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   Sommaire de la page 4, année 2011

1 - Vidéo et audios, Disparus et terrorisme d'Etat en Argentine (1976-1983), Pantuana Tv
& Sénat - Interventions sonores de Sophie Thonon-Wesifreid et Gabriel Périès
2 -
Réforme ” à la chilienne” dans les universités colombiennes, Rosmerlin Estupiñan Silva
3 - Vidéo en ligne, Veronica VEGA "Partir un point c'est tout" (Cuba), Pantuana TV
4 - Carlos, l'histoire d'un barbouze vénézuélien sur le sol français
5 - 2 vidéos, Cuba : libertés, socialisme et autogestion? 
+   Pérou, les 90 premiers jours du Président Ollanta Humala, Pantuana Tv
6 - La gauche latino-américaine et la révolution arabe, Sami Naïr
7 - Processus de paix semé d’embûches pour la Colombie, entretien avec Marcelo Alvarez



Disparu-e-s et terrorisme d'Etat en Argentine



Disparu(e)s et terrorisme d'Etat en Argentine (1976-1983)
Des origines à aujourd'hui...  Extraits du film "La  Santa Cruz"

Cliquez ici !
(durée 32 minutes)

   Intervenants par ordre d'apparition :

- Alicia Bonet-Krueger, Présidente du Collectif pour la Mémoire en Argentine
- Michel Jeanningros, Familles françaises des disparus en Argentine

- Gabriel Périès, Politologue et Enseignant-chercheur

- Sophie Thonon-Weisfreid, Avocate et Présidente déléguée de France Amérique-Latine

- Marie-Noëlle Erize, Familles françaises des disparus en Argentine

- Gérard Tracol, Familles françaises des disparus en Argentine

- Michel Ortiz, Familles françaises des disparus en Argentine


Source : Pantunana TV - Décembre 2011 

Colloque au Sénat du 8 décembre 2011
Interventions (bandes sonores à télécharger ou à écouter)


  

Sophie Thonon-Weisfreid (37 minutes) :

  
Gabriel Périès (24 minutes) :
SENAT 2 - 8 décembre 2011.mp3




Réforme "à la chilienne"
dans les universités colombiennes
s



Rosmerlin Estupiñan Silva (*), mis en ligne le 14 décembre 2011


Au Chili, le mythe de l’éducation inclusive favorisant la mobilité sociale s’est brisé après la prise de contrôle de la finance sur le système éducatif. L’espoir individuel d’ascension sociale est anéanti par la réalité écrasante du chômage et du surendettement des familles, lié la plupart du temps à la nécessité, pour ces dernières, de contracter des dettes pour financer les études de leurs enfants.

Non loin de là, en Colombie, les secteurs financiers se préparent également à mettre la main sur l’enseignement supérieur. Le 3 octobre 2011, le ministère de l’éducation nationale a présenté devant la seizième commission de la Chambre du Congrès de la République le projet de loi 112/2011C dont l’objectif est de « réformer » l’enseignement supérieur en révisant l’ancienne loi 30/1992.

A cette occasion, le gouvernement dirigé par Juan Manuel Santos et le mouvement social pour la défense de l’enseignement supérieur se sont livrés à leur première confrontation. Résultat : le retrait provisoire du projet de loi, le 9 novembre 2011. Cette situation laisse ouvert le débat public sur le modèle d’enseignement souhaité en Colombie.

La réforme envisagée par le gouvernement constitue une caricature importée du système éducatif étasunien. Il s’agit, entre autres, de promouvoir le développement du modèle des universités mixtes de droit privé (article 37), l’augmentation des droits d’inscription (jusqu’à 20% selon l’article 149 du projet de loi), les gels d’augmentation du budget de l’enseignement (article 145), la fusion, sans le moindre contrôle de qualité, des instituts techniques et des universités (articles 57-59).

Le projet vise à soumettre l’enseignement supérieur aux milieux financiers. En pratique, un système d’emprunt est imposé à tous les niveaux pour les étudiants, les universités, ainsi que pour le ministère de l’éducation nationale lui-même. Si cette « réforme » voit le jour, l’endettement constituera la principale source de financement de l’enseignement supérieur (articles 152-162).

Depuis le 12 octobre, 32 universités publiques et 67 universités privées sont en grève, et le mouvement pour la défense de l’enseignement supérieur a multiplié les mobilisations dans les rues. Depuis, il ne cesse de se développer malgré le silence assourdissant des médias nationaux et internationaux.

A Cali, ce même 12 octobre, un étudiant en médecine, Jean Farid Chan Lugo, a été assassiné alors qu’il participait aux protestations au côté de 15 000 autres personnes. Deux universités publiques parmi les plus importantes du pays (l’université d’Antioquia et l’université industrielle de Santander) ont été investies par l’armée. Celle-ci y est toujours présente. Le bilan de ces interventions est lourd. Les étudiants blessés ou détenus se comptent par dizaines.

Les 19 et 26 octobre, ainsi que le 3 novembre, des audiences publiques télévisées se sont déroulées au sein du Congrès de la République. Un groupe de parlementaires a réussi à faire convoquer la ministre de l’éducation nationale afin qu’elle soit confrontée à la communauté universitaire (étudiants, professeurs, personnels administratifs, recteurs et parents) qui, depuis 7 mois, réclamait l’organisation d’un débat public. Le premier projet de réforme avait en effet été annoncé le 12 avril.

La montée de la pression a poussé le gouvernement du président Santos à annoncer, le 9 novembre, le retrait temporaire du projet de loi jusqu’à la prochaine session parlementaire qui débutera en juillet 2012, en échange de la levée immédiate de la grève. Ainsi, depuis le 16 novembre, le retour des étudiants dans les cours coïncide avec l’ouverture d’un débat sur l’avenir de l’enseignement supérieur colombien. L’enjeu est de taille : quel modèle de société souhaitons nous ?

Transposition du modèle chilien

Le gouvernement colombien essaie d’appliquer doctement les exigences de la finance, notamment celles formulées par la Banque mondiale. De ce point de vue, la Colombie inscrit ses pas dans ceux du Chili, mais va plus loin en faisant également siennes les exigences des États-Unis et de l’Union européenne (UE) contenues dans les traités de libre-échange (TLC) déjà signés (avec les États-Unis le 10 octobre) et à venir (avec l’UE en 2012 sous la forme d’un accord d’association).

Il suffit d’étudier le document intitulé Stratégie Éducation 2020 de la Banque mondiale pour se rendre compte de quelle manière cette dernière exige une réforme du système éducatif à tous les niveaux, la généralisation du modèle mixte à prédominance privée, la soumission de l’éducation aux besoins de l’entreprise et à la rentabilisation économique du système [1].

Déjà en 2002, lorsque l’ex-président Alvaro Uribe Velez avait imposé l’acroissement de la place de l’emprunt dans l’enseignement supérieur, le mouvement social avait montré qu’il s’agissait de renforcer les universités privées au détriment des universités publiques [2]. Aujourd’hui, les étudiants colombiens s’endettent sans aucune garantie de l’État en cas d’impossibilité de remboursement. Et ce, alors que les taux d’intérêt annuels pratiqués peuvent atteindre 12%, soit le double de ceux appliqués au Chili ! La conséquence, pour les familles colombiennes, est que les parents et les grand-parents doivent mobiliser tout leur patrimoine pour rembourser les dettes de leurs enfants étudiants.

Comme le montre le cas chilien, les jeunes qui entrent dans la vie professionnelle sont déjà endettés à hauteur de plus de 180% de leurs revenus (plus de 200% pour les plus pauvres d’entre eux). Lorsque les jeunes diplômés trouvent un travail, ils doivent consacrer environ 20% de leur salaire au paiement de leur dette pendant au moins 15 ans.

Pendant les quarante dernières années, l’enseignement supérieur en Colombie était considéré comme un investissement de la société pour former la conscience critique des citoyens et construire l’avenir de la nation. En 2011, le message envoyé par le gouvernement est clair : la Colombie n’a plus besoin de professionnels universitaires pour penser l’avenir du pays, mais de travailleurs formés pour appuyer sur les boutons de machines importées de transnationales étasuniennes et européennes.

La Colombie est le pays où le financement public de l’enseignement supérieur est le deuxième plus faible de l’Amérique latine : 0,3% du PIB pour 2012. A titre de comparaison, il faut savoir qu’en termes de budget investi, une année de corruption en Colombie représente deux ans de financement de l’enseignement supérieur, et que le coût d’une année de guerre dans notre pays en représente huit.

La réforme « à la chilienne » de l’enseignement supérieur en Colombie agit directement sur trois dimensions fondamentales : la qualité, l’autonomie et le financement.

Perte de qualité

Le rideau de fumée consistant à annoncer un maintien de l’offre éducative cache mal une réalité : le budget public annuel consacré à chaque étudiant en 2002 représentait 2 257 euros. En 2011, il n’était plus que de 1 317 euros. Avec la réforme, il passerait à 300 euros.

La réforme prévoit également la fusion des institutions techniques et universitaires, sans augmentation des budgets et sans préciser quels seront les objectifs qualitatifs de chaque institution.

Elle affirme la nécessité d’inverser la part des étudiants inscrits dans les filières universitaires et celle des inscrits dans les filières techniques : actuellement, 65% des étudiants sortent de l’université et 35% des institutions techniques et technologiques. Cette perspective est réellement préoccupante lorsque l’on sait à quel point l’enseignement technique est de mauvaise qualité en Colombie.

Enfin, seul 43% de l’enseignement supérieur colombien est public. Le gouvernement veut clairement s’appuyer sur le secteur privé pour développer ce secteur sans investissements publics.

Fin de l’autonomie universitaire

Pour arriver à son but, la réforme prévoit d’encadrer et de strictement conditionner les budgets des universités publiques. Il s’agit ici d’organiser la perte d’autonomie de ces dernières, l’incapacité de penser les programmes des filières en fonction des besoins de la société, l’impossibilité de décider de la qualité et des thèmes de recherche. Tout doit désormais passer sous le contrôle du ministère et être soumis aux règles de la concurrence et du marché (article 27).

Privatisation

Le budget de l’enseignement supérieur, s’il suit la voie du modèle chilien, serait désormais financé par des dispositifs d’endettement. L’Etat devrait assigner en justice tout individu emprunteur en cas de non paiement (articles 157-159). Les prêts, ainsi que leurs taux d’intérêt, seraient, eux, fonction de la santé financière de l’État. Cela signifie donc qu’ils seraient soumis aux aléas des crises économiques internationales et intérieures.

Par ailleurs, l’université colombienne devra s’ouvrir au marché à travers la constitution d’ « entités à capital mixte avec prédominance de capital privé » régies par le droit privé. Il s’agit d’une porte ouverte aux transnationales pour franchiser l’enseignement supérieur (dans le TLC signé entre la Colombie et les Etats-Unis, ce secteur est abordé au chapitre XI de l’accord).

Il faut savoir que l’enseignement supérieur en Colombie est déjà privatisé au niveau des Masters et du doctorat par le biais des frais d’inscription. D’où les vagues d’étudiants colombiens qui émigrent pour se spécialiser.

Pour sa part, la recherche est déjà largement privatisée à travers le mécanisme de vente de services aux entreprises. De plus, depuis la loi 30/1992, l’université publique a de moins en moins de professeurs permanents et de plus en plus de contrats à durée déterminée.

Quel avenir pour l’enseignement supérieur ?

La question posée aujourd’hui en Colombie est la même que celle à laquelle dut répondre l’enseignement supérieur en Europe à l’occasion des réformes mises en place dans le cadre du processus dit de Bologne. Il s’agit de savoir quel type d’éducation veulent nos sociétés : une éducation marchandise qui peut s’acheter et se vendre, qui doit générer du profit économique et de l’appropriation privée de la recherche publique ? Ou bien une éducation envisagée comme un droit garanti par l’État avec la solidarité des citoyens et qui doit défendre la liberté académique et l’autonomie pour garantir l’existence d’une conscience critique dans la société ?

Il s’agit aussi de savoir ce que nous souhaitons pour les nouvelles générations. C’est cette préoccupation qu’ont porté les mouvements étudiants chiliens, colombiens et européens lors de leurs luttes respectives. La vision qui assimile l’étudiant à du capital humain aboutit à ce que celui-ci ne soit pas considéré comme un citoyen en formation, mais comme un entrepreneur devant investir dans son propre avenir.

Enfin, ce qui se passe actuellement dans l’enseignement supérieur renvoie aux conséquences du modèle capitaliste financier dans tous les secteurs de la société : santé, logement, alimentation, etc. Le secteur financier cherche à mettre à contribution les générations futures pour accroître ses profits actuels. Il s’agit de créer une société d’endettés dans laquelle les étudiants constitueraient un groupe de choix.

Les faits sont têtus

Le gouvernement Santos utilise à fond le pouvoir des médias. Rappelons que le président est lui-même propriétaire du journal le plus important du pays, El Tiempo. Face à la résistance sociale, l’Etat a activé une propagande massive à la télévision, à la radio et dans la presse écrite pour « vendre » le projet de loi à l’opinion et qualifier ses opposants d’agitateurs anarchistes, d’ignorants ou d’irresponsables coûtant cher au Trésor public. Si l’on veut aborder ce dernier sujet, rappelons que 40 secondes de propagande financée pour désinformer la société équivalent au coût d’une journée de grève de l’ensemble du système public de l’enseignement supérieur.

Pendant que le Congrès approuvait le budget de la nation (18 octobre) et octroyait aux universités 26, 33 millions d’euros, c’est à dire uniquement 10% du budget nécessaire pour couvrir leur déficit, la ministre de l’éducation nationale assurait dans les médias que le gouvernement allait le renflouer avec la réforme.

Pendant que le gouvernement annonçait qu’il allait augmenter l’offre universitaire, il décrétait la fermeture de la faculté de médecine de l’Université nationale (l’université publique la plus importante du pays). Pour sa part, l’Institut artistique du département de Sucre a dû fermer ses portes car la Chambre du commerce estime que le timbre fiscal de soutien [3] à cet Institut réduit la compétitivité du territoire.

Pendant que le gouvernement augmente le budget alloué à chaque soldat ( 7 148 euros en 2011 et 8 276 euros en 2012), il prévoit de diminuer celui consacré à chaque étudiant ( de 1 316 euros à 1 203 euros).

Paradoxalement, le système éducatif et celui de la santé s’effondrent malgré la mise en avant d’une croissance économique de 4 à 6%.

Des alternatives sont possibles

Pour augmenter les ressources de l’enseignement supérieur, une réforme n’est pas nécessaire. Un investissement de 3 % du PIB garantirait un financement pérenne de l’offre de l’université publique. Il suffirait de 10% du budget national destiné annuellement à la guerre pour sortir l’enseignement supérieur du déficit. D’ailleurs, cette proposition a été présentée au Sénat par le groupe parlementaire du Pôle démocratique alternatif (PDA). Elle a immédiatement fait l’objet d’un rejet violent de la part de la coalition de partis alliés au président Santos, dite « Unité nationale ».

Malgré la propagande institutionnelle, il est clair que la réforme de l’enseignement supérieur, telle qu’elle est proposée, met en danger l’avenir du pays et celui des enfants de chaque famille colombienne.

Le fort besoin de résistance existant dans la société a contribué à une unité historique du mouvement étudiant. Aujourd’hui, la Table nationale étudiante élargie (MANE – Mesa Amplia Nacional Estudiantil-) est devenue le premier rassemblement des étudiants des universités publiques et privées depuis 1979. Elle est mobilisée autour d’un même objectif : les générations d’aujourd’hui ne permettront pas la marchandisation de l’université colombienne [4]. Le programme de la MANE met au centre de ses revendications la recomposition des valeurs du service public. Il s’élève contre l’intention du gouvernement d’exempter l’État de ses responsabilités en matière d’éducation supérieure.

Jusqu’à présent, les principales revendications des étudiants se concentraient sur le retrait du projet de loi et l’ouverture d’espaces de concertation sur le modèle d’enseignement supérieur souhaité pour le pays. La victoire obtenue le 9 novembre n’est qu’un premier pas dans la lutte pour l’existence d’un enseignement supérieur public au service de la société.

Au niveau de la formation technique, les protestations massives des étudiants du Service national de l’apprentissage (SENA) ont fait échouer, le 18 octobre, la proposition du gouvernement d’inclure le budget de cet organisme dans celui de l’enseignement supérieur afin de gonfler artificiellement les chiffres.

Les victoires du mouvement montrent que la bataille ne saurait se limiter aux murs du Congrès de la République où les possibilités de succès sont nulles, comme l’a rappelé Jorge Robledo, sénateur du PDA. Seuls 15 parlementaires s’opposent à la réforme, contre 260 qui font partie de l’Unité nationale.

C’est grâce aux mobilisations sociales qui se sont multipliées dans tout le pays que le Sénat a approuvé à l’unanimité la mise en place d’une négociation sur l’enseignement supérieur, et que le pouvoir exécutif, dans ce contexte, a demandé le retrait du projet de loi jusqu’à la session parlementaire de 2012.

Ce scénario nous rappelle un grand principe : il ne faut jamais oublier que la lutte dans la rue est une forme fondamentale de démocratie. La mobilisation continentale latino-américaine organisée le 24 novembre a montré l’importance de la question de l’éducation publique, gratuite et de qualité. En Colombie, des manifestations ont eu lieu dans 30 villes. Plus de 30 000 manifestants ont répondu présents à Bogotá et revendiqué l’enseignement supérieur comme droit pour tous.

La défense de l’université est une nécessité intergénérationnelle. Cette lutte nous implique tous, en Colombie et ailleurs dans le monde. Comme le dit Jairo Rivera, dirigeant étudiant colombien, il faut nous souvenir que l’université n’est pas un héritage de nos parents, mais un emprunt que nous faisons à nos enfants et petits-enfants. C’est à eux que nous devrons la rendre.

Rosmerlin Estupiñan Silva sera présente à Paris le mercredi 14 décembre afin de participer à la conférence-débat organisée à la Maison de l’Amérique latine à 20h50 sur les réformes universitaires (Colombie-Chili-France-Union européenne)

Notes :

(*) Avocate et docteur en droit. Ancienne dirigeante nationale de l’Association colombienne des étudiants universitaires (ACEU).

[1] The World Bank, Education Strategy 2020 - http://web.worldbank.org/

[2]  « Le plan de développement 2002-2006 ne fait pas mention du droit à l’éducation, n’indique pas non plus une stratégie pour développer l’éducation gratuite, ni pour réduire les coûts éducatifs. Au contraire, il utilise le principe du cofinancement assuré par les familles et les étudiants et acte le désengagement de l’Etat en matière d’obligations relatives aux droits de l’homme vis-à-vis de ses ressortissants. Le rapporteur spécial recommande une évaluation de l’impact de la « révolution éducative » sur le droit à l’éducation ». Extrait durapport spécial de Katarina Tomaševski (rapporteur spécial de l’Onu pour le droit à l’éducation) lors de sa mission en Colombie (1er-10 octobre 2003).

[3]  En Colombie, afin de pallier le manque de ressources financières allouées par l’État, l’estampilla (ou timbre fiscal de soutien) a été créé dans les départements. Il s’agit d’un prélèvement fiscal sur certaines démarches administratives et commerciales destiné au financement des universités ou d’autres entités publiques.

[4]  La MANE regroupe les organisations d’étudiants telles que l’Association colombienne des étudiants universitaires (ACEU-1998), la Fédération des étudiants universitaires (FEU-2002) et l’Organisation colombienne des étudiants (OCE-2001). Ces dernières comptent parmi les organisations les plus importantes au sein des universités publiques et privées de Colombie.

Source : Mémoire des Luttes




Partir un point c'est tout

Présentation du livre de VERONICA VEGA, "Partir un point c'est tout"

 
(Ediitions Christian Bourgois)

Cliquez ici ! (durée 11 minutes)

Un document vidéo sur Cuba et la ville d'Alamar… (11 minutes). "Roman de l'exil, vécu de l'intérieur."(Revue Technikart). Une initiative de la librairie "EL SALON DEL LIBRO" à Paris.

Traductions (du livre et de Veronica Vega) de Christilla Vasserot



Le document vidéo en espagnol  avec VERONICA VEGA :
Cliquez ici !

Licence Creative Commons - Non Commerciale. Pantuana TV Novembre 2011




Carlos, l’histoire d’un barbouze
vénézuélien sur le sol français…



Lionel Mesnard, le 28 novembre 2011

Mais qui est donc Ilich Ramirez Sanchez dit Carlos ?

L’histoire de Carlos dit aussi le chacal s’est terminée le jour ou un état, la France, et le jour où le Président Mitterrand ordonna son arrestation en 1994 avec l’appui du ministre de l’intérieur de l’époque Charles Pasqua. Le général Rondot organisa l’arrestation de Carlos au Soudan avec l’appui des services secrets, et le ramena devant la justice pour des crimes commis sur le territoire national.

Le 27 juin 1975, l’on dénombre trois morts à Paris. « (…) un habitant de la rue Toullier dans le V° arrondissement de Paris a vu une ombre. «J'ai vu un individu armé courir sur la passerelle qui joint les deux immeubles, sauter dans la cour, et franchir le mur de séparation du 11, rue Toullier. Cet individu s'est déplacé très vite dans l'obscurité.» C'est Carlos. Au numéro 9 de la rue, le Vénézuélien, encore pratiquement inconnu des services de police, vient de tirer cinq coups de feu. Il laisse quatre hommes à terre, touchés à la tête ou au cou par des balles de calibre 7,65. Trois morts: Raymond Dous et Jean Donatini, inspecteurs de la Direction de surveillance du territoire (DST), et Michel Moukharbal, l'un de ses amis libanais. Un blessé grave: Jean Herranz, commissaire de la DST. Condamné par contumace en 1992 pour ces faits, Ilitch Ramirez Sanchez doit s'asseoir aujourd'hui dans le box de la cour d'assises de Paris (…). »  (1)

Ilich Ramirez dit Carlos est incarcéré en France depuis son arrestation par les services secrets français au Soudan en août 1994, son premier lieu de détention fut la prison de la Santé (à Paris XIV° arrondissement). Il y séjournera une nouvelle fois pendant la tenue de son procès se tenant au Palais de Justice de Paris en cette fin d’année 2011. Carlos est né au Venezuela en 1949 et il est le fils d’un des fondateurs du Parti Communiste vénézuélien. Figure du terrorisme international, il est de nouveau depuis le début du mois de novembre 2011 devant une juridiction française, pour 4 attentats perpétrés sur le territoire national entre 1982 et 1983.

Les quatre attentats pour lesquels il est jugé en 2011 :

- L'attentat à la bombe du 29 mars 1982 contre un train assurant la liaison entre Paris et Toulouse, qui a fait 5 morts et 77 blessés;

- L'attentat du 22 avril 1982, commis rue Marbeuf à Paris, devant le siège du journal El Watan, qui a fait 1 mort et 63 blessés;

- Les 2 attentats du 31 décembre 1983 contre un TGV Marseille-Paris et à la gare Saint-Charles, qui ont fait 5 morts et 50 blessés.

Sous les verrous depuis 17 ans, Carlos a mené du 18 au 27 octobre 2011 une grève de la faim pour protester contre son placement à l'isolement. Isolement qui ne l’a pas empêché d’accorder des entretiens par téléphone depuis sa prison : une interview avant le 18 octobre pour la radio Europe 1 et une autre pour le journal vénézuélien El Nacional, les 27 et 28 octobre (2). En ce début novembre débute une nouvelle étape de l’examen des bains de sang possiblement commis par Carlos en France. Ou comment un homme a pu s’arroger le droit de tuer à l’aveugle au nom d’une cause se prétendant révolutionnaire ? On pourrait s’attendre à une procédure relativement classique sur pour des actes terroristes, mais le sujet de fond est ailleurs.

Carlos, un restant de la guerre froide ?

« La chute du mur de Berlin et l’effondrement du bloc de l’Est en 1989 allaient dégeler bien des secrets sur les faits et gestes du révolutionnaire rallié en 1970 à la cause palestinienne et aux objectifs du Front Populaire de la Libération de la Palestine de Georges Habbache. Les archives de la Stasi et celles du Pacte de Varsovie s’ouvraient dès août 1990 pour révéler les détails de l’implication de Carlos « traité » entre 1979 et 1985 par les services hongrois - la Hongrie a remis aux autorités françaises 67 dossiers de filatures et d’écoutes du groupe Carlos par ailleurs soutenu matériellement et financièrement par la « Securitate » roumaine. » (3)

Un tel personnage pourrait représenter le rebelle moderne, il n’en fut rien. Il a servi d’alibi à certains pays de l’Est et nations Arabes, anciennement satellites de l’ex. Union Soviétique. Le « je suis un professionnel de la révolution » de Carlos est abusif et soulève problème quant à son contenu (source Radio Canada). D’abord l’idée du professionnalisme ne cadre pas vraiment avec « la panoplie » du révolutionnaire? On pourrait s’attendre à une forme de désintéressement, si ce mot de révolution n’était pas lié à l’idée de vendre ses services. N’est-ce pas là une façon de légitimer ses gestes gagés et meurtriers? Et en quoi il est révolutionnaire de poser des bombes tuant des civils anonymes, peut-on se questionner? Nous sommes face à ce que l’on peut nommer un psychopathe, bien qu’il le réfute. Il a à minima les symptômes d’une pathologie le privant d’empathie. La compassion ou le regret sont chez lui aux abonnés absents. Il a excellé dans son rôle de tueur professionnel et il n’a jamais eu un mot de regret pour les victimes de ses crimes.

Les « luttes »  de cet homme ne proviennent pas d’un idéal de partage, mais d’une haine certaine de l’Humanité. C’est en tant que tel que nous devons observer cette réminiscence du passé, cet objet déliquescent du terrorisme. Qui se jouait d’état à état, de la fracture née des accords de Yalta d’un monde coupé en deux blocs depuis 1945. Ou comment un terrorisme se prétendant idéologique ou politique et d’inspiration « communiste » a fini avec le temps passant par s’en prendre à des populations civiles au nom du dogme religieux. Carlos s’est converti à l’Islam en 2001 en prison et n’a pas caché sa sympathie pour Ben Laden. Ilich Ramirez aime le sang et il ne se prive pas de le manifester régulièrement.

« Parmi les 1500 à 2 000 morts, il n'y a pas eu plus de 200 victimes civiles », a déclaré Carlos dans un entretien téléphonique réalisé le 27 et 28 octobre 2011 par El Nacional. (4) et (2) Carlos que l’on veuille ou non est un tueur, un « animal » sanguinaire, l’aura du révolutionnaire n’est pas de mise. Ce fut un assassin dangereux, cynique, le pire de ce qui fut un monde en guerre froide. Car Carlos est un pur produit d’avant 1989, un malfrat ou l’agent d’une puissance impériale de cette époque.  Quand les deux blocs (Etasunien et Soviétique) s’affrontaient, l’un et l’autre en coulisse et par nation interposée.

Carlos et ses derniers soutiens ?

Il serait le « digne héritier des plus grandes luttes menées jusqu'à présent pour la cause des peuples et de la justice des peuples ». (5) C’est une déclaration symptomatique du président Chavez, grand pourfendeur de l’Empire, et comment il conçoit des alliances des plus étranges pour quelqu’un se réclamant du camp progressiste. Une fois de plus, il apporte son soutien au criminel Carlos et met en doute un pays et sa justice, en oubliant ses propres préceptes de souveraineté. Ce qui avait déjà valu à Chavez, président de son état, de la part du gouvernement Fillon, Premier ministre de son ami Sarkozy, un rappel à l’ordre en 2009. Il récidive et apporte à nouveau un soutien plus que gênant et commet une faute politique injustifiable.

Dans la même veine son « porte-parole » en France (?), un certain Dieudonné, un presque intime de la famille Le Pen appelle à l’extradition de Carlos vers le Venezuela et explique : « Je suis là pour apporter humblement ma participation à un changement de société pour plus de justice et je pense que c'est le combat de Carlos pour la Palestine notamment» (6). Un changement de société, rien de moins et en toute humilité… Nous ne rêvons pas. Une « gauche » plus qu’incertaine est passée armes et bagages à l’extrême des droites. Rien d’étonnant que cet « humoriste » (plusieurs fois condamnés) vienne soutenir un quasi-frère « d’arme ». Car le procès de Carlos pourrait être aussi le procès de plusieurs générations ayant ouvertement soutenus un ou des ordres politiques criminels attentatoires aux principes les plus fondamentaux du droit à l’existence : la vie humaine.

Il importe de dénoncer cet ordre intangible des pousses la mort. Ils cherchent sous des prétextes grossiers encore de nos jours à tuer par la terreur ou à faire taire des expressions libres. Peu importe le motif politique, il n’a aucune crédibilité auprès la majorité des opinions publiques. Qui elles-mêmes majoritairement récusent la violence gratuite ou l’usage de la force terroriste. Nous ne sommes plus sous la férule des deux empires, mais certains facteurs persistants d’hier sont toujours là.

Chavez dans un rôle de revanchard d’une lutte perdue et passée à quelque chose de pathétique. Que Dieudonné soit devenu un de ses derniers relais en France, cela n’a rien de très surprenant. Il n’a pu échapper à personne les appuis répétés du Venezuela bolivarien à l’Iran, à la Syrie, et tutti quanti. Et comme par miracle, on peut ainsi découvrir sur les autoroutes de l’information quelques pieds nickelés du « brunisme-rouge » agissant sous nos cieux.

Que Chavez décide de s’attaquer à la justice française, il y a de quoi être tenté de lui répondre. Car il y a beaucoup à dire sur l’état des prisons en France, les conditions de vie des prisonniers notamment, ou d’une justice connue pour sa lenteur et condamnée plusieurs fois au niveau européen à ce sujet. On pourrait en retour demander au Président Chavez, ce qu’il en est des prisons et de la justice au Venezuela, et de sa corruption? Mais il y a peu de chance d’avoir une réponse…

De plus, la question est de savoir, si Ilich Ramirez Sanchez, citoyen vénézuélien est coupable ou non des actes qui lui sont reprochés ? Une Cour Pénale se prononcera à la fin de son procès parisien. De la manière dont s’est engagé de son côté la défense de Carlos, il y a de quoi rester perplexe. Tout donne à penser à un dernier grand show, une sorte de dernier tour de piste, de ce qui ne fut pas vraiment un artiste.

Carlos ou le parcours d’un barbouze…

Les conséquences de l’après 1989 amèneront Carlos à vendre ses services à des pays acteurs du terrorisme international (Syrie, Iran, Libye) et ne cachant pas certains liens  très contradictoires, pour ne pas dire ouvertement antisémites. C’est un phénomène de décomposition politique, qui tend à vouloir au nom de la lutte contre l’impérialisme embrasser et incorporer les droites les plus extrêmes dans le même échiquier, que les « nostalgiques » du mur de Berlin.

Pour reprendre une terminologie actuelle, Carlos cadre bien avec le fameux axe « rouges »,  « bruns » et « verts ». Ou, les franges les plus fanatiques et ultra-nationalistes des mouvements totalitaires du vingtième et du siècle présent. En clair, et pour totem : Mao et/ou Staline, Hitler et les mouvances du terrorisme islamiste, avec les mêmes luttes et les mêmes objectifs dans un monde pactisé contre le Lucifer Yankee. Une partie de ce beau monde  a pris terreau sur la guerre en ex.Yougoslavie permettant des recompositions politiques assez stupéfiantes. Heureusement en l’état, pour le moment, ceci reste à un stade groupusculaire. Mais relativement présent sur la toile francophone pour se questionner sur un tel phénomène.

Le constat ne date pas d’hier et justement vers qui s’est tourné Illich Ramirez par après la guerre froide ? Si ce n’est une des pièces du néo-nazisme en Europe en la personne de François Genoud (mort en 1996) « Connu pour son rôle de banquier du nazisme, exécuteur testamentaire d’Hitler et de Goebbels », et comme « financier des combattants palestiniens » (7). Carlos pour lequel et sans succès, François Genoud cherchera un asile, en Iran et en Algérie. L’on peut comprendre que l’on est loin d’un idéal de paix et de justice. Le parcours du terroriste Carlos est un mélange de recherche de financement passant par les pays de l’Est, puis le Moyen-Orient et l’Afrique de l’Est. Le seul but fut de tuer des victimes innocentes au nom d’une idéologie éclatée ou sans objet réel autre que l’argent. En langage courant, Illich Ramirez restera comme un tueur à gage, en d’autres termes, c’est un barbouze, pour reprendre un mot très connoté en terre africaine auprès des services secrets français.

Carlos et  les ombres du passé

Si l’on examine un peu les conditions de détention du sieur Carlos, il dispose d’un statut pas vraiment commun. C’est-à-dire, une cellule individuelle pour son nouveau séjour à la Santé. Ce qui est loin d’être le cas de la majorité des prisonniers en France. Ce qui peut surprendre, c’est sa facilité à échanger par téléphone à l’extérieur. Ce n’est pas la première fois, qu’il communique ainsi avec des médias, il en est coutumier. Par ailleurs ce dernier s’est infligé quelques jours de jeûne, on pourrait presque en avoir la larme à l’œil… La mascarade médiatique est à proprement parlé indécente.

Allez savoir si l’on doit s’enorgueillir de ce nouveau procès à Paris pour ce triste individu ? C’est tout à l’honneur de la justice et en même temps son rôle premier. On en oublierait les 11 morts et la centaine de blessés, pour ce qui sera son dernier coup médiatique, sur les « 2000 morts » potentiels. Si l’on reprend les propos de Carlos.

Il est difficile de le voir ailleurs, qu’en prison. Il a déjà été condamné et s’il faut en droit français qu’il revienne sur l’ensemble de ses meurtres commis en France, c’est un processus essentiel pour les familles des victimes, mais pas seulement. Ce fut aussi une tranche d’histoire, certes sordide, mais dont l’examen est nécessaire. « Deux voyageurs, Marak Skwirut, un Polonais de 38 ans, et Makhlouf Maouche, un Algérien de 25 ans, sont déchiquetés. Le cratère laissé fait un mètre de profondeur. On dénombre 34 autres victimes dont 7 grièvement mutilées. Quasi simultanément explose à Tain-L’Hermitage une bombe qui coupe en deux le TGV Marseille-Paris (3 morts, 13 blessés). » (Source La Marseillaise. fr )

Que l’on puisse encore se réclamer de telles idéologies punitives à quelque chose de navrant. Que l’on fasse de Carlos la victime expiatoire de la lutte pour les palestiniens, c’est le comble du cynisme. Carlos n’a jamais agi en faveur des peuples arabes, sa seule obsession et dans sa ligne de mire fut et demeure l’ennemi « sioniste ». Un petit pré carré où l’on retrouve tout ce qui voit à chaque rue de rue un complot du même ordre, mais qui fait silence sur l’odieux, sur ce qu’il y a de plus abject dans l’âme humaine.

L’usage de la force ou des armes ne règle jamais rien, cela ne participe qu’à conforter les situations conflictuelles et aux déséquilibres. Et cela finit toujours par servir et propager la barbarie et renforcer les inégalités. Si, le crime gratuit et de cette nature venait à emporter des victoires, ou ce que l’on nomme le « terrorisme », ce serait un crime contre notre humanité consciente. Carlos n’est pas un résistant à l’ordre impérial, ce fut un exécutant de basse-œuvres, rien de plus.

Quand le cinéma et les actualités s’en mêlent…

Le travail cinématographique d’Olivier Assayas, hautement désapprouvé par l’acteur bien réel de cette histoire, est en soit un hommage à un grand réalisateur, faut-il souligner. Un cinéma certes de fiction, mais vraiment incommodant pour notre obligé et restituant bien le parcours de Carlos à travers ces années de courses permanentes. L’histoire politique chacun peut la lire comme il veut, mais l’ouverture de son procès en novembre 2011 doit mettre en garde face à la grandiloquence, au tragique du personnage. Carlos aime se mettre en scène, et en ce domaine il a été servi.

Carlos fait parti de ces « êtres » qui se sentent un destin, quitte à en oublier la vie des autres. Ce type de « psychopathie » est dans la toute puissance. Et ce n’est pas mon procès - doit-il se dire -  dans sa petite cellule de la Santé… Au regard de la loi française sa réclusion a été déjà été prononcée à perpétuité, depuis sa première condamnation en 1997. En droit français, ça ne change rien à son sort et l’on peut s’en satisfaire. Même si l’on porte sur l’enfermement un jugement très critique. Carlos va nous faire son dernier show, on peut simplement espérer de ne plus en entendre parler, du moins de mieux comprendre ce bric à brac idéologique pour s’en prémunir. Mais attention à ce que la prolifération de ce type de discours ne se banalise ou puisse se réclamer de la gauche ou du progressisme.

C’est même un certain Lénine, qui n’hésita pas en son temps, à dénoncer la maladie infantile du communisme. Mais c’est une autre histoire et ce fut il y a longtemps... Que cela plaise ou nom au président Chavez, c’est une victoire de l’état de droit, et un droit de réparation que demandent les victimes à l’auteur pour quelque temps présumé qui importe. Et qu’il ne compte pas vraiment sur le retour de son compatriote avant quelque temps, ne lui en déplaise !


Annexe chronologie de l’incarcération de Carlos en France (7) :

(…) Il est transféré à la centrale de Saint-Maur le 17 octobre 2002.

En prison, il se convertit à l'islam. Lors d'une cérémonie musulmane en 2001, Ramírez Sánchez se marie religieusement avec son avocate, Isabelle Coutant-Peyre, alors qu'il était toujours légalement marié à Lana Jarrar, sa seconde femme disparue dont il serait sans nouvelles.

En novembre 2001, il déclare « J’ai eu un profond soulagement en voyant les héroïques opérations de sacrifice du 11 septembre 2001 »13. Il publie une autobiographie en juin 2003, intitulée L'islam révolutionnaire. Dans ce livre, il soutient Oussama ben Laden et ses attaques contre les États-Unis, ainsi que Saddam Hussein pour avoir résisté aux États-Unis, appelant celui-ci le dernier chevalier arabe.

Fin 2003, il correspond avec l'écrivain français Marc-Edouard Nabe, qui lui offre une tribune mensuelle dans son journal La Vérité. Dans son premier billet, publié en novembre 2003, il y est mentionné en tant qu'« analyste politique le plus digne de ce temps ». Cette correspondance journalistique ne durera que l'espace de 4 numéros (de novembre 2003 à février 2004). Les sujets embrassés vont de la critique littéraire du 'Printemps de Feu' de Marc-Edouard Nabe, jusqu'aux interventions occidentales en Irak et leurs futures répercussions en Libye.

En mars 2004, il est transféré à la prison de Fresnes. Détenu à l'isolement du 15 août 1994 au 17 octobre 2002 pour des raisons de sécurité, il conteste cette décision en justice en 2005. Un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 4 juillet 2006 conclut que, compte tenu de la personnalité du détenu, l'isolement ne constituait ni une mesure excessive ni un « traitement inhumain ou dégradant », mais qu'en revanche l'absence de recours, en droit français, contre les décisions d'isolement, constituait une violation de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) qui donne le droit à un recours effectif.

Le 5 janvier 2006, Carlos est transféré à la prison de Clairvaux. Il est actuellement incarcéré à la maison centrale de Poissy dans les Yvelines.

En mai 2007, le juge Jean-Louis Bruguière ordonne un nouveau procès contre Carlos concernant des faits de « Meurtres et de destructions de biens à l'aide de substances explosives » ayant eu lieu en France en 1982 et 198319.

En février 2009, il écrit de sa prison au président américain Barack Obama afin d’intervenir pour retrouver la trace de son complice suisse Bruno Bréguet.

En mai 2009, il apporte son soutien à la liste antisioniste que Dieudonné présente aux élections européennes du 7 juin 2009 afin de dénoncer ce qu'il voit comme de la barbarie israélienne envers les Palestiniens.

Le samedi 21 novembre 2009, Hugo Chávez a fait l'éloge de Carlos. Prenant la parole à Caracas devant un congrès international réunissant des représentants de partis de gauche, le président vénézuélien a qualifié son compatriote Ilich Ramirez Sanchez de héros révolutionnaire et prend sa défense : « On l'accuse d'avoir été un terroriste. Mais il fut en réalité l'un des grands combattants de l'Organisation de libération de la Palestine. Il a, je le pense, été injustement condamné. On l'accuse de choses dont il n'est pas responsable ».

En mai 2010, il intervient auprès de son avocat pour dénoncer les inexactitudes du film Carlos d'Olivier Assayas, triptyque de 5 h 30 consacré à sa vie. Il indique que ce film comporte des inexactitudes et des falsifications. Il cite notamment le cas de la prise d'otages du siège de l'OPEP à Vienne en 1975, prétendument attribuée à Saddam Hussein dans le film alors qu'il affirme que c'est en réalité le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi qui en serait à l'origine. (…). (Source Wikipédia)


Notes et  sources de l’article :

(1) Libération.fr, décembre 1997
(2) El Nacional.com, novembre 2011
url :  http://www.el-nacional.com/noticia/8465/23/Ilich-Ram
(4) La Marseillaise.fr, novembre 2011
(5) AFP - Le Nouvel Observateur.com, novembre 2011
(6) et (5) Le Parisien.fr, novembre 2011
(7) Wikipédia.org

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Les archives vidéos :  
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1 - Cuba : libertés, socialisme et autogestion ?

Dans le cadre de l'émission "Tribuna Latina" de Radio Libertaire,
un échange sur Cuba animé par Nestor Vega et Lise
Un document vidéo de 54 minutes

Invités : Karel Negrete, pour l'Observatoire critique de La Havane et Daniel Pinos, journaliste au "Monde libertaire" et écrivain

2 - Pérou, les 90 premiers jours d'Ollanta Humala

"Tribuna Latina" de Radio Libertaire animé par Nestor Vega et Lise
Un échange sur les 90 premiers jours du Président Ollanta Humala au Pérou.

Un document vidéo de 18 minutes

Invité : Sergio IZAGUIRRE, sociologue et responsable du Comité Solidarité Pérou

Sources : Pantuana Tv - Octobre 2011




La gauche latino-américaine
et la révolution arabe



Sami Naïr (*), le 15 octobre 2011


(*) Ancien député européen, professeur à l’université Pablo de Olavide, Séville

La révolution démocratique arabe n’a pas seulement surpris le monde. Elle a aussi bouleversé les paradigmes traditionnels de la gauche qui, pas plus que la droite, n’a pu la pressentir. En Europe, malgré quelques hésitations, la gauche, radicale ou social-libérale, a en général réagi positivement, saluant cette irruption des masses comme un événement de portée historique. Ce n’est malheureusement pas le cas de la plus grande partie de la gauche radicale latino-américaine. Il n’est pas question, ici, de généraliser car cette gauche regroupe des éléments aux différences souvent contrastées. Toutefois, au cours du colloque organisé à Buenos-Aires (8 et 9 septembre 2011) par Capital Intelectual, Le Monde diplomatique Cono Sur et Mémoires des luttes, les participants européens ont été très surpris de voir leurs amis latino-américains (pas tous heureusement) donner l’impression de défendre des positions qu’on a plutôt l’habitude de lire sous la plume des thuriféraires des dictatures dans le monde arabe.

En gros, Ignacio Ramonet, Bernard Cassen, Pierre Conesa, Santiago Alba, la journaliste palestinienne Dima Katib et l’auteur de ces lignes, parce qu’ils soutenaient les révolutions démocratiques arabes, étaient accusés de naïveté, et, n’eût été la courtoisie des échanges, presque de complaisance envers l’impérialisme occidental ! Le fait que l’OTAN fût impliquée dans les bombardements en Libye discréditait par avance leurs tentatives de faire comprendre la légitimité de la révolte contre la tyrannie de Kadhafi. Quand aux révolutions en Tunisie et en Egypte, à en croire des intellectuels venus du Venezuela, du Brésil et d’Argentine même, elles ne seraient que des « mouvements sociaux violents » et surtout pas des révolutions ! Fathi Chamkhi, universitaire et syndicaliste tunisien présent, acteur de la révolution, en suffoquait d’indignation… Plus grave encore, tout semblait se passer comme si la défense de ces révolutions pouvait conduire, sans le savoir, à accepter de possibles interventions impérialistes contre certains gouvernements actuels en Amérique latine.

Cette façon de voir est tout simplement consternante. Elle repose sur plusieurs erreurs graves.

Premièrement, l’analyse est fondée sur le préjugé que ces révolutions, n’étant pas dirigées par des partis révolutionnaires ou des « avant-gardes », ne peuvent que renforcer les forces de la réaction mondiale. C’est ne rien comprendre. Il est vrai que l’onde démocratique arabe ne ressemble ni à la révolution russe de 1917, ni à la Révolution française de 1989, ni à la Révolution chinoise, ni aux soulèvements en Amérique latine dans les années 1950 et 1980 du siècle passé. En revanche, elle s’assimile parfaitement aux insurrections civiles antitotalitaires dans les pays de l’Est après la chute du mur de Berlin. Ce sont des révolutions du droit, de la dignité, du progrès social et de la liberté identitaire. Ce sont surtout des irruptions de sociétés qui se sont autonomisées par rapport aux élites autoproclamées et qui ne trouvent leur inspiration qu’en elles-mêmes.

Certes, elles n’ont pas de programme préconçu, mais elles le fabriquent dans la lutte. Elles sont incapables de conquérir le pouvoir immédiatement ? Elles créent, en attendant, une situation de double pouvoir face à l’Ancien régime qu’elles combattent pied à pied, quotidiennement. Elles peuvent gagner mais elles peuvent aussi perdre : rien n’est joué d’avance pour elles. Elles sont à la fois démocratiques et grosses de revendications sociales radicales. Vouloir les enfermer dans une définition qui leur donnerait un brevet de révolution, c’est non seulement faire preuve d’un pédantisme hors de propos, mais encore insulter des peuples qui affrontent la mort parce qu’ils veulent vivre librement.

Deuxièmement, si l’OTAN est intervenue, c’est sous mandat de l’ONU et dans un cadre parfaitement limité, empêchant que la France et la Grande Bretagne, dont on connait les intérêts néocoloniaux, ne le fassent seules. Cette intervention, qui a sauvé d’un massacre certain les populations civiles de Benghazi par l’armée de Kadhafi, a, de fait, renforcé la volonté de résistance des libyens partout dans le pays. Elle a aussi encouragé le processus révolutionnaire dans le monde arabe. La preuve inverse est fournie par la tragédie de l’absence d’intervention de la « communauté internationale » en Syrie, où les populations civiles qui manifestent pacifiquement sont livrées aux crimes barbares de la soldatesque de Bachir el-Assad.

Quand donc les bonnes âmes révolutionnaires comprendront-elles que les régimes militaires arabes sont ce qu’il y a de pire pour les peuples arabes ? Que ces peuples en ont assez de végéter sous les bottes de tyranneaux de comédie, ignares et mafieux ? Au nom de quelle idéologie, de quelle raison d’Etat, de quelles alliances internationales doit-on sacrifier la liberté de ces peuples ?

Troisièmement enfin, sans parler de Moubarak, de Ben Ali ou de Saleh, fidèles serviteurs des Etats-Unis, d’Assad, suppôt des deux intégrismes les plus rétrogrades d’aujourd’hui au Moyen Orient (Arabie saoudite et Iran), c’est une farce de bien mauvais goût de faire croire que Kadhafi est un « ami » des révolutions latino-américaines. La vérité est qu’il a vendu à certains mouvements latinos-américains le mythe qu’il était un révolutionnaire anti-impérialiste, alors qu’il n’était qu’un criminel pour les Libyens.

Car ce tyran a détruit, en quarante ans, l’Etat libyen créé par l’ONU ; il a persécuté, fait emprisonner et assassiner les principales figures de l’opposition de gauche, des dirigeants démocrates et des militants des droits de l’homme ; il a favorisé, comme jamais dans l’histoire, des populations arabo-africaines du désert et, à coups de milliards de dollars, le tribalisme le plus rétrograde ; il a transformé la nation libyenne en une prétendue Jamaharya (république des masses !), instaurant une relation de domination fondée sur la terreur et l’arbitraire absolu ; il a pourchassé cruellement les Palestiniens, à qui il conseillait de se « jeter à la mer » ; il a livré le pays à ses frasques guignolesques et à la voracité de sa famille mafieuse ; il a acheté et corrompu des régimes dictatoriaux africains et s’est fait proclamer « Roi des rois » en Afrique.

Par ailleurs, il a mis en place des camps d’internement des immigrés clandestins africains dans le territoire libyen en échange de l’appui politique de l’Union européenne. Pur comble, il est devenu le supplétif de l’administration américaine en sous-traitant pour la CIA la torture en Libye des prisonniers de Guantanamo. Et l’on pourrait à longueur de pages décrire les mille autres atrocités dont s’est rendu coupable ce cruel et cynique dément. C’est à cause des Kadhafi, Moubarak, Ben Ali, Assad, Saleh, que l’intégrisme religieux est monté partout dans le monde arabe. Ce sont ces régimes qui ont littéralement rendu fous de rage les peuples arabes.

La méconnaissance, en Amérique latine, de la situation arabe peut seule expliquer, avec en plus une bonne dose de manichéisme, l’aveuglement de ceux qui, à gauche, font la moue devant l’insurrection des peuples. Ces « révolutionnaires »-là sont en réalité plus proches de la raison d’Etat des régimes qu’ils défendent que de la solidarité avec les opprimés.

Au lieu d’applaudir Sarkozy et Cameron, les hommes, les femmes, les enfants qui se révoltent aujourd’hui dans le monde arabe auraient préférer trouver à leur côté les symboles de la révolution latino-américaine. Et cela aurait été d’autant plus nécessaire que les puissances occidentales qui sont intervenues dans ces pays vont se faire payer rubis sur l’ongle par des peuples exsangues. De nouvelles formes de domination néocoloniale risquent de se mettre en place.

Pour s’y opposer, les peuples arabes en lutte pour la démocratie ont plus que jamais besoin de la solidarité internationale. Il ne reste donc plus qu’à crier : « Réveillez-vous, amis latino américains, la révolution arabe vous a laissés loin derrière elle ! »

Source : Mémoire des luttes




Processus de paix semé d’embûches
pour la Colombie




par Christophe Ventura - Association Mémoire des Luttes,
mise en ligne juin 2011


« En Colombie, ce sont aujourd’hui plus de 320 000 victimes qui sollicitent les institutions pour demander vérité et réparation »

Mémoire des luttes (MdL) a rencontré, lors de sa récente visite à Paris, Marcelo Álvarez, chef de la Mission d’appui au processus de paix en Colombie de l’Organisation des Etats américains (MAPP/OEA).

Après la visite du président colombien Juan Manuel Santos à Paris, effectuée en janvier 2011, une page s’est définitivement tournée dans les relations entre les deux pays. Les tensions de l’affaire Ingrid Betancourt appartiennent au passé. La France a décidé de rejoindre le groupe des pays « donateurs et amis » de la Mission [1].

Depuis 2004, la Mission accompagne sur tout le territoire colombien le processus mis en place entre le gouvernement et les forces paramilitaires d’extrême-droite – notamment les Autodéfenses unies de Colombie (AUC), responsables de multiples massacres et assassinats au nom de la lutte contre les guérillas d’extrême-gauche et acteurs clés du narcotrafic dans le pays [2]-.

Marcelo Álvarez nous explique quelles sont, selon lui, les avancées et les difficultés de ce processus amorcé en 2005 avec la démobilisation de 32 000 paramilitaires. Il repose sur l’application de la loi 975 de 2005, dite « Loi Justice et Paix ». Critiquée par les organisations de défense des droits de l’homme, cette loi organise la réintégration des paramilitaires dans la vie civile, et se donne pour objectif de contribuer à la réalisation de la paix nationale. Elle prévoit des peines de prison limitées (au maximum à huit ans et demi) en échange d’une pleine collaboration avec la justice colombienne, de la reconnaissance des crimes et du principe de réparation pour les victimes.

Quelle est la mission de la MAPP/OEA ?

Marcelo ALVAREZ : A la suite de la demande effectuée par le gouvernement colombien auprès l’Organisation des Etats américains (OEA) en 2004, la Mission s’est installée dans le pays pour accompagner l’ensemble du processus de paix avec les groupes armés illégaux, notamment les Autodéfenses unies de Colombie (AUC).

Depuis cette date, nous avons assuré la vérification du processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration à la vie civile de ces groupes. Dans le même temps, nous avons accompagné les communautés affectées par la violence dans les efforts de paix, en supervisant par exemple le travail institutionnel de mise en place de la loi Justice et Paix. Et ce, particulièrement sur les thèmes de la reconnaissance des victimes et de la restitution des terres.

Par ailleurs, un autre domaine de notre action est l’accompagnement des communautés qui ont souffert de la violence des AUC. Nous supervisons les conditions de leur sécurité et travaillons à la reconstruction des institutions dans les territoires où se sont démobilisés les paramilitaires.

Quels sont les acquis et les limites de votre travail depuis 2004 ?

M A : Sans aucun doute, notre principal apport à la paix est d’avoir démonté la structure militaire des AUC. Ce faisant, nous avons contribué à ce que le paramilitarisme ne soit plus une réalité politique en Colombie. Grace à ce processus, des aspects de la vie de la société colombienne maintenus dans l’ombre pendant ces trente dernières années ont été mis au jour. Cela a réduit l’influence paramilitaire dans la vie politique, économique et sociale.

Notre intervention s’est traduite par la vérification de 37 démobilisations collectives de groupes appartenant aux AUC et à la guérilla de l’Armée révolutionnaire guevariste (ERG). En tout, plus de 30 000 ex-combattants sont sortis du conflit et plus de 18 000 armes ont été saisies par l’Etat.

Autre succès : plus de 300 000 victimes participent directement à ce processus de justice transitionnelle [3]. C’est un fait unique.

Cependant, un processus d’une telle envergure se heurte aussi à des limites évidentes. Parmi celles-ci, la persistance de la violence dans divers territoires. Des groupes criminels organisés, liés à l’économie illégale, continuent de semer le trouble dans certaines communautés. C’est pourquoi la réintégration effective des démobilisés dans ces communautés est un défi important pour en finir avec le cycle des violences.

Par ailleurs, et malgré le caractère unique au monde de la loi Justice et Paix – rappelons que beaucoup de pays affectés par des conflits souhaitent la prendre pour modèle -, il est nécessaire de procéder à des ajustements qui lui permettront d’être plus efficace et d’obtenir plus de résultats en termes de jugements, de réparations et de condamnations.

En quoi consiste votre travail au quotidien ?

M A : Nous disposons de 15 centres de coordination régionale qui nous permettent d’être implantés au plus près des territoires. C’est quasiment l’ensemble du pays qui est couvert.

A travers ces centres, la Mission concentre tous ses efforts pour faciliter la reconstruction de ponts entre les victimes, les communautés qui ont souffert du conflit et les institutions qui tentent de consolider de nouveau leur présense dans les régions touchées par la violence des groupes armés.

Notre rôle fondamental est de gérer l’impact produit par le processus de paix dans ces régions et de rapprocher les demandes de la population et les institutions de l’Etat. En d’autres termes, il s’agit de faciliter la création d’espaces de dialogue et de reconstruction de la confiance entre tous ces acteurs.

En 2010, le gouvernement colombien a renouvelé le mandat de la Mission jusqu’en 2014. L’objectif est qu’elle puisse continuer d’accompagner l’Etat et les communautés dans les différents défis que le pays doit relever, en particulier celui de la restitution des terres.

La loi 975, dite loi Justice et Paix, est au coeur du processus de paix. Quel est son contenu ? Quelles sont ses limites ?

La loi Justice et Paix constitue l’instrument juridique du processus de paix colombien. Elle est la pierre angulaire à partir de laquelle le pays est en train de développer une justice transitionnelle inédite et sans précédent dans le monde.

De quoi s’agit-il ?

M A : La loi, promulguée en 2005, accorde une remise de peine aux paramilitaires démobilisés qui, auteurs de crimes atroces, acceptent de les reconnaître dans le cadre d’un processus de paix. Cela siginifie qu’au lieu de se voir punis par la justice ordinaire, il leur est proposé une peine alternative, en général comprise entre 5 et 8 ans de prison. Ce traitement pénal n’est cependant pas automatique. Pour en bénéficier, ils doivent s’engager à avouer tous leurs crimes et dire toute la vérité. Ils doivent également s’engager à réparer les victimes sur leurs biens légalement ou illégalement acquis.

Mettre en place ce processus a demandé un gros effort aux autorités colombiennes. Tout l’appareil d’Etat a dû apprendre à s’adapter à un tel cadre de justice transitionnelle. Plusieurs institutions ont été créées : la Commission nationale de réparation et de réconciliation ou la Cour de Justice et de Paix. Grâce à ces mécanismes spéciaux, plus de 60 000 faits ont pu être établis et traités, ce qui n’aurait certainement jamais pu se passer dans le cadre d’une justice ordinaire. Nous avons pu exhumer plus de 3 000 fosses comunes et ce sont aujourd’hui plus de 320 000 victimes qui sollicitent les institutions pour demander vérité et réparation.

De nombreuses organisations des droits de l’homme critiquent pourtant cette loi. Pourquoi ? Que leur répondez-vous ?

M A : Quand on sait que, à ce jour, une seule condamnation a été prononcée, on peut comprendre la position de certaines organisations qui critiquent lla lenteur et le manque d’efficacité du processus. Mais, en même temps, on peut constater le chemin parcouru par le ministère public et les tribunaux. On a beaucoup avancé et de notables efforts institutionnels ont été réalisés.

Il faut prendre la mesure du fait que ce cadre juridique est unique au monde. C’est la première fois que se met en place un processus dans lequel les victimes et leurs revendications de réparation sont prises en compte. Pour la Mission, c’est une fenêtre d’opportunité qui s’est ouverte avec la loi 975. Il est tout à fait normal que les organisations qui représentent les victimes soient exigeantes vis-à-vis de cette dernière. Il n’y a aucun cadre de justice transitionnelle parfait. Tous évoluent, et, dans le cas qui nous intéresse, cela ne peut se faire qu’au rythme que les Colombiennes et les Colombiens souhaitent et peuvent assumer.

Il faudra sans aucun doute porter un regard politique et historique sur tout ce processus et sur ce que cette loi aura permis dans le pays pour pouvoir la redimensionner. Je pense qu’elle n’est pas parfaite, mais qu’elle n’est pas à rejeter. Il y a beaucoup de choses à améliorer et l’objectif de la Mission est de favoriser son application.

Quel bilan tirez-vous de la réintégration des paramilitaires dans la société colombienne ?

MA : Cette question est toujours l’une des plus complexes dans tout processus de paix.

Depuis le départ, nous savons que le désarmement et la démobilisation ne sont en réalité que le premier pas dans un long chemin de resocialisation des ex–paramilitaires. Ce chemin est semé d’obstacles, notamment le recyclage d’une partie d’entre eux dans la criminalité organisée. Ce phénomène est une constante dans les dynamiques post-démobilisation de tous les processus de paix au monde.

En Colombie, il y a beaucoup de réussites en la matière mais également beaucoup de défis qui restent à relever : la tentation de retourner à la criminalité, les problèmes d’emploi dans le pays, la réintégration dans les communautés.

Quoi qu’il en soit, la destruction de la structure armée des AUC a ouvert la possibilité d’un processus de réinstitutionnalisation, de réconciliation et de reconstruction du tissu social colombien.

Le changement de gouvernement en Colombie en 2010 a-t-il facilité votre travail ?

MA : Plus que le changement de gouvernement, je dirais que c’est le processus de paix lui-même qui a commencé à entrer dans une nouvelle phase de maturité. La centralité qu’occupent désormais dans l’agenda politique les thèmes du respect des droits de l’homme, de la prise en charge des victimes et de leur réparation, de la restitution des terres indique l’importance qu’ils ont prise dans l’espace public colombien. C’est avec responsabilité que l’Etat de ce pays a considéré que leur résolution devenait inéluctable.

Actuellement, notre Mission est l’une des structures qui accompagne le plan gouvernemental élaboré pour proceder à la restitution des terres aux victimes de la violence. Nous attendons l’entrée en vigueur prochaine de la « loi sur les victimes » qui intégrera dans son périmètre des mesures fondamentales en la matière [4].

Désormais, il faut se confronter à la question d’une réforme de la loi Justice et Paix, prioritaire pour consolider le processus de paix. C’est dans cette perspective que nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement afin de partager ce que nous apprenons du terrain, notamment ce que nous disent les victimes avec lesquelles nous sommes en relation quotidienne.

Le gouvernement de Juan Manuel Santos a mis au centre de son discours politique le respect des droits de l’homme, la question des victimes et la nécessité de continuer à avancer en matière de réparation. La restitution des terres est au coeur de son programme de gouvernement. Sur toutes ces questions, la Mission est profondément engagée et elle va continuer d’accompagner ces processus.

Selon vous, M. Santos est-il disposé à négocier avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie(FARC) ?

Le principe qui régit le mandat et l’action de la Mission est le respect de la souveraineté de la Colombie. Cela signifie qu’elle sera à la disposition des décisions que prendra le gouvernement. Pour le moment, le président Santos a dit que les clés sont entre les mains des FARC.

La France vient d’intégrer le groupe des pays « donateurs et amis » de la Mission. Quel est, selon vous, le sens de cette décision ?

Pour nous, l’existence du groupe des pays amis et donateurs de la Mission est fondamentale. Le soutien des pays membres et obervateurs a été d’une importance vitale depuis le debut du processus de paix et du travail de la Mission dans le pays. Il s’agit d’un signal qui indique que ce processus est important et significatif, pas seulement pour les Colombiens, mais aussi pour la communauté internationale solidaire de la Colombie.

Dans ce cadre, l’engagement d’un pays comme la France dans le travail de la Mission vient valider l’importance de ce processus et les réussites obtenues depuis ces dernières années. C’est un geste qui permet aux autres pays du monde de prendre la mesure de l’avancée historique de la paix dans la Colombie d’aujourd’hui.


Propos recueillis par Christophe Ventura pour Mdl

Notes:

[1] L’Allemagne, l’Argentine, les Bahamas, le Brésil, la Canada, le Chili, la Corée, l’Espagne, les Etats-Unis, le Guatemala, l’Irlande, le Mexique, la Norvège, les Pays-Bas, le Pérou, la Suède, la Suisse et la Thaïlande font partie de ce groupe.

[2] La Mission suit également la démobilisation de l’Armée révolutionnaire guevariste (ERG).

[3] La justice transitionnelle s’applique dans les Etats en crise ou en sortie de crise. Selon la définition du Centre international pour la justice transitionnelle, cette dernière « se réfère à l’ensemble des mesures judiciaires et non judiciaires qui sont mises en place dans différents pays dans le but de réparer les conséquences de violations massives des droits de l’homme. Ces mesures incluent des poursuites judiciaires, la mise en place de commissions de la vérité, des programmes de réparations et différents types de réformes institutionnelles ».

[4] Le 24 mai ( après la réalisation de cet entretien), le Congrès colombien a adopté une « loi de réparation des victimes et de restitution des terres ». Elle prévoit la restitution des terres accaparées par les guérillas et les paramilitaires pour toutes les victimes du conflit armé. Quatre millions de Colombiens (10 % de la population) sont concernés par cette décision. Pour en savoir plus, lire « La Colombie adopte une loi de réparation pour les victimes du conflit armé », Le Monde ( 27 mai 2011).
Source : El Correo



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