémité,
trois vieilles
femmes avec leurs jupes boliviennes attendent depuis plusieurs heures
qu’arrive leur tour pour déjeuner, juste avant que
les
enfants ne sortent de l’école et commencent
à
s’entasser devant la porte. « Peut-être
est-ce parce
que nous étions des femmes, nous avons toujours voulu en
savoir
plus sur ces choses-là. Cela nous intéressait
d’apprendre et nous en venions à parler de la
violence et
des insultes des maris. C’est pas juste qu’on te
traite
ainsi ». C’est pourquoi à la recherche
d’un
contact, elles téléphonèrent un matin
au
Secrétariat de la femme de la ville de Buenos Aires et on
leur
proposa d’organiser des groupes d’entraide
mutuelle.
« Même si, après, nous avons fini par
leur apprendre
des choses à eux », dit Mabel, 28 ans, parce
qu’« ils prétendaient nous dire comment
affronter
ces problèmes et nous disaient de porter plainte, mais pour
nous
ce n’est pas comme ça.
Jusqu’à ce qu’un
jour, est arrivé un homme qui poursuivait une femme et nous,
nous sommes sorties pour l’arrêter. Nous nous
sommes mises
devant lui et le type a fini par s’en aller. Nous, nous
n’avions pas peur parce que nous étions toutes
ensemble ;
mais quand nous sommes rentrées nous avons vu la femme
quasiment
sous la table, à quatre pattes et morte de peur. De toute
façon, les ouvrages qu’on leur a
prêtés leur
ont servi pour leur réunion et pour savoir que les insultes
sont
aussi de la violence, que le viol existe dans le mariage et que
dépenser l’argent qui devrait servir aux enfants
est aussi
une violence. « Tout cela on le sent bien, mais on ne sait
pas si
les autres vont nous comprendre. Parce qu’on nous a toujours
appris que le sexe était un droit des maris. Il est
fréquent qu’on te prenne par la force. Mais non,
c’est ton intimité ; ton corps, personne
n’a le
droit ». Et Alicia sait ce dont elle parle.
Elsa est la fille d’une des femmes qui au bout de la salle
attend
sa gamelle. Son cas a été l’un des plus
compliqués pour les femmes de Niños Felices.
D’abord, devant la nécessité de faire
quelque chose
de plus qu’écouter et consoler leurs compagnes,
elles
avaient décidé de ne pas laisser seule celle qui
souffrait de violence. Elles s’étaient
installées
dans une maison pour supporter ensemble les insultes d’un
mari
qui, « arrivait saoûl et n’avait pas
d’autre
chose à dire que : tu es une putain, tu ne fais rien de
bien, tu
es une trainée, et que sais-je encore. Un jour nous nous
sommes
mises en travers quand le type allait lever la main sur elle et sans
faire exprès, on l’a bousculé. Le type
est
tombé par terre et il a eu tellement peur que nous avons
compris
que, là, il se passait quelque chose ». Quelque
chose qui
fut mis en pratique dans le cas d’Elsa. « Elle
venait nous
chercher, elle avait sept enfants et lui, il cognait sur tout le monde,
même sur la mère. Nous lui avions
déjà
parlé et nous lui avions dit de s’en aller. Il
travaillait
à Cliba et il ne donnait pas d’argent pour nourrir
sa
famille, mais il ne voulait pas s’en aller. Un jour, la
grand-mère est arrivée avec un œil en
compote et
nous nous sommes rendues là-bas », se souvient
Mabel.
Comme c’était dimanche, nous
n’étions pas
très nombreuses, mais j’y suis allée
avec Vicky qui
est combative, parce qu’elle aussi était dans une
situation personnelle merdique. Lui était là, un
nain
insupportable et méchant. Quand nous sommes
arrivées, il
a voulu s’échapper, mais sa femme a mis le
cadenas. Nous
avions déjà tout fait, il y avait même
une plainte
déposée devant les tribunaux ; mais la justice ne
se rend
pas compte que le temps passe et que la vie est en danger.
Le
problème, c’est que, quand nous avons
commencé
à lui parler, il a grimpé sur le toit par une
fenêtre. Je l’ai attrapé par les pieds
et il
m’a échappé ; de là-haut il
nous jetait des
gravats, des morceaux de fer et tout ce qu’il y a sur les
toits
de la villa pour tenir les tôles. Finalement, il est descendu
et
s’est enfui par une ruelle en courant. Et là, nous
nous
sommes mises en colère, nous avons couru après
lui dans
la boue avec un bâton. Et moi qui avais des sandales blanches
et
qui ne voulais pas les salir ! » Ce n’est pas que
Mabel ou
Vicky aient comme objectif de tabasser les hommes ; ce qui arrive
c’est que très souvent elles ne trouvent pas
d’autres solutions, comme cette fois-là.
« Vicky le
poursuivait dans l’avenue Cobo et moi dans les ruelles ;
quand
nous l’avons attrapé, nous lui avons
donné une
raclée pour qu’il sache ce que c’est
»,
raconte Mabel. « Le pire, complète Vicky,
c’est que
j’étais en train de lui taper dessus quand une
patrouille
est passée. Le type a commencé à crier
que
j’étais folle et moi à dire que
c’était mon mari et qu’il
m’avait
frappée. Mais c’est lui qu’ils ont cru
et ils
m’ont arrêtée ; le type me saluait
pendant que la
patrouille m’emmenait. C’est que les policiers sont
aussi
des mecs et il semble que cela leur fasse mal aux couilles de
reconnaître qu’ils sont violents ». Le
lendemain, cet
homme devait se présenter devant le Tribunal de la famille
et
Mabel et Vicky y ont assisté sans avoir
été
convoquées. L’homme portait sur la figure les
cicatrices
de la veille ; elles parlèrent aux juges et
s’expliquèrent avec lui. Et le juge, cette fois,
s’est mis de leur coté. Ce fut une honte pour
l’homme que de jurer et de jurer encore que les femmes
l’avaient battu et de ne pas trouver d’autre
écho
que l’incrédulité. « Le fait
est que le
lendemain le type a déposé son salaire mensuel
pour que
sa femme la touche et il n’est pas revenu à la
maison. Et
il doit continuer à verser de l’argent parce que
c’est lui qui a du travail et les sept enfants sont aussi les
siens ».
Vicky s’est posée pendant des années la
même
question : « pourquoi suis-je capable de mettre un autre
dehors
en le tirant par les cheveux et que, lui, il me fait tellement peur ?
» C’est qu’elle en est arrivée
à pisser
sur elle seulement en sachant qu’il franchissait la porte.
C’est une femme de 32 ans, qui a trois enfants et qui a
appris il
y a peu le métier de cirujeo [8]. Elle a grandi dans des
foyers
et qui compte parmi les évènements de sa vie le
fait
d’avoir connu Pinky [9] et Enrique Olivera [10] –
quand il
était sous-chef du gouvernement de la ville – dans
un
refuge pour femmes battues. « Comme on a bien
mangé ce
jour-là ! J’y pense maintenant et ça me
fait monter
l’eau à la bouche ». Elle a
passé six mois
dans ce lieu dont elle n’imaginait même pas
qu’il
puisse exister. Son premier mari la battait ; le deuxième
aussi
« parce que si tu ne fais pas une thérapie, tu
continues
à mal choisir. C’est comme si ces types se
rendaient
compte de celles qui vont se laisser faire. Et avec moi
c’était facile parce que moi, j’ai
été
violée, j’ai été battue dans
les
foyers… Après, je me sentais aveugle et amoureuse
de lui.
Et lui trouvait le mot juste pour que je me sente en faute ; il me
semblait que c’était moi qui faisais tout mal
».
Les
compagnes de Vicky n’arrivèrent pas à
mettre son
mari dehors et au tribunal on n’ordonna pas
l’exclusion du
foyer « parce que, disait-on, ce n’était
pas une
vraie maison et que par conséquent on ne pouvait pas donner
l’ordre de justice. C’est dur de vivre dans la
villa !
» On l’emmena alors au refuge où elle
passa six
mois. Quand elle sortit, son mari avait vendu la baraque. On la
plaça dans un hôtel ; mais là, elle
n’avait
pas ce qu’elle estimait le plus : la solidarité du
quartier. « Nous sommes presque morts, mes trois enfants et
moi,
parce que nous devions nous nourrir en fouillant les poubelles et nous
nous sommes intoxiqués avec des sandwichs de pain de mie.
Nous
avons eu 40 de fièvre. Maintenant, je loue un lit dans la
maison
de ma belle-sœur et le type rôde par là,
je le
croise tout le temps ; il y a deux jours, il m’a mis une arme
sur
la tempe et il m’a dit que s’il me voyait avec un
homme, il
me tuait ». À cause de cela, elle sent
qu’elle a
perdu. Bien qu’il y ait eu un procès en justice,
«
c’est moi seulement qu’on emmerde ».
C’est moi
qui dois suivre un traitement psychiatrique et mes enfants sont sous
tutelle judiciaire. J’ai dû faire un scandale
devant les
tribunaux pour qu’on lui défende de
m’approcher. Et
pourtant, il s’approche toujours autant ! Qui va le chasser,
la
police?
La justice est une cochonnerie : à Noël,
je suis
allée voir une amie du refuge qui vivait dans la rue
Constitución parce que je lui avais promis
d’être la
marraine de mon fils. J’ai sonné à sa
porte et
j’ai demandé à parler à
Norma.
Aussitôt la mère est sortie en pleurant. Le mari
l’avait tuée, elle et l’enfant. En
avril, il lui
avait mis une arme sur la tempe, en juin elle était sortie
du
refuge et en décembre il l’avait tuée.
Il avait
même le droit de visite, ce type, pour voir
l’enfant
». Vicky a dans les bras un bébé
qu’elle
adore, le seul qui ne soit pas sous la tutelle d’un juge.
Après cet enfant, elle en a perdu un autre qu’elle
ne
voulait pas avoir non plus, « mais deux jours
après la
naissance de mon bébé, le type
m’obligea à
coucher avec lui. Ils croient que c’est ça qui
fait
d’eux des hommes, moi je devais tomber enceinte,
c’était ce qu’il voulait. Et bien
sûr, avec
vingt enfants, comment tu vas partir ? »
Cinthya s’est séparée de son mari alors
qu’elle était amoureuse et qu’elle avait
quatre
enfants. Elle le fit parce que, après un long temps
passé
à faire la cuisine avec ses compagnes, après les
avoir
écoutées pendant des années
à chaque
réunion du mercredi, elle s’est
décidée
à parler. Elle pensait que c’étaient
des
discussions ordinaires, propres aux personnes qui partagent la vie et
le travail. Le mari ne levait pas la main sur elle, alors elle
n’identifiait aucun problème qui ne puisse se
résoudre en privé. Cinthya répondait
au
téléphone dans la cantine, recevait les
communications du
Centre de santé n° 20 qui leur passait des cas
d’autres femmes battues et même elle assistait
à des
réunions mensuelles dans lesquelles on analysait comment
améliorer le travail en réseau entre
l’hôpital, l’école,
l’église, les
jardins d’enfants et le comedor. Mais quelque chose de ce
qu’elle écoutait faisait écho dans sa
mémoire quand elle arrivait chez elle. Son mari ne
travaillait
plus et ne faisait rien. Elle trouvait de temps en temps quelques
heures dans des familles, ce que font maintenant la majorité
de
ses compagnes du comedor et elle avait ses stratégies. Comme
elle savait tricoter, elle se mit un jour à confectionner
des
petits bonnets de laine. Ils se vendirent et elle acheta davantage de
laine. Quand elle était enceinte de sa troisième
fille,
elle se retrouva à porter de gros sacs chargés de
bonnets
pour les donner à broder et personne ne l’aidait.
Elle
revenait chez elle et les enfants n’avaient pas
mangé ;
tout était sens dessus dessous.
Et le mari ?
Allongé sur
le lit, il déprimait. « Il exerçait une
violence
psychique et verbale. Il m’insultait parce que je ne faisais
pas
bien les travaux de la maison. Si je lui faisais quelques reproches, il
se mettait en colère, il criait ». Quand est
né son
quatrième enfant, elle s’est
décidée
à parler dans ce groupe où elle a appris des mots
et des
concepts pour définir ce qui lui faisait du mal. Elle est
allée accoucher toute seule et quand elle est sortie de
l’hôpital, elle n’avait pour
l’accompagner que
l’aîné de ses jeunes enfants. Alors,
rien ne
l’a plus gênée ; aux réunions
suivantes, elle
a parlé comme si elle crachait un corps étranger
qu’elle portait comme un kyste. Et elle s’est
séparée de son mari. Comme toutes, elle
préfèrerait n’avoir pas à en
arriver aux
coups avec ces hommes habitués à frapper
à
l’endroit le plus faible. Elle
préfèrerait
qu’ils comprennent de quoi il s’agit,
qu’ils puissent
parler eux aussi et reconnaître combien eux aussi ils ont
été frappés. « Parce que les
hommes qui
battent leurs femmes, le plus souvent, ont aussi
été
battus. Ou bien ils ont vu comment on frappait leurs mères
». Mais les choses sont ce qu’elles sont et elle se
réjouit des quelques cas où les mots suffisent
à
mettre une limite.
« Les amazones » est une définition qui
les fait
rire. Sur les quelques trente femmes qui ont ouvert la soupe populaire
en 1989, il en reste dix qui travaillent activement, mais maintenant
elles font beaucoup plus que de mettre en commun la nourriture. Et ces
stratégies qu’elles ont inventées pour
se
protéger elles-mêmes et leurs voisines sont une
nouvelle
qui s’échappe des lèvres et passe de
bouche en
bouche. Plus d’une fois, on les a appelées
d’autres
quartiers pour qu’elles interviennent, et même de
la
province de Buenos Aires parce que l’ami d’une amie
en a
parlé. Mais, comment y aller quand on n’a presque
jamais
assez pour payer le bus. Le plus loin où elles sont
allées est Pompeya, où elles ont
organisé un
escrache à la porte d’un club pour
dénoncer un
coiffeur qui ne voulait pas donner à sa femme de quoi
acheter
à manger. C’était un homme dont on
parlait
même dans les revues, un homme de la clase moyenne, dit-on.
Elles
savent aussi comme tout le monde que ce dont elles parlent
n’est
pas le monopole de la villa. Dans la villa en tout cas, tout cela sort
au grand jour. On est habitué à être
toujours dans
des situations extrêmes : ces femmes ont appris à
frapper
aux portes des tribunaux pour passer par dessus la police qui les
maltraite. Si elles ont appris à donner des coups aux hommes
alors que les tribunaux détournent le regard,
c’est parce
qu’elles savent ce que c’est que survivre. Et parce
qu’un jour elles ont décidé de marcher
ensemble et
cela les a rendues fortes.
Notes :
[1] « Femmes créatrices »
[2] Quartier – note DIAL.
[3] « Enfants heureux » – NDT.
[4] Désigné par décret, Osvaldo
Cacciatore a
été maire de la ville (1976-1982) pendant la
dernière dictature militaire – note DIAL.
[5] L’équivalent en français serait
«
voisinages », même si, comme le fait remarquer
Gustavo
Esteva dans la note 2 de son texte, cela n’évoque
pas
grand-chose pour les francophones – note DIAL.
[6] Faire un escrache, c’est se réunir devant la
maison de
quelqu’un qu’on veut dénoncer comme
assassin,
cogneur, corrompu, etc. pour le dénoncer publiquement. Cela
s’est fait beaucoup en Argentine avec les militaires des
années de la dictature (1976-1983), spécialement
quand il
y eut une loi qui les protégeait et qu’ils
étaient
en liberté. Un groupe de personnes se rendait devant le
domicile
et criait pour faire savoir aux passants de quoi ces gens
étaient coupables. Au Chili, au lieu d’escrache,
on parle
de funa – NDT.
[7] PAN est mis pour Plan alimentaire national : il s’agit de
colis distribués par le gouvernement – NDT.
[8] Travail qui consiste à trier les déchets
récupérables dans les décharges
d’ordures.
En Argentine, cette activité est devenue très
importante
à partir de 2001, l’année de la faim :
on sortait
des poubelles tout ce qui était
récupérable,
nourriture, cartons, plastiques… Ce métier existe
toujours, mais on ne récupère pas de la
nourriture
seulement des cartons et du matériel
réutilisable.
Quelques-uns de ces « cartoneros » se sont
constitués en coopératives.
[9] Surnom donné à Lidia Satragno, journaliste,
femme
politique, actrice et animatrice de télévision
née
en 1935. Depuis 2007, elle siège comme
députée au
Parlement national – note DIAL.
[10] Enrique Olivera est un homme politique argentin. Actuellement
député à
l’Assemblée
législative de la ville de Buenos Aires (depuis 2005), il a
été sous-chef du gouvernement de la ville
(1996-1999), et
devint chef du gouvernement municipal après la
démission
de Fernando de la Rúa en 1999 (1999-2000) – note
DIAL.
Sources : Marta
Dillon, « La pesadilla de los golpeadores
»,
in
Las 12, supplément du vendredi au journal Pagína
12, 28 juin 2002.
Traduction
de Bernard & Jacqueline Blanchy
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