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Sommaire de la page,

1 - Un Mirabeau peut en cacher un autre & Entre Royauté et République, Edgar Quinet

2 - L'Ami du Peuple, du 9 juillet et 17 juillet 1791

3 - Translation des cendres de Voltaire au Panthéon, Louis Blanc

4- Chronologie du 1er juillet au 31 décembre et sources complémentaires

5 - Discours du Roi et de M. de Narbonne, ministre de la guerre

6 - L'année 1791 vue par Albert Mathiez.





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Un Mirabeau peut en cacher un autre !


Vue de l'île de la Cité et de l'Hôtel des Monnaies côté Seine
& Entre Royauté et République d'Edgar Quinet
« Les Cordeliers ont bientôt derrière eux d'autres clubs de quartier qui se multiplient dans l’hiver de 1790 et 1791 sous le nom de sociétés fraternelles ou de sociétés populaires; La première en date, fondée par un pauvre maître de pension, Claude Dansard, tenait ses séances dans une des salles du couvent des Jacobins ou siègent déjà les Amis de la Constitution. Dansard rassemblait à la lueur d'une chandelle qu'il apportait dans sa poche les artisans, les marchands de légumes, les manoeuvres du quartier et il leur lisait les décrets de la Constituante qu'il leur expliquait. Marat, toujours clairvoyant, comprit combien ces clubs à l’usage des petites gens pouvaient rendre de services aux démocrates. II poussa de toutes ses forces à leur création. II y en eut bientôt dans tous les quartiers de Paris. C'est par eux que se fit l’éducation politique des masses, par eux que furent levés et embrigadés les gros bataillons populaires. »
  Rév. française, Albert Mathiez, tome I – page 209

La personne d’Antoine Barnave, avocat et élu du Tiers en 1789 fut un des inspirateurs de la première constitution et il fit partie des notables qui lancèrent l’appel du château de Vizille en juillet 1788 dans l’Isère pour la mise en oeuvre des Etats Généraux. Il fut un grand orateur et influa par ses qualités oratoires l’Assemblée nationale, c’est lui qui décrocha la voix majoritaire pour le veto suspensif, tout en oeuvrant à la limitation du droit de vote et la défense du « marc d’argent ». Il fut dans un premier temps favorable aux idées du député Mounier, qui après deux mois de révolution fut un des premiers à vouloir y mettre un terme.

Le grenoblois allait représenter à la fois un partisan constitutionnaliste et le bras armé des esclavagistes et de la grande bourgeoisie. Elu du Dauphiné et benjamin de la chambre, il constitua et fonda avec Duport et les 2 frères Lameth, Charles et Alexandre, le club des Jacobins à Paris. Ces élus comme d’autres comprirent très vite l’importance de la propagande écrite, comme objet moteur de la circulation de l’information dans toutes sociétés populaires du pays favorables au changement politique, où la question de la participation d’une partie de la bourgeoisie était posée, notamment les possédants, comme ses amis Lameth, propriétaires à Saint-Domingue.

Si Antoine Barnave siégea à l’extrême-gauche, ce fut surtout en son opposition au régime despotique, faut-il y voir un basculement politique? si l’on connaît son implication dans le retour de la famille Capet de Varennes en juin et son appui par la suite sur l’inviolabilité de la personne du roi, plus tout le processus des lois, une fois Mirabeau décédé son rôle devenait déterminant. Son opportunisme apparaissait comme évident, il allait défendre un monarchisme constitutionnaliste et l’oligarchie financière, pour beaucoup centrée sur les activités agricoles et marchandes des colonies.

M. Antoine Barnave  : « Ici se présente directement l'argument qu'a fait M. Buzot sur l'exemple de l'Angleterre : la Constitution anglaise n'a point prévu les cas de déchéance, mais la nation la prononce lorsque les événements semblent la solliciter. Ici, je répète ma réponse : la Constitution anglaise n'a pas prévu ce cas parce qu'elle n'a prévu aucun cas ; il n'existe en Angleterre aucune constitution écrite ; il n'existe en Angleterre aucun usage permanent en cette partie ; chaque fois que l'Etat essuie une crise, qu'il se présente une nouvelle combinaison d'événements politiques, alors les partis qui dominent, alors ceux qui ont plus d'influence dans la nation, alors la conjoncture actuelle détermine le parti qu'on prend, et le mode par lequel on arrive à l'adopter ; c'est ainsi que, dans certain cas, on a prononcé la déchéance pour des méfaits qui peut-être ne l'avaient pas méritée, et que plus anciennement, dans des cas plus graves, on ne l'avait pas prononcée ; c'est ainsi qu'on a appelé en Angleterre des conventions nationales, quand on les a cru propres à faire réussir les desseins des hommes dominants, et que, dans des cas où la liberté publique a été véritablement attaquée, on a laissé régner tranquillement celui qui l'avait plus heureusement tenté. Ce n'est pas là le système que nous avons admis : nous avons voulu que dans nos lois politiques, comme dans nos lois civiles, tout, autant qu'il était possible fût prévu ; nous avons voulu annoncer la peine en déterminant d'abord le délit ; nous avons voulu ôter, s'il était possible, tout à l'arbitraire, et asseoir, dans un pays plus sujet aux révolutions, parce qu'il est plus étendu, asseoir une base stable, qui pût prévenir ou maîtriser les événements, et soumettre à la loi constitutionnelle, même les révolutions. » (Extrait de l'intervention du 15 juillet 1791 sur l'inviolabilité du roi à l'Assemblée)
« Le roi fut donc mis hors de cause par l’Assemblée, malgré les vigoureux efforts de Robespierre. On ne fit le procès qu'aux auteurs de son « enlèvement », à Bouillé qui était en fuite et avec quelques comparses. Le 15 juillet, Barnave entraîna le vote par un grand discours ou il s'attacha a confondre la République avec l’anarchie : « Je place ici la véritable question : Allons-nous terminer la Révolution, allons-nous la recommencer? Vous avez rendu tous les hommes égaux devant la loi, vous avez consacré I'égalité civile et politique, vous avez repris pour l’État tout ce qui avait été enlevé à la souveraineté du peuple, un pas de plus serait un acte funeste et coupable, un pas de plus dans la ligne de la liberté serait la destruction de la royauté, dans la ligne de l’égalité, la destruction de la propriété. (…) Désormais les Feuillants, c'est-à-dire les fayettistes et lamethistes réunis, s'opposent avec violence aux jacobins, épurés de leur aile droite. Pour I'instant les premiers gardent le pouvoir. Adrien Duport, Alexandre Lameth et Barnave négocient secrètement avec l’Empereur, par l’intermédiaire de I'abbé Louis qu'ils envoient a Bruxelles, pour maintenir la paix. Léopold (II d’Autriche) conclut de leurs avances que les révolutionnaires ont eu peur de ses menaces de Padoue et qu'ils sont moins dangereux qu'il ne I'avait suppose et, comme ils promettent de sauver la monarchie, il renonce au Congres et a la guerre, d'autant plus aisément qu'il se rend compte, par les réponses très froides faites par les puissances a sa circulaire, que le concert européen contre la France est impossible a réaliser. Pour masquer sa reculade, il convient de signer avec le roi de Prusse une déclaration conjointe qui ne menaçait plus les révolutionnaires qu'au conditionnel. Mais cette déclaration de Pillnitz du 25 août 1791 est exploitée par les princes qui affectent d'y voir une promesse de concours. Ceux-ci lancent, le 10 septembre, un violent manifeste pour adjurer Louis XVI de refuser sa signature à la Constitution. »

Albert Mathiez - Rév. fr. - Tome I - page 222 et 224
Si Barnave a eu un rôle moins connu que Mirabeau et Lafayette, il devint central en 1791 et démontrait comment une fois de plus le charme de la fausse ingénue Marie-Antoinette allait contribuer au basculement de ce dernier, comme agent de la famille royale. Lui défendant la constitution, elle le doublait en informant son très dévoué de Fersen et l’état autrichien par un de ses diplomates Florimond de Mercy-Argenteau. Barnave redoutait le danger d’une telle alliance, et pour cause, il engrangea l’année suivante une très grande hostilité populaire, quand furent découvertes les correspondances des époux Capet.

La complicité serait née lors du retour à Paris sous une bonne escorte et comme chaperons : Pétion de Villeneuve et Barnave présents dans le carrosse. Le comportement de Villeneuve - à la fois bouclier et protecteur de leurs vies - aurait provoqué quelques gênes à le voir faire ripaille auprès de ses altesses. Le pauvre Barnave ne put que succomber devant tant de préciosité et d’intérêts à défendre face à l’homme qui allait devenir à la fin de l’année le nouveau maire de Paris et leader d’opinion dans la capitale. Ce contraste politique marqua la montée en puissance de ce qui fut désigné comme le parti des "Girondins" (une invention du XIXe siècle, dont Lamartine en fit un terme commun), prenant forme au sein de la Législative le premier octobre avec l’arrivée des nouveaux et frais élus.

Antoine Barnave remplaçant posthume de Mirabeau devenait l’homme fort du nouveau pouvoir à l’Assemblée par la force de son éloquence, de son influence, ses implications ne purent que provoquer des forts ressentiments et ne jamais vraiment disparaitre. Lors du bicentenaire de la Révolution française, la tentative de François Furet de remettre au-devant de la scène ce personnage controversé, alimenta la question de la réparation des descendants d’esclaves. Surtout s’ouvrirent dans les années 1990 à la recherche, les divers et conséquents chapitres des Antilles, grandes et petites dans la tourmente révolutionnaire. Si les « gens de couleurs » dans l’hexagone échappèrent en 1791 au statut de marchandise, le parti colonial ou esclavagiste fit tout pour maintenir le joug dans « l’Empire ». C’est-à-dire dans la continuité des richesses des ports de Nantes ou de Bordeaux, pour situer les deux plus grands ports négriers français, mais pas les seuls, et vivants pour bonne part du commerce triangulaire et aussi transatlantique.

Trop longtemps il n'a pas été pris en considération la question esclavagiste. C'est-à-dire comment le si puissant club Massiac et ses membres, qui s'activaient depuis l'hexagone et la capitale ont pesé pour préserver leur rente de situation. MM. de Saint-Méry et le marquis de Gouy d'Arsy ont été les têtes de pont d'un groupe de pression sans équivalence économique et politique pour l'époque. Ces planteurs ou grands propriétaires et porte-paroles de ces derniers ont appuyés, soutenus des intérêts proprement injustifiables. Ils furent les rouages bien huilés d'un système à broyer une part de notre humanité, en toute opposition à l'idée de l'universel et de l'égalité entre tous. A contrario des idéaux que porta la révolution citoyenne et les Lumières européennes.

Comment et pourquoi ce groupe de défense des colons a pu faire tant de pression au sein des Parlements (des décennies durant, car il s'agit en ce cas d'une histoire de longue durée). Il y a de l'étonnement en ce qui a pu échapper à l'attention de nombreux chercheurs et spécialistes des événements révolutionnaires. Cela interroge sur un autre point aveugle de la société française pendant les dix dernières années du dix-huitième siècle? Et ce ne fut pas le seul. L'objet n'est pas de condamner des travaux d'historiens en particulier, mais de tenter de comprendre pourquoi cet aveuglement sur cette question, si présente dès le commencement de la révolution, qui ne participa pas de la connaissance de cette vérité si douloureuse.

L'objet n'est pas d'attiser les flammes, de trouver des bouc émissaires de cette impasse. Les pièces ou les archives ne manquent pas, les débats au sein de la Constituante et des mandatures suivantes, itou. Il en va du meilleur moyen de prendre en compte, certes les Antilles françaises et la Guyane, mais l'ensemble des possessions ou comptoirs de l'Empire, comme il était nommé par les contemporains. Et de même, des nouvelles  colonies comme les Seychelles en 1792, ainsi que les premières expéditions maritimes en Polynésie entreprises, qui débutèrent à la fin du règne sans partage de Louis XVI. Cet ensemble complexe, est fait d'histoires diverses, en rien mineures, mais essentielles pour comprendre ce qu'il en fut dans le royaume de France, et après. Sans parler des interactions avec les autres empires coloniaux.

Intervention de Barnave le 23 septembre 1791, lors des derniers jours de l’Assemblée constituante : « Remarquez bien que, tandis qu'une poignée d'hommes de couleur réunis, à Paris, je ne sais par quel ressort, couvrent les rues de la capitale de leurs affiches, et ne cessent d'agiter cette Assemblée pour avoir non les droits civils que tout le monde leur reconnaît, mais les droits politiques dont trois millions de Français sont privés dans la métropole, je demande si de pareils intérêts sur lesquels les hommes de couleur sont si froids dans les colonies, peuvent résister à l'intérêt immense de la patrie? Depuis que les nouvelles de l'effet du décret sont arrivées dans les ports, il n'en est aucun qui ne vous ait fait parvenir les plus pressantes pétitions. Les mêmes places de commerce qui étaient demeurées muettes lorsque le décret a été rendu, éclairées par les événements, viennent vous supplier de changer une résolution qui les met au désespoir. On dit sans cesse dans cette Assemblée que l'intérêt des colons et des commerçants est une preuve qu'ils ne peuvent pas être entendus dans la question, comme si l'intérêt des commerçants de France n'était pas dans le moment actuel l'intérêt de la France elle-même. »

La tonalité globale du discours était pour le maintien du statu quo esclavagiste et recensa à 5 à 600.000 le nombre des afro-descendants soumis à la chaîne et au labeur forcé et à 30.000 les colons dits « blancs ». Quand il fit référence à la population noire, il distingua les affranchis et s’inquiéta que la grande masse puisse être libre. Son allocution fut assez édifiante, pour ne pas dire tout bonnement raciste ou racialiste selon nos critères actuels. Le distinguo de couleur était subtil, mais il ne trompait pas quant au dessein de ne rien changer et de préserver le marché et les privilèges des possédants établis dans les colonies : Saint-Domingue, Guadeloupe, Martinique, Bourbon, etc. « Ce moyen moral est dans l'opinion, qui met une distance immense entre l'homme noir et l'homme de couleur, entre l'homme de couleur et l'homme blanc ; dans l'opinion, qui sépare absolument la race des ingénus, des descendants des esclaves, à quelque distance qu'ils soient (…) Du moment que le nègre, qui, n'étant pas éclairé, ne peut être conduit que par des préjugés palpables, par des raisons qui frappent ses sens, ou qui sont mêlés à ses habitudes, du moment qu'il pourra croire qu'il est l'égal du blanc, ou du moins que celui qui est dans l'intermédiaire est l'égal du blanc ; dès lors il devient impossible de calculer l'effet de ce changement d'opinion. »

Texte de Lionel Mesnard


Entre Royauté et République  Edgar Quinet
« La pensée de changer la personne du prince, résolution qui dès le 14 juillet était déjà une nécessité, fut repoussée après le 21 juin 1791, avec plus de véhémence que jamais, par les constitutionnels. C'était même, à leurs yeux, un crime que d'en parler. Et comme il arrive que, plus on entre dans l’erreur, plus on y porte de passion, l'Assemblée nationale, jusque-là si obéie, s'indignait que les événements lui résistassent. Elle voyait partout de mauvais citoyens, où elle rencontrait la moindre hésitation à embrasser sa chimère de convertir

Louis XVI, après Varennes, en apôtre ou complice de la Révolution. Barnave, nouvellement amoureux de cette idée, accuse ses adversaires, les jacobins, de faire du roman ; mais quel roman plus impraticable que le sien? Celui des jacobins, en comparaison, était la nécessité même. Si nous ne savions comment une assemblée, une fois entrée dans le faux, s'y abandonne sans retour et sans mesure, on aurait peine à comprendre l'obstination de la Constituante. Dans ce défi à la force des choses, quelle popularité eût pu résister? Celle de l'Assemblée s'affaiblissait et tombait chaque jour, et c'était là pour elle un motif de se raidir davantage. Dès lors, son tempérament parut changé; sa fin fut celle de tous les pouvoirs qui se brisent contre la raison publique.

Les anciens favoris de l'opinion, Chapelier, Thouret, Duport, Barnave et même les Lameth, se sentant abandonnés, n'accusent que l'inconstance populaire. Ils ne voient pas que c'est leur foi à l'ancienne dynastie qui est repoussée par la logique des faits encore plus que par les hommes. A mesure qu'ils tombent, d'autres commencent à s'élever; Pétion, Rœderer, Buzot, Brissot apparaissent. Robespierre sort de la nuit. Ceux-ci, en effet, avaient trouvé un terrain solide dans l'incompatibilité qu'ils découvraient entre le prince ancien et le régime nouveau. Car, alors, ils n'allaient pas plus loin dans leur espoir ; et ils avaient la raison pour eux. Selon l'ordinaire, les constituants, qui par de fausses vues perdaient l'autorité, essayèrent de la recouvrer par la force ; les moins sanguinaires des hommes furent conduits à verser le premier sang de la Révolution.

Il était, en effet, inévitable que la situation sur laquelle l'Assemblée voulait fermer les yeux éclatât, en dépit de toutes les subtilités. Ce furent les sociétés populaires, et parmi elles les jacobins, les cordeliers, qui prononcèrent le mot vrai, la déchéance. Il sortait de chaque chose ; il était la réalité même. Rien au monde ne pouvait faire que Louis XVI, après tout ce que nous venons de raconter, ne fût déchu. Les hommes d'instinct, Danton, Camille Desmoulins, demandaient que ce qui était un fait désormais irrévocable fût reconnu par la loi. Au contraire, les constituants voulaient que la loi ne tînt aucun compte des événements. Ainsi la guerre est entre la réalité et l'utopie, la première représentée par le peuple, la seconde par l'Assemblée. De ce divorce sort le massacre du Champ de Mars, le 17 juillet 1791.

La Constituante faisait garder le roi à vue, comme un criminel ; dans le même temps, le 15 juillet 1791, elle décrète qu'il est inviolable, ce qui eût pu paraître une ironie. Contradictions trop violentes pour ne pas soulever l'instinct du peuple : il proteste contre ce qu'il lui est impossible de comprendre. Dès lors, les royalistes constitutionnels perdent le gouvernement des esprits. Vouloir régner par des fictions au milieu des tempêtes, c'était revenir à l'esprit des parlements. Après un bouleversement inouï qui n'avait rien laissé subsister du passé, comment les Lameth, les Lafayette purent-ils croire que le même prince pourrait représenter les anciens intérêts et les nouveaux? C'était détruire eux-mêmes tout ce qu'ils avaient fait. Fallait-il donc périr par respect pour ces idées fausses? ».
La Révolution, tome I, chapitre V, pages 402 à 404, Edgar Quinet



L'AMI DU PEUPLE, ou LE PUBLICISTE PARISIEN
*
 JOURNAL POLITIQUE ET IMPARTIAL

Marat, peint par  Lucien Etienne Melingue, exposé au Château de Vizille  (1879)
« Vitam impedere vero : Consacrer sa vie à la vérité »

de M. MARAT, auteur de l'Offrande à la patrie, du Moniteur, du plan de constitution, etc.
Samedi 9 Juillet 1791

Dénonciation des pères conscrits vendus à la Cour, traîtres, conspirateurs et contre-révolutionnaires, par le seul homme pur et incorruptible qu'il y ait dans l’Assemblée nationale : ou tableau de la situation des affaires publiques par M. Robespierre.


Tourmenté d'une migraine violente qui m’ôte la faculté de penser, je prends le parti de mettre aujourd'hui sous les yeux de mes lecteurs le superbe discours de Robespierre, à la tribune des Jacobins, le surlendemain de la fuite de la famille Capet (le 22 juin). On y verra la confirmation de la plupart des inculpations que je n'ai cessé de faire depuis près de deux ans contre les députés du peuple, les ministres, le général (Lafayette) et les autres fonctionnaires publics, tous vendus au monarque pour rétablir le despotisme,

Discours de M. Robespierre au club des Jacobins


Ce  n'est pas à moi que la fuite du premier fonctionnaire public devait paraître un événement désastreux. Ce jour pouvait être le plus beau de la révolution ; il peut le devenir encore, et le gain de 40 millions d'entretiens que coûtait l'individu royal serait le moindre des bienfaits de cette journée. Mais pour cela il faudrait prendre d'autres mesures que celles qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale, et je saisis un moment où la séance est levée pour vous parler des mesures, qu'il me semble qu'il eue fallu prendre et qu'il ne m'a pas même été permis de proposer. Le roi a choisi, pour déserter son poste, le moment où l'ouverture des assemblées primaires allait réveiller toutes les ambitions, toutes les espérances, tous les partis, et armer une moitié de la nation contre l'autre, par l'application du décret du marc d'argent, et par les distinctions ridicules établies entre les citoyens entiers, les demi citoyens et les quarterons. Il a choisi le moment ou la première législature à la fin de ses travaux, dont une partie est improuvée par l'opinion, voit de cet œil dont on regarde son héritier, s'approcher la législature qui va le chasser, et exercer le veto national en cassant une partie de ses actes. Il a choisi le moment où des prêtres traîtres ont par des mandements et des bulles, mûri le fanatisme et soulevé contre la constitution tout ce que la philosophie a laissé d'idiots dans les 83 départements. Il a attendu le moment où l'empereur et le roi de Suède seraient arrivés à Bruxelles pour le recevoir, et où la France serait couverte de moissons ; de sorte qu'avec une bande très peu considérable de brigands, on put la torche à la main, affamer la nation. Mais ce ne sont pont ces circonstances qui m'effraient. Que toute l’Europe se ligue contre nous et l’Europe sera vaincue, ce qui m’épouvante, moi, c’est cela même qui me paraît rassurer tout le monde. Ici j'ai besoin qu'on m'entende jusqu'au bout, ce qui m'épouvante encore une fois, c'est précisément cela même qui semble rassurer tous les autres. C'est que depuis ce matin, tous nos ennemis parlent même langage que nous. Tout le monde est réuni. Tous ont Le même visage, et pourtant il est clair qu'un roi qui avait 40 millions de rentes, qui disposait encore de toutes les places, qui avait encore la plus belle couronne de l'univers et la mieux affermie sur sa tête, n'a pu renoncer à tant d'avantages sans être sûr de les recouvrer. Or ce ne peut pas être sur l'appui de Léopold et du roi de Suède, et sur l'armée d'outre Rhin qu'il fonde ses espérances, Que tous les brigands d'Europe se liguent, et encore une fois ils seront vaincus. C'est donc au milieu de nous, c'est dans cette capitale que le roi fugitif a laissé les appuis sur lesquels il compte pour sa rentrée triomphante, autrement sa fuite serait trop insensée.

Vous savez que 3 millions d'hommes armés pour la liberté seraient invincibles ; il a donc un parti puissant et de grandes intelligences au milieu de nous, et cependant regardez autour de vous, et partagez mon effroi en considérant que tous ont le même masque de patriotisme. Ce ne sont point des conjectures que je hasarde, ce sont des faits dont je suis certain, je vais tout vous révéler, et je défie ceux qui parleront après moi de me répondre.

Vous connaissez le mémoire de Louis XVI a laissé en partant; vous avez pris garde comment il manque, dans la constitution, les choses qui le blessent et celles qui ont le bonheur de lui plaire. Lisez cette protestation du roi, et vous y saisirez tout le complot, Le roi va reparaître sur les frontières, aidé de Léopold, du roi de Suède, de d'Artois, de Condé, de tous les fugitifs et de tous les brigands, dont la cause commune des rois aura grossi son armée. On grossira encore à ses yeux les forces de cette armée ; il paraîtra un manifeste paternel tel que celui de l'empereur, quand il a reconquis le Brabant. Le roi dira encore comme il a dit cent fois : mon peuple peut toujours compter sur mon amour. Non seulement on y ventera les douceurs de la paix, mais celles mêmes de la liberté. On proposera une transaction avec les émigrants, paix éternelle, amnistie, fraternité. En même temps les chefs, et dans la capitale et dans les départements avec qui ce projet est concerté, peindront de leur côté les horreurs de la guerre civile? Pourquoi s'entrégorger entre frères qui, tous veulent être libres? car Bender et Condé se diront patriotes plus que nous. Si lorsque vous n'aviez point de moisson à préserver de l'incendie ni d'armée ennemie sur vos frontières, le comité de constitution vous a fait tolérer tant de décrets nationimicides, balancez-vous à céder aux insinuations de vos chefs, lorsqu'on ne vous demandera que des sacrifices d'abord très légers, pour amener une réconciliations générale. Je connais bien le caractère de la nation. Des chefs qui ont pu vous faire voter des remerciements à Bouillé pour la Saint Barthélemy des patriotes de Nancy, auront-ils de la peine à amener à  une transaction, a un moyen terme un peuple lassé et qu'on a pris grand soin jusqu'ici de sevrer des douceurs de la liberté, pendant qu'on affectait d'en appesantir sur lui toutes les charges, et de lui faire sentir toutes les privations, qu'impose le soin de la conserver. Et voyez comme tout se combine pour exécuter ce plan, et comme l'Assemblée nationale elle-même marche vers ce but avec un concert merveilleux.

Louis XVI, écrit à l'Assemblée nationale, de sa main, il signe, qu'il prend la fuite, et l'assemblée par un mensonge, bien lâche, puisqu'elle pouvait appeler les choses par leur nom, au milieu de 3 millions de baïonnettes, bien grossiers, puisque le roi avait eu l'imprudence d'écrire lui-même on ne m’enlève pas, je pars pour revenir vous subjuguer ; bien perfide, puisque ce mensonge tendait à conserver au ci-devant roi, sa qualité et le droit de venir nous dicter, les armes à la main, les décrets qui lui plairont: l'Assemblée nationale, dis-je, aujourd'hui dans 20 décrets d'appeler la fuite du roi un enlèvement. On devine dans quelle vue?

Voulez-vous d'autres preuves que l'Assemblée nationale trahît les intérêts de la nation! Quelles mesures a-t-elle prises ce matin? Voici les principales. Le ministre de la guerre continuera de vaquer aux affaires de son département, sous la surveillance du comité militaire. Le ministre des affaires étrangères sous la surveillance du comité diplomatique. De même des autres ministres. Or quel est le ministre de la guerre? c'est un homme que je n'ai cessé de vous dénoncer, qui a constamment suivi les errements de ces prédécesseurs, persécutant tous les soldats patriotes, fauteurs de tous les officiers aristocrates. Qu'est-ce que le comité militaire chargé de le surveiller? c'est un comité tout composé de colonels aristocrates déguisés, et nos ennemis les plus dangereux. Je n'ai besoin que de leurs œuvres pour les démasquer. C'est du comité militaire que sont partis dans ces derniers temps, les décrets les plus funestes à la liberté.

Ici Robespierre a commenté quelques-uns de ces décrets ; et pièces à la main, il a prouvé que le comité militaire regorgeait de traîtres, qu'il n'avait toujours fait qu’un avec Duportail, que Duportail était la créature du comité, et que la surveillance du ministre par le comité, son compère, était une dérision. Et le ministre des affaires étrangères, a-t-il ajouté, quel est-il? c'est un Montmorin, qui, il y a un mois, il y a quinze jours, vous répondait, se faisait caution que le roi adorait la constitution. C'est à ce traître que vous abandonnez vos relations extérieures, sous la surveillance de qui? du comité diplomatique, de ce comité où règne un d'André, et dont un de ses membres me disait, qu'un homme de bien, qu'un homme qui ne serait pas un traître â sa patrie, ne pouvait y mettre le pied? Je ne pousserai pas plus loin cet examen. Lessart n'a pas plus ma confiance que Necker, qui lui a laissé son manteau. Citoyens viens-je de vous montrer assez la profondeur de l'abîme qui va engloutir notre liberté. Voyez-vous assez clairement la coalition des ministres du roi dont je ne croirai jamais que quelques-uns, sinon tous, n'aient pas su la fuite? Voyez-vous assez clairement la coalition de vos chefs civils et militaires, que je ne puis pas croire qui n'aient favorisé cette évasion dont ils avouent avoir été si bien avertis ? Voyez-vous cette coalition avec vos comités, avec l'Assemblée nationale? Et comme si cette coalition n'était pas assez forte , je sais que tout à l'heure on va vous proposer à vous-même une réunion avec tous vos ennemis les plus connus : dans un moment, tout 89, le maire, le général, les ministres, dit-on, vont arriver ici. Comment pourrions-nous échapper? Antoine commande les légions qui veulent venger César ; et c'est Octave qui commande les légions de la république. On nous parle de réunion, de nécessité de se serrer autour des mêmes hommes. Mais, quand Antoine fut venu camper à côté de Lepidus, on parla aussi de se réunir, bientôt il n'y eut plus que le camp d'Antoine, et il ne resta plus à Brutus et à Cassius qu'à se donner la mort.

Ce que je viens de dire, je jure que c'est dans tous les points, la plus exacte vérité. Vous pensez bien qu'on ne l'eût pas entendue dans l'Assemblée nationale. Ici même, parmi vous, je sens que ces vérités ne sauvèrent point la nation, sans un miracle de la providence, qui daigne veiller mieux que vos chefs sur les gages de la liberté. Mais j'ai voulu du moins déposer dans votre procès-verbal, un monument de tout ce qui va vous arriver. Du moins je vous aurai tout prédit, je vous aurai tracé la marche de nos ennemis et on aura rien à me reprocher. Je sais que par une dénonciation pour moi dangereuse à faire, mais non dangereuse pour la chose publique; je sais qu'en accusant, dis-je, ainsi la presque universalité de mes confrères les membres de l'assemblée, d'être contre-révolutionnaire, les uns par ignorance, les autres par terreur, d'autres par un ressentiment, par un orgueil blessé, d'autres par une confiance aveugle, beaucoup parce qu'ils sont corrompus, je soulève contre moi tous les amours-propres, j'aiguise mille poignards, et je me dévoue à toutes les haines ; je sais le sort qu'on me garde; mais si dans les commencements de la révolution, et lorsque j'étais à peine aperçu dans l'assemblée nationale; si lorsque je n'y étais vu que de ma conscience, j'ai fait le sacrifice de ma vie à la vérité, à la liberté et à la patrie : aujourd'hui que les suffrages de mes concitoyens, qu’une bienveillance universelle, que trop d'indulgence, de reconnaissance, d'attachement m'ont bien payé de ce sacrifice, je recevrai presque comme un bienfait une mort qui m'empêchera d'être témoin des maux que je vois inévitables. Je viens de faire le procès à toute l'Assemblée nationale, je lui défie de faire le mien.

Marat, l’Ami du Peuple,
DE L'IMPRIMERIE DE MARAT

 


Dimanche 17 Juillet 1791

Entrevue nocturne de Mottié (Note : Du Motier de Lafayette) avec les traîtres de l'Assemblée nationale. – Engagement du général de déployer toutes ses forces pour protéger les pères conscrits contre-révolutionnaires, déterminés à absoudre l'infâme monarque contre le vœu du peuple. - Discours insolents de ces scélérats. - Décret scandaleux de réhabilitation. - Ses suites désastreuses.

Ce que j'ai prédit depuis le 11 octobre 1789 est arrivé (1). Les pères conscrits anti-révolutionnaires, retranchés dans leur fort contre le peuple qu'ils trahissent, ont mis de côté le vœu des 83 départements, comptez pour rien la volonté suprême de la nation, et bravez l'indignation publique, en passant l'éponge sur les crimes atroces de l'ex-monarque, en réhabilitant dans les fonctions de la royauté cet infâme parjure, en le déclarant indépendant de la nation son souverain; en le traitant, non comme un simple mandataire du peuple, mais comme une puissance particulière ; en faisant de la constitution un contrat, en le recevant partie contractante, frétant d'égal à égal avec la nation ; et pour comble de maux en cimentant de la sorte, leurs travaux, auxquels il ne sera plus possible de toucher qu'en renversant à la fois l'édifice monstrueux de leurs funestes décrets.

Jeudi soir, le parti des ennemis de la liberté qui domine dans le sénat paraissait succomber sous le poids de la vérité et de l'opinion publique ; un peuple immense demandait hautement justice d'un roi parjure, traître et conspirateur; on aurait cru qu'ils allaient enfin faire droit à ses instances ; les scélérats ne songeaient qu'à se retrancher contre lui, pour le trahir de nouveau impunément. On a vu par quel artifice (2) le fourbe Mottié était parvenu à lui interdire l'entrée des Tuileries ; on va voir comment il est parvenu ensuite à lui interdire tout accès à la salle de l'assemblée.

Dans la nuit du jeudi, il avait eu une longue conférence avec Barnave, les Lameth, Goupil, Duport, d'André, Sieyès et Bailly alarmés comme leurs complices des dispositions que le peuple faisait éclater, et redoutant sa juste fureur lorsque l'atroce décret viendrait à passer. Ils voulaient savoir si Mottié se ferait fort de réprimer une insurrection générale, et s'il répondrait des députés royalistes. Mottié (Lafayette), sûr de ses coupe-jarrets, calme leurs craintes et répond de tous les événements. Le lendemain matin, il fait occuper toutes les avenues par des détachements, et il entoure la salle de cinq mille hommes armés. Forts de cet appui, les traîtres courent au sénat sanctifier les crimes royaux, sacrifier au despote et porter les dernières atteintes à la liberté publique.

Goupil rouvre la discussion sur l'évasion de Louis Capet, et pour prouver que l'ex-monarque parjure n'est pas comptable à justice, quelques crimes qu'il puisse commettre ; il efface Malouet et d'André en bassesse et en atrocité. Il commence par clabauder contre les écrivains (3) populaire qui ont démontré que l'inviolabilité absolue du prince est attentatoire à la souveraineté de la nation : il taxe les uns d'irréflexion, il reproche aux autres d'avoir résolu de précipiter la France dans l'anarchie. Puis adoptant l'adage servile que la personne du roi doit être sacrée ; il exhorte l'assemblée à ne point se départir de ce principe d'esclaves, et il conclut à l'adoption du projet de décret des comités.

M. Grégoire aurait confondu ce nouvel apostat de la liberté, si les fripons savaient rougir. L'inviolabilité du roi, disait l'orateur patriote, ne peut point s'étendre jusqu'à soustraire à la puissance des lois un monarque coupable. Or, Louis XVI est coupable d'avoir quitté son poste, il ne pouvait se dissimuler qu'en fuyant, il exposait le royaume à toutes les horreurs de la guerre civile. Si vous déclarez que le roi n'est pas jugeable, vous devez donc regarder comme un grand crime la conduite des gardes nationales de Varennes et des membres du district de Clermont, qui ont concouru à l'arrestation de Louis fugitif. Après ces arguments accablants, il a conclu à la réjection (note : le fait de rejeter hors de soi) du projet des comités, en demandant la convocation d'une convention nationale pour juger le monarque indigne.

Au patriote Grégoire a succédé dans la tribune Salle le Patelin (note : doucereux, hypocrite), qui a répété d'un ton bonace tout les sophismes de Duport l'apostat et de Liancourt, le valet de garde robe. Sans doute, disait-il, Louis XVI a trompé par sa fuite la confiance du peuple ; mais son cœur a été égaré par les factieux réunis autour de sa personne, et surtout par les auteurs des protestations infâmes contre la constitution : et pourquoi l'assemblée punirait-elle le roi d'avoir protesté, tandis qu'elle s'est montrée si indulgente envers ses propres membres rebelles : partant ainsi de l'impunité d'un crime pour autoriser l'impunité d'un crime plus atroce encore, et justifiant le parjure et la trahison du monarque par la rébellion des faux membres du législateur et l'infidélité de l'assemblée elle-même. Enfin foulant aux pieds les lois éternelles de la nature et fermant son cœur aux cris de la conscience, il pose en principes « qu'un roi qui quitterait son poste pour se mettre à la tête d'une armée ennemie, qu’un roi qui violerait ses serments », ne peut être regardé comme coupable qu'autant qu'un décret formel aura érigé en crimes ces attentats : comme si chez tous les peuples de l'univers conspirer contre la nation n'était pas le plus noir des forfaits. Enfin le tartuffe Salle a conclu en appuyant le projet des comités, et en proposant ces trois décrets concertés la veille dans les comités vénaux.

« Un roi qui quittera son poste pour se mettre à la tête d'une armée ennemie et tourner ses armes contre la patrie sera censé avoir abdiqué la couronne. Un roi qui après avoir prêté serment à la constitution le rétractera, sera censé avoir abdiqué. Un roi qui aura abdiqué redeviendra simple citoyen et sera accusable comme les autres citoyens, pour tous les actes subséquents à son abdication ».

Ensuite Barnave l'apostat soudoyé à paru à la tribune pour rabâcher ce que venait de dire Salle, et ajouter cette sottise pommée. « Si le roi n'était pas inviolable, je me défierais bien plus de ses vertus que de ses vices, quoi donc ajoutait-il, s'il eut bien fait son devoir vous seriez tombés à ses genoux? » Vil apostat! Nous, nous serions conduits à son égard comme au tien, tant qu'il aurait paru vouloir le bien général, tant qu'il aurait paru respecter nos droits, tant qu’il aurait paru faire observer les lois, sans doute nous l'aurions porté aux nues; comme nous t'avons préconisé, tant que tu as paru prendre nos intérêts. Mais ces dispositions généreuses dont on peut abuser quelque temps cessent aussitôt que les actions louables qui les ont excitées font places à de noires perfidies.

Tu as vu avec quelle promptitude les éloges dont nous te comblions, ont fait place a l'opprobre dont  tu es couvert, Ainsi les bénédictions qui pleuvaient sur Louis XVI tant qu'on l’a cru fidèle à ses serments, ont fait place aux malédictions dont on l’accable aujourd'hui. L'infâme apostat a terminé en calomniant les défenseurs de la liberté qu'il a vendu, en les accusant de chercher à prolonger l'anarchie, en flagornant ses complices qu'il félicitait d'avoir détruit tous les abus, et qu'il évitait à rétablir enfin l’ordre et la sûreté, c'est-à-dire le despotisme. Il a conclu à l'adoption du projet à ses sept comités. Ici a été fermée la discussion. Aussitôt tous les pères conscrits vendus à la cour ont demandé à la fois que les propositions du compère Salles fussent décrétées à l'instant; et elles l'ont été malgré les réclamations du fidèle Robespierre, de même que les autres articles du comité, qui seront encore empirés à la rédaction.

Ainsi par ce décret inique, atroce, infâme, Louis Capet est non seulement soustrait au glaive de la justice ; mais absous, mais blanchi, mais déclaré non coupable de quelques crimes qu'il vienne à se couvrir, mais élevé au-dessus de l'empire des lois, mais invité à satisfaire sans retenue ses appétits brutaux et ses penchants féroces, mais encourage à commettre les plus noirs attentats, mais autorisé a fuir et à conspirer éternellement : seulement s'il viole de nouveau ses serments et s'il est vu a la tête d'une armée ennemie, portant partout le royaume, la désolation et la mort , il sera …………….. Quoi?

Censé avoir abdiqué la couronne ; c’est-à-dire déclaré ne l'avoir pas abdiqué ; car le monstre fourbe et parjure à la tête des conjurés répondra avec ironie. « Moi, vouloir abdiquer le trône, vous n'y songez pas ; sujets rebelles ! je ne veux que vous égorger, si mieux m’aimés rentrer sous le joug » ; et il aura déjà fait couler des fleuves de sang, et remis la nation aux fers, avant que la nation liée par le décret de l'inviolabilité, ait osé se mettre en défense, marcher contre le tyran, et lui faire expier ses crimes sous la hache du bourreau.

Ô peuple insensé! tu te dis souverain, et tes infidèles mandataires te traitent en esclave : tu as beau ne plus vouloir à la tête un prince flétri par les crimes et couvert d'opprobre ; malgré toi tu le reconnaîtras pour ton maître auguste; tu as beau repousser un infâme parjure, malgré toi, tu recevras ses nouveaux serments : tu as beau crier que l'exécution des lois ne doit pas être confiée au plus audacieux violateur des lois, ce vil réfractaire sera seul à la tête de tes tribunaux et de tes administrations ; c'est sur la foi de ce scélérat sans honneur et sans pudeur que reposeront dorénavant les soins du gouvernement, le sort de l'état et le salut public : il aura beau corrompre tes représentants, dissiper tes trésors, machiner ta ruine, tu verras en silence ses forfaits, tu respecteras sa personne : elle est sacrée ; ainsi l'ont ordonné ses infidèles délégués, qui lui ont vendu tes droits pour de l'or. Désormais il sera tout, et déjà tu n'es rien.

Si par hasard le ciel venait un jour à te donner des représentants fidèles, leur vertu sera toujours impuissante à faire ton bonheur : liés parle le décret de leurs infâmes prédécesseurs qui métamorphose la constitution en contrat entre eux et leur maître, tu n'auras plus le droit de perfectionner tes lois, tu ne pourras même plus y toucher, sans voir à l'instant ton vil agent pensionné t'opposer ses serments, te dicter ses volontés, et te signifies qu'ayant juré de maintenir la constitution telle quelle est, il ne souffrira point qu'on y touche. Aujourd'hui que tu as souffert lâchement, malgré mes cris, que ses suppôts lui remissent tous les ressorts de l'autorité, toutes les forces de la nation ; te voilà enchaîné par tes propres mains : déplores, désormais ton aveuglement, et gémis sur le sort qui t'attend. Mais non, reprend gaiement tes chaînes ; effaces par tes bassesses tes (illisible) d'être libre, prosternes-roi aux pieds du despote ; renverses l'autel de la patrie, et danses autour de ses débris, comme tu dansais naguères sur les ruines de la Bastille. C'est le seul rôle qui convient à ton avilissement, à ta lâcheté.

Tirons cette conséquence, que tirera avec nous tout bon observateur. C'est que la liberté naissante, qu'avait conquise un essaim d'indigents sans armes, a été étouffée dans son berceau, sous les auspices de la garde parisienne par les prétendus pères de la patrie chargés de la cimenter. Or, il est démontré par l'ensemble de leurs odieux décret, qu'ils ont non seulement donné au monarque tous les moyens d'opérer la contre-révolution ; mais qu'il lui ont ménagé toutes les occasions possibles de l'opérer impunément.

Marat, L'Ami du Peuple. DE L’IMPRIMERIE DE MARAT

Notes de Marat :


(1) Je renvoie à ce sujet le lecteur à mon n°351.
(2) Voyez mon numéro précédent (n°520).
(3) L'Ami du peuple, qui le premier a établi cette doctrine, aurait dû être mis en tête, Goupil se contente de le désigner sans le nommer : mais il nomme Condorcet, plat académicien, et scribe vendu à la cour. Qu'on juge si cet intriguant que Louis Capet a nommé commissaire de la trésorerie et qui jouit en outre de 25.000 livres des profusions de la cour, irait s'exposer à perdre ces richesses, en indignant son maître ?

Source : Gallica-Bnf, L'Ami du peuple - année 1791


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Translation des cendres de Voltaire au Panthéon




Tombeau de Voltaire au Panthéon


Le 11 juillet, au milieu d'un prodigieux concours de peuple, les cendres de Voltaire traversèrent Paris en triomphe. De l'abbaye de Sellières, d'où les avaient rappelées un décret de l'Assemblée et un des cris les plus puissants qui fussent jamais sortis du cœur de la France, elles étaient arrivées dans un modeste chariot, sur les deux côtés duquel ces vers :

Si l'homme a des tyrans, il doit les détrôner.
Si l'homme est créé libre, il doit se gouverner.

Aux portes de la capitale, un char magnifique reçut les augustes dépouilles, et elles prirent le chemin du Panthéon. Il est des fêtes qui ne parlent pas à l'esprit, qui ne touchent point à l'âme humaine ; il est d'imbéciles et insultantes fêtes imaginées pour distraire de leur abaissement les peuples, trop jeunes ou déjà vieillis, qu'on tient sous ses pieds pourvu qu'on leur donne panem et circenses (du pain et des jeux du cirque). De tels spectacles sont le luxe de la servitude.

Plus ils sont splendides, plus ils dégradent la curiosité qui les accepte. Mais ici, Voltaire mort allant prendre au Panthéon, à travers les flots d'une multitude émue, possession de son droit à l'immortalité, c'était un encouragement sublime pour les uns, et pour les autres un châtiment ou une leçon.

« Dieu, tu seras vengé, » cria un prêtre, caché dans la foule. Mais Voltaire avait passé sa vie à défendre l'Être des Êtres contre ceux qui, usurpateurs de sa majesté, la font servir à leurs passions en la plaçant sur un autel. Ah! c'était Voltaire qui, ce jour-là, vengeait Dieu ! Il vengeait le peuple aussi, bien qu'encenser les rois eût été une de ses faiblesses ; et quelles réflexions ne durent pas être celles de Louis XVI se rappelant son entrée récente à Paris et la rapprochant de la scène saisissante qu'il contemplait, étonné, du haut d'une lucarne du pavillon de Flore!

Douze chevaux blancs traînaient le sarcophage, et, sur un lit funèbre, l'image endormie du philosophe. Ses œuvres, par qui le monde fut agité et l'est encore, on les portait dans une cassette d'or. D'innombrables devises flottaient, sur la soie des drapeaux, quelques-unes touchantes, d'autres terribles.

Exterminez, grand Dieu, de la terre où nous sommes,
Quiconque avec plaisir répand le sang des hommes.

Telle était la devise qu'avait choisie la société fraternelle des halles. Mais à la tête des citoyens du faubourg Saint-Antoine, marchait une femme tenant une pique au haut de laquelle ces mots : La dernière raison du peuple, réponse violente à la dernière raison des rois, baptême des canons!

Le char s'arrêta devant la maison de Charles Villette, où Voltaire avait rendu le dernier soupir. Des guirlandes de chêne entrelacées y formaient un dais poétique que soutenaient des peupliers. Descendant d'un amphithéâtre rempli de jeunes filles couronnées de roses, Mme de Villette reçut en pleurant la visite de celui qui l'avait surnommée Belle et Bonne. A ses côtés étaient les filles de Calas!

Le soleil, malheureusement, n'éclaira point la fin de la cérémonie. Il plut depuis la place du Théâtre-Français jusqu'au Panthéon : « Ablution expiatoire, dit gaiement Camille, satisfaction que saint Denis avait exigée pour quelques endroits de la Pucelle. »

Cet accident, la présence des actrices dans le cortège, un trop pompeux étalage de costumes antiques, Mme de Villette vêtue en Iphigénie, et une couronne par elle jetée à Lafayette, qui la ramassa en rougissant, tout cela fournit matière, de la part des royalistes, à des railleries auxquelles le dépit plus sombre des jansénistes mêla ses invectives.

Mais l'impression générale n'en fut pas moins celle de l'enthousiasme et de l'attendrissement. Fréron, le fils du célèbre journaliste que Voltaire avait si cruellement déchiré, Fréron qui se disait le seul homme en France auquel il ne fût pas permis d’êre voltairien, écrivit pourtant : « La pompe d'hier rappelait à l'imagination les Athéniens rapportant dans Athènes les ossements de Thésée, vainqueur des monstres et des tyrans, comme Voltaire le fut des préjugés et des prêtres. »

Source : Hist. de la Révolution française, Louis Blanc, tome I, pages 548 et 549 (1865)

Chronologie de l'année 1791, de juillet à décembre


Légende : Ah le maudit animal, il m'a tant gêné, il est si gras, qu'il en est ladre.
Je reviens du marché, je ne sais plus qu'en faire.

VII – Le mois de juillet 1791

Vendredi 1er Juillet : En Vendée, M. de Lézardière, deux de ses fils et trente-trois « comploteurs » sont arrêtés. Le but des conjurés étaient d’établir à Chatillon-sur-Sèvre (Deux-Sèvres) le centre de la contre-révolution en Anjou et Poitou (faut-il souligner). A Montauban, le jacobin Daunou propose de déclarer le trône vacant, sa motion reste sans suite. A Paris, une affiche républicaine de Thomas Paine et possiblement traduite par Condorcet est placardée, elle met en surchauffe l’Assemblée. A Paris, Billaud-Varennes évoque aux jacobins la République, il se voit huer. Madame Roland écrit à son ami Bancal en fin de journée :
« Représentez-vous que notre détestable Assemblée veut réintégrer le Roi ; que la faction des Lameth s’est unie avec Lafayette ; qu’elle agit de concert avec le Comité de constitution et les modérés, et que les Noirs la fortifient. (...) Aujourd'hui, le Cercle social discute ouvertement s'il convient ou non de conserver des rois : c'est le seul club après les Cordeliers qui dans cette capitale, ose  agir aussi ouvertement. Les jacobins comme l'Assemblée entrent en convulsions au nom de République. » (Source : Gallica-Bnf, Claude Perroud, Lettres de Madame Roland (1788-1793) pages 319 à 321, second tome, Paris-1902)

2 juillet : Comme son collègue, Antoine Gorsas du Courrier des 83 départements qui dénonce les tripots du Palais-royal, Jacques-Pierre Brissot, dans son journal le Patriote français, blâme le maire de Paris et dénonce une police municipale qu'il trouve incapable de lutter contre le crime ; il termine son article par ce propos : « Vous connaissez ces iniquités, magistrats du peuple, vous laissez triompher la scélératesse ; quittez, quittez l'écharpe civique, ou écoutez la voix des honnêtes gens qui demandent justice à grands cris. » (Source : Gallica-Bnf A. Tuetey, Répertoire des sources manuscrites de l'histoire de Paris etc., page 257, tome 1, Paris-1890)

3 juillet : A Paris, Thomas Paine, Nicolas de Condorcet et Achille Duchâtelet font paraître le premier numéro du Républicain : « ou le défenseur du gouvernement représentatif ».
Il n’y aura que 4 numéros, le dernier paru avant le 17 juillet et la répression. Auquel Me Roland de la Platière va se joindre et être un des rédacteurs ; avec son mari Jean-Marie. Manon Roland est présente depuis février dans la capitale et loge à l'hôtel Britannique, rue Guénégaud. En juillet, son salon est devenu l’espace des « républicains » aisés ou de la classe dominante. A distinguer des membres des Cordeliers plus proches des milieux populaires. Robespierre naviguera entre les deux et sera présent chez les Roland. Dans la capitale, les femmes et enfants en guenilles font faces aux Gardes nationales sur deux places, celles de Vendôme et de Grève. Ils manifestent contre la fermeture des ateliers de secours (ou dit de charité). Ils étaient jusqu’à la fermeture 28.000 employés aux travaux de terrassement, à 15 sols ou sous par jour, le salaire ouvrier étant de 36 sols. Il est promis en retour un crédit de 96.000 livres, mais il n’y a plus de travail à donner. Et Nicolas de Condorcet publie aussi le même jour dans le numéro 5 du Journal de la société de 1789 : Sur l'Admission des Femmes au droit de cité. (Source : Gallica-Bnf, 15 pages) A la Constituante, le nombre des volontaires nationaux créés le 13 juin, est porté à 26.000. Ils seront plus de 100.000 en août. Dans la Drôme se réunissent 22 clubs jacobins près de Valence. A Caen, la statue de Louis XIV est détruite et la place Royale change de nom et devient place de la Liberté.

4 juillet :  Depuis Dunkerque, l'extrait d'une lettre provenant du Brabant adressée aux amis de la Constitution aux Jacobins à Paris par M, Galand, l'aîné, négociant et membre du club des amis de la Constitution d'Amiens,
« M. le président, nous venons de recevoir une lettre du Brabant qui nous informe positivement que le ci-devant roi a donné à Monsieur (frère du roi) sa procuration pour traiter et agir en son nom avec tous les tyrans ses voisins dont il réclame les secours, tant pour sa personne que pour son soi-disant royaume. La même lettre nous annonce que l'empereur protège et favorise plus ouvertement que jamais les sinistres desseins de nos traîtres. La preuve est que tous nos officiers déserteurs ont eu ordre de se rendre à Ath entre Mons et Tournay ; là on leur a délivré à chacun deux mille livres tournois, par ordre du sieur d'Artois. Il parait que ce sera à Ath, où tous ces brigands vont se coaliser et se réunir en force. Tout le monde désire voir la tête de l'infâme Bouillé à prix. » (Source : Gallica-Bnf, Journal du Club des Cordeliers, p. 47-50, annexe à la séance du 9 juillet) Dans la capitale, il est donné le jour de la déclaration d'indépendance de 1776, un dîner organisé au domicile de M. William Short le chargé d'affaire des Etats-Unis en France et proche de Thomas Jefferson, y sont présents des américains, comme Gouverneur Morris et aussi des anciens combattants français comme Gilbert de Lafayette.

5 juillet : A Aix-la-Chapelle, les deux frères du roi font la rencontre de Gustave III de Suède, ce dernier leur propose une grande coalition des monarchies européennes.

6 juillet : Depuis Padoue en Vénétie, Léopold II invite les souverains de l'Europe à se joindre à lui pour déclarer au gouvernement français la guerre et libérer Louis XVI. Si ce n’est pas encore une coalition cohérente, elle se dessine fortement, la menace étrangère se précise.

7 juillet : A Paris, au théâtre, il est joué Calas ou l’école des juges de Marie-Joseph Chénier. Dans la pièce, il est mis l’accent sur l’intolérance religieuse. Cet auteur dramatique sera présent lors de la translation des cendres de Voltaire au Panthéon le 11 juillet.

8 et 9 juillet : A l'assemblée, un décret accorde provisoirement des fonds pour les besoins des hôpitaux et sont alloués 3 millions de livres, dont 300.000 iront à la ville de Lyon. Le lendemain, un décret donne 2 mois aux émigrés pour revenir en France avant des sanctions.


Dimanche 10 juillet :
Discours de Condorcet sur la nécessité d’instituer un régime républicain (à lire en première partie de l'année 1791). A la chambre des députés, un décret est pris concernant l’inviolabilité des correspondances, mettant fin à la surveillance des courriers. Cette pratique fut mise en œuvre sous Louis XV par l’ancienne Lieutenance générale de Police. Le publiciste, bientôt député de la Seine, J.P. Brissot demande au couvent des Jacobins : Le Roi peut-il être jugé ?  ; il se prononce ainsi pour la déchéance du monarque et sa mise en jugement.  Sinon, « M. le procureur syndic du département et une députation du corps municipal se sont rendus, (à) savoir : le procureur syndic aux limites du département, et la députation de la municipalité à la barrière de Charenton, pour recevoir le corps de Voltaire. Un char de forme antique portait le sarcophage dans lequel était contenu le cercueil. Des branches de laurier et de chêne, entrelacées de roses, de myrtes et de fleurs des champs, entouraient et ombrageaient le char, sur lequel étaient deux inscriptions : l'une, si l'homme est créé libre, il doit se gouverner ; l'autre, Si l'homme a des tyrans, il les doit détrôner ». (J.F Michaud - Abrégé chronologique de l'Histoire de France, Paris-1855). Le soir, au théâtre Molière, il est rendu un hommage au philosophe, et l'on représente Voltaire à Romilly, une pièce de M. Willemain d’Abancourt. Cela se déroule dans le bourg de Romilly où se trouve un sarcophage, et il se joue la cérémonie parisienne expliquée à des paysans (Source : OpenEdition - Le répertoire du Théâtre Molière, Michèle Sajous D’oria)  :

Non content d’étendre l’empire de la philosophie,

Voltaire voulut pratiquer lui-même les grandes leçons qu’il donnait au genre humain.
Apôtre de l’humanité, ennemi redoutable du fanatisme et de l’intolérance,
il poursuivit sans relâche et les persécuteurs et les fanatiques. (Scène 1)



Le triomphe de Voltaire, gravure de Pierre Gabriel Berthault (1802)

11 juillet :  A Paris, c’est la translation des cendres de Voltaire au Panthéon, selon Ernest Hamel  (Précis de l'histoire de la Rév.,1892) qui le résume en quelques lignes :
« les restes de Voltaire traversaient Paris, au milieu d'une foule émue et recueillie, pour aller prendre au Panthéon la place que leur avait décernée la piété de l'Assemblée nationale. Voltaire à coup sûr n'avait pas été l'ennemi des rois, au contraire ; mais il avait glorifié la tolérance et la liberté, et l'on ne se ressouvint ce jour-là que des vers tragiques qu'il avait composés contre les tyrans. L'enthousiasme révolutionnaire sembla surexcité par les hommages rendus à l'auteur du Dictionnaire philosophique. » (lire le texte sur cette journée s’y afférant ci-dessus la chronologie). La Gazette de Paris publie un texte légitimiste pour servir de caution et autoriser le roi à sortir de la capitale.

12 juillet : A l’Assemblée est approuvée une loi sur l'exploitation minière.

13 juillet : En Vendée, aux Sables-d’Olonne, un maréchal de camp nommé Dumouriez avec ses officiers se rendent dans la ville. Où l'officier va prononcer au club local un discours sur les troubles agitant la région. En Rhône-et-Loire, le directoire départemental décide du remplacement de tous les insermentés. A l’Assemblée, le débat sur la fuite du roi commence,
« Muguet de Nanthou donna lecture d'un rapport dans lequel, au nom des comités réunis, il proposa à l'Assemblée de mettre Louis XVI hors de cause, attendu qu'en fuyant, il avait cédé à la contrainte, que le délit n'était pas constitutionnel, que d'ailleurs la personne du roi était inviolable, et de renvoyer Bouillé et ses complices devant la haute cour nationale. (Le rapport du comité sera approuvé le 15/08) Robespierre demande la consultation de la Nation et il pose la question de l’inviolabilité de la personne royale. Il dès lors accusé d'être républicain par la presse royaliste et répond aux attaques en ces termes selon Ernest Hamel : « On m'a accusé au sein de l'Assemblée d'être républicain, on m'a fait trop d'honneur, je ne le suis pas ; si l'on m'eût accusé d'être monarchiste, on m'eût déshonoré. » Aux couvent des Jacobins, la Société fraternelle des patriotes des deux sexes publie une Adresse au Peuple Français relative à la fuite du roi (ci-après)  :


Adresse au Peuple Français (La souveraineté?)


« La souveraineté réside uniquement & essentiellement dans la nation : tous les pouvoirs, toutes les autorités émanent & ne peuvent émaner que d'elle, & ceux qui en sont dépositaires ne le sont & ne le peuvent être que par son choix & l'effet de sa volonté.

Cette vérité éternelle a été méconnue durant plusieurs siècles, & pendant ces siècles les peuples ont été oppressés par les tyrans et ont gémi sous l'esclavage le plus honteux & le plus cruel. Cette vérité a été enfin reconnue solennellement & manifestée à l'univers par notre sainte déclaration des droits de l'homme (sic) & du citoyen. La souveraineté s'exerce par quatre pouvoirs distincts : 1°. le pouvoir législatif ; 2°. le pouvoir exécutif ; 3°. le pouvoir judiciaire ; 4°. & enfin le pouvoir administratif.

La souveraineté résidant dans la nation ou la collection du peuple, il s'en suit que nul ne peut l'exercer en son nom qu'il ne soit nommé par elle à cet effet & chargé expressément de ses pouvoirs. Ainsi les représentants du peuple formant le corps législatif, doivent être chargé spécialement par lui pour avoir le droit de lui prescrire des lois qui, dans tous les cas, ne peuvent être que le résultat de sa volonté générale, exprimée par ses mandats, pétitions ou adresses.

Ainsi le dépositaire du pouvoir exécutif, quelque nom qu'on lui donne, doit être nommé par le peuple. Sa mission est de faire exécuter les lois que le peuple s'est données, il ne peut sans être coupable de forfaiture violer ces lois, les enfreindre ou les changer. Ainsi les administrateurs doivent être élus & nommés par les citoyens pour les administrer, suivant les lois & pour le maintien de leurs intérêts. (...)
Ce 13 juillet 1791, l'an second de la liberté. MATHIEU, Prêtre, Président (de séance).

Source : Gallica-Bnf -  pages 1 et 2, Société fraternelle de patriotes des deux sexes,
défenseurs de la Constitution, séante aux Jacobins Saint-Honoré,
relativement à la fuite du roi - Imprimerie Veuve Trasseux (Paris, 1791)



14 juillet : La deuxième fête de la Fédération est célébrée à Paris, une nouvelle fois au champ-de-Mars, mais aussi en Allemagne dans certaines localités. Dans son Journal Gouverneur Morris écrit :
« Au moment où j'arrive au champ-de-Mars, une grande multitude s'y trouve déjà rassemblée pour célébrer, par une messe, l'anniversaire de la prise de la Bastille. A l'Assemblée, le parti républicain a traité le roi très durement, mais le rapport qui conclut à son inviolabilité sera adopté. » (Source : Archive.org, Journal de G. Morris, page 247) La presse royaliste se déchaîne contre Madame Condorcet, la traitant de fille publique (prostituée). Son mari lui connaît les attaques de la presse favorable à Lafayette, qui était son ami jusqu’alors. En Angleterre à Birmingham, un banquet en l’honneur de la prise de la Bastille se termine en émeute organisée par l’église anglicane contre cette célébration.

15 et 16 juillet : A Paris, le club des Cordeliers présente une pétition de 6.000 signatures en faveur de la République. De son côté, la Constituante déclare le roi inviolable, à la demande du député Barnave, le rétablissant dans toutes ses prérogatives et elle défère, le député et général de Bouillé devant la Haute cour de justice d’Orléans. Buzot et Grégoire demandent à ce que le roi soit jugé. Dans la capitale vont circuler plusieurs pétitions déclarant le monarque déchu du trône. Au champ-de-Mars, plusieurs milliers de manifestants des clubs et sociétés se trouvent rassemblés après une marche. Sur place, ils désignent une députation pour se rendre à l’Assemblée. Au retour de la délégation, la colère monte à l’annonce des dernières nouvelles et la foule rallie le club des Jacobins pour faire le point. Il est devenu normalement illégal de procéder de la sorte, les pétitionnaires demandent collectivement l’abolition des décrets sous la menace d’une révolte populaire. Charles Lameth président de la Constituante est à l’origine de la répression demande à la municipalité d’agir... Il s’ensuit un décret proclamant les pétitionnaires « criminels de lèse nation ». A cette annonce, Robespierre fait retirer des Jacobins la pétition en envoyant le futur général Santerre des Gardes nationales parisiennes. Il déclare la désapprouver tout en reconnaissant son bien fondé et en respectant le cadre légal. Néanmoins lui et d’autres comme Marat et Danton sont sous le poids de menaces pesantes et se précisant. Robespierre sera amené à quitter son domicile de la rue de Saintonge, et rejoindra ce qui lui servira de foyer et de nouveau domicile jusqu’à sa mort. Il habitera chez le clubiste jacobin et artisan ou maître menuisier M. Duplay et sa famille, rue Saint-Honoré. Où réside aussi le futur député Georges Couthon, la grande voix de l’indivisibilité de la nation. Robespierre, dit « l’aîné » vivra dans une mansarde, néanmoins aménagée avec goût. Il refusera la gratuité de l’hébergement. Il sera à peu de distance des Tuileries et de l’Assemblée et trouvera là son refuge, et ses grandes solitudes entre l’exaltation de ses pensées et ses périodes d’alitement, rongé par la maladie.



Légende : Lafayette au champ-de-Mars ordonne de tirer sur le Peuple

17 et 18 juillet : Dans la capitale se tient une grande manifestation populaire au champ-de-Mars, le maire M. Bailly fait proclamer la loi martiale en compagnie de Lafayette. Suite à des coups de mitrailles, les autorités font tirer sur les manifestants. Ils seront plus de 20.000 à se rassembler, cette journée sera nommée la « Saint-Barthélemy des patriotes » et occasionnera la mort de plusieurs dizaines de manifestants. Comme conséquence, le 18, face aux menaces d’insurrection populaire, il se produit au sein des Jacobins une rupture nette avec cette composante des Amis de la Constitution. Ils vont aller installer leur nouveau club dans un autre couvent, celui des Feuillants dans le même quartier. Il se dessine ainsi un nouveau et autre groupe monarchiste, dont le chef est de fait Lafayette. Les Feuillants vont constituer au sein de la chambre un pôle puissant, mais qui va tendre rapidement à sa disparition l’année suivante, malgré des alliances de circonstance avec ceux que l’on nommera les "Girondins". Les Feuillants ou monarchistes constitutionnalistes auront la main forte sur le gouvernement et les décisions politiques jusqu’en août 1792. Ce même jour, à l'Assemblée, il est accordé une récompense de deux millions aux participants de l'arrestation du roi. Un décret réprime par ailleurs les appels au meurtre, au pillage et à l'incendie. Danton va en Angleterre, Marat se planque. Le club des Cordeliers est mis sous séquestre.

19 au 30 juillet : A la Constituante, un décret organise la police municipale et correctionnelle. (Source Persée.fr) A Bayeux, des clubistes sont mis aux arrêts après avoir enlevé une plaque, marquant le passage du roi en 1786 lors son voyage à Cherbourg. Le lendemain, la loi Le Chapelier du 14 juin s’étend aux provinces : les ententes entre propriétaires et fermiers baissant les salaires ne sont plus possibles, et il est interdit aux moissonneurs et ouvriers de ferme de faire grève. Le 21, M. Prieur, au nom des comités de l'extinction de la mendicité, d'aliénation, des finances et de Constitution, réunis, fait un rapport sur l'institution des sourds-muets avec les moyens à allouer et sa finalité est de poursuivre l'œuvre de l'abbé Charles-Michel de l'Epée (1712-1789).
« Messieurs les sourds-muets ont présenté à l'Assemblée nationale une adresse par laquelle ils l'ont priée de prendre en considération l'établissement d'une école destinée à leur éducation Dans tous les temps, il y a eu des sourds-muets, et dans tous les temps ils ont inspiré aux amis de l'humanité le désir d'adoucir leur position, en établissant entre eux et les autres hommes quelques relations propres à la communication mutuelle de leurs idées. (...) Pour cette année seulement, pour 24 pensions gratuites à raison de 350 livres chacune, qui seront accordées à 24 élèves, sans fortune, suivant actuellement les écoles, celle de 8.400 livres. » Le 22, il est rappelé la proclamation de la liberté absolue des ventes, et les officiers municipaux taxant les grains et le vin sont menacés de destitution. Le 23, le député Camus propose un décret contre les fabricants de faux-assignats. Le 26, l’on décrète que tout rassemblement de plus de quinze personnes s'opposant à l'exécution d'une loi ou d'un jugement représentera un attroupement séditieux et puni en tant que tel. Le 28, un nouveau décret réglemente l'organisation des Gardes nationales. Deux jours après, il est décidé l’abolition de tous les ordres de chevaleries, de toutes les décorations et les signes extérieurs supposant des distinctions de naissances. Un décret taxe à une triple imposition tous les biens des émigrés non revenus. (Sources : BIb. de Stanford, Archives Parlementaires, tome XXVIII)

21 juillet : L'Ami du Peuple de J.P. Marat ne parait plus jusqu'au 10 août, et le numéro du jour a été saisi. Ce dernier parlera de souterrain où il se cache... Par ailleurs, un grand nombre de clubistes parisiens, Cordeliers ou sociétés séantes aux Jacobins sont et seront l'objet d'enquêtes entreprises par les tribunaux parisiens jusqu'en septembre, comme Camille Desmoulins et d'autres.


22 juillet : A Paris, l’éditrice de l’Ami du Peuple et d'autres journaux, propriétaire de l'imprimerie Henri IV, Anne Félicité Colombe est incarcérée suite au massacre du 17/07, elle s’adresse depuis la prison de la Force au maire de Paris, M. Bailly : « Grâce à vos soins paternels, Monsieur, me voilà dans les fers, au milieu des sélérats et des femmes de mauvaise vie. C’est donc ainsi, juge inique, que vous confondez les innocents avec les malfaiteurs. Pressez mon jugement et ne prolongez plus ma captivité : c’est la protection de la loi que je réclame ; quant à la vôtre, je la méprise ». (Source : Gallica-Bnf, L'Ami du Peuple, n°571, page 8, 11/10/1791) A l'Assemblée est lue un courrier sur les événements suite à la hausse du blé, qui se sont déroulés dans le pays de Caux, « en insurrection (...) Avant-hier, le moulin de Vasterbahil fut le théâtre de l'insurrection. 25 cavaliers du 13e régiment et un détachement de la garde nationale, envoyés par le district de Dieppe, furent obligés de se retirer sur la réquisition de la municipalité violentée par les gardes nationales et les habitants de 17 paroisses voisines. Samedi dernier, au marché d'Ossel (ou Offel), une troupe nombreuse fit baisser le prix du blé et maltraita les laboureurs ou autres personnes qui voulaient s'y opposer. (...) En conséquence, nous avons fait partir un détachement de 200 hommes de troupes de ligne et de gardes nationales. Ce détachement (...) s'est trouvé en présence de 3 à 4.000 habitants de la campagne, armés de canons et de fusils, et décidés à leur disputer le passage. Par des paroles de paix, on est parvenu à les faire retirer chez eux. Ils y ont consenti, mais à condition qu'on se chargeât d'une requête, par laquelle ils demandent qu'on ne puisse taxer le grain qu'en remplissant certaines formalités ; que le blé soit taxé à 24 livres le sac, etc... Cette requête nous a été présentée hier par M. Dauwerts, qui a heureusement contribué à calmer les esprits.
» Ce qui va donner lieu à un décret des députés et le 25 juillet à une promulgation par le roi d'une loi relative aux troubles survenus au pays de Caux. (Sources : BIb de Stanford, Archives Parlementaires, pages 548-549, tome XXVIII)

24 juillet : A Paris, au couvent des Jacobins Robespierre déclare :
« Si, depuis la guerre déclarée à la Société, quelques membres de l'Assemblée nationale et moi nous sommes déterminés à rester dans son sein, nous ne l'avons fait que parce que nous avons pensé que le moment où les patriotes étaient attaqués était celui où nous devions nous serrer de plus près. Ceux qu'il faut consulter dans cette question sont ceux qui se disent hautement patriotes, et qui ne craignent pas de s'exposer à l'ignominie. Il faut examiner quel est le véritable intérêt public . Ceux qui vous proposent de vous dissoudre pour vous refondre avec les Feuillants ne connaissent point cet intérêt public. Par cette démarche, vous consacreriez formellement tous les reproches qui ont servi de prétexte à la scission. » (Source : Google-livres, A.F. Aulard, Société des Jacobins page 49, tome 3, Paris-1892)

24 et 25 juillet
: A Lorient, l'arrivée d'un navire nommé L'Espérance en provenance de Martinique dans la rade de Groix soulève des troubles dans la ville (écrite : L'Orient) au sein de la garnison. Deux officiers sont reconnus pour avoir été aux ordres de M. de Damas gouverneur de l'île lors d'une répression intervenue en septembre de l'an passé, et qui coûta à plusieurs soldats de la garnison de Lorient d'avoir été condamnés à de lourdes peines. La municipalité, face à des menaces et des troubles à l'ordre public, conseilla au navire de se rendre à Brest et de ne débarquer personne. L'affaire sera exposée à l'Assemblée par M. Bureaux de Pusy, le 30 juillet et restera sans réelle suite, autre que demander à l'autorité locale d'y faire face. Le lendemain Louis XVI ordonne et déclare son « renvoie au pouvoir exécutif pour maintenir l'exécution des lois. » (Source : Archives et patrimoine de la ville de Lorient)

27 et 28 juillet : Dans la capitale, au couvent des Jacobins, une députation du club des Cordeliers est venue faire part de son attachement à la Société des Jacobins, et rendre compte des persécutions auxquelles il est journellement exposé. M. Santerre,
« Je vous prie, Messieurs, de vous intéresser à M. Verrières, mon défenseur, membre de cette Société, qui a été arrêté comme auteur de l'ouvrage de Marat, tandis que cet ouvrage paraît aujourd'hui. » (Source : Google-livres, A.F. Aulard, Société des Jacobins page 55, tome 3, Paris-1892) Le jour suivant, il est fait un Rapport sur l'état actuel des prisons de Paris par M. François Doublet, médecin à la Faculté, un document lu à la séance publique de la Société royale de médecine, dont il est membre. Il avait remis le 30 avril précédent au président du comité de mendicité M. de Liancourt (Source : Gallica-Bnf, 120 pages)

29 juillet : Le Courrier de Paris dans les 83 départements, le journal du citoyen Gorsas publie l'adresse de 1.700 citoyens signataires de Montauban,
« réunis autour de l’autel de la patrie, y célébraient : l’anniversaire de la liberté conquise ; leur cœur se livrait à la joie pure que leur inspirait le souvenir d'un événement mémorable qui a arraché un grand peuple à la servitude, lorsque les murmures sourds de quelques ecclésiastiques sont venus troubler un instant la sérénité de la fête.Une déclaration de 290 députés (sur 1.200) à l'Assemblée nationale nous a été remise : elle a excité parmi nous une indignation mêlée du plus profond mépris. Quel est donc le but de cet écrit coupable, et quel est l'espoir de ces auteurs? Prédicateurs fanatiques de la guerre civile, veulent-ils diviser les Français qui commencent à se réunir ; entretenir la haine des partis que l'on croyait éteinte ». Dans ce texte sont mis en cause les députés que l'on nomme les "Noirs", ou ceux appartenant aux franges les plus radicales des royalistes. (Source : Retronews-Bnf)

Samedi 30 juillet : A Paris, Mademoiselle Colombe n’est toujours pas libérée et s’adresse de nouveau à Bailly, le maire, depuis la prison de l’Abbaye Saint-Germain. « Depuis dix jours je suis dans les fers, sans avoir commis aucune action illicite, sans savoir de quoi l’on m’accuse, et sans avoir encore été interrogée, au mépris du décret qui ordonne que tout détenu le sera dans les 24 heures, et qu’on le remettra immédiatement en liberté. L’accusateur ne se présente pas. S’il vous reste quelque pudeur, mettez la main sur la conscience, et dites-moi comment vous accordez le respect que vous affichez pour les lois avec l’audace que vous montrez à les enfreindre? N’oubliez pas que je suis innocente, et que je suis dans les fers ». (Source : Gallica-Bnf, L'Ami du Peuple, n°571, page 8, 11/10/1791)

31 juillet : Une lettre de M. Vigner, administrateur au département de police, est envoyé à l'accusateur public auprès « le tribunal du 6e arrondissement, transmettant une lettre de la demoiselle Colomb(e) qui se plaint d'être prisonnière depuis dix jours et de n'avoir encore subi aucun interrogatoire.
» (Source : Gallica-Bnf, A. Tetuey, Répertoire général des sources manuscrites de l'histoire de Paris, page 559, tome 3) Le club des Cordeliers retourne à la salle de réunion de la rue Dauphine.

VIII – Le mois d’août 1791

Lundi 1er août : L'Assemblée décide de remplacer l'inscription latine du fronton du Panthéon, pour que soit gravé « Aux grands Hommes la Patrie Reconnaissante ».

2 août : Dans le Courrier de Paris dans les 83 départements, il est question du club des Jacobins :
« Les intrigant n’ont pu tout fait égarer I'opinion publique sur le compte des patriotes. Tout le monde voit à présent que les véritables factieux ne sont pas du nombre des citoyens qui ont demeuré fidèles à la Société-mère des Jacobins. La majorité des clubs patriotiques de France a déjà reconnu que la scission opérée dans la capitale était l’ouvrage de l'ambition et de l’aristocratie, coalisés pour dissoudre les sociétés des amis de la constitution. Espérons que beaucoup d'honnêtes gens, séduits par les manœuvres des valets de cour, iront bientôt rejoindre leurs frères, et faire oublier un moment d’erreur. » (Source : Retronews-Bnf)

3 août : A Paris, au couvent des Jacobins, Jérôme Pétion fait un discours devant l'assemblée de la Société des Amis de la Constitution, après avoir publié une Lettre à ses commettants, le 18 juillet suite aux événements intervenus au champ-de-Mars, le 17 juillet
1791.

Discours de Jérôme Pétion
et réponse de Louis-Pierre Dufourny




à l'assemblée séante aux Jacobins

M
ESSIEURS,


« La crise violente qui vient d'agiter la société pouvait la détruire, elle va lui donner une vie nouvelle, il dépend de vous de changer des jours de deuil en des jours de triomphe. Déjà l'opinion publique, un instant égarée par les manoeuvres de vos ennemis, revient à vous pour vous environner de toute sa puissance. Déjà un grand nombre de vos sociétés affiliées vous jure un attachement éternel. D'autres, non moins fidèles, interposent leur médiation pour ramener au milieu de vous les membres qui s'en sont éloignés. Toutes vont se ranger bientôt autour de cet asile, pour resserrer les liens de la confiance et de la fraternité, parce que toutes aiment la liberté et la constitution, et que vous ne cesserez jamais de défendre et de maintenir l'une et l'autre. En soumettant à une épreuve sévère tous ceux qui parmi vous doivent être comptés au nombre des vrais amis de cette constitution, vous avez donné un nouveau lustre à la société, et vous avez imposé silence à vos détracteurs. Prenons maintenant dans nos discussions le caractère imposant d'hommes libres ; sachons écouter avec calme ; combattons-nous avec franchise, avec loyauté, mais sans aigreur, loin de nous des déclamations emportées, des personnalités offensantes, des exagérations qui nuisent à la vérité même. Soutenons avec énergie, avec une constance inflexible, les principes sacrés sur lesquels repose le bonheur des hommes et la stabilité des Empires. Continuons notre carrière comme nous l'avons commencée, continuons à bien mériter de la patrie, que tout bon Citoyen brigue l'avantage de s'asseoir a nos côtés. Oui, je l'espère, cette société va sortir du sein des orages plus grande qu'elle n'a jamais été ; elle va devenir le point de ralliement des patriotes sincères, des hommes qui chérissent l'humanité, et les ennemis du bien public trembleront devant elle. Mon ambition la plus chère est de hâter ces moments fortunés. Puisse la durée des fonctions dont votre confiance m'a honoré, ne pas expirer avant que j'en sois le témoin. Je crois satisfaire au voeu de cette société autant que j'obéis à mon sentiment personnel, en témoignant à mon prédécesseur combien la société est sensible à son zèle et à la manière distinguée dont il a rempli ses fonctions dans un temps difficile et orageux. »

M. Louis Pierre Dufourny, auteur du quatrième ordre a répondu : « MM. Tous les succès que vous voulez bien attribuer à la conduite que j'ai tenue dans les fonctions, par intérim, que le hasard des circonstances m'a dévolu, est entièrement dû à ce courage, qui, dans la tempête, a manifesté quels sont les véritables amis de la constitution ; et ce courage, vous le savez, a été puissamment soutenu par les avis, les consolations et les démarches conciliatoires de M. Pétion (écrit Péthion). Je vous demande donc que le discours que M. Pétion vient de prononcer, étant véritablement celui de l'inauguration de la société réorganisée, soit imprimé. »

Source : Gallica-bnf, Discours de Pétion et réponse de Dufourny, 3 pages

4 août : Formation des bataillons de la Garde nationale, ils sont destinés à la défense des frontières. L'Autriche et la Porte ottomane signent le traité de paix de Szistowa, la ville de Belgrade retourne dans le giron des Turques et des territoires leurs sont restitués.

5 août : Les Mémoires de la Vie privée de Benjamin Franklin, écrits par lui-même, et adressés à son fils, sont édités et imprimés chez M. Buisson, 20 rue d'Haute-feuille, à Paris. (Source : Archive.org, 380 pages)
A l'Assemblée, l’on déclare : « que la Nation ne fera jamais la guerre dans l'intention de faire des conquêtes et n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple. »

6 août : A Paris, l'étasunien Gouverneur Morris, lui-même rédacteur de la constitution de son pays note dans son Journal, que le comte de Brémond d'Ars (monarchiste et futur émigré), lui a apporté le texte de la constitution. M. William Short, chargé d'affaire des
Etats-Unis, lui demande son avis, et il répond « qu'elle est ridicule. » (Source : Archive.org, page 255)

7 août : Paris, Jean-Antoine-Nicolas de Caritat et marquis de Condorcet fait un Discours sur les conventions nationales : prononcé à l'assemblée des Amis de la constitution, séante aux Jacobins. (Source : Gallica-Bnf)

8 août : L'Assemblée termine la rédaction d'une constitution mal rédigée et engagée lors de l'été 1789, le député François Buzot pose le problème des équilibres et failles des garanties juridiques et politiques :

« Hé! bien alors, ce n'est donc point la liberté civile que votre Constitution me promet, mais seulement des droits politiques, puisque vous renvoyez aux législateurs jusqu'aux atteintes qu'on pourrait y porter. (...) Ces observations me paraissent à moi, tellement évidentes, que le paragraphe suivant, tout en disant qu'il garantit la liberté de la presse, ne garantit absolument rien. Je demande que vous me donniez un article très précis, une loi sur cette matière : je demande que, par suite de ces dispositions, il y ait un article qui détermine que les législatures à venir ne pourront pas toucher à cette liberté sacrée, sans laquelle il n'y a pas dans votre Constitution de liberté civile. (...) Je demande donc qu'on rétablisse dans ce titre: 1° la loi qui abolit le droit de faire grâce ; 2° qu'on y rétablisse les décrets qui garantissent véritablement la liberté et les lois qui prononcent une peine contre ceux qni porteraient atteinte àia liberté individuelle ; 3° qu'on y ajoute aussi ceux qui établissent cette liberté, la faculté de donner caution en de certains cas, qui sont déterminés dans deux articles seulement de votre loi ; 4° qu'on détermine aussi une loi qui garantisse la liberté de la presse de toute espèce d'atteinte; et comme il est vrai et possible, dans certains cas, de porter des lois pour empêcher la liberté de la presse, je demande enfin qu'on circonscrive ici ces abus. Telles sont, Messieurs, les idées dont je tenais à faire part à l'Assemblée et dont je demande l'insertion dans le titre premier. »

Source : Bib. de Stanford, Archives Parlementaires, page 272, tome XXIX

9 août : 
Il devient interdit de porter des habits ecclésiastiques hors des enceintes religieuses.

Mercredi 10 août : Reparution de L'Ami du Peuple (n°539), mais la publication reste irrégulière. Il s'agit du numéro qui avait été saisi le 21 juillet dernier.

11 août : Jacques-Antoine Dulaure, ingénieur-géographe, membre de la Société des Droits de l'Homme, après un échec avec une première parution, les Evangiles du jour l'année passée avec 16 numéros, il lance un nouveau périodique, le Thermomètre du jour en 8 feuillets quotidien (imprimé jusqu'au 25 août 1793).

12 août : La reine Marie-Antoinette écrit à son frère l'empereur Léopold II
:

« L'occasion qui se présente de vous écrire, mon cher Frère, est plus sûre qu'aucune de celles que j'ai eues jusqu'à présent. J'en profite avec empressement, car nous sommes observés d'une façon odieuse. Je vous ai dit, dans ma lettre du 30 du mois dernier, ce qui a suivi notre retour a Paris et les impressions que m'ont fait les hommes dont j'ai été entourée depuis que je fus revenue de ma première agitation. Mes idées sont toujours !es mêmes je ne crois pas me tromper sur la sincérité de quelques-uns d'eux, autrefois nos plus dangereux ennemis. L'un d'eux (Barnave) est doué de l'éloquence la plus vive et la plus entraînante, et ses talents exercent sur l'Assemblée une très-grande influence. »

Source : Gallica-Bnf, Feuillet de Conches, Louis XVI, Marie-Antoinette
et Madame Élisabeth, lettres et documents inédits, page 21, Tome 5, Paris-1873


13 août : Dans l'hebdomadaire Révolutions de Paris, dédiées à la Nation, il est fait une critique très sévère sur le texte constitutionnel :
« Malheur aux nations dont les représentants savent assez peu se respecter pour compromettre légèrement et leur propre dignité et celle du peuple! Qu'est-ce qu'un roi? c'est un fonctionnaire public, c'est, si l'on veut un représentant de la nation. Qu'est-ce que le corps législatif? c'est l'assemblée du corps de la nation or croit-on qu'il soit dans l'ordre qu'un corps quelconque députe à un individu, fut-il un des ses membres? Non, le tout est toujours préférable à la partie, et cette disposition place la partie au-dessus de tout, renverse toutes les combinaisons, détruit l'ordre, et par conséquent la liberté, qui n'en est que le résultat. » (Source : Gallica-Bnf, Les Révolutions de Paris, n°110, page 258)

14 et 15 août : A Saint-Domingue se tient la cérémonie du Bois-Caïman (la prière de Boukman, ci-dessous, en vidéo), il s'agit d'une réunion d’esclaves qui s'est déroulée dans la nuit et elle est considérée en Haïti comme l’acte fondateur de la révolution et de la guerre d’indépendance. Son
meneur Dutty Boukman est un esclave né en Jamaïque. Il organise avec la prêtresse Mambo, Cécile Fatiman une cérémonie nocturne. Elle plonge un couteau dans un cochon sacrifié, les assistants boivent son sang pour devenir invulnérables selon le rite. Le vaudou sert ainsi de catalyseur dans la préparation de la révolte des esclaves de Saint-Domingue, un moyen permettant aux populations africaines de trouver une cohésion dans la quête future de la liberté.

Cérémonie vaudou, la prière de Boukman

Annonce de la révolte des esclaves de Saint-Domingue par le prêtre vaudou Dutty Boukman.
Source : Mémoire immatérielle d'Haïti


16 août : A Caen, une soixantaine de prêtres sont enfermés.

17 et 18 août : A la Constituante, il est ordonné aux émigrés de revenir dans un délai d'un mois. Le lendemain, c’est la suppression des congrégations religieuses, seuls y réchappent les ordres charitables.

Vendredi 19 août : Au sujet de Saint-Domingue, la Gazette universelle, ou Papier-nouvelles de tous les pays et de tous les jours, publie l'extrait de la lettre d'un négociant de Bordeaux datée du 12 août :
« Il est arrivé ici hier un navire parti du Cap le 3 juillet : On y connaissait le décret du 15 mai sur les gens de couleurs. (...) Tous les habitants du Cap ne pouvaient croire que le décret fut véritable. Ils espéraient tout au moins que les chambres de commerce le feraient retirer. Mais après tout ils étaient décidés à mourir plutôt que de recevoir une loi qui renversait la propriété de la colonie et celle de la France... Je ne sais si les figures ont changé ici depuis hier au soir ; je crois que le grand nombre se voilera de tous les sentiments de l'espoir, puisque les événements ne sont pas encore connus ; mais l'avenir qui ne peut plus que nous être fatal, leur donnera les cruelles leçons de l’expérience. » (Source Gallica-Bnf, n°231 , page de une)

20 août : On peut lire dans le Thermomètre du Jour à la rubrique température des esprits :
« Commencement d'effervescence au palais-royal : les aristocrates travaillent le peuple en tous sens. Pendant trois soirées de suite les groupes ont été nombreux dans ce jardin, et la garde s'est occupé à les dissiper. Les apôtres de la liste civile cabalent toujours, Malouet est du parti ; on remue, on intrigue, on cabale, on séduit, et le tout très-sourdement. Les trahisons et l’argent ne coûtent rien. Patriotes incorruptibles, restez comme un rocher au milieu de l’orage ; les projets des méchants seront dissipés. (sic) » (Source : Retronews-Bnf, n°10, page 7)

21 et 22 août : A Saint-Domingue, dans la nuit les esclaves révoltés s’attaquent aux colons.
Boukman ordonne alors le soulèvement général. Il a lieu la nuit du 21 au 22, cinq habitations sont brûlées, 1.000 colons sont massacrés de tout âge et des deux sexes. Pendant une dizaine de jours, la plaine du Nord sera en flamme. On dénombrera 161 sucreries et 1.200 caféières brûlées.

23 août :
Pour l'Unesco, la date du 23 est considérée comme la Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition. A l’Assemblée, il est voté un projet de censure de la presse, malgré l'opposition de Robespierre et de Pétion. Les délits suivants deviennent punissables : les calomnies volontaires contre des fonctionnaires et citoyen pour raison personnelle, sinon toute forme de résistance afférant aux pouvoirs publics, ou désobéissance aux lois et « avilissement des pouvoirs constitués ».

24 août : Saint-Domingue, au Cap Français dans la Province du Nord, la région est en insurrection depuis le 22, les cultures sont brûlées et les propriétaires des plantations attaqués et tués. Ce qui provoque la panique et une riposte chez les colons. Le gouverneur en représailles fait
12.000 prisonniers chez les esclaves et menace de les faire périr, et fait capoter les plans visant à faire tomber la ville. A la tête des émeutes, l’on retrouve comme meneurs MM. Boukman et Biassou.

25 au 27 août : L’Autriche et la Prusse signent la déclaration de Pillnitz, en présence de Léopold II et Frédéric-Guillaume II. Les deux monarchies promettent aux émigrés l'appui nécessaire et visent par cette annonce à envahir la France. « Son Excellence l'empereur et Sa Majesté le roi de Prusse, ayant entendu les désirs et les représentations de Monsieur et du comte d'Artois, déclarent conjointement qu'elles regardent la situation où se trouve actuellement le roi de France comme un objet d'un intérêt commun A Ions les souverains de l'Europe. Elles espèrent que cet intérêt ne peut manquer d'être reconnu par les puissances dont le secours est réclamé, et qu'en conséquence elles ne refuseront pas d'employer, conjointement avec leurs susdites majestés, les moyens les plus efficaces, relativement à leurs forces, pour mettre le roi de France en état d'affermir, dans la plus parfaite liberté, les bases d'un gouvernement monarchique , également convenable aux droits des souverains et au bien-être de la nation française. Alors et dans ce cas, leurs dites majestés l'empereur et le roi de Prusse sont résolues d'agir promptement, d'un mutuel accord, avec les forces nécessaires, pour obtenir le but proposé et commun. En attendant, elles donneront à leurs troupes les ordres convenables  pour qu'elles soient à portée de se mettre en activité ». Dans le même temps, Catherine II assurait aux émigrés français sa protection et son assistance, et Gustave III (Suède) offrait de se mettre à la tête de la noblesse française.

Vendredi 26 août : Le 24 juin, il avait été décidé à l'Assemblée de surseoir aux processus électoral, puis il avait été fixé le 5 août au 25 de ce mois la reprise des réunions :
« les électeurs du département de Paris se réunirent, à dix heures du matin, dans une salle de l'évêché métropolitain, mise à leur disposition par l'évêque Gobel. On remplit tout d'abord les formalités ordinaires à toutes les assemblées électorales ou délibérantes. La présidence revint au doyen d'âge, Cozette, entrepreneur des ouvrages de tapisserie de la manufacture des Gobelins , qui avait soixante-dix-sept ans et demi. Ce vénérable citoyen s'adjoignit trois autres doyens en qualité de scrutateurs, et fit agréer comme secrétaire provisoire l'avocat Gouniou, qui avait rempli avec tant de conscience ces fonctions pendant les diverses sessions de la précédente assemblée. Le bureau ainsi constitué, on procéda à la vérification des pouvoirs et, pour attirer les bénédictions divines sur les opérations futures , on convoqua les électeurs à une messe basse qui devait être célébrée le lendemain à l'église paroissiale de l'évêché, c'est-à-dire à Notre-Dame.  » (Source : Gallica-Bnf, E. Charavay, Assemblée électorale de Paris, page XVII, Paris-1894)

27 août : En Saxe, au château de Pillnitz, il est partagé une déclaration entre l'empereur Léopold II et le roi de Prusse Frédérique-Guillaume II, après avoir reçus les comtes d'Artois et de Provence (frères du roi). Les monarques « espèrent que cet intérêt ne peut être méconnu par les puissances dont le secours est réclamé, et qu'en conséquence elles ne refuseront pas d'employer, conjointement avec leurs dites majestés, les moyens les plus efficaces relativement à leurs forces pour mettre le roi de France en état d'affermir dans la plus parfaite liberté, les bases d'un gouvernement monarchique, également convenable aux droits des souverains et au bien-être de la nation française. » (Source ; Google-livres, Pierre Granié, Histoire de l'Assemblée constituante de France, page 257, Paris-1797) A la Constituante, Jean-Jacques Rousseau est à l’ordre du jour et son ami M. de Girardin, habitant et propriétaire à Ermenonville en région parisienne, l’ayant recueilli sur ses derniers jours est présent. Celui-ci avait conservé ses restes sur l'île des peupliers au sein de son domaine et l'avait enterré la nuit à la torche, pour précision. Ce jour, il est demandé l’application du décret de décembre de l’année passée sur le transfert des cendres du philosophe. Le sujet refaisait surface après la translation des cendres de Voltaire dans le cours du mois d’août, une pétition avait été signée par 300 personnalités du monde littéraire. Deux motions sont proposées : - l’une vient de la commune de Montmorency (qui fut un temps son lieu de résidence) favorable à un monument sur place ; - pour l’autre motion, des gens de lettres demandent son transfert au Panthéon. Il ne sera au final pris aucune décision, malgré les demandes diverses. Par ailleurs, un décret déclare le mariage, aux yeux de la loi comme un contrat civil.

« Deux députations, l’une des électeurs et gens de lettres de Paris, l'autre des citoyens de la ville et du canton de Montmorency sont admises simultanément à la barre. 


L'orateur de la députation des électeurs et gens de lettres de Paris s'exprime ainsi :  Messieurs, par votre décret du 21 décembre 1790, vous avez ordonné qu'il serait élevé une statue à l'auteur du Contrat social et d'Emile, avec cette inscription : La Nation française libre à J.-J. Rousseau. Nous venons réclamer l'exécution de ce décret, avec les additions que des événements postérieurs ont rendues nécessaires. (…) Vous lui avez accordé les honneurs qui lui étaient dus. Vous êtes quittes envers sa mémoire : l'êtes-vous, Messieurs, envers celle de l'auteur du Contrat social? Et parce que, le premier de tous, il reçut de vous des honneurs, les honneurs rendus à J.-J. Rousseau seront-ils moindres que ceux qu'ont obtenus Mirabeau et Voltaire?  De quelle souveraineté fûtes-vous investis pour régénérer un grand Empire, pour lui donner une Constitution libre? De l'inaliénable et imprescriptible souveraineté du peuple. Sur quelle base avez-vous fondé cette Constitution, qui deviendra le modèle de toutes les Constitutions humaines? Surl'égalité des droits. Or, Messieurs, l'égalité des droits entre les hommes et la souveraineté du peuple, Rousseau fut le premier à les établir en système sous les yeux mêmes du despotisme. Ces deux idées mères ont germé dans les âmes françaises et dans les vôtres par la méditation de ses écrits ; et si, comme on ne peut le contester, notre Constitution entière n'en est que le développement, malgré tout ce qu'on a pu dire de quelques opinions particulières de Rousseau, qui semblent moins conformes à quelques-uns de vos principes, Rousseau n'en est pas moins le premier fondateur de la Constitution française ».

Source : Bib. de Stanford : Archives Parlementaires, séance du 27/08/1791

28 et 29 août :
M. Doublet François, médecin, est publié pour son :  « Mémoire sur la nécessité d'établir une réforme dans les prisons et sur les moyens de l'opérer ; suivi de la conclusion d'un Rapport sur l'état actuel des prisons de Paris, lue à la séance publique de la Société royale de médecine. » (Source : Gallica-Bnf, 112 pages) la Constituante, il est pris un décret relatif aux moyens de rétablir la discipline dans les troupes de ligne. Le jour suivant, les électeurs désignés par les assemblées primaires élisent leurs premiers députés dans les départements.

30 août : Pas-de-Calais, Ernest Duquesnoy, futur Montagnard, est désigné comme député à l'Assemblée dite législative, le 7e élu sur 11, avec 284 voix pour 548 votants.

IX - Le mois de septembre 1791

Jeudi 1er septembre : ​Me Campan (1752-1822) redevient la première femme de chambre de la reine, cette dernière envoie un courrier à la princesse de Lamballe. Me Campan est connue pour avoir laissée des Mémoires de ces 18 ans de service auprès de Marie-Antoinette. (Consultable sur le site Gallica-Bnf)

2 septembre : La Convention décrète des fêtes nationales pour perpétuer le souvenir de la Révolution. A l'assemblée électorale parisienne le 2e élu est le comte B.G. de Lacépède, zoologiste, de la section du Jardin des plantes, après la désignation d'hier de M. J.P. Garran de Coulon de la section du Théâtre Français et avocat de profession.

3 septembre : Les travaux et débats de la première Constitution française sont définitivement clos.

4 septembre : M. de Narbonne-Lara est nommé maréchal de camp par le roi (Il deviendra ministre de la guerre en décembre).

5 septembre : A Nantes, il éclate une émeute, plusieurs centaines de personnes se dirigent vers l'hôtel-de-ville pour réclamer la fin des billets de la caisse patriotique (pour compenser les assignats qui n'existent qu'en grandes coupures), ce qui provoque une baisse de leurs revenus. La loi martiale est proclamée, à la fin de la journée l'on dénombre un mort. (Source : OpenEdition, S. Guicheteau, Les ouvriers dans les manifestations révolutionnaires à Nantes en 1789-1791) Maximilien Robespierre au sujet des colonies désigne Barnave comme un traître. Olympe de Gouges rédige une lettre sur les Droits de la femme
à la Reine, ainsi que la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne (ci-dessous). Cet écrit avec le courrier sera imprimé à la mi-septembre et soumis à l'Assemblée, le 28/10, mais il n'a pas connu un tirage important, seuls 5 exemplaires ont été imprimés et ont pu circuler. (Source : Gallica-Bnf)


Préambule

Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent d’être constituées en assemblée nationale. Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution, des bonnes moeurs, et au bonheur de tous.

Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne : 17 articles et le Postambule !


Légende : Louis XVI à son peuple : Vous la voyez cette couronne filles de l'ambition, je ne veux la conserver pour vous défendre, à vous rendre heureux


6 et 7 septembre : A Prague, au théâtre Nostiz  La Clémence de Titus est représentée, composée en avril par W.A. Mozart est son dernier opéra (dit seria, un genre désuet)  et rencontre un franc succès de la part du public. A Paris, au couvent des Jacobins, sous la présidence de M. Roederer, après avoir voté en faveur de la publication d'une feuille patriotique à la demande de Jérôme Pétion, il est décidé une augmentation des cotisations de 3 livres par mois pour y répondre, « M. le Président annonce que les dames des tribunes, parmi lesquelles Mme Pétion, demandent à être admises à la souscription. Cette offre est acceptée. La Société leur vote des remerciements. Un membre propose à la Société de faire achat d'une imprimerie. Cette proposition est renvoyée au Comité d'administration. » Le 7, aux Jacobins, M. Roederer à la présidence, « M. Collot d'Herbois fait un rapport sur un projet de M. Bourdon la Crosnière relatif à l'éducation nationale. M. Simonne fait sur le même sujet un long discours, qu'on peut résumer dans cette phrase du début : - Instruisons les peuples, leur sort sera alors dans leurs propres mains, et non dans les intérêts ou les caprices d'une poignée d'individus. Ce discours est vivement applaudi, et on en demande l'impression. M. Royer, évêque de l'Ain : - Ce discours, où il y a beaucoup de bonnes choses, tend à avilir les ministres du culte et prêche l'athéisme. Je m'oppose à l'impression. M. Simonne annonce qu'il le fera imprimer lui-même. » (Source : Gallica-Bnf, A. Aulard, Société des Jacobins, pages 118 et 120, tome 3)

8 septembre : Marie-Antoinette adresse une missive à son frère Léopold II d’Autriche : « il n'y a que la force armée qui puisse tout réparer ».


9 septembre :
L'Assemblée nationale reçoit le maire d'Avignon, puis une députation des États-Unis d'Avignon et du Comtat venaissin. Aux Etats-Unis, la ville ou City de Washington devient la capitale en titre du pays.

10 septembre : M. Talleyrand de Périgord
, l'ancien évêque d'Autin remet son rapport sur l'Instruction publique fait au nom du comité de constitution de l'Assemblée nationale. Georges Danton est de retour d'Angletterre et il est présent à la votation pour la nouvelle législature : « M. Danton électeur de la section du Théâtre-Français, a observé qu'il désirerait bien avoir l'assemblée électorale pour juge, mais que la loi lui indiquait les tribunaux, que plusieurs personnes prétendaient qu'il était retenu dans les liens d'un décret de prise de corps, qu'il demandait à l'assemblée de vouloir bien nommer des commissaires pour examiner s'il devait ou non continuer ses fonctions. Sur cette observation, un membre a représenté qu'il n'était pas question de savoir si M. Danton devait ou non rester à l'assemblée, que personne à ce sujet n'avait fait de réclamation, qu'il n'y avait pas lieu à nommer de commissaires, et a demandé de passer à l'ordre du jour. L'ordre du jour appuyé et mis aux voix, il a été arrêté d'y passer. » (Source : Gallica-Bnf, E. Charavay, Assemblée électorale de Paris, pages 193-194, Paris-1894)

11 septembre : A Saint-Domingue,
« Les pompons-rouges du Port-au-Prince ; effrayés de la puissance qu'acquéraient les hommes de couleur, se résolurent à traiter avec eux, contre l'avis de Praloto (célèbre par toutes sortes de forfaits, prit la place de M. de Merveillère, chevalier de St-Louis, inspecteur des fortifications) qui demandait toujours leur extermination. Ils  envoyèrent à la Croix-des-Bouquets des députés qui signèrent dans l'Eglise de ce bourg, (...) un concordat avec les affranchis. On voit ces derniers se faire accorder par leur énergie ce qu ils n'avaient pu obtenir par les plus justes réclamations. » Cet accord sera rapidement rompu ou avoir peu de poids dans les affrontements entre colons et "gens de couleurs" esclaves ou libres. (Sources : Archives.org et Gallica-Bnf, Thomas Madiou Histoire d'Haïti, page 80 et 65, tome 1, Port-au-Prince, 1847)

12 septembre : A Paris, J.P. Brissot prononce un Discours sur la nécessité de maintenir le décret rendu le 15 mai 1791 en faveur des hommes de couleur libres, à la séance de la Société des amis de la constitution, séante aux Jacobins. (Source :  Manioc, 28 pages)


13 septembre : Le roi déclare : « J'accepte, la Constitution ; je prends l'engagement de la maintenir au dedans, de la défendre contre les attaques du dehors et de la faire exécuter par tous les moyens qu'elle met en mon pouvoir. (…) que l'on consente à l'oubli du passé; que les accusations et les poursuites qui n'ont pour principe que les événements de la Révolution soient éteintes dans une réconciliation générale ». A Rouen, la Société des Amis de la Constitution rédacteur d'une Lettre de félicitation à Miss Williams pour son tableau de la fête de la Fédération de l'an dernier fait imprimer et mentionner que son ouvrage : Lettres écrites de France, à une amie en Angleterre pendant l'année 1790  est traduit
« dans toute les langues ». Ce jour même, Helen Williams leur répond en ces termes : « Je me rappellerai toujours avec enthousiasme le bonheur d’avoir assisté à la première célébration du 14 Juillet, ce beau jour que tous les siècles à venir célébreront avec des acclamations de reconnaisssance, et dont la nature humaine doit être glorieuse. Puisse la liberté naissante de la France durer à jamais ! (...) Souffrez, Messieurs, que mes vœux s’unifient aux vôtres, pour que la France et l’Angleterre ne soient plus hostiles, ces deux Nations qui sont si dignes d’être amies. Puissent les autres pays de l’Europe suivre l’exemple que les deux Peuples les plus éclairés leur donnent, et qu’ainsi la Révolution française soit l’époque illustre d’où le genre  humain apprenne qu’il ne fut pas créé pour l’esclavage, la haine et la misère, mais pour la liberté, la fraternité et le bonheur. » Helen-Maria Williams (1762-1827), poétesse, peintre et traductrice anglaise, elle reviendra après son premier séjour de 1790, elle assistera aux événements du 10 août 1792. Et Miss Williams s'installera en France jusqu'à la fin de ses jours, elle sera l'auteure de plusieurs livres sur le processus révolutionnaire et le premier Empire.

14 septembre : Dans la capitale, après des campagnes de la presse royaliste, calomnieuses et injurieuses (L'ami du roi, Le Chant du coq et Journal de la cour et de la ville), Jacques Pierre Brissot membre de la section Bibliothèque, âge de 37 ans, est élu 14e député de Paris, par 432 voix contre 223 à M. Dufresne. Le comtat de Venaissin et la cité papale d'Avignon sont réunis au royaume suite au rapport de M. Menou par décret de l'Assemblée : « et conformément au voeu librement et solennellement émis par la majorité des communes et des citoyens de ces deux pays pour être incorporés à la France les dits deux États réunis d'Avignon et du Comtat venaissin sont, dès ce moment, partie intégrante de l'empire français ». Et Promulgation de la Constitution. (Source : Bib. Cervantes)


15 et 16 septembre : 
Suite à la désignation de Brissot de Warville, la Chronique de Paris dit qu'il « Il a fallu une constance bien héroïque de la part des électeurspatriotes pour ne point se laisser déconcerter par les manoeuvres employées à grands frais contre ce choix ; à force de calomnies et d'intrigues, les ennemis de Brissot lui ont assuré la victoire. » Le journaliste Gorsas ne cache pas sa satisfaction : « Au surplus, on a franchement applaudi à la nomination de M. Brissot. Quelques laides faces ont fait la grimace. Qu'importe? La liste civile en sera pour ses frais. » Le Journal de la Révolution précise que : « Cette nomination a été un triomphe pour tous les patriotes. » Le lendemain, le résultat de Brissot  sonne autrement au sein de la presse royaliste, à l'exemple du Chant du coq : « Le chef avoué d'un parti républicomane est appelé à défendre une constitution monarchique ; un homme accusé publiquement d'escroquerie est appelé dans le sénat de la nation, où les vertus sont encore plus nécessaires que les talents. On députe à la législature, qui doit rendre le calme à nos colonies déchirées, le plus ardent des prétendus amis de l'humanité, qui, plutôt que de renoncer à des opinions exagérées, ont osé pousser ce cri forcené : périssent les colonies. » (Source : Gallica-Bnf, E. Charavay, Assemblée électorale de Paris, page XXX, Paris-1894)

16 et 17 septembre : A Paris, est désigné comme 14e député du département de la Seine, M. Hérault de Séchelles, ancien avocat. A l’Assemblée, il est pris un décret rendant obligatoire la « dénonciation civique ». Le jour suivant sont supprimées les Cours de comptes, un simple bureau comptable prend le relais.

18 septembre : Paris est en fête pour l’adoption de la première constitution.

19 septembre : A l'Assemblée, après les débats et la fin de la présentation du rapport de
M. Talleyrand, débutés les 10, et 11 septembre est suivi d'un plan d'instruction primaire : 1°/ Il sera créé ou organisé une instruction publique, commune à tous les citoyens, gratuite (...) 2°/ Qu'il sera établi des fêtes nationales.

20 septembre : A l'assemblée électorale de Paris, 
« Jacques GODARD, homme de loi, électeur de la section des Enfants-Rouges, âgé de vingt-neuf ans, né à Semur, fut, au deuxième tour de scrutin, élu 16e député par 343 voix contre 119 à Condorcet. Pour la première fois l'illustre philosophe entre sérieusement en lutte pour le siège de député. C'est lui qui est le candidat de la fraction la plus avancée. Godard, qui triomphait de Condorcet, s'était fait remarquer par ses plaidoyers en faveur des Juifs. » (Source : Gallica-Bnf, E. Charavay, Assemblée électorale de Paris, page XXXII, Paris-1894) La Société des amis de la constitution, lance un concours dont le but est de la publication d'un almanach patriotique. Un jury de six membres est désigné avec MM. Grégoire, Condorcet, Polverel, Clavière, Lanthenas et Dussaulx. Ils devront faire un choix parmi une quarantaine d'ouvrages. (Source : Persé.fr, Michel Billard, L'Almanach du Père Gérard, un exemple de diffusion des idées jacobines, page 19, n°283, AHRF-1990)

21 et 25 septembre : Les travaux préparatoires du code pénal sont terminés. A l’article 3 du titre premier, il est précisé : « Tout condamné à mort aura la tête tranchée », le décret sera fixé en mars 1792, et le bourreau parisien de la famille des Samson se retrouvera sans travail durant quelques mois et sans contrat et statut, jusqu’à publication des nouveaux décrets. Louise-Félicité de Keralio-Robert donne naissance à une fille et celle-ci s'est retirée de toutes ses activités journalistiques et littéraires depuis un mois. Le 25, le Code pénal est adopté sous l’impulsion de Le Pelletier de Saint-Fargeau et son entrée en vigueur est le 6 octobre. Il est mis fin notamment à la torture et marque une rupture nette avec l'ancienne législation (mais ce premier code pénal sera abrogé en 1811). On notera aussi que le travail devient obligatoire en prison (l'obligation prendra fin en 1987), et les  peines d'emprisonnement ne peuvent excéder 24 années, et met
ainsi une limitation aux condamnations de natures perpétuelles, etc..


22 septembre : Paris, M. de Condorcet est une nouvelle fois battu lors de l'assemblée électorale, le journaliste Antoine Gorsas dans le Courrier des 83 départements lance une alarme devant un nouveau club se nommant la Sainte-Chapelle, produit de la scission des Feuillants et du club de l'Évéché. Selon lui :
« Une scission indécente, provoquée par le plus odieux machiavélisme. »  Au deuxième tour de scrutin, Louis Ramond, médecin et géologue, électeur de la section du Roule, âgé de trente-six ans, le 19ème député est élu avec 310 voix contre 177. (Source : Gallica-Bnf, E. Charavay, Assemblée électorale de Paris, page XXXIII, Paris-1894)

23 septembre :  Suite au rapport tendancieux sur les colonies d’Antoine Barnave :

« L'Assemblée nationale constituante voulant, avant de terminer ses travaux, assurer d'une manière invariable la tranquillité intérieure des colonies, et les avantages que la France retire de ces importantes possessions, décrète comme articles constitutionnels, pour les colonies, ce qui suit :

Article 1. L'Assemblée nationale législative statuera exclusivement, avec la sanction du roi, sur le régime extérieur des colonies. En conséquence, elle fera, 1° les lois qui règlent les relations commerciales des colonies, celles qui en assurent le maintien par l'établissement des moyens de surveillance, la poursuite, le jugement et la punition des contraventions, et celles qui garantissent l'exécution des engagements entre le commerce et les habitants des colonies ;
2° les lois qui concernent la défense des colonies, les parties militaires et administratives de la guerre et de la marine.

Art-2. Les assemblées coloniales pourront faire, sur les mêmes objets, toutes demandes et représentations ; mais elles ne seront considérées que comme de simples pétitions, et ne pourront être converties, dans les colonies, en règlements provisoires, sauf néanmoins les exceptions extraordinaires et momentanées, relatives à l'introduction des subsistances, lesquelles pourront avoir lieu à raison d'un besoin pressant, légalement constaté, et d'après un arrêté des assemblées coloniales, approuvé par les gouverneurs.

Art-3. Les lois concernant l'état des personnes non libres et l'état politique des hommes de couleur et nègres libres, ainsi que les règlements relatifs à l'exécution de ces mêmes lois, seront faites par les assemblées coloniales, s'exécuteront provisoirement avec l'approbation des gouverneurs des colonies, et seront portée directement à la sanction du roi, sans qu'aucun décret antérieur puisse porter obstacle au plein exercice du droit conféré par le présent article aux assemblée coloniales.

Art-4. Quant aux formes à suivre pour la confection des lois du régime intérieur, qui ne concernent pas l'état des personnes désignées dans l'article ci-dessus, elles seront déterminées par le pouvoir législatif, ainsi que le surplus de l'organisation des colonies, après avoir reçu le voeu que les assemblées coloniales ont été autorisées à exprimer sur leur Constitution.

Quoique l'Assemblée ait achevé son travail de la Constitution, et qu'elle n'y puisse rien changer, cependant elle peut encore statuer constitutionnellement à l'égard des colonies, parce qu'il a été formellement décrété qu'elles n'étaient pas comprises dans la Constitution. »

Source : Bib. de Stanford, Archives Parlementaires, séance du 23/09/1791, tome XXXI

24 septembre : A la Constituante, le débat sur les colonies continue, Jérôme Pétion s'interroge  sur ce qui pourrait échapper à la représentation nationale :
« Il y est dit que les déterminations des assemblées coloniales sur l'état des personnes non libres, et l'état politique des hommes de couleur et nègres libres, seront portées directement à la sanction du roi : il s'agit de savoir si ces lois ne seront pas soumises au Corps législatif national. Voilà, Messieurs, une question extrêmement importante, car elle dérobe à tout ce que nous avons fait jusqu'à présent ; elle déroge même aux articles que vous avez faits pour les colonies, qui, à la vérité, jusqu'à présent, ne sont encore que des projets approuvés et qui doivent être envoyés aux colonies. »

25 septembre :
A Saint-Domingue, selon la Gazette Nationale : « L'arrivée du décret du 15 miai à Saint-Domingue, y a produit les effets que voici : Saint-Domingue était divisé en deux partis ; dont l'un avait adopté et défendu les décrets de la nation, et dont l’autre les avait transgressés. Les deux partis se sont réunis à l’arrivée du décret dans l'esprit d'opposition, les mesures ont été au point de faire prêter serment aux troupes françaises qui se trouvaient dans les différents quartiers, de Saint-Domingue, non-seulement de ne pas agir pour l’exécution du décret, mais d'agir directement contre son exécution ; enfin, différents commandants ont été forcés à donner eux-mêmes les mêmes promesses. Dans plusieurs quartiers de la Colonie, notamment celui de la Grande-Rivière et ceux environnant le Port-au-Prince, les hommes de couleur ont pris des délibérations par lesquelles ils renoncent eux-mêmes à l’effet, au bénéfice du décret, et paraissent même y opposer une forte de résistance. Telle a été et telle est encore la situation de Saint-Domingue. Les nouvelles que nous avons reçues dernièrement sont plus graves encore que les précédentes ; tout annonce qu’à la réunion universelle qui va être cimentée dans une assemblée coloniale, on a joint des précautions définitives, même militaires ; qu’on a mis les forts en état ; qu’on a établi des relations dans les Colonies pour pouvoir en rassembler les forces au besoin ; que l’assemblée coloniale qui va se former, a désigné un lieu pour tenir ses séances, un lieu fortifié afin de pouvoir se mettre à couvert de toutes espèces d’attaques ; telles étaient au 31 juillet et au 4 août, les dernières nouvelles qu’on a reçues de la situation de la colonie de Saint-Domingue. » (Source : Retronews-Bnf, n°268, page de une) En région parisienne, à Montmorency, petite ville d’environ 1.800 habitants où se trouve les restes de Jean-Jacques Rousseau, une manifestation est organisée en l’honneur du philosophe. Une centaine d’écrivains, de savants assistent à l’événement et l’on y déclare : « Philosophe doux et modeste, il a connu les droits de l’humanité, il a fait de son contrat social la base de notre constitution ».

26 septembre : Les facultés de droit sont chargées de faire enseigner aux étudiants la Constitution. Lors des élections des députés parisiens, Nicolas de Condorcet devient le 22e élu de Paris  par 351 voix contre 347 à Treil Pardailhan. Brissot dans le Patriote français
(n° 778, du 27/09) souligne que : « Le patriotisme vient de remporter une seconde victoire longtemps disputée : M. Condorcet est enfin élu député. » La Chronique de Paris (n° 269, du 27/09) : « Hier, M. Condorcet a été nommé député à la prochaine législature, au grand contentement des électeurs patriotes, qui voyaient avec douleur une intrigue formidable menacer la patrie du choix d'hommes tout à fait indignes de défendre ses intérêts. » (Source : Gallica-Bnf, E. Charavay, Assemblée électorale de Paris, page XXXIII, Paris-1894)

27 septembre :
Les Juifs du royaume deviennent Français à part entière s'ils prêtent serment et peuvent devenir des citoyens actifs comme les autres, il est promulgué par décret qu'ils sont citoyens à part entière à la demande du député Duport.


Adoption de la citoyenneté pour les Juifs


En début de séances sous la présidence de M. Thouret, intervention de M. Bouche : « Messieurs, l'Assemblée nationale a décrété hier soir que les députés d'Avignon et du Comtat-Venaissin seraient entendus aujourd'hui à midi à la barre. J'ai eu occasion de voir ces messieurs et je les ai fait convenir qu'il suffisait qu'ils fussent entendus aux comités. Je vous prie, en conséquence,d'ordonner le renvoi de cette affaire aux comités diplomatique et d'Avignon qui prendront connaissance de l'objet de la demande des députés et vous en feront le rapport ce soir ; car cela est urgent. » (page 364)

En plein débat et propositions sur la police correctionnelle M. Adrien Duport (en portrait, ci-dessus) interrompt le cours de la séance pour faire adopter un décret sur la citoyenneté active pour les juifs vivant dans le royaume : « J'ai une observation très courte à faire à l'Assemblée, qui me paraît de la plus haute importance et qui exige toute son attention. Vous avez réglé, Messieurs, par la Constitution, quelles sont les qualités nécessaires pour devenir citoyen français, puis de citoyen français citoyen actif : cela suffit, je crois, pour régler toutes les questions incidentes qui ont pu être soulevées dans l'Assemblée relativement à certaines professions, à certaines personnes. Mais il y a un décret d'ajournement qui semble porter une espèce d'atteinte à ces droits généraux ; je veux parler des juifs ; pour décider la question qui les regarde, il suffit de lever le décret d'ajournement que vous avez rendu et qui semble mettre en suspens la question à leur égard. Ainsi, si vous n'aviez pas rendu un décret d'ajournement sur la question des juifs, il n'y aurait rien à faire du tout ; car, ayant déclaré par votre Constitution comment tous les peuples de la terre peuvent devenir citoyens français et comment tous les citoyens français peuvent devenir citoyens actifs, il n'y aurait aucune difficulté sur cet objet. Je demande donc que l'on révoque le décret d'ajournement et que l'on déclare que relativement aux juifs, ils pourront devenir citoyens actifs, comme tous les peuples du monde, en remplissant les conditions prescrites par la Constitution. Je crois que la liberté des cultes ne permet plus qu'aucune distinction soit mise entre les droits politiques des citoyens à raison de leurs croyances et je crois également que les juifs ne peuvent pas seuls être exceptés de la jouissance de ces droits, alors que les païens, les Turcs, les musulmans, les Chinois même, les hommes de toutes les sectes en un mot, y sont admis. (Applaudissements.)

Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !

M. Rewbell demande la parole pour combattre la proposition de M. Duport.

M. Regnauld : Je demande qu'on aille aux voix sans entendre ceux qui veulent parler contre cette proposition, parce que la combattre c'est combattre la Constitution elle-même.

M. Rewbell insiste pour avoir la parole. L'Assemblée ferme la discussion et adopte la proposition de M. Duport, au milieu des applaudissements. (…)

Le Président : L'Assemblée nationale, considérant que les conditions nécessaires pour être citoyen français, et pour devenir citoyen actif, sont fixées par la Constitution, et que tout homme qui, réunissant lesdites conditions, prête le serment civique, et s'engage à remplir tous les devoirs que la Constitution impose, a droit à tous les avantages qu'elle assure : Révoque tous ajournements, réserves et exceptions insérés dans les précédents décrets relativement aux individus juifs, qui prêteront le serment civique ». Le décret est adopté. (pages 372 et 373)

Source : Bib. de Stanford - ARCHIVES PARLEMENTAIRES,
série de 1787 à 1799, TOME XXXI, du 17/09/1791 au 30/09/1791.


28 septembre : A l’Assemblée nationale, les constituants abolissent l'esclavage en "métropole", mais il est maintenu dans toutes les colonies.
Un autre décret fixe la composition de l'armée à 110.000 hommes d'infanterie et 30.000 pour la cavalerie, ne sont pas compris d’autres corps comme l’artillerie. M. Augustin Monneron, négociant, est le 24e et dernier député élu de la capitale, il est le frère des trois Monneron élus à la Constituante (il ne fera qu'un mandat d'une année).

29 septembre : Dernière intervention de Robespierre à la Constituante : « Je ne crois pas que la Révolution soit finie! ».

30 septembre : Louis XVI se présente devant l'Assemblée et renouvelle sa déclaration de faire respecter les droits de l'État. Il est acclamé, et M. Thouret, qui présidait,
lui dit : « Sire, Votre Majesté a fini la Révolution par son acceptation si loyale et si franche de la Constitution. » (Source : Google-livres, Edmond Géraud, Journal d'un étudiant etc, page 202). Pour sa dernière séance, l'Assemblée constituante vote une amnistie pour les condamnés des émeutes et révoltes depuis 1788. Par ailleurs, il est fait Interdiction aux sociétés populaires de faire des pétitions et d'envoyer des députations. Pétion « le Vertueux » et Robespierre « l’Incorruptible » quittent les lieux sous les applaudissements, et sous les cris de « Vivent Pétion et Robespierre! Vivent les députés sans tâche! ». Les élections législatives de septembre connurent 60 à 75% d’abstentions et n'ont pu voter que les citoyens actifs. Dans la capitale, l’absence de participation aux scrutins a été plus forte et proche des 90%.

IX – Le mois d’octobre 1791

1er octobre : Fondation d'un nouveau journal royaliste, L'ami de la Constitution, et il a pour épigraphe emprunté à Mirabeau : « Il est temps, enfin, que la force turbulente de la multitude cède à la force plus calme de la loi.
» Les sept cent quarante-cinq députés de la législature sont appelés à se réunir pour la première fois. La nouvelle assemblée trouvera à sa droite les Feuillants avec 264 députés, et à sa gauche les 136 élus Jacobins, et 345 députés favorables aux avancées constitutionnelles et non affiliés à un club, ils formeront le centre ou ce que l’on nommera « le marais, puis la plaine ». Ils seront toujours les plus nombreux, en quelque sorte, les faiseurs de "roi" et son contraire… Il n’existera pas de groupe majoritaire dans cette assemblée, ni lors de son renouvellement en septembre 1792. Robespierre et Danton ne siègent pas au sein de la Législative, ni aucuns des anciens constituants en conformité avec la loi. Dans le Maine-et-Loire, la municipalité de Chemillé écrit au directoire de son département : « L'amnistie accordée aux prêtres réfractaires, au lieu d'avoir apporté la paix qu'on avait lieu de se promettre, n'a fait qu'enhardir ces enthousiastes et les porter aux crimes ». A l'Assemblée il est procédé à un appel nominal des nouveaux élus et à la vérification des mandats.

2 octobre : A l'Assemblée, il est procédé à la vérification des pouvoirs des nouveaux élus et les débats s'ouvrent sur ce sujet et sur la conformité des procédures.

Députés de Paris, 24 titulaires
par ordre d'élection en septembre 1791


GARRAN de COULON (Jean-Philippe), président du tribunal de cassation.

De LACÉPÈDE (Bernard Germain Etienne), garde et démonstrateur .du cabinet d’histoire naturelle, administrateur du département.

PASTORET (Emmanuel Claude Joseph Pierre), procureur-général-syndic du département.

CERUTTI (Joseph Antoine Joachim), administrateur du département (décède le 1er février 1792 et remplacé par M. Alleaume).

BEAUVAIS (Charles-Nicolas), docteur en médecine, juge de paix de la section de la Croix-Rouge.

BIGOT de PRÉAMENEU (Félix Julien Jean), juge au tribunal du 4e arrondissement.

GOUVION (Jean-Baptiste), major général de la garde nationale parisienne, maréchal de camp (Démissionne le 15 avril 1792 et remplacé par M. Demoy).

BROUSSONNET (Pierre Marie-Auguste), de l’académie des sciences, secrétaire de la société d’Agriculture.

CRÉTET (François), propriétaire et cultivateur à Dugny, près Saint-Denis, administrateur du directoire du département.

GORGUEREAU (François), juge au tribunal du 5e arrondissement.

THORILLON (Antoine Joseph), ancien procureur au Châtelet, administrateur de police, président de district et de section et juge de paix de la section des Gobelins.

BRISSOT de WARVILLE (Jacques Pierre), publiciste.

FILLASSIER (Jacques Joseph), cultivateur, procureur syndic du district de Bourg-la-Reine.

HÉRAULT de SÉCHELLES (Marie Jean), commissaire du roi au tribunal de cassation.

MULOT (François Valentin), chanoine de Saint-Marcel, officier municipal de la section du Jardin-des-Plantes.

GODARD (Jacques), homme de loi (décède le 4 novembre et remplacé le 7 novembre par M. Lacretelle).

BOSCARY jeune (Jean Marie), négociant (Démissionne le 5 juin 1792 et remplacé par M. Dusaulx).

QUATREMÈRE-QUINCY (Antoine Chrysostôme), archéologue.

RAMOND (Louis François Elisabeth), physicien et géologue.

ROBIN (Léonard), homme de loi, juge suppléant au tribunal du 6e arrondissement.

DEBRY (Jean Baptiste), administrateur du département.

CONDORCET (Marie Jean Antoine Nicolas Caritat), commissaire de la Trésorerie nationale, secrétaire de l’Académie des sciences.

TREIL-PARDAILHAN (Thomas François), chevalier de Saint-Louis, administrateur du département.

MONNERON (Augustin), négociant (démissionne le 1792 et remplacé par M. Kersaint ).

Députés suppléants :

LACRETELLE (Pierre-Louis), homme de loi.

ALLEAUME, notaire.

CLAVIÉRE (Etienne), électeur de 1790 et 1791, financier.

KERSAINT (Armand Guy), chef de division des armées navales.

DEMOŸ (Chrétien Alexandre), curé de Saint-Laurent.

DUSAULX (Jean Joseph), de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

BILLECOCQ (Jean Baptiste Louis Joseph), jurisconsulte, directeur de l’administration de la loterie royale de France.

COLLARD (Pierre Nicolas), curé de Conflans.

Source : Bib. de Stanford - Archives Parlementaires, pages 40-41, tome XXXIV

3 octobre : Le nouveau président de l'Assemblée dite Législative est M. Pierre de Pastoret, il est âgé de 36 ans et député de Paris. Il a rassemblé sur son nom 263 voix contre 158 à M. Garran de Coulon. C'est à M. Pastoret, cet ancien Procureur général syndic de la capitale, que nous devons l'idée de la transformation de l'église Ste Geneviève en Panthéon.

4 octobre : A l'ordre du jour de la nouvelle Assemblée législative débute par « la prestation du serment individuel », précisé par la constitution et la loi du 17 juin concernant les élus. Le président annonce la procédure et tous les députés défilent chacun leur tour à la tribune, et disent : « Je le jure ». Il sera voté des remerciements aux députés de l'Assemblée constituante.

5 au 7 octobre : A la Législative à la demande du député Couthon sont supprimés les mots « Sire et Majesté » et il est confirmé le changement de Roi « de France » par « des Français ». Le 6, le Code pénal entre en vigueur. Le lendemain, l’on dispose dans la salle des séances les bustes de Mirabeau et de Jean-Jacques Rousseau taillés dans des pierres de la Bastille, un hommage rendu par le citoyen Palloy (sculpteur). Bertrand de Molleville est nommé ministre de la marine par Louis XVI en remplacement de M. Valdec de Lessart (jusqu'au 16 mars 1792).

8 octobre : Lafayette quitte son poste de commandant-général de la Garde nationale. Il se retirera un temps
dans sa propriété en Haute-Loire de la vie publique .

9 octobre : A l’Assemblée, il est remis le
Rapport des députés, MM. Gallois et Gensonné (proche de Brissot), comme commissaires civils ont été dépêchés dans la région Poitevine (départements des Deux-Sèvres et de la Vendée) depuis le 16 juillet, pour s’informer des causes « de la fermentation » : « L'époque de la prestation du serment ecclésiastique a été pour le département de la Vendée la première époque de ses troubles… La division des prêtres assermentés et non assermentés a établi une véritable scission dans le peuple des paroisses ; les familles y sont divisées ; on a vu et on voit chaque jour des femmes se séparer de leurs maris, les enfants abandonner leurs pères... Les municipalités sont désorganisées.... Une grande partie des citoyens ont renoncé au service de la garde nationale… Il est à craindre que les mesures vigoureuses, nécessaires dans les circonstances contre les perturbateurs du repos public ». (Source : Gallica-Bnf)  C’est suite à ce rapport que va naître le terme « chouan » (et par extension la Chouannerie) qui est le nom du responsable des premiers troubles, Jean Chouan. Le même jour et jusqu’au 11 octobre, à Paris des émeutes éclatent contre les prêtres réfractaires.

Lundi 10 octobre : Le Courrier de Paris dans les 83 départements fait un appel
Aux âmes honnêtes pour soutenir Louise-Reine Audu, surnommée la "reine des Halles", fruitière à Paris, incarcérée jusqu'en septembre et : « arrêtée pour l’affaire des 5 et 6 octobre (1789), qui a gémi 13 mois dans les cachots, où l’avait précipitée un tribunal vendu et dont le nom ne se prononce qu’avec un frémissement d'horreur (le Châtelet). Reine Audu qui, malgré son innocence prouvée (car elle est prouvée, puisqu'on a douze mois sans pouvoir la convaincre d’un délit distinct), serait encore plongée dans le séjour du crime, sans l'amnistie accordée en faveur de tous les scélérats qui ont voulu porter dans leur patrie le fer et le feu. Cette infortunée respire maintenant un air à peu près libre ; mais elle est infirme, et dénuée de tout moyen d'échapper à la misère. Elle a des droits à la reconnaissance de tous les amis de la patrie. Il suffit de faire connaître ses malheurs pour lui procurer des soulagements. Ceux qui voudront lui faire parvenir des secours auront la bonté de les adresser à mademoiselle le Mourt, rue des vieilles garnisons, n°5, près de la Grève (1) ». - (on prie les journalistes patriotes d'insérer cet article) (1) « Cette respectable citoyenne a tout mis en usage pour faire rendre à la dame Audu la liberté qu'on aurait jamais dû lui ravir. Elle, a pendant plusieurs jours assiégé le cabinet de M. Duport du Tertre, ce ministre irréprochable s'était empressé de faire élargir les complices de l'évasion de Louis XVI. » (Source : Retronews-Bnf, n°9, page 137-138)

11 octobre : Dans la capitale,
pour ses services rendus M. de Lafayette reçoit de la Garde nationale une épée à garde d'or avec un épigraphe : « À La Fayette, l'armée parisienne reconnaissante ». L'Ami du Peuple, Marat publie deux lettres de son éditrice Anne-Félicité Colombe, suite à son incarcération en juillet dernier. (Source : Gallica-Bnf, n°571, page 7 et 8)

12 et 13 octobre : A Paris, le journaliste Carra se déclare en faveur de la guerre, ce qui lui vaut de Marat pour réponse : « D’abord les ennemis de l’intérieur! ». Il est décidé au sein de la Société  des Amis de la Constitution la publicité des débats, c'est-à-dire l'admission du public. Toujours aux Jacobins, le lendemmain l’ancien député constituant Dubois-Crancé se prononce contre la guerre.

14 octobre : Proclamation de Louis XVI aux émigrés, il cherche en apparence à calmer une situation tendue et par tactique, il fait publier des écrits diversement interprétables (les actes des Apôtres). Sur les routes, l’on voit défiler chaque jour des partants pour l’exil, des pressions sont faîtes sur les nobles pour qu’ils aillent à l’étranger sous peine d’être chassés à leur tour dans l’objectif de la reconquête des pouvoirs passés. A l’Assemblée paraissent des décrets rendant obligatoire l'appartenance à la Garde nationale pour tous les citoyens « actifs » et les inscriptions pour tous les plus de 18 ans.

15 octobre : L'hebdomadaire des Révolutions de Paris s'interroge sur les suites de la constitution et en tire une féroce critique des institutions et des royalistes :

« La constitution n'est-elle pas terminée, vous disent-ils? N'est-elle pas acceptée? Que désirez-vous encore? — Mais on émigre? — Tant mieux, c'est la patrie qui se purge. — Mais Louis XVI s'entend avec les émigrés?  — Cela n'est pas possible ; lisez les proclamations, ses lettres. — Mais les ministres ne sont pas de bonne foi? — Cela se peut ; aussi les mande-t-on à la barre chaque semaine. — Mais le numéraire a disparu? — Le papier national vous reste. — Mais tous ces billets de confiance qui circulent? — A qui s'en prendre? à ceux qui veulent bien les recevoir. — Mais tous ces coupe-gorge ouverts aux joueurs ? — A qui la faute? à ceux qui jouent. — Mais a chaque marché, le pain, cette première nourriture du pauvre, augmente de prix? — Cela est tout naturel, quand l'argent est rare. Patience et paix, ordre et soumission, et tout sera au mieux. Amour au roi qui fait tout ce que vous voulez. Obéissance aux magistrats qui ne marchent qu'avec la loi ; confiance dans la législature, dont chaque séance est marquée par un abus de sagesse, et ça ira.

Voilà ce que les modérés, les ministériels, les royalistes, les aristocrates casaniers, plus fins ou moins aguerris que leurs camarades de Worms, ne cessent de vous infirmer dans leurs journaux, sur leurs placards, dans les cafés, dans les groupes ; et vous croyez tout cela, parce que cela favorise votre indolence ; et vous dormez sur la foi de tous ces propos fermés adroitement. Le commerce d'ailleurs a paru reprendre un peu de son activité. Il ne vous en a pas fallu davantage pour traiter de terreurs paniques et d'exagérations ce que les journaux patriotes vous annoncent sur l'état déplorable de nos frontières, sur les intentions du cabinet des Tuileries, et sur le très-grand nombre des membres gangrenés déjà de notre assemblée nationale. Comme à l'ordinaire, vous aimez le luxe, vous hantez les spectacles, vous idolâtrez : les apparences du bonheur public vous suffisent ; et l'étranger qui vous observe, ne sait ce qu'il doit admirer le plus en vous, de votre incroyable sécurité, si vous êtes instruits de tout ce qui se passe et de tout ce qu'on vous prépare, ou de votre profonde apathie, si vous ne cherchez pas à vous en instruire. »

Source : Gallica-Bnf, pages 99 et 100, n°119

16 octobre : A l'Assemblée, le ministre de la guerre, Louis Le Bègue Duportail, annonce que près de deux mille officiers ont déserté et ont rejoint les émigrés. En Provence, les habitants de Marseille et d'Aix veulent s’en prendre au régiment Suisse d’Ernest, celui-ci se retire à Berne.

16 et 17 octobre : A Avignon se déroulent les « massacres de la glacière ». Face à une tentative de la part des monarchistes de s’emparer des portes de la ville : « Aussitôt informés, Jourdan, commandant du Fort, et Duprat aîné, colonel de la garde nationale d'Avignon, tentèrent de réunir leurs troupes. Celles-ci étant dispersées, il fut décidé de faire sonner la cloche d'argent du Palais des Papes pour les alerter. Ce n'est que vers une heure de l'après-midi que Jourdan entama son action après avoir péniblement réuni un groupe de trois cent cinquante hommes. Son premier objectif fut de reprendre les portes de la ville pour bloquer toute échappatoire aux coupables. Ceci fait, après avoir laissé nombre de ses hommes, il partit avec cent cinquante hommes et deux canons pour se rendre au Couvent des Cordeliers. De par la configuration de la ville, ces deux canons semblaient être là plus pour impressionner de par le bruit des roues sur les rues pavées que pour être utilisés. (…) Arrivés sur place, ils dispersèrent le peu de foule qui était resté, faisant au passage plusieurs blessés. Ils trouvèrent Lescuyer (Secrétaire greffier de la ville) resté là gisant dans son sang. Pas encore mort, celui-ci fut alors emmené à travers les rues d'Avignon. Il décéda un peu plus tard. » (Jules Michelet consacre un chapitre au sujet dans son Histoire de la RF, tome IV). Un groupe qualifié sous le nom de « Coupe-Tête» s'empare de nuit de la prison de circonstance - au sein des anciennes geôles du Palais des Papes - où ils ont été enfermés la journée par Jourdan. Quelques dizaines d’habitants organisent la vengeance des crimes en réaction et par accumulation des haines, dont le fils de Lescuyer participant de l’expédition punitive, aboutissant à la tuerie des 60 détenus, sortant selon les dires « un par un », ils sont supprimés et leurs corps jetés dans une glacière.

17 octobre : Dans le Maine-et-Loire, l'administrateur du district de Cholet informe le directoire de son département : « Les prêtres amnistiés s'efforcent de persuader que les ci-devant nobles émigrés, joints à des troupes étrangères, attaqueront sous peu le royaume et feront tout rentrer sous l'ancien régime ».

18 octobre : A Paris, l'église Saint-Josse construite vers 1260 en rive nord est vendue comme bien national. Elle sera détruite et remplacée par des immeubles. (Source : Gallica-Bnf, abbé Jean Leboeuf, histoire de la ville etc., page 370, tome 3, Paris-1867)

19 octobre : Dans L'Ami du Peuple, Marat alerte sur les nombreuses désertions des officiers au sein des armées avec l'apport de témoignages venus de sociétés populaires, et il publie un courrier du roi en date du 13/10 à l'intention des "commandants des ports" sur les départs au sein de la marine, qui selon Louis XIV,
« les émigrations se multiplient tous les jours ». (Source : Gallica-Bnf, n°579, page 6)

20 octobre : A la Législative, Brissot lors d’un débat sur les émigrés, question jusqu'alors absente au sein de l'hémicycle, il fait un appel à la guerre. « S’il eût existé une Assemblée toute plébéienne, on ne parlerait pas aujourd’hui de Coblentz ni de Worms. Cette cause n’existe plus aujourd’hui : nous ne devons point redouter la même mollesse. (…) Tous vos maux, toutes les calamités qui désolent la France, l’anarchie que sèment sans cesse des mécontents, la disparition de votre numéraire, la continuité des émigrations ; tout part du foyer de rébellion établi dans le Brabant, et dirigé par les princes français. Eteignez ce foyer en poursuivant ceux qui le fomentent, en vous attachant opiniâtrement à eux, à eux seuls, et les calamités disparaîtront. (...) L'Europe connaît la ferme résolution déclarée par la France de ne plus entreprendre aucune conquête, de ne point troubler les gouvernements voisins, mais la France a droit d'exiger d'eux un semblable retour ; elle a droit de leur dire : nous respectons votre paix, votre Constitution ; respectez la nôtre ; ne donnez plus d'asile aux mécontents ; ne vous associez plus à leurs projets sanguinaires (...) la vengeance d'un peuple libre est lente mais elle frappe sûrement. »

21 octobre : Le Journal de Louis XVI et de son peuple etc., se fait l'écho des problèmes des jeux d'argent dans la capitale et du remplacement de l'ambassadeur à Londres. « Les maisons et tripots de jeu se multiplient, non seulement au Palais-Royal, mais dans presque toutes les rues de Paris, ce sont autant de bandes de joueurs à jeu sûr, soudoyés, à ce qu'on croit, pour enlever le numéraire, troubler le repos des familles et susciter des divisions en ruinant la plupart des citoyens. Dimanche 17 octobre, un particulier désespéré d'avoir perdu une somme considérable dans l'un de ces tripots du Palais-Royal, s'est brûlé la cervelle dans le jardin. Les filouteries, les escroqueries, les vols et les brigandages de toute espèce, se multiplient d'une manière véritablement effrayante pour tous les citoyens. On ne sait point encore qui remplacera feu M. de la Luzerne, dans l'ambassade de France à Londres. En attendant, on dit que le sieur Barthélémy ministre plénipotentiaire à cette cour depuis cinq à six ans, et non secrétaire d'ambassade, comme le disent la plupart des journalistes, fait tout ce qu'il peut pour mériter à Londres et à Paris une réputation de patriotisme qui force le roi à lui donner la dépouille de M. de la Luzerne. (César-Anne, diplomate décédé à Southampton le 15/09, né en 1741) » (Source Gallica-Bnf, pages 1 et 2, n°VIII) Au couvent des Jacobins, devant les Amis de la Constitution, Camille Desmoulins prend la parole pour dénoncer les sommes considérables attribuées à la famille royale en comparaison aux traitements des ministres ou le fonctionnement de l'Assemblée. (Source, Retronews-Bnf, Mercure universel du mercredi 26/10/1791, pages 391 à 393)

22 octobre : A Paris, la Société fraternelle des Halles adresse une délégation à l’Assemblée et propose de présenter un projet de loi contre les émigrés, déclarant la patrie en péril.

23 octobre :  A l'Assemblée, sous la présidence de Louis Ducastel (élu le 17/10), député de la Seine inférieure, le matin sont élus les 24 députés du comité de la dette publique et de la caisse extraordinaire, et à la séance du soir est constitué le comité des contributions publiques avec 24 membres. Saint-Domingue, un nouveau traité de paix ou concordat (après celui du 11/09)  est signé entre les "libres de couleur" et les "petits blancs" à Port-au-Prince. Il y est prévu l'application du décret du 15 mai de cette année et
dans la vie courante la fin des distinctions de couleur. (Source : Open-Edition, Frédéric Régent, Préjugé de couleur, esclavage et citoyennetés dans les colonies françaises, 2015) Au couvent des Jacobins, le jury décide de publier L'almanach du Père Gérard de Collot-d'Herbois suite au concours lancé le 20 septembre.

24 octobre :  Dans le Thermomètre du jour on apprend que :
« La proclamation, signée Delessart, relative aux troubles d’Arles, a porté, dans cette ville, la consternation et l'effroi, et devient un fléau pour tous les départements méridionaux, où le fanatisme s’efforce, depuis ce moment surtout, d'allumer le flambeau de la guerre civile. L’assemblée nationale constituante a été cruellement trompée par le ministériel d'André, lorsqu’elle a préconisé cette proclamation, et renversé par-là les espérances des patriotes. La ville d'Arles est peuplée d’aristocrates, d’autant plus dangereux, qu’ils affichent, aux yeux de la partie du peuple qu'ils égarent, un respect apparent pour les lois, tandis qu'ils les rendent illusoires par leur manoeuvres criminelles. Le lieu appelé la Chiffonne (Assemblée aristocratique y ainsi appelée, du nom de l’abbé Chiffonne, petit intriguant et grand aristocrate), est l'asile de ces rebelles, et c’est de cet antre de ténèbres qu’ils lancent des arrêts de proscription contre les vrais amis de la patrie, réduits à fuir, s'ils ne veulent pas être persécutés... Tonnez-donc contre le ministre qui a si ouvertement favorisé la cause des contre-révolutionnaires ; donnez contre toutes les intrigues ministérielles, qui ne tendent qu’à miner sourdement notre sainte constitution. Que l’assemblée nationale législative brise les chaînes sous lesquelles gémissent, en ce moment, les patriotes d'Arles ; et qu’elle prévienne les malheurs dont l’aristocratie et le fanatisme menacent le midi de la France!... Nous avons tous juré de détendre notre liberté, et puisqu’elle est menacée, (...) nous imposent le devoir de repousser les coups qu’on lui porte. » Signé, Benet, fils, ce 13 octobre à Orange. (Source : Retronews-Bnf, page 4, n°75)

25 et 26 octobre : A l'Assemblée, sont désignés 12 députés pour le comité diplomatique :
MM. Koch, Ruhl, Gensonné, Brissot de Warville, Lemontey, Briche, Baert, Ramond, Mailhe, Schirmer. Treilh-Pardailhan et Jaucourt. Cinq sont des Feuillants, quatre des Jacobins et un tiers sont originaires de l'Est du royaume. Le 26, devant la chambre, l'abbé Fauchet, évêque constitutionnel et député du Calvados fait un discours contre les prêtres réfractaires ou insermentés : « Messieurs, une loi définitive qui réprime efficacement la révolte des prêtres réfractaires contre la Constitution et qui fasse cesser les troubles qu’ils excitent dans toutes les parties de l’Empire, est urgente. Mais il faut combiner cette loi avec les droits de l’homme et du citoyen , avec la liberté des opinions, avec la liberté de la presse, avec la liberté des cultes, avec toutes les libertés. Il faut donc ici une grande mesure de tolérance, de justice, de sagesse et de force. Point de persécution, Messieurs, le fanatisme en est avide, la philosophie l’abhorre, la vraie religion la réprouve ; et ce n’est pas dans l’Assemblée nationale de France qu’on l’érigera en loi. Gardons-nous d’emprisonner les réfractaires, de les exiler, même de les déplacer. Qu’ils pensent, disent, écrivent tout ce qu’ils voudront. Nous opposerons nos pensées à leurs pensées, nos vérités à leurs erreurs, nos vertus à leurs calomnies, notre charité à leur haine. (Applaudissements) ».

27 octobre : Dans le Thermomètre du jour sont rapportés les propos tenus devant l'Assemblée par :
« Un citoyen de Poitiers, domicilié depuis plusieurs années à l’île de la Martinique, a été admis à la barre, employé dans le bureau de la marine, à l’époque de la révolution, il ne craignit pas de manifester son assentiment pour les principes que la liberté venait de faire éclore en France. Le commandant pour le roi dans cette île, M. de Damas, était un tyran, dit le pétitionnaire ; on ne saurait se peindre en France, dans un pays libre, la dureté, la férocité du gouvernement, de ces hommes qui sont envoyés pour commander dans nos îles, ces contrées où l’esclavage est acclimaté. Il a ensuite rapporté les mauvais traitements qu’il a éprouvés, et a fini par demander justice et indemnité des pertes et des maux qu’il a soufferts. (Renvoyé au comité colonial) ». (Source : Retronews-Bnf, page 7, n°78)

28 octobre : A la Législative, un décret enjoint Monsieur (frère du roi), de rentrer avant la fin de l’année en France, faute de quoi il perdrait accès à ses droits dans la succession au trône. Olympe de Gouges présente à l'Assemblée son texte sur la déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne, sans suite.

29 octobre : Dans un périodique favorable à Lafayette de M. Dupain, le Courrier extraordinaire, ou Le Premier Arrivé explique qu'à Paris :
« Depuis deux jours il y a peu de monde sur la terrasse des Feuillants (le couvent), quelques femmes disposées dans le jardin tâchent de former des groupes et arrêtent, un instant, les passants par de violentes déclamations ; mais cette manœuvre ne réussit point. Les citoyens montrent toujours un éloignement nouveau pour ces discussions, à plein vent, où l'on calomnie sans pudeur tous les dépositaires de l’autorité. S'ils écoutent quelquefois les aboyeurs mâles ou femelles, lâchés dans les lieux publics, c'est pour les combattre : hier une femme assez bien mise, qu’on dit être la fille d’un notaire, fut chassée des Tuileries pour avoir impudemment déclamé contre la famille royale. Peu s'en fallut qu’on ne lui fit prendre un bain salutaire , pour éteindre les flammes de son patriotisme malentendu. Quelques citoyens indulgents lui épargnèrent cette dangereuse leçon. » (Source : Retronews-Bnf, page 6, numéro du jour)

30 octobre : Le ministre de la Marine et des colonies (depuis le 7 octobre) Bertrand de Molleville adresse un courrier à l'Assemblée sur le départ prochain pour Saint-Domingue d'une expédition de 3.200 hommes. A la Législative, le député Brissot, à la lecture d'une lettre par le président des séances sur la révolte des noirs à Saint-Domingue, en conteste le contenu et propose que l'on arme les "gens de couleurs" pour y faire face.

31 octobre : « L'Assemblée nationale vous requiert de rentrer dans le royaume dans le délai de deux mois ; faute de quoi vous serez censé avoir abdiqué votre droit éventuel à la régence ». La chambre des députés s’adresse au comte de Provence. Il faut préciser que leur grande fraternité poussera les deux frères du roi à plutôt vouloir lui ravir le trône, que de le laisser en place.

XI – Le mois de novembre 1791

Mardi 1er novembre : A l'Assemblée, il est décrété une nouvelle émission d'assignats, pour 1,4 milliards, dont à effet immédiat 300 millions en coupures de 5 livres. M. Ballet, député de la Creuse, émet l'idée d'une émission de coupons d'assignats de 10 sous ou sols pour répondre aux crises de liquidité : « j’aurai l’honneur de vous proposer en conséquence, de pourvoir, par votre décret, à ce que la fabrication de ces sols soit toujours en activité, pour fournir aux besoins de la circulation ; la matière des cloches peut suffire à alimenter pendant longtemps cette fabrication. »

2 novembre : Dans L'Ami du Peuple, il est fait état des débats à l'Assemblée : « La colonie de St.-Domingue est dans la plus triste situation. Deux-cents-dix-huit plantations ont été incendiées ; les nègres rebelles ont toujours les armes à la main, ils sont au nombre de cinquante mille ; leur camp est à six lieues du Cap ; ils sont retranchés avec des canons. Les Hollandais et les Espagnols sont soupçonnés de leur fournir des armes. La vue des flammes fait frémir, on n’a jamais rien vu de si horrible ; la ville du Cap est néanmoins bien gardée. » (Source : Retronews-Bnf, page 1 et 2, n°588)

3 novembre : Le député Armand Gensonné propose la mise en œuvre d’un état civil.

4 novembre : Aux États-Unis, se déroule la bataille de la rivière de Wasbach entre amérindiens de diverses "nations" avec un peu plus de 1.200 guerriers contre le général Saint-Clair et ses 1.400 soldats. Ce qui débouche sur un défaite des troupes étasuniennes attaquées au petit matin, et il est dénombré plus de 900 morts et plus de 200 blessés, contre une trentaine de morts et une cinquantaine de blessés du côté amérindien.

5 novembre : A Saint-Domingue, l'assemblée coloniale annule les concordats du 11/09 et du 23/10. (Source : Open-Edition, Frédéric Régent, Préjugé de couleur, esclavage et citoyennetés dans les colonies françaises, 2015)

6 novembre : Louis XVI fait une proclamation, après que l'Assemblée a décrété en vertu de la Constitution, où
le futur Louis XVIII se voit intimer, en tant que « Louis-Stanislas-Xavier, Prince Français, (...) de rentrer dans le Royaume, dans le délai de deux mois à compter de ce jour ; faute de quoi et après l’expiration dudit délai, vous serez sensé avoir abdiqué votre droit éventuel à la Régence. »

7 novembre : A Saint-Domingue,
Dutty Boukman, malgré son invulnérabilité, meurt au combat à la tête de ses troupes. Pour cette raison sa tête sera exposée au Cap Français (depuis Haïtien) à la vue du public.

8 novembre :  Louis XVI envoie des lettres à ses cadets leurs demandant de rentrer en France : les futurs Louis XVIII et Charles X. Il leur déclare qu'il est « parfaitement libre ». Le même jour, « voulant sortir de son appartement, à neuf heures du soir, il en est empêché par un factionnaire ». Depuis sa fuite à Varennes, Louis Capet est l’objet d’une attention permanente et sa crédibilité est plus que réduite. Une commission de la Société royale de médecine fait publié une Réflexion sur le changement à faire dans la manière de gouverner et traiter les insensés dans les hôpitaux et maisons de force du département de Paris. Le rapporteur demande « hautement » :

« 1) qu'on fasse à l'hôpital de La Salpêtrière des dispositions pour y faire traiter convenablement les femmes attaquées de la folie qui seront réputées guérissables,
2) qu'il soit établi un nouvel hôpital destiné uniquement au traitement des hommes attaqués de folie,
3) qu'on pratique dans ces deux hospices toutes les distributions et les arrangements que les règles de l'art et les sentiments d'humanité pourront prescrire ».

9 novembre : A la Législative, sont lus les différents articles par Brissot de la veille sur les émigrés, il est entre autres ordonné le séquestre des biens des aristocrates en exil, et « condamne à mort tous les émigrés, rassemblés au-delà des frontières, qui ne rentreront pas en France avant le 1er janvier 1792 ».

10 novembre : Assemblé électorale de Paris, Pierre-Louis Roederer est élu Procureur Syndic du département par 280 voix contre 197 à l'ex. député constituant M. d'André.

11 novembre : A l'assemblée électorale de Paris, l'on procède à la désignation d'un nouveau  substitut du président du tribunal criminel, à la place de M. Buzot, démissionnaire. Dès le premier tour de scrutin, Pierre-Louis Prieur, ancien député de la Marne à la Constituante, âgé de trente-cinq ans, est élu par 201 voix sur 350 votants. Ces deux élections terminent les travaux de l'assemblée parisienne, qui se sépare après une allocution du président.
Le roi fait intervenir son veto contre les mesures prises contre les émigrés à la chambre des députés. (Source : Gallica-Bnf, E. Charavay, Assemblée électorale de Paris, page XLIX, Paris-1894)

12 novembre : Louis XVI oppose son veto au décret sur les émigrés du 9 novembre. Lors de la séance du Conseil général municipal de la capitale, M. Bailly fait le bilan de son mandat et il développe ses vues sur l'administration, et les élus votent l'envoi aux sections de son discours. Ensuite, M. Mulot, devenu député, celui-ci est venu prendre congé de ses collègues et remettre son écharpe municipale (rouge et bleue). « Je viens, dit-il, Messieurs, devenu membre de la nouvelle législature, remettre entre vos mains l'écharpe, signe glorieux de la magistrature populaire, que je tiens de la confiance de la capitale. Je l'ai obtenue sans intrigue, je l'ai conservée sans tâche ; je la remets avec reconnaissance. » (Gallica-Bnf, Paul Robiquet, Le personnel municipal de Paris lors de la Révolution, page 467, Paris-1898) Paraît pour son premier numéro, La Chronique du mois ou les Cahiers patriotiques avec pour rédacteurs : MM. E. Clavière, N. Condorcet, L.S. Mercier, A. Auger, J. Oswald, N. Bonneville, J. Bidermann, A. Broussonet, A. Guy-Kersaint, J. P. Brissot, J. Ph. Garran de Coulon, J. Dussaulx, F. Lanthenas et J.M. Collot-d'Herbois, édité et imprimé par le Cercle social. Ce mensuel sera imprimé jusqu'en juillet 1793. (Source Gallica-Bnf)

13 novembre : A Paris, Louis XVI signe la loi
« relative aux Juifs », conformément aux mesures prises par l'Assemblée, la loi sur l'émancipation des Juifs est ainsi promulguée (les documents sont aux Archives nationales), et l'acte royal est paraphé par le secrétaire Adrien Duport, ceci en conformité avec un décret du 17 septembre.

14 novembre : A l'Assemblée, il est décrété une aide de 10 millions pour l'île de Saint-Domingue.

15 novembre : A St.-Domingue est imprimé un nouveau quotidien de 4 pages, le premier numéro du Moniteur général de la partie française de St.-Domingue. Sa parution durera jusqu'au 20 juin 1793. (Source : Bib. numérique de l'Universté du Wisconsin, en 3 volumes)

15 et 16 novembre : Dans la capitale, c’est le premier jour des élections du premier magistrat de la Commune. Pétion de Villeneuve (ci-contre) est élu maire de Paris, le 16, sur 10.632 suffrages, il est élu avec 6.728 voix contre 3.126 à M. de Lafayette et malgré une très forte abstention (81.000 votants potentiels ou citoyens actifs pouvant se rendre aux urnes). Pétion est considéré en cette année comme un proche de Robespierre, il représente la tendance "centriste" des dits "Girondins". La publication de la liste des élus et l'achévement des scrutins finiront aux débuts de l'année 1792.


17 novembre : M. Claude Cahier de Gerville est nommé par Louis XVI, ministre de l'intérieur en remplacement de M. de Lessart, est lui-même nommé ministre des Affaires étrangères.

18 novembre : A Paris, à sa dernière séance du Conseil général municipal et l'installation du nouveau maire, M. Bailly, dans une allocution rapide, dit avoir « respecter et exécuter la Loi, et qu'il opérât enfin le rétablissement de l'ordre. (...) Je forme un vœu sincère, c'est qu'il fasse mieux que moi, et que par lui ma patrie soit heureuse. » M. Pétion lui répond par « sa reconnaissance sans bornes, en assurant qu'il n'acceptait la place du maire que parce que les circonstances étaient difficiles et que les orages n'étaient pas encore dissipés. (...) Je ne blesserai pas la modestie de mon prédécesseur par des éloges dont il n'a pas besoin. Je ne parlerai pas des services qu'il a rendus et des regrets que sa retraite occasionne. C'est à l'opinion, ce juge suprême, à fixer la part qui appartient aux hommes publics, et à distribuer le blâme ou l'estime. »
(Gallica-Bnf, Paul Robiquet, Le personnel municipal de Paris lors de la Révolution, page 468, Paris-1898) Jérôme Pétion se rend au couvent des Jacobins, il entre dans la salle au milieu des applaudissements et les tribunes se lèvent. Après quelques mots du président M. Couthon, le nouvel élu de la capitale prend la parole : « Je profite du premier moment de liberté pour me réunir à vous et pour me rendre au milieu de mes frères. Je ne vous parlerai point de mes sentiments : ils vous sont connus, et, dans quelque position que je me trouve, vous pouvez croire que je resterai toujours invariable. Je n'ai qu'une grâce à demander à mes frères : lorsque je ferai tout ce qui dépendra de moi pour poursuivre les ennemis de la chose publique, lorsque je la défendrai contre les attaques qui pourraient lui être portées, je demande qu'ils aient la bonté de me défendre contre celles auxquelles je pourrais être en butte. » (Gallica-Bnf, A. Aulard, La société des Jacobins, page 256, tome III, Paris-1897)

19 novembre : Il est publié une Adresse des prêtres non assermentés de la ville de Paris au Roi.
« Pourquoi vouloir, d'ailleurs nous traiter en ennemis? Nous ennemis de la Patrie! Ah, Sire depuis le premier moment de notre Ministère, nous sommes dévoués à ses besoins, nous inspirons le respect pour ses Lois, nous faisons à ses enfants un devoir de verser leur sang pour elle. Nous ennemis de la Patrie, non Sire, la Religion sainte que nous professons ne forma jamais de mauvais Citoyens et ses Ministres ont prouvé qu'ils mettent le patriotisme au rang de leurs vertus. » (Source Gallica-Bnf, page 4)

20 novembre : Au couvent des Jacobins, rue St-Honoré,
« En l'absence de M. le président, M. Collot d'Herbois, vice-président, prend le fauteuil et lit la liste des personnes qui demandent l'entrée de la séance pour un jour seulement. M. Réal, secrétaire, fait lecture du procès-verbal, à l'occasion duquel M. Dubois de Crancé demande qu'à l'imitation de la Société des amis de la Révolution de Londres on suspende aux voûtes de la salle les drapeaux réunis d'Angleterre et de France. Cette motion, appuyée par les plus vives acclamations, est adoptée avec l'amendement, proposé par M. Simonne, d'unir à ce faisceau le drapeau américain, et celui, proposé par M. Mendouze, d'envoyer copie de cet arrêté à la Société de Londres et aux États-Unis d'Amérique, avec une lettre que le Comité de correspondance communiquera à la Société avant de la faire partir. » (Gallica-Bnf, A. Aulard, La société des Jacobins, page 257 et 258, tome III, Paris-1897)

21 novembre : A Orléans, la haute cour nationale (de justice), créée par décret le 10 mai est constituée ce jour. A Port-au-Prince des affrontements éclatent, la ville est en proie aux flammes et 800 maisons sont détruites. Les « "petits blancs" et "libres de couleur" s’accusent mutuellement de l’incendie. Les libres de couleur, furieux contre les "petits blancs", leur livrent désormais une véritable guerre dans le Sud et l’Ouest de Saint-Domingue.
» (Source : Open-Edition, Frédéric Régent, Préjugé de couleur, esclavage et citoyennetés dans les colonies françaises, 2015)

22 novembre :
Saint-Domingue, les trois membres de la première commission civile débarquent au Cap : MM. Roume, Mirbeck et Saint Léger. Ils échoueront dans la mission de trouver la paix entre les différents protagonistes, notamment en raison de la suffisance et l'arrogance des colons blancs.

23 novembre : Dans le périodique de Jean-Lambert Tallien, L'ami des citoyens, on peut lire que :
« Le courage et l'union de tous les citoyens, voilà la sauvegarde de la Liberté. Honneur aux Patriotes de Paris! La nomination de M. Pétion, à la place importante de Maire, est, non seulement, un triomphe pour cette cité, mais c’est encore un bienfait pour tout l’Empire. Paris a été le berceau de la Révolution, c’est à ses habitants qu’il appartient de la consolider. Les choix des chefs civils et militaires ont une trop grande influence sur le bonheur public , pour qu’on n’y apporte pas les plus grands soins. » (Source : Retronews-Bnf, n°20)

24 et 25
novembre : A l’Assemblée, il est annoncé par le député Joseph Gambon la vente pour 1,5 milliards de biens ecclésiastiques. Le lendemain, la Législative crée un « Comité de surveillance » sur proposition de M. Bazire et remplace l'ancien comité de renseignement. Le comité se compose de 4 suppléants et de 12 titulaires avec MM. Grangeneuve, Isnard, Merlin, Bazire, Fauchet, Goupil, Chabot, Lecointre, Quinette, Jagot, Montaut, Antonelle.

26 novembre : Le Journal de Louis XVI et de son peuple etc. publie des calomnies contre le nouveau maire de Paris :
« On serait étonné que sur 114 mille citoyens actifs et plus, comptés dans la ville de Paris il ne s'en fut pas trouvé un dixième aux élections. Mais en voici la raison : dès qu'on a vu que tous les clubs, tripots et cavernes s'étaient coalisés pour emporter d'emblée la nomination de leur confrère Pétion, la majorité des honnêtes citoyens, a fui les assemblées primaires comme on fuit les bois où se rassemblent les bêtes féroces. » (Gallica-Bnf, page 164, n°XXII)

27 novembre : La Rocambole des Journaux est un périodique satyrique et royaliste, voici un extrait en relation avec la Société des amis de la Constitution dits Jacobins (sinon lire ci-dessus le 20 novembre au Couvent des Jacobins) :
« Sous la Clochette du Frère Couthon. L’attrait des Jacobins pour la pendaison se manifeste dans toutes les circonstances, et, ne pouvant mieux, ils viennent d’accrocher aux voûtes de leur repaire, sur la motion de frère Dubois décrassé (Dubois-Crancé), les drapeaux de France, d’Angleterre, et les faisceaux Américains. On doit y joindre aussi le manteau du général Fauchet, criblé de baies au fameux siège de la Bastille : le procès-verbal de l'exécution sera envoyé aux États-Unis de l'Amérique et aux Jacobinet de Londres. » (Source Retronews-Bnf, article Sabbats Jacobites, page 4, n°45)

28 novembre : Robespierre est de retour à Paris. Pour des raisons de santé il avait quitté la capitale et avait fait un séjour en province, dans sa ville d'Arras. Ce jour, il se voit de nouveau désigner comme le président des Jacobins. Sont engagés son combat contre la guerre et les divergences ou contradictions au sein du camp des "démocrates".

29 novembre, A la Législative, il est pris un décret relatif aux prêtres ayant refusé le serment. Ceux qui ne le feront pas seront exclus des traitements pensions, et pour certains cas menacés de prison.


30 novembre : Une nouvelle assemblée électorale est réunie dans la capitale, Jean-Baptiste Treilhard, juge, ex. député de Paris, âgé de quarante-neuf ans, est élu président du tribunal criminel par 235 voix contre 218 à Buzot en remplacement de Pétion devenu maire. Sinon François-Nicolas Buzot, ancien constituant, âgé de trente et un ans, est désigné comme substitut par 237 voix contre 119 au juge Minier. Robespierre avait recommandé Buzot aux électeurs parisiens du haut de la tribune des Jacobins. (Source : Gallica-Bnf, E. Charavay, Assemblée électorale de Paris, page L, Paris-1894)

XII – Le mois de décembre 1791

Jeudi 1er décembre : A l'Assemblée est prononcé un discours de J.P. Brissot, Sur les causes des troubles de Saint-Domingue. (texte de 90 feuillets à lire sur le site Manioc), l'on y découvre que les émeutes du mois d'août ont provoqué la mort, selon lui, de 5 à 600 colons et la repression contre les esclaves, le décès de 6.000 afro-descendants.

2 décembre : Le ministre de la guerre, M. Duportail suite à plusieurs accusations lors de séances du mois de novembre démissionne.

3 décembre : L’Autriche et la France rompent leurs relations diplomatiques. Les frères de Louis XVI, les comtes d’Artois et de Provence en exil répondent qu'ils ne peuvent revenir en raison de la « captivité du roi ».

4 décembre :  Vienne, à
la veille de la mort de W.A. Mozart, « une répétition est organisée à son chevet avec trois chanteurs, que le compositeur accompagne à l’alto. Trop malade pour continuer, il interrompt la répétition et fait venir son ancien élève, Süssmayer, pour lui indiquer comment finir son ouevre, » c'est-à-dite son Requiem (messe des morts), qui resta inachevé. « A minuit, le "divin Mozart" meurt. » (Source : France-musique Alice Bocarra, le Requiem de Mozart juin 2017)

5 décembre : A Vienne, le compositeur autrichien Wolfgan,g Amadeus Mozart
est inhumé dans une fosse commune du cimetière de Saint-Marc, avec 16 autres cadavres. A Paris, le Directoire du département demande au roi d'apposer son veto au décret sur les prêtres réfractaires. Il s’agit d’une manœuvre des monarchistes, elle est dirigée par les chefs des émigrés et au sein de l’autorité départementale par le marquis de La Rouërie. Un plan qui visera à soulever l’Ouest du pays et à « libérer le roi ». Dans la capitale, aux Jacobins, à la tribune, M. Billaud-Varenne est un des premiers à s'exprimer contre la guerre, son intervention va avoir une influence sur Robespierre et son intervention du 12 décembre.

6 décembre :  A Paris, après un voyage éclair en Grande-Bretagne, Georges Danton, avocat de profession est désigné comme second substitut du procureur-syndic de la Commune. Il était en liste depuis le mois de janvier à ce poste stratégique, d'interface entre les administrations locales et nationales, sorte de préfet avant l'heure (à ne pas confondre avec un procureur de justice).
Le Conseil général du département de Paris, adopte un « Projet de ré̀glement pour l'emploi de folles de La Salpétrière sur proposition d'un rapport présenté par un de ses membres » (source : Archives nationales). A Plouguemével en région bretonne, au sein de l'église, le nouveau curé assermenté est violemment malmené, d'abord par un groupe de 10 femmes armées de pierre, puis suivent 16 hommes qui refusent sa présence comme prêtre. Six hommes et sept femmes seront arrêtés et trois femmes et un homme condamnés.

7 décembre : Le nouveau ministre de la guerre est M. Narbonne-Lara, il est peu apprécié des époux royaux, il fait cependant barrage à la nomination de Lafayette, et remplace M. Louis Le Bègue Duportail démissionnaire. Dans le journal le Thermomètre du jour, il est fait l'écho de l'Almanach du Père Gérard pour l'année 1792, qui est l'ouvrage qui a rempoté un prix le 23 octobre dernier,
au club des Jacobins « par J.M. Collot-d’Herbois, membre de la société, se vend à Paris au secrétariat des amis de la constitution, rue Saint-Honoré ; au bureau du Patriote Français, place du Théâtre Italien, rue Favart, n°3, et chez Buisson, libraire, rue Haute-Feuille. Cet Almanach que la société (...) a destiné à l’instruction des habitants des campagnes, est divisé eu douze entretiens ; (...) Plus de douze mille exemplaires de cet Almanach ont été débités le premier jour qu’il a été rendu public. » (Source : Retronews-Bnf, page 5, n°119)

8 décembre : Le Journal général de l'abbé Fontenay publie le courrier d'un lecteur sur la situation à St.-Domingue :
« A l’auteur du journal. Je vous prie, Monsieur, de peser une observation facile à faire sans doute, et dont les conséquences sont très-utiles à saisir. Je lis dans la Gazette du Havre, le 20 Octobre, « Un navire le Triton, Capitaine Lulier, en ce moment sur la rade de notre port, nous apprend qu’il se pressa de partir de Léogane le 1er Août dernier, parce que l’on faisait craindre un embargo sur tous les navires qui étaient aux Colonies. En effet, deux jours après avoir mis à la voile, il fut rencontré par une Goélette qui allait du Cap au Port-au-Prince, porter la nouvelle que trente mille Noirs, (...) étaient venus fondre sur le Cap, d’où ils avaient été refoulés avec une perte de neuf mille hommes ; qu’il devait se passer une autre affaire le jour suivant ; que douze lieues de la plaine du Cap avaient été ravagées, les habitations brûlées et saccagées ; qu’elle allait au Port-au-Prince porter l’ordre de retenir tous les navires, etc. » (Source : Retronews-Bnf, page 3, n°311)

9 décembre : Le diplomate Domingo de Iriarte en poste à Paris écrit au conte de Floridablanca, Secrétaire d'état du royaume d'Espagne. Il lui fait le récit de la première audience avec M. de Lessart dans laquelle Iriarte (second d'ambassade) :
« — a réfuté les calomnies accusant l'Espagne d'avoir porté secours aux révoltés de St-Domingue et d'avoir contribué à la tension diplomatique entre la France et l'Algérie ; — a demandé satisfaction pour les insultes faites à la frégate espagnoleNa.Sa.de los Placeres, dans l'île de France (île Maurice), — et a demandé le règlement de la question de l'intrusion de soldats français dans le territoire espagnol, de la question de l'importation du tabac en France, et des écrits français injurieux pour l'Espagne. » (Source : Persée.fr, J. Chaumié,  La correspondance des agents diplomatiques de l'Espagne etc., page 383, 1935)

10 décembre : Autriche, l’empereur ratifie le décret de la Diète de Francfort reconnaissant les droits féodaux des princes allemands sur l’Alsace.

11 décembre : Publication de la Pétition présentée à l'Assemblée nationale, de M. Gatereau, habitant de St.-Domingue pour obtenir la répression des désordres dont cette île est le théâtre :

« Il existe à St.-Domingue une coalition qui veut la contre-révolution, ou l’indépendance sous l’égide d’une Puissance étrangère. Par la contre-révolution, elle échapperait à la saisie-réelle : par la protection d’une puissance étrangère (...), mais elle se dispenserait de payer les dettes immenses qu'elle a contractées envers la France. Cette coalition est soutenue par les ouvriers blancs, qui détestent les hommes de couleur, et par les gens sans aveu, qui vivent de sa honteuse magnificence. Elle a fait éloigner des assemblées primaires les honnêtes colons blancs et les hommes de couleur libres ; elle a fait promener sur l’âne, et pendre dans l’occasion, ceux qui s’avisaient de blâmer ses violences, et de présenter de simples pétitions pour réclamer l’exercice de leurs droits ; elle s’est emparée de toutes les places dans les assemblées coloniales, administratives et municipales ; elle a renversé le gouvernement et les tribunaux, licencié les troupes, décrété l’indépendance, emprisonné arbitrairement des citoyens qu’elle a embarqués pour la France, foulé aux pieds le signe sacré de la Liberté, arboré la cocarde noire, menacé de pendre les commissaires du Roi aux vergues des navires qui les porteraient, intercepté et ouvert les lettres des honnêtes gens qu'elle opprimait, et jeté la terreur dans les âmes, par l’appareil formidable de ses satellites trompés. »
Source : Gallica-Bnf, page 3

12 décembre ; A Paris, Robespierre fait un discours aux Jacobins contre la guerre. Marat rédige un article contre le colonialisme.

Mardi 13 décembre : Le Journal de Louis XVI et de son peuple etc. revient sur la pétition de M. Gatereau présentée à l'Assemblée nationale, le 9/12 (lire le 11 décembre) : 
« Nouvelle disgrâce pour les factieux ; de nouveaux colons de Saint-Domingue, admis à la barre, se déchaînent contre les amis des noirs, avec toute l'énergie de la vérité et du malheur. Mais un autre Brissot, journaillon du Cap, le sieur Gattereau, chassé de Saint-Domingue, vomit un déluge d'atrocités contre les blancs. Le cœur revient aux factieux ; ils applaudissent et Gattereau qui a demandé des indemnités pour son patriotisme et son déplacement forcé, se retire avec un espoir encourageant. » (Source : Gallica-bnf, page 30, n°XXIX)

14 décembre : Le roi se rend à l'Assemblée, et déclare qu'il a adressé une missive aux « Princes allemands », où il s’en prend aux rassemblements des émigrés dans leurs pays et utilise la menace de la guerre. Il vise en particulier l’empereur autrichien Léopold II, « le grand Electeur de Trèves » ou monarque du Saint-Empire Germanique (décès en 1792). Elle précise « en substance que la continuation de ces rassemblements, au-delà du 15 janvier prochain, sera considérée par la France comme un commencement d'hostilité ». Le ministre de la guerre, M. de Narbonne, lui déclare selon Henri Guillemin :
« La Guerre est indispensable à nos finances, le sort des créanciers de l'Etat en dépend ». (cette citation n'est pas exacte et ne correspond pas à l'intervention du ministre).

15 décembre : Aux États-Unis la Déclaration des Droits - United States Bill of Rights
- est promulguée, ou les 10 premiers amendements de la constitution limitant les pouvoirs du gouvernement fédéral, ouvrant aux droits de la liberté de la presse, de parole, de religion, de réunion, de porter des armes, etc. Elle est ratifiée et entre en application (Source : National Archives en anglais).  En France, le journal de Marat, l'Ami du peuple cesse sa publication durant plusieurs semaines. A Paris, les époux Roland sont de retour et séjourne à nouveau à l'hôtel Britannique, cette fois-ci au 3e étage. Jean-Marie Roland écrit un mémoire pour pouvoir faire reconnaître ses droits à la retraite en tant que fonctionnaire (décret du 22 août 1790 sur les pensions).


16 décembre :
L'Assemblée décide d'émettre 2,2 milliards d’assignats en coupure de 25 livres ou de 10 livres payable au porteur (Ci-dessus). MM. Rochambeau el Luckner sont nommés au commandement des armées du Nord et du Rhin. Ils deviendront maréchaux de France le 27 de ce mois et seront en tout huit à porter cette distinction. Dans la capitale au couvent des Jacobins : Danton avait fait arrêter par la Société, le 14 décembre, que la discussion sur la question de la guerre se poursuivrait d'une manière solennelle, à la prochaine séance, Brissot qui n'avait plus paru aux Jacobins depuis deux mois environ, avait annonçé qu'il prendrait la parole. Le 16, celui-ci y prononçe un grand discours : « Il faut nous venger, dit-il, ou nous résoudre à être le jouet de l'Europe et du plus misérable de ses tyrans. Une nation couverte d'opprobre cesse bientôt d'exister ». Et il a pour conclusion : « Le pouvoir exécutif va déclarer la guerre, il fait son devoir et vous devez le soutenir quand il fait son devoir, et s'il vous trahit, le peuple est là, vous n'avez rien à craindre ». Quand l'impression de ce discours de J.P. Brissot le propose à publicatioń, ainsi qu'il est d'usage, Robespierre s'élêve pour demander l'ajournement jusqu'à la fin de la discussion. Un débat s'engage sur ce point. Finalement, l'impression (ci-après) est votée Discours de Brissot sur la nécessité de déclarer la guerre aux princes allemands qui protègent les émigrés, édité par la Société des amis de la constitution (Source : Google-livres, Second discours de Brissot, pages 5, 20)

17 décembre : On apprend à la lecture Thermomètre du jour que « L’assemblée a décrété que la mise en circulation des assignats sera de seize-cent millions au total ; qu’en outre, il sera fabriqué pour deux cent millions de petits assignats qui seront employés à changer, dans les départements, de gros assignats, brûlés aussitôt après leur rentrée. Enfin, il a été retiré de la circulation, par la vente des biens nationaux, trois-cent-trente-cinq millions. Il résulte de l’addition de ces diverses sommes, qu’il aura été fabriqué, après l’exécution du présent décret, pour deux milliards cent-trente-cinq millions d’assignats et qu’il y en aura en émission pour seize-cent millions. » (Source : Retronews-Bnf, page 8, du 18/12/1791, n°130)

18 décembre :
Aux Jacobins, une nouvelle intervention de Robespierre : « Au reste, nous touchons à une crise décisive pour notre révolution ; de grands événements vont se succéder avec rapidité. Malheur à ceux qui, dans cette circonstance, n'immoleront pas au salut public l'esprit de parti, leurs passions et leurs préjugés mêmes! J'ai voulu payer aujourd'hui à ma patrie la dernière dette peut-être que j'avais contractée avec elle. Je n'espère pas que mes paroles soient puissantes en ce moment ; je souhaite que ce ne soit point l'expérience qui justifie mon opinion : mais dans ce cas là même, une consolation me restera ; je pourrai attester mon pays que je n'aurai point contribué à sa ruine. » (La Société des amis de la constitution a arrêté l'impression de ce discours, et l'envoi aux sociétés affiliées, dans sa séance du 18 décembre 1791. An troisième de la liberté).

19 décembre : Louis XVI déclare ne pas vouloir sanctionner, c'est-à-dire approuver le décret du 29 novembre sur les peines encourues par les ecclésiastiques dits insermentés et pose son veto.

20 décembre : Il est édité un nouveau journal quotidien de 4 pages, le Courrier de Strasbourg, ce périodique se consacre à la politique et  à la littérature et
il est « uniquement consacré aux nouvelles des frontières & des pays étrangers, & particulièrement à celles des deux rives du Rhin ». Cet organe de presse est fondé et dirigé par le journaliste et lexicographe, Jean-Charles Laveaux. Il sera imprimé et édité jusqu'en 1806. (Source : Retronews-Bnf, n°1) Le corps municipal de la ville d'Aix fait placarder une Proclamation, qui rappelle les interdits légaux sur les jeux de hasard. (Source : Bib. Méjannes)

21 décembre : Dans son journal intime Gouverneur Morris à cette date écrit : « Je dîne chez MmeTronchin, et j'y rencontre Mme de Tarente. Je lui demande de me procurer une boucle de cheveux de la reine. Elle promet d'essayer. Je pense que cette demande plaira à Sa Majesté, même si elle ne l'accorde pas, puisqu'elle est femme. Je vais chez Mme de Staël. Elle est au lit et heureuse de me voir ; elle me raconte toutes les nouvelles qu'elle sait. (...) Delessart, ministre des Affaires étrangères, est chez Mme de Montmorin, cet après-midi, et après avoir effleuré de nombreux sujets dans notre conversation après dîner, je conclus au moment de partir en lui disant que le roi est la seule pièce de bois qui restera à flot dans le naufrage général. Il dit qu'il commence à le croire. Je recommande au ministre de la marine d'amener les troupes suisses à Paris, sous prétexte qu'elles sont trop aristocrates pour qu'on leur confie les frontières. Elles maintiendront ici l'ordre au milieu de la confusion générale à laquelle on peut s'attendre. Je Iui conseille également de rapprocher la cavalerie sous de semblables prétextes. Il approuve ce projet.
» (Source : Archive.org, Journal de G. Morris, page 291)

Jeudi 22 décembre : Dans le Courrier de Strasbourg on peut lire que
« Malgré tous les prétendus préparatifs de la Russie, contre la France ; l’académie de Pétersbourg vient de recevoir au nombre de ses membres correspondants, M. Arbogaste de Strasbourg, député à l’Assembiée nationale actuelle, & très bon patriote. C’est ainsi que pensent les vrais savants sur tout le globe. (...) Il paraît que plusieurs émigrés commencent à faire de furieuses réflexions. Tous les jours il en rentre quelques-uns. Nous en avons vu arriver avant-hier dans notre ville, quatre qui ont servit autrefois dans le régiment d’Artois. Le bruit court que le cardinal Rohan, & le capitaine Mirabeau, ont quitté précipitamment Ettenheim. On ignore si c’est pour aller jusqu'au Conseil de la cour de Coblence, ou pour se sauver en Sibérie. (sic) » (Source : Retronews-Bnf, page de une, n°3)

23 décembre : Russie, la tzarine Catherine II prend un oukase et détermine une zone de résidence pour les Juifs, un espace à cheval sur la Pologne et la Lituanie conquises, et dont l'objectif est de les empêcher de s'installer dans tout le reste de l'empire de Russie.

24 décembre : M. Valdec de Lessart (ou Delessart), le ministre des Affaires étrangères transmet  à l'Assemblée un office émané de la chancellerie autrichienne et daté du 3 décembre. L'empereur Léopold annonçait la « résolution formelle de porter aux princes possessionnés en Alsace et en Lorraine tous les secours qu'exigeait la dignité de l'empire, s'ils n'obtenaient pas la réintégration plénière de leurs anciens droits. »


25 et 26 décembre :
Chine, l'empereur Qianlong envoie ses troupes à Lhassa au Tibet contre l’envahisseur Népalais. En France, Louis XVI sanctionne les décision prises sur les assignats, dont l'attribution de 50 millions pour chaque département. A Paris aux Jacobins, Maximilien Robespierre déclare en fin de son allocution sur les Feuillants : « Il importe que vous soyez instruits de cela, ainsi que le public. Ce n'est pas pour vous que je le dis ; vous qui avez voulu que l'on laissât les Feuillants tomber d'eux-mêmes et qu'on leur vouât le plus profond mépris, la seule arme avec laquelle ils méritent d'être combattus : mais je le dis pour les citoyens qui sont présents à cette séance, afin que ces réflexions transpirent dans le public et qu'ils soient prévenus qu'il faut concentrer dans son âme l'indignation que peuvent exciter les manœuvres des ennemis de la liberté́. Il faut attendre le moment de la justice et de la lumière, il faut attendre le moment où les forfaits des tyrans provoqueront la vengeance du peuple justement outragé. Il faut attendre ce moment, et jusques là vouer au mépris et à l'indignation publique les vils ennemis qui veulent détruire la constitution. Je réponds des principes que déploiera toujours le maire actuel de Paris. Je connais son âme et ses sentiments ; je suis garant que son énergie et sa magnanimité ne seront pas au-dessous de sa sagesse. Il déjouera les complots de nos ennemis. Soyez aussi sages qu'énergiques ; que le peuple soit généreux et calme, tel qu'il a toujours été ; qu'il se repose sur sa force et sur les crimes des tyrans. » Le lendemain, Robespierre se prononce, sur les prochaines élections pour la désignation de deux membres du tribunal criminel ; il se positionne pour Anthoine, ancien député du Tiers (bailliage de Sarreguemines), et pour Buzot, ancien député du Tiers (bailliage d'Evreux). (Source : MM. Soboul, Lefebvre et Bouloiseau : Discours de Robespierre d'octobre 1791 à septembre 1792, PUF-1954))

27 décembre : A l'Assemblée, M. Vincens-Plauchut, au nom du comité des domaines, fait un rapport et présente un projet de décret sur la réclamation des prêtres et des clercs étudiants de la communauté de Saint-Lazare de Paris ; il s'exprime ainsi :

Messieurs, l'établissement de la liberté et de l'égalité en France semble avoir été le signal de la discorde dans le séminaire de Saint-Lazare à Paris ; des dissentiments intérieurs, entre l'ardent amour de la liberté et l'attachement aux règles monastiques, ont troublé l'harmonie et la concorde qui devrait être inaltérable parmi des religieux voués dans la retraite aux exercices de piété et à la pratique des vertus. Cette maison a été jusqu'ici destinée à former de jeunes missionnaires, qu'on établissait ensuite professeurs et directeurs dans les différents séminaires du royaume ; elle est essentiellement composée d'ecclésiastiques enseignants, ce sont les prêtres : et d'ecclesiastiques étudiants, ce sont les clercs. (...) Accuser les prêtres de Saint-Lazare de spoliation, c'est les calomnier, assurent-ils, après le dénuement où laissa leur maison la journée du 13 juillet 1789.

M. Merlin prend à son tour la parole : Il serait sans doute à désirer que le comité des domaines pût présenter à l'Assemblée nationale un plan qui supprimerait actuellement et dans le moment même, la congrégation de Saint-Lazare, livrée aux impulsions des haines réciproques ; mais si le comité n'a pas cru cette dernière mesure nécessaire, la seule qui pût amener la paix en divisant les individus, le comité ne me semble pas avoir pris les mesures provisoires nécessaires que demandaient les clercs de Saint-Lazare. En conséquence, je demanderais que l'Assemblée voulût bien .adopter, à la place de l'article 1er du comité, celui-ci : « L'Assemblée nationale décrète que les clercs-étudiants de la maison de Saint-Lazare, qui y ont été reçus avant le 20 novembre 1789, nommeront entre-eux deux administrateurs pour régir le temporel de la maison, conjointement avec le supérieur et le procureur, qui seront tenus de donner sans aucun délai, aux deux nouveaux administrateurs, tous les renseignements qu'ils demanderont ; le tout sous la surveillance de la municipalité. (L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret du comité des domaines)

Source : Bib. de Stanford - Archives Parlementaires, pages 464 et 465, tome XXXVI

28 décembre : A la chambre des députés, les bataillons de volontaires nationaux sont créés et
intervention de Jacques Brissot sur la guerre. Dans la capitale, la reine se rend à l'Opéra et trouve un accueil qualifié de chaleureux. Il est donné ce soir-là Iphigénie en Aulide du compositeur Gluck, et à l’instant où le chœur s’exclame : Chantons! célébrant notre reine! des spectateurs se mettent à lancer des bravos et des applaudissements.

29 décembre : A la Législative, il est fait une déclaration sur la nécessité d'employer la force contre les émigrés et les princes qui prêtent leur territoire aux rassemblements hostiles contre la France : « La paix, que le mensonge, l'intrigue et la trahison ont éloignée, ne cessera pas d'être le premier de nos vœux. La France prendra les armes avec regret, mais avecardeur pour la sûreté, pour la tranquillité intérieure; et on la verra les déposer avec joie le jour où elle sera sûre de n'avoir plus à craindre pour cette égalité, pour cette liberté, devenues le seul élément où les Français puissent vivre. » Les députés votent vingt millions de frais de guerre. Au couvent des Jacobins, Jacques
Brissot donne un autre discours sur la guerre devant les membres de la Société des Amis de la Constitution et se voit applaudit avec force.

30 décembre : Au couvent de Jacobins :
« La Société étant passée à l'ordre du jour sur la question de la guerre, Brissot lit un très long discours (son second discours) sur la nécessité de la guerre offensive ; il termine en exhortant les vrais patriotes à se soumettre à la loi et à ne jamais se permettre d'attaquer la constitution. Cette conclusion soulève des protestations. Robespierre et Danton interviennent. « La plus vive chaleur se répand dans toute la Société pendant cette discussion ». Finalement, Brissot, rendant hommage à l'attachement de la Société et de Robespierre pour la constitution, s'engage à modifier la fin de son discours de manière à ne laisser aucun doute sur ses intentions. » (Source : MM. Soboul, Lefebvre, Bouloiseau, Oeuvres complètes de Robespierre, Discours, pages 71 et 72, tome 8, PUF 1954) M. Condorcet à la tête d'une délégation de 24 députés se rend au château des Tuileries pour présenter au roi un manifeste de l'Assemblée nationale. « La nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes, et n'emploiera jamais la force contre aucun Peuple. Tel est le texte de la Constitution, » est-il mentionné. (Source : Retronews-Bnf, le Courrier de Paris dans les 83 départements, page de une, n°XXXI)

31 décembre :
L'Assemblée supprime le cérémonial du jour de l'an à la chambre des députés. Il est décidé, que dans le cadre de l'amnistie décrétée le 30 septembre 1791, seront inclus la quarantaine de soldats du régiment de Château-Vieux condamnés aux galères à la suite des événements de Nancy en août 1790. Ils ne seront pas libérés avant avril 1792. A « Nantes un navire, parti du Port-au-Prince le 4 novembre, il rapporte que le concordat passé le 11 septembre entre les blancs et les gens de couleur, a été confirmé par un nouveau traité signé le 21 octobre. D'après ce traité les gens de couleur (affranchis souvent métis) se sont réunis aux blancs, et les nègres esclaves qui s'étaient joints à eux ont été embarqués le 3 novembre, au nombre de 213, sur un navire qui les a portés à la baie des Mosquitos (ou des Moustiques possiblement dans les îles Grenadines), où on les a déposés avec des instruments aratoires (pour cultiver) et des vivres pour trois mois. » Il s'agirait ni plus ni moins de la déportation des meneurs des révoltes de Saint-Domingue (Source : Annales patriotiques et littéraires de France - billet paru en janvier 1792)

à suivre...

Discours du Roi  
 
 et M. le comte de Narbonne, ministre de la guerre,
le 14 décembre 1791


Nous sommes à la salle du Manège, où se réunit l'Assemblée nationale. Le roi se tient debout et découvert et lit :

       Messieurs, j'ai pris en grande considération votre message au 29 du mois dernier. Dans une circonstance où il s'agit de l'honneur du peuple français et de la sûreté de l'Empire, j'ai cru devoir vous porter moi-même ma réponse; la nation ne peut qu'applaudir à ces communications entre ses représentants élus et son représentant héréditaire.

Vous m'avez invité à prendre des mesures décisives pour faire cesser enfin ces rassemblements extérieurs qui, entretiennent au sein de la France une inquiétude, une fermentation funestes, nécessitent une augmentation des dépenses qui nous épuise, et compromettent plus dangereusement la liberté qu'une guerre ouverte et déclarée.

Vous désirez que je fasse connaître aux princes voisins qui protègent ces rassemblements contraires aux règles du bon voisinage et aux principes du, droit des gens, que la nation française ne peut tolérer plus longtemps ce manque d'égards et ces sourdes hostilités. Enfin, vous m'avez fait entendre qu'un mouvement général entraînait la nation, et que le cri de tous les Français était : plutôt la guerre, qu'une patience ruineuse et avilissante.

Messieurs, j'ai pensé longtemps que les circonstances exigeaient une grande circonspection dans les mesures ; qu'à peine sortis des agitations et des orages d'une révolution, et au milieu des premiers essais d'une Constitution naissante, il ne fallait négliger aucuns des moyens qui pouvaient préserver la France des maux incalculables de la guerre. Ces moyens, je les ai tous employés. D'un côté, j'ai tout fait pour rappeler les Français émigrants dans le sein de leur patrie, et les porter à se soumettre aux nouvelles lois que la grande majorité de la nation avait adoptées : de l'autre, j'ai employé les insinuations amicales, j'ai fait faire des réquisitions formelles et précises pour détourner les princes voisins de leur prêter un appui propre à flatter leurs espérances, et à les enhardir dans leurs téméraires projets.

L'empereur a rempli ce qu'on devait attendre d'un allié fidèle, en défendant et dispersant tout rassemblement dans ses Etats. Mes démarches n'ont pas eu le même succès auprès de quelques autres princes : des réponses peu mesurées ont été faites à mes réquisitions. Ces injustes refus provoquent des déterminations d'un autre genre. La nation a manifesté son vœu ; vous l'avez recueilli, vous en avez pesé les conséquences ; vous me l'avez exprimé par votre message : Messieurs, vous ne m'avez pas prévenu ; représentant du peuple, j'ai senti son injure, et je vais vous faire connaître la résolution que j'ai prise pour en poursuivre la réparation.

Je fais déclarer à l'Electeur de Trêves, que si avant le 15 de janvier, il ne fait pas cesser dans ses Etats tout attroupement et toutes dispositions hostiles de la part des Français qui s'y sont réfugiés, je ne verrai plus en lui qu'un ennemi de la France. (Vifs applaudissements et cris : vive le roi !) Je ferai faire une semblable déclaration à tous ceux qui favoriseraient de même des rassemblements contraires à la tranquillité du royaume ; et en garantissant aux étrangers toute la protection qu'ils doivent attendre de nos lois, j'aurai bien le droit de demander que les outrages que des Français peuvent avoir reçus soient promptement et complètement Réparés. (Applaudissements.)

J'écris à l'empereur pour l'engager à continuer ses bons offices, et, s'il le faut, à déployer son autorité, comme chef de l'Empire, pour éloigner les malheurs que ne manquerait pas d'entraîner une plus longue obstination de quelques membres du corps germanique. Sans doute, on peut beaucoup attendre de son intervention appuyée du poids imposant de son exemple ; mais je prends en même temps les mesures militaires les plus propres à faire respecter ces déclarations (Applaudissements) ; et si elles ne sont point, écoutées, alors, Messieurs, il ne me restera plus qu'à proposer la guerre, la guerre, qu'un peuple qui a solennellement renoncé aux conquêtes, ne fait jamais sans nécessité ; mais qu'une nation généreuse et libre fait entreprendre, lorsque sa propre sûreté, lorsque l'honneur le commandent. (Applaudissements.)

Mais en nous abandonnant courageusement à cette résolution, hâtons-nous d'employer les moyens qui seuls peuvent en assurer le succès. Portez votre attention, Messieurs, sur l'état des finances ; affermissez le crédit national ; veillez sur la fortune publique ; que vos délibérations, toujours soumises aux principes constitutionnels, prennent une marche grave, fière, imposante, la seule qui convienne aux législateurs d'un grand Empire. (Vifs applaudissements dans une partie de l'Assemblée et dans les tribunes) : que les pouvoirs constitués se respectent pour se rendre respectables ; qu'ils se prêtent un secours mutuel au lieu de se donner des entraves ; et qu'enfin on reconnaisse qu'ils sont distincts, et non ennemis. Il est temps de montrer aux nations étrangères que le peuple français, ses représentants et son roi, ne font qu'un. (Vifs applaudissements) C'est à cette union, c'est encore, ne l'oublions jamais, au respect que nous porterons aux gouvernements des autres Etats, que son attachées la sûreté, la considération et la gloire de l'Empire.

Pour moi, Messieurs, c'est vainement qu'on chercherait à environner de dégoût l'exercice de l'autorité qui m'est confiée. Je le déclare devant la France entière, rien ne pourra lasser ma persévérance, ni ralentir mes efforts. Il ne tiendra pas à moi que la loi ne devienne l'appui des citoyens et l'effroi des perturbateurs. (Vives acclamations.) Je conserverai fidèlement le dépôt delà Constitution, et aucune considération ne pourra me déterminer à souffrir qu'il y soit porté atteinte ; et si des hommes qui ne veulent que le désordre et le trouble prennent occasion de cette fermeté pour calomnier mes intentions, je ne m'abaisserai pas à repousser par des paroles les injurieuses défiances qu'ils se plairaient à répandre. Ceux qui observent la marche du gouvernement avec un œil attentif, mais sans malveillance, doivent reconnaître que jamais je ne m'écarte de la ligne constitutionnelle, et que je sens profondément qu'il est beau d'être roi d'un peuple libre. Les applaudissements se prolongent pendant plusieurs minutes. Plusieurs membres font entendre dans l'Assemblée le cri de : Vive le roi des Français !

Ce cri est répété par les tribunes et par un grand nombre de citoyens qui s'étaient introduits dans la salle à la suite du roi et qui s'étaient placés dans l'extrémité de la partie droite. Les tribunes des deux extrémités de la salle et les membres de l'Assemblée placés à l'extrémité gauche ont gardé le plus profond silence.

Puis plus tard c'est au tour de M. de Narbonne, ministre de la guerre, de s'exprimer :

Messieurs, le roi veut la paix, et par la voie des négociations, il n'a négligé, il ne négligera aucun moyen de la procurer au royaume.Mais avant tout, il veut la Constitution qu'il a jurée, et il la veut assez pour rie redouter aucune dès mesures capables de l'affermir.

Sa Majesté m'a chargé, Messieurs, de donner les ordres nécessaires pour que 150.000 hommes puissent être rassemblés sur les frontières avant un mois. Je me suis assuré qu'une réunion de forces aussi Imposantes n'était pas impossible. Je crois donc qu'il nous est permis d'avoir une confiance bien fondée dans l'issue de la noble entreprise que le roi vient de commencer. Il faut relever cet esprit de découragement qui voudrait représenter la France comme entièrement abattue sous ses rapports politiques et militaires. C'est la même nation, c'est la même puissance qui combattit sous Louis XIV ; voudrions-nous laisser penser que notre gloire dépendait d'un seul homme, et qu'un siècle ne rappelle qu'un nom! Non, Messieurs, je ne l'ai pas cru, lorsque j'ai désiré le parti que le roi vient de prendre. Je sais qu'on a déjà voulu, je sais qu'on voudra peut-être encore calomnier ce parti ; que parmi les hommes qui d'abord l'avaient ardemment réclamé, il en est qui se sont préparés à le combattre dès que lé gouvernement a paru l'adopter ; mais vous déconcerterez de tels systèmes, et l'on persuadera difficilement à une nation courageuse, que de vains discours suffisent à la défense de sa liberté.

Je partirai dans peu de jours, d'après les ordres du roi, pour m'assurer moi-même de l'état des frontières et de l'armée. Je n'ignore pas qu'il subsiste encore des défiances entre les officiers et les soldats ; mais en leur parlant à tous au nom de la gloire nationale et au roi, j'espère les voir cesser. Je dirai aux officiers : que l'empire des préjugés anciens, qu'une résolution qui présentait l'idée q'un grand péril, que l'ignorance des vrais sentiments du roi ont pu séduire quelques-uns d'entre eux ; mais que le mot de trahison n'est d'aucune langue ; et qu'au nom de la guerre, toute incertitude serait une trahison, et selon l'honneur et selon la loi... Je dirai aux soldats : que les officiers qui restent à leur tête, liés à la fois à la cause de la Révolution et par leurs serments, et par la haine que leur a vouée le parti contraire, sont invariablement fixés à leur poste, et que le succès de la guerre va dépendre du concert de toutes les volontés et par conséquent de la plus exacte discipline. Enfin, les gardes nationales, ces premiers défenseurs de la Révolution, serviront sans doute à son plus grand triomphe, et l'on n'aura à leur apprendre que ce que l'expérience peut ajouter au courage.

Pendant l'absence de quelques jours qu'exigera le voyage que je vais faire, je remettrai le portefeuille à l'un de mes collègues ; et telle est ma confiance, telle doit être celle de toute la France dans notre roi, qu'absent, je réclamerai la responsabilité de tous les ordres qu'il donnera dans mon département, et qui seront signés par le ministre des affaires étrangères.

Trois armées ont paru nécessaires. M. de Rochambeau, M. de Luckner, M. de Lafayette... (Triple salve d'applaudissements.)... M. de Lafayette sont désignés par la patrie, et la patrie et le roi ne sont plus qu'un. (Applaudissements.) Sa Majesté eût désiré que l'organisation militaire lui permit de donner le grade de maréchal de France à MM. de Rochambeau et Luckner ; l'Assemblée ne pensera-t-elle pas qu'aujourd'hui la loi suprême est de sauver la liberté (Oh! Oui!) et ne m'autorisera-t-elle pas à répondre au roi qu'elle verra cette mesure avec plaisir?

Un supplément de fonds devient indispensable ; la France ne marchandera pas la liberté : d'ailleurs, cette augmentation de dépense doit moins effrayer les créanciers de l'Etat, que les longs malheurs qui pourraient naître d'une prolongation d'inquiétudes, si propre à perpétuer l'anarchie : cette anarchie va disparaître. Nous aurons le besoin de prouver à l'Europe que les malheurs intérieurs dont nous avons d autant plus à gémir, que nous nous sommes quelquefois peut-être refusés à les réprimer, naissaient de l'ardeur inquiète de la liberté; et qu'au moment où sa cause appellerait une défense ouverte, la vie et les propriétés seraient en sûreté parfaite dans l'intérieur du royaume. Nous ne reconnaîtrons d'ennemis que ceux que nous aurons à combattre, et tout homme sans défense sera devenu sacré. Ainsi nous vengerons l'honneur de notre caractère, que de longs troubles auraient pu apprendre à méconnaître. Si le funeste cri de la guerre se fait entendre, il sera du moins pour nous le signal tant désiré de l'ordre et de la justice ; nous sentirons combien l'exact payement des impôts, auquel tiennent le crédit et le sort des créanciers de l'Etat ; la protection des colonies, dont les richesses commerciales dépendent ; l'exécution des lois, force de toutes les autorités ; la confiance accordée au gouvernement pour lui donner les moyens nécessaires d'assurer la fortune publique et les propriétés particulières ; le respect pour les puissances qui garderaient la neutralité ; nous sentirons, dis-je, combien de tels devoirs nous sont impérieusement commandés par l'honneur de la nation et la cause de la liberté.

Si dans l'entreprise, peut-être hardie, dont j'ose tenter l'exécution, quelques détails m'étaient échappés, je supplie l'Assemblée de daigner se souvenir que depuis huit jours que je suis nommé ministre de la guerre, j'ai fortement rempli mon temps ; j'espère au moins qu'aucune grande mesure ne m'échappera ; et le roi, dont les affections personnelles doivent, sans doute, souffrir dans cet instant, n'en seconde pas moins son ministère par des efforts qui seront un jour connus, et lui vaudront de nouveaux droits au dévouement de ceux qui, s'il m'est permis de le dire, ont uni comme moi toute leur destinée au sort de la liberté de la France. (Vifs applaudissements.)

Plusieurs membres demandent l'impression du discours du ministre de la guerre, l'insertion au procès-verbal et l'envoi aux 83 départements.

Source : Bib. de  Stanford, Archives Parlementaires, séance du 14/12/1791



L'année 1791 vue par Albert Mathiez


Peinture représentant une scène de la vie quotidienne sur l'île de la Cité

« A ne considérer que les apparences, la Législative, qui se réunit le 1er octobre 1791 semblait devoir continuer la Constituante, 136 de ses membres seulement rallièrent les Jacobins, tandis que 264 s'inscrivirent aux Feuillants. Mais le centre, les indépendants, au nombre de 345, qui forment la majorité, étaient sincèrement attachés à la Révolution. S'ils craignaient de faire le jeu des factions, ils entendaient bien n'être pas dupes de la Cour dont ils se défiaient. Les Feuillants étaient divisés en deux tendances ou plutôt en deux clientèles. Les uns comme Mathieu Dumas, Vaublanc, Dumolard, Jaucourt, Théodore Lameth (frère d'Alexandre et de Charles) suivaient le mot d'ordre du triumvirat. Les autres comme Ramond, Beugnot, Pastoret, Gouvion, Daverhoult, Girardin (le ci-devant marquis protecteur de Jean-Jacques Rousseau) puisaient leurs inspirations auprès de Lafayette.

Lafayette, qui était odieux à la reine, souffrait dans sa vanité de n'être pas dans le secret des relations des triumvirs avec la Cour. Alors que ceux-ci allaient très loin dans la voie de la réaction, jusqu'à accepter les deux Chambres, le veto absolu, la nomination des juges par le roi, Lafayette s'en tenait à la Constitution et répugnait à sacrifier les principes de la Déclaration des droits qu'il considérait comme son œuvre. Il n'avait pas, autant que les Lameth, un intérêt personnel à restaurer le pouvoir royal depuis que la Cour le tenait à l'écart.

Les divisions intestines des Feuillants leur firent perdre, au mois de novembre 1791, la mairie de Paris. Après la retraite de Bailly, Lafayette, qui s'était démis de ses fonctions de commandant de la garde nationale, se laissa porter comme candidat à sa succession. Les journaux de la Cour combattirent sa candidature et la firent échouer. Le jacobin Pétion fut élu, le 16 novembre, par 6.728 voix, tandis que le général au cheval blanc n'en obtint que 3.126. Le nombre des abstentions fut énorme (il y avait 80.000 citoyens actifs à Paris). Le roi et la reine se félicitèrent du résultat. Ils étaient persuadés que les révolutionnaires se perdraient par leurs propres excès. « Même par l'excès du mal, écrivait Marie-Antoinette à Fersen, le 25 novembre, nous pourrons tirer parti plus tôt qu'on ne pense de tout ceci, mais il faut une grande prudence. » C'était la politique du pire.

Peu après Lafayette fut pourvu du commandement d'une armée sur la frontière. Avant de partir il se vengea de sa déconvenue électorale en faisant nommer au poste important de procureur général syndic du département de Paris un ami de Brissot, Rœderer, contre le candidat des Lameth, l'ancien constituant d’André. Pendant que les Feuillants s'affaiblissaient par leurs querelles, les Jacobins prenaient avec hardiesse, l'initiative d'une politique d'action nationale contre tous les ennemis de la Révolution, ceux de l'intérieur ; et ceux de l'extérieur. Élus de la moyenne bourgeoisie, qui achetait les biens nationaux et qui se livrait au négoce, ils avaient pour préoccupation essentielle de relever - l’assignat, qui perdait déjà beaucoup sur l'argent, et de restaurer le change dont la hausse nous ruinait au profit de l'étranger. Le problème économique se liait pour eux étroitement au problème politique. Si la monnaie révolutionnaire subissait une dépréciation, c'est que les menaces des émigrés et des rois, c'est que les troubles provoqués par les aristocrates et les prêtres détruisaient la confiance. Il fallait, par des mesures énergiques, couper court aux espérances et aux menées des contre-révolutionnaires et faire reconnaître la Constitution par l'Europe monarchique. C'est à ce prix seulement qu'on ferait cesser la grave crise économique et sociale qui empirait.

A l'automne les troubles avaient recommencé dans y les villes et dans les campagnes. Ils s'aggravèrent avec l'hiver et durèrent plusieurs mois. Dans les villes ils furent causés en premier lieu par le renchérissement, excessif des denrées sociales, sucre, café, rhum.

Albert Mathiez,  La Révolution française, tome I, chapitre XII, la Guerre, pages 227 à 229



Suite sur la Révolution française
L'année 1792, première partie

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