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Sommaire de la page,
1 - Jacques-Pierre Brissot dans la tourmente !
& extraits de ses mémoires apocryphes
2 - Chronologie détaillée d'octobre à décembre 1792 et sources complémentaires
3 - Réflexions sur la situation politique aux débuts de la Convention
4 - Jean-Baptiste Louvet et le Rolandisme : parcours d’un homme
presque ordinaire
5 - Discours de Jacques Roux, en décembre 1792 Sur le jugement de Louis
le dernier et les accapareurs.
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Brissot
dans la tourmente !

Le peuple
seul a le droit essentiel et exclusif de se gouverner et de régler son
administration intérieure ; que tous les pouvoirs émanent de lui, qu'il
a le droit d'élire ses officiers ; que chaque membre peut exiger de la
société d'être protégé par elle dans la jouissances de sa vie, de sa
liberté, de sa propriété, etc.
J.P. Brissot de Warville, Réflexions sur le code de Pensylvanie, 1783
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Je suis resté un peu laconique, voire succinct sur Brissot, c’était pour
mieux apprécier la nature de ses investissements politiques et avoir
suffisamment de contenu historique susceptible de ne pas tomber dans
une caricature. Il serait idiot de passer à côté de celui qui fédéra le
camp des girondins, dont nous avons pu saisir qu’il fallait les nommer
brissotins et jacobins. Jusqu’à son départ ou exclusion par absence au
club. Depuis les débuts de la première législative jusqu’à octobre
1792, les couteaux s'affutèrent entre les deux camps
républicains (et plus). Dans moins d'un an, il sera mort. Que nous a-t-il
laissé?
Qui fut Brissot? Il a été un des grands contributeurs de cette
révolution première et seconde.
Brissot n’est pas à classer dans la colonne des grandes plumes,
cependant son style est sans lourdeur et agréable à la lecture, on sent
facilement une distance avec ce qu’il écrit. Il ne cache pas, le peu
d’évidence à laisser un ouvrage à l’Histoire, quand soi-même on y a
participé. De nature modeste, ni tribun et un train de vie n’ayant rien
de fastueux, la répartition des tâches au foyer bien assumée avec son
épouse selon les mœurs bourgeoises de son époque, seule une nourrice
fut au service de ce couple austère. Après sa décapitation sa femme Félicité (traductrice
née en 1759 et décédée en 1818) s’occupa du petit garçon né en pleine révolution. Il fut le seul enfant de cette union, et se nomma
Anacharsis Brissot de Warville, il recueillit
les écrits paternels, restant un sujet à caution, comme une bonne part
des textes sous la seconde révolution.
Le vœu du couple Brissot, le plus cher eût été de s’installer outre
Atlantique, de petite fortune, de son voyage aux Etats-Unis, Jacques
Pierre en avait conservé l’idée d’une terre qui lui aurait permis de
vivre selon ses valeurs. Ce fut une source d'inspiration et de
rédaction sur la république étasunienne et en voilà un autre s’étant
nourri à Rousseau, mais qui fut aussi félicité par Voltaire. Il a été
l'un des fondateurs de la Société des amis des noirs en 1788 avec
Condorcet, et un des promoteurs de l'abolition de l'esclavage. Comme
tous les autres
révolutionnaires non soumis à la corruption, il a eu de véritables
ambitions collectives et a été dénoncé à tort comme un homme de
Lafayette. Mais aussi comme espion de l’Angleterre, ou à la solde de
celui qu’il nomme la bûche. Son jugement de Louis XVI à
travers les manigances financières d’Omer Talon et de Mirabeau
correspond
pour une fois au portrait du monarque, qu’il a bien flairé dans ses
ambiguïtés et de comment on a aussi tenté d’éliminer le duc d’Orléans
physiquement et de soudoyer une bonne part de la place de Paris à coup
de millions.
Cet apport est tiré des mémoires apocryphes de Brissot, il semble
valoir d’être un peu mis en lumière, du moins ce qui fait écho avec la
trame historique. Vous pourrez lire après un extrait à ce sujet,
permettant de clore le débat d’un Louis Auguste Capet mollasson,
finalement dépeint sous l’ombre d’un grand manipulateur. Avec la
découverte de Roland Jean-Marie et de la révélation le 20 novembre aux
conventionnels d’une armoire de fer contenant des secrets d’état, ne
pouvait que conclure à ses trahisons répétées. Il fait aussi référence
à Rivarol, et comment Mirabeau avait couru au secours des époux royaux
et de leur manne financière visant à couler toute constitution un tant
soit peu démocratique. Renvoyant à une question pourquoi une telle
absence de gouvernabilité? et de contradictions fortes dans la
répartition des pouvoirs, sorte de copier-coller des anciennes lois? du
moins une continuité sans qu’on perçoive la fin du tunnel de l’ancien
régime. Les derniers éléments de droits féodaux et titres en tout genre
distinctif sont abolis à la fin de la Législative, comme elle commence
à débattre du divorce. Certes la présence de Clavière et les théories
des physiocrates pesaient dans la balance et donne un caractère plus
social à l’aile gauche jacobine et cordelière, toutefois à quel prix et
pour quel résultat?
A défaut de pouvoir soulever les tares de ce républicain anglophile
ayant des vues pas si communes pour son temps sur les espaces
géopolitiques et une idée de la citoyenneté puisée aux Etats-Unis, ce
journaliste et patron de presse est finalement noyé entre apologie et
discrédit, et par esprit de provocation ou de remise en cause, il
aurait pu faire un très bon président de la république…? Il en avait
l’étoffe, la droiture, mais il ne semble pas culminer dans le culte du
narcissisme, ni de l’idolâtrie, un trait assez commun avec son ami
Piéton de Villeneuve en plus populaire, et tout aussi honnis par la
suite des événements. Si l’on doit à Marat, Robespierre, un génie
politique et une honnêteté, qui fit dire à celui-ci que Marat aussi
était "un incorruptible" à sa manière, Brissot et ses amis politiques
ont dans l’ensemble pour seul crime d’avoir envisager toutes les
possibilités d’une transition la moins chaotique possible. La
république sans démocratie, sans exercice de contre-pouvoir ne pouvait
que succomber à l’esprit démagogique et subir des renversements
brutaux. L'année 1793 et suivante seront riches en la matière...
Notes de Lionel
Mesnard
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- Mémoires
apocryphes de Brissot (*)
« On peut considérer les
papiers trouvés
aux Tuileries comme les pièces justificatives des dénonciations que les
écrivains patriotes ont constamment portées au tribunal de l'opinion
publique contre la cour et les agents d'iniquité. Ces pièces prouvent
que Louis XVI n'a jamais marché de bonne foi dans le sens de la
Constitution; qu'il était lui-même à la tête de tous les complots
ourdis contre elle; que, tandis que ses frères préparaient au dehors
une contre-révolution armée, il déployait au dedans un vaste plan de
corruption, dont le but était de favoriser le succès de cette
contre-révolution; qu'il entretenait de nombreuses légions de
journalistes, d'espions, de motionnaires, d'applaudisseurs dans
l'Assemblée Nationale, aux Jacobins, aux Cordeliers, dans les sections,
dans les cafés, etc. Il ne s'agit, pour s'en convaincre, que de se
rappeler les principales pièces, la plupart apostillées et signées de
la main de Louis Capet.
La trahison de ce prince résulte, avec
une évidence bien frappante, de
la nature de ses rapports avec un intrigant très méprisable, et dès
lors très méprisé : le soi-disant marquis de Rivarol. Les conseils
donnés au monarque par ce prétendu gentilhomme montrent assez qu'en les
donnant, il avait la certitude de s'a dresser à une âme profondément
perverse. Louis XVI agréait de pareils conseils ; il les sollicitait, il
les payait, et souriait avec complaisance quand son conseiller lui
indiquait le moyen infaillible de se défaire de la maison d'Orléans. Il
ne s'agissait rien moins que d'une émeute factice qui aurait fourni
l'occasion de précipiter dans la Seine tous les membres de la branche
cadette des Bourbons ; on aurait égorgé ceux qui auraient échappé à la
noyade.
L'intrigue, pour arriver à ce
dénouement, était fort spirituellement
exposée dans cinq ou six mémoires qui ne se sont pas tous trouvés dans
l'armoire de fer, mais que j'ai vus dans les mains d'un nommé Baccon,
qui avait été au service du marquis en qualité de valet de chambre et
de secrétaire. Rivarol termine ainsi l'un de ses projets de conjuration
contre la famille d'Orléans : « Sans doute, Sire, Votre Majesté
s'étonnera de l'énormité des résultats que je lui promets, si elle les
compare à la modicité des sommes qu'il faudra dépenser pour les
obtenir ; mais que Votre Majesté daigne réfléchir que les pyramides
d'Egypte ont été construites avec des oignons ». Rivarol fait toutes
espèces de gentillesses et de plaisanteries pour charmer l'esprit du
bon roi, à qui il propose, sans façon, de faire égorger les citoyens
les uns par les autres.
C'est horrible de voir comme il se
joue dans le sang; il est plus
horrible encore de songer que l'honnête Louis fondait l'espoir d'un
règne paisible sur le meurtre de ses sujets. Louis, réputé
débonnaire! quel fourbe! c'était le tigre sous la peau du mouton.
Mais ce tigre était lâche et incapable d'aucune détermination. Aussi
Rivarol (1) ne le pressait-il pas trop d'agir par lui-même; il voulait
que toujours il se tint dans la coulisse et dirigeât les événements en
sournois. A cette fin, il l'en gageait à accaparer les poumons qui
dominaient les sections, tels que ceux de Danton et de quelques autres.
Avec de l'argent et des dîners, Rivarol espérait mener à bien cette
affaire. L'argent n'avait pas manqué : Laporte se plaint, et l'aveu est
précieux, de n'avoir retiré aucun fruit des millions qu'il avait
répandus dans les clubs, dans les sections, dans les tribunes,à
l'assemblée, sur les places publiques et parmi les écrivains. Cela
prouve en faveur de la nation.
L'armoire de fer était pleine de
révélations qui mettent à nu le
caractère de Louis XVI, et dévoilent les perfides menées de son
entourage. Entre les pièces qu'elle contenait, et qui ont été
inventoriées, car toutes ne l'ont pas été, se trouvait un mémoire du
lieutenant civil Talon, où l'on voit que cet homme était le négociateur
entre la cour et Mirabeau ; que Mirabeau avait conçu un vaste projet qui
tendait à imprimer à Paris, ainsi qu'aux provinces, un grand mouvement
favorable à la royauté. Talon était chargé de Paris, et Mirabeau des
provinces. La mort de ce dernier fit échouer ce dessein. Ainsi
s'expliquent ces paroles de Mirabeau sur son lit de mort : « J'emporte
avec moi le deuil de la monarchie ».
On lit dans les lettres de Laporte, le
proxénète en chef de Louis XVI,
le récit d'une conférence avec ce marquis de Luchet dont j'ai parlé au
commencement de cet écrit et qui était un des ouvriers dont Mirabeau
employait la plume. Cette conférence avait pour objet de fixer le prix
auquel l'orateur consentait à vendre son éloquence; et Luchet était
d'avis de tout accorder parce que Mirabeau était l'homme qu'il fallait
au Roi, le seul homme capable de combattre les deux Lameth et Barnave
qui lui ont succédé dans la faveur populaire, et dont il désignait le
triumvirat sous le nom de « trium-gueusat ». Quant à la
lettre de Louis XVI à Lafayette,elle charge ce général, « qui ne peut
suffire à tout », de se concerter avec Mirabeau pour le bien de
l'Etat et le service de sa personne royale.
La
corruption de Mirabeau est
aujourd'hui un fait dont il n'est plus
permis de douter : elle ressortait complètement du rapport que Rhul
(député du Bas Rhin et doyen de l'Assemblée) fit à la Convention
lorsqu'il fut question de décerner à l'orateur des honneurs qu'il ne
méritait pas. Rhul démontra assez bien l'alliance de Mirabeau avec les
contre-révolutionnaires; après la lecture de cette pièce importante, un
député, dont je ne me rappelle pas le nom, proposa de vouer le traître
à l'infamie, de briser sur-le-champ ses effigies qui se trouvaient
placées dans la salle, et d'exhumer ses cendres du Panthéon. C'était le
cri de la vertu indignée ; il y eut de l'écho dans l'Assemblée;
tout le monde appuya la proprosition. Manuel dit : « qu'avant
tout, il fallait être juste, et qu'on ne devait pas traiter les morts
avec plus de sévérité que les vivants » ; Mirabeau vivant eût été
mis en accusation, on aurait voulu l'entendre avant de le condamner.
Avant de flétrir sa mémoire, il
fallait donc procéder à une enquête par
l'organe d'un comité. Au moment, ajouta Manuel, où l'on juge un Roi
avec les formes de la loi, il ne faut pas condamner illégalement un
homme de génie, dont la mémoire ne doit pas être moins respectée que la
tête d'un Roi. Il était assez singulier que ceux qui naguère avaient
été les moins indulgents envers Mirabeau fussent les premiers à parler
en sa faveur; il ne l'était pas moins de voir quels hommes
s'acharnaient maintenant contre lui. La Convention voulait renvoyer
l'examen des pièces à un Comité d'instruction.
Camille Desmoulins, que la reconnaissance aurait dû
engager à se taire,
vint précipiter la condamnation en révélant un fait nouveau, et en
attestant « qu'il pouvait, d'après sa propre expérience, déposer de
la corruption de Mirabeau ». Il dénonça un plan de contre-révolution qu'il avait vu écrit de sa
main, et qui, disait-il, avait été communiqué à Pétion. Il n'y avait
rien de vrai dans cette dernière assertion : Pétion, j'en suis sûr,
n'avait jamais vu ce plan ; mais il croyait à son existence parce que
des personnes dignes de confiance, et auxquelles il avait été
communiqué, lui en avaient parlé autrefois. Cette découverte avait mis
le comble à son mépris pour Mirabeau ; aussi vint-il rappeler à la
Convention que, seul de l'Assemblée Constituante, il avait refusé
d'aller à ses funérailles et de porter son deuil. |
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Je veux à cette occasion révéler une anecdote qui appartient à
l'histoire, et qui confirme les justes préventions de Pétion contre
Mirabeau. Ce fut sur la motion de Robespierre que les honneurs du
Panthéon furent décernés à ce dernier. Pétion lui en fit reproche le
jour même, il lui en fit reproche en ma présence. « Je méprise, il
est vrai, Mirabeau, répondit le vertueux incorruptible, je le méprise,
je vous l'ai dit cent fois; mais les sections ont demandé cet honneur
pour lui, et j'ai dû être l'organe du peuple ».
Ce mot met à nu Robespierre
ainsi que la vertu de sa conscience
populaire. Le trait suivant achèvera de le peindre. Le jour même du
rapport de Rhul, les Jacobins brisèrent dans leur salle le buste de
Mirabeau, ce fut sur la motion de Robespierre que cette exécution eut
lieu, comme on l'avait auparavant porté au Panthéon sur sa demande.
Ainsi les démagogues encensent les idoles populaires pour plaire aux
adorateurs, et renversent ensuite ces idoles pour leur succéder. Au
reste, Robespierre a pu, sans crainte, chasser Mirabeau du Panthéon :
on n'usera jamais avec lui de représailles. (2)
Une autre anecdote que m'a racontée
Carra, peut faire connaître avec
quelle arrière-pensée Mirabeau était entré dans les affaires publiques.
« Je dînais un jour (je répète les propres paroles de Carra) en tiers
avec Mirabeau l'aîné ; c'était pendant le temps des élections des
Députés de Paris, en mai1789. J'espère, me dit Mirabeau, que vous serez
nommé à la députation, et que nous marcherons ensemble sur la ligne des
grands principes de la liberté. Trop heureux répondis-je, de pouvoir
être votre second dans la belle carrière que vous allez parcourir ; mais
je prévois, ajoutai-je sur le champ, que la Cour ne manquera pas, en
voyant le but où nous tendons, de chercher à nous corrompre l'un et
l'autre ; quant à moi, si l'on m'offrait de l'argent, je sais bien ce
que je ferais. - Et que feriez-vous, répliqua vivement
Mirabeau? - Je le prendrais. - Vous le prendriez! reprit-il
en me regardant fixement? - Oui, je le prendrais mais à l'instant même
je le porterais sur le bureau de l'Assemblée des Etats Généraux, et je
dirais à haute voix : voilà l'argent qu'on m'a donné pour me corrompre
et m’engager à trahir ma patrie ; c’est untel que me l’a remis… Je le
dénonce… Mirabeau m’interrompit et changea de conversation.
Depuis ce temps, j'ai toujours pensé que la plus belle gloire qu'un
mortel pût acquérir dans l'histoire des hommes et jusqu'à la postérité
la plus reculée, serait celle de suivre l'exemple dont je donnais
l'idée à Mirabeau. »
Après la mort de Mirabeau, Frochot
qui avait été son ami, voulant lui
faire une grande renommée de désintéressement, adressa à l'Assemblée
Législative une pétition, où il déclara qu'il n'avait pas laissé de
quoi subvenir aux frais de ses funérailles. C'était un point de
ressemblance entre le grand homme du jour et quelques grands hommes de
l'antiquité; mais un frère de Mirabeau s'empressa de répudier cette
fiction dont la réalité aurait été si honorable pour notre temps; voici
la lettre qu'il m'écrivit à ce sujet : « Veuillez bien, Monsieur,
recevoir ma réclamation contre la qualification d'insolvable, donnée à
M. de Mirabeau dans une pétition adressée au Corps-Législatif. Mon
frère laisse des dettes, et son mobilier sera peut-être insuffisant
pour les payer; mais tous les scellés ne sont pas encore levés, et
l'auteur de la pétition, M. Frochot, qui se dit l'ami de mon frère, et
qui est son exécuteur testamentaire, ne devrait pas ignorer que M.
Mirabeau a été doté dans son contrat de mariage, de plusieurs terres
existantes dans leur entier lors de sa mort, et d'une valeur bien
au-delà des dettes : on dirait, à entendre le pétitionnaire, qu'il ne
manquait plus à M. de Mirabeau pour être un grand homme, que d'être
insolvable. Je lui demanderai s'il aurait osé tenir ce langage à mon
frère vivant. M. Frochot aurait dû garder pour lui ses étranges idées
de morale, respecter d'avantage les devoirs de l'amitié, s'en tenir à
ses fonctions d'exécuteur testamentaire, et surtout se connaître assez
en procédés pour ne pas faire une démarche aussi importante, sans
l'aveu de la famille de M. de Mirabeau».
MIRABEAU DU
SAILLANT, rue du Mont-Parnasse,
hôtel d'Aragon. Le 25 octobre 1791
(*) Apocryphe : "dont l'authenticité n'est pas établie",
à
savoir qu'une bonne part des Mémoires de Brissot produites par son fils,
notamment les correspondances ne sont pas reconnues comme sincères ou
authentiques pour moitié d'entre-elles.
Notes de l'auteur
:
(1) Voici ce que l’on lit dans un billet
de Dufresne Saint-Léon, « Un
jour la reine allant à la messe, arracha un pistolet de la main d'un
courtisan et le présenta au roi. Voici le moment d'agir, lui dit-elle;
mais la bûche resta muette». (note de Brissot.)
(2) Pendant qu'on était en train de briser aux Jacobins, on brisa le
buste d'Helvétius. Plusieurs bonnes gens, en voyant rouler les débris
demandaient si c'était un membre de la faction de la Gironde. C'était
un philosophe cela revient au même.
Source : Mémoires de Brissot par son fils, tome IV, de la page 3 à 9,
chapitre I
annotés par M.F. De Montrol, publiées de 1830 à 1832 chez
le libraire l’Advocat et à l'imprimerie David,
4 bis bd
poissonnière. Disponible sur Google.com "Livre" au titre de la
collection d'Alphonse Aulard.
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Chronologie détaillée d'octobre à décembre
1792

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IX - Le mois
d’octobre 1792
1er octobre : En Champagne, l'armée Prussienne du duc de Brunswick se
retire de la région. La Convention met en place la commission des
« Vingt-Quatre », pour examiner les documents déposés au comité de
surveillance de la Commune lors de la journée du 10 août. Elle sera
supprimée en juillet 1793.
2 octobre : A la Convention, il est décidé que le comité de Surveillance existant depuis
juin 1791 devient le comité de Sûreté Générale, il est composé de 30
membres.
Cette commission prend en charge « tout ce qui est relatif aux
personnes
et à la police générale et intérieure », en particulier celle de Paris.
3 octobre : Le ministre de la guerre Joseph Servan est remplacé
provisoirement par M. Lebrun-Tondu. Aux Jacobins, le titre l’ancienne
société des Amis de la Constitution devient la « Société des Amis de la
Liberté et de l’Egalité» (attention la date du 3 octobre est imprécise
ou relative aux débats des Jacobins et la source due aux Œuvres de
Robespierre, tome IX). En charge de toutes les positions
ministérielles, est examiné ce jour aux jacobins les candidatures à la
Mairie de Paris, le vote étant le 9 pour le remplacement de Pétion. Le
député Bourdon après un appel à la candidature de Robespierre dit que
le citoyen : « Moras insiste pour qu'on choisisse un homme à qui
personne ne puisse refuser son suffrage, un homme connu de tous les
citoyens ; (…) pour un tel choix, il faudrait avoir au moins le
consentement de la personne sur qui il tomberait, et que pour lui, il
ne connaît aucune force humaine qui puisse lui faire consentir à
échanger la place de représentant du peuple contre toute autre, quelque
importante qu'elle pût paraître. »
5
octobre, En Allemagne, nouvelle victoire des troupes du général de
Custine à
Worms. (ci-contre - en peinture) A la Convention, le député
girondin Lajuanais reprend à son
compte la proposition du 24 septembre de François Buzot sur le projet
de constituer une garde pour protéger l’Assemblée nationale.
7 octobre : A Lille, devant la résistance de la ville, les Autrichiens
se retirent en Belgique. Dans la capitale aux Jacobins, il est question
des attaques autrichiennes après l’évacuation du camp Mauld survenue
après le 9 septembre dans le Nord à Château l’Abbaye avec le 3°
bataillon de la Côte d’Or et le 4° du Pas-de-Calais, provoquant la
mort de 24 soldats et du commandant.
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Général
Philippe de Custine
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Ce
même jour dans le Mercure Universel (tome XX,
pages 126 et 127), Robespierre
intervient et dit : « Il a péri
beaucoup de gardes nationaux avec Désavesnes (le commandant), il n'y a
plus, de privilèges pour les colonels, ni les capitaines; je demande
que leurs veuves soient également comprises dans le décret que vous
allez rendre : soldats et capitaines ont tous les mêmes droits à la
reconnaissance nationale. (…) Robespierre réclame aussi des
secours
pour les femmes et enfants des trois cents gardes nationaux qui ont péri
à la levée de ce camp ». Il sera accordé à la seule veuve Désavesnes
une
pension de 600 livres à la Convention le 10 décembre, malgré son
rapport au Comité de Législation sur ce partage équitable des honneurs. |
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Tableau de la
résistance de Lille
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8 octobre : A la Convention, le député de l’Eure Buzot présente son
rapport pour une garde nationale en protection de l’Assemblée au nom du
Comité militaire et est renvoyé à discussion. Robespierre interviendra
et répondra à ce sujet par la négative à la séance du 24 de ce mois et
désignant le ministre de l’intérieur : « Que dis-je? qui peut songer
aux circonstances qui ont accompagné et précédé le projet que je
combats, sans voir qu'il ne fait que préparer celui de morceler l'état
en républiques fédérées? Eh! que signifient donc ces déclamations
intarissables contre l'esprit qui anime les citoyens de Paris ; contre
tous les mandataires que cette ville a choisis? Que signifient ces
suppositions éternelles de complots, dont on prétend qu'elle est le
foyer ; ces dénonciations prodiguées à tous propos par un ministre »
(Roland).
9 octobre : Dominique Joseph Garat, journaliste et philosophe remplace
Danton au ministère de la Justice. La plume la plus bavarde de toute la
seconde révolution. A la Convention, il est
décrété que « Les émigrés pris les armes à la main seront livrés à
l'exécuteur dans les vingt-quatre heures et mis à mort ».
10 octobre : A Paris, aux Jacobins, Jacques Brissot est exclu du club
suite à ses absences répétées, et celui-ci demande à ses partisans de
partir par moyens interposés. L’ami de coeur de Madame Roland le député
de l’Eure, François Buzot reste membre. Les montagnards ou jacobins
des Cordeliers deviennent maîtres des débats. Collot-d’Herbois deux
jours après fait voter la parution de l’exclusion dans le journal des
débats de la société.
11 octobre : La Convention désigne sur demande de Pierre-Joseph Cambon,
député de l’Hérault, un comité de Constitution, formé de neuf membres :
Sieyès, Condorcet, Thomas Paine, Brissot, Pétion, Bertrand Barère,
Vergniaud et Gensonné. Ce jour, Dumouriez est présent à l’Assemblée
nationale et se rend aussi aux Jacobins pour embrasser Robespierre, et
se voit souhaiter la bienvenue par Danton. Marat de son côté va
commencer à porter des accusations contre sa personne et l’attaquera de
front le lendemain au sein de la « Société des Amis de la Liberté et de
l’Egalité ».
12 octobre : Aux Etats-Unis est fêté pour la première fois le « Colombus
Day » en hommage à Christophe Colomb découvrant l’Amérique 300 ans
auparavant. Ce jour est aussi célébré en Amérique Latine sous
domination coloniale espagnole comme celui de la « race ».
14 octobre : A Verdun, les Prussiens se retirent de la ville.
15 au 18 octobre : La Convention décrète la suppression de l’ordre
monarchiste et militaire de la croix de Saint-Louis. Le lendemain, le
député, plutôt méconnu de l'Yonne Pierre Bourbotte, siégeant du côté de
la Montagne demande que Louis XVI soit condamné à la peine de mort,
sans aucune forme de procès. Le 18, Elie Guadet devient le Président de
l’Assemblée à la place de Jérôme Pétion. Son successeur sera Hérault de
Seychelles, le 2 novembre. Au sein du Conseil exécutif, c’est l’arrivée
de Jean-Nicolas Pache au ministère de la guerre, désigné par la Convention par 441 voix sur 560 votants, mettant fin à l’intérim
de Lebrun-Tondu. Jean-Nicolas Pache personnalité montante était membre du
cabinet et fonctionnaire du ministre de l’intérieur de mars à juin. Il
avait été sollicité en août pour rejoindre le nouveau Conseil comme
ministre de la marine et avait refusé, et conseillé Gaspard Monge à sa
place. Proche un temps des girondins, il se rapprochera de la
mouvance hébertiste en 1793.
19 octobre : A Paris, les travaux de protection de la ville sont
arrêtés. Au club des Jacobins est constitué un comité auxiliaire de
constitution chargé de surveiller l’élaboration de la nouvelle
constitution avec Robespierre, Danton, Billaud-Varenne,
Collot-d’Herbois, Couthon et Chabot.
21 octobre : Allemagne, à Mayence, les troupes françaises du général de
Custine s’emparent de la ville.
22 octobre : A Longwy, les Prussiens s’en vont. A l'Assemblée, il est
demandé le rattachement de la Savoie et de Nice à la France. A
Chambéry, les Savoyards « en assemblée nationale des Allobroges»
demandent le rattachement du duché à la France. Depuis Valenciennes, la
première lettre du général Dumouriez au ministre de la guerre Nicolas
Pache sur la situation des armées, où il est en « conférence avec
le
général la Bourdonnaye ». (source Archives.org - Correspondance du
Général Dumourier avec le ministre de la guerre, pendant la
campagne de
Belgique en 1792, paru en 1793, chez le Libraire Denné, au n° 93 et 94
Palais de l’Egalité à Paris).
23 octobre : En Allemagne, c'est l'entrée des troupes françaises du
général de Custine à Francfort.
24 octobre : Valenciennes,
deuxième lettre de Dumouriez à Pache, il
stipule que « Les Autrichiens ont abandonné les postes qu’ils avaient
sur le territoire français. (…) J'espère que mes ordres
seront
exécutés avec précision; s'ils ne l’étaient pas, j'aurais lieu de
croire que le pouvoir exécutif n'aurait pas expliqué correctement
aux généraux en chef d'armée, qu'étant responsable de cette
guerre, je dois être obéi par eux, sans qu'ils puissent mettre
leurs combinaisons ou leur amour propre en opposition avec mes
plans. (…) Je vous prie de donnée des ordres très positifs,
afin que
je ne me trouve pas dans le même embarras qui a pensé faire
échouer ma campagne des Ardennes. En voilà assez sur cet article,
dont je ne vous parle que par pure précaution. Comme nous aurons
le 28, 75.000 hommes sur le terrain ennemi, et hors de France, il
faut penser sérieusement à les payer en numéraire. Il faut compter pour
cela environ trois millions par mois, à commencer du 28 octobre ».
Le général rajoute que 20.000 soldats supplémentaires doivent arriver
et qu’il faut compter sur 4 millions en tout pour les besoins
financiers de ses effectifs par mois. Ce même jour sont émis 400
millions d'assignats.
Buste de
Dumouriez par Houdon
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25 octobre : A Paris, Danton est soupçonné d’avoir détourné 200.000
livres, il se trouve sur le gril au sujet de ses comptes ministériels,
qu'il n'a pu ou surtout voulu fournir un état de ses dépenses. Il se
voit couvert ou soutenu par les ministres Clavière, Monge et Lebrun.
Valenciennes, quatrième lettre à Pache de Dumouriez sur le point
d’entrer en Belgique avec 60.000 hommes et avec « une armée
manquant de
tout. (…) J'ai une dernière observation à vous faire à
l'égard de ce
marché, et vous voudrez bien la soumettre au citoyen Roland, ministre
de l'intérieur, avec lequel j'en ai raisonné plusieurs fois ; c'est que
tout marché qui nous fait venir des grains de l'étranger, fut-il même
cher, nous est avantageux, parce qu'il arrête les accaparements qu'on
doit craindre de la part d'une compagnie de régisseurs chargés de
l'approvisionnement de toutes les armées ; c'est qu'il laisse dans le
royaume tous les grains nécessaire pour la nourriture des habitants ;
c'est qu'en coupant une branche du monopole des grains, il empêche
l'inquiétude des départements et l'interception d'un département à
l'autre, ou l'une ville à l'autre. C'est d'après ces principes que j'ai
promis au citoyen Roland que, dès que je serai entré dans la Belgique,
je tâcherai de faire rompre tous les marchés des Régisseurs, pour ne
plus rien extraire du territoire de la France, pour vivre sur la
Belgique même, pour la partie d'armée qui y sera. Tels sont les points
dont nous sommes convenus le citoyen Roland et moi, et vous sentirez
que le marché très utile, très urgent des citoyens Paulet et Fabre
rentre dans les mêmes vues, puisqu'au lieu de faire une consommation
des grains du pays, il nous fait entrer des grains de l'extérieur ».
26 octobre : Depuis Valenciennes, il est publié par Dumouriez un
Manifeste aux peuples de la Belgique. Débutant par « Brave Nation
Belge
! ». De son côté, présent aussi à Valenciennes, le général Miranda envoie un courrier au citoyen Pétion, membre de la Convention, il lui précise de prendre son temps, pour la lire d'une traite :
« Mon
cher et digne ami, Vous serez peut-être étonné de n'avoir pas reçu de
mes nouvelles depuis que j'eus le plaisir de vous écrire par notre
mutuel ami le Général en Chef M. Dumouriez — le cas est que ma santé
en a été un peu dérangé, (…) assez rétabli pour prendre le
commandement de la 2ème division de l'armée que le Général en Chef a
voulu bien me confier. — Enfin voilà notre avant-garde qui est entré
sur le territoire ennemi avec succès ; et le reste de l'armée qui
entrera après demain... nos Plans pour chasser les ennemis, et envahir
les Pays-Bas Autrichiens. (…) Je
vous recommande une chose de ma part, sage Législateur, et ces sont les
femmes... pourquoi dans un gouvernement Démocratique la moitié des
individus ne sont-ils pas directe ou indirectement représentés ; tandis
qu'elles sont également assujettie à la même sévérité des Lois que les
hommes ont fait à leurs volonté? pourquoi au moins ne sont elles pas
consultées sur les Lois qui les conservent (concernent) plus
directement, comme sont celles du mariage, du divorce, éducation des
filles etc? Je vous avoue, que toutes ces choses là me paraissent des
usurpations criantes, et très dignes d'être prises en considération par
nos sages Législateurs… Si j'avais ici mes papiers je trouverais
quelques observations que j'y ai fait sur le même sujet en parlant avec
quelques Législateurs d'Amérique et de l'Europe, qui ne m'ont jamais
donné aucune raison satisfaisante, et la plus grande partie sont
convenu de l'injustice, etc. — Enfin, mon cher ami, ne soyez pas si
silencieux, dîtes un mot de temps en temps, ça réjouit infiniment ma
pure amitié ... et ces sont des sensations bien douces. Mes compliments
respectueux à Madame Pétion, au Petit, et tous nos amis.— Je vous
embrasse et suis avec un attachement inviolable, "Le votre, Miranda". »
(Archivo del General Miranda, appendice aux lettres,
pages 453 à 456, tome 14, éd. Sur Americana - Caracas 1933)
27 octobre : Les armées du général Dumouriez entrent en Belgique
et marchent sur Mons (à l’époque les Pays-Bas Autrichiens en carte ci-dessus, source : Portail de la Wallonie.be).
28 octobre : Depuis Paris, le ministre de la guerre, sa deuxième lettre
à Dumouriez : « En vous faisant part, général, de ce que j'avais
appris
des démarches du baron de Senfft fit des projets des Prussiens pour
hiverner dans le pays de
Liège, j'ai dû vous communiquer mes idées pour empêcher l'exécution
d'un, dessein que je croyais intéresser votre gloire et celle de la
république. J’ai rempli mon devoir comme ministre ; et je suis content.
C'est sans doute à vous, général, à qui la conception, la gloire et la
responsabilité du, plan que vous suivez appartiennent, à en diriger
l'exécution ; et on ne peut être moins disposé que je le suis, à
substituer mes vues sur les opérations militaires à celles du général
qui en est chargé. Compté que j'emploierai tous les moyens qui sont en
mon pouvoir, pour que votre armée n'éprouve aucun besoin. Je vous prie
seulement d'exiger des officiers de votre état-major et de vos
commissaires des guerres, un esprit de prévoyance qui les empêche de
remettre, les demandes à l'époque même où le besoin se fera sentir » ; signé par Pache. Aux Jacobins, Robespierre dit
l’aîné (son frère dit le
« le jeune » est élu d’Arras), il fait une longue intervention
« sur
l’influence de la calomnie ».
Une
journée parlementaire pas comme les autres !

Statue à l'intérieur du Panthéon dédiée à la
Convention
29 octobre : A la Convention, après la
présentation des dons envoyés à la chambre, vient à la barre
pour la commune de Montréal (environ 3.400 habitants), Louis
Maribon de Montaut, député du Gers. Il déclare être chargé « de
déposer sur le bureau de la Convention nationale, son adhésion la plus
formelle au décret qui abolit la royauté ; elle s'exprime ainsi :
Le
peuple souverain, indigné de la perfidie de Louis Capet, a désiré
l'abolition de la royauté ; vous l'avez prononcée, vous avez rempli
votre devoir.
Je ne puis passer sous silence une circonstance qui me
paraît remarquable, et qui peut-être sera digne de mériter votre
approbation : les citoyennes de ce petit village, accourues pour
entendre lire l'adresse qu'on vous envoyait, ont demandé d'être admises
à la signer, et elles vous disent avec l'enthousiasme du patriotisme,
qu'ayant vu partir d'un œil sec leurs époux, leurs enfants et leurs
frères pour l'armée, lors même qu'il y avait un roi parjure à la tête
de nos forces ; jugez, disent-elles, de notre contentement, lorsque nous
avons appris que ce que nous avons de plus cher, va désormais combattre
pour le bonheur de la République, car nous aussi nous étions
républicaines avant le 10 août.
La même commune a pris un arrêté en
conseil général, pour vous inviter de vous occuper le plus promptement
possible de l'instruction publique. Ces citoyens patriotes pensent que
l'instruction du peuple est la première sauvegarde des lois, et le seul
moyen qu'il y ait pour anéantir les tyrans.
La commune de la Graulet,
même district et même département, vous dit à peu près les mêmes
choses. »
Le Président de l’Assemblée Guadet demande « que la
Convention
nationale, satisfaite du zèle et du patriotisme des citoyennes de
Montréal, en décrète la mention honorable.
Je pourrais même ajouter
que ce petit village, quoique très peu fortuné, a fourni, lors de la
formation des bataillons de volontaires gardes nationaux, une compagnie
complète. On doit tout cela à l'énergie des citoyens patriotes et à la
pusillanimité des gentillâtres de ces contrées qui ont tous émigré ».
Puis
arrive Jean-Marie Roland, il fait une brève intervention précisant
qu’il ne peut se faire entendre et remet un rapport au secrétaire de
séance à Jean-Denis Lajuinais (député d’Ile et Vilaine) pour lecture.
Il est question du Département et de la Commune de Paris, il dresse un
état des difficultés et mentionne que le département fait bien son
travail. Mais il se voit limiter dans son action par la commune et liste un
état criminel des choses prouvant le manque de respects des lois et une
grande désorganisation de la municipalité. Le tout s’interférant avec
les sections, il demande la stricte application de la légalité et d’être
informé des questions concernant les affaires criminelles. « J'avais
dénoncé les meurtres prolongés des premiers jours de septembre et
l'inutilité de mes réquisitions pour en arrêter le cours. Il n'est, pas
douteux cependant qu'un grand nombre de bons citoyens aurait contribué
avec zèle à la répression de ces excès : pourquoi donc se sont-ils
commis sans obstacles? C'est ce que peuvent seules expliquer la
désorganisation delà force publique, le défaut de volonté de ceux qui
devaient l'employer, la terreur imprimée par l'audace du petit nombre,
et l'inaction des autorités. Eh bien! cette erreur n'est plus sans
doute; l'organisation de la garde nationale doit être faite; mais le
défaut de volonté de ceux qui peuvent la requérir ou la commander,
n'existe-t-il pas encore? car le service public se fait mal, malgré mes
plaintes éternelles et mes réquisitions répétées ».
Le ministre de
l’Intérieur fait était état en autres de l’affaire du garde de meuble
et de plusieurs histoires criminelles touchant à la protection des
biens nationaux ou de particuliers dans la capitale ou la région île de
France, en clair une bonne part de ses attributions lui échappe et la
situation criminelle est plus que confuse. La missive lue se termine
par « Département sage mais peu puissant; commune active et despote ;
peuple excellent, mais dont une partie saine est intimidée ou
contrainte, tandis que l'autre est travaillée par les flatteurs et
enflammée par la calomnie; confusion des pouvoirs, abus et mépris des
autorités ; force publique faible ou nulle, par un mauvais commandement:
voilà Paris.
Plusieurs membres : Très bien, très bien, nous demandons
une seconde lecture de cette phrase ».
Le secrétaire de l’Assemblée.
Lanjuinais, donne une seconde lecture de la phrase. La lecture du rapport continue, certaines pièces sont produites, et une voix dans
l’assemblée se lève pour dire : « On empoisonne les sociétés populaires
d'écrits incendiaires, je demande l'impression du mémoire du ministre
Roland et je demande qu'il soit envoyé à tous les départements, à
toutes les communes et surtout à toutes les sociétés populaires, car il
importe au salut public qu'aucun français ne reste dans l'erreur ».
A
ce moment Maximilien Robespierre « demande à parler contre l'impression
de ce rapport ».
Plusieurs députés refusent de l’entendre et ils
insistent sur l'impression du document. Le député de l'Eure-et-Loir, Jean-François Delacroix « observe
que l'on ne peut décréter une proposition avant d'avoir entendu celui
qui veut la combattre ». Plusieurs interruptions suivent de
rapides
interventions de Robespierre, les députés François Rebecqui des Bouches
du Rhône et Charles Barbaroux de Marseille lancent des mots
d’accusations, et Louvet lui s’élance à la tribune et l’accuse à son
tour. Les débats sont à vif, et ce n’est que le début.
Robespierre reprend à nouveau la parole et il conclut par : « Je
demande
qu'elle veuille bien, après avoir ordonné, si elle le veut,
l'impression du mémoire du ministre, mais non pas l'envoi officiel aux
83 départements, fixer un jour où il soit permis de discuter ce
rapport; car cette discussion franche doit dissiper bien des
préventions, bien des erreurs, étouffer des haines funestes; et
puisqu'un membre s'est présenté pour m'accuser, je demande qu'il soit
entendu, mais qu'on m'entende à mon tour.
Un grand nombre de membres :
C'est juste ! ».
Le débat sur cette question est finalement ajourné
et le
rapport renvoyé sur le champ au Comité de sûreté. A souligner les
propos de Danton sur Marat le présentant comme un être « acariâtre et
asocial ». Maintenant vient à son tour le député Louvet (et journaliste
rédacteur de la Sentinelle), il se verra interrompu par Danton
et utilisera la faille comme figure de style, pour s’en étonner et
proférer des lourdes accusations contre Robespierre et ne nommant Marat
sans le nommer ou presque. (Archives Parlementaires, tome 52,
l’intervention in extenso de Louvet est en tome 53, de la page 170 à
190)
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30
octobre : Depuis Paris, le ministre Pache (en portrait ci-contre)
rédige sa cinquième lettre
au général Dumouriez : « et prend vif
intérêt au succès de l’expédition
que vous commencez » (…) « Je fais chercher des plans de
Namur et de Huy
et je les enverrai à Valence selon vos désirs. Je confèrerai demain
avec le colonel Saint George pour vous envoyer promptement le corps
qu’il commande. Je donne aux troupes que vous me demander. (…) Le
ministre des Affaires étrangères m’apprend que l’avant-garde du général
Clairfait est arrivée à Namur le 28, et qu’on y attend encore 12.000
hommes ». |
XI - Le mois de novembre 1792
Jeudi 1er novembre : La Convention décrète la mise à la disposition de
la nation des biens des émigrés.
2 novembre : Allemagne, depuis le quartier général de Mayence, le
Général de Custine s’adresse par courrier au ministre de la guerre « Que
faut-il faire aujourd'hui? il faut, dis-je, que cette armée (de la
Moselle) marche vers Trêves. Avec les renforts qui m'auront été
envoyés, j'attaquerai Rhinfeldt. Après cette prise, remontant vers
Coblence, en même temps que l'armée qui sera à Trêves, et que le corps
qu'elle aura fait marcher pour attaquer Traerbach, réglant ses
mouvements sur ceux de l'ennemi, nos armées combinées attaqueront
Ermansthein : elles seront à portée de se combiner pour cette attaque.
Pendant ce temps-là, le général Dumouriez tiendra, vers Namur, les
Autrichiens en échec. C’est en suivant la Meuse qu’il faut qu’il les
attaquer ». A la Convention il est voté une loi punissant les émigrés
rentrant en France et s'étend à ceux qui rentreraient dans les colonies.
3 novembre : Belgique : Le général Dumouriez est en manque de fourrage
pour les besoins de l’armée et écrit au ministre à ce sujet une
neuvième lettre. Le Conseil exécutif provisoire en séance « délibérant
sur les règles à prescrire aux généraux des armées de la république
française, relativement aux communications qu'ils sont dans le cas
d'avoir avec les généraux et autres agent des puissances ennemies.
Arrête que les généraux et chefs militaires ne pourront avoir avec les
généraux ou autres agents desdites puissances, aucun pourparlers,
écouter aucunes propositions, entamer ou suivre aucunes négociations
relatives aux intérêts politiques; et qu'en conséquence, il leur sera
prescrit par le ministre de la guerre de n'avoir d'autres
communications avec les ennemis, que celles qui sont nécessitées pour
les capitulations des places, cartels, échanges de prisonniers; et
autres détails purement militaires qu'il est d'usage de traiter à
l'amiable entre deux armées ennemies, suivant les règles du droit de la
guerre ». Courrier signé par Grouvelle comme Secrétaire et Pache, le
ministre.
4 et 5 novembre : A la Convention, une délégation de citoyens Niçois
demande le rattachement de leur comté à la France. L’un des
représentants est Jean Dominique Blanqui député extraordinaire de la
ville et comté de Nice, et père de Louis Auguste. Il déclare à la barre
: « Législateurs, depuis sa génération à la liberté, le peuple de
Nice
avait manifesté le désir d'envoyer auprès de vous des citoyens, pour
vous exprimer des sentiments qui sont gravés dans son cœur; mais des
raisons, aussi hautes qu'inconnues, en ont sans cesse retardé
l'accomplissement ». (…) « Un avenir plus heureux nous attend
; notre
confiance et votre générosité nous en sont un sûr garant. Prononcez
cette réunion désirée; dites que nous serons portion de cette heureuse
contrée que nous adoptons pour nouvelle patrie, et nous bénirons à
jamais la générosité du peuple Français. (Vifs applaudissements). A
son
tour,
« le citoyen Veillon s'exprime ainsi :
Les sentiments des
citoyens de Nice sont encore mieux gravés dans leurs cœurs qu'ils ne
sont exprimés dans leur adresse que je vous présente ». L’adresse,
c’est-à-dire un document manuscrit remis au Président de séance et
lu par lui aux députés.
Le 5, à la chambre des députés, sous la
présidence de Hérault de
Seychelles, Robespierre répond aux accusations de Louvet du 29 octobre,
il s’exclame dans son intervention : Citoyens, vouliez-vous une
révolution sans révolution? (page 161) après avoir fait état de sa rencontre avec Marat en janvier 1792 et de ses liens avec celui-ci.
Il reprend les différents points exposés par Louvet et récuse en partie
les accusations. Les débats sont moins tumultueux, mais tout aussi vifs
que le 29 octobre et ce jour marque un point de rupture entre
Robespierre et Pétion, qui dans un discours prend le parti de Louvet,
ainsi que Jean-Baptiste Birotteau élu des Pyrénées-Orientales. Cette
mise en doute est partagée par ceux que l’on désigne comme girondins,
Barbaroux représentant de Marseille un des plus vindicatifs est
l’esprit agité de la journée, tout en étant secrétaire de la séance. Il
est aussi demandé la mise en accusation de Marat, la question est
renvoyée au Comité de sûreté. (Archives
Parlementaires, tome
53 : début de séance à la page 151, intervention de Robespierre de la page
158 à la page 165, à partir de la page 191 pour Birotteau et page 193,
celle de Pétion).
6 novembre : Pays-Bas autrichiens (approximativement la Belgique), à Jemmapes (dessin illustrant les combats ci-dessus)
les troupes du général Dumouriez remportent
la victoire contre l’armée du
duc autrichien de Saxe-Teschen. Le champ de bataille laisse 6 000
morts, dont 2.000 Français et 4.000 hommes des troupes autrichiennes. A
la Convention, au nom de la commission des Vingt-quatre, le député
Valazé donne lecture du rapport « sur les crimes du ci-devant roi,
dont
les preuves ont été trouvées dans les papiers recueillis par le comité
de surveillance de la commune de Paris ». Ce même jour, il est
décrété l’impression de 40 millions d’assignats en petite coupure de 20
sols.
7 novembre ; En Belgique, à Mons, c’est l’entrée des troupes
françaises. A la Convention, le député de la Haute Garonne,
Jean-Baptiste Mailhe présente au nom du comité de législation un
rapport sur la mise en accusation de Louis XVI. « Louis peut être
jugé,
qu'il le sera par la Convention, que des commissaires pris dans son
sein feront un rapport énonciatif des délits dont Louis XVI sera
prévenu, que cet acte sera imprimé et que les originaux des pièces à
charge lui seront communiqués et que la Convention fixera le jour où
Louis paraîtra devant elle ; que Louis XVI présentera, par lui ou par
ses conseils, sa défense écrite ou verbale ; enfin que le jugement sera
porté par appel nominal »
(…)
« Vous aurez aussi à balancer les
destinées du fils de Louis avec l'intérêt de la République ».
(source :
Biographies des parlementaires de l’Assemblée Nationale)
8 novembre : A la Convention, il est décidé l’envoi de nouveaux
commissaires aux îles des Amériques, à l'exception de la colonie de
Saint-Domingue. Colonies, à l’article 1er et suivant donne lieu à une
accusation contre plusieurs officiers commandant dans les colonies, et
à des mesures d'ordre et de police pour y rétablir la tranquillité.
9 novembre : Le général Montesquiou est destitué et mis en accusation
pour avoir traité sans autorisation avec la république de Genève.
10 novembre : Belgique, le dixième courrier de Dumouriez à son ministre
de tutelle affirmant son refus de combattre au-delà des frontières
naturelles de la France : « Je suis très opposé à toute guerre
offensive et extérieure, surtout à toute guerre qui nous porte au-delà
de nos limites naturelles, c'est-à-dire du côté du midi, les Pyrénées
et les Alpes, du côté de l'est et du nord-est du Rhin. Je serais même
opposé à l'invasion des Pays-Bas, si je ne voyais pas dans la liberté
de nos voisins une barrière plus solide que celle des places fortes, et
beaucoup moins dispendieuse; qui ajoute en faveur de la guerre Belgique
au motif de notre intérêt personnel, à celui dés progrès de la
philosophie et de la raison. »
11 novembre : Belgique, le général français la Bourdonnaye et ses
troupes entrent dans la ville de Gand.
13 novembre : En Belgique (ou Pays-bas Autrichien) se déroule la
bataille d’Anderletch entre la France avec 35.000 volontaires et
l’Autriche, relevant 400 morts et se faisant prendre des centaines de
prisonniers. A la Convention, les débats sur le procès de Louis XVI
sont
ouverts. Antoine de Saint-Just déclare : « Pour moi, je ne vois point de milieu,
cet homme doit régner ou mourir ». Aux Jacobins, l'on présente à l'examen de ses
membres : « l’inviolabilité du roi ».
illustration
de l'entrée des troupes françaises à Bruxelles
14 novembre : A la Convention, il est décidé
l’embarquement de troupes pour les colonies. MM. Sonthonax, Poverel et Ailhaud « Les commissaires nationaux civils envoyés à Saint-Domingue (...) écrivent et préviennent depuis Port au Prince, (...) que la volonté nationale est méconnue dans cette colonie, & que les esprits y sont tous dévoués au roi. Une insurrection a éclaté dans la ville de Saint-Marc, & les auteurs sont parvenus à s'échapper. » Ce courrier parviendra le 11 janvier prochain à l'Assemblée. En Belgique, entrée triophale des armées du général Dumouriez à
Bruxelles et débandade autrichienne.
15 novembre : A l'Assemblée Henri Grégoire est élu président de
l’Assemblée. Il demande à nouveau la mise en jugement du roi, tout en
se
prononçant contre la peine de mort. Le ministre Pache demande dans un
courrier un état sous 8 jours de l’armée en Belgique au général
Dumouriez.
16 novembre : Depuis Paris, le ministre Pache adresse ses félicitations
à Dumouriez pour avoir tenu parole et d’être dans les temps prévus. « La
liberté des Belges sera due à vos talents et à votre courage »
(14ème
lettre).
18 novembre : Le serrurier Gamain révèle au ministre de l'Intérieur
l’existence de l'armoire de fer de Louis XVI dans une suite des
Tuileries. A la Convention, il est annoncé que l'on accordera fraternité
et secours à tous les peuples qui veulent recouvrer leur liberté.
19 novembre : Devant l'Assemblée, Jean-Paul Marat déclare : « Je ne croirai à la République, que lorsque la tête
de Louis XVI ne sera plus sur ses épaules ». A Saint-Domingue, le commissaire L.F. Sonthonax adresse un courrier à la Convention (qui sera lu le 19 janvier 1793). Délégué aux îles Sous-le-Vent,
il résume les événements qui se sont passés dans la colonie et demande
des secours pécuniaires pour venir en aide aux habitants :
« La guerre contre les
esclaves révoltés a été commencée avec succès par Rochambeau ; un poste
essentiel, d'où dépend la communication avec les Espagnols, a été pris
le 7, et j'espère que nous pourrons avoir de bonnes nouvelles à vous
annoncer. La commission intermédiaire ayant pris plusieurs arrêtés
urgents, je l'ai autorisée à les faire exécuter sur ma seule
approbation. Douze prisonniers venus d'Ouanaminthe (commune proche de la frontière espagnole), ont
été massacrés à vingt pas de ma porte ; le même jour une troupe de
gardes nationaux réunis pour firûler un drapeau et un pompon blanc, a
souillé cette fête par des excès coupables. Ces faits m'ont déterminé à
faire une proclamation. Elle a d'abord excité quelques murmures, mais
après quelques jours de reflexions, la société patriotique est venue
rendre hommage à mes principes. Vous y verrez que j'ai renvoyé à la
commission intermédiaire six des fonctionnaires proscrits par la
commission du Cap et qui ont perdu la confiance publique. Il s'est
passé dans l'Ouest quelques événements dont mes collègues vous feront
part. L'état des finances de la colonie devient de plus en plus
déplorable. Un autre objet essentiel est d'assurer à Saint-Domingue
l'assurance du crédit qui lui a été ouvert sur les Etats-Unis ; toutes
les traites de Philadelphie reviennent protestées depuis quelque temps. »
(Le Cap,19 novembre 1792 - Arch. Parl. tome LIX)
20 et 21 novembre : La Convention prend connaissance de l’armoire de
fer par le ministre de l'intérieur, M. Roland (caricature
ci-contre) :
« Elles sont enfin trouvées ces preuves (...) Il ne
s’agit plus seulement de soupçons ni de défiance : des pièces écrites,
arrachées de ces archives du crime, vont enfin apprendre à l’univers
entier ce qu’il devait penser de ces réclamations affectées de la
Constitution et des lois ; de ces serments si complaisamment répétés ;
de ces témoignages hypocrites d'affection pour le Peuple, à l’abri
desquels on soudoyait des assassins, on payait des pamphlets, on
décriait les assignats, on subornait des régiments, on dispersait nos
armées, on ouvrait nos frontières, on préparait enfin le ravage de nos
propriétés, le massacre de nos familles, la ruine de la liberté et des
espérances de l’humanité entière. » Il est désigné une commission de 12 membres pour lister
les pièces de son contenu. Après une intervention du député François
Buzot contre les provocations au meurtre, plus une proposition de loi,
Michel Lepeletier de Saint-Fargeau fait un discours sur le même sujet et
la liberté de la presse, dont il fait l'historique depuis 1789. Les
propositions de Buzot sont rejetées par la chambre législative. Le
lendemain, il est décidé une nouvelle
émission de six millions d'assignats.
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22 novembre : En Beauce, la
taxation des grains provoque une forte
agitation. Le mouvement de contestation se propagera dans la région. A
la Convention, il est procèdé à la nomination de 4 nouveaux commissaires pour les « îles
du Vent » (Petites Antilles). Le résultat du scrutin désigne quatre
commissaires, qui sont les citoyens Chrétien, de Périgueux ;
Coroller, ex-constituant ; Jeannet et Antonelle, ex-législateurs.
23 novembre : Décret de la Convention nationale, sur la Formation des bataillons de
gardes nationales destinés à l'augmentation des forces employées dans
les îles du Vent. (Source : Archive.org)
24 novembre : Le député Couthon, dans une lettre à ses
compatriotes, fait état d’un charivari organisé à Londres, et en
fait une satire : « Cinquante à
soixante mille patriotes anglais ayant couvert un âne de tous les
attributs de la royauté, manteau, sceptre, couronne, etc., etc.,
promenèrent le baudet ainsi arnaché dans toutes les rues de Londres :
ils le conduisirent ensuite sur les bords de la Tamise ; et là, après
l’avoir décapité, ils jetèrent le tout dans la rivière, en disant
hautement que c’était ainsi qu’il fallait traiter les rois. Le
Gouvernement n’a rien osé dire, et le Roi et sa famille, effrayés de ce
préliminaire, partirent secrètement pour Windsor » (Source
: F. Mège, Correspondance inédite de G. Couthon, député du Puy-de-Dôme
à la Législative et à la Convention nationale (1791-1794), Paris, 1892,
p. 269)
27 novembre : A la Convention, la Savoie annexée devient le quatre-vingt-quatrième département, sous le nom de département du
Mont-Blanc. Le département compte 7 districts et de nombreux cantons.
28 novembre : Belgique, les armées françaises entrent dans Liège. A
Tours, il éclate une révolte de la population locale touchant au blé.
29 novembre : A l'Assemblée, une députation du Conseil général de la
Commune de Paris est admise et présente un pétition sur les
subsistances. A ce sujet, Antoine de Saint-Just intervient sur la
question et les raisons de leur accaparement et conscient de la pmisère
des plus humbles : « Je ne suis point de l'avis du Comité, je n'aime point les lois violentes sur le commerce. (...) Il est dans la nature des choses que nos affaires
économiques se brouillent de plus en plus, jusqu’à ce que la république
établie embrasse tous les rapports, tous les intérêts, tous les droits,
tous les devoirs, et donne une allure commune à toutes les parties de
l’État. Un peuple qui n’est pas heureux n’a point de patrie ; il n’aime rien ;
et, si vous voulez fonder une république, vous devez vous occuper de
tirer le peuple d’un état d’incertitude et de misère qui le corrompt.
Si vous voulez une république, faites en sorte que le peuple ait le
courage d’être vertueux : on n’a point de vertus politiques sans
orgueil ; on n’a point d’orgueil dans la détresse. En vain
demandez-vous de l’ordre ; c’est à vous de le produire par le génie des
bonnes lois. » (Source : Archive.org, Opinion du citoyen Saint-Just, sur les subsistances : imprimée par ordre de la Convention nationale, pages 1 et 3)
30 novembre : Belgique, c’est l’entrée des troupes françaises à Anvers.
A Paris aux Jacobins, François Buzot après un rapport sur des troubles
en Eure-et-Loire, en raison du prix des subsistances et une disette,
demande à envoyer des commissaires. Robespierre dit que ses propos
méritent attention, expliquant que ce n’est pas à la Convention de
s’exposer à la colère populaire, pouvant s'avérer dangereuses pour les
envoyés. La
Convention ordonne le dépôt et l'impression de tous les discours
relatifs au procès de Louis XVI. A la Convention il est décrété en huit
articles sur la suppression du tribunal extraordinaire criminel du 17 août,
et la mesure sera effective dès le lendemain.
XII – le mois de décembre 1792
Samedi 1er
décembre : Le roi d'Angleterre
Georges III, par deux proclamations, ordonne de mettre la milice sur
pied, et il convoque le Parlement pour le 16 décembre et sont mis en
cause les écrits de Thomas Paine. A la Convention, il est décrété la
peine de mort contre
qui proposerait de rétablir la royauté en France, ou tout autre pouvoir
attentatoire à la souveraineté du peuple. Dans la capitale Jacques Roux
s'exprime sur la fin du roi et les accaparements devant la section de
l'Observatoire (Section du député Louvet en 1791). Lire le dernier
texte sur cette même page.
2 décembre : En Belgique c’est la reddition de la ville de Namur par
les troupes de Dumouriez et s’engage à arrêter l’offensive. En
Allemagne, l’armée française du général de Custine est chassée de
Francfort par les troupes prussiennes de Brunswick. A Paris, en
remplacement de Jérôme Pétion est élu le troisième maire de la
capitale, Nicolas Chambon de Monteaux, médecin de la Salpêtrière et
auteur de traités médicaux. Il fera un mandat très court jusqu’en
février 1793. Dans le renouvellement des élus, l’on remarque l’élection
de nombreux hébertistes et également Hébert, tout comme Chaumette et le
curé radical Jacques Roux. Aux Jacobins, une nouvelle intervention de
Robespierre sur les subsistances se trouve en contradiction avec la
position de Saint-Just exposée avant lui.
3 au 7 décembre : A la Convention, au sujet du procès
de Louis XVI, Robespierre se prononce pour la mort du roi. Le 4 à la
chambre se présente une délégation Belge, elle vient réclamer
l’indépendance. Il est décrété, la peine de mort contre ceux qui
proposeraient de rétablir la royauté en France. Le 5, à l’Assemblée
suite à l’examen des pièces contenues dans l’armoire de fer, Talleyrand
est mis en accusation, il est en Angleterre avec des papiers fournis
par l’ancien ministre de la justice Danton. Il ne reviendra pas avant
la fin de l'année 1796, après deux ans de séjour aux Etats-Unis. Depuis la salle des jacobins Robespierre fait enlever le buste de Helvétius et déclare : « Helvétius doit tomber, Helvétius était un intrigant, un misérable bel esprit, un être immoral, un des plus cruels persécuteurs de ce bon Jean-Jacques Rousseau. Si Helvétius vivait encore, nous le verrons avec son bel esprit et sa sublime philosophie grossir la masse des intrigants. » Jour suivant, le 6 au Parlement, le député
Bourbotte propose la comparution du roi à la barre de l’Assemblée. Une
commission dite des « vingt et un » (sont nombre de membres) est chargée
de présenter « l'acte énonciatif des crimes de Louis Capet. » M.
de Valazé, élu de l’Orne est son rapporteur. Il est décidé ce même jour
à la demande de Marat que chacun des députés soit appelé individuellement
(vote nominatif) et se prononce à voix haute. Le Lendemain, le
député Philippe Rhül du Bas-Rhin intervient ce jour sur les documents
contenus dans l’armoire de fer des Tuileries et en fait la lecture,
entre autres une lettre d’Omer Talon. En annexe, des archives
parlementaires toutes les pièces sont présentes par numérotation de 1 à
297, tous les courriers pour autant ne seront pas des charges et
Dumouriez cité dans la liste par Rhül n’est pas impliqué dans la
correspondance à titre personnel, c’est un simple échange sans
compromis. (Archives Parlementaires BNF-Stanford -
Deuxième annexe à partir la
page 429 jusqu’à la page 649, suivie d’une liste de signataires de la
Ville de Rouen).
Vers
la fin de la séance vient à la barre, Me Roland, épouse du ministre de
l’intérieur. Compromise dans une déclaration d’Achille Viard, est
mandée à la barre (7 décembre 1792).
Le président des
séances lui demande : « Quel
est votre nom ?
»
La citoyenne Roland : « Roland, nom dont je m'honore, car
c'est celui d'un homme de bien. (Vifs applaudissements)
Le Président:
« Connaissez-vous le citoyen Viard?
La citoyenne Roland. Je ne
connaissais point Viard, lorsque je reçus, il y a huit jours, une
lettre où le citoyen qui signait ce nom m'annonçait qu'ayant la
confiance du citoyen Lebrun, ministre, des affaires étrangères, et
étant sur le point de partir pour l'Angleterre, où il avait découvert
une grande conspiration contre la République, il avait à communiquer au
citoyen Roland des choses très intéressantes pour lui et pour le
citoyen Lebrun, mais qu'il n'avait pu lui en faire part à cause de la
multiplicité de ses affaires. Il me priait de lui ménager un moment
d'entretien. Je lui répondis par un billet non signé que, s'il
s'agissait d'affaires publiques, je m'en tenais à mon rôle de femme,
que je n'en voulais pas faire d'autre et que sa lettre me prouvait
qu'il partageait avec beaucoup de personnes une erreur semée par la
malignité ou l'envie. Il faut vous adresser, lui dis-je, au citoyen
Roland. J'ajoutai cependant que, si la chose intéressait sa personne,
je serais visible le lendemain depuis dix heures jusqu'à onze.
Je reçus
une seconde lettre, par laquelle on m'informait qu'invité par le
citoyen Lebrun à un rendez-vous très important, on ne viendrait pas le
lendemain, mais seulement le surlendemain. Je jugeais dès lors que les
choses importantes n'étaient pas d'un intérêt tel que je les avais
pensé d'abord. Le surlendemain, je vis le citoyen Viard, que je
reconnais. Il me raconta ce qu'il avait vu à Londres. Je le laissai
parler autant qu'il voulut. Je lui témoignai mon étonnement sur ce
qu'ayant des choses intéressantes à communiquer au ministre, c'était à
moi qu'il s'adressait plutôt qu'à lui; je lui renouvelai ce que je lui
avais écrit ; qu'apparemment il était dans une erreur que partageaient
plusieurs personnes. Il me dit que le ministre était, si surchargé
d'affaires, qu'il ne pourrait lui indiquer qu'un rendez-vous fort
éloigné; que mon intervention pourrait en rapprocher le terme. Je lui
répondis que je n'étais qu'à côté des affaires, que ce n'était pas à
moi à disposer du temps du citoyen Roland, qu'il savait trop bien
diriger l'emploi de ses moments, pour que je pusse m'en mêler; que,
d'ailleurs, comme fonctionnaire public, il s'en tenait à l'usage de
n'entendre les personnes qui ont des affaires à lui communiquer que
dans l'ordre de la date de leur présentation. Il se retira.
Sans avoir
l'œil très exercé, j'ai cru voir dans Monsieur, un homme qui venait
pour observer ce qu'on pensait, plus que pour toute autre chose ». (On
applaudit à plusieurs reprises. Quelques rumeurs se font entendre à
l’extrême gauche.
Plusieurs membres demandent que les honneurs de la
séance soient accordés à la citoyenne Roland).
Le Président :
« Citoyenne, la Convention nationale, satisfaite des éclaircissements
que vous venez de lui donner, vous invite aux honneurs de la séance ».
(La
citoyenne Roland traverse la salle au milieu
des
applaudissements
de la grande majorité de l’Assemblée).
Bib. de Stanford - Archives
Parlementaires, pages 422 et 423, tome 54
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10
au 12 décembre : Depuis son lieu d'internement Louis et le dauphin
jouent aux quilles, imperturbable l'ex. roi gagne les parties (selon le
témoignage du valet, Jean-Baptiste Cléry). A la Convention,
Robert Lindet, pour la commission
des 21, présente l'acte énonciatif des crimes de l’ancien roi avec 33 chefs d'accusations. Le
lendemain, Louis Capet comparaît à la barre et s'assied. Le député Barère, président fait donner par le secrétaire M. Mailhe
lecture de l’acte d’accusation, ensuite comme président il lui pose des questions : « Louis,
vous allez répondre aux questions que la Convention nationale me charge
de vous faire. Louis, le peuple français vous accuse d'avoir commis une
multitude de crimes pour établir votre tyrannie, en détruisant sa
liberté. Vous avez, le 20 juin 1789, attenté à la souveraineté du
peuple en suspendant les assemblées de ses représentants et en les
repoussant par la violence du lieu de leurs séances. La preuve en est
dans le procès-verbal dressé au jeu de Paume de Versailles par les
membres de l'Assemblée constituante. Qu'avez-vous à répondre? » Réponse de Louis : « Il n'y avait aucunes lois dans ce temps-là qui existassent sur cet objet. » Le surlendemain, l'ex. roi Louis, désigne ses
défenseurs : MM. Trochet et Malesherbes.
13 décembre : En Martinique, l’Assemblée
coloniale déclare la guerre à
la République. Depuis Londres, le Parlement aide aux préparatifs d’une
guerre contre la France sous la gouverne de William Pitt, dit le jeune.
14 décembre : Il est lu à la Société d'histoire naturelle de Paris un rapport : Sur la nécessité d'établir une Ménagerie : « La
société a demandé à nous, A.L. Millin , Pinel et moi (A. Brogniart),
notre opinion sur la proposition faite par Henri-Bernardin de
saint-Pierre, d'établir une Ménagerie au Jardin national des plantes.
Une Ménagerie, telle que les princes et les rois ont coutume d'en
entretenir, n'est qu'une imitation coûteuse et inutile du faste
asiatique : mais nous pensons qu'une Ménagerie sans luxe peut être
extrêmement avantageuse à l'histoire naturelle, à la physiologie et à
l'économie ; et que les avantages, que la nation en doit retirer, la
dédommageront amplement des dépenses quelle fera pour l'établir. » (Source : Gallica-Bnf, 4 pages) Il est procédé à une nouvelle émission de 300
millions d'assignats.
15 au 17 décembre : A la Convention, le décret sur l'administration révolutionnaire
française des pays conquis
à la demande de Pierre Joseph Cambon est
approuvé. Il est prescrit aux généraux de proclamer la souveraineté du
Peuple dans les pays occupés par l'armée française. Allemagne,
Dumouriez annonce par courrier à son « citoyen ministre » qu’il entrera
demain dans Aix-la-Chapelle et sera occupé par 12 bataillons et autres
stationnements des troupes. Le lendemain, il est décrété la peine de
mort contre quiconque proposerait de rompre l'unité de la République.
Le surlendemain, le Parlement autorise la nomination de l'avocat
Raymond de Sèze comme son troisième conseil du roi à la demande de ses
deux défenseurs Malesherbes et de Tronchet.
Mi-décembre : Arrivée à Paris de Mary Wollstonecraft (1759-1797), écrivaine, elle est la mère de l'auteure de Frankenstein,
Mary Shelley née en 1797 (retour en Angleterre en avril 1795). Cette
"féministe" anglaise fréquente les milieux étrangers dans un premier
temps comme auteure, son livre est traduit à Lyon la même année pour
son ouvrage : Défense des droits des femmes (wikisource). Où Mary Wollstonecraft rédige une dédicace accidulée à l'ancien évêque d'Autun (ou Talleyrand) pour ses prises de position sur l'éducation des filles,
et une critique très sévère de Jean-Jacques Rousseau et sa relation aux
femmes : « Mais toutes les erreurs de Rousseau prirent leur source
dans sa sensibilité, et les Femmes sont toujours prêtes à pardonner
à ceux à qui leurs charmes ont tourné la tête. Il se passionna,
quand il aurait dû ne tenir que le froid langage de la raison, et la
réflexion enflamma son imagination, au lieu d’éclairer son jugement. »
(page 221) |
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18 décembre : Depuis Liège, Dumouriez annonce par courrier à Pache
après 2 campagnes consécutives d’avoir un besoin impérieux de repos se
sentant au bout de ses forces. (31ème lettre) Le Mercure universel publie une lettre de M. de P.A. Caron de Beaumarchais à sa famille datée du 8/12 depuis Londres, ci-après :
0
L'exil forcé de M. Caron de Beaumarchais (1732-1799)
« Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur »
Note : Pierre-Augustin
Caron de Beaumarchais (ci-dessus en gravure) a été un personnage d'une
très grande ambiguïté, et une des grands auteurs de son siècle, le
dix-huitième. A la fois dramaturge à succès (le Barbier de Séville) et
censuré un temps (le mariage de Figaro), espion de Louis XVI et
embastillé en 1785, éditeur de Voltaire, puis administrateur des Eaux de Paris, sans oublier négociant d'armes et
spéculateur peu scrupuleux... Voilà un homme avec un parcours pas
vraiment courant, sa propre histoire est un véritable roman, dont il
est difficile de tirer tous les bons cordons. Depuis 1787, il résidait
non loin de la prison de la Bastille, dans une belle maison décorée
avec grand soin avec un grand jardin. A 60 ans bien sonné, il est
embarqué dans une histoire d'achat ou de trafic d'armes de 60.000
fusils achetés en Hollande, Beaumarchais voit son entreprise ruinée et
dans l'obligation de fuir en Angleterre. En France, il va être
considéré comme un "accapareur" et décrété traitre à la patrie. Il
n'est plus vraiment souhaité aussi à Londres, a-il cherché à rentrer
sans trop de dommage avec ce courrier? Il partira finalement à Hambourg
et ne remettra pas les pieds en France avant l'année 1796, où il
décédera 3 ans plus tard.
Beaumarchais à sa famille
« Ma
pauvre femme, et toi, ma charmante fille ! Je ne sais où vous êtes, ni
où vous écrire, ni même par qui vous donner de mes nouvelles ; lorsque
j'apprends par les gazettes, que le scellé est mis une troisième fois,
depuis quatre mois, sur ma maison de Paris, et que je suis décrété
d’accusation pour cette misérable affaire des fusils de Hollande, à
laquelle on a joint une abomination d'un genre plus sérieux, pour aller
plus vite avec moi.
Je charge donc tous
les honnêtes gens qui lisent les gazettes étrangères, d’avoir
l'humanité de vous dire, ô mes chères tendresses ! que c’est de
Londres, de cette terre hospitalière et généreuse, où tous les hommes
persécutés dans leur patrie trouvent en abri consolateur ; que je vous
prie de ne point vous affliger sur moi. Je vois vos douleurs à toutes ;
les larmes de ma fille me tombent sur le coeur et le navrent ; mais
c'est mon unique chagrin.
La convention nationale, trompée car le plus cruel amphigouris qui soit
jamais sorti de la bouche d'un dénonciateur a conclu contre moi sur la
foi de Lecointre, à un décret d’accusation ; mais ceux qui ont trompé
Lecointre, sentant bien qu'une pareille attaque ne soutiendrait pas
huit minutes d’examen, ont imaginé de jeter une si grande défaveur sur
moi, qu'elle fit couler rapidement sur tout le reste. Ils m’ont fait
dénoncer comme ayant écrit à Louis XVI, et m’ont rangé parmi les grands
conspirateurs unis, contre la liberté Française.
Mais cette accusation plus grave que la première, a encore moins de
fondement. Soyez tranquille, ma femme et mes deux sœurs ; sèche tes
larmes ma douce et tendre fille, elles troublent la sérénité dont ton
père a besoin pour éclairer la convention nationale sur des graves
objets qu’il lui importe de connaître, et faire rentrer avec opprobre
toutes ces lâches calomnies dans l'enfer qui les enfanta.
Je n’ai jamais écrit au roi Louis XVI, ni pour, ni contre la révolution
; et si je l’avais fait, je serais glorieux de le publier hautement ;
nous ne sommes plus au temps où les hommes de courage avaient besoin de
s’amoindrir, lorsqu’ils écrivaient aux puissances : à la hauteur des
événements, j’aurais dit à ce prince de telles vérités, qu'elles
auraient pu détourner ses malheurs, et surtout prévenir les maux qui
déchirent le sein de notre malheureuse France.
Les seules relations directes que j’aie jamais eues avec ce roi, par
l'intervention de ses ministre, remontent à la première année de son
règne, il y a 18 ans, au moment qu’il s’élevait à ce trône, d’où un
caractère trop faible, bien des fautes et la fortune, viennent de le
faire choir si misérablement. Je suis bien éloigné de trahir ma patrie,
pour la liberté de laquelle j'ai fait longtemps les vœux, et depuis de
grands sacrifices ; et toutes ces viles accusations qui se succèdent
contre moi à la convention nationale, seraient la plus terrible des
abominations, si elles n’étaient en même temps la plus stupide des
bêtises.
Mais le sénat qu’on
a surpris est juste, et je n’ai pas été entendu. L’espoir de tous mes
ennemis sans doute, était que je ne le serais jamais. En m’arrêtant en
pays étranger, ils se flattaient que ramené dans ma patrie avec
l’odieux renom d’avoir trahi sa cause, des assassins gagés auraient sur
moi les scènes du 2 septembre, ou que le peuple même indigné de ma
trahison supposée, m'aurait sacrifié en route avant qu'il fut possible
de le désabuser. C'est la cinquième fois depuis quatre mois, qu'ils ont
tenté de me faire massacrer ; et sans la générosité d’un magistrat de
la commune, que je nommerai dans mon mémoire avec une vive
reconnaissance, et qui vint me tirer de l’Abbaye six heures avant que
toutes les voies en fussent fermées ; j’y subissais le sort de tant de
victimes innocentes !
Si je ne prouve pas
sans réplique, au gré de ma patrie et de l’Europe entière, que toute
cette affreuse trame, n’est qu'une vile scélératesse pour tacher
d’arriver à une grande friponnerie, et s’il y a une ligne de moi écrite
au roi Louis XVI depuis 18 années, je dis anathème sur moi, sur ma
personne et sur mes biens, et ]e cours me livrer au glaive de notre
justice.
Je fais ma pétition
à la convention nationale, pour la prier de distinguer la ridicule
affaire des fusils, de la très grave accusation d'une coupable
correspondance : avant de me purger ce la première, je dois être lavé
ou mort sur mon travail de la seconde. Mais, au nom de Dieu, chère
femme, si tu veux que j’aie toute ma tête, défends à ta fille de
pleurer.
Londres, le 7 décembre 1792. »
Source : Retronews - Mercure universel du mardi 18 décembre 1792
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20 décembre : La Convention décide l’adoption des principes de
l’unité et de la gratuité de l’éducation.
21 décembre : Belgique depuis Liège, Dumouriez suite à un courrier de
Pache, lui répondant ne pas avoir reçu suffisamment de circulaire sur
la décision du 15 décembre et qu’il fait en sorte de le traduire et « de le
réimprimer en grande quantité et en forme d’affiche en français,
flamand, liégeois, et en allemand ». (32ème lettre)
22 décembre : A l'Assemblée, il est adopté une loi sur
le libre commerce, notamment sur la vente des grains ou farines, qui
fait suite à la loi du 8 de ce mois relative à la libre circulation des
grains farines et légumes secs, dans l'étendue du territoire de la
république. Les contrevenants à la libre circulation seront passibles
de la peine de mort. Les lois de libre commerce ne seront pas ou peu
appliquées dans la capitale en raison d'un système de maintien des
prix, mais entraîneront des disettes dans le pays en février de l'année
prochaine, qui aboutira à la loi du Maximum (votée en mai 1793).
25 au 27 décembre : A la Convention se produit une nouvelle attaque du député
Chabot contre Jean-Paul Marat. Louis Auguste Capet rédige son
testament. Le 26, Marc-Antoine Jullien fait une motion contre le
général de Montesquiou, que « tous les soldats de son armée
regardaient comme un traître ».
Seconde comparution de Louis Capet à la barre de l’Assemblée nationale,
de Sèze donne lecture de sa plaidoirie achevée pendant la nuit sous les
yeux du monarque destitué. Une demande de parole de Pétion est refusée,
celle-ci provoque un tumulte et des protestations de Marat, puis elle
est finalement accordée : « Ce
n'est pas avec ces violences et ces personnalités que nous pourrons
prononcer sur le sort des personnes et des choses. Il est impossible
maintenant d'aborder cette tribune sans être en butte aux calomnies les
plus atroces. A chaque moment est un mauvais citoyen, un ennemi de la
liberté si on n'est pas de telle ou telle opinion dominante. Est-ce
ainsi que nous donnerons la liberté aux autres, si nous n'avons pas
nous-mêmes celle d'expliquer nos opinions? Est-il convenable que dans
des questions de cette importance, lorsque l'on veut prévenir les
écarts d'une délibération tumultueuse, aussitôt oh soit un mauvais
citoyen, un ennemi de la liberté, un royaliste Quoi c'est ainsi que
nous nous persécutons, que nous nous outrageons nous-mêmes nul n'a le
droit d'accuser ainsi ses collègues car, pour faire une accusation de
cette nature, il faudrait avoir des preuves d'autant plus frappantes,
d'autant plus évidentes, que le délit serait plus grave. Nous avons
tous juré que nous n'aurions pas de roi ; quel est celui qui fausserait
ses sermons? Qui voudrait un roi? Non, nous n'en voulons pas ».
Réponse de l’assemblée : « Non, non, jamais! »
et se lève tout entière. Philippe Égalité, et d’autres soulèvent
leurs chapeaux ou coiffes, en soutien à la protestation de Pétion. Le jour
suivant, le girondin Salles
souhaite faire appel au peuple et le choix des assemblées primaires
pour juger Louis Capet, Saint-Just s’y
oppose avec force et intervient deux fois sur le jugement du roi. Dans la capitale se joue une création au théâtre de
la République Catherine ou la Belle Fermière, de
Julie
Candeille, l’accueil est excellent et c’est un triomphe. Si l’activité
des théâtres parisiens dans tous ses détails n’a pu être véritablement
intégrée à la chronologie, cependant son activité fut aussi, voire plus
puissante que la presse. Dans l’année se sont créés 12 théâtres, rien
qu’à Paris. Sans parler des comédiens ambulants et chanteurs de rue.
28 décembre : La Convention reçoit un courrier transmis par le consul
espagnol Ocariz via le Premier ministre et prenant la défense du roi
déchu, les élus sont indignés. Dans son intervention le ministre des
relations extérieures Lebrun-Tondu signale que la neutralité de
l’Espagne dépendra du sort réservé à Louis Capet. Intervention de Robespierre sur le jugement du roi (second discours).
Samedi 29 décembre : En Guadeloupe depuis 9 jours ont éclaté des émeutes,
les royalistes sont chassés de Pointe-à-Pitre, et se traduit par un
ralliement de la population à la République, du moins ses débuts. L’île
résistera aux tentatives d’invasion et ne sera pas annexée par la
Grande-Bretagne. A la Convention, les dépenses sont fixées pour 1.200
hommes de troupes pour les îles sous le Vent (petites Antilles).
30 et 31 décembre
:
A la Convention, un membre de la Diète polonaise menacé vient demander
secours. Le lendeman à la chambre, Marat dénonce les intrigues de
Dumouriez, celui-ci venant d'arriver à Paris, il serait selon le député
de Paris « appelé par les chefs de la faction Roland »
(Rolandin ou rolandiste selon les appellations).
à suivre...
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- Quatre
petites notes complémentaires

ou réfléxions sur la situation politique
aux débuts de la Convention |
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Note une – Louis XVI pour forme de procès…
Vous ne pouvez aborder un personnage historique en ne faisant qu’un
procès à charge, cette méthode est très à l’œuvre chez des auteurs
contre-révolutionnaires, et notamment anti-républicains. Mais le
problème peut aussi se poser en sens inverse, à finalement ne pas
s’interroger aussi bien, en pour, qu’en contre, à charge ou à décharge,
il y a de grandes chances de rater l’essentiel. On ne peut s’accommoder
dans un portrait, plus encore une analyse en n’en montrant que la part
négative ou sombre.
Avant toute chose, si l’on objecte ou ignore certains faits, vous
pouvez broder un tissus d’ânerie, car la réalité est toujours plus
complexe. Même s’il faut rester prudent sur la question de
l’objectivité, l’exercice critique se fait partant d’un positionnement
politique. Je ne crois pas à une objectivité de la pensée, nous sommes
en principe les dépositaires de nos choix. Ils transparaissent, que
nous le voulions ou pas ou selon le vieil adage populaire, comme un
cheval le naturel revient au galop. Toutefois le travail de l’historien
n’est pas de planter un décors, où il serait amené à ne pas tenir
compte que dans tout individu entre le discours et ce que l’on suppose
le réel, les marges peuvent être grandes. Les erreurs de même.
Le sujet de cette fin d’année 1792 sera la condamnation du roi,
plusieurs mois plus tard celui de Marie-Antoinette. Je n’ai aucune
hostilité, à priori contre ce couple, et je n’ai pas cherché outre
mesure à les comprendre, sauf à savoir dans quel environnement social
ils ont vécu. L’objet n’est pas de leur nier des affects, ou de savoir
s’ils furent bons ou mauvais, il faut pouvoir les juger dans l’autorité
qu’ils ont ou pas exercer. Que dire de ces jeunes gens catapultés à la
tête du royaume et dans un univers feutré, surprotégé, ce qui n’exclut
pas les souffrances personnelles, mais ils sont jusqu’à la seconde
révolution dans un monde doré.
Quelque part la révolution les humanise, et que de chances ont-ils eu
de rester si longtemps sur le trône, ils auraient pu être destitué un
an auparavant. La fin des débats sur la première constitution de France
ne pouvait se solder que par un échec, quelque part les feuillants ont tout
fait pour faire reculer l’échéance, d’une chute attendue. L’enfermement
dans le mensonge, plus les stratégies face à une réalité plus politique
qu’un jeu de pouvoir et d’argent. Bien avant l’ouverture de l’armoire
de fer, les transmissions de sources militaires et plans de
renversement et d’invasion du pays n’ont qu’un nom. Cela s’appelle des
actes de trahison. En raison des égards dû à une fonction qui
supposait un souverain protecteur et attentif aux destinées de son
pays.
En supposant que le monarque eut été un grand mou, il aurait tout accepté comme
d’un bourgeois frileux. Comme le donne à croire nombres d’histoires,
qui semble commettre là une erreur d’appréciation, elles sous-estiment sa
résistance à la somme des échecs. A n’avoir pas su imposer les réformes
de Turgot et des suivants, tout en leur assurant le beurre et l’argent
du beurre, le roi s’était heurté aux demandes générales de la population. Il s’en
est tenu à ce qu’il avait été et souhaitait retrouver, c’est-à-dire
l’antérieur, au prix de quelques rafistolages. S’il se fit traiter de
despote jusqu’en 1792, même s’il en avait perdu les charges, il ne faut pas
oublier que c’est au bout de 15 années de despotisme accompli qu’il se
vit déposséder d’une telle concentration de pouvoir. Et que l’on ne
pouvait faire oublier aux Français de 1792 plus de cent années de
pouvoir sans partage et relevant du divin.
Un pouvoir par définition totalitaire et un système inégalitaire par
excellence. Il est sûr que sur le plan des conjonctures, qui n’avaient rien
d’astrales, le ciel de 1789 et 1792 était plombé, et à son but le
changement provoqua un séisme. Le plus et le pire par rapport à
1789, la nation française était entrée en guerre. Au cas où le roi avait été
un homme de mesure, son veto dans ce cas aurait changé toutes les
configurations désastreuses. Mais il n’a pas hésité à signer l’acte
contre l’Autriche Hongrie avec qui les époux avaient échafaudé les
plans pour un renversement et un retour auprès des autocrates dits
éclairés d’Europe. Une grande supercherie, qui après le 10 août,
journée sanglante, sera vécue comme un nouvel affront. Et jusqu’au bout
il
trouvera des défenseurs qui feront tout pour lui sauver sa tête, au
prix des pires compromis ou renoncement?
|
2 - De quoi est le symptôme d’une étude au fil des années
de la Révolution?
De sa profusion, de ses enchevêtrements
propagandistes et ses erreurs
d’appréciations cumulées font de ce mouvement populaire quelque chose
d’assez opaque. L’on voudrait traiter la question des masses
populaires, mais avant d’y parvenir, il faut arriver à éviter les
pièges. En l’état, ce que je peux écrire sur Jacques Roux est à prendre
avec prudence, précurseur de l’anarchisme ou du communisme libertaire?
L’aile la plus à gauche fut disparate et ne se limitant pas à ce curé
qualifié de «rouge», ni à Robespierre ou Marat, ni Hébert ou Danton,
sauf à décrire cinq courants de pensée n’étant pas du même tenant, ou
ne défendant pas la même stratégie ou ambition collective.
Le constat est à peu près identique pour les Girondins, pourquoi ce
manque de nuance? Parti du postulat que Robespierre avait été
l’objet des outrances et porteur de tous les mots de la présumée "Terreur" ou de
la République première, Marat n’a pas été mieux logé. Il fut tout autant
l’objet de manipulations, de faux en écriture, bien avant la chute des
robespierristes. Un détail conséquent sur les quatre premières années du
régime monarchique et constitutionnel, Marat allait en passer trois dans la
clandestinité et chargé de tous les maux, car l’agent du mot
« dictature ». Que l’on colle à Robespierre, comme l’on voudrait mettre
la "Terreur" jamais décrétée ou légalisée, simplement énoncée, sur le dos du journaliste, quarante jours après son
décès… Quel terrain de confusion, surtout que l’objet n’est pas de
refuser la critique sur tel ou telle, mais de trouver dans cette nuit
caverneuse, un peu de sens ou de cohérence. |
|
 |
Je ne dis pas que la lumière est au bout, une fois les couches
enlevées, les chimères démasquées, l’on découvre d’autres personnes,
des motifs d’autres natures. S’il n’y avait pas eu l’espace politique
comme lieu de rencontre et d’échange, toutes ces individualités
ne se seraient pas rencontrées. Ce qui a de commun chez les deux hommes
phares de la Révolution, a été leur peu d’intérêt pour l’argent, une
place très forte de l’écriture dans l’articulation de leurs pensées
respectives. Ce qui est rarement expliqué et donne une lecture fort
peu classique. Marat et Robespierre n'ont professé la moindre haine
religieuse, ils s’attaquaient aux responsables, désignant la tête des
pouvoirs et leurs responsabilités. Marat fut même outragé par ce qui
donna lieu à la vente des biens du clergé. Et il y a de quoi le
comprendre dans sa défense acharnée des plus pauvres.
Nombre de lieux de culte auraient pu servir de lieu d’accueil aux plus
pauvres et pas au profit d’entrepôts commerciaux, comme dans la crise
d’approvisionnement du sucre en janvier. Soit, comme ce fut le cas dans
les tous les quartiers, les églises servaient de même, de lieux de
réunion et de bureaux pour les sections. Où s’organisa une bureaucratie
locale, et par ailleurs une haine allant au-delà, non seulement de la
raison, mais bien alimentée par un athéisme très en vogue dans les
classes les plus lettrées et bourgeoises de la société française, et
même au sein du clergé et qui plus est assermenté. Et antérieurement et
postérieurement à la révolution, si l’anticléricalisme n’a été
qu’exclusion de ce qui pensait différent, cela devint un dogme face à un
autre, et l'histoire des relations des pouvoirs entre eux. Dans un monde
où
tout le monde n’était pas en mesure de faire la part entre la pensée
magique et la raison, chacun avec sa dogmatique sous le bras, n’aida pas
à la tolérance, si chère et trompeuse de Voltaire, qui ne l'était point
en méthode ou bassesse.
Jean-Paul Marat, le nouveau député de Paris en septembre 1792 était en
opposition forte aux thèses radicales de Jacques Roux, tenant d’une
démocratie directe. Ce dernier s'en réclama et récupéra en
1793 le titre de l’Ami du Peuple peu de temps après sa disparition.
Autre point à spécifier, les Cordeliers désignent fin 1791, le
quartier, la section ou le club,
d’où proviennent Marat ou Danton, de quoi comprendre certaines
confusions de lieux ou de noms. Pour précision, comme aux Jacobins,
après le 17 juillet et les crimes du Champ de Mars s’opèra en fin
d’année une scission au sein de la société des Cordeliers (Amis des
Droits de l'homme et du citoyen), depuis quelque temps installée ou
sise en rive gauche, à une traversée de pont de l’Assemblée nationale,
rue Dauphine.
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3 - Les "Officieux" ou la domesticité silencieuse?
Drôle de terme pour désigner un ensemble de métiers liés aux valets,
aux servants, cochets, et laquais, cuisiniers, etc… pendant le
processus
révolutionnaire. Et pose pour toile de fond la question de la
servitude? L’on doit pour Brissot, à Necker un décret mettant fin à la
livrée,
et amène le girondin à apporter son avis à ce qui ressemblait à une
forme d’esclavage. C’est-à-dire tous les reproches que l’on peut tenir
à l’encontre d’une dépendance à l’égard d’un maître. Sans contrat et à
la merci, et notamment de la maîtresse de maison, ce pouvoir sur les
domestiques pouvait s’étendre à tout ce que peut supposer une demeure
aristocratique ou bourgeoise, en ville ou dans les campagnes. En haut
de la pyramide, ce que pouvait représenter le service et le cérémonial
primait, où les petits bras s’agitaient en coulisse pour répondre au
besoin du roi et de sa cour.
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« Sous
l’ancien Régime, c’est-à-dire sous la Royauté avant la
révolution de 1789, malgré l’apparente division des ordres, la société
est bien plus mélangée que par la suite. La conception de famille et
d’intimité, qui donne une place différente à ces membres et aux
domestiques, n’a pas encore émergée. A ce moment, la vie
professionnelle, privée et mondaine n’est pas séparée.
Les valets et
femmes de chambre dorment près de leurs maîtres. Les enfants jouent
avec les serviteurs dans une grande familiarité. Le mépris des tâches
matérielles n’a pas cours dans un quotidien qui en dépend
entièrement.
Les domestiques représentent une catégorie sociale
importante (par leur nombre, leur rôle, leurs liens étroits avec leurs
maîtres) et diversifiée. Aux gens de maison : laquais, valets et femmes
de chambre, cuisiniers, cochers, lingères, palefreniers, gouvernantes,
intendants, secrétaires, précepteurs, majordomes... s’ajoutent la
domesticité agricole : valets de labour, filles de ferme, vachers,
bergers, charretiers... ». (Source extraite de Personnel de
maison sur free.fr)
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Il existe peu d’informations sur la domesticité au moment de la
Révolution, la nature des écrits tient au siècle des Lumières et à
l’ancien régime principalement. A partir, des décrets, de lois
consacrées à cette servitude, il existait toute une codification, pour
exemples, seuls les serviteurs du roi pouvaient portés une livrée de
couleur bleu, ou bien il était interdit de porter des épaulettes ou
galons sur les tenues, réservés aux gens en armes. Les distinctions
étaient nombreuses et en particulier pouvaient se manifester en son
sein par le mépris des laquais employés par des aristocrates envers les
serviteurs affectés aux maisons bourgeoises. Encore faut-il partir à la
recherche de documents spécifiques, comme les témoignages dans les
procès avec des gens de maison, pour découvrir cet univers très
confiné, dont on devine les multitudes de conversations, mais sans
véritablement donner un retour, sur des vies humaines confrontées à une
logique de caste, une sorte d’intouchables. Dans les ressorts de
l’esclavage
humain le problème est loin d’avoir disparu !
La littérature ou même les analyses ne sont pas nombreuses. Pourtant ce
corps de profession estimé entre un et deux dixième de la population
représentait une somme non négligeable des forces sociales, les seuls
chiffres trouvés, mais non vérifié ou suffisant serait d’un peu plus
d’un million de serviteurs en 1789, dont 800.000 hommes. A Paris, le
départ de nombreux maîtres pour l’émigration a possiblement provoqué
sur certains aspects de l’économie un manque à gagner et aussi moins
d’emplois dans ce secteur d’activité recherché, du moins convoité pour
l’assurance d’être logé nourri, vétu et
blanchi. Un plein exemple de ce que pouvait
représenter, se soumettre, tout en assurant l’usuel, nous sommes dans
une société de survivance, chacun bien coincé dans sa case d’aliéné
et dans son entendement social. La perte de l’emploi pouvant s’avérer une
catastrophe dans un monde où le travail n’avait aucune permanence, voire de
reconnaissance établie, autre que le foyer ou l’administration.
Ce fut un système hautement hiérarchique, du valet, en passant par le
cochet, tout plein de petites mains étaient à la tâche, mais tout
dépendant de la richesse du noble ou du bourgeois fortuné. La servante,
à l’exemple de Toinette (le malade imaginaire) ou d’autres personnages
comme Scapin et ses fourberies chez Molière. Ce sont des gens de
maison, vivant sous un même
toit, tout cela génère des histoires de vie au quotidien. Si cette
familiarité est sous le coup de la comédie et du théâtre et des pièces
rédigées plusieurs décennies auparavant, il faut plus que tempérer
cette proximité et tenir compte de la richesse des maîtres et comment
s’organisait la répartition des travaux ménagers ou agricoles, et les
nombreux serviteurs travaillaient au sein des dépendances.
La hiérarchie supputant une direction ou un encadrement pour une flopée
de petits métiers, l’on trouvait en haut de cette grille, les
maîtres d’hôtel et la « Femme de chambre ». Terme qui n’a rien de
générique et n’entre pas dans le langage courant comme usuel. Cette Femme
de chambre, devait pouvoir répondre à un travail d’intendant, chose
importante savoir lire, écrire, danser, jouer de la musique et
parler l’anglais comme un must. A la cour les Dames de compagnies
étaient prises au sein de l’aristocratie, mais n’entraient pas dans les
tâches courantes ou d’entretiens, tout ce monde invisible qui dans les
champs et les cuisines travaillaient, ou ce que l’on nommait les
communs dans une bâtisse n’ont pas vraiment d’histoire et pourtant.
Et au sein de
la Révolution relever du débat sur l’esclavage.
Quel sort a été administré ou réservé à ces officieux? Peut-on estimer
que la domesticité n’a plus lieu et n’a plus à avoir entre citoyens
égaux en droit? Il semble qu’une complexité échappe, et ne permet pas
de dire qu’ils ont disparu pour autant, et il faudra attendre 1795,
pour que toutes références à ce type de servitude se voient évincer des
textes
légaux. Même quand on rétablissait leur existence, les contraintes des
maisons étaient rayées de toute mention. Un changement légal
surprenant, mais
demandant à plus d’examen.
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4 - Le retour des "Mouches"?
Ce nom de mouche est ce qui nommait sous
l’ancien régime les mouchards,
cet agent fait son retour à l’occasion de la création du «Comité
de sûreté générale» début octobre 1792, venant remplacer l’éphémère
Comité de surveillance créé à la fin de l’année 1791. C’est ni plus, ni
moins que le retour du système de délation qui avait tenu la population
parisienne sous le joug du Lieutenant général de Police, il est
difficile d’y voir autre chose qu’un calque. Justement se met en place
un nouveau système policier. Pour différence majeure, si la mouche se
faisait payer pour les services rendus ou travaillait directement pour
les services concernés, là s’organisait un système de délation publique
d’un type nouveau. Cette relation à la dénonciation n’est probablement
pas une particularité française, mais son histoire coïncide avec des
périodes douloureuses et sombres.
Un mécanisme ancien et plutôt annonciateur de régime aux pouvoirs
exclusifs et autoritaires. Le sentiment de peur est très présent depuis
le début de la révolution dans les esprits, il va s’amplifier devant
les menaces d’une invasion et dans l’après 10 août produire son lot de
bruits. La rumeur ou ce qui peut s’apparenter à une fausse information
est une grosse problématique, mais notre objet ne se situe pas dans la
fabrication des nouvelles, mais dans la source du renseignement et de
comment opère un espion. Qui par excellence ne le chante pas sur les
toits, l’espionnage étant un des maillons d’explication pour comprendre
comment fonctionne une société en temps de guerre.
Il faut pouvoir distinguer l’aspect interne de surveillance de la
population et externe par l’entremise des services de renseignements
étrangers. A ce sujet, la Grande-Bretagne, mais pas seulement, va
utiliser jusqu’en 1792 son ambassade pour collecter des informations
stratégiques, et l’on peut considérer que l’ambassadeur est un coordinateur des espions
de la couronne de fait, comme tous les pays pouvant avoir un siège dans le royaume de
France et sa capitale. Mais avec le départ le 22 août des ministres des
pays étrangers, les agents à la solde vont plutôt prospérer et
s’infiltrer dans les lieux de pouvoir. En parallèle, la méfiance à
l’égard des étrangers devenir une donnée du repliement de la France sur
elle-même pour cause de conflits notamment avec l’Autriche et la Prusse
dans une première étape. |
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Avec la création du Comité de sûreté et les mesures prises en matière
pénale se dessine une mécanique policière la faisant entrée dans l’ère
contemporaine comme un rouage du quotidien. Si l’on s’en tient à ce
qu’a pu écrire Pétion maire de la capitale sur sa police, la chute de
l’absolutisme avait participé de la dislocation de la Lieutenance
générale, et les gardes nationales avaient partiellement remplacé cette
autorité disparue. Ce qui en restait était ballotté au gré de
l’administration municipale ou départementale, en matière de
répartition des pouvoirs que de confusions entre les conseils généraux
et locaux s’adaptant aux rapports de force politiques en présence et la
mise en place d’une nouvelle administration pénale.
Seule en matière de police, mais restant de nature militaire, la
gendarmerie avait été réorganisée et ne pouvait être qu’une force
supplétive. Néanmoins, le Comité de sûreté n’est qu’à ce stade qu’un
embryon de police et avec des volontés délatrices affichées, mais qui a
accès à de telles informations donne pour effet de l’utiliser et
devenir une arme de pouvoir redoutable sur la vie de tout à chacun.
S’il y a lieu de se gausser des comploteurs, de très habiles politiques
pendant le processus révolutionnaire vont s’emparer de ses outils de
surveillance et sous un régime républicain. Quand il faut en quelque
sorte tout rebâtir ou créer au jour le jour en fonction de l’existant,
détruire pour reconstruire un ordre similaire ne laisse pas présumer
d’un meilleur.
Notes de
LM
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- Jean-Baptiste Louvet et le « Rolandisme »,

parcours d’un homme presque ordinaire
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« Ici,
comme là-bas, le temps me manque. Je jette des notes, et voilà tout.
Qu'on ne s'attende ni à la concision du style, ni à l'abondance des
détails. A vrai dire, je n'écris ni l’histoire, ni même ce qu'on
appelle des mémoires. Je consigne des notes qui puissent m'aider, si
quelque jour de vrais loisirs me sont donnés, ou aider quelque autre,
si je ne puis jamais reprendre la plume ».
JB Louvet depuis le Jura
en 1794
Le « rolandisme ou les rolandistes », parfois avec deux «L», sont les
termes que l’on usait pour désigner les amis ou les proches des époux
Roland. Ou pour reprendre la terminologie courante, ce que l’on nommait
une fraction d’un des partis ou factions en présence, mais dont les contours
relevaient plus d’un cercle d’ami(e)s ou de proches ayant les mêmes
convictions et objectifs politiques, ou presque. Ce que Louvet
nommait « les purs jacobins » ne furent avant d’être conduit vers
la sortie du club à l'exemple de Brissot, selon lui, ils n'étaient plus
qu’une trentaine de ces « purs » à être membre des
Jacobins en octobre 1792. Quelques intellectuels nourris aux auteurs
de leur siècle et par lesquels la discorde entre Gironde et Montagne va
venir mettre de l’huile sur un braisier. Ils furent, un peu le
prototype de l’intello rive gauche..., les Roland et leurs alliés
étaient très axés sur les valeurs libérales, quand ces dernières
appartenaient au camp du progrès social et économique. Ce n’est pas
totalement le hasard qui m’a mené à discerner, un autre honnête
homme,
un littéraire dont le renom mériterait un peu plus de place.
Jean-Baptiste Louvet de Couvrai est une figure découverte au cours des
recherches chronologiques. Bien que l’auteur ait été connu sous
l’ancien régime pour son roman Les Amours du chevalier de
Faublas, son
rôle politique pourrait passer inaperçu ou d’une importance secondaire.
Il aurait dû faire partie des guillotinés girondins en 1793, il fut un
des rares à en réchapper. Cet homme reste un sujet assez difficilement
identifiable, non du fait de son métier de plume, mais de son histoire
personnelle. C’est même son côté attachant, un être fidèle à ses amours
comme à ses convictions premières, Louvet ne fut pas un louvoyant
pourrait-on dire, il est en quelque sorte l’antithèse des arrivistes.
Ambitieux toutefois, il s’est vu un temps ministre de la justice, son
nom a circulé, tout comme Collot-d’Herbois au même
poste. Il eut un rôle de second couteau aux Jacobins derrière Brissot
en janvier 1792 avec son entrée sur la scène politique.
C’est Manon Roland, encore elle, qui avait repéré cet homme brillant,
mais dont l’aspect physique était loin du personnage de son roman Faublas
inspiré de son existence, hors des conventions
maritales et un
brin libertin. Sa vue n’en faisait pas un bellâtre, petit et sec et mal
fagoté, son esprit lui donnait un visage s’éclairant à la lueur de ses
mots. C’est ainsi le résumé en quelques mots ou que le présenta
l’historien Alphonse Aulard dans un ouvrage sur ses mémoires dans la
préface (source Gallica-Bnf). Originaire du Poitou, d’un père
marchand
de papier, il naquit dans la capitale en 1760 et y mourut en 1797. S’il
connut quelques affres dans l’enfance, il était issu d’un milieu de la
moyenne bourgeoisie. Louvet s’élança dans la vie à 17 ans et devint le
secrétaire de M. Dietrich (proche de Lafayette), minéralogiste pas
encore maire de Strasbourg, puis a été commis d’un libraire le
poussant à vivre de sa plume.
Son grand roman Faublas publié en trois volumes, le dernier tome étant
achevé en 1789, lui permettra, à partir de cette date, de devenir
indépendant, son vœu ou son souhait premier. Pour ainsi se donner une
particule face à un aîné prédominant (Pierre Louis), et être un auteur
reconnu. Dans
le premier chapitre de ses mémoires annotées, nous découvrons
l’écrivain et un dramaturge, il cite les différentes pièces qu’il a pu
rédiger pendant les débuts de la révolution et Alphonse Aulard marque
son attention sur « Émilie de Varmont ou Le divorce nécessaire et
les amours du curé Sevin », en trois tomes.
Louvet prendra pied en politique véritablement en 1791, et va être le
rédacteur d’abord d’affiches ou de placards colorés, puis du périodique
la Sentinelle financée en mars 1792 par Dumouriez ministre des
affaires
étrangères, puis devenir l’organe de presse des amis de Jean-Marie
Roland. Il devint membre du club des Jacobins, pour avoir rédigé un
texte en soutien à la marche des femmes des 5 et 6 d’octobre 1789
contre les propos du député M. Mounier et son manifeste. Naît de là
un succès d’estime. Membre de la société jacobine il
entrait à son comité des correspondances, avec le très fidèle ami des
Roland, M. Bosc, le futur administrateur des Postes après le 10-08. Et
il fut le remplaçant au passage de Choderlos (ou Chandernos) de
Laclos, l’auteur des Liaisons dangereuses.
« A peine je descendais dans la carrière et déjà mes périls
commençaient. Une chose digne de remarque, c'est que je n'ai jamais pu
savoir s'il est vrai que la popularité a quelques douceurs. Dès que
j'ai servi le peuple, on m'a calomnié près de lui, et plus je mettais
d'ardeur à soutenir ses intérêts, plus il me poursuivent de sa haine.
Il est bien vrai qu'après mes deux discours aux Jacobins, imprimés et
envoyés partout à leurs frais, j'allais rapidement au secrétariat de la
Société et à sa vice-présidence. Il est assez piquant de remarquer à
cet égard que les députés seuls pouvaient être présidents, et que celui
qui le fut en même temps que j'étais vice-président, c'était Basire.
Ainsi, si les purs Jacobins avaient emporté la vice-présidence, la
présidence était échue aux Cordeliers ».
En janvier 92, il devient vice-président de la société des amis de la
constitution. Notre écrivain va occuper au côté de Brissot au sein du
club une place de contradicteur à ses opposants et être un orateur de
qualité, mais avec certaines failles dans les discours politiques. Il
fit rire les membres des jacobins, quand il annonça son refus de
prendre du sucre tant qu’il ne serait pas à 20 sols la livre, au début
de l'année. Il fut surtout le représentant de sa section (des Lombards)
le 25
décembre 1791 à la Législative préconisant une déclaration de
guerre à l’Autriche, « Que des millions de nos soldats-citoyens
se précipitent sur les nombreux domaines de la féodalité, qu'ils ne
s'arrêtent qu'où finira la servitude et que les palais soient entourés
de baïonnettes ». Empire sur lequel il va mettre de nombreuses
responsabilités dans l’échec de l’assemblée législative et plus. Et son
opposant ou contradicteur être ni plus, ni moins Robespierre, qu’il
dénonça le 29 octobre 1792 frontalement et vigueur avec le jeune
Charles Barbaroux et le député Rebecqui comme « accusé ». C’est Marat qui
était visé à l’origine et Robespierre prit sa défense et demanda à
répondre, se sentant menacé selon Louvet.
Cette dénonciation publique fut à la fois puissante et maladroite.
C’est-à-dire, politiquement explosive, ses littéraires ardeurs, plus
quelques contradictions, comme Jean-Marie Roland sa technicité, si
l’argumentation déployée soulève et révèle, les aspects sombres des
trois tribuns de la Montagne (Danton, Marat et Robespierre). S’en
prendre indirectement à Robespierre en voulant faire comparaître Marat,
la zizanie montait d’un cran. Dans le rôle de la victime, Robespierre
avec maîtrise va démonter "l’intrigue", son mot fétiche, en usant des
faiblesses de Louvet, le 5 novembre 92. Pour autant a-t-il répondu
sur le fond? Il a joué sur les formes et même si les maladresses de
Louvet sont évidentes, l’honnêteté semble primer? A savoir que
l’adhésion républicaine n’a jamais été prise en considération
véritablement avant août chez Robespierre. Celui-ci n’était pas
lointain de Desmoulins, en rejetant Brissot et son républicanisme en
avril. Ceci doit interroger sur les manœuvres s’étant déployées?
A un moment la coupe fut pleine, pour des raisons diverses. Se trouver
dans la situation d’être le Cassandre de service, le vrai ou
l’authentique impliquant de se mettre à découvert et servir de cible
fut un suicide politique. A tort ou avec raison? un excès de légalisme
ou la faute de loi agraire? Les choix économiques laissant à prévaloir
que tout ce légalisme ne fut que prétexte, et une bonne part des
girondins avant le 2 septembre n’ont pas été des héros le jour du 10
août, pas plus que les trois tribuns. Ils se sont pliés aux réalités et
pour certains dans une grande confusion quand on découvre la demande de
passeport de Nicolas Condorcet pour les Etats-Unis auprès du ministre
étasunien, M. Gouverneur Morris (tout en bloquant la demande).
Il existait au moins deux catégories d’âmes, les vertueux, républicains
convaincus, et révolutionnaires sans compromissions apparentes, et se
trouvant horrifiés par ce qui se passa la première semaine de septembre
1792. Puis la deuxième, les tueurs, les hommes du métier. Avec lesquels
se sont mis en oeuvre des mécanismes destructeurs. Ce que l’on peut
nommer la froideur du politique et le cynisme à son état primaire.
Avant de naître la République sociale se rompit elle-même le cou. A
gravir toutes les échelles d’un seul coup, on ratait une, voire toutes
les marches pour accéder à la démocratie et à l’expression du plus
grand nombre. Ne parle-t-on pas de la Révolution comme ayant mangé ses
propres enfants? et mot du député Vergniaud. Quand une partie de ses
pousses ont fermé les yeux sur
l’horreur. Notre petit monde va finir par s’entretuer, fraction
par fraction, plus dans une logique anthropophage que fraternelle. Un
outil de propagande de première, pour les puissances assiégeantes. Dans
l’Angleterre faussement bienveillante, ses autorités iront se
raidissant face à cette déferlante meurtrière, et allant devenir, grâce
à la guerre et le retard économique de la France des rentiers et
spéculateurs, la puissance dominante du XIXe siècle.
Louvet est à ce titre très intéressant, il est le révélateur de
l’«anarchie» ambiante n’ayant pas que des réalités nationales et il
ouvre des perspectives ou hypothèses nouvelles à bâtir.
Cependant, l’on découvre avec ce qu’il a pu écrire ou penser notre
rolandiste. Ses propres arguments vont se retourner contre les
girondins et devenir suspect de royalisme, accusation fallacieuse mais
qui fonctionnera. Les confondants avec les Orléanistes, et un régent
potentiel qui attendait son heure en coulisse. Le dénommé Philippe
Egalité, allant avoir en 1789, comme en 1792, un rôle très souterrain
avec l’appui ou la complaisance des pays allant se coaliser contre la
nation française. Rien de très initiatique, ou de maçonnique. L’idéal
pour brouiller les pistes et les esprits, à minima un double jeu
diplomatique et une grosse affaire d’espions dans un nid de frelons et
de félons.
L’accusation et le front contre Robespierre fut assez grossier et mal
mené. Toutefois, il existe un fond de vérité, c’est ce qui est
troublant. Les mémoires d’un homme ne sont pas des preuves, ni des
éléments à charge. Certaines bêtises de Louvet, non pas dans son goût
pour la littérature, ou les scènes antiques, comme le pensa l’historien
Aulard. Louvet oubliait que lui-même avait défendu plus de pouvoir pour
les sections avant le 10/08, et autres points qui favorisèrent des
incompatibilités entre les structures d'organisation et des insurrections
populaires sans fin, ou servant de pression sur les armatures
institutionnelles du pays. On ne pouvait avoir une Convention
établie, et désigner dès le 2 septembre, Brissot et Roland, ses propres
alliés républicains en traître à la patrie. Cette anguille sous roche
apparaît comme patente.
Que
l’on ait voulu mettre en prison un certain nombre de
contre-révolutionnaires ou feuillants, c'est plus que possible, mais une fois le
retour au calme, le droit et la justice pouvaient officier, et Louvet a sur ce
point et les autres sa cohérence. Les septembriseurs n’ont pas
rassemblé les foules prétendues ou supposées, selon lui. Cela aurait
concerné quelques
centaines de personnes, tout au plus et ce fut tout sauf un mouvement
spontané. Mais, en parti financé et par diverses sources, un grand
cafouillis dans lequel beaucoup ont adopté la position de s’en laver
les mains. L’ennemi avait ses agents sur place, des agents locaux
français
et les puissances ennemies avaient tout à gagner d’une telle
désorganisation (Autriche, Prusse et Espagne, puis le Royaume Uni,
etc.). Nous sommes face à des entreprises de noyautage. Alors comment
établir une vérité dans un ordre si peu conforme à ce qu’il devait
édifier? être d’une seule et même patrie, une République fraternelle
et non sur le mode de la légende biblique de Caïn et Abel…?
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Brissot fit une confidence en juillet à Robespierre. Il lui avoua que
dans ses plans, il aurait bien vu le dauphin anglais sur le trône de
France. Ce qu’écrira l’autre journaliste girondin Gorsas publiquement.
Ce qui ne plaira pas du tout à Marat et Robespierre qui cherchaient à
faire tomber les traîtres potentiels, plus inquiets des menaces
internes qu’externes. S’ils n’étaient pas déjà les prochains à abattre.
A ce jeu de fléchette ou de renversement de pouvoir, la Gironde
jacobine comptait ses jours. Il n’y avait pas d’ambiguïté chez Marat.
Il voulut une dictature et un homme fort, une république autoritaire.
Robespierre a eu l’attitude de la chèvre face aux choux, sa volonté
d’éliminer les ennemis de l’intérieur a tourné en manoeuvres avec des
visées épuratrices dont il fut le dernier rouage à évincer, en
attendant le
sauveur suprême... Le monde de la suspicion, ou une
société en prise avec la frénésie de vengeance creuse ses propres
malheurs, et pertes d’influences. L’universalisme s’effondrait avant
même d’exister et l’on peut saisir pourquoi notre pays n’a jamais fêté
la
venue de la première République, histoire officielle oblige.
Avec gentillesse, le professeur Aulard classifie Louvet dans la case des
doux rêveurs. Il est à ranger dans celle des amoureux et des gens de
coeur. Et c’est ce qui lui donne sa part authentique, sa relation avec
une femme qu’il surnomma « Lodoïska » (Marguerite Denuelle, son grand
amour). Son histoire intime va
probablement le sauver dans sa fuite avec Pétion, Barbaroux et
Vergniaud jusqu’à Bordeaux, qu’il accompagna présumant un départ aux
Etats-Unis. A Saint-Emilion, les chemins se séparèrent, et Louvet fut
le seul survivant du groupe. Cet amour fusionnel et déçu à
l’adolescence, puis des retrouvailles en l’attente d’une loi sur le
divorce, lui permettra de vivre avec sa femme, le ramenant à Paris
avant de s’enfuir de nouveau et se cacher dans le Jura, jusqu’à la
chute de Robespierre. Il fut l’un des 22 proscrits à faire tomber, le
rescapé. Chiffre qui le marquera dans la composition des hommes à
abattre. Listé il semblerait bien avant la fin mai 1793, marquant la
chute des dits Girondins, ou l’histoire d’un coup d’état?
La fameuse accusation de fédéralisme, selon Louvet ne sera que le
poteau cachant la
prairie, pour bien comprendre, le rapport de force n’était pas du côté
des élus girondins et les Rolandistes, ont été une des causes de
l’échec (ou du divorce) de l’unité nationale qui aurait dû prévaloir
en temps de guerre. Les amis des Roland furent vertueux, conformes à
leurs idéaux, mais sur un terrain glissant, leurs responsabilités
étaient tout aussi grandes. Ils n’ont pas vu l’orage venir, et rarement
les bons sentiments sont vainqueurs. Il ne restait plus qu’une idée,
celle du sacrifice ou de la fuite, à mettre en action.
Jean-Baptiste Louvet fait état des hommes « de principes » et « de
couteaux », cela peut servir à cerner le rapport de force entre
les deux camps républicains et ce qu’il restait de démocratie à
entrevoir? A l’exemple de son intervention dans une ambiance chaotique
le 29 octobre, mettant le feu, le pousse à certains moments dans ses
mémoires et ses interventions à l’exagération. Tout en amenant des
éléments propres de ce qu’il a pu rencontrer au cours de cette année
1792. Tout n’est pas à rejeter, c’est toute la question des mémoires,
qui sont là pour expliquer un point de vue, mais rarement de manière
équitable.
Ce qu’il faut retenir de sa plume est la fuite de Louvet et de sa
compagne depuis le 31 mai 1793, dont le récit est narré au quotidien,
nous permet de découvrir la France de ces années. A découvrir avec
Quelques notices pour l’Histoire et le récit de mes
propres périls.
Source : Gallica-Bnf, le premier tome, à
lire ici !
Mémoires de Louvet de Couvrai. En deux tomes, avec préface, notes
par Alphonse Aulard - à la Librairie des bibliophiles
(Paris-1889)
Texte de Lionel Mesnard
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Sur le jugement de Louis le dernier

Jacques Roux,
discours prononcé le 1er décembre 1792 |
« Sur
le jugement de Louis le dernier, sur la poursuite des agioteurs, des
accapareurs et des traîtres; Prononcé dans l’Assemblée Générale de la
Section de l'Observatoire, le jour de sa translation dans la ci-devant
l’Eglise des Ursulines. Electeur de la Section des Gravilliers,
membre du Conseil Général provisoire de la Commune, et de la Société
des Droits de l'Homme et du Citoyen imprimé et envoyé d'après
l’arrêté de l'Assemblée Générale, aux 47 Sections, à la Commune de
Paris, à l'Assemblée Electorale, aux Sociétés des Amis de la Liberté et
de l’Egalité, des Droits de l'Homme et du Citoyen, et à toutes
les Sociétés Populaires.
CITOYENS RÉPUBLICAINS,
« Si le
despotisme et l'hypocrisie décernaient autrefois des couronnes,
civiques aux tigres royaux qui dévoraient les peuples ; si le crime et
l'orgueil élevaient des pyramides en l'honneur des tyrans qui
fondaient, des bastilles, qui propageaient l'empire du fanatisme et de
la stupidité ; à quelle gloire n'ont pas lieu de prétendre les citoyens
qui s'assemblent pour défendre les droits du peuple, éclairer et rendre
heureuse l'humanité?
Mais, je ne m'arrêterai pas à
prodiguer de vains et de stériles éloges.
Les belles actions sont les véritables richesses. Le patriotisme vous
applaudira, et déjà la liberté qui fixe ses regards sur le nouveau
local ou vous tenez vos séances, pour le prix du zèle qui vous dévore,
vous a mis au rang de ses enfants. Ce titre flatteur est l'hommage le
plus pur, le plus solennel, le plus fait pour parler au coeur des
hommes qui se consacrent, sans réserve, au bonheur de leur pays, qui
n'ont d'autre ambition, que de se rendre utiles par l'éclat des
talents, et par l'ascendant des vertus.
Quelle est donc grande, citoyens,
quelle est donc noble la carrière que
vous allez parcourir? Discuter les lois, répandre la lumière sur celles
qui sont déjà faites, surveiller les fonctionnaires publics, dénoncer
les traîtres et les conspirateurs, poursuivre le crime jusque dans son
dernier retranchement, étendre le feu sacré de la patrie, de la liberté
et de l'indépendance, défendre la cause de l'innocent opprimé, assister
l'indigent, visiter les peuples assis dans l'ombre de la nuit et de
l'esclavage, perfectionner, en un mot, la raison humaine, faire de
dignes choix des magistrats, étendre l'empire des moeurs, inspirer
l'amour des vertus publiques, telles sont les fonctions importantes
auxquelles vous allez vous livrer. Voilà les devoirs honorables et
pénibles que vous allez épouser.
Mais des Républicains ne seront pas
effrayés des obstacles inséparables
d'une si auguste mission : que la calomnie s'attache à leurs pas,
qu'ils soient placés sous les poignards, qu'ils soient avilis, si
l'homme de bien pouvait l'être, par d'insolents démagogues dont tout le
talent est de faire des placards, de dominer par l'intrigue, la terreur
et la corruption, qu'ils soient exposés à la haine, à la jalousie, à
toutes les passions des petits factieux pour qui les vertus des hommes
à grand caractère sont des crimes ; rien, j'ose le présumer de votre
courage, ne sera capable d'amollir votre âme, et d'arrêter le cours de
votre sainte doctrine. Vous opposerez au fer des assassins, aux armes
familières aux brigands et aux lâches, les vertus d'un Républicain, et
les principes de la justice éternelle. Si les traîtres ne palissaient
pas à l'aspect de la déclaration des droits sacrés de l'Homme, qui a
jeté des laves enflammées sur le trône des rois, qu'ils soient frappés
par le glaive de la loi, de cette loi suprême qui est le salut du
peuple.
Ce n'est, citoyens, que par des
mesures promptes et sévères, ce n'est
qu'en vous tenant continuellement debout que vous vous élèverez à la
hauteur de vos destinées... Eh! quoi balanceriez-vous de faire éclater
la foudre de la liberté, lorsqu'au sein du sénat Français la vertu est
à peine en sûreté, lorsqu'une faction perfide prépare des coups mortels
à la liberté publique, lorsque les défenseurs incorruptibles du peuple
sont obligés de garder le silence, lorsque des législateurs impies
s'entourent d'une force armée, pour tenir sans doute, impunément des
lits de justice, et pour absoudre Louis XVI, le bourreau des Français.
Cependant, les Romains, nos modèles en
fait de révolution, n'hésitèrent
pas de faire un exemple terrible sur les sénateurs qui avaient usurpés
les deux pouvoirs. Maelius qui brava au milieu d'une force armée la
puissance publique fut massacré… Les chefs du peuple, après l'abolition
de la royauté étant devenus plus impérieux, plus insolents, furent
frappés de mort. Les Athéniens ne firent pas de grâce aux trente
administrateurs qui leur forgeaient des fers. Le despotisme, en effet,
qui se propage sous le gouvernement de plusieurs, le despotisme
sénatorial est aussi terrible que le sceptre des rois, puisqu'il tend à
enchaîner le peuple, \sans qu'il s'en doute, puisqu'il se trouve avili
et subjugué par les lois qu’il est censé édicter lui-même.
.
Mais, Citoyens, vous n'aurez pas
secoué le joug delà race des Bourbons,
vous ne vous serez pas soustrait à l'humiliante domination des rois,
pour plier sous le joug des agents prévaricateurs. Après avoir franchi
irrévocablement l'intervalle immense de l'esclave à l'homme, vous ne
souffrirez pas que vos mandataires portent la moindre atteinte à la
légitimité de vos droits ; qu'ils s'écartent de l'opinion publique, qui
seule dicte des lois, et qui est toujours droite et toute-puissante ;
que pour leur confection ils emploient d'autre force que celle des
génies bienfaisants. L'exercice de la souveraineté n'étant délégué que
pour l'avantage de celui qui s'en dépouille, vous ne souffrirez pas que
des mandataires profondément corrompus, puissent ailleurs que dans les
principes de la philosophie éternelle, les bases delà prospérité
publique ; qu'ils oublient, un seul instant, que leur devoir est de
consulter les voeux du peuple, de lui rester fidèle et de le sauver. La
loi ne doit fixer nos hommages que lorsqu'elle ne contient pas des
moyens d'oppression ; le précepte d'amour et de reconnaissance envers
ceux qui nous la donnent n'est plus obligatoire, lorsqu'ils creusent le
tombeau de l'esclavage, et plongent la Nation dans un abyme de vice et
de malheur.
Ah Citoyens, si dans l'Assemblée
constituante, dont la grande majorité
corrompue par l'or de la liste civile, avait rétabli le despotisme sous
le nom de Monarque ; si dans le corps législatif qui s'était agenouillé
en esclave devant la cour, et qui avait absout un dictateur insolent,
coupable du crime de lèse Nation, vous eussiez constamment déployé un
courage égal à la vertu, si vous eussiez répudié ce code barbare fait
par des scélérats, proclamé sous le drapeau de la loi martiale, vous ne
seriez pas réduits a lutter contre d'orgueilleux tyrans, et de
farouches satellites. La bannière de la Déclaration des droits de
l’Homme n'aurait pas été insultée. Vous ne seriez pas affamé, ruiné,
désespéré, empoisonné par des reptiles venimeux, de spéculateurs
parasites, par des vampires, qui, par une combinaison meurtrière du
monopole, s'emparent du commerce des comestibles, dévorent les
propriétés, les manufactures, la liberté, et nous font arriver, par des
trafics usuraires, au port de la contre-révolution.
Le
salut de la patrie, le sentiment de vos devoirs, la solennité de vos
serments vous imposent donc l'obligation sacrée de vous raidir, sans
relâche, contre les fourbes, les, hypocrites, les médiants qui abusent
de l'autorité dont ils sont investis pour vous forger de nouveaux fers ;
contre les médiants qui, la liberté sur les lèvres, mais l'esclavage
dans le coeur, boivent goutte à goutte le sang des citoyens; contre les
mandataire lâches et pervers, qui sollicitent l'indulgence et la
générosité de la Nation envers un tyran constitutionnel digne de tous
les supplices, puisqu'il donna le signal de massacrer le peuple.
C'est à l'approche de ce jugement qui
va fixer la destinée suprême de
tous les peuples, que vous devez vous montrer grands, fiers,
inexorables et terribles, en déclarant une guerre implacable, non
seulement aux accapareurs et aux agioteurs, à tous ceux qui, par le
commerce de l'argent, discréditent nos assignats, et portent les
denrées de première nécessité à un prix excessif ; mais en demandant
que la tête de l'assassin des Français tombe, au plutôt, sous le glaive
de la loi... il est temps d'apprendre aux peuples de la terre que les
Nations ne sont plus la propriété des Rois, que la vertu seule rend
l'homme inviolable, et que le crime conduit les tyrans à l'échafaud. La
liberté ne sera jamais qu'un vain fantôme, lorsque vous ne ferez pas
éclater la foudre de l'égalité sur un monstre détrôné, qui est le point
de ralliement des contre-révolutionnaires, qui, dans la prison,
conspire encore contre la liberté publique. Les Rois sont dignes de
mort, du moment qu'ils voient le jour. Quelle peine ne subira pas celui
qui a surpassé en scélératesse les Médicis et les Néron, à en juger par
les massacres de Nancy, de Montauban, de Nîmes, des Colonies, de la
Chapelle, du Champs de Mars, il en juger par le sang qui a coulé par le
fer des satellites de François II, par les cris des victimes qui, du
fond de leur tombe, demandent la tête de leur bourreau commun?
Il ne fallut chez les Romains, pour
frapper un traître, que la liberté
de la République : chez le Français régénéré, chez le Français le plus
libre de tous les peuples, le tyran ne doit pas survivre à la tyrannie.
Il faut écraser, sans pitié, l'hydre qui nous dévore, et les Rois ne
doivent désormais exister que dans l'histoire qui retrace leurs
forfaits.
Recueillons donc tout ce qui est de
force et de faculté en nous, pour
dire à nos mandataires, que s'ils ne sont pas des esclaves, des
stupides adorateurs des crimes d'un monstre roi, s'ils n'ont pas reçu à
l'avance un or corrupteur pour l'absoudre, qu'ils se hâtent de
prononcer la mort du traître et du parjure Louis. Disons-leur, que si
les constituants, leurs prédécesseurs, dans la bassesse de leur
admiration, osèrent proclamer un Monarque inviolable, le peuple
incorruptible ne reconnut de sacré que la vertu ; et le sceptre et la
couronne ne donnèrent jamais le droit de faire massacrer les peuples.
Disons leur, que s'ils invoquent une constitution où le mensonge
composa avec la vérité , où les droits sacrés de la Nation furent
sacrifiés à l'ambition d'un seul homme, pour arracher à l'échafaud
celui à qui le ciel refuse la lumière, et que la terre ne supporte plus
qu'à regret : disons leur que le peuple est debout ; que s'ils ne
frappent pas un tyran au milieu de ses forfaits, la Nation souveraine
les citera devant son tribunal suprême. Le peuple, en effet, ne délègue
pas l'exercice de sa puissance pour éponger les crimes des Rois.
La tête de Louis tombera, où nous nous
ensevelirons sur les débris de
la République. Les Rois cimentèrent le despotisme par l'effusion
injuste du sang des peuples; il est temps que la liberté des peuples
soit consolidée par l'effusion légale du sang impur des Rois.
L'Angleterre ne balança pas de conduire Charles Stuart à l’échafaud.
Rome frappa de la hache des consuls les fils même de Brutus. Des
prêtres et des évêques citèrent devant leurs tribunaux, et déposèrent
le descendant de Charlemagne, comme ils avaient déposé le descendant de
Clovis; et, la Nation française, promenant ses regards sur les rives
ravagées de la Meuse et de la Moselle, sur des monceaux de cadavres,
sur des villes réduites en cendres, la Nation française entendant de
toute part les cris des pères, des mères, des enfants noyés de larmes,
ne prendrait pas, dans la trempe du malheur, une fermeté qui étonne, en
jugeant un Roi qui a été pris les armes à la main, et que chaque
citoyen avait droit de massacrer dans la journée du 10 août.
Le seul moyen, cependant, d'étouffer
les conspirations, d'en imposer
aux traîtres, aux tyrans subalternes, c'est d'ôter la clef de la voûte
de la contre-révolution, en frappant du glaive de la loi le premier
fonctionnaire publique. La sévérité et la justice sont les vertus
principales d'un Républicain. Pour ne pas gémir sous le sceptre
sénatorial, pour ne pas se laisser museler par des mandataires
prévaricateurs, poursuivez les scélérats sous la pourpre royale,
faites le procès à Antoinette; que les législateurs, les juges, les
commandants, les officiers publiques qui ont serré la main du peuple,
et reçu les assignats de la Cour, soient conduis, avec pompe, au
supplice. Le salut du peuple est la suprême loi : la résistance à
l'oppression est le plus saint des devoirs. Citoyens, vous n'êtes pas
dignes de la liberté, lorsque vous ne foulerez pas sous vos pieds les
monstres qui ont formé le projet d'égorger la moitié de la Nation, et
d'enchaîner l'autre.
Après ces réflexions que me suggère
mon dévouement à la chose publique
purgeons la terre des monstres qui la souillent. Le modérantisme perd
la chose publique, il creuse pas à pas le tombeau de l'esclavage ; et,
c'est en temporisant, que la Hollande perdit la liberté. Au reste,
lorsque des mandataires profondément corrompus ne s'empressent pas de
sauver la République, la Nation doit se sauver elle-même... Qui ne
repousserait pas la tyrannie, lorsque les enfants de la patrie sont
massacrés au-dehors, lorsqu'au dedans ils sont assiégés par la famine
et la misère ; lorsque les lois ne répriment pas le brigandage des
accapareurs et des monopoleurs? Certes, il y a de la lâcheté à tolérer
ceux qui s'approprient les produits de la terre et de l'industrie, qui
entassent dans les greniers de l'avarice les denrées de première
nécessité, et qui soumettent à des calculs usuraires les larmes et
l'appauvrissement du peuple.
Il est encore de mauvais citoyens, sur
lesquels il n'est pas moins
essentiel d'appeler la sévérité de votre justice; j'entends parler des
serpents qui sont dans votre sein. Car les ennemis les plus redoutables
ne sont pas ceux du dehors ; la bannière de la déclaration des droits
de l'homme n'a eu qu'à paraître, le houlan farouche (Ndr : ou bien
s’écrit hulan, « Cavalier armé de lance, dans l'armée
autrichienne
», d’après le dictionnaire Littré), et l’automate Prussien ont fuit
comme l'ombre devant les couleurs nationales. La liberté fera la
conquête du inondé, et déjà nous ne trouvons d'esclaves que dans les
palais des rois. Mais les ennemis les plus dangereux sont les tigres
cachés sous le masque et le manteau de la religion, qui s'attendrissent
sur le sort des traîtres et des parjures, et qui ne versent jamais une
larme sur l'humanité expirante sous le couteau de la tyrannie ; ces
hommes mielleux, qui en parlant de liberté qui expire toujours sur
leurs lèvres, aiguisent les poignards, et préparent, en secret, la
honte du nom Français ; ces lâches adulateurs qui caressent le crime,
et tuent la vertu, qui endorment la nation afin qu'elle se réveille
enchaînée; ces modérés, enfin, qui joignant la férocité des tyrans à
la bassesse des esclaves, détournent habilement le glaive de la loi de
la tête des grands coupables pour le laisser tomber sur la faiblesse et
l'innocence ; intimident, calomnient et dégradent le peuple, afin de le
corrompre et le mieux dépouiller.
Voilà, Citoyens, ce que mon amour pour
la liberté m'inspire de vous
dire. Je suis prêt à répandre jusques à la dernière goûte de mon sang
pour défendre les principes que j'ai développé dans cette Assemblée.
Puisse cette enceinte ne retentir désormais que des vérités de cette
importance! Puissiez-vous ne vous occuper, dans le sein du calme et de
la paix, que des moyens de rendre le sort du peuple doux!....
l'obéissance à la loi, le respect pour les autorités constituées, est
le premier de nos devoirs. Mais en protégeant les propriétés et des
personnes, je ne serai pas assez fanatique pour défendre celle des
tigres, des brigands et des accapareurs. Cette opinion paraîtra dure
aux Citoyens dont le coeur ne bat pas pour la liberté ; mais il n'est
pas en mon pouvoir de composer avec les principes de la justice. Celui
qui n'a pas le courage de dire la vérité aux hommes qui sont indignes
de l'entendre, n'est pas digne de défendre la cause du peuple. Comme je
ne prétends à d'autre gloire qu'à celle de sauver la patrie, je
braverai la mort pour dénoncer les abus en tout genre. Le courage et la
vertu vengent l'Homme libre des poursuites des méchants. L'estime de
l'homme de bien, la calomnie des traîtres seront, en tout temps, ma
liste civile.
Extrait du registre des délibérations de
l’Assemblée
Générale de la Section de l’Observatoire, du samedi 1er décembre 1792,
premier An de la République française. Plus, il a été arrêté que
lecture en serait faite, deux fois par semaine pendant un mois.
Pour copie
conforme, Président, DUPOUX et Secrétaire, DROUET.
Source :
Gallica-Bnf, à lire ici, en date du 1er décembre 1792
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