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1 - Venezuela :   vidéo en ligne "À contre courant ", avec Roberto Hernandez Montoya
2 - Venezuela :  Merci RCTV, bonjour TVes ! + un documentaire en vidéo : "Es el señal de todos"
3 - Venezuela :  Affaire RCTV ... Il faut d’abord balayer devant sa porte, Diana Cariboni
4 - Venezuela :  Je n'ai rien vu au Venezuela, Sébastien Brulez
5 - Venezuela :  Huit questions et réponses provisoires, Marc Saint-Upéry
6 - Venezuela :  Liliane Blaser et l'IFC-COTRAIN

Amérique Latine    -

Archives des
articles 2007
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Sommaire : 1ère partie

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"
À contre-courant,
une nouvelle chaîne
de télévision publique au Venezuela"


Réalisation de Alice Emsalem
Montage de Alice et Gilles Emsalem,

les propos sont recueillis par Suzanne Körösi

Un document de 17 minutes
(enregistré à Caracas, le 25 mai 2007)

Production les films du réveil 

Beaucoup d'encre coule dans le monde entier sur les atteintes à la liberté d'expression au Venezuela. Mais qu'en est-il en réalité ? Cet entretien avec un membre du directoire de la nouvelle chaîne publique TVes (ou TEVES) tente de rééquilibrer le débat. 

Pour regarder la vidéo de l'entretien  : Ciquez ici !


Ci-après  " Merci RCTV, bonjour TEVES ! 

un documentaire en ligne : "Es el señal de todos" sous-titres en français
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Merci Rctv,
bonjour TVes !


Par Lionel Mesnard

4 juin 2007

photo : 
Mme Lil Rodriguez,
présidente de TVes



Le Venezuela vit à nouveau une période inquiétante. La levée d’indignation intervenue - suite à l’arrêt de la diffusion hertzienne de Rctv (Radio Caracas Télévision), pose de nouveau la question de la souveraineté de ce pays ? Contrairement à ce que pourraient faire croire certains canaux journalistiques, il ne s’agit pas d’une fermeture totale.  Rctv continue et demeure sur le câble, le satellite et aussi sur le web, mais n’a plus d’autorisation depuis le 28 mai 2007 sur les ondes hertziennes nationales. Sa concession arrivait à terme, et il a été décidé en toute légalité d’attribuer le canal numéro 2 à une nouvelle chaîne de télévision du service public, Televisora Venezolana Social (Teves). Les polémiques sur la question des médias n’est pas nouvelle du côté de Caracas, chaque décision dans ce domaine est contestée. Un tel acharnement, une telle volonté de désinformer ou sous informer interroge. Dans ce qui ressemble à des nouvelles orientées, où se trouve l’équilibre de la raison de ceux qui écrivent ou parlent du Venezuela?

Cette information aurait pu passer pour mineure, elle a fait le tour du monde. En plus, difficile de traiter un dossier dont on ne montre que l’aspect liberticide. Qui n’a pas de plus amples connaissances de la situation, peut prendre à la lettre les commentaires des dépêches des grandes agences de presse (AFP, AP, Reuters). Au mieux quelques articles, livres si rares peuvent répondre à certains questionnements de fond. Mais à force d’utiliser un type de vocabulaire, un banal communiqué peut au final devenir un objet de désinformation. Dans l’ensemble, il n’aura pas été vraiment évoqué les problèmes juridiques soulevés par Rctv. Les difficultés étant déjà antérieures au régime actuel, la décision intervenue du Tribunal Suprême de Justice confirmant cette décision est à prendre comme une décision émanant d’un Etat de droit, souverain de ses décisions. La question de l’ingérence à ses limites, le Venezuela n’est pas le Darfour, et à jouer avec le feu, ou à crier au loup, que cherchent certains groupes de pression à l’égard de cette nation?

Pourquoi quand il existe une telle domination des médias privés être indigné au point de hurler à un nouveau diktat d’Hugo Chavez ? Quand on a remis en cause en France 2 canaux hertziens en 1987 (à une époque où prédominait cette forme de transmission), cette information n’a pas fait le tour de la planète en dénonçant l’horrible dictature du Premier ministre d’alors, Jacques Chirac. Faits non pris en compte par tous les médias français, depuis l’arrivée  du président vénézuélien en 1999, ce sont des dizaines de médias et en particulier associatifs (Tv, radio, presse) qui ont vu le jour, dont 4 télévisions de service public. Le cas français n’est pas une exception, d’autres pays depuis 1987 ont en fait de même, en particulier en Amérique Latine, mais pour le Venezuela cela devient une affaire internationale.

L’Organisation des Etats d’Amérique et l’Union Européenne ont été saisies. Bizarrement en Europe, cette condamnation fut téléguidée à l’initiative des groupes de droite (PPE et Libéraux), avec l’appui bienveillant du groupe parlementaire auquel appartient Jean-Marie Lepen, drôle de coïncidence. En 2002, année du coup d’état contre Hugo Chavez, en Espagne le Premier ministre est le conservateur Juan Maria Aznar (le Parti Populaire Espagnol est rattaché au sein de L'U.E. au PPE).  Sa proximité de l’époque avec George Bush n’avait trompé personne. Et en novembre 2004, le ministre des affaires étrangères du gouvernement socialiste Zapatero mettait en cause Aznar dans l’organisation du renversement d’un pouvoir légitime à Caracas, le 11 avril 2002.  Même cinq ans après, les vénézuéliens n’ont pas la mémoire courte. On peut écrire que Chavez a des problèmes « de paranoïa », mais il existe des faits nombreux pour souligner une volonté réelle de déstabilisation.

S’agissant de la liberté d’expression et des prétendues menaces pesantes, j’ai pour exemple ce que j’ai pu découvrir en lieu et place à la fin de l’année 2006. Il existe dans la capitale un peu plus d’une dizaine de télévisions hertziennes : 3 au lieu de 2 appartiennent à l’état dorénavant (Vtv, Vive Tv, Teves), une est propriété de l’agglomération de Caracas (Avila TV), 2 ou 3 sont associatives (dont Catia TV), 5 ou 6 sont aux mains du privé (Venevision, Seven, Globovision, …) . Je n’ai pas le détail des autres modes de  transmissions, mais qu’on le veuille ou pas l’état vénézuélien est minoritaire à l’échelle de la capitale (représentant plus d’un cinquième de la population).

Pour la presse nationale et régionale, vous retrouvez quasiment tous les quotidiens en  opposition avec les choix politiques de la majorité du pays et ce depuis 1999. À Caracas, vous pouvez trouver un journal progouvernemental, et un ne cachant pas ses critiques, mais ne participant pas comme le reste de la presse nationale à la meute. Également, il ne faut pas oublier l’émergence des autoroutes de l’information : l’essor de l’internet est comme partout ailleurs important et sans aucune censure. Pour information aussi vraiment bizarre, notre présumée dictature vénézuélienne met en plus à la connaissance de tous les textes légaux en ligne. Paradoxes pour un pays que l’on souhaite assimiler à Cuba. Il n’y a aucun cybernaute jusqu’à présent menacé, et si des journalistes ont maille à partir avec la justice, il  s’agit de cas relevant de malversations et non le cas de la censure gouvernementale.

Par ailleurs, j’invite quiconque à se rendre ou regarder certaines chaînes du Venezuela, de parler aussi avec des vénézuéliens de leur goût en la matière. Nous pouvons être en France très critique sur la qualité, le contenu, le formatage, la déontologie. Il n’en demeure pas moins qu’une petite cure de télévision outre-atlantique peut lever de fortes critiques, et à trop forte dose provoquer le vertige ou la nausée. Difficile de ne pas constater que les médias français audiovisuels n’ont pas vraiment d’équivalent, même ce qui peut sembler de pire, c’est-à-dire TF1, à côté de RCTV, télé Bouygues apparaîtrait presque pour un must en la matière, un sommet de la culture… Dans les quartiers populaires quand on parle de Globovision, l’on parle de Globo-terreur… - et autres expressions pour expliquer la tonalité de ses infos. Cela retourne d’une instrumentalisation de la télévision, et surtout en terme de qualité et de contenu équivaut à un sous-produit hollywoodien.

Pareillement que dire du traitement de l’info, de l’abus abusif des images et du son, de la médiocrité profonde des programmes des télévisions privées latino-américaine. Imaginez un instant un journaliste de télévision en France se mettre en pub dans son propre journal pour vendre un produit. C’est le cas outre-atlantique et cela ne choque pas grand monde. Je ne vais pas vous aligner toutes les qualités des télévisions vénézuéliennes, c’est à la limite du pathétique. Le rôle détenu par les patrons de la presse privée en Amérique Latine est considérable dans les affaires économiques et politiques. Pour exemple au Chili en 1973, ils furent aux côtés des putschistes, et cette situation s’est reproduite en 2002 au Venezuela. Aujourd’hui encore le Chili ne dispose pas d’une pluralité médiatique aussi vive et développée qu’au Venezuela, pour autant Michèle Bachelet n’est pas mise à l’index.

Exemple frappant (constaté sur place), ce fut comment sur Globovision, l’on annonça par avance comment allait s’organiser au lendemain du 3 décembre 2006 (soir de la présidentielle) le renversement du pouvoir chaviste, du 3 au 5 décembre. Un plan fut expliqué à  l’antenne, se déroulant sur 3 jours.

Il allait de soit que les élections seraient truquées. À aucun moment, le journaliste ne recadra les propos de l’invité. Ce Monsieur Rafael Poleo, en plus traita ni plus ni moins de nazi le gouvernement, rien à redire en face. À la même époque, une rumeur circulait, Manuel Rosales serait assassiné au soir ou au lendemain du scrutin. De même au titre du bizarre, Manuel Rosales à 20H00 pétantes le soir du 3D reconnaissait sa défaite et la réélection d’Hugo Chavez Frias. Une première pour une opposition naguère si frontale. Rumeur fondée ou pas, Manuel Rosales a préféré vivre, et garder le leadership de l’opposition, semble t’il?

Que tout ceci est bizarre, tant de rappels ici ou là sur le droit à la liberté d’expression. Il serait bien plus utile de parler de comment fonctionne la réalité du droit au Venezuela, ou ce qui ressemble à un détournement des droits et devoirs les plus usuels. Je ne suis pas certain, que nous accepterions de tels mécanismes, ou le droit deviendrait une donnée floue.  Si mérite il y a de la part de Hugo Chavez c’est de l’appliquer dans sa pratique de gouvernant.  Et d’avoir mis en place par la constitution des organes en principe indépendants et pouvant dire la loi (Conseil National Electoral, Tribunal Suprême de Justice). Mais, venons à la cause fondamentale du problème de cette société, que sont les mécanismes corrupteurs gangrenant la société vénézuélienne, et ne pas rentrer dans ce type de schéma local relève du sacerdoce. Il va de soit que les plus pauvres ne sont pas les gagnants d’une telle compromission, et occasionne de fait une injustice aux plus laborieux.

Quand un pays entier joue sa monnaie au marché noir en spéculant sur des devises en euros et en dollars, il y a plus qu’une épine dans le pied. Quand les entreprises cachent leurs dividendes et ne déclarent pas les recettes aux impôts, ou bien quand on s’assoit sur le droit du travail, c’est du domaine du normal. Quand des fonctionnaires ne viennent pas travailler ou s’opposent aux décisions de l’État, ou même ont pu s’attaquer dans le cas de PDVSA (compagnie nationale des pétroles) à l’outil de travail, faut-il être un dictateur un peu étrange pour vouloir faire appliquer la légalité républicaine ? Et ceci n’est que le haut de l’iceberg et de comment est détournée la loi et profite à quelques privilégiés. Cette opacité des mœurs et coutumes de la bourgeoisie et des élites entrave la justice. Depuis plus de 50 ans, l’on forme à tour de bras des juristes dans les universités aisées, loin des besoins spécifiques du pays. Cette même jeunesse dorée qui a manifesté une nouvelle fois de plus son hostilité furibarde.

En avril 2002, le rôle actif de Rctv et autres médias dans la désinformation du public, ce soutien aux auteurs du putsch a été mis en lumière par des cinéastes documentaires, des journalistes vénézuéliens. Ces éléments ont même servi de preuves, et expliqué les manipulations et dessous du coup d’état. Cette réalité en Europe n’a pas vraiment été prise en compte. Il faudrait à cela rajouter le travail d’enquête, mené par l’avocate Eva Golinger sur les soutiens financiers et les appuis du département d’état étasunien, et certaines O.N.G paravents du parti Républicain ou des néo-conservateurs US (la NED et SUMATE entre autre). Il existe possiblement une volonté d’éliminer non seulement Hugo Chavez mais de même l’ensemble de ses partisans. Il est hors de question pour les administrations étasuniennes d’accepter qu’une nation sud américaine puisse avoir le droit de s’émanciper. 300 ans de colonialisme, plus 200 ans d’impérialisme économique devraient offrir à cette jeune nation de vivre ses rythmes démocratiques comme elle l’entend. À Washington il est imposé une chasse gardée, ou des réserves indiennes à l’échelle de tout un continent. Ce cynisme qui prévaut aussi pour l’Afrique pour nous autres européens est un non-sens pour un développement mondial plus harmonieux. 

Les déstabilisations sont régulières, à l’exemple des communiqués de l’ambassade des Etats-Unis. Cela a provoqué fin novembre, début décembre 2006 des réactions dans la capitale. Une prétendue pénurie allait s’installer, et beaucoup de caraquéens se ruèrent sur les produits des magasins alimentaires.  Il avait été notifié aux résidents étasuniens de faire des réserves de médicaments et de nourriture et de rester chez eux à l’approche des élections. L’ambassade de France sur son site internet mettait en garde contre certaines rumeurs et incitait simplement les français à se tenir à distance des rassemblements.  À l’annonce de la fin des programmes de Rctv en hertzien le 27 mai dernier, un communiqué de l’ambassade étasunienne quasi comparable à un autre d’avril 2002 décrétait l’alerte maximum pour ses concitoyens. Doit-on y voir un lien à la semaine de désordre qui s’est déroulé notamment à Caracas ? Pour quelques petits milliers de personnes hostiles et très déterminées sur tout le pays, les manifs ont donné lieu à de nombreux blessés et à deux morts.  Samedi 2 juin, la réponse a été cinglante, plusieurs centaines de milliers de personnes sont venues soutenir le choix de réappropriation par la nation vénézuélienne de ses canaux hertziens.

Cette décision qui aurait pu presque passer pour inaperçue a donné lieu à une information reprise le plus souvent sans développement. Victoire du superficiel sur le fond, l’enjeu demeure de sortir le Venezuela de certaines caricatures. Pouvons-nous vraiment juger une actualité  si lointaine ? Il y a peu de monde en France à être en mesure d’y répondre, relativement peu de journalistes capables d’analyser ce qui se passe là-bas. La question n’est pas de s’abstenir de toutes critiques, ou encore moins d’idolâtrer Hugo Chavez. C’est trop de bruits pour pas grand-chose, quand ce qui pourrait être plus utile, plus constructif et loin de la confusion pourrait soutenir ce pays dans sa marche vers le progrès.

Aussi étonnant soit-il le Venezuela est très proche des Usa culturellement, les vénézuéliens, en réalité une petite minorité a très bien vécue et continue encore à vivre dans une opulence certaine. La grande majorité a été relégué à l’état d’invisibles, certaines minorités le demeurent encore. Socialement il s’agit de 80 % de la population qui ont pu grâce aux actions du gouvernement sortir un peu de l’ombre. Le pétrole est à la fois une chance mais en partie son malheur. Cette contrée ne retiendrait pas l’attention si elle ne disposait pas de telles réserves en hydrocarbure et pouvant peser sur les besoins de la planète. Il y aurait un véritable échec d’Hugo Chavez s’il ne réussissait pas à industrialiser, à mettre en œuvre l’autonomie alimentaire, à faire tomber un à un les mécanismes corrupteurs. Selon un schéma, qui se reproduit dans les pays mono producteurs, il n’existe pas en l’état de pays qui a pu sortir de la dépendance extérieure. Il ne s’agit pas d’un commerce équilibré, mais d’un marché annexe et subalterne  et une population livrée aux aléas des cours boursiers.

Le bilan depuis 1999 serait à pondérer, des réussites et aussi quelques échecs, mais globalement l’économie fonctionne à plein. Le socialisme de Chavez a les traits d’une économie mixte, qui fut très chère à François Mitterrand. Qui veut faire fortune, le peut, et je ne crois pas que le Venezuela ira vers une économie à la cubaine, sauf si elle venait à connaître un embargo, mais il y aurait là une volonté ni plus ni moins de guerre à l’égard de cette nation libre. La France accepterait-elle une telle ingérence dans ses affaires intérieures ? Accepterions-nous tant de remontrances  paternalistes sur des questions au demeurant minimes ? Pourquoi ce mépris ? Que cherche t-on à montrer ou à cacher concernant les besoins vitaux de la société vénézuélienne ? Ce qu’ont fait les gouvernements chavistes en huit ans par leur travail de réforme vaut largement les 30 ans d’alternance bi partisane, et sans les milliers de victimes ou coupables d’avoir lutté pour une meilleure redistribution des richesses.

Ceux qui aiment et s’intéressent au Venezuela ne sont pas dupes. Sortir le Venezuela de sa situation de pays pauvre ne se fera pas en quelques années après plus deux siècles de domination économique. Faire tomber un emblème de la toute puissance étasunienne ne m’a pas gêné, et je suis plutôt satisfait de voir la naissance d’une nouvelle télévision du service public. Ces dernières années nous fûmes habitués au contraire. L’on cherche à le traduire en des vérités intangibles, sans rien nous expliquer du paysage audiovisuel vénézuélien et d’ailleurs. Une télévision comme Télésur, chaîne internationale d’information est un sacré bol d’air frais, Vive Tv est un espace de création et de la mémoire populaire de qualité, et souhaitons que Teves, la nouvelle vienne donner à la récréation toute sa place sans avoir à parodier le mercantilisme des télévisions latino-américaines. 

Ah si j’oubliais, c’est une femme qui dirige le nouveau canal deux  : TEVES ou TVes. Madame Lil Rodriguez, s’occupait jusqu’à présent de programmes culturels sur Télésur. Journaliste, elle est connue pour son goût pour la culture et la musique Afro-Caraïbe. De quoi envisager une télévision aux figures du pays réel…!?


En complément un documentaire en vidéo de 57 minutes sur RCTV :
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"Es el señal de todos"
(vost)



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Une réalisation collective de cinéastes et journalistes vénézuéliens
(Version originale espagnole sous-titrée en français)

Cliquez ici !

Vous pouvez à partir de ce lien,
regarder la vidéo ou la télécharger !
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Attention, le film est en mp4 (fichier de 124 Mo) en grand format et adapté à du haut débit,
et fonctionne de préférence avec le logiciel Quicktime version 7
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Équipe de réalisation :
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C'est une production de Panafilms, ANMCLA, FIPP, et Avila TV (2007)

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Affaire RCTV ...

Il faut d’abord balayer
devant sa porte



Diana Cariboni, 4 juin 2007

En Amérique latine, certains font tout un plat de la fin des transmissions de la chaîne de télévision RCTV, à laquelle le gouvernement vénézuélien n’a pas voulu renouveler la concession d’une fréquence qu’elle exploitait depuis 1956.

Trois ex-présidents panaméens, Mireya Moscoso, Guillermo Endara et Ernesto Pérez-Balladares planifient d’exercer un intense lobby pour que l’Assemblée générale de l’Organisation des Etats Américains (OEA) traite le cas RCTV lors de sa réunion du week-end prochain [week-end du 1er et 2 juin 2007, ndlr]. Le président péruvien Alan García a affirmé, à propos de la mesure vénézuélienne, que « jamais une telle chose ne se fera » dans son pays.

Une telle chose comme quoi, pourrait-on se demander. Nombreux, au Venezuela, affirment que Radio Caracas Télévision (RCTV) en est arrivée à cette situation parce qu’elle s’oppose au gouvernement d’Hugo Chavez. D’autres la qualifient de putschiste pour avoir soutenu l’attentat contre la démocratie d’avril 2002 [le coup d’État des 11-12-13 avril 2002, ndlr].

Dans la Colombie voisine, le journaliste Juan Gossain, de RCN Radio, a demandé au président Alvaro Uribe : « L’expression que vous avez utilisée sur votre respect de la liberté de la presse me conduit à supposer que vous n’ôteriez pas par exemple à Radio Caracas sa licence de fonctionnement  ».

« A personne. Pour mieux dire, qu’ils exercent le journalisme sans licence, qu’ils disent ce qu’ils veulent, qu’ils parlent partout », a-t-il répondu.

Uribe ne peut pas fermer de chaîne de télévision d’opposition parce qu’elles n’existent pas. Toutefois, il a mis un terme en octobre 2004 à l’Institut de Radio et Télévision (Inravisión), un organisme public qui gérait trois signaux ouverts avec des franges horaires éducatives et culturelles, un programme radio d’interviews sur le mouvement social et des documentaires aux contenus souvent dérangeants pour le gouvernement.

Le président colombien avait annoncé la fermeture d’Inravisión un lundi et le jeudi suivant, « la police est entrée et a délogé les travailleurs la nuit même », raconte le sociologue Milciades Vizcaíno à IPS. Celui-ci a travaillé presque 27 ans dans le secteur de la télévision éducative, qui a été éliminée.

Bogota alléguait que Inravisión était inefficace. « Mais le fond de l’affaire était la force dont disposait le syndicat », soutient Vizcaíno, auteur du libre « Université et moyens de communication. De l’état de bien-être au marché », publié en avril et dans lequel il analyse le processus inverse à celui qui a été entamé au Venezuela, en destinant la fréquence de RCTV à une chaîne publique.

Inravisión a été remplacée par Radio Televisión Colombia (RTVC) qui « sous-traite » des activités moyennant des contrats de concession, en évitant la création d’un syndicat. Elle économise 72% des coûts opérationnels. Les transmetteurs sont gérés par une autre entreprise, Telecom.

En octobre, au cours du discours du sénateur d’opposition Gustavo Petro [1] sur les liens entre paramilitaires d’extrême droite et des politiciens des départements de Sucre et Córdoba [2], le signal de la chaîne publique, géré maintenant par RTVC et qui retransmet fréquemment depuis le parlement, a disparu dans ces deux département du nord de la Colombie.

Face aux plaintes, RTVC a remis l’affaire à Telecom. Mais « là, personne n’a pu donné d’explication », a signalé Hernán Onatra, responsable presse du sénateur.

« Il n’y a pas que la télévision publique. Des opérateurs privés par câble ont également suspendu le signal dans certains secteurs de Bogotá et de villes principales, comme Cúcuta (nord-est) et ils n’ont jamais fourni d’explication. On nous l’a rapporté durant le débat ou le jour d’après », a-t-il ajouté.

Au Honduras, le président Manuel Zelaya a initié depuis le lundi 28 mai une série de 10 transmissions d’un heure chaque jour par « cadena » [3] de radio et de télévision, en prime time pour contrecarrer ce qu’il qualifie de « désinformation » de la presse sur sa gestion.

La loi stipule qu’on ne peut transmettre de « cadenas » que pour convoquer des élections, dans le cas de désastres naturels ou d’urgence nationale. Par conséquent, la mesure rappelle l’usage fréquent que faisaient les militaires de ce mécanisme dans les années 70 quand ils gouvernaient et a été critiquée par des associations de journalistes, des médias et même par le président du parlement Roberto Micheletti.

L’analyste politique Juan Ramón Martínez a affirmé à IPS que la décision « porte atteinte à la liberté d’expression » et constitue un abus, « même les militaires n’ont pas été aussi loin que ce que nous annonce l’actuel gouvernement ».

Le journaliste Edgardo Escoto, qui couvre l’actualité gouvernementale pour la radio d’opposition Circuito Radial Voces, a confié quant à lui à IPS qu’il a été censuré par les porte-parole de la présidence « pour ne plus poser de questions ». « Ils refusent de me donner la parole, ils me cachent l’agenda du président », a-t-il dit.

Le dernier média au Nicaragua dont la concession fut révoquée pour d’apparents motifs politiques a été Radio La Poderosa en 2002, durant le mandat d’Enrique Bolaños. Ses équipements ont été confisqués sans procès judiciaire. La radio critiquait le gouvernement avec acharnement et était proche de l’ex-président Arnoldo Alemán, condamné par la justice [pour blanchiment, fraude et détournement de fonds, ndlr].

Quand Alemán gouvernait (1997-2001), des journaux critiques comme La Prensa ou El Nuevo Diario ont dénoncé le harcèlement fiscal et le boycott commercial du gouvernement pour avoir informé de faits de corruption de fonctionnaires publics.

RCTV n’est pas le seul média qui « cesse » ses activités par une mesure du pouvoir au Venezuela. Durant les deux jours d’avril 2002 au cours desquels Chavez fut écarté du pouvoir par la force, les putschistes avaient fermé le Canal 8, la chaîne publique.

En 2003, le maire du district de Caracas, Alfredo Peña, un opposant à Chavez, avait aussi fermé la télévision communautaire Catia Tv.

Les partisans du gouvernement se vantent qu’« ici, les seuls qui ont fermé des médias, c’est l’opposition » et ils insistent sur cela. Dans le cas de RCTV, « il ne s’agit pas d’une fermeture mais d’un non renouvellement de la concession », a répété à IPS l’ex-ministre de l’Information et président de la chaîne régionale Telesur, Andrés Izarra.

Mais la gestion discrétionnaire des concessions «  met dans une situation difficile, presque d’incertitude, plus de 150 radios privées qui sont dans l’attente d’un renouvellement de leur licence  », observe Ciro García, président de la Chambre de radiodiffusion.

De plus, l’organisme national des impôts [le SENIAT, ndlr] a dressé une amende de 13 000 dollars et a fermé durant deux jours, en octobre 2005, le quotidien centenaire El Impulso - dont la ligne éditoriale est d’opposition - dans la ville de Barquisimeto, dans le centre-ouest du pays

Des amendes de millions de dollars ont été dressées contre RCTV et la chaîne d’information en continu Globovisión, plusieurs équipements satellitaires leur appartenant ont été retenus indéfiniment il y a deux ans [4], quand une inspection les a retrouvés orientés dans une direction distincte à celle autorisée. Aucune d’elles ne reçoit de publicité du gouvernement.

Mais « si nous comparons la diversité des médias au Venezuela, il y a beaucoup plus de liberté d’expression qu’au Chili  », par exemple, pour le coordinateur du Programme de liberté d’expression de l’Institut de Communication et d’Image de l’Université publique du Chili, Felipe Portales.

Même si au Chili, on n’a pas enregistré de mesures arbitraires contre les médias au cours des dernières années, la liberté est restreinte de par la concentration de la propriété, selon Portales et la directrice de l’Observatoire des médias Fucatel, Manuela Gumucio.

« A l’exception de Cuba, le Chili est le pays avec le moins de liberté d’expression en Amérique latine, en termes de pluralité des médias », avec une situation « pire qu’à la fin de la dictature » d’Augusto Pinochet, en 1990, fait remarquer Portales. [5]

La couverture du cas RCTV est une preuve. « Les médias chiliens n’ont diffusé qu’une seule version, celle qui s’oppose à Chavez. Nous n’avons pas les éléments nécessaires pour nous faire une opinion sur cette affaire », affirme-t-il.

Tant Portales que Gumucio expliquent le manque de diversité à cause de la distribution inégale de la publicité d’État.

Comme en Colombie, mais pour des raisons différentes, à Cuba non plus il n’y a pas de chaîne d’opposition à fermer.

La propriété privée des médias est morte dans les années 60, après l’avènement du processus révolutionnaire. La presse écrite, la radio et la télévision sont régies par une politique que conçoit, dirige et contrôle le Parti communiste de Cuba.

Les opposants, considérés comme des « mercenaires à la solde de l’Empire » (les Etats-Unis) n’ont pas accès à ces médias. Un groupe de journalistes autonomes du gouvernement ou ouvertement critiques ont été sanctionnés en 2003 par de lourdes peines de prisons sous l’inculpation de transmettre ou de faciliter des informations à des médias ennemis. [6]

L’exception sont les revues catholiques Palabra Nueva et Vitral, fondée en 1994 dans le diocèse de la province de Pinar el Río, dans l’ouest du pays. L’équipe éditoriale de Vitral est entrée en crise au début de cette année, après l’arrivée du nouvel évêque Jorge Enrique Serpa.

Vitral a acquis de la notoriété par son approche critique de la réalité cubaine, mais Serpa a décidé que la publication évitera dorénavant l’ « agressivité » et sera moins contestataire.

La censure au Mexique, commune à tous les gouvernements du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) depuis 1929 a commencé à reculer au milieu des années 90.

Mais le Diario Noticias de Oaxaca, qui circule depuis 31 ans dans l’état du même nom, dans le sud du pays, et qui est très critique envers le très contesté gouverneur Ulises Ruiz, a été la cible d’attaques depuis 2005, dont des agressions contre des journalistes et des tentatives de délogement par la force.

Radio Monitor, en activité depuis 1975, a été un des rares médias à s’être affronté aux années de censure du PRI. Son propriétaire, José Gutiérrez, affirme que le Parti d’Action Nationale (PAN), au pouvoir, le punit en le privant de publicité gouvernementale à cause de ses prises de positions critiques et en lui refusant des interviews et des informations.

L’unique parti qui, quand il gouvernait, a révoqué une concession de fréquence en Uruguay, le Parti National (PN), de centre droit, a réclamé sans succès du gouvernement du Frente Amplio (gauche) une déclaration de condamnation pour le cas RCTV.

La gauche a rappelé que le gouvernement du nationaliste Luis Alberto Lacalle a été le seul à prendre une mesure similaire dans l’histoire uruguayenne et « sans attendre que le permis arrive à expiration », a rappelé le sénateur de la majorité Eleuterio Fernández Huidobro.

Lacalle a expulsé CX 44 Radio Panamericana des ondes en 1994 pour avoir convoqué la population à une manifestation, durement réprimée, contre l’extradition vers l’Espagne de trois citoyens de ce pays accusés d’appartenir au groupe séparatiste basque ETA.

Cet article a été rédigé grâce aux contributions de Constanza Vieira (Colombie), Daniela Estrada (Chili), Patricia Grogg (Cuba), Thelma Mejía (Honduras), Diego Cevallos (Mexique), José Adán Silva (Nicaragua), Humberto Márquez (Venezuela) et Darío Montero (Uruguay).

NOTES :


[1] [NDLR] Gustavo Petro, sénateur de gauche, membre du Pôle démocratique alternatif, est certainement la figure politique la plus en vue dans les dénonciations du scandale connu comme la « parapolitique », à savoir l’infiltration de l’État par le paramilitarisme, un scandale qui touche tout l’entourage du président Uribe.

[2] [NDLR] Consultez à ce propos sur le RISAL le dossier « Paramilitarisme et parapolitique » dans notre rubrique sur la Colombie.

[3] [NDLR] Procédé qui consiste à imposer à toutes les radios et chaînes de télévision de diffuser un même programme, une allocution du président par exemple.

[4] [NDLR] Lire à ce propos Thierry Deronne, Difficile naissance d’un État au Venezuela : la vérité comme pot de terre, RISAL, 4 octobre 2003.

[5] [NDLR] Consultez à ce propos sur le RISAL le dossier « Médias » dans notre rubrique sur le Chili.

[6] [NDLR] Lire notamment Wayne S. Smith, Pourquoi les arrestations à Cuba ?, RISAL, 8 avril 2003.

Sources : IPS Noticias (http://www.ipsnoticias.net/), traduction : Frédéric Lévêque,
pour le RISAL (http://risal.collectifs.net/).





"Je n'ai rien vu au Venezuela"

par Sébastien Brulez, 
1er juilet 2007


En janvier 1990, quelques semaines après son retour de Roumanie, Colette Braeckman publiait dans le journal Le Soir un article intitulé "Je n'ai rien vu à Timisoara", constatant le mensonge médiatique qui avait entouré la supposée découverte de charniers dans la ville du même nom. On avait retrouvé des centaines de corps dans les fosses communes, des jeunes gens vidés de leur sang. "Dracula était communiste" avait même titré, le 28 décembre 1989, le journal français L’événement du Jeudi (1). Il s'avérera plus tard que tout n'était que montages et mensonges. Et pourtant tout le monde y avait cru, la télévision avait même montré des images, c'est dire si c'était vrai!

La journaliste du Soir écrivait alors (2) : "J'y étais et je n'ai rien vu : honte sur moi. Car par contre en arrivant à Bucarest le lendemain, et plus encore en rentrant en Belgique, tout le monde en savait plus que moi sur le sujet. Nul n'ignorait rien de ces corps affreusement torturés, de ces centaines de corps alignés, de ces hôpitaux envahis, la télévision avait tout montré, tout expliqué. Et si c'était passé à la télévision, c'était vrai. Cela devenait vrai. Alors moi, qui n'avais rien vu à Timisoara, j'ai préféré me taire..."

Un Dracula tropical?

En voyant la façon dont la presse européenne traite l'information sur ce qui se passe actuellement au Venezuela, je ne peux m'empêcher de repenser à cet article de Colette Braeckman, véritable cas d'école du journalisme contemporain. Parce qu'aujourd'hui et depuis bientôt dix mois, moi non plus je ne vois rien au Venezuela. Évidemment personne ne parle de charniers ni de corps mutilés. Cependant on essaie sans cesse de nous créer l'image d'un Chávez "dracula-communiste".

Les prétextes pour attaquer la révolution bolivarienne sont légions. Ce fut d'abord la loi dite "habilitante", approuvée en janvier dernier par l'assemblée nationale. Cette loi donne au président de la République la possibilité d'émettre des décrets ayant force et valeur de loi dans 11 domaines spécifiques (transformation des institutions, participation populaire, sciences et technologies, économique et social, énergétique, etc.) et ce durant 18 mois.

Vint ensuite le projet de réforme constitutionnelle et la pseudo présidence à vie du Comandante. Alors que l'idée évoquée est simplement qu'un président puisse se représenter aux élections autant de fois qu'il le souhaite, comme c'est le cas en France.

Plus récemment, on a entendu parler du Venezuela pour la "fermeture" d'une chaîne de télévision. Il ne s'agissait en fait que d'une décision légale pour un Etat de ne pas renouveler une concession. Pour l'envoyé spécial du Monde à Caracas, le président du Venezuela est "le lieutenant-colonel putschiste" (3). Et selon le quotidien catalan La Vanguardia, "la fermeture de la chaîne de télévision privée accentue le caractère totalitaire du gouvernement de Hugo Chávez".

Pourtant, lorsque l'on se promène dans les quartiers, on a du mal à percevoir l'autoritarisme dont nous parlent les médias. "Le président sait très bien qu'il ne peut pas faire ce qu'il veut. De la même manière que le peuple l'a amené au pouvoir, le peuple peut l'en révoquer", me commentait une vendeuse ambulante au lendemain des élections, en décembre dernier.

Et elle n'est pas la seule à tenir ces propos, l'article 74 de la Constitution approuvée par référendum en 1999 va dans le même sens : "Seront soumises à référendum, pour être abrogées total ou partiellement, les lois dont l'abrogation serait sollicitée à l'initiative d'un nombre non inférieur à 10% des électeurs (...) ou par le Président ou la Présidente de la République en Conseil des Ministres. Pourront également être soumis à référendum abrogatoire les décrets ayant force de loi que dicte le Président ou la Présidente de la République en vertu de l'attribution prescrite dans l'alinéa 8 de l'article 236 de cette Constitution (ndlr : l'alinéa 8 de l'article 236 fait référence à la loi "habilitante"), si cela est sollicité par un nombre non inférieur à 5% des électeurs (...)" (4). Drôle d'autocratie que celle qui soumet ses lois à référendum à la demande de moins de 5% de ses électeurs.

Les miradors de Juan

Lorsqu'on demande à Juan Contreras ce qui a changé pour lui depuis l'arrivée au pouvoir de Hugo Chávez, il n'hésite pas un instant avant de répondre : "Avant Chávez, ma maison avait été fouillée 49 fois par la police. Ces huit dernières années, on ne m'a plus ennuyé une seule fois." Juan est actif dans les luttes sociales depuis son plus jeune âge. En décembre dernier son association, la Coordinadora Simon Bolivar, fêtait son treizième anniversaire. Depuis 2005, elle dispose enfin d'un siège : un ancien commissariat de police occupé par les habitants du quartier et transformé en centre culturel. "Pour nous il s'agissait d'une question de principe. Occuper ce commissariat qui, depuis 1975, avait été le centre de torture et de répression contre les mouvements contestataires du quartier, c'est tout un symbole." Les miradors bétonnés qui surplombent l'urbanisation du 23 de Enero ornent toujours le bâtiment, comme pour rappeler le temps où la répression était bien réelle.

Mais les médias occidentaux ne font que rarement référence à cette époque pourtant pas si lointaine. En février 1989, à peine deux semaines après la prise de possession du social-démocrate Carlos Andrés Pérez, c'est l'explosion sociale. L'application du paquet de réformes néolibérales imposées par le FMI donne le coup de grâce à la population. Le mécontentement éclate dans les rues de la capitale, c'est ce qu'on a appelé le Caracazo. Pour contenir les manifestations et les pillages, le président Pérez envoie l'armée qui tire sur la foule. Les médias parleront de 300 morts, la répression dans les jours suivants fera monter le bilan à près de 3000. A ce moment-là personne ne parlait de totalitarisme ni de "régime à dérive autoritaire".

Mais finalement qu'est-ce qui dérange chez Hugo Chávez? Est-ce vraiment son "autoritarisme", son "populisme", comme on aime souvent le qualifier? Ou est-ce simplement le fait que les réserves du cinquième producteur mondial de pétrole (qui est également le troisième fournisseur des Etats-Unis) profitent aujourd'hui non plus (autant) à nos multinationales européennes et américaines mais bien aux couches les plus démunies de la population? Ou serait-ce encore que ce pays, grand comme 26 fois la Belgique, est en train de donner le mauvais exemple en démontrant qu'une alternative au sacro-saint modèle néolibéral est possible?

Car au-delà de la figure de Chávez, c'est un peu le réveil latino-américain tout entier qui est critiqué par nos médias. Evo Morales est lui aussi devenu un "dangereux extrémiste" depuis qu’il a décrété la nationalisation des ressources naturelles de la Bolivie. "L'Amérique latine ne vit pas une époque de changements mais un changement d'époque" répète sans cesse Rafael Correa, élu président de l'Equateur il y a quelques mois et immédiatement critiqué par la presse pour son rapprochement avec le Venezuela.

La question qu'on peut se poser est de savoir si l'Europe (ses politiciens, ses journalistes... et ses citoyens) est prête à ouvrir les yeux sur ce changement. Est-elle aussi tolérante qu'elle le prétend et acceptera-t-elle qu'un continent base son développement sur un modèle distinct? Arrêtera-t-elle un jour de faire l'amalgame entre libéralisme économique et libertés individuelles (5)? Le président de la chaîne latino-américaine TeleSur, Aram Aharonian, écrivait récemment : "Arrêtez de nous répéter que les Latino-américains ont une crise d'identité. En fait, on dirait que ce sont les Européens qui ont une crise d'identité : pour nous, il est de plus en plus difficile de ne pas les confondre avec les Etasuniens." (6)

Finalement, le titre de cet article est peut-être mal choisi, car on peut voir et entendre tellement de choses au Venezuela. Entre avancées et déviations, la complexité de la situation mérite bien plus que de simples clichés. Malheureusement ce qui nous parvient n'est qu'une infime partie de la réalité. Et nous savons tous qu'une réalité incomplète est une réalité tronquée. Il serait temps que nos médias arrêtent de se cacher derrière une pseudo objectivité et qu'ils fassent preuve d'un peu plus d'honnêteté intellectuelle... Ou alors qu'ils assument clairement leurs orientations politiques.

Notes :

(1) Serge Halimi, "Les vautours de Timisoara", Acrimed, http://www.acrimed.org/article1.html#nh5, octobre 2000.
(2) Colette Braeckman, "Je n'ai rien vu à Timisoara", Le Soir, 27 et 28 janvier 1990.
(3) Paulo A. Paranagua, "Miguel Angel Rodríguez, une voix de trop pour Hugo Chávez", Le Monde.fr, 25 mai 2007, http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3222,36-914730@51-897252,0.html
(4) Article n°74 de la Constitution de la République Bolivarienne du Venezuela.
(5) Lire aussi Raoul Marc Jennar, "Le libéralisme, ennemi des libertés", Le Journal du Mardi, 30 janvier 2007, http://www.urfig.org/chronique_mensuelle-petit.htm
(6) Aram Aharonian, "No : no compramos más espejitos", Question, n°50, janvier 2007.

Source : La voix du sud,
http://voixdusud.blogspot.com/2007/07/je-nai-rien-vu-au-venezuela.html




Huit questions

et
huit réponses provisoires


sur la
« révolution
bolivarienne »


Marc Saint-Upéry,
janvier 2007



photo : revue Mouvements n°  47/48



Il n’est guère de phénomène de la scène politique latino-américaine qui soit à la fois plus commenté et plus méconnu dans sa dynamique réelle que la « révolution bolivarienne » au Venezuela. Pour les uns, le chavisme est un régime populiste autoritaire, tendant à étouffer la société civile et à menacer les libertés démocratiques. Pour les autres, le « socialisme du XXIe siècle » défriche la voie des lendemains qui chantent pour les peuples de la région. La vérité est un peu plus compliquée, et parfois plus surprenante [1].

« Le problème de fond, c’est que le Venezuela a une société très peu propice à la révolution, telle que, nous, les marxistes, nous l’entendons. Le pétrole a créé dans ce pays une société fort semblable à celle de l’Espagne des XVIe et XVIIe siècles. Mendiants, quémandeurs, intrigants de cour et bureaucrates constituent l’essentiel de nombreuses couches de la société, ou du moins y ont un poids considérable. Une société de ce type produit des révoltes mais pas de révolutions, des mutineries mais pas de tempêtes sociales. Et surtout, dans une société de ce type, tous espèrent des changements sans pratiquement faire d’effort et des solutions plus rapides que l’éclair. » Domingo Alberto Rangel

Chávez est-il de gauche?

Dans sa jeunesse, Chávez a subi l’influence du petit milieu communiste de sa province de Barinas, sans pour autant jamais s’engager dans une militance active. Dans les années 1970 et 1980, il a participé aux intrigues entre divers cercles de jeunes officiers et les secteurs de la gauche radicale vénézuélienne qui pratiquaient une forme d’entrisme en milieu militaire. C’est à la tête d’une coalition de petits partis de gauche alliés à son propre mouvement, le MVR (Mouvement pour la Ve République), qu’il a accédé au pouvoir fin 1998. Nombre de hauts fonctionnaires du gouvernement bolivarien proviennent de la guérilla des années 1960 ou de la gauche socialiste qui lui a succédé.

Dans les années 1990, Chávez s’est laissé séduire par le nationalisme anti-impérialiste exacerbé de Norberto Ceresole, un idéologue argentin antisémite et proche des militaires d’extrême droite « carapintadas », qui prônait une espèce de nasséro-péronisme autoritaire et « post-démocratique » - selon ses propres termes - fondé sur la pyramide caudillo-armée-peuple. Sans doute lassé des frasques idéologiques de son conseiller, Chávez finit par l’expulser du Venezuela en 1999. Au début de son mandat, il invoquait à tout bout de champ L’Oracle du guerrier, un manuel de sagesse new age à la Paulo Coelho écrit par un autre Argentin, Lucas Estrella. Plus récemment, il s’est employé à faire partager à ses collaborateurs son enthousiasme pour Les Misérables, de Victor Hugo. Jadis admirateur déclaré de la troisième voie de Tony Blair, qu’il voue maintenant aux gémonies, il profite souvent de ses visites à l’étranger pour multiplier les professions de foi les plus hétéroclites, se déclarant volontiers castriste à Cuba, maoïste en Chine ou admirateur du Livre vert de Kadhafi en Libye. D’aucuns voient en lui un opportuniste cynique obsédé par le pouvoir et totalement dépourvu de véritables convictions idéologiques. Pourtant, Chávez est sans doute sincère lorsqu’il dit que son cœur saigne pour les pauvres, d’autant plus qu’il se perçoit lui-même comme un petit provincial plébéien et «  zambo  » (c’est-à-dire porteur d’un phénotype afro-indien) rejeté par l’oligarchie et «  la gente bien  », les « gens biens ».

En l’absence d’un corps de doctrine très élaboré, il est parfois difficile de discerner ce qui rassemble autour du projet bolivarien les communistes orthodoxes du PCV, qui n’ont pas vraiment digéré la chute du mur de Berlin, les divers sociaux-démocrates repeints aux couleurs bolivariennes, les populistes radicaux de l’UPV (Union du peuple vénézuélien) liés à la figure haute en couleurs de la pasionaria plébéienne Lina Ron, animatrice d’un célèbre programme de radio chaviste, les militants qu’exalte la mythologie guévariste, les activistes sociaux issus des luttes urbaines des années 1990, les courants de la gauche syndicale porteurs de traditions d’autonomie ouvrière datant des années 1980 ou les adeptes de la participation populaire et de l’économie sociale. Au sein du principal véhicule politique du processus bolivarien, le MVR, on voit se côtoyer orphelins de la gauche radicale et vieux renards de la politique traditionnelle opportunément convertis à la rhétorique révolutionnaire. Caractérisé par une structure organisationnelle tout à la fois ectoplasmique et très verticale, ce parti constitue aussi une commode plate-forme électorale et professionnelle pour les centaines de militaires reconvertis en entrepreneurs publics ou privés qui peuplent aujourd’hui l’appareil d’État.

Face au chavisme, il existe aussi une gauche anti-chaviste. C’est le cas des réformistes du MAS (Mouvement vers le socialisme, à ne pas confondre avec son homonyme bolivien), entrés en opposition après un peu plus d’un an de participation au gouvernement, mais aussi des marxistes-léninistes de Bandera Roja, qui contrôlent des secteurs substantiels du mouvement étudiant et prêtent leur service d’ordre musclé aux manifestations de l’opposition. Une bonne partie des plus éminents intellectuels marxistes vénézuéliens ayant participé aux luttes armées et civiles des années 1960, 1970 et 1980 dénoncent de façon parfois virulente un régime qu’ils considèrent comme une vaste escroquerie idéologique. C’est le cas de Domingo Alberto Rangel, historien renommé et ancien dirigeant du MIR (Mouvement de la gauche révolutionnaire), de l’ex-leader guérillero Douglas Bravo et de dizaines de leurs homologues.

La majorité des figures les plus prestigieuses ou les plus qualifiées de la culture vénézuélienne semble de fait assez hostile au régime. Fait symptomatique, les deux principaux « théoriciens » du processus bolivarien et du « socialisme du XXIe siècle » sont des étrangers : Heinz Dieterich, un universitaire allemand résidant au Mexique et Martha Harnecker, philosophe marxiste d’origine chilienne vivant à La Havane et très liée au régime castriste. D’autres clercs progressistes, comme l’historienne Margarita López Maya, assument une position plus « anti-anti-chaviste » que proprement chaviste. Sans manifester de grand enthousiasme à l’égard de la figure d’Hugo Chávez, ces intellectuels ne veulent pas être associés à une opposition qu’ils considèrent comme largement factieuse, classiste et raciste.

La gauche radicale au Venezuela n’a jamais été très forte, n’ayant presque jamais dépassé 8 % à 10 % de l’électorat. Le compromis historique entre la démocratie-chrétienne et la social-démocratie modérée d’Acción Democrática - formulé en 1958 sous le nom de pacte de Punto Fijo -, après l’avoir marginalisée et persécutée, a bloqué son développement politique en intégrant une bonne partie de sa potentielle base sociale. Chávez a pulvérisé ce qui en restait depuis 1998. Cohabitant avec néolibéraux, putschistes et résidus de l’appareil « puntofijiste » dans l’opportunisme de la survie électorale, la gauche d’opposition est vouée à l’impuissance et au déclin. Du côté bolivarien, Chávez n’admet pas d’alliés que ne soient complètement domestiqués : c’est le cas du PPT (Patria para todos), qui regroupe la majorité des cadres de l’ex-Causa Radical (une espèce de petit PT vénézuélien aujourd’hui moribond), et qui survit en colonisant des secteurs de l’appareil d’État au prix d’un suivisme passablement servile, alors que sa trajectoire lui aurait permis d’être la conscience critique et démocratique du bloc chaviste.

Il y a des forces assez intéressantes dans la gauche syndicale, mais leur dépendance à l’égard de la mystique révolutionnaire chaviste et la grande faiblesse démographique et sociale du secteur salarié formel tendent à exclure qu’elles puissent être la base d’une alternative crédible. L’avenir de la gauche au Venezuela passe sans doute par des recompositions avec des secteurs du chavisme, mais il est aujourd’hui impossible de savoir comment pourraient se produire des ruptures et des recompositions organisationnelles durables au sein de la mouvance bolivarienne. Chávez est encore jeune et la forme caudilliste, personnaliste et charismatique de l’adhésion au chavisme garantit le contrôle et la régulation verticale de ses nombreuses contradictions internes, et ce de façon relativement efficace pour le moment.

Chávez est-il démocrate?

Pour les secteurs les plus durs de l’opposition, qui dominent une bonne partie des médias vénézuéliens, il n’y a pas de doute : Chávez est un dictateur implacable et son régime est totalitaire et oppressif. Dans une interview récente, Marcel Granier, directeur général de Radio Caracas Televisión de Venezuela (RCTV), définissait le gouvernement bolivarien comme « fasciste ». Des esprits moins échauffés émettent toutefois des critiques suffisamment circonstanciées pour qu’on se pose la question d’une dérive autoritaire du régime chaviste. Entre les accusations qui reviennent avec insistance, citons : le contrôle des organes judiciaires, en particulier du Tribunal suprême de justice, et de l’autorité électorale ; la politisation partisane de l’armée et la militarisation de la vie sociale à travers la création d’un corps de réserve de type cubain contre la soi-disant menace d’invasion américaine ; la volonté de discipliner et de contrôler les ONG à travers une législation restreignant leur sources de financement ; l’idéologisation du système éducatif à travers l’inculcation des « valeurs de la révolution » ; les menaces répétées à l’encontre de l’autonomie des universités sous prétexte de lutte contre leur « élitisme » ; et les attaques systématiques contre la presse.

La tension entre le gouvernement et les médias est bien réelle - et cela n’est guère étonnant si l’on se souvient qu’une grande partie de ces derniers ont appelé et soutenu ouvertement le coup d’État contre Chávez en avril 2002. Le harcèlement verbal et, parfois, juridique, est indéniable, mais il n’y a pas au Venezuela de censure ni d’intervention directe contre les rédactions. Comme l’admet le journaliste d’opposition Fausto Masó, exilé anticastriste, « Chávez a gouverné en faisant peur aux Vénézuéliens sans fusiller aucun adversaire ni fermer un seul journal ». La nouvelle loi dite «  mordaza  » (bâillon) par l’opposition, censée entre autres choses prohiber les commentaires insultants contre la personne du président, n’est pas appliquée dans les faits. Elle constitue plutôt une menace latente qui viserait, dit-on, à susciter l’autocensure des médias. Cette autocensure n’est guère perceptible : le ton d’insulte grossière hystérique - et souvent bassement raciste - contre Chávez a baissé d’un cran depuis deux ans, mais la presse et la télévision d’opposition - cette dernière toujours majoritaire en audience - continuent de manifester un niveau de belligérance et de haine personnalisée assez impressionnant. Le gouvernement n’exerce par ailleurs aucun contrôle sur Internet alors que le niveau d’hostilité des sites anti-chavistes relève de l’hystérie apocalyptique, exprimée dans un langage systématiquement obscène et injurieux. Bien entendu, du côté chaviste, on n’est pas en reste au niveau des insultes.

Pour ce qui est de l’habeas corpus et des droits civiques, comme dans beaucoup de pays d’Amérique latine, ils sont tout aussi précaires pour les prisonniers, les délinquants et les citoyens victimes circonstancielles de la police que sous les régimes précédents, même si le gouvernement bolivarien essaie parfois d’y remédier, comme dans le cas des exécutions judiciaires de délinquants pratiquées par la police de l’État de Falcón. De fait, la police torture sous Chávez de même que sous Lula et Kirchner ; ce n’est pas la faute de ces mandataires, même c’est leur responsabilité d’essayer d’y mettre fin malgré le peu de pouvoir qu’ils ont sur certaines polices locales. En revanche, la grande époque des « disparitions » politiques au Venezuela est la IVe République (1958-1998), pas la Ve. La situation y est de ce point de vue bien meilleure qu’en Colombie, fidèle alliée des États-Unis. Citons le Rapport 2005 du Département d’État américain sur les droits de l’homme au Venezuela : « La loi garantit la liberté de réunion, et le gouvernement respecte généralement ce droit dans la pratique. [...] Les médias imprimés et électroniques sont indépendants. [...] Le gouvernement n’exerce aucune restriction sur Internet ou contre la liberté académique. [...] La loi garantit aux citoyens le droit de changer pacifiquement de gouvernement, et les citoyens exercent ce droit par le biais d’élections régulières sur la base du suffrage universel.  »

Il est exact que le Conseil national électoral (CNE) est contrôlé par une majorité chaviste, mais toutes les accusations de fraude lancées par l’opposition ont été systématiquement démenties par les organismes de contrôle internationaux. Quant au monopole actuel du chavisme sur l’Assemblée nationale, il est dû au boycott suicidaire des élections législatives de décembre 2005 par l’opposition. En vue des élections présidentielles de décembre 2006, où elle a cette fois décidé de participer, l’opposition a demandé aux recteurs anti-chavistes des principales universités d’auditer le registre électoral. Leur conclusion a été sans appel : « Il n’y a pas d’indice de fraude dans le registre électoral. »

On cite souvent comme preuve de dérive dictatoriale la liste de signataires en faveur du référendum révocatoire de 2004, dite liste Tascón, du nom du député chaviste qui l’a faite circuler : elle aurait donné lieu à des interdictions professionnelles et à des discriminations administratives à l’encontre d’opposants déclarés. Ces accusations semblent avérées dans certains cas. Ladite liste noire a toutefois été officiellement désavouée par Chávez, qui a déclaré qu’il fallait l’« enterrer ». La dynamique de l’autoritarisme chaviste semble souvent répondre au schéma suivant : belligérance verbale et parfois ciblée (contre telle ou telle personnalité ou institution) du caudillo, initiatives plus ou moins autonomes de menace-intimidation de la part de serviteurs zélés du régime, cris d’orfraie des médias d’opposition, désaveu officiel de la part des organes de justice et/ou du président - ce dernier parfois sur un ton ironique et agressif réaffirmant les droits des opposants tout en les outrageant verbalement. Chávez vient par exemple de déclarer que ses fonctionnaires qui font des procès pour injure ou calomnie à des journalistes en vertu de la loi sur la presse votée par la majorité chaviste ont « la peau trop sensible  » et devraient laisser les chacals aboyer sans broncher.

La concentration des pouvoirs et la manipulation de la justice sont réelles, bien que pas absolues : la justice « chaviste » a quand même validé la tenue du référendum révocatoire de 2004. Il faudrait toutefois comparer la situation avec celle qui prévaut dans les autres démocraties de la région. Le régime de Fujimori, qui présentait des ressemblances en termes de manipulation des institutions, mais était bien pire en matière de droits humains et de légitimité démocratique, a été un favori de la Maison blanche pratiquement jusqu’à la fin. Dans de nombreux pays d’Amérique latine, la justice est fortement corrompue et manœuvrée par des mafias politiciennes sans que personne ne parle de faire intervenir l’OEA.

La présence d’une tendance à l’autoritarisme et au verticalisme militaire dans le chavisme est indéniable, mais elle est loin d’être univoque ou irrésistible. D’une part, il s’agit d’une espèce d’autoritarisme anarchique et désorganisé dont le résultat est plus une désinstitutionnalisation rampante que la suppression violente des libertés démocratiques. D’autre part, elle a pour contrepoids une impulsion participative réelle des « masses » et de solides réflexes démocratiques de la société, chavistes compris. Citons à ce propos un incident très révélateur. Dans une réaction typique de la culture marxiste-léniniste autoritaire de type cubain, la députée Iris Varela, pasionaria révolutionnaire du MVR, avait menacé de licenciement les fonctionnaires qui s’abstiendraient aux législatives du 4 décembre 2005. Elle suscita la réaction indignée de représentants de l’Union nationale des travailleurs (UNT, proche du gouvernement), qui désavouèrent cette attaque contre le droit « bourgeois » de ne pas être obligé à voter, lequel coïncide en l’occurrence avec le droit des travailleurs à ne pas être licencié pour délit d’opinion.

La même Iris Varela, interrogée sur sa vision de l’opposition par un journaliste, a lâché un jour cette perle symptomatique : « Personnellement, je vivrais très bien sans opposition, mais je sais que ce n’est pas possible.  » COMMENT le sait-elle, et POURQUOI au juste cela n’est-il pas possible, nous n’en serons pas informés, et il est fort probable qu’Iris Varela ne le sache pas très bien elle-même. Dans l’indétermination de cette réponse gît toute l’ambiguïté du rapport du chavisme à la démocratie. Une ambiguïté en fait plutôt productive et rassurante si, au lieu de se poser la question parfaitement idiote de savoir si Chávez est « sincèrement démocrate » ou non, on considère les contraintes qu’impose à son action l’ensemble du contexte et des tendances socio-politiques locales et régionales.

Chávez a-t-il fait quelque chose pour les pauvres?

Selon les statistiques du gouvernement bolivarien lui-même, la pauvreté avait augmenté de 17,8 % entre 1999 et 2004. Pourtant, fin 2005, l’Institut national de statistiques (INE) annonçait une baisse drastique de la pauvreté : de 53,1 % à 38,5 %. Même en tenant compte de la forte croissance du PIB (plus de 9 %) et des effets collatéraux des missions bolivariennes - dont certaines sont associées à des aides monétaires aux ménages défavorisés -, une baisse de 14 points en un an est matériellement impossible de l’avis des spécialistes. Ceux-ci ajoutent toutefois qu’il est peu probable que l’INE ait inventé ces chiffres alléchants, se contentant de « cuisiner » les données, pratique qui n’est évidemment pas une exclusivité du chavisme. Il est ainsi aisé de faire sortir du chômage les centaines de milliers de personnes qui reçoivent une modeste bourse en échange de leur participation aux missions éducatives de niveau primaire et secondaire. Les critiques affirment qu’on ne connaît pas la technique employée par les statisticiens du gouvernement pour évaluer le coût du panier de biens permettant de mesurer l’inflation, l’INE utilisant un indice de prix différent de celui de la Banque centrale vénézuélienne, censé faire référence. Il y a en outre des contradictions dans les statistiques de moyen terme de l’INE. Selon les chiffres officiels, la pauvreté serait passée de 43,9 % en 1998 à 37 % en 2005. Et pourtant, pendant la même période, le revenu réel moyen des Vénézuéliens aurait diminué à un rythme de 0,9 % par an, soit une baisse totale de 6 % en sept ans. Le taux de chômage, lui, serait passé de 11 % en 1998 à 12,2 % en 2005.

Spécialiste de la pauvreté, Matías Riutort, directeur de l’Institut de recherches économiques et sociales de l’Université catholique Andrés Bello, avance des chiffres un peu différents et plus circonstanciés : «  Si on prend la période 1995-2005, on constate que la pauvreté a augmenté certaines années et diminué pendant les autres. [...] Si vous prenez comme référence 1995, le taux de pauvreté a été inférieur pendant toutes les années suivantes. Mais si vous partez de 1998 [début du mandat de Chávez], le taux de pauvreté a été constamment supérieur pendant les années suivantes. On constate toutefois une tendance à la diminution de la pauvreté à partir de 2004, il est possible qu’on arrive en 2006 à un niveau inférieur à celui de 1998. [...] D’après les dernières informations disponibles, le taux de pauvreté des individus était de 57 %, contre 65,7 % en 2003. Calculé au niveau des ménages, il était de 48 %, dont 16,6 % d’indigents [personnes ayant un revenu inférieur à la valeur d’un panier de biens alimentaires de base], contre plus de 60 % en 2003.  » Confirmant que l’année 2005 se profile comme un tournant important, Riutort signale que c’est cette année-là que, pour la première fois, le nombre de travailleurs employés dans le secteur informel a commencé à baisser en dessous du niveau de 1998 et que taux de chômage a commencé à diminuer, tout en restant supérieur aux niveaux atteints entre 1995 et 1998. Il souligne toutefois qu’entre 1999 et 2005, le PIB réel par habitant n’a jamais dépassé le niveau atteint en 1998 et que si le salaire minimum a augmenté en termes réels [216 dollars par mois en 2006], le pourcentage de salariés qui reçoit un revenu inférieur au salaire minimum a également augmenté.

Les statistiques du gouvernement sont donc à prendre avec des pincettes, mais les extrapolations catastrophistes de l’opposition, qui prophétise à peu près tous les mois l’apocalypse sociale pour demain, ne sont guère crédibles. Deux conclusions provisoires, d’apparence contradictoires, s’imposent :

1) En l’absence d’une modification profonde de la structure productive et du fonctionnement de l’État, il est très peu probable qu’on assiste à une réduction durable de la pauvreté et de la marginalité socio-économique au Venezuela. Le secteur informel, qui emploie près de 47 % de la population active selon l’INE, plus de 50 % selon divers organismes internationaux, continue à peser d’un poids considérable. Pour l’instant, la « révolution bolivarienne » offre aux secteurs populaires plus de « reconnaissance » (certes assortie de toute une gamme de programmes d’urgence) que de réelle « redistribution ».

2) Pour une mère célibataire au chômage, par exemple, l’accès aux consultations et aux médicaments gratuits auprès d’un dispensaire médical de la mission Barrio Adentro (« Au cœur du quartier »), l’achat d’aliments à moitié prix dans un centre de distribution populaire Mercal, l’éventuelle obtention d’une bourse de rattrapage éducatif de la mission Robinson et le fait que l’école bolivarienne du quartier garde ses enfants toute la journée en leur offrant diverses activités socio-éducatives et trois repas équilibrés par jour au lieu de les renvoyer au foyer ou à la rue en début d’après-midi ne peut pas ne pas se traduire par une nette amélioration de son niveau de « développement humain ».

Pour des millions de Vénézuéliens déshérités, les missions bolivariennes signifient que l’État les prend enfin en compte et les soustrait à l’invisibilité sociale. Reste qu’il est à la fois pertinent et légitime de s’interroger sur la soutenabilité à moyen et long terme de ces programmes, sur leur articulation institutionnelle en une politique sociale d’ensemble cohérente et sur l’absence de mécanismes fiables et transparents de suivi et de contrôle administratif de leur mise en œuvre et de leurs résultats, vu le caractère totalement opaque et discrétionnaire de leur financement. L’absence de débat sérieux sur les politiques publiques ne facilite pas les choses. Ainsi, les centres de soins primaires de Barrio Adentro, où travaillent plus de 15 000 médecins cubains, sont très contestés par l’opposition pour des raisons essentiellement idéologiques, alors que leur véritable talon d’Achille est leur articulation avec le reste du système de santé, en particulier avec les hôpitaux publics, qui sont dans un état souvent catastrophique.

Dans un autre domaine, celui de la réforme agraire initiée en 2001, on rencontre le même type de controverses et la même confusion des enjeux. De 2003 à 2005, le gouvernement a distribué plus de deux millions d’hectares à 160 000 familles paysannes. Les objectifs explicites de la réforme sont de stimuler la croissance agricole, de pénaliser les terres improductives et la spéculation foncière, de limiter la taille maximale des grandes propriétés rurales et de combattre la concentration des terres. Le Venezuela avait déjà connu dans les années 1960 une réforme agraire qui avait distribué des terres appartenant à l’État à plus de 200 000 familles. Mais le boom pétrolier des années 1970 entraîna une chute de la compétitivité de la production agricole et un exode rural massif et les gouvernements de l’époque finirent par se désintéresser totalement de la question. En l’absence d’aides et de crédits, nombre de paysans bénéficiaires de la réforme abandonnèrent ou revendirent leurs terres aux grands propriétaires (on parle d’un taux d’abandon de plus de 30 %). La répartition des terres se maintint ainsi pratiquement aussi inégalitaire qu’avant la réforme.

La réforme de Chávez n’est pas spécialement radicale. Elle concerne elle aussi en premier lieu les terres appartenant à l’État et affirme clairement que les grands propriétaires privés ont des droits sur leurs terres. Ce n’est que dans le cas où elles ne sont pas cultivées et dépassent une certaine taille qu’une partie peut être confisquée et redistribuée contre une indemnisation calculée à hauteur des prix du marché. Le processus ne suscite d’ailleurs pas que des critiques idéologiques. De nombreux spécialistes lui reprochent un certain niveau d’improvisation et d’inefficacité administrative. Les paysans se plaignent souvent des crédits qui n’arrivent pas, du manque de formation et de la déficience des infrastructures.

Avec son habituel génie de la mise en scène, Chávez a fait tout un plat de la « lutte contre le latifundio », multipliant les grands discours et faisant parfois intervenir les militaires sur le terrain dans les litiges avec les grands propriétaires. Les médias d’opposition ont aussitôt crié au « communisme » et à la « collectivisation  ». La vérité est plus prosaïque. Une nouvelle réforme agraire était certainement nécessaire pour corriger l’injustice des rapports sociaux à la campagne. Celle de Chávez sera à juger sur pièces, mais le pouvoir du latifundio est essentiellement résiduel. La réalité, c’est que le Venezuela est un pays ultra-urbain (90 % de la population), que la réforme agraire ne concernera sans doute en fait qu’environ 2 % de la population et que malgré les discours officiels sur l’autosuffisance alimentaire, il reste le seul pays d’Amérique latine qui soit un importateur net de produits agricoles et celui dont la production agricole représente la plus petite part du PIB : 6 % (contre 5 % en 1998). Le Venezuela importe en effet près de 75 % des aliments qu’il consomme, phénomène aggravé par le contrôle des changes mis en place par le gouvernement pour contrôler l’inflation et la fuite de capitaux, mais qui tend aussi à rendre les importations relativement bon marché et à renchérir les exportations.

Tout s’explique-t-il par le pétrole?

Pas tout, bien entendu, mais avec un baril à plus de 60 dollars, contre 7 dollars au début du mandat de Chávez (le revenu pétrolier par habitant est passé de 226 dollars à 728 dollars entre 1998 et 2005), beaucoup de choses dépendent du pétrole, qui représente plus de 50 % des recettes fiscales. Les critiques du régime considèrent que la politique économique de Chávez consiste « essentiellement [à] administrer la rente pétrolière en fonction de d’objectifs purement politiques et sans guère prêter attention [...] aux exigences de transformation ». D’après l’économiste marxiste Enzo del Búfalo [2], la dynamique de désindustrialisation amorcée dans les années 1990 a continué sous Chávez : « L’objectif numéro un est d’utiliser l’industrie pétrolière comme une source de revenus fiscaux et d’essayer de maximiser ces revenus pour financer des dépenses croissantes, mal organisées, caractérisées par un énorme gaspillage et une très faible efficacité, mais par une forte rentabilité politique. [...] Le Venezuela est de nouveau un pays pratiquement monoexportateur, et les industries nationales de base (publiques), qui pesaient d’un poids non négligeable, ne représentent plus qu’une part minime des exportations.  » De fait, au premier semestre 2005, les exportations pétrolières représentaient 85,3 % du total des exportations vénézuéliennes (secteur public et secteur privé), contre 68,7 % en 1998.

Les défenseurs de Chávez soutiennent pour leur part qu’il existe une véritable stratégie de diversification industrielle et avancent d’autres chiffres à l’appui de leur thèse. D’après la Banque centrale du Venezuela, disent-ils, la croissance vigoureuse de l’économie vénézuélienne depuis 2004 (plus de 9 % en 2005) est largement attribuable au secteur non pétrolier : construction (28,3 %), commerce intérieur (19,9 %), transports (10,6 %), et manufacture (8,5 %), contre seulement 2,7 % pour le secteur pétrolier. Tandis qu’au deuxième trimestre 1999, la part du PIB non pétrolier était estimé à 70,5 % du PIB total, elle était passée à 76 % en 2005. Et le fait que, depuis début 2003, la part des biens de consommation finale dans les importations soit passée de 37,6 % à 24,2 % tandis que celle des biens de capital passaient 12,3 % à 25,7 % tendrait à prouver que le Venezuela a bien amorcé une nouvelle phase d’industrialisation. Sans contester ces chiffres, d’autres commentateurs économiques n’y voient qu’un effet collatéral de l’« ivresse rentière » : ce n’est que grâce à l’abondance des revenus pétroliers que les entreprises, tout comme les particuliers, augmentent leur consommation de biens et de services, mais rien ne garantit pour autant qu’il s’agisse d’une dynamique de diversification économique durable et soutenable.

Le pétrole joue bien entendu un rôle stratégique tant dans les initiatives diplomatiques tous azimuts de Chávez (relance de l’OPEP, aide à Cuba, rapports Sud-Sud, alliance avec l’Iran) que dans le financement des programmes sociaux. Ainsi, en 2004, sur un chiffre d’affaires de 60 milliards de dollars, la contribution de la compagnie pétrolière nationale PDVSA au budget national (sous forme d’impôts, de redevances et de dividendes) s’est élevée à 11,4 milliards de dollars. Quelque 3,7 milliards sont allés au financement d’infrastructures et des fameuses « missions » bolivariennes.

Dans les années 1980-1990, affirment les chavistes, PDVSA fonctionnait comme un véritable État dans l’État sans rendre de comptes à la société. La part des recettes perçues sur les exportations et versée par PDVSA à l’État s’était constamment amenuisée, passant de 70,6 % en 1981 à 38,6 % en 2000. Paradoxalement, la reprise en main de PDVSA a été favorisée par l’entrée en dissidence ouverte de la direction et des cadres du groupe, la « méritocratie pétrolière », convertie en fer de lance de l’opposition pendant les grèves et manifestations de 2002 et début 2003, qui ont déstabilisé le pays au point de provoquer une chute catastrophique de 9 % du PIB. Cette insubordination massive mais finalement sans succès offrit à Chávez l’occasion rêvée pour « faire le ménage » en licenciant 18 000 employés sur un total de 42 000, dont 80 % de ses cadres.

La nouvelle législation sur les hydrocarbures redéfinit le cadre contractuel entre PDVSA et les transnationales pétrolières, relevant l’impôt sur les bénéfices et le niveau de la redevance pétrolière. Les majors ne pourront plus opérer seules dans le pays, mais devront le faire par l’intermédiaire de sociétés mixtes dans lesquelles PDVSA disposera de 51 % du capital. Malgré les proclamations de souverainisme énergétique et les dizaines de millions de dollars de retards d’impôts réclamés à certaines d’entre elles par le fisc vénézuélien, la plupart des grandes multinationales comme Shell, Chevron Texaco et British Petroleum ne semblent pas s’émouvoir outre mesure des conditions de ce dispositif. Au vu des gigantesques réserves de brut, estimées entre 100 et 300 milliards de barils, les perspectives de profit sont toujours juteuses et l’ouverture en amont aux capitaux étrangers reste plus généreuse au Venezuela qu’en Russie ou en Arabie saoudite.

Si le gouvernement défend son projet pétrolier comme une arme dans le combat pour l’« indépendance vis-à-vis des entreprises transnationales, l’autonomie, la souveraineté, la lutte contre la pauvreté et la revitalisation de l’OPEP  », un certain nombre d’experts pétroliers appartenant à la gauche antichaviste voient au contraire dans le pragmatisme contractuel de PDVSA et l’association avec des multinationales étrangères à la fois un renouvellement sous déguisement bolivarien des pratiques crypto-privatisantes de la « méritocratie pétrolière » d’antan, une reddition face au capital transnational et une soumission aux critère néolibéraux d’exploitation et de commercialisation. Bref, le pétrole vénézuélien n’a pas fini de susciter des controverses.

Chávez encourage-t-il la « cubanisation » du Venezuela?

Chávez a des liens politico-personnels intimes avec Fidel Castro, qu’il consulte pour une partie de ses décisions et les services secrets cubains sont très présents au Venezuela. Dans de nombreux domaines, la coopération étroite est bien réelle, et parfois absurdement intrusive de la part des Cubains, ce qui agace même une partie de la base chaviste. Cela ne veut pas dire que le Venezuela est en train de devenir une « colonie cubaine », comme le proclame à grands cris l’opposition. À terme, ça pourrait même finir par vouloir dire le contraire, une espèce de « vénézuélisation » de Cuba plutôt qu’une « cubanisation » du Venezuela. Politiquement, le régime bolivarien présente une garantie de stabilité et une espèce de modèle approximatif pour une transition post-Castro vers un capitalisme d’État contrôlé par la nomenklatura militaire cubaine. Économiquement, l’alliance avec le Venezuela représente un ballon d’oxygène inespéré pour Cuba. Chávez ne fait pas « cadeau » de son pétrole à Cuba, même s’il lui offre des conditions très avantageuses, et La Havane signe des reconnaissances de dette qui pourraient un jour avoir des conséquences inattendues, voire explosives. Le Venezuela n’est pas dénué d’ambition hégémonique (en rivalité avec le Mexique) dans le bassin caribéen, et cela ne date pas de Chávez.

Sur le plan idéologique, même si Chávez a pu déclarer que les Cubains vivaient dans une « mer de félicité  », toutes les enquêtes sont formelles sur le fait que le peuple vénézuélien, y compris la majorité écrasante de l’électorat chaviste, ne veut pas d’un modèle de type cubain. On voit d’ailleurs mal comment il pourrait être imposé à une société aussi complexe, diverse, ouverte au monde et irrévérente que la société vénézuélienne de 2006, qui n’a rien à voir avec une société de type Cuba en 1959. Et le contexte international lui aussi a changé.

Enfin, quand on me parle de la « cubanisation » du Venezuela, je dis toujours que les Vénézuéliens laisseront peut-être sans trop broncher piétiner l’indépendance du Tribunal suprême de justice ou du Conseil national électoral, au moins pour un temps, mais que pour les priver du centre commercial Sambil ou d’autres immenses « malls  » qui parsèment la capitale et les principales métropoles, il faudra passer sur leur cadavre. Il n’y a qu’à voir le style et le niveau de consommation des dizaines de milliers de nouveaux riches chavistes.

Qu’est-ce que le « socialisme du XXIe siècle?


L’idée du « socialisme du XXIe siècle », lancée à brûle-pourpoint au Forum social mondial de Porto Alegre, en janvier 2005, a de quoi laisser perplexe. Six mois avant de la sortir de son chapeau, Chávez expliquait à l’intellectuel marxiste anglo-pakistanais Tariq Ali « [qu’il ne croyait pas] aux postulats dogmatiques de la révolution marxiste  » et que « l’abolition de la propriété privée ou une société sans classes  » n’étaient nullement à l’ordre du jour au Venezuela. Chávez explique aujourd’hui qu’il ne croit plus possible d’humaniser le capitalisme, mais que son socialisme sera débarrassé des vices bureaucratiques, des dogmatismes idéologiques et des erreurs du passé et que son appel est avant tout une « invitation au débat [...] y compris avec les chefs d’entreprise  », dont on ne sait pas très bien quelle sera leur place dans ce système, mais qui n’ont apparemment pas à craindre d’expropriation massive. Le socialisme selon Chávez est « avant tout une éthique  », « l’amour du prochain  », la « solidarité avec nos frères  ». Le premier socialiste fut Jésus Christ. Judas, qui a vendu le Christ pour trente deniers, « est le premier capitaliste  ». Bolívar, défenseur de la liberté et de l’égalité, aurait été socialiste s’il avait vécu plus longtemps. Bref, le socialisme c’est l’altruisme, le capitalisme, c’est l’égoïsme.

Depuis bien avant Chávez, le Venezuela est un capitalisme d’État rentier où le plus gros employeur formel est l’État et où le secteur privé entretient avec celui-ci des relations de type clientéliste souvent incestueuses. La Constitution bolivarienne de 1999 sanctionne l’existence de la libre entreprise et la propriété privée des moyens de production. Sur le terrain, les chavistes défendent l’idée que le socialisme vénézuélien se développera à partir des formes de participation populaire et d’économie solidaire que promeut le régime à grand renfort de pétrodollars. Il s’agit là d’une dynamique bien réelle qui concerne sous une forme ou une autre plusieurs centaines de milliers de personnes, mais qui recouvre une gamme assez complexe et variée de pratiques sociales. Cela va des expériences autogestionnaires les plus en pointe jusqu’à la simple mobilisation clientéliste de type péroniste, en passant par toute une frange intermédiaire de pratiques d’auto-organisation populaire liées aux missions sociales (comités de gestion des terres urbaines, comités de santé, etc.).

De l’aveu même des militants bolivariens, les Conseils locaux de planification, censés impliquer les citoyens dans la gestion municipale, ont complètement échoué face à la résistance de la bureaucratie municipale chaviste qui ne souhaite guère que ses administrés mettent le nez dans ses affaires (parfois illégales et juteuses). Le gouvernement vient de définir le cadre législatif et de dégager les ressources destinées à faciliter le fonctionnement d’une nouvelle structure conçue pour être plus proche de la population, les Conseils communaux de planification. Il est également question d’introduire à Caracas une version du budget participatif de Porto Alegre. Cette initiative aura sans doute quelque mal à se concrétiser dans le cadre d’une architecture municipale assez baroque, avec deux maires chavistes (dont un ancien policier soupçonné d’avoir appartenu à un escadron de la mort anti-délinquants) aux juridictions enchevêtrées et qui se détestent cordialement entre eux, au point que Chávez a dû un temps les faire chapeauter par un général censé « coordonner l’action municipale  ».

Les activités impulsées par les « noyaux de développement endogènes » - dont la présence est surtout significative en zone rurale - ne sont pas très différentes des micro-projets de développement (agricole, éco-touristique, etc.) promus dans d’autres pays de la région par les ONG internationales, voire la Banque mondiale. Simplement, au Venezuela, elles sont subventionnées par l’État et ornées d’une couche de vernis révolutionnaire. Enfin et surtout, le gouvernement impulse fortement le secteur coopératif. Il y aurait actuellement près de 100 000 coopératives, employant environ 7 % de la population active contre seulement 762 en 1998. À côté d’authentiques projets d’économie sociale soutenable, cette éclosion compte pas mal de fleurs de serre qui vivent sous perfusion financière de l’État. Plus grave, nombre de coopératives sont créées ad hoc par des entrepreneurs bien en cour auprès de potentats chavistes locaux et visent essentiellement l’obtention de subsides gouvernementaux ou d’exonérations fiscales, la légalisation de formes de sous-traitance sauvage et la flexibilisation de la main d’œuvre. D’après le superintendant des coopératives, Carlos Molina, dans la majorité des cas, on constate « une faiblesse [de ces entreprises] au niveau des valeurs et principes  » : « moins de 1 % des coopératives honorent vraiment les principes du coopérativisme, comme la solidarité et le bénéfice collectif », et sur 2 376 coopératives auditées par le gouvernement, on a constaté des malversations dans 2 110 cas (soit 88 %).

Outre son caractère extrêmement vague, le discours sur le « socialisme du XXIe siècle » se heurte à trois réalités fondamentales. Premièrement, l’énorme importance du secteur informel : d’après une enquête publiée par le Financial Times, 25 % des Vénézuéliens entre 18 et 64 ans se déclarent « entrepreneurs », ce qui ferait du Venezuela le pays le plus « capitaliste » du monde devant la Thaïlande (21 %), les États-Unis (12 %), l’Espagne, l’Allemagne et la France (6 %) et le Japon (2 %) ! Deuxièmement, l’usage néopatrimonial de l’appareil d’État : la nomenklatura chaviste, la « bolibourgeoisie » (bourgeoisie bolivarienne) et l’armée ont remplacé la nomenklatura bipartidiste de la IVe République, la « méritocratie » de PDVSA et la bureaucratie syndicale de la Centrale des travailleurs vénézuéliens (CTV, liée à Acción Democrática) dans l’appropriation mafieuse des ressources publiques. Le niveau exorbitant de la corruption est dénoncé y compris par une partie des médias chavistes. Enfin, la conception assez floue et parfois perverse de la « démocratie participative » qu’ont certains secteurs du chavisme, au lieu de servir à approfondir, enrichir, consolider et socialiser la démocratie représentative (qui est rhétoriquement diabolisée par les idéologues du régime), encourage une prolifération de structures parallèles para-étatiques sans réelle plus-value démocratique. La « participation populaire » devient dès lors une arme de plus dans la panoplie chaviste de délégitimation des institutions en général, y compris des quelques institutions qui fonctionnaient de manière plus ou moins démocratique et transparente. Contrairement à l’illusion caressée par l’extrême gauche chaviste, loin d’anticiper l’instauration d’un « double pouvoir » révolutionnaire, elle risque simplement de finir par contribuer à l’autoritarisme anarchique mentionné précédemment et à ses sursauts de fièvre plébiscitaire.

Chávez est-il anti-impéraliste?

Depuis le sommet des Amériques de Mar del Plata, en novembre 2005, Chávez est à l’apogée de sa popularité en Amérique Latine, tant à cause de sa virulente rhétorique anti-Bush que de sa diplomatie de Père Noël pétrolier. Caracas vend du combustible bon marché aux petits pays des Antilles, achète des bons de la dette argentine et équatorienne, signe des contrats avantageux avec Brasilia et Buenos Aires et surfe sur la vague de défiance continentale à l’égard de la politique américaine. Il ne faut toutefois pas confondre discours et réalité : le Venezuela n’a pas de querelle avec le FMI, paye sa dette rubis sur l’ongle et entretient les meilleures relations du monde avec des multinationales comme Chevron Texaco. L’ambassadeur vénézuélien à Washington, Bernardo Alvarez, l’expliquait récemment avec candeur : « Nos relations avec les entreprises américaines sont excellentes. En un an, nous sommes passés du rang de 16e à 13e partenaire commercial des États-Unis. Et nous sommes leur deuxième partenaire au niveau latino-américain.  » De fait, le commerce avec les États-Unis a augmenté de 36 % en 2005, atteignant 40 milliards de dollars. Parmi les entreprises qui vendent des services à l’industrie pétrolière vénézuélienne, le groupe Halliburton, symbole exécré de capitalisme prédateur lié à l’administration Bush, a ainsi considérablement accru sa présence et ses profits au Venezuela.

Par ailleurs, il convient d’observer que si Chávez a initié des polémiques sanglantes avec toute une série de mandataires latino-américains considérés comme proches de Washington, comme Fox et Toledo, il n’a jamais déclenché de confrontation verbale ou d’escalade diplomatique majeure avec le président colombien Alvaro Uribe, qui est pourtant le plus solide allié de Bush dans la région. De fait, malgré des tensions récurrentes et inévitables, essentiellement liées aux acteurs du conflit armé colombien et aux infiltrations et ingérences frontalières mutuelles, Chávez entretient des relations plutôt sereines avec Uribe, dont il ne manque jamais de vanter les qualités de chef d’État et de souligner que c’est un « ami ». Il est vrai que le Venezuela est le premier marché de l’industrie colombienne et qu’un projet commun d’oléoduc vers le Pacifique est susceptible d’aplanir bien des aspérités idéologiques. Comme dit l’ancien ambassadeur américain à Caracas John Maisto, il faut s’occuper de « ce que Chávez fait, pas de ce qu’il dit ».

Faut-il soutenir Chávez?

En termes diplomatiques, toute forme de déstabilisation ou de délégitimation organisée du gouvernement vénézuélien par la « communauté internationale » à la demande de Washington sous prétexte de déficits démocratiques réels (il y en a) ou imaginaires (il y en a aussi) est une monstrueuse hypocrisie. Il faut défendre les choix démocratiques du peuple vénézuélien et dénoncer l’agression impériale contre le Venezuela chaque fois que cela est nécessaire, ce qui ne veut pas dire que l’on approuve toutes les provocations diplomatiques fanfaronnes et un peu infantiles de Chávez, encore moins tous les aspects de sa politique intérieure. Il faut par ailleurs exposer sans aucune crainte de « faire le jeu de l’ennemi » toutes les failles et les contradictions du régime de Chávez et lutter contre l’imbécillité des raisonnements binaires et de la pensée pieuse qui règne à ce sujet dans une partie de la gauche radicale et altermondialiste.

Faire une critique équitable du chavisme consiste en grande partie à essayer de distinguer ce qui relève de la pathologie générique du modèle rentier et/ou du système politique vénézuélien et ce qui relève des caractéristiques spécifiques du régime. C’est souvent assez difficile, vu la complexité inextricable de certains phénomènes et la pénurie de sources d’information et d’instruments d’analyse fiables, mais cela est nécessaire pour combattre l’impressionnante mauvaise foi des chavistes (tout le mal vient de la IVe République et ce que nous faisons est radicalement différent) et des antichavistes (tout le mal vient de l’horrible dictateur Chávez).

Concrètement, que devrait faire un militant de gauche vénézuélien sur le terrain ? D’une part, il peut essayer d’accompagner les expériences sociales les plus intéressantes qui se développent au sein du processus bolivarien sans faire aucun compromis avec la manipulation bureaucratique et le chantage idéologique. C’est ce que font certains militants du tiers secteur, par exemple. Il ne faut toutefois pas se cacher que c’est une option subalterne, assez incommode et pas toujours viable. Le terrain où se définissent les enjeux majeurs est celui du politique, et l’extrême polarisation oblige en général même les militants les plus lucides et critiques à se définir comme « dans » ou « hors » de la « révolution ». Sans parler de l’aliénation idéologique et de la terrible confusion mentale engendrée par l’omniprésence d’une logorrhée révolutionnaire parfaitement creuse : en dernière instance, il s’agit toujours de savoir si on est « patria o muerte  » en faveur de la révolution et de se prosterner face aux portraits du Che ou de Bolivar, presque jamais de définir des contenus programmatiques et opérationnels concrets. Bien entendu, les hiérarques les plus odieux et les plus opportunistes de l’appareil du MVR sont passés maîtres à ce petit jeu de surenchère loyaliste.

D’autre part, on peut et on doit encourager la formation de cercles de réflexion et de réseaux de dialogue politico-intellectuel afin de :

— Combattre la polarisation artificielle et grossière promue tant par l’opposition factieuse que par le chavisme bureaucratico-opportuniste « dur », lequel joue le sectarisme agressif (mais en réalité sans aucun contenu idéologique cohérent) pour serrer les rangs et masquer les contradictions du processus et sa propre médiocrité abyssale ;

— Créer un tissu d’interlocution susceptible de contribuer à freiner les dérives antidémocratiques du chavisme ;

— Favoriser un climat de perméabilité du « chavisme intelligent » à des propositions de politiques publiques progressistes plus cohérentes et rationnelles que celles qui émergent spontanément des rangs du régime ;

— Préparer le terrain à de futures recompositions progressistes, tout en sachant qu’il s’agira probablement d’un processus de très longue haleine.


NOTES :

[1] Ce texte reprend une partie des arguments développés dans M. Saint-Upéry, « L’Enigme bolivarienne », Vacarme, n°35, printemps 2006.

[2] Voir aussi l’entretien avec Enzo del Búfalo paru dans Brecha en septembre 2005 et repris dans Mouvements, n°44, mars-avril 2005.

Source  : RISAL - Réseau d'information et de solidarité avec l'Amérique latine
http://risal.collectifs.net/article.php3?id_article=2023


L'Institut de Formation Cinématographique
C
OTRAIN    


   
Ses 20 ans à la Cinémathèque de Caracas (VENEZUELA)
 

Le Collectif de Travail et de Recherche (COTRAIN) s'est construit au sein d'un espace pour la réflexion et la production d'un outil audiovisuel. Pour fêter ses 20 annnées d'enseignements et d'apprentissages, il a été préparé à cette occasion un programme avec des réalisations peu connues de sa production.  Le rendez-vous s'est tenu le jeudi 9 mars 2006 à la Cinémathèque Nationale de Caracas, à la Galerie d'Art National (Place des Musées -Parc Los Caobos).

Le programme des projections :

7 films courts d'étudiants : Ils ont été réalisés au sein du cours de documentaire lors du premier semestre. Un travail qui a été mené dans l'atelier de réalisation dirigé et conduit par la professeure Lucia Lamanna, aussi fondatrice de l'Institut COTRAIN. Ces films courts font partie de la série "personnages" et sont une première approche du documentaire.  

Les travaux réalisés par Lucia Lamanna : "4i000mf" , une perception personnelle sur l'artiste vénézuélienne Magdalena Fernández, pendant la production et le montage de cette oeuvre ; et " 1i003mf " : un regard sur une autre création de l'artiste. 

Le travail de LIlaine Blaser : " Vargas, las huellas del agua "" (2001) co-réalisée avec Lucia Lamanna , sur la tragédie de Vargas (1999). Ce film a reçu le premier prix dans la catégorie vidéo du concours de la Bibliothèque Nationale "Vargas 99, avant, pendant et ensuite ". Puis, un dernier documentaire produit en collaboration avec VIVE TV " El fantasma de la libertad " (aussi en co-réalisation - 2006) : Il s'agit d'un documentaire sur le projet de globalisation néo-libérale, ses conséquences pour l'humanité, et les luttes contre ce projet hégémonique, une menace pour le sens et le futur de la vie.   

Source d'origine : http://www.aporrea.org

LILIANE BLASER - AZA

Fondatrice, directrice et enseignante de l'Institut de Formation Cinématographique COTRAIN. Réalisatrice cinéma documentaire et fiction, et anthropologue

Sa filmographie de 1976 à 2001 :

FILM expérimental : "El juego de siglos" Super 8. Mentión Experimental - ACA 1976. 

Documentaire: "Octubre" S 8. Participation au Festival de Cortos M Trujillo Durán, Maracaibo, 1981. 

Fiction : "Rosalía" Super 8. Co-réalisation. Festival de Mérida 1996.

Documentaire : "Apocalipsis no, urbanismo" Super 8. Co-réalisation. 

Documentaire : "8 en torno al Super 8" Participation au Festival International de Super 8.

Documentaire : "Convivencia"  video. Mención CONIVE Festival de Cinéma des peuples indigènes.

Documentaire : "Venezuela, Febrero 27 (de la concertación al des-concierto)"  Meilleur Doc Mérida, Meilleur Doc. D'information Festimagen Merida 92. Mention du Jury Badalona España 91. Mention du Jury, Fribourg, Suisse.            

Documentaire : "La otra mirada" .Mention du jury Festival de Río de Janeiro et de Montevideo, 1991.     

Documentaire : "Llamado a la paz desde los EEUU" 1991.  .

Documentaire : "1992: El des-cubrimiento (jugar o ser jugado)"   II Coral Documental  Festival Nuevo Cine Latinoamericano, Habana, 1993. Meilleur son Documentaire Argentine, Mention du Jury, Bahía. l994

Expérimental : "El último panfleto" 1996. Première Bienale CONAC, l998

Documentaire : "Venezuela 1998: ¿del voto a la elección?" 1998

Documentaire : "Chavez, dos años (los laberintos de un proceso)" 2001  

Documentaire : "Vargas, las huellas del agua" 2001 (co-direction avec Lucía Lamanna)

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Institut de Formation Cinématographique COTRAIN

(Collectif de Travail et de Recherche)

L'Institut de Formation Cinématographique COTRAIN ne forme qu'une partie du Collectif de Travail et de Recherche (COTRAIN). Une institution sans but lucratif ayant un projet : "Image et Société", dans laquelle se développe la recherche, l'enseignement et la production de moyens, que les sciences humaines et sociales, l'art et le travail culturel se renvoient dans la production d'un reflet-réflexion sur la vie sociale et culturelle d'un pays en transformation, et en même temps une recherche-réflexion sur les médias audiovisuels et la création artistique propre.

Le cours général sur le Cinéma documentaire continu le travail du cursus complet de Cinéma qui commença en 1986, et qui à partir de 1997 s'est reconverti en ateliers de documentaire (dans nos locaux ou au sein de groupes ou collectivités, et des ateliers libres). Cette reconversion a pour raison, qu'il n'est plus possible d'assurer la continuité des études sur 2 ans, ceci impliquant une logistique humaine et enseignante que la COTRAIN n'est pas en mesure de soutenir.

Toutefois, la mise en fonctionnement de ce cours général s'appuie sur l'expérience de 20 années consacrées à l'enseignement, à la production et à la recherche, au sein d'un équipement technique à taille humaine, et dans une infrastructure qui durant ces dernières années a été optimisée.

Nous disposons des ressources suivantes :

- Un service de documentation avec plus de 5.000 livres sur le Cinéma, la Communication, la Culture et les Arts, avec environ 4.000 vidéos, quelque 8.000 disques anciens, et d'innombrables documents sur le cinéma, la culture et sur les événements sociaux, politiques et historiques.

- Un service de production et des services audio-visuels avec des équipements d'enregistrement, de photographie, de tournage et de postproduction non linéaire, avec un laboratoire photographique, une étude de son des espaces, des équipements pour les transferts, et la projection de vidéo, de diapositives et documents.

- Une équipe enseignante et de chercheurs dans les secteurs socio-culturels et cinématographiques

 

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Dernières modifications : 05/02/2011