La chute annoncée des Girondins
et la condamnation à mort de Louis XVI
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La Convention nationale, son emplacement se situait dans le quartier du Palais-Royal
La scène illustre le procès de Louis Capet (à droite) en décembre 1792
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« L’année 1793 !
Cent ans sont passés depuis ce temps auquel les ennemis du peuple
travailleur, les tsars, les rois, la noblesse, les princes, les patrons
d’usine et tous les autres riches ne peuvent songer
encore aujourd’hui sans éprouver de la terreur. Leurs âmes tremblent
dès que l’on prononce ce mot : l’année 1793 ! Pourquoi cela? Parce que,
dans ces années-là, le peuple travailleur en France, et
particulièrement dans sa capitale, Paris, s’est débarrassé pour la
première fois du joug multiséculaire et a entrepris de tenter d’en
finir avec l’exploitation et de commencer une vie nouvelle et libre ».
Signée K ou Rosa Luxembourg en 1893 dans la Cause ouvrière,
éditée à Paris et diffusée clandestinement en Pologne.
Que dire comme
entrée en matière sur le premier mois de l’année 1793? Le mois de
janvier à la date du 21 janvier, jour l’exécution du roi déchu, donna lieu à diverses
passes d’armes entre la droite et la gauche de l’Assemblée. L’appel au
peuple qui consistait à saisir les assemblées primaires se vit rejeter.
Et posait une contradiction de taille sur l'expression démocratique en son sein.
L'historien Albert Mathiez a beaucoup contribué à faire
connaître les tentatives de négocier de Danton la vie de Louis XVI, contre argent trébuchant
auprès de l’Espagne et de la Grande-Bretagne. Faut-il
rajouter que le gouvernement Britannique n'avait
aucun intérêt à participer à cette transaction et négociait déjà avec les
autres puissances européennes une offensive concertée, et se préparait à entrer en guerre depuis la fin du mois de novembre. Il
fallait en favoriser le terrain et pousser à la faute, organiser une
stratégie d'encerclement, notamment maritime. Sur le procès de l'ancien
monarque, voici un apperçu de la situation interne et externe à la fin de l'année 1792 :
« On avait
trouvé aux Tuileries, dans les papiers du trésorier de la liste civile,
la preuve que Louis XVI avait continué à payer ses gardes du corps
licenciés et passés à Coblentz, la preuve qu’il avait institué à Paris
une agence de corruption et d’espionnage et qu’il subventionnait les
journaux aristocrates. Le tribunal criminel extraordinaire du 17 août
frappa quelques agents subalternes, Laporte, Collenot d’Angremont,
Cazotte, De Rozoy. Mais la Gironde, maîtresse de l’Assemblée après le
10 août, ne fit rien pour préparer l’instruction du procès du monarque
suspendu. Elle ne chargea aucun enquêteur de rassembler des pièces
nouvelles, de procéder à des perquisitions, à des recherches chez les
complices de ceux qui avaient déjà été condamnés. Elle laissa passer le
moment favorable pour réunir un important faisceau de preuves. (…)
Mais la Gironde ne comptait pas
seulement sur des discours et des votes pour sauver Louis XVI. Le
ministre des Affaires étrangères Lebrun, son homme, avait assuré aux
puissances neutres que la Convention se montrerait clémente et
magnanime. Le 28 décembre, il annonça à l’Assemblée qu’il avait réussi
à mener à bonne fin les négociations entamées avec l’Espagne pour
obtenir à la fois la neutralité de celle-ci et un désarmement
réciproque de part et d’autre de la frontière. Il ajouta que s’il avait
obtenu ce résultat, c’est que le roi d’Espagne prenait un intérêt très
vif au sort de son cousin, l’ex-roi de France. Il communiquait enfin
une lettre du chargé d’affaires d’Espagne, Ocariz, qui invitait la
Convention à faire acte de générosité pour maintenir la paix. Lettre
maladroite qui faisait la leçon à une Assemblée ombrageuse et fière.
Elle fut renvoyée sans débat au Comité diplomatique.
Les libéraux anglais, avec
lesquels les Girondins étaient en correspondance, Lansdowne, Fox,
Sheridan, demandèrent à Pitt aux Communes, le 21 décembre,
d’intervenir en faveur du roi de France. Et, deux jours plus tard, aux
Jacobins, un ami de Danton, François Robert, suggéra qu’il serait d’une
bonne politique de surseoir à la condamnation de Louis Capet. Nous
savons aujourd’hui par les mémoires de Théodore Lameth, par les lettres
d’un agent de Pitt, Miles, par le témoignage de Talon, par les mémoires
de Godoy (chef du gouvernement espagnol), que des efforts énergiques furent faits pour obtenir le
concours des gouvernements européens d’une part et pour acheter des
voix en faveur de Louis XVI d’autre part. Talon déposera, en 1803,
devant la justice du Consulat, que « Danton avait accepté de faire
sauver par un décret de déportation la totalité de la famille royale ».
« Mais, dit-il, les puissances étrangères, à l’exception de l’Espagne,
se refusèrent aux sacrifices pécuniaires demandés par Danton. »
Revolution
Française, Albert Mathiez, chapitre sur le Procès du roi
Comme il est précisé, dans un
chapitre antérieur d'Albert Mathiez, la trêve entre les différents camps
en présence n'avait duré que trois jours, au moment de la création de la
République. La prise de pouvoir des commissions et les attributions de
l’Assemblée, plus le Conseil exécutif provisoire ont été investis par
les Girondins. Les louvoiements de Danton furent utiles un temps à
l’établissement du nouveau régime par ses appels à l’unité. Son
enrichissement allait participer au sein de la Convention à son
discrédit par la suite, être une intrigue parmi d’autres des
nouveaux locataires du pouvoir pour limiter son expansion. Fabre d'Eglantine à la
tête de l’approvisionnement des troupes participa de cette désinvolture
et d’intérêts allant avoir un rôle dans le changement de position d’un
homme clef, et finalement peu connu le ministre de la guerre,
Jean-Nicolas Pache.
Dans les échanges entre Dumouriez et le ministre de la guerre, une
bonne part de la correspondance toucha à cette question essentielle, de
pouvoir nourrir hommes et animaux à minima. Déjà sous l’ancien régime,
ce type de mission engageait de fortes commissions et des systèmes
corrupteurs. Lesquels allaient se maintenir, si ce n'est se renforcer. A l’origine, Pache fut
hautement recommandé par Jean-Marie Roland. Son ancien commis allait
détenir les cordons de la Mairie de Paris en février, devenir un des
hommes forts de la capitale, et prendre ainsi ses distances avec ses
amis d’hier. Il ne fut pas le seul, mais difficile d’estimer le nombre
de basculements, comme son court prédécesseur Nicolas de Chambon, médecin, qui ne laissa pas
grande trace de son passage comme Maire de Paris, sauf à être un ancien
feuillant devenu républicain pour les circonstances. Avouera-t-il en
1814.
Préfiguration de la déroute des camps Girondins?
Comme nous avons pu l'expliquer dans les pages précédentes, le
"parti" girondin éclaté en 4 ou 5 factions n'a jamais eu de véritable
cohérence ; en plus, Dumouriez jouait sa partition en sauveur de la
patrie, il y avait là un terrain plus que mouvant et propice à la
cacophonie. Il faut comprendre le repli que souligne le professeur
Mathiez avec la population, en particulier les décisions prises en
petit comité, comme le contenu des
ordres du jour de la Convention. Les tensions avec l'opposition
montagnarde alimentaient une propagande
contre Robespierre, ou principalement visaient à éliminer Marat. Ce
climat n’aura pas aider à les
grandir face à ce qui pouvait les faire ressembler à une bande
d’intrigants. Leurs petits comités politiques n’avaient pas donné lieu à la création d’un
club, à vrai dire à une véritable extension populaire, se bornant aux
exécutifs nationnaux et locaux. Ce
secret d’alcôve face à un club des Jacobins et des sections parisiennes
qui délibéraient à la
connaissance de tous, fut une erreur colossale dans un monde où tout
devenait suspect. Qui plus est le pays était en guerre et ce n'était
qu'un début.
Cet ensemble participa de la marginalisation d’un camp éclaté, sans
dessein, ou véritable vision de l’avenir. A part, la défense de la
propriété, de combler le trou des dépenses, les déficits ne pouvaient
que s’accentuer
avec la guerre, bientôt totale. Rien n’allait venir alléger la vie
chère
et les sacrifices auraient pu être évaluées et provisionnés. Rien,
pas de politique économique à la hauteur, ni sociale et de très longs
débats sur un
procès cachèrent les besoins essentiels du pays. Qui à part courir
après les
biens du clergé et enflammer les esprits contre les religieux, pour en
tirer les sommes dues, rien ne venait mettre un
frein à l’agiotage, pire à la circulation de la fausse monnaie, qui
inondait la capitale.
Ce
qu’il faut souligner, c’est que les Girondins toutes chapelles
établies étaient couper des réalités communes et peu soucieux de donner un
caractère social à la révolution, hormis quelques ajustements
structurels. Depuis la fin de l’année 1792, l’animosité entre
Montagnards et Girondins ne faisait que progresser, la nouvelle
année enclencha de vifs désaccords, pas toujours fondés mais volontaires,
et sans politique sociale spécifique. Les urgences étaient d’une autre
nature et dans les prémices d’une guerre presque totale, selon l'échelle, et sur tous les
fronts internes ou externes.
Les conflits avec la Prusse et l’Autriche étaient toujours
en activité, mais la somme des problèmes que rencontraient les armées
françaises hors du territoire firent jour avec l’hiver. Les désertions
ou ce qui s’apparentait à un retour aux foyers pour bon nombre mettait
en relief une absence de compréhension des
situations en cours, notamment depuis le ministère de la guerre. Le
député Sieyès eut la charge d’impulser une nouvelle loi
d’organisation du ministère. Selon les Révolutions de Paris,
c'était un retour en arrière sur le plan légal, ce que l’on a pu
considérer comme un retour aux bonnes vieilles recettes et pratiques
d’ancien régime. Cette année sera propice à des politiques et lois
d’exception.
Un
homme, un militaire, une sorte de nouveau Lafayette allait croire
son heure venue. Le général Dumouriez, ancien ministre l'an passé, puis
en juillet général de l'Armée du Nord avec ses victoires à l’appui depuis
Valmy
vint dans la capitale faire le tour des centres nerveux. Il avait échafaudé un plan en quatre points, dont l’idée d’une Belgique
administrée par les Belges eux-mêmes, c’est-à-dire souveraine. En
contrepoint du décret du 15 décembre, qui cherchait à incorporer à la
nouvelle République les villes belges ralliées. Il fit comprendre lors de son séjour à l'égard du procès du l'ancien roi que c'était une perte de temps. Il était surtout à la
tête d’une armée, qui aurait pu se retourner contre le nouveau régime,
son seul moteur était l’ambition. Ce fut Marat, une fois de plus, qui devina
vite les intentions malveillantes de ce Brutus en herbage, ou du moins en congé à Paris. Dumouriez de
son côté allait savoir jouer sur plusieurs tableaux, aussi bien auprès de ses entrées chez ses amis girondins, qu'au
Conseil exécutif, qu’au club des Jacobins, que devant la Convention, et
se donner au chantage de la démission. Cela se passa sous les airs d’une
tournée à l'image d’une célébrité, qui sera très éphémère et allait impliquer
indirectement d’autres officiers supérieurs comme Miranda, Custine, en
échec devant Francfort.
Maximilien
Robespierre, plutôt discret depuis son intervention du 28 décembre
devant le corps législatif, était un des rares à pouvoir intervenir
sans
être coupé, quand Marat était le plus souvent prié
de se taire, pour ne pas dire censuré par le bureau de l’Assemblée, ou
à la demande des députés, sinon renvoyé aux massacres de septembre. Le
sujet des crimes opérés dans les prisons de la capitale restait bien
présent en ce mois de janvier, sous-jacent à des
échanges rudes entre les différents camps en présence. Le moyen
d’agiter un peu de souffre et de creuser les divisions ; voire à
demander la condamnation des meurtriers ou « septembriseurs » toujours
libres et connus des Parisiens, et sur tous les bancs de la Convention.
La censure allait être au rendez-vous, avec l'arrêt d’une pièce de
théâtre, l’arrestation ou la saisie d’auteurs et journalistes
contre-révolutionnaires, ou pas, toutes critiques devenaient des
batailles entre les différents échelons de pouvoir et le fossé
s'accentuer avec les sections parisiennes. La
commission des Douze, en charge de la surveillance se trouva aussi dans
l’orbite des protestations, et la création d’un nouveau comité de
Défense générale souleva un débat sur le rôle du ministre défaillant
à la guerre, Jean-Nicolas Pache. L'événement qui allait prendre une
tournure singulière, fut l'assassinat de Michel de Saint-Fargeau, qui calma momentanément les différents "partis" et
esprits en présence. L'annonce de sa mort
provoqua une condamnation générale contre l'acte meurtrier d'un certain Pâris, son
enterrement offrit l'occasion d'une grande cérémonie dans la capitale,
dans une unanimité passagère.
Ce fut aussi le mois de la démission du ministre de l'Intérieur, dans
cette Assemblée tumultueuse, qui s'écoulait au
rythme des rapports, des lecture des courriers, des offrandes, des
dons,
à écouter les pétitionnaires, à faire décrets et lois ; son
fonctionnement n’avait guère varié dans ses fonctions. Pourtant ce
fut durant les 20 premiers jours que la domination girondine prenait
fin ou s’effilochait fortement, que les votes du Marais se mirent à
pencher du côté Montagnard autour du refus de tout sursis pour Louis
XVI. Qui, par ailleurs aurait pu servir de monnaie d’échange, mais
devant la menace de troubles, l'idée qu'il représentait une
contrepartie ne ne fit pas recette, sa personne vivante représentait
avant tout une menace. Sachant
que le procès du roi allait servir les camps de la Montagne, même s'il
est difficile
de parler d’unité organique, sauf pour administrer à leurs adversaires,
des accusations de toutes sortes et inversement. Des grands moments de
confusion, d'accusations et de discorde de chaque part allaient amplifier les divisions et mettre un arrêt à la faction rolandiste (le maillon faible).
Si vous vous limitez à examiner les minutes du procès de Louis XVI,
vous risquez de passer à côté des tensions politiques, ce qui
participa de l’élimination progressive des camps girondins. Le sort de
l’ancien monarque était en parti soldé depuis décembre, et les appels dilatoires se
retourner contre leurs auteurs. Toute une série de faits, en rien
mineurs participèrent d’un début d’année particulièrement riche en
rebondissement, en éclats de voix, en situations périlleuses, les
désaccords allaient s’accumuler entre les groupes de la Montagne et les
soutiens du Conseil exécutif, c’est-à-dire le gouvernement avec ses
ministres. Le Conseil exécutif avait été créé le 10 août à titre
provisoire et devint effectif en septembre 1792. Il disparaîtra en
avril 1794.
Sa composition au 1er janvier 1793 :
- Roland à l’Intérieur et aux cultes
- Lebrun-Tondu aux Affaires étrangères
- D.J. Garat à la Justice, remplaçant de Danton
- Pache à la Guerre
- Monge, à la Marine et aux colonies
- Clavière aux Finances
- Grouvelle comme secrétaire du Conseil
Le procès et la condamnation du roi déchu
Les débats du procès du Louis Capet avait débuté en décembre 1792 et s’achevèrent
donc le 21 janvier de l’année suivante, jusqu’aux dernières paroles
prononcées place de la Révolution : « Je meurs innocent, je vous pardonne. », pendant que son confesseur prononçait pour dernier sacrement : « Fils de Saint-Louis monte au Ciel ». Cette période débouche sur une
littérature abondante, le point d’orgue de la culpabilité nationale.
Fallait-il couper la tête du roi? A cette question, pas encore vraiment
close, ou un deuil sans fin? mais irrévocable, on ne peut que constater un torrent
d’écrits. La responsabilité du roi déchu avait été un fait largement établi et une majorité de députés votèrent la mort sans
sursis. C’est-à-dire 387 élus sur 749, dont une vingtaine d’absents
n’ayant pu se prononcer pour divers motifs.
Il faut pouvoir établir la légitimité des membres de
l’Assemblée nationale pour condamner le dit Louis Capet. Il n'était
plus question à proprement dit de la Haute-Cour de justice,
sise à Orléans, elle avait été dissoute après le massacre de Versailles du 9 septembre. La forme
n’était pourtant pas si lointaine d'une justice propre aux
représentants de la nation. S’il advenait une compromission avec
une puissance étrangère et une atteinte à la sûreté de l’Etat, il eut
été probable que la personne du roi déchu, si elle avait été à la tête
de l’état et présumée
coupable, aurait été confié à cette justice institutionnelle,
toujours en activité. Les députés étaient-ils légitimes pour autant de
prendre
une telle décision? Oui sans aucun doute au regard de notre droit
actuel, plus élaboré et respectueux des droits de la défense, mais pas
si lointain.
Ensuite,
ce qui fera toujours polémique, le peu de temps pour la
défense
et l’instruction du procès ont-il permis à Louis Antoine une justice
équitable? A situation exceptionnelle, réponse de même, à comparaison
d’autres condamnations lors du processus, nombreux connurent moins de
temps pour leur défense. Ce qui n’est pas en soit une explication et
c'est encore moins une justification. Cet acte de justice a surtout eu
un
caractère de procès politique. Et puis aurait pu être, comme il avait
été échafaudé par Brissot, Danton et d’autres, d’en faire un otage ou
une monnaie d’échange? Surtout il est question de la peine capitale
pour cette autre interrogation. Pourquoi ce revirement chez
Robespierre, il s’était prononcé contre en 1791, un changement de pied?
N’a-t-il pas
coller aux attentes et aux vindictes populaires d’éliminer le traître?
A-t-il suivi de nouveau ce qu’a pu penser Marat sur le sujet? Ce qui
est probable, ou l'induisait à suivre l'orientation des sections
parisiennes et des sans-culottes.
La peine de mort ne devrait pas souffrir d’ambiguïté, c’est un débat
sans nuance possible, soit on est pour ou contre. Savoir que l’incorruptible a
été favorable à son abolition, puis a voté oui, cette contradiction de
taille apparaît comme occultée. Pour nos générations, nous avons tous
(ou presque) en tête les interventions de Robert Badinter et ses
plaidoiries dans diverses affaires criminelles. La mort d’un être et
peu importe la nature de ses crimes ne peut rien résoudre et encore
moins faire justice, sinon de répondre à des pulsions, faire de cette
autorité impartiale la responsable d’un acte sanguinaire. Mais cette
réponse, si elle est valable de nos jours, ce changement de cap n'a pu se
prévaloir d’une conviction ferme chez Robespierre, et il n’a pas été le
seul en ce domaine. Lors des premières exécutions publiques intervenues
place du Carrousel en août 1792 ne donna place dans aucun
camp républicain à la moindre contestation (hors feuillants et royalistes
en fuite, se cachant, ou en état d’arrestation, cela va de soi...), l’heure était à la
vengeance, sous le coup de sauver la patrie, coûte que coûte.
Si les députés étaient légitimes quel que fut leurs choix ou
orientations, la nature des procédures de vote
posèrent problème. Il en allait de la conviction de chacun à se
prononcer sur
cet aspect légal, et sans un vote à bulletin secret, le système à voix
haute était la pire des solutions, car soumise aux pressions de toute
part. C’était en bout de course un basculement de majorité politique
qui se
dessina dans les votes, la fin annoncée ou à venir des factions
girondines? En plus
condamné à mort l’ancien monarque, c’était l’assurance de se mettre à
dos l’ensemble des têtes couronnées d’Europe. Un outil de dénigrement à
l'encontre de la toute jeune république, un bégaiement de
l’Histoire depuis Cromwell ressenti comme une menace potentielle. La
République perdait ainsi une monnaie d’échange, il y avait aussi le
choix de
l’exil, la proposition la plus "originale" fut d’envoyer Louis Capet
aux galères.
Vers de nouvelles guerres et élargissement de la coalition européenne
A l'approche de nouveaux conflits conséquents, le dernier point que je n'ai pas assez détaillé dans cette présentation
est la situation internationale, mais vous pourrez lire dans la
chronique journalière sur cette même page, qu'elle est très présente et
même essentielle pour saisir toute la complexité d'une histoire, qui ne
peut se cantonner à ses seules réalités nationales.
Il faut noter que pour les
colonies, le ministère de la Marine de M. Monge fit peu d'obstruction
aux groupes de pression de la marine marchande, et le temps que pouvait
mettre
à parvenir, les nouvelles des différents points de l'Empire, d'autres
conflits en perspective s'esquissaient.
Le ministre des Affaires étrangère, M. Lebrun
était en relation avec le gouvernement de William Pitt dit le jeune,
par son ministre à
Londres, M. Chauvelin, lui même en relation avec lord Grenville,
l'homologue de Lebrun. Pour bien comprendre la situation en Europe,
l'historien Henri Martin apporte un éclairage complémentaire sur les
relations entre le France et l'Angletterre, les évolutions
diplomatiques intervenues les deux derniers mois de 1792, avec ses
suites jusqu'à la rupture complète des échanges et ce qui avait été les
négociations autour du retrait en Belgique des troupes françaises.
« La
Hollande n'était en ce moment qu'une dépendance de l'Angleterre, sous
le gouvernement d'un prince de la maison d'Orange, restauré, en 1787,
par les baïonnettes de la Prusse et par la diplomatie anglaise. Les
patriotes hollandais appelaient ardemment les Français, et Dumouriez,
après son entrée à Bruxelles, avait opposé aux ordres que le ministère
lui envoyait de marcher sur le Rhin allemand un projet de délivrer la Hollande. C'était
séduisant, mais bien plus hasardeux, au point de vue militaire, que la
marche sur Cologne et sur le Rhin, et c'était la guerre avec les
Anglais.
Les chances d'éviter cette
guerre diminuaient chaque jour ; Pitt, il est vrai, jusqu'au milieu de
novembre, avait souhaité le maintien de la neutralité, et même songé à
s'entremettre pour la paix générale ; mais, à la nouvelle de
l'ouverture de l'Escaut, puis du décret du 19 novembre, par lequel la
Convention offrait le secours de la France aux peuples qui voudraient
recouvrer leur liberté, il avait brusquement changé de vues. Il avait
envoyé à la cour de Vienne un mémoire sur la réorganisation et
l'agrandissement de la coalition contre la France (25 novembre). Son
but immédiat était d'assurer à la Hollande, c'est-à-dire au
gouvernement du stathouder, la protection de troupes autrichiennes et
prussiennes.
La réaction grandissait, parmi
les classes supérieures et moyennes d'Angleterre, contre la Révolution
française et contre le parti démocratique anglais. L'esprit
conservateur anglais ne s'effrayait pas seulement des événements
tragiques qui se passaient en France, mais aussi des tendances de la
République française à propager partout les maximes d'égalité et
l'abolition des institutions héréditaires et traditionnelles issues du
Moyen Âge.
Le gouvernement anglais commença
des préparatifs militaires, avec l'approbation du Parlement. Les chefs
des libéraux, Fox et ses amis, tentèrent de s'interposer, de faire
d'une part, reconnaître la République française par l'Angleterre,
et, de l'autre, de faire intervenir le gouvernement anglais pour tâcher
d'obtenir la vie de Louis XVI. La Chambre des communes n'accepta,
des propositions de Fox, que celle qui regardait Louis XVI ; mais Pitt
n'en tint compte et ne tenta aucune démarche en faveur du prisonnier du
Temple. On peut douter qu'il s'intéressât au salut du roi qui avait fait la guerre d'Amérique.
Pitt, afin de surexciter
l'opinion conservatrice, fit grand bruit et des émeutes qui éclataient
sur divers points de l'Angleterre, de l'Ecosse et de l'Irlande, et des
complots que les Jacobins tramaient dans Londres même, et, aussi, des
provocations dont retentissait la tribune française.
L'exaltation générale des
esprits suscitait, en effet, dans notre Assemblée nationale, des
manifestations de nature à épouvanter toutes les vieilles sociétés
monarchiques ou aristocratiques. Au moment
où fut proclamée la réunion de la Savoie à la France, l'évêque Grégoire
avait prononcé, comme président de la Convention, des paroles
menaçantes : « tous les gouvernements sont nos ennemis,
tous les peuples sont nos frères ; ou nous succomberons, ou la liberté
sera rendue à toutes les nations. »
Il est juste de remarquer que,
de leur côté, les ministres anglais s'exprimaient souvent de la façon
la plus offensante pour le gouvernement de la République française. Le
ministère français, cependant, au commencement de décembre, interdit
provisoirement à Dumouriez d'attaquer la Hollande. Notre ambassadeur
Chauvelin, qui, depuis le 10 Août, était resté à Londres sans caractère officiel, prévint Pitt de cette résolution (27 décembre).
Un bill (une loi) du Parlement
(26 décembre), très-vexatoire contre les étrangers, et d'autres
mesures, telles que la défense d'exporter des blés anglais en France,
qui transgressaient également les traités de commerce existant entre la
France et l'Angleterre, modifièrent beaucoup chez nous ces dispositions
pacifiques. Le ministre de la marine, le savant Monge, publia une
violente circulaire qui préparait à la guerre maritime, et qui faisait
appel aux démocrates anglais. Le ministre des affaires étrangères,
Lebrun, communiqua à la Convention une note qui déclarait au cabinet
anglais que l'application aux Français du bill contre les étrangers
serait considérée comme la rupture du traité de commerce (30-31
décembre).
Le ministère français entreprit
des négociations pour tâcher d'obtenir l'alliance des États-Unis
d'Amérique (note : Les E.U. restèrent neutre et furent plutôt
équivoques, à l'image de leur ministre ou ambassadeur en France, M.
Gouverneur Morris).
Pitt hésitait encore. Il n'avait
pu décider à un traité d'alliance l'Espagne qui, en décembre, espérait
encore obtenir la vie de Louis XVI. II voyait la Russie et la Prusse
préparer le second partage de la Pologne, et
il était contraire à cet accroissement de ces deux puissances, non
comme injuste, ce dont il se souciait peu, mais comme préjudiciable aux
intérêts de l'Angleterre. Il revint à l'idée de maintenir la paix avec la France, pourvu qu'elle renonçât à ses conquêtes, surtout à la Belgique.
C'est le sens d'une note
d'ailleurs assez hautaine, par laquelle le cabinet anglais répondit à
la communication de Chauvelin du 27 décembre. Le
ministère français répliqua en termes modérés que l'occupation de la
Belgique cesserait avec la guerre, dès que les Belges auraient assuré
et consolidé leur liberté (7 janvier), mais que, si ces explications
n'étaient pas admises comme suffisantes et si les préparatifs hostiles
continuaient dans les ports anglais, la France, avec regret, se
disposerait à la guerre.
Le ministère anglais insista sur
l'évacuation de la Belgique et n'accorda aucune satisfaction sur les
transgressions du traité de commerce. Le 12 janvier, Brissot présenta,
au nom du comité diplomatique, à la Convention, un rapport sur la
conduite du gouvernement anglais envers la France. Il concluait à ce
que le conseil exécutif (le ministère), dans le cas où l'Angleterre ne
satisferait pas à nos griefs, prît immédiatement les mesures
qu'exigeait la sûreté de la République. La Convention ordonna d'armer trente vaisseaux de ligne et d'en construire vingt-cinq.
Le ministère anglais
refusa de suspendre ses armements et fit bloquer les bouches de
l'Escaut par une escadre que renforcèrent des vaisseaux hollandais.
Le ministère français, toutefois, sachant que notre marine n'était pas
prête à la guerre, chercha encore à éviter ou à ajourner les
hostilités. Le ministre des affaires étrangères, Lebrun, à
l'instigation de Talleyrand, qui était alors en Angleterre, conçut le
projet de rappeler de Londres Chauvelin et d'envoyer à sa place
Dumouriez, aussi prêt à négocier la paix qu'à faire la conquête de la
Hollande, pourvu qu'il eût le premier rôle.
Sur ces entrefaites, la nouvelle
de l'exécution de Louis XVI produisit à Londres un effet terrible. Le
cabinet anglais signifia à Chauvelin de quitter l'Angleterre et demanda
au Parlement de nouvelles forces militaires et maritimes. »
Histoire de France depuis 1789 jusqu'à nos jours, Henri Martin,
Seconde édition, tome 1, chapitre XIV, pages 426 à 429 - Paris, 1878
Vous pouvez trouver la correspondance de M. Chauvelin sur les échanges et les différends avec la Grande-Bretagne, par l'intermédiaire de lord Grenville chargé du secrétariat d'état aux Affaires étrangères, avant et tout au
long du mois de janvier, jusqu'à son expulsion (1). Pareillement vous trouverez dans les annnexes
d'autres apports sur le sujet des affaires extérieures, tout
particulièrement la nature des échanges commerciaux avec l'Angleterre depuis 1786 (traité Rayneval-Eden), les événements anti-républicains de Rome et le décret sur la réactivation des
entreprises corsaires avec ses lettres de marque.
Sources et contenus
L'année 1793 est particulièrement riche en contenu très divers, les
sources principales de ce mois de janvier ont été tirées des Archives Parlementaires
qui permettent de suivre les débats, l'organisation des lois et
décrets. En ce domaine, il existe plusieurs références possibles à
commencer par MM. Buchez et Roux, qui durant les années 1830 firent
éditer une Histoire parlementaire de la Révolution française,
parfois trop synthétique, plutôt orientée, ou en faveur du camp
jacobiniste, jusqu'à aller recueillir auprès de personnalités comme
Philippe Buonarroti, des témoignages ou apports de ce qu'il en fut.
Tous les tomes sont disponibles sur le site Gallica de la BNF.
Sinon, il existe en moins partisan, surtout dans des versions plus complètes, deux apports ; primo avec la collection Baudouin
(Université de Paris Sorbonne) pour la période de 1789 à 1795, sur tout
ce qui concerne les lois et les décrets, mais sans les discours et les
débats des élus de la Convention nationale. Nous concernant, il a été
retenu, depuis le début de cette étude critique, les Archives Parlementaires
de MM. Madival et Laurent. Attention les volumes sont aussi nombreux et
d'environ 750 pages, rien que pour janvier, il s'agit des tomes 56 à 58
(en chiffres romains) ; et en fin de chaque volume, vous disposez du sommaire de chaque
journée. Et d'un accès pas toujours évident sur le site de
la bibliothèque de l'université de Stanford (E.U.), ce qui est
en l'état jusqu'en 1794 la source numérisée la plus
complète et accessible en ligne.
Les lois ont leur importance, le contenu des échanges permettent de
saisir les oppositions, mais aussi tout ce qui remonte via les comités,
le conseil exécutif et le bureau de l'Assemblée, une information utile
et précieuse, en lien avec la situation internationale versus Français,
et tout ce qui pouvait remonter des directoires (exécutifs) locaux et
départementaux, plus les pétitions des sections révolutionaires ou des
citoyens, ainsi que les différentes situations dans les colonies.
Aussi, pour
connaître des éléments biographiques sur les députés cités de la
Convention (21/09/1792 au 26/10/1795), il est
conseillé de consulter le site de l'Assemblée nationale
(par ordre alphabétique des députés) une fois le choix du patronyme
fait, cliquez à la rubrique "Biographies", sous le ou les mandats (à la
droite de l'écran).
Toutefois, la chronique des journées de janvier a été agrémentée
des réflexions ou des échos contradicteurs, pour ne pas dire polémistes
de deux périodiques, un quotidien et l'autre un hebdomadaire. Nous
revenons ainsi sur la personne de Marat avec son nouveau quotidien
depuis le dernier trimestre de 1792 et son élection comme député, le Journal de la République française.
La forme reste la même et le fond conserve son ton dénonciateur et
ironique. Il lui restait 7 mois à vivre, être l'objet
d'accusations régulières. Marat était à ce stade
le point de friction et la cible numéro une des attaques, difficile de
le contourner, ne serait-ce comme l'écho des plus pauvres (les
indigents).
De même, il a été choisi les Révolutions de Paris, dont
un des rédacteurs fut Louis-Marie Prudhomme. Cet hebdomadaire est à ce titre un des
périodiques les plus intéressants, il n'avait pas encore basculer dans
la mystification des faits de son mentor, et apportait un point de vue jusqu'alors
girondin, voire modérantiste. Sinon pour précision et question non
résolue, il existait plusieurs auteurs, sans une étude plus précise du
style des rédacteurs, rien n'assure que Prudhomme puisse être l'auteur
des écrits mentionnés sur cette page.
Cette première page sur l'année 1793 a nécessité un investissement
important pour en dégager ses ressorts et son importance dans la suite
des événements de la Révolution devenue républicaine. Ce qui n'était
pas une évidence, mais la somme des contextes implique d'en démontrer
la substance. Une nouvelle étape se dessine, en attendant d'autres
suites sur la première République, je vous souhaite une bonne lecture !
Note :
(1) Guillaume N. Lallement, Choix de rapports, opinions, et discours prononcés à l'Asemblée nationale, etc., tome XI - année 1793 (second volume de la Convention) - Paris, 1820. La correspondance diplomatique de M. Chauvelin, encore citoyen, débute le 12 mai 1792, à partir de la page 116, et se termine à la page184 . (disponible sur google Livres)
Texte de Lionel Mesnard, du 2 octobre 2020
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Chronique journalière du mois de janvier 1793
(chronologie détaillée)
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Sur l'estrade, Le bourreau Sanson et ses 2 assistants, Louis XVI et l'abbé de Firmont
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Mardi 1er. A la Convention, « la séance ouvre à 10 heures trois quart
» du matin, des questions relatives au ministère de la guerre sont
abordées ou adressées à M. Pache. M. Louvet, secrétaire, fait lecture
du procès-verbal de la séance du 31 décembre. Le député de
Seine-et-Oise, Guy-Armand de Kersaint, nommé ce jour même vice-amiral,
prévient qu’il n’est plus possible de rester indifférent devant ce qui
se passe en Angleterre. Il fait mention dans son intervention des
relations avec l’Ecosse et l’Irlande : « Je ne m'arrêterai point
ici sur les circonstances qui différencient l'Irlande de l'Angleterre
chacun connaît son parlement, son vice-roi, et la sorte de liberté
politique qu'elle s'est procurée à force ouverte pendant la guerre
d'Amérique, mais ce qu'on sait moins ce sont les entraves que le
parlement d'Angleterre continue de mettre au développement de
l'industrie et du commerce d'Irlande, et sa constante opposition à
l'affranchissement de ce commerce. La secte catholique se trouve encore
soumise aux lois gothiques et barbares des siècles intolérants qui les
ont vues naître, et, dans cette demi-indépendance, l'Irlandais semble
tourner ses regards vers nous, et nous dire, venez, montrez-vous, et
nous sommes libres! »
Ainsi, de Kersaint dénonce devant l’Assemblée, le blocage de 2 navires
irlandais chargés de grain, interceptés par le gouvernement
britannique. Ce qui fait suite à une lettre du ministre de l’intérieur,
M. Roland, qui avait annoncé la veille la mise sous embargo d’un navire
français chargé de blé. Le député de la Marne et montagnard, Jacques
Alexis Thuriot objecte à Kersaint, que durant la dernière séance, il
avait été stipulé que tout se déroulerait au sein des comités. Le
rapporteur de Kersaint continue néanmoins une longue intervention, où
il préconise de préparer « la guerre des mers », et soumet un décret de
neuf articles. A la demande d’un député, la décision est renvoyée au
Conseil exécutif (ministres) devant faire un rapport sur l’état
actuel de la République. C’est aussi à la demande de Kersaint
qu’est créé le « Comité de Défense général », composé d’une vingtaine
de membres issus de divers comités (21 puis 24), et qui favorise une
certaine homogénéité politique. Ce nouveau comité a pour but de faire
face à la désorganisation de l’armée, aux critiques et injonctions
anglaises de plus en plus pressantes depuis deux mois.
Les débats reviennent ensuite à l’ordre du jour, sur le jugement de
Louis XVI. Trois grandes interventions s’y déroulent, dont celle du
montagnard, André Jean-Bon-Saint-André, pasteur protestant et député du
Lot, qui conclue ainsi : « S'il était des ambitieux parmi nous, ils
apprendraient à connaître quelle est la juste sévérité des républiques
; en faisant succéder à cet acte rigoureux, mais indispensable, les
travaux qui doivent faire éclore une Constitution libre et des lois
sages, vous mériterez vraiment l'approbation de ce peuple souverain qui
est votre juge aussi.
Je demande la question préalable sur la
proposition d'appel au peuple, et que l'on aille aux voix sur le
jugement de Louis Capet ». Brissot dans le prolongement des débats
sur le procès déclare que le monarque mérite la mort, mais propose pour
sa mise en exécution l’avis des assemblées primaire : avec « l’appel au
Peuple ». Marat dans son récent Journal de la République Française (n°90)
du 1er janvier, fait un article sur « la vie et les mœurs de la femme
Rolland » et prévient qu’il s’est procuré une copie d’une lettre
adressée par son époux M. Roland au ministre Pache « pour lui tendre un piège, car il machine jour et nuit de le culbuter » ; et annonce « que bientôt Dumouriez va faire une sortie qui a été arrêtée par Buzot, dans le boudoir de la femme Rolland » (pages 6-7). Ce même jour, le général Dumouriez arrive dans la capitale et a quatre rapports à soumettre.
2.01. Dans la capitale, il est joué l’Ami des Lois
de Jean-Louis Laya au théâtre de la Nation (actuelle Comédie
française), la pièce reçoit un accueil controversé. A la Convention, il
est fait lecture d’une lettre du général Custine de décembre, il fait
état du bon moral de ses troupes devant les Prussiens à Francfort. Il est décrété l’an II de la République à partir du 1er janvier.
Le député de la Gironde, Gensonné intervient sur trois points : « Je
réduis l'examen de la question qui nous occupe à ces trois propositions
: Louis a-t-il trahi la nation? Quelle peine a-t-il encourue? Le peuple
doit-il sanctionner votre jugement? (…) Non, la Convention ne
sera point arrachée de Paris ; et cette inculpation est encore l'une
des manœuvres les plus familières de votre faction (montagnards).
Elle a le double objet de vous attacher le peuple de Paris, de
l'irriter contre la Convention, et de répandre dans les esprits des
alarmes qui peuvent favoriser vos projets d'insurrection. Vous savez
bien que ce système de fédéralisme que vous attribuez aux députés des
départements est une atroce calomnie ; vous savez bien que le peuple
des départements veut une République unique, mais qu'il veut que la
volonté générale y fasse la loi, et que votre faction ne s'en rende pas
l'unique interprète. Vous savez bien que les Parisiens sont chéris dans
tous les départements ; que partout on s'honore de leur courage et on
vante leurs services ; qu'on y veut que la Convention nationale reste à
Paris, et qu'on y désire seulement qu'elle y soit respectée ; et c'est
contre le cri de votre conscience, pour augmenter votre popularité et
rendre le peuple de Paris l'instrument de vos vues ambitieuses, que
vous osez ainsi l'exposer à cette rivalité qui lui serait si funeste,
mais dont nous nous efforcerons, nous, de tarir la source. Non, la
Convention ne transigera point avec les rois ; et c'est encore là une
de vos impostures favorites : cette fois du moins, vous vous -
contentez de prédire ; vous annoncez qu'on transigera, mais vous n'avez
pas l'impudence d'affirmer qu'on l'a fait ». M. Gensonné propose que le jugement du roi soit renvoyé devant les assemblées primaires et fait « appel au Peuple ».
3.01. En Belgique à Gand sous l’arbre de la
liberté, il est lu le décret de la Convention sur l’abolition, de la
noblesse, des dîmes et des cloîtres. A l’Assemblée, M. Osselin,
secrétaire, donne lecture de trois lettres afférant au général Miranda.
« Suit la teneur de ces trois pièces » : Une « Lettre
adressée au général Miranda par la direction des duchés de Clèves, de
Gueldre et de la principauté de Meurs. Une « copie de la lettre de la
réquisition du général Miranda aux représentants de la ville d'Anvers,
en date du 31 décembre dernier ; cette réquisition est celle d'un
emprunt de 300.000 livres tournois en numéraire, pour subvenir aux
dépenses de la garnison et des fortifications de cette place. » Et « la lettre (est) datée
du quartier général d'Anvers ; du 30 décembre dernier, par laquelle le
général Miranda informe le ministre des succès de l'entreprise de
l'armée française (…), conformément aux ordres que le général donnés au général Lamorlière, commandant son avant-garde. » (…) Le général Miranda : « J'ai
la satisfaction de vous informer, citoyen ministre, que l'entreprise
sur la Gueldre prussienne, duché de Clèves et principauté de Meurs, que
j'ai confiée au général Lamorlière, commandant de mon avant-garde,
vient d'être exécutée avec tout le succès possible, et presque dans
toute l'étendue du plan que je lui ai donné. Le rapport ci-joint, que
je viens de recevoir du général Lamorlière, prouve combien les
dispositions du peuple sont en notre faveur, et combien la conduite et
activité des troupes françaises ajoutent à notre gloire. La
contribution qu'il a exigée, de deux millions à peu près, de livres
tournois fera connaître au peuple combien nous sommes loin d'imiter
l'exemple que les généraux prussiens nous ont donné en France, en
maltraitant le peuple des provinces où ils ont pu pénétrer et insultant
la nation par des manifestes pétulants et absurdes. Miranda » (Pour copie conforme, le ministre de la guerre, signé : Pache).
Toujours à la Convention, les discussions s’enveniment, le député
Gasparin s’en prend à MM. Guadet, Gensonné et Vergniaud sur des
tractations opérées avec la famille royale en juillet 1792. Le ministre
de l’intérieur est appelé à la barre pour se justifier d’une saisie par
le frère de Robespierre, dit le jeune, Marat participe de cette
agitation et s’adresse en direction des montagnards : « Eh bien, doutez-vous encore que j'aie eu raison de les dénoncer comme de vils intrigants, comme des conspirateurs? »
4.01. En Guadeloupe, à Basse-Terre l’on
déploie le drapeau tricolore. A la Convention, à la séance du matin,
Louis-Michel Lepeletier de St.-Fargeau (ci-contre) reprend le décret sur
l’abolition du droit d’aînesse et y apporte des modifications sous la
forme d’un nouveau décret. Le ministre de la marine, M. Monge propose
d’allouer aux Français des Indes orientales une somme supplémentaire.
Lors de la séance de l’après-midi, la motion du girondin Jean-Baptiste
Salles reprend l’idée d’un « appel au Peuple » pour se prononcer sur la
condamnation de Louis XVI. |
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Bertrand Barère intervient pour s'y
opposer, le projet est rejeté. Des pétitionnaires demandent le jugement
de Marie-Antoinette. Et il a été aussi lu dans la matinée, la troisième Adresse de
l'assemblée représentative des représentants coloniaux Français établis
aux Indes (orientales), tout en reconnaissant leur attachement à la
mère-patrie, et à l'Assemblée nationale pour la liberté donnée ; suit
la teneur de leurs demandes :
Adresse des représentants coloniaux Français
établis aux Indes
« Citoyens représentants,
L'assemblée coloniale représentative des
établissements français dans l'Inde profite de la première occasion que
lui présente, depuis la réception des décrets des 3 septembre 1791 et
14 janvier dernier, le départ d'un vaisseau particulier, pour offrir à
l'Assemblée, nationale l'hommage de son respect, de sa reconnaissance
et de sa soumission. Victimes d'un système aussi cruel qu'impolitique,
les Français de l'Inde n'en sont pas moins attachés à leur patrie, et
se regardent toujours comme faisant partie de l'Empire français ; ils
n'ont cessé, dès l'instant qu'ils ont appris que la nation avait
conquis la liberté, de la solliciter de mettre un terme à leurs maux,
et en vous rendant à leurs vœux, vous avez satisfait à la justice et à
la loyauté française.
Votre bienfaisant décret sur le rétablissement de
Pondichéry, en le retirant de l'état d'abandon et d'ignominie dans
lequel l'avait réduit l'ancien régime, est sans contredit pour les
établissements de l'Inde le présage le plus certain du retour de leur
grandeur passée ; mais pour ramener ces beaux jours, pour achever votre
ouvrage, pères de la patrie, il faut que des lois particulières tendent
à favoriser le commerce de ces établissements avec la métropole ; il
faut qu'ils puissent statuer eux-mêmes définitivement sur celles qui
conviendraient le plus à leur commerce en Asie; il faut que leur
gouvernement soit distinct et indépendant de celui des îles de France
et de Bourbon. (Maurice et la Réunion)
Il faut que leur gouverneur, dans les rapports
politiques, tant entre les établissements qu'avec les puissances qui
les environnent, soit assujetti à consulter leurs représentants ; il
faut enfin qu'il y ait un terme où leur vœu soit l'interprétation la
plus juste de la volonté de la nation ;. c'est alors que les
établissements français de l'Inde deviendraient des entrepôts
considérables qui verseront dans la métropole les richesses de 1’Asie,
et élèveront ses manufactures au plus haut point de prospérité ; c'est
alors qu'ils justifieront de quel prix ils doivent être pour la nation
française.
Tels sont les vœux que nous sommes chargés de vous
présenter au nom des Français de l'Inde, ils vous demandent, ils
attendent de vous une protection qu'ils méritent par les malheurs
qu'ils n'ont cessé d'éprouver depuis 1760, et qu'ils mériteront
toujours par leur fidélité et par leur obéissance. »
La Convention renvoie cette adresse au comité colonial.
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5.01. En Guadeloupe, la
République est proclamée par le citoyen Lacrosse envoyé par la
Convention. A l’Assemblée est lue la lettre du ministre de la guerre,
M. Pache : « J'ai l'honneur d'adresser à la Convention nationale
copie d'une pétition qui m'a été envoyée de la part de nos frères
d'armes qui étaient prisonniers de guerre à Luxembourg, et qui viennent
d'être échangés. » Osselin, secrétaire de séance fait lecture de la lettre des défenseurs de Louis Capet : « Citoyen
Président, Louis, après avoir réclamé, dans sa défense,
l'inviolabilité qu'il tenait de la Constitution, a cru devoir, comme il
l'a dit, s'imposer la tâché surabondante de répondre à tous les faits
qui lui étaient imputés dans l'acte d'accusation du 11 décembre.
Jusqu'ici, on n'a encore opposé, dans la Convention, à cette défense,
quoique rédigée avec bien de la précipitation, qu'une seule imputation
particulière, qu'il nous était impossible de prévoir, puisque l'acte
d'accusation ne l'énonce même pas. Cependant, nous n'avons pas cru
devoir laisser cette imputation sans réponse ; et nous avons, en
conséquence, l'honneur de vous faire passer des observations qui
l'éclaircissent et qui la réfutent. » (Les Conseillers de Louis :
Lamoignon, Malesherbes, Tronchet et Deseze) Cette lettre est
suivie des observations des défenseurs. La municipalité de Paris
se présente à la Convention : « Une des causes, et la plus active,
de la fermentation des esprits est le procès de Louis Capet. Beaucoup
de personnes en attendent impatiemment la fin. On dit hautement que
Louis Capet doit périr ; cependant, un grand nombre de citoyen assurent
qu'ils se soumettront à la loi qui sera prononcée contre ses crimes ». Le directoire du département de la Haute-Loire déclare à son tour que :
« les citoyens qui l'habitent sont prêts à marcher sur Paris pour
imposer silence aux factieux qui veulent opprimer la représentation
nationale ».
6.01. A la Convention, le département du Finistère dénonce « les factieux qui dominent la ville de Paris. (…) Nous
vous exprimons, représentants, l'opinion d'un grand département ; elle
est sans doute subordonnée a la volonté des autres sections de la
République ; mais nous sommes assurés, et soyez-le vous-mêmes, que
toutes ont un vœu conforme, et qu'en même temps que nous servons la
cause de tous, nous prévenons même les espérances de la majeure partie
de ces Parisiens, dont le couteau d'une poignée de tyrans subalternes
étouffent en ce moment la voix. (Les Administrateurs composant le conseil général du département du Finistère) ». Marat s’exclame : « Je demande que cette adresse soit renvoyée à sa source, au boudoir de la femme Roland. (Murmures) ».
Lundi 7.01. En Belgique, il est fait une
proclamation « au nom du peuple souverain de Namur », qui met fin
(provisoirement) à l’inégalité devant les impôts. A l’Assemblée, le
secrétaire lit un courrier du général Dumouriez, présent pour ses
congés dans la capitale, il se plaint du manque de tout, de la
désorganisation des bureaux du ministère de la guerre. Le général offre
sa démission, s’il n’a pas en retour une entière confiance (Arch. Parl. Buchez et Roux, tome 23).
Les débats du procès de Louis XVI sont clôturés, après de nombreuses
interventions le matin ; et les opinions non exprimées auront droits à
impression. A la séance du soir se présente à la barre, le maire de
Givet dans les Ardennes : « Il se plaint des désordres qui règnent
dans l'Administration de la guerre ; il fait le tableau des sacrifices
auxquels le voisinage du théâtre du conflit a forcé sa commune, et
demande un soulagement dans ses impôts arriérés. Le Président répond au
pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance. (La Convention renvoie sa demande au comité de la guerre, réuni à la commission des Douze). »
8.01. A la Convention, M. Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, (auteur d’un livre sur « les subsistances » imprimé en
93 au cercle social), le député de la Vienne et secrétaire de séance,
donne lecture d'une lettre de M. Roland, au sujet de la pétition d'une
société de Quakers. Elle se propose d'acheter les domaines de Chambord : «
Plusieurs membres de la Société des Amis offrent à
la nation française 1.200.000 livres pour le parc et les bâtiments de
Chambord, aux conditions suivantes : « De payer la somme de
300.000 livres en prenant possession des objets, 100.000 livres un an
après, 100.000 livres deux ans après la prise de possession, et 100,000
la troisième année ; (et un second paiement de 600.00 livres). (…) D'habiller,
loger, nourrir et soigner 150 enfants, en les y recevant depuis l'âge
de 8 ans jusqu'à 10, les instruire dans là morale, la lecture,
l'écriture, le calcul et les travaux relatifs à l'agriculture, aux arts
ou au commerce, jusqu'à 15 ans révolus ; à cette époque les enfants
seront libres de retourner chez leurs parents ou de commencer un
apprentissage dans nos maisons. (…) Sur les 150 enfants, 120
seront choisis dans le département de Loir-et-Cher sur la présentation
du conseil du département, et 30 à la volonté des Amis, parmi des
enfants nés en France, tous sans payer aucune pension particulière. (…) Les
enfants qui entreront en, apprentissage, soit dans un art, soit dans le
commerce, apprendront leur état jusqu'à l'âge de 21 ans ; à cette
époque, ils seront libres, ainsi que nous, de se retirer où ils
voudront, ou de s'établir parmi nous. (…) Plusieurs membres
demandent l'impression et la distribution de la pétition des Quakers,
et le renvoi aux comités des domaines, d'agriculture et d'instruction
publique réunis, pour en faire leur rapport dans la huitaine. (La Convention décrète cette proposition.) »
9.01. A Cuba, est fondée la Société patriotique de la Havane.
Aux Etats-Unis, le Français Jean-Pierre Blanchard (aérostier) fait la
première démonstration de son ballon dirigeable devant G. Washington,
en reliant Philadelphie à Deptford vers 10 heures du matin en 46
minutes, la distance étant approximativement d’une vingtaine de
kilomètres entre les deux villes du New Jersey. A l’Assemblée, M.
Osselin donne lecture des courriers, notamment celui des membres du
conseil exécutif provisoire qui « aussitôt qu'il a eu communication
officielle du décret du 15 décembre sur les mesures destinées à achever
la Révolution dans les pays ou la République française a porté et
portera ses armes, s'est occupé de l'exécution de ce décret qui doit
avoir de si grandes influences sur les destinées de la France et sur
celles de l'Europe. Plusieurs séances du conseil exécutif ont été
principalement consacrées à cet objet. Il a dû prendre deux mesures,
nommer des commissaires et rédiger pour eux des instructions. (…) Voilà,
citoyens représentants, les mesures que le conseil exécutif a prises
pour l'exécution du décret du 15 décembre. Elles étaient indiquées par
les articles et par la nature du décret. Plusieurs des commissaires
sont déjà partis, tous le seront sous peu de jours. Les membres
composant le conseil exécutif provisoire. (Clavière, Roland, Pache,
Le Brun, Monge, Garat, Grouville, secrétaire). » Liste des pays occupés
par les armées de la République, en vertu du décret du 15 décembre 1792
: Ostende, Courtrai, Gand, Tournai, Mons, Namur et Bruxelles.
Il est fait lecture d’autres missives dont la lettre du ministre de l’Intérieur : « Je
corromps l'esprit public! Consultez les départements, faites fouiller
ma correspondance, et voyez si je répands d'autres principes que ceux
de l'ordre et du bonheur social. J'ambitionne le pouvoir suprême ! moi,
qui ne cesse de me mettre en garde contre les dangers de l'abandonner à
un trop petit nombre d'individus. On parle d'intrigues! eh! qu'ils
viennent ces lâches accusateurs, qu'ils suivent l'emploi de mes
journées ; qu'ils voient dans cette continuité d'affaires qui les
remplissent, dans cette activité qui me les fait doubler, s'il est un
moment pour l'intrigue. Hélas! souvent je n'en trouve point même pour
ma famille. Qu'ils lisent seulement, et qu'ils apprennent quel a dû
être le travail de celui qui peut offrir le résultat que je donne. (…) Mais
quel que puisse être le sort qui m'attend, je dois l'encourir, et je le
brave sans hésiter. Donner ma démission pour des dégoûts, ou quelques
injustices serait une faiblesse ; mon dévouement est un retour
nécessaire de la confiance qui m'a fait nommer; je resterai jusqu'à ce
qu'on me la retire ; si je la perds, je n'aurai pas cessé de travailler
à la mériter, et je me livrerai au repos sans remords. Je laisse à
l'impartialité de juger si une vie aussi laborieuse et aussi agitée
peut-être soutenue par un autre sentiment que celui du plus pur
civisme. L'égoïste se met à l'abri, mais le citoyen ne se compte plus
lui-même, et il poursuit sa destination à travers les orages. La mienne
est tracée dans mes devoirs ; je demeure jusqu'à ce qu'on me renvoie ou
qu'on m'immole, et pour demander, qu'on me juge. (Signé : Roland,
lettre du 6 janvier) ». Une lettre des citoyens Grégoire, Jagot,
Philibert, Simond et Hérault de Séchelles, commissaires de la
Convention nationale au département du Mont-Blanc, « demandent des fusils et des piques ».
Les débats se sont concentrés par la suite sur la situation de Verdun
avec la prise d’un décret par le comité de Défense générale.
10.01. A la Convention, suite à M. Treilhard, l’élu de l’Eure,
François Buzot désigné prend la présidence des débats. M. Villers, député
de la Loire inférieure, au sein de la « Plaine » (centre de
l’hémicycle) fait référence aux difficultés de Beaumarchais en
Grande-Bretagne qui, « est actuellement détenu à la tour de Londres
pour une dette de 10.000 livres sterling, provenant du marché qu'il a
passé pour un achat de 60.000 fusils en Hollande. Cette arrestation
n'eut pas eu lieu, si Beaumarchais, jugé comme il pouvait l'être, eut
été déchargé de ce marché (La Convention décrète que le comité
fera un rapport sur la citoyenne Duhem, ainsi que sur le citoyen
Beaumarchais, séance tenante) ».
Le ministre de l’Intérieur Roland adresse une lettre à la Convention où
il précise ses dépenses pour le mois de décembre 92, le ministre de la
guerre de même. Une autre lettre de M. Roland revient sur l’affaire sur
l’importation du blé : « J'ai fait passer à la Convention
nationale, le 6 de ce mois, l'extrait d'une lettre par laquelle les
sieurs Bourdieu-Chollet et Bourdieu, négociants en Angleterre,
m'annonçaient que le conseil britannique avait arrêté qu'aucune
cargaison de blé étranger ne serait chargée dans les ports d'Angleterre
qu'en donnant caution que cette denrée ne serait point portée en
France, et que la cargaison du navire la Thamisis, qui était destinée
pour Bayonne, allait être déchargée. Je m'empresse de mettre sous les
yeux de la Convention l'extrait d'une autre lettre, en date du 4 de ce
mois, par laquelle les mêmes négociants me préviennent qu'ils seront
indemnisés des pertes résultant de l'arrestation du navire la Thamisis
; mais ils m'observent en même temps - qu'il a été mis dans les ports
de l'Irlande même embargo, sur plusieurs navires chargés de blé pour
nos forts, et qu'un cutter (bateau) anglais s'est emparé en mer d'une
pareille cargaison de blé, qu'il a conduite à Portsmouth par ordre du
gouvernement. Je viens également de faire connaître ces dispositions
hostiles au ministre des affaires étrangères, en lui envoyant la
dépêche des négociants Bourdieu-Chollet. (Paris, le 9 janvier 1792) ».
M. Manuel, secrétaire, lit la demande du citoyen Laya : « Citoyens,
législateurs, ce n'est point un hommage que je, vous présente, c'est
une dette que j'acquitte, l’Ami des lois, qui vient d'être représenté
au Théâtre de la nation, ne peut paraître que sous les auspices de ses
modèles. » M. Manuel : « Je demande que l’Ami des lois soit envoyé au
comité d'instruction publique, qui peut-être ne croira pas déplacé
d'examiner cet ouvrage très moral, et de consacrer ses représentations
par la présence de deux commissaires. (Murmures à l’extrême gauche
- Plusieurs membres (au centre) demandent la mention honorable). » M.
Prieur de la Marne vient conclure les débats de la journée, après de
échanges sur la pièce de théâtre de M. Laya : « Je répète que la
Convention ne peut faire mention honorable d'un ouvrage qu'elle ne
connaît pas. Je demande qu'à l'avenir, on ne décrète la mention
honorable d'aucun ouvrage, sans que l'Assemblée en ait eu connaissance.
Il serait d'ailleurs parfaitement ridicule que la Convention nationale,
sous prétexte de remercier un auteur, fasse mention honorable de toutes
les brochures qui lui sont offertes. Plusieurs élus s’exclament : «
J'adhère volontiers à la proposition ainsi généralisée. » (La Convention renvoie toutes ces propositions au Comité d'instruction publique) ».
11.01 A Rouen, une manifestation est organisée en faveur de Louis
XVI, il est procédé à 23 arrestations. A Paris, la Commune
interdit la représentation de la pièce L'Ami des lois de Laya,
deux des rôles avaient des airs de Robespierre et de Marat. A
l’Assemblée, M. Salle, secrétaire, donne lecture d'une lettre des
citoyens Haussmann, Rewbell et Merlin (de Thionville), commissaires de
la Convention nationale à l'armée du général Custine (défait à
Francfort) : « Cependant nos frères d'armes ne sont pas vêtus. Il
vient à la vérité de nous arriver des redingotes, mais il n'y en a pas
pour tout le monde, et plusieurs manquent d'habits sous ces redingotes.
Nous avons exprimé toute l'étendue de nos besoins dans nos lettres aux
comités et aux ministres. Secondez notre zèle, citoyens représentants ;
que le conseil exécutif fasse son devoir ; il n'y a rien de grand et de
glorieux que nous ne puissions nous promettre, et nous rirons des
efforts impuissants des nouveaux ennemis que la perfidie des cabinets
nous suscite. Nous sommes entourés de morts et de blessés. C'est au nom
de Louis Capet que les tyrans égorgent nos frères, et nous apprenons
que Louis Capet vit encore! (Les commissaires de la Convention nationale) ».
M. Manuel, élu de Paris parvient à la barre avec une brochure et il déclare : « Citoyens,
il serait bien extraordinaire que la Convention fit imprimer à ses
frais des opinions sur Louis Capet, dans lesquelles on se permet de
calomnier ouvertement l'Assemblée des représentants de la nation. Je
dois à ce sujet vous dénoncer l'opinion de Poultier, un de vos
collègues ; voici le passage qu'on trouve dans un post-scriptum de
cette brochure. J'étais inscrit le vingt-cinquième pour prononcer cette
opinion à la tribune. Le bureau prévaricateur a subversé (remplacé) la
liste des orateurs ; il a mis les royalistes en avant ; la carrière
leur étant ouverte exclusivement, ils ont demandé la clôture de la
discussion, quand ils ont vu leur liste épuisée et celle des patriotes
ouverte. On nous éconduit ainsi sans cesse de la tribune. Il faut, pour
parler, avoir prêté foi et hommage à M. Roland, et après avoir baisé la
main de madame son épouse… » (Violents murmures à droite et au centre) « Je
demande que l'impression de l'opinion de Poultier soit aux frais de ce
citoyen et que les passages que je viens de citer soient censurés. » Plusieurs élus à la droite de l’hémicycle crient « Oui, oui ! ».
Le ministre de la Marine, M. Monge prend la parole : « Notre
commerce les paie fort cher ; l'Angleterre paie aussi ses matelots au
poids de l'or ; la République n'a pas besoin, sans doute, de les
exciter par cet appât. La dernière guerre a prouvé de quoi nos marins
étaient capables ; mais l'Assemblée remarquera que toutes les denrées
nécessaires à la vie ayant doublé de prix, la solde des matelots ne
suffit plus pour entretenir leurs familles. Je supplie donc la
Convention nationale d'augmenter la paie des maîtres, officiers
mariniers et matelots, de 9 livres par mois. Ce surcroît de dépense, si
juste, pourra s'élever, par an, à 9 millions de livres. Il convient
aussi de soulager le département de la guerre du service des garnisons
qu'il a toujours été dans l'usage de fournir à bord des vaisseaux ; nos
régiments et nos bataillons seront tous nécessaires aux frontières.
Pour le service des garnisons, des vaisseaux, des frégates de la
République, armés en guerre, il faut une force de 15 mille hommes. » |
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Gaspard Monge, en portrait
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Le député Couthon se lance dans une série d’attaque sur le manque d’organisation de l’armée et de ses bataillons : « Si
vous ne décrétez pas le renvoi que je propose, c'est du sein même de la
Convention que se répandront les principes véritablement
désorganisateurs et anarchistes ; car pour qu'il n'y ait point
d'anarchie, il faut que les autorités… » Un député : « soient respectées. - ...oui,
soient respectées ; et je suis peut-être plus pénétré de ce sentiment
que le membre qui m'interrompt ; mais je suis persuadé surtout de la
nécessité qu'elles se renferment dans les limites de leur pouvoir, et
surtout qu'elles n'empiètent pas le pouvoir législatif. » Réponse de M. Jean-Pascal Rouyer, élu de l’Hérault et membre du comité de la marine : « Les Feuillants tenaient dans l'Assemblée législative le même langage ; et faisaient les mêmes arguments. » (Archives Parlementaires, fin du tome 56 ou LVI, du 28/12/923 au 11/01/93, de MM. Madival et Laurent)
12.01. A Paris, la pièce l'Ami des lois présentée au théâtre de
la Nation (Comédie-Française) provoque des manifestations pour et
contre la monarchie. Un courrier du maire M. Nicolas Chambon annonce
qu’il est retenu par le peuple au théâtre, la courte missive est
adressée à l’Assemblée et demande son avis. M. Laya l’auteur, lui
souhaite être reçu à la barre et joint un courrier (en annexe du jour)
: « La Convention nationale (re) passe à l'ordre du jour, motivé
sur ce qu'il n'y a point de loi qui autorise les corps municipaux à
censurer les pièces de théâtre. »
A l’Assemblée le député modéré de la Meuse, M. Sébastien Humbert déclare au sujet de la Belgique : « Législateurs
de la France! l'Europe a les yeux fixés sur vous ; voici une
alternative à laquelle vous ne pouvez vous refuser : ou ne forcez pas
la nation belgique d'obéir à des lois dictées dans la France et, par
les Français sans son intervention ; ne prétendez pas avoir le droit de
poser par vous-mêmes, ou par vos généraux, les fondements de son
administration civile et politiques, de fixer ses usages, de corriger
ses abus ; ou faites voir aux Belges, prouvez à L'Europe entière,
attentive à vos démarches, que vous pouvez le faire, sans blesser en
rien cette liberté, cette souveraineté, que vous avez si ouvertement et
si généreusement reconnues. » Bien que coupé dans son intervention,
par l’affaire de censure de M. Laya, le député Brissot fait une longue
déclaration sur les relations dégradées de la République française avec
l’Angleterre et termine sur un projet de décret en quatre points, le premier
article : « Que le conseil exécutif est chargé de déclarer au
gouvernement d'Angleterre, que l'intention de la République française
est d'entretenir l'harmonie et la fraternité avec la nation anglaise ;
de respecter son indépendance et celle de ses alliés, tant que
l'Angleterre ou ses alliés ne l'attaqueront pas ; (…) que les
Français puissent librement, comme les autres étrangers, exporter de la
Grande-Bretagne et de l'Irlande, les grains et autres denrées et
provisions, et qu'ils ne puissent être assujettis à aucune autre
prohibition que les étrangers, conformément au traité de 1786 (Traité Rayneval-Eden, lire l'Annexe I). En dernier point, il est demandé « au gouvernement anglais quel est l'objet des armements ordonnés
récemment par lui, et s'ils sont dirigés contre la France, se
réservant, dans le cas d'un refus de satisfaction sur tous ces points,
de prendre immédiatement les mesures que l'intérêt et la sûreté de la
République exigent pour repousser toute agression. (La Convention
ordonne l'impression du rapport et de ce projet de décret. Elle ordonne
en outre l'impression des deux notes officielles et leur envoi aux 84
départements) ». (Arch. Parl, tome 57 ou LVII, du 12/01/93 au 28/01/93, de MM. Madival et Laurent)
Dimanche 13.01. A Rome l'ambassadeur, M. Nicoles de Bassville « vers
quatre heures de l’après-midi, le major La Flotte, Amaury Duval, madame
Bassville et son fils, se promènent en calèche sur le Corso et la
piazza Colonna. L’enfant tient un mouchoir tricolore, les adultes
arborent une cocarde, La Flotte est en uniforme : la population
s’amasse rapidement et jette des pierres, l’affaire tourne à l’émeute.
Les relations françaises de l’événement parleront de prêtres agitateurs
conseillant à la foule de tuer. La voiture rentre rapidement chez (le
banquier) Moutte, la foule défonce les portes, Bassville et La Flotte
sont pris à partie, Bassville reçoit dans l’échange un coup d’arme
blanche qui entraînera sa mort le 14, vers sept heures du soir. » (Gérard Pelletier, Rome et la Révol. Fr., chapitre XVIII, 2004)
A la Convention, il est décidé de maintenir les pensions des
ecclésiastes assermentés. Puis, M. Goupilleau, secrétaire, après une
demande de renvoi, lit deux missives : « des représentants du
peuple, Danton, Gossuin, Delacroix et Camus, commissaires de la
Convention nationale à l'armée de Belgique, qui rendent compte des
mesures qu'ils ont ordonnées pour le maintien de l'ordre et de la
tranquillité publique et qui envoient un exemplaire imprimé de la
proclamation et des instructions rédigées par le général Dampierre,
pour l'assemblée des sections d'Aix-la-Chapelle ». Et il est précisé que « Nous
vous prions de donner quelque attention à la proposition que nous vous
faisons de nommer, sur-le-champ, les deux nouveaux commissaires, afin
que Camus puisse se rendre promptement à Paris. » M. Prieur de la Marne propose une motion à la place de la demande des représentants en Belgique : « La
Convention nationale décrète que Camus, l'un de ses commissaires dans
la Belgique, reviendra dans le sein de l'Assemblée, aussitôt que le
présent décret lui sera parvenu. Nomme, pour commissaires adjoints dans
la Belgique, les citoyens Merlin (de Douai) et Johannot, qu'elle charge
de partir aussitôt le jugement de Louis XVI, et d'aller se réunir au
citoyen Gossuin, resté seul des commissaires de la Belgique, pour
continuer avec lui les fonctions dont la commission a été chargée. »
Après que soit voté un acte d’accusation contre le directeur de la Chronique de Rouen, M. Mariette prend la parole : « Je demande que le décret soit porté par un courrier extraordinaire. (Applaudissements) » Ces différentes propositions sont adoptées, avec le texte définitif du décret rendu : « La
Convention nationale, sur la pétition du citoyen député de la ville de
Rouen, qui vient dénoncer le n°100 de la Chronique nationale imprimée
en cette ville, et, sur la proposition d'un de ses membres, décrète
qu'il y a lieu à accusation contre Leclerc, directeur d'un écrit
périodique, intitulé : la Chronique nationale et étrangère, et en
particulier des cinq départements substitués à la ci-devant province de
Normandie. Décrète, en outre, que les scellés seront apposés sur ses
papiers, et qu'à cet effet un courrier extraordinaire sera expédié à
Rouen. Et charge le ministre de la justice de faire poursuivre les
rebelles dans la ville de Rouen, qui ont insulté la cocarde nationale,
et commis des attentats contre la nation et la liberté, et de rendre
compte des poursuites tous les huit jours ».
14.01. A l’Assemblée, le député de Paris, Pierre-Louis Manuel,
secrétaire, fait la lecture d’une nouvelle lettre des commissaires en
Belgique : ils y font part de l’application du décret du 15/02/92 à
Aix-la-Chapelle ; et ils pointent les problèmes, quant à
l’approvisionnement des troupes : fourrages pour les chevaux, vivres et
appointements des soldats. « Nous joignons à cette lecture,
citoyens nos collègues, la proclamation que nous avons faite dans le
pays de Liège pour l'exécution du décret du 15 décembre ; celle que
nous avons adressée au peuple d'Aix et de son territoire, relativement
à l'indemnité de 60.000 livres que vous avez décrétée ; celle que nous
avons adressée aux soldats, sur leurs besoins et sur la nécessité de la
discipline ; nous y joignons aussi la première feuille d'un journal qui
s'imprime à Liège sous le titre de Bulletin de la convention nationale
liégeoise ; il est tout à la française, et les délibérations qui se
trouvent recueillies dans cette feuille vous feront connaître le bon
esprit qui anime plusieurs des communes de ce pays. » signé par MM.
: Delacroix, Camus, Gossuin et Danton depuis Liège, le 8.01.1793. La
Convention renvoie le tout au
comité de la guerre.
M. Manuel continue la lecture des courriers, c’est au tour de M. Monge,
ministre de la marine, qui a adressé la lettre suivante de M.
d'Ailliaud, commissaire civil à Saint-Domingue : « Je m'empresse de
vous annoncer, dit-il, que je suis parti du Port-au-Prince le 20
novembre dernier sur la frégate la Sémillante. Vous êtes informé, par
la dépêche du 28 octobre, des troubles qui s'y sont passés le 19 même
mois et jours suivants : mais la tranquillité n'a pu être rétablie,
malgré l'avantage remporté au poste d'Ononaminthe sur les noirs
révoltés. Quelques factieux continuent de souffler le feu de la
discorde. Le citoyen Sonthonax (Sautenax dans le texte…), qui
était resté au Cap, avait son autorité méprisée au point que non
seulement il a désespéré de se faire obéir, mais qu'il a su qu'il avait
été question de le faire embarquer. Nous avons à notre tour le chagrin,
Polverel (Polverol) et moi, de voir que le même esprit d'insurrection
se faisait sentir dans la province de l'Ouest et qu'on a voulu nous
retenir de force à Saint-Marc. Le nombre et la hardiesse des
malveillants augmentent et les moyens de répression diminuent, ce qui
rend l'état de Saint-Domingue très alarmant. » Les échanges sur la
censure de la pièce de M. Laya sont à nouveau abordées, la question de
la police parisienne est posée par M. Hardy, et Thuriot tente de
justifier « J'observe, en outre, à la Convention que, dans ce moment,
tout le poids de la responsabilité repose sur l'administration de la
commune sur ce point, et que certainement ce serait tenter cette
responsabilité-là que de vouloir effacer la mesure qu'elle a prise. Je
demande que l'on passe à l'ordre du jour pour l'intérêt de la
République, et pour la sûreté de Paris. (Murmures prolongés à
droite et au centre.) » Contrairement à Buzot qui pose l’acte de
censure et les risques de troubles pouvant survenir de cette mesure.
L'examen du procès de Louis XVI reprend.
Mardi 15.01. A l’Assemblée, Vergniaud, président, la séance ouvre à
dix heures cinquante-trois minutes du matin. M. Bancal donne lecture
des lettres. M. Rouyer « demande que la lecture des lettres soit interrompue »
et que l'appel nominal commence selon les dispositions prises la veille
et à commencer sur « l’appel au Peuple » aux urnes pour se prononcer.
Les députés sont appelés par département et Couthon déclare pour le Puy
de Dôme : « Je crois, en mon âme et conscience, que l'appel au
peuple est un attentat à la souveraineté ; car, certes, il n'appartient
pas aux mandataires de transformer le pouvoir constituant en simple
autorité constituée ; c'est une mesure de fédéralisme, une mesure
lâche, une mesure désastreuse qui conduirait infailliblement la
République dans un abîme de maux. Je dis non. » Il est approuvé
que le jugement à rendre ne pourra être soumis à la sanction du peuple,
par 424 voix contre 287 et 10 abstentions sur 717 membres présents dont
28 absents, 20 en mission, 8 portés malades selon le président (dans
les annexes, l’on retrouve les 72 discours publiés). Le député Couthon
« demande qu'on mette successivement aux voix les deux questions
suivantes : 1° Louis Capet est-il coupable de haute trahison envers la
patrie? 2° Si Louis est coupable, quelle peine a-t-il méritée? »
Suite aux débats posés par cette question préalable, il est déclaré,
par 693 voix sur 743 députés (50 absents pour divers motifs), par appel
nominal, Louis Capet est-il coupable de « Conspiration contre la liberté publique? »
Camille Desmoulins après une charge sévère sur les mois écoulés au sein de l’hémicycle propose : « Quant
à la sanction du jugement, je n'en suis point d'avis ; je me résume.
Eclairons la République, l'Europe et la postérité sur le procès qui
nous occupe, et prononçons, sans appel, sur le sort de Louis. Voici le
décret que je propose : - La Convention nationale décrète que les
comités de législation, de sûreté générale et la commission des Douze
se réuniront pour nommer six ou quatre commissaires parmi eux, lesquels
seront chargés de dresser incessamment la réponse à la défense de
Louis. Cette réponse sera soumise à la Convention nationale et
imprimée, et le jugement de Louis sera prononcé sans appel. » Sur l’appel au Peuple, Fabre d’Eglantine, élu de Paris nie aux assemblées primaires de pouvoir défendre l’intérêt général :
« Le peuple français réuni partiellement en six mille assemblées
primaires n'a donc pas de volonté générale? Non : le peuple français
ainsi assemblé exprime six mille volontés partielles indépendantes les
unes des autres. »
16.01. A la Convention, M. Bancal fait lecture
des lettres destinées aux élus présents, M. Pache en charge de la
guerre, demande face au problème des charretiers qui abandonnent leurs
services et les convois « une loi prompte contre la désertion.
» Plus tard, il est lu la lettre des commissaires en Belgique, MM.
Delacroix, Gossuin, Camus, et Danton, au sujet des subsistances de
l'armée : « Citoyens représentants, Le général Miranda, qui
commande en l'absence de Dumouriez et de Valence, est venu hier nous
annoncer qu'il désirait vérifier l'état des subsistances de l’armée et
la conduite du directoire des achats ; il nous a invités à y être
présents. Quoique nous fussions certains d'avoir pris à cet égard tous
les renseignements possibles, nous n'avons pas cru devoir nous refuser
au vœu du général, qui ne tendait qu'à approfondir la vérité de plus en
plus. Il a rassemblé toutes les personnes qui tiennent à
l'administration des vivres ; il les a entendues contradictoirement en
présence de tous les officiers généraux réunis, et il a fait dresser
procès-verbal de leurs réponses. Nous lui en avons demandé une
expédition, que nous joignons. L'intérêt que la Convention doit prendre
à la conservation de l'armée fixera sans doute son attention sur le
résultat des réponses données par l'agent unique du directoire des
achats ; elles constatent que le directoire n'a ici ni magasins, ni
argent, ni les agents nécessaires pour le service. » (Liège, le
13/01/1793) La Convention renvoie la lettre à la commission des Douze,
pour en faire un rapport vendredi 18 du présent mois.
M. Bancal sur la fermeture des salles de spectacle dans la capitale communique l’arrêté suivant : « portant
que les spectacles seront fermés ; considérant que cette mesure n'est
pas nécessaire dans les circonstances actuelles, casse l'arrêté du
conseil général de la commune de Paris ; ordonne que les spectacles
seront inscrits comme à l'ordinaire ; enjoint néanmoins, au nom de la
paix publique, aux directeurs des différents théâtres d'éviter la
représentation des pièces qui, jusqu'à ce jour, ont occasionné des
troubles, et qui pourraient les renouveler dans le moment présent ;
charge le maire et la municipalité de Paris de prendre les mesures
nécessaires pour l'exécution du présent arrêté. » Le député
Thuriot s’y oppose et Danton revenu de Belgique dans une ambiance
délétère propose que la Convention casse l’arrêt du Conseil exécutif.
Enfin, et malgré deux rappels à l’ordre de Marat, s’engage le troisième
appel nominal des députés sur la question : « Quelle peine infligera-t-on à Louis Capet? » Le premier à se prononcer est le député Jean-Baptiste Mailhe de la Haute-Garonne se prononce pour la mort avec sursis.
17.01. A l’Assemblée, il est encore procédé à l’appel nominal et
par département, nous passons directement au tour du département de
Paris, à ses 24 députés de donner leur jugement. La plupart des élus
ont fait des très courtes interventions, quand l’expression n’est pas
lapidaire et s’exprime pour la mort.
- Maximilien Robespierre est le premier à prendre la parole comme député de Paris : « Je n'aime point les longs discours dans les questions évidentes ; (…)
je me garderai bien surtout d'insulter un peuple généreux, en répétant
sans cesse que je ne délibère point ici avec liberté, en m'écriant que
nous sommes environnés d'ennemis, car je ne veux point protester
d'avance contre la condamnation de Louis Capet, ni en appeler aux cours
étrangères. J'aurais trop de regrets, si mes opinions ressemblaient à
des manifestes de Pitt ou de Guillaume ; enfin, je ne sais point
opposer des mots vides de sens et des distinctions inintelligibles à
des principes certains et à des obligations impérieuses. Je vote pour
la mort. » Puis c’est au tour de Georges Danton : « Je ne
suis point de cette foule d'hommes d'Etat qui ignorent qu'on ne compose
point avec les tyrans, qui ignorent qu'on ne frappe les rois qu'à la
tête, qui ignorent qu'on ne doit rien attendre de ceux de l'Europe que
par la force de nos armes. Je vote pour la mort du tyran. »
- Collot-d'Herbois : « Eloigné de la Convention nationale, j'ai déjà émis le vœu dont j'étais fortement convaincu ; ce vœu, c'est la mort. (…) Je vote pour la mort. »
- Manuel : « La peine de mort était à supprimer le jour même où
une autre puissance que la loi l'a fait subir dans les prisons. Le
droit de mort n'appartient qu'à la nature. (…) je demande, comme mesure
de sûreté générale dans les circonstances où se trouve ma patrie, que
le dernier des rois soit conduit avec sa famille prisonnière, d'ici à
vingt-quatre heures, dans un de ces forts, ailleurs qu'à Paris, où les
despotes gardaient eux-mêmes leurs victimes, jusqu'à ce qu'il ne manque
plus au bonheur public que la déportation d'un tyran, qui alors pourra
chercher une terre où les hommes n'aient pas de remords.
Billaud-Varenne : « La mort dans les vingt-quatre heures. »
- Camille Desmoulins : « Manuel dans son opinion du mois de
novembre a dit : Un roi mort, ce n'est pas un homme de moins. Je vote
pour la mort, trop tard peut-être pour l'honneur de la Convention (Murmures). »
- Marat : « Dans l'intime conviction où je suis que Louis est le
principal auteur des forfaits qui ont fait couler tant de sang le 10
août, et de tous les massacres qui ont souillé la France depuis la
Révolution, je vote pour la mort du tyran dans les vingt-quatre heures. »
- Et dernier élu parisien à intervenir est Philippe-Egalité : « Uniquement
occupé de mon devoir, convaincu que tous ceux qui ont attenté ou
attenteront par la suite à la souveraineté du peuple méritent la mort,
je vote pour la mort. » (Quelques rumeurs s'élèvent dans la partie
droite de la salle.) Un grand absent l’abbé Grégoire parti en mission,
il n’était pas favorable à la peine capitale.
Les tout derniers à présenter leurs choix, Xavier Izarn de Valady : « Pour la détention comme otage, sauf les mesures ultérieures à prendre en cas d'invasion du territoire français. » Le député du Morbihan, Claude Corbel est l’avant-dernier à se prononcer : « Pour
la déportation pendant la guerre ; le bannissement à la paix et se
termine avec Nicolas Enlart pour le Pas-de-Calais favorable à la mort. » Vers sept heures en soirée, l'appel nominal est terminé. Deux heures après, le président des séances Vergniaud déclare que « la peine que la Convention nationale prononce contre Louis Capet est celle de la mort ». Le soir, le Testament de Louis XVI (Gallica-Bnf, 10 pages) est rédigé et adressé aux journaux et s'achève par : « Je
pardonne encore très-volontiers à ceux qui me gardaient, les mauvais
traitemens et les gênes dont ils ont cru devoir user envers moi. J'ai
trouvé quelques âmes sensibles et compatissantes : que celles-là
jouissent, dans le cœur, de la tranquillité que doit leur donner leur
façon de penser. Je prie MM. Malesherbes, Tronchet et Desèze, de
recevoir ici tous mes remerciemens et l'expression de ma sensibilité
pour tous les soins et les peines qu'ils se sont donnés pour moi. Je
finis en déclarant devant Dieu, et prêt à paraître devant lui, que je
ne me reproche de génération en génération, à toute la postérité. Fait
à Paris, ce jeudi soir, 17 janvier 1793. »
18.01. La Convention procède à un scrutin de
contrôle à la demande de plusieurs de ses membres. Le résultat des
votes donne 387 voix pour la mort sans condition, 334 voix en faveur de
la détention ou d’une mort avec sursis, dont 28 députés sont notés
absents pour 749 députés. En Belgique, le général Dumouriez pousse les
patriotes Belges à constituer leur Convention nationale (un de ses
desseins). Marat dans le Journal de la République se prononce
sur l’appel au Peuple : « Soumettre à la ratification du peuple un
jugement rendu sur des raisons d'État, toujours hors de sa
portée, est non-seulement un trait d'imbécillité, mais de démence. Il
n'a pu être imaginé que par les complices du tyran, réduits pour
couvrir leurs crimes et l'arracher au supplice, à livrer l'État aux
horreurs de la guerre civile. Mon devoir est de m'opposer de toutes mes
forces à l'exécution de ce projet désastreux : en conséquence je dis :
Non. »
Arrêt de mort que présente
Olympe de Gouges
contre Louis Capet
Buste d'Olympe de Gouges à l'Assemblée nationale
réalisé par Jeanne Spehar et Fabrice Gloux
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Et moi aussi,
législateurs, je vote la mort du tyran. Je vote d'un manières
différente à celle que vous avez prononcé et que crois infaillible. Je
ne mettrai pas mon esprit la torture pour vous faire des phrases pour
vous surprendre par des mots ; ce sont des faits qu'il faut dans cette
circonstance périlleuse ; les voici :
Louis Capet, comme conspirateur, comme instrument du sang des victimes,
qui a coulé pour la défense de la patrie, et qui a rougi la terre
étrangère, a mérité sans doute mille morts. Je me suis dépouillée du
titre de défenseur officieux (déclaration d'Olympe de Gouges du
16/12/1792), pour prendre celui de bonne citoyenne, qui m'est le plus
naturel.
Quand je me suis proposé pour défendre Louis, il était sans appui, sans
défenseur ; je m'étais imposé cette noble tâche et en descendant dans
mon âme je ne voyais que la paix de mon pays en rendant le plus digne
hommage à l'humanité, je le fis pour apprendre aux factieux que je ne
composais pas l'aspect d'une belle action et des poignards. La gloire
fit tout alors ; mon devoir fera aujourd'hui le reste.
Législateurs vous vous êtes déjà habitué a mes opinions, et j'ose dire qu'elle ne vous ont jamais été suspecte.
Sénat Français, je ne t'ai point quitté depuis que la majorité a
prononcé la peine de mort de Capet. J'ai voulu entendre Brissot et
Pétion, j'ai été étonnée. Est-ce à leurs âmes sans reproches (car je me
plais à croire que ces deux législateurs sont sans tache, ainsi que la
majorité des représentants du peuple) à redouter que la mort ou l'exil
du tyran, préparent des malheurs inévitables et peut-être inconnus au
monde. Républicains, mettez-vous au-dessus de la crainte et du soupçon,
et vous sauverez la chose publique. Quoi ! le salut de la patrie
dépendrait de Paris ! Quoi les satellites des puissances étrangères
coalisées avec nos ennemis communs attendront-ils le supplice de Louis
pour se montrer. Peuvent-ils nous jeter dans une aussi cruelle
alternative? Quoi ce bonheur si attendu, ce gouvernement républicain
qui nous a coûté tant d'or, tant de sang ; ce gouvernement, dis-je,
tant désiré s'évanouirait dans un moment et n'offrirait plus que des
lambeaux sanglants qui ne laisseraient la philosophie d'autres
observations à faire, que les Français étaient nés pour les fers. Quoi
le salut de la patrie dépendrait du despotisme de Paris, oh !
législateurs ! que Paris s'observe lui-même, et il porte sur sa tête
une terrible responsabilité : la moindre démarche de sa part
attentatoire à vos délibérations, aux propriétés et aux personnes,
Paris aura vécu.
Législateurs
ne rougissez pas d'imiter une femme qui n'a jamais connu d'autre
crainte que celle des dangers de la patrie, je me lève contre la
tyrannie, puissiez vous vous lever de même, apprendre à la postérité
que les départements, les armées républicaines, tous les peuples de
l'univers sont là pour juger Paris comme vous avez jugé le tyran.
Voici actuellement la peine de mort que j'ai à vous proposer pour Louis
Capet et toute sa famille. J'ai senti qu'aux grands maux il fallait
appliquer les grands remèdes. En remontant mon opinion de défenseur
officieux, je crois que depuis que Louis a encouru la peine de mort
comme roi, le glaive de la loi ne peut plus l'atteindre comme homme ;
mais vous l'avez jugé, je respecte le décret de ma nation, tous allez
discuter actuellement sur un sursis â l'exécution de son arrêt : Eh !
discutés plutôt sur un traité avec les puissance ennemies, achetez avec
la tête de ce coupable une paix qui peut nous être favorable, qui peut
épargner le sang de tous les peuples. Pourriez-vous balancer et choisir
une juste vengeance, non sénateurs français, aucun de vous ne la
préserverait à ce prix. Cette tête coupable une fois tombée elle ne
nous est plus d'aucune utilité ; cette tête nous a coûté trop cher pour
ne pas en tirer un réel avantage. Les tyrans de l'Europe donnent pour
prétexte à leurs peuples, que nous nous égorgeons, que nous leurs
déclarons la guerre pour leur envahir leurs états, leurs fortunes et
que nous traînons au supplice un roi vertueux. Tant qu'il vit, ils
ménagent leurs démarches ; une fois mort plus de frein à leur ambition
et à leur vengeance ; offrez la grâce de ce criminel, à la condition
qu'ils reconnaîtront par une démarche solennelle à la république
française indépendante.
Par cette
action d'éclat vous désarmez les peuples et vous confondez le tyrans,
car législateurs en vain vous chercheriez à vous le dissimuler, la
misère de nos troupes, nos finances épuisées, les ennemis en force, et
tout ce qui peut nous faire apercevoir un avenir effrayant, nous
forcent à conclure à cette paix non pas honteuse pour nous, mais pour
les tyrans qui seront trop heureux d'acheter la grâce d'un de leur
pareil, au prix d'une révolution qui leur coûterait cher. Oui,
législateurs, je suis dans l'entière conviction que ce manifeste
traduit dans toutes les langues du peuple Français à tous ceux de
l'Europe déclare la guerre seulement aux rois et produit une
insurrection universelle. Louis mort tiendra encore l'Univers dans
l'esclavage. Louis, vivant rompt les chaînes de l'Univers en brisant
les sceptres de ses pareils ; s'ils résistent, eh bien qu'un noble
désespoir nous immortalise. On dit, avec raison, que notre situation ne
ressemble ni à celle des Anglais, ni aux Romains. J'ai un exempte bien
grand à offrir à la postérité ; le voici :
Le fils de Louis est innocent mais il peut prétendre à la couronne et
je veux lui ôter toute prétention. Je voudrais donc que Louis, que sa
femme, ses enfants et toute sa famille fussent enchaînés dans une
voiture, et conduits au milieu de nos armées, entre le feu de l'ennemi
et notre artillerie. Si, les brigands couronnés persistent dans leur
crime, et refusent de reconnaitre l'indépendance de la république
française, je briguerai l'honneur d'allumer, la première, la mèche du
canon qui nous délivrera de cette famille homicide et tyrannique. La
mort de Louis sera trop glorieuse, elle sera digne d'un peuple libre ;
alors on ne dira plus en parlant des Français ils furent de honteux
assassins, mais des hommes généreux.
Source : Gallica-Bnf, Les archives de la Révolution, 4 pages
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19.01. L’île Bourbon dans l’Océan Indien prend le nom d’île de la Réunion.
A la Convention, il est exécuté à la demande du président à un
quatrième appel nominal, le secrétaire est M. Osselin, les députés
présents répondent par un oui ou un non : « Sera-t-il sursis à
exécution du jugement de Louis Capet ? Par 380 voix contre 310,
il est décidé qu’il n’y aura point de sursis à exécution, et ceci suivi
de la lecture du texte final du décret : « Il sera envoyé à
l'instant au conseil exécutif une expédition du décret qui prononce
contre Louis Capet la peine de mort. Le conseil exécutif sera chargé de
notifier dans le jour le décret à Louis, de le faire exécuter dans les
24 heures de la notification, de prendre pour cette exécution des
mesures de sûreté et de police qui lui paraîtront nécessaires, et de
veiller a ce que les restes de Louis n'éprouvent aucune atteinte. Il
rendra compte de ses diligences à la Convention. Il sera enjoint aux
maires et officiers municipaux de Paris de laisser à Louis la liberté
de communiquer avec sa famille et d'appeler auprès de sa personne les
ministres du culte qu’il indiquera pour l'assister dans ses derniers
moments. » Cambacérès donne lecture des décrets rendus contre Louis Capet, les 15 et 17 janvier : « Il
sera envoyé à l'instant au conseil exécutif une expédition du décret
qui prononce contre Louis Capet la peine de mort. Le conseil exécutif
sera chargé de notifier dans le jour le décret à Louis, de le faire
exécuter dans les 24 heures de la notification, de prendre pour cette
exécution des mesures de sûreté et de police qui lui paraîtront
nécessaires, et de veiller a ce que les restes de Louis n'éprouvent
aucune atteinte. Il rendra compte de ses diligences à la Convention. Il
sera enjoint aux maires et officiers municipaux de Paris de laisser à
Louis la liberté de communiquer avec sa famille et d'appeler auprès de
sa personne les ministres du culte qu il indiquera pour l'assister dans
ses derniers moments. »
Décret contre Louis Capet
Art. 1er. « La Convention nationale déclare
Louis Capet, dernier roi des Français, coupable de conspiration contre
la liberté de la nation, et d'attentat contre la sûreté générale de
l'Etat.
Art. 2. « La Convention nationale déclare que Louis Capet subira la peine de mort.
Art. 3. « La Convention nationale déclare nul l'acte de Louis
Capet, apporté à la barre par ses conseils, qualifié d'appel à la
nation du jugement contre lui rendu par la Convention ; défend à qui
que ce soit d'y donner aucune suite, sous peine d'être poursuivi et
puni comme coupable d'attentat contre la sûreté générale de la
République.
Art. 4. « Le conseil exécutif provisoire notifiera, dans le jour,
le présent décret à Louis Capet, et prendra les mesures de police et de
sûreté nécessaires pour en assurer l’exécution dans les vingt-quatre
heures, à compter de la notification, et rendra compte du tout à la
Convention nationale immédiatement après qu'il aura été exécuté. »
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20.01. A deux heures de
l'après-midi, le ministre de la Justice, Dominique-Joseph Garat, fait notifier à Louis
XVI, c’est-à-dire au citoyen Louis Capet le décret de la Convention.
Louis Antoine l’a déjà reçu par ses défenseurs.
illustration des Révolutions de Paris de l'assassinat de Peletier de Saint--Fargeau
Vers cinq heures du soir, le conventionnel Lepeletier de
Saint-Fargeau est assassiné à coup de sabre par un dénommé Pâris, alors
qu’il se restaurait, voici le contenu du procès-verbal : « le
dimanche vingt janvier, environ six heures du soir, sur l'avis donné au
commissaire de police de la section de la Butte-des-Moulins (ex.
Palais-Royal), par le citoyen Février, restaurateur, (…) à quoi
obtempérant, sommes transportés à l'instant à la maison Égalité, chez
ledit citoyen Février, numéro cent seize, dans une chambre à
l'entresol, ayant vue sur le jardin de la Révolution, en présence des
citoyens Duclos et Odiot, commissaires de ladite section ; dans
laquelle nous avons trouvé couché sur un matelas à terre, le citoyen
Louis-Michel Lepeletier, député à la Convention nationale, lequel nous
a déclaré qu'étant dans une salle du citoyen Février, restaurateur, un
particulier, à lui inconnu, lui a demandé s'il avait voté pour la mort
du roi? Que lui ayant répondu qu'oui, et qu'en cela il avait fait son
devoir, à l'instant il a tiré son sabre et lui a dit, en lui en portant
un coup scélérat, voilà ta récompense. »
A sept heures, le seul voeux exaucé à l’ancien
roi par la Convention est la venue d’un confesseur, à sept heures du
soir l’abbé réfractaire de Firmont arrive à la prison du Temple. Ce
dernier restera jusqu’à l’exécution du lendemain en compagnie de Louis
XVI. Une heure après, l’ancien monarque fait ses adieux à sa femme,
Marie-Antoinette, à sa soeur, Mme Élisabeth, et à ses deux enfants. A
trois heures du matin à l’Assemblée, après avoir décrété dans la
journée, le jugement notifié à Louis Capet par une délégation du
Conseil exécutif, il est précisé que l'exécution sera assurée dans les
vingt-quatre heures. La Convention lève la séance. Le député Guy-Armand
de Kersaint qui s’était prononcé pour l’emprisonnement du roi donne sa
démission en faisant référence aux 2 et 3 septembre 1792. Ce qu’il
confirmera deux jours après en se prévalant de son immunité
parlementaire et confirmant son refus de continuer à siéger au
sein de l’Assemblée.
21.01. A huit heures moins le quart du matin, une délégation de la
commune d’une dizaine de soldats de la garde nationale, sous les ordres
du commandant Santerre, arrivent à la prison du Temple ; Louis Antoine
se recueille quelques instants avant de partir. Dans un grand calme,
Louis monte dans le carrosse du maire de la capitale et récite tout au
long du parcours une prière à voix basse, il est accompagné de l’abbé
Firmont et de deux gendarmes. S’engage la route, dans un grand silence,
tout au long des militaires, derrière une foule mutique, la voiture
arrive à 10 heures et reste sans mouvement place de la Révolution
durant cinq minutes, où sont présents 80.000 hommes en armes. A dix heures et vingt deux minutes du matin, Louis XVI est guillotiné. Des « hourra » et autres appels, ou cris libérateurs sont lancés, rapidement la vie parisienne reprend son cours.
Place de la révolution, la tête de Louis XVI est exhibée à la vue des présents
A l’Assemblée, la séance du matin a débuté à 10 heures et l’on y a fait la
lecture de la lettre du commandant Santerre, arrêté par le Conseil
exécutif, sur les préparatifs de l’exécution et le bon ordre des
choses. Il est interdit aux militaires de partir avant 12 heures de la
place et il est prohibé toute manifestation bruyante du public, aucun
tir ou feu d’arme ne devant éclater, le tout sous une bonne garde et la
présence des sections. Il est ensuite abordé la question de
l’assassinat de Lepeletier de St-Fargeau, un débat houleux entre
montagnards et girondins débouche sur la mise en accusation du
meurtrier Pâris. Le conventionnel Jean-Bon-St-André dénonce le placard
de Xavier de Valady député de l’Aveyron, ancien aide de camp de
Lafayette, devenu girondin et l’on demande la mise en accusation de
Kersaint. A la séance du soir il est débattu de la composition des
membres du comité de surveillance, le député Birotteau demande à se
conformer au décret rendu « et ajournons à demain, comme cela a été décrété, le renouvellement du comité de surveillance. » Vergniaud à la présidence met : « la question aux voix ».
La Convention décide le renouvellement du comité de surveillance séance
tenante. Plusieurs membres sur la droite de l’hémicycle remarquent que
« l'Assemblée n'est pas en nombre, comment voulez-vous voter? » Au
long « de l'appel, qui a commencé par le département de la Gironde,
chaque membre lit à haute voix les noms des 12 membres pour qui il
vote, et dépose ensuite la liste, signée de lui, sur le bureau. » L'appel terminé le président annonce le résultat ; qui « donne 299 listes, nombre égal à celui des suffrages exprimés (sur 749). (…) Voici la liste des membres que le sort a désignés. Ce sont les citoyens :
Albitte, Brival, E. de la Vallée, Couppé, Guyomard, Lindet,
Maribon-Montaut, Hérard, Rabaut-Pomier, Gay, Vernon, Geoffroy le jeune
et Barbeau du Barran ».
Dans son Journal de la République ou l'édition du jour, Jean-Paul Marat diffuse sa position donnée à l’Assemblée sur le sursis à exécution : « Examinez
ces audacieux, vous y verrez à leur tête de ces intrigants qui se sont
attachés au char du ministre tout puissant, après avoir capitulé avec
le monarque un peu avant le 10 août. Vous y verrez des ex-nobles, des
ex-financiers, des maltôtiers, des agioteurs, des suppôts de la chicane
qui, depuis quatre mois, calomniaient le patriotisme en se couvrant de
son masque, qui se targuaient d'être républicains en servant le
royalisme, des complices du tyran qui tremblent d'être reconnus pour
des traîtres. Le sursis qu'ils demandent n'est donc qu'une simple
détention en attendant les événements désastreux qu'ils préparent.
Cette mesure a été rejetée, il est insensé de la reproduire. Messieurs,
vous avez décrété la République, mais la République n'est qu’un château de cartes, jusqu'à ce que la tête du tyran tombe sous le glaive de la loi. » (C'est fait !)
22.01. A La Convention nationale, après avoir
entendu, Marie-Joseph Chénier, pour le comité d'instruction
publique, il est décrété en son premier article que le jeudi, 24
janvier, « à huit heures du matin, seront célébrées, aux frais de
la nation, les funérailles de Michel Lepeletier, député par le
département de l'Yonne ». Assisteront, les membres du conseil
exécutif et l’ensemble des députés, plus « les corps administratifs et
judiciaires (art. 2) ». Et « le conseil exécutif et le département
de Paris se concerteront avec le comité d'instruction publique,
relativement aux détails de la cérémonie funèbre (art. 3) ». Il est rajouté après une intervention du député Delacroix, un article 4 précisant que, « Les
dernières paroles prononcées par Michel Lepeletier, seront gravées sur
sa tombe, ainsi qu’il suit : « Je suis satisfait de verser mon sang
pour la patrie ; j'espère qu'il servira à consolider la liberté et
l'égalité, et à faire reconnaître ses ennemis. »
23.01. A la Convention, à la séance du matin, à la lecture des
lettres, le ministre de l’Intérieur, M. Roland donne sa démission. Au
passage il dénonce quelques malversations financières dans
l’approvisionnement des troupes. Le courrier lu devant l’assistance
provoque quelques remous et contestations de MM. Thuriot et de
Robespierre dit le jeune (son frère). Finalement la démission est
acceptée, Jean-Bon-St-André exprime avec persuasion, qu’il n’est pas
possible de « tenir enchaîné un homme qui veut être libre. » (Lire la lettre de démission, Annexe II)
Les commissaires de Belgique présentent leur rapport sur les mois
écoulés , à noter que le général Miranda a connu trois commissaires
adjoints aux comptes, dont un renvoyé. (Arch. Parl., en 4 parties dans les annexes, pages 610 à 631)
Marat se fait écho du supplice de Louis XVI dans son édition du jour : « La
tête du tyran vient de tomber sous le glaive de la loi ; le même coup a
renversé les fondements de la monarchie parmi nous; je crois
enfin à la République. Qu'elles étaient vaines les craintes que les
suppôts du despote détrôné cherchaient à nous inspirer sur les suites
de sa mort, dans la vue de l'arracher au supplice. Les précautions
prises pour maintenir la tranquillité étaient imposantes, sans doute ;
la prudence les avait dictées ; mais elles se sont trouvées tout au
moins superflues : on pouvait s'en fier à l'indignation publique ;
depuis le Temple jusqu'à l'échafaud, pas une voix qui ait crié
grâce ; pendant le supplice, pas une qui se soit levée en faveur de
l'homme qui naguère faisait les destinées de la France ; un profond
silence régnait tout autour de lui, et lorsque sa tête a été montrée au
peuple, de toutes part se sont élevés des cris de Vive la nation! vive
la République! Le reste de la journée a été parfaitement calme; pour la
première fors depuis la fédération (1790), le peuple paraissait
animé d'une joie sereine ; on eût dit qu'il venait d'assister à une
fête religieuse ; délivrés du poids de l'oppression qui a si longtemps
pesé sur eux, et pénétrés du sentiment de la fraternité, tous les cœurs
se livraient à l'espoir d'un avenir plus heureux. »
Jeudi 24.01. A Rome, les Juifs romains sont pris à partie par la foule, dénoncés comme complices de la Révolution française, « le Peuple dirigea sa haine contre les Juifs, (…) et la présence des troupes seules empêcha que tout le quartier ne fut brûlé », selon les Révolutions de Paris (n°187, page 291). Lire l’Annexe III « Toujours des prêtres » des Révolutions de Paris sur les événements de Rome en janvier 1793.
A Londres, il est ordonné au ministre (ambassadeur) de la République française de
quitter le royaume britannique. A Paris sont organisées des funérailles
grandioses pour Lepeletier de Saint-Fargeau, assassiné le 20 janvier
pour avoir voté la mort du roi. Aux Etats-Unis, à Boston, la population
célèbre la victoire de la bataille de Valmy de septembre 1792. (La Révolution française vue de loin, de Simon P. Newman, 1991, CAIRN info) Des troupes prussiennes entrent en Pologne.
A la séance du matin à la chambre législative, M. Bancal fait lecture
du procès-verbal et fait part des courriers parvenus ; le soir les
tensions demeurent à l’extrème gauche de l’hémicycle et il est procédé
à l’élection du nouveau président et de ses 3 secrétaires, sur 355
votants, la majorité absolue est de 178, c’est M. Rabaut-Saint-Etienne
avec 179 suffrages qui est élu, puis en fin de séance sont désignés MM.
Bréard, Cambacérès et Thuriot (161, 151, et 131 votes).
25.01. Devant l’Assemblée, le commissaire et député de la
Haute-Loire, Armand Camus, déclare suite à son séjour en Belgique que
la : « mission dans la Belgique avait trois objets : 1° prendre
Connaissance de l'état de l'armée, examiner les dépenses, chercher la
cause de dénuement où elle se trouvait ; veiller à l'exécution au
décret du 15 décembre ; les mesures à prendre pour ne point laisser
dilapider les biens que tous avez déclaré nationaux. Delacroix vous a
lu le mémoire que j'avais été chargé dé rédiger. Vous avez lu qu'il y
avait eu, par négligence ou ineptie, Une fausse dépense de 150
millions. Ce rapport, qui tous a été présenté, n'est qu'une instruction
générale ; nous vous proposerons ensuite les décrets particuliers pour
remédier au mal que nous avons découvert. Mais dès Aujourd'hui vous
pouvez nous rendre compte que le défaut des subsistances vient du
comité des achats. Le ministre Pache vous a dit, dans une lettre, qu'il
avait demandé à Miranda quelle était la cause du dénuement ; Miranda a
dû le montrer. Il est venu nous trouver, il nous a proposé d'assister
en corps aux vérifications qu'il voulait faire. Miranda a assemblé en
notre présence tout ce qui concernait l’administration du ministre ;
» puis apporte pour preuve à l’appui les coûts du fourrage venus de
Valenciennes plus onéreux. Il est décrété la mise en arrestation de MM.
« Bidermann, Cerfberr et Cousin », qui pourront néanmoins continuer
leur négoce, mais sous surveillance. Plus tard, M. Camus reprend la
parole et aborde la question de l’exécution du décret du 15 décembre
92, qu’il trouve peu appliqué et « demande que le comité
diplomatique présente des instructions relatives à la tenue des
assemblées, pour être envoyées au peuple de la Belgique. Après avoir
donné ces instructions, nous déclarerons aux Belges, que si, dans
quinze jours, ils n'exécutent point votre décret, nous les
considérerons comme refusant de traiter avec nous. » Il est
ensuite suivi par le député Sieyès, qui propose pour le comité de
défense générale un rapport sur la réorganisation du ministère de
l’Armée. A nouveau, l’assassinat de Louis-Michel Lepeletier est évoqué,
avant que ne soit abordé un rapport de M. Dubois-Crancé sur
l’augmentation des salaires des marins dans la perspective de la guerre. Les mesures prises en
urgence ne donneront plus lieu à un débat, et toutes les décisions antérieures sont abrogées.
26.01. Le général Dumouriez quitte Paris et se dirige vers
Dunkerque pour rejoindre la Belgique. A la Convention, M. Guillermin,
au nom du comité colonial, fait un rapport et présente un projet de
décret sur les pétitions des citoyens et militaires déportés de l’île
de la Guadeloupe. Il est décidé que « Le ministre de la marine donnera des ordres pour que les citoyens déportés de la Guadeloupe à Nantes, sur le navire la Demoiselle (43 personnes) et sur le navire la Suzette (47 déportés, dont un Libre de couleur), desquels la liste nominative, est jointe au présent décret, y soient sans délai reportés ; » et à leurs frais. Ensuite sont débattues les questions qui afférent aux services de santé de la marine.
27.01. Dans la capitale, il est planté, un
chêne fédératif ou un arbre de la Fraternité sur la place du Carrousel.
A la Convention, le maire de Strasbourg M. Dietrich demande à changer
de la juridiction de Besançon pour son jugement. Il est décidé qu’il n’y a
pas lieu à délibérer. Marat dans son périodique se
consacre à des réflexions sur la Révolution, notamment sur sa
fragilité, et parle de miracle, si la république
a pu échapper aux différentes
intrigues ou complots contre-révolutionnaires, il affirme ne pas
vouloir la guerre au-delà des frontières. Il interpelle sur le
chemin parcouru depuis 1789. Comme d’autres, il se voit
depuis quelque temps accuser de royalisme ou d'être un aristocrate. En préambule de ses
réflexions, après une petite pique à destination de Philippe
Egalité, Marat
lui propose de calmer « les têtes chaudes sur la souveraineté », lui
offre la prise en charge de la présidence du club des Indigents « que j’ai postulée et qu’on lui accordera à ma recommandation. (…) Et
comme la soif des grandeurs humaines n'est pas éteinte dans mon âme, je
demande à mon peuple la faveur insigne de m'élever à sa dignité de
modérateur des têtes chaudes de sa montagne, et d’instigateur des têtes
glacées du marais. Je me sens assez de courage pour remplir avec gloire
ce double emploi ; mais il faut que ces têtes se prêtent un peu à leur
reforme ; s'il en est de récalcitrantes, je solliciterai contre elles
un arrêt d’anathème que je ferai mettre en vers et en musique, sur
l'air : « Changez-moi cette tête » ; ce qui produira un effet merveilleux ». (Journal de la Rép. Fr., n°108, page 2)
28.01. Depuis la ville allemande d’Hamm, le
comte de Provence se proclame régent de France. A la Convention,
beaucoup de lettres sont présentées à l’assistance, parvenues aussi bien de l’ancien et des
toujours ministres, Roland, Garat, Monge, Pache, etc. M. Salicetti fait
un exposé sur l’état de la Corse, il fait appel à des mesures
appropriées pour répondre à sa défense : « Citoyens, si je viens
réclamer un instant votre attention, c'est pour un objet important. Je
vais vous exposer en très peu de mots l'état où se trouve le
département le plus lointain de la République. La défense de l’île de
Corse, dont la position intéressante domine l'Italie, et protège les
côtes méridionales de France, mérite, à la veille d'une guerre
maritime, toute la sollicitude des représentants du peuple. (…) Les
habitants de cette île, accoutumés à combattre depuis des siècles, pour
la liberté, Français par intérêt autant que par inclination, sauront,
n'en doutez pas, repousser les ennemis qui s'approcheraient de leur
territoire ; il n'est question que de les diriger, de les éclairer sur
des pièges que des prêtres fanatiques et des intrigants pourraient leur
tendre ; de les aider par des moyens qu'ils n'ont pas en leur pouvoir,
et vous pouvez compter que les Corses, fidèles aux principes et à
l'unité de la République que vous avez consacrés, défendront cette île
avec tout le courage d'un peuple qui sent ses forces, et connaît la
cause sacrée pour laquelle il combat. » Et, il annonce au final
qu’il fera un rapport sous huit jours. M. Réal au nom du comité des
finances fait adopter le paiement au concierge de la prison de l’Abbaye
la somme de 19.000 livres pour la période de juillet au 5 septembre
1792 (qu’avait refusé de payer en partie M. Roland). Après quelques
altercations et le refus de François Buzot.,celui-ci dénonce par
la même occasion l’arrestation du journaliste Nicole, détenu à la
prison de l’Abbaye. A son tour, le député Sieyès continue son exposé
sur l’organisation du ministère de la guerre, suivi des discours sur le
sujet de Saint-Just, de Fabre d’Eglantine et de Buzot. (Arch. Parl., fin du tome LVII)
29.01.
A la Convention, la défense de la frontière avec le royaume
espagnol est abordée par un député de Haute-Garonne sur le manque de
moyens de l’armée de Pyrénées, il est lu par la suite un rapport des
commissaires
Carnot, Garrau et Lamarque sur le sujet. Dans sa publication, Marat
écrit sur le « coquinisme » de Dumouriez, il publie une lettre de
soldats parisiens, qui se plaignent de son comportement avec les
volontaires, de leurs très mauvaises conditions par rapport à l’armée
d’active (ce que confirme la lettre de Roland).
Ensuite, dans le même esprit, il s’en prend au Général Santerre, il
invite à ce que l’on lui communique des informations sur les chefs
nommés par le commandant de la garde parisienne. (Journal de la RF, n°110)
30.01. En Bretagne, en Côtes-du-Nord (aujourd’hui d’Armor) après 3
jours d’agonie, à 4 heures et demi du matin, Armand Tuffin de La
Rouërie, proche du comte d’Artois et conspirateur royaliste, ancien de
la guerre d’indépendance des Etats-Unis, meurt à l’âge de 41 ans. Membre et dirigeant de «
l’Association Bretonne », il devait diriger une insurrection en mars,
qui n’aura pas lieu suite à l’arrestation de ses partisans. A
l’Assemblée, il est proposé d’adjoindre 3 membres au Comité de Défense
générale : « Le président (…) a observé qu’il paraissait
convenable de proposer à la Convention nationale de décréter que trois
membres, pris dans le Comité de correspondance fussent autorisés à
assister au Comité de défense générale pour s’y pénétrer des objets,
dont il était du devoir du Comité de correspondance d’instruire les
commissaires de la Convention nationale ». Les membres du comité ont
chargé le citoyen Roux (Louis-Félix, montagnard), « d’en faire demain
la proposition à la Convention nationale au nom du dit comité. » La
mesure sera approuvée le lendemain. Ce même comité de Défense se
transformera en comité de Salut Public dans peu de semaines. Marat,
dénonce le marquis de Sillery et député de la Somme, selon lui, il
voudrait « placer le général Valence au ministère de la guerre ». Il
est demandé que « la discussion soit fermée ». M. Lebrun, le
ministre des affaires étrangères annonce que M. Chauvelin, ministre
plénipotentiaire auprès du gouvernement britannique a reçu l’ordre de
quitter l’Angleterre. (Arch. Parl., tome LVIII)
31.01. En Bretagne, c’est le décès de M. de La
Rouërie, le conspirateur royaliste
est enterré secrètement. A Paris, la Convention, suite au
rapport de M. Blad, du comité de la marine, l'on décide d'autoriser les
armateurs et capitaines à armer des navires corsaires. Lire l'Annexe IV, adoption du décret sur l’armement de course et lettres de marque et suspension de la loi du 13 mai 1791.
Le ministre de la guerre, M. Pache, envoie copie d’une lettre du 28/01
du général Miranda et la missive du maire de Liège lui adresse les
vœux « presque unanime des Liégeois » d’être rattachés à la République
française. Le comté de Nice après un vote de sa population devient le
quatre-vingt-cinquième département avec pour nom les Alpes-Maritimes,
et le pays de Liège formera le département de l'Ourthe.
à suivre...
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Annexe I - Traité Rayneval-Eden (1786)
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Conclu, à Paris, le
26 septembre 1786, par M. Gérard de Rayneval (1778-1836, diplomate,
Pair de France sous Louis-Philippe) et William Eden (1744-1844, baron,
proche de William Pitt, diplomate de 1788 à 1793). Indépendamment du
nouveau tarif, d'après lequel les droits à payer pour les marchandises
réciproquement introduites furent fixés, ce traité renferme diverses stipulations d'un intérêt général, parce
qu'elles entrent dans le droit des gens. L'art. 22 ne comprend, sous le
nom de contrebande de guerre, que les armes de toute espèce et tous les
instruments de guerre servant à l'usage des troupes ; et l'article
suivant donne le dénombrement des objets qui ne pourront pas être
envisagés comme contrebande de guerre. Indépendamment de ceux qui ont
toujours été regardés comme libres, il nomme encore tous les genres de
coton, les cordages câbles, voiles, toile propre à faire des voiles,
chanvre, suif, goudron, brai et résines, ancres et parties d'ancres,
mâts de navire, planches, madriers, poutres et toutes sortes d'arbres
et de toutes les autres choses nécessaires pour construire et pour
radouber des vaisseaux.
Les articles 24 à 28 règlent la manière dont se fera, en temps de
guerre, la visite des bâtiments et la saisie des marchandises de
contrebande seulement, et sans que la saisie puisse s'étendre sur les
autres marchandises, ni sur le vaisseau même. L'article 29 établit le
principe, que le pavillon ne couvre pas la marchandise. Tout, y est-il
dit, ce qui se trouvera chargé par les sujets et habitants de part et
d'autre, en un navire appartenant aux ennemis de l'autre, bien que cela
ne fût pas des marchandises de contrebande, sera confisqué comme s'il
appartenait à l'ennemi même, excepté les marchandises et effets qui
auront été chargés dans ce vaisseau avant la déclaration de la guerre,
ou l'ordre général de représailles, ou même depuis la déclaration,
pourvu que s'ait été dans les termes qui suivent, etc. Il est réglé,
par l'art. 34, que les bâtiments de l'une des deux nations, repris par
des armateurs de l'autre, seront rendus au premier propriétaire, s'ils
n'ont pas été en la puissance de l'ennemi durant l'espace de
vingt-quatre heures, à charge par ledit propriétaire de payer le tiers
de la valeur du bâtiment repris, ainsi que de sa cargaison, de ses
canons et apparaux.
Les vaisseaux de guerre des deux souverains et ceux qui auront été
armés en guerre par leurs sujets, pourront, d'après l'art. 40, conduire
leurs prises dans les ports de l'autre puissance, sans payer aucun
droit ni être visités ; au contraire, il ne sera pas donné asile à ceux
qui auraient fait des prises sur les sujets de l'autre puissance ; et
si des armateurs d'une puissance ennemie de l'une des parties
contractantes ont été forcés par les périls de la mer à entrer dans un
port de l'autre, on les en sera sortir le plus tôt possible.
Par l'article 46, la durée du traité fut limitée à douze années.
Ce traité de commerce fut très-avantageux à l'agriculture française, et
nommément à la fabrication des vins, eaux-de-vie et huiles. Il fut
encore favorable aux manufactures de glaces, à l'orfèvrerie, aux modes
et aux batistes français. Il força, par la concurrence, les fabricants
de tissus de coton, de faïence, de sellerie et de quincaillerie, à
perfectionner leur fabrication ; mais, jusqu'à l'époque où ils
parvinrent à la perfection anglaise, il leur causa des pertes
momentanées. Les fabricants d'étoffes de soie et d'ouvrages de coton et
laine mêlés de soie, ne gagnèrent ni ne perdirent ; leurs marchandises
restèrent prohibées en Angleterre comme elles l'étaient auparavant. M.
Eden fut accusé d'ignorance dans le Parlement anglais pour avoir
consenti à ce traité ; on argumentait contre lui de ce que la France
ayant la certitude du débit des produits naturels, et pouvant arriver à
l'égalité des produits industriels, le traité était en sa faveur.
Par le traité entre l'Espagne et la Grande-Bretagne (Traité de paix définitif entre les deux parties) :
Art. 1er. On arrête le rétablissement de
la paix, la cessation de toutes hostilités, un oubli et une amnistie
générale de part et d'autre.
Art. 2. Tous les traités entre l'Espagne et la
Grande-Bretagne, depuis ceux de Westphalie jusqu'à la paix de Paris de
1763 inclusivement, sont renouvelés dans tous leurs points, hormis ceux
auxquels il est dérogé par le présent traité.
Art. 3. Les prisonniers et les otages sont rendus.
Art. 4. L'île de Minorque restera au roi d'Espagne.
Art. 5. L’Angleterre cède à l'Espagne les deux Florides, savoir, l'orientale et l'occidentale.
Art. 6. Il sera permis aux Anglais de couper du
bois de teinture ou de campêche dans les districts situés entre les
rivières de Wallis ou Bellize et de Rio-Hondo, sans que ces concessions
puissent nuire aux droits de souveraineté du roi d'Espagne, et sans
qu'il soit libre aux Anglais d'y construire des forts.
Art. 7. L'Espagne restitue à l'Angleterre les îles de Providence et de Bahamas, qui sont du nombre des îles Lucayes.
Art. 8.Toutes les autres conquêtes qui pourraient avoir été faites de part et d'autre, seront rendues sans compensation.
Rétablissement des liens d’amitié entre Royaume-Uni et les Pays-Bas :
L'art. 1er de la paix entre la
Grande-Bretagne et les États-généraux (Traité de paix entre
l'Angleterre et la Hollande Paris le 20 mai 1734) rétablit l'ancienne
amitié et bonne intelligence, l'oubli du passé, etc.
Art. 2. Les Hollandais continueront à l'accorder,
comme par le passé, l'honneur du pavillon et le salut en mer aux
vaisseaux britanniques.
Art. 3. Les prisonniers et otages seront élargis.
Les vaisseaux qui auraient été enlevés après l'expiration du terme fixé
la par suspension d'armes, seront rendus.
Art. 4. Cession de Négapatnam en faveur de
l’Angleterre. Le roi de la Grande-Bretagne fait espérer seulement aux
États-généraux de traiter avec eux dans la suite sur la restitution de
cette place, moyennant un équivalent.
On jeta cette amorce à la république, pour l'inviter
à renouveler tôt ou tard ses liaisons avec l'Angleterre. Trinquemalay
avait été reconquise par M. de Suffren ; mais le bruit courait que
cette place était retombée au pouvoir des Anglais, et c'est ce qui
engagea les ministres hollandais à en stipuler expressément la
restitution.
Article 5. Restitution de Trinquemalay
(Ceylan) et autres villes, forts et établissements hollandais, dont les
Anglais s'étaient emparés pendant la guerre.
Art. 6. Engagement des États-généraux à ne point
troubler la navigation des sujets britanniques dans les mers de l'Inde
; c'est-à-dire, dans les mers où les Hollandais avaient maintenu
jusqu'alors la navigation et le commerce exclusif. Cet article est le
plus fort de tout le traité, et il coûta infiniment aux Hollandais de
l'accorder.
Art. 7. On convient de nommer des commissaires
pour régler les différends entre la compagnie anglaise de l’Afrique et
la compagnie hollandaise des Indes occidentales, touchant leur
navigation réciproque sur les côtes de l'Afrique.
Art. 8. Toutes les autres conquêtes qui pourraient
avoir été faites, non comprises dans les présents articles , seront
rendues sans compensation.
Établissons la balance entre les pertes et les
avantages que ces traités stipulèrent relativement aux différentes
parties contractantes.
La Grande-Bretagne perdit la souveraineté sur une grande partie de ses colonies situées dans l'Amérique septentrionale. Cette
perte paraissait plus réelle qu'elle ne l'était. En effet, les colonies
ne rapportaient rien au gouvernement anglais ; tout l'avantage que la
métropole en tirait consistait dans le bénéfice que les négociants
trouvaient en faisant un commerce exclusif avec les Américains. Ils
perdirent ce monopole ; mais leur commerce avec ces peuples ne fut
jamais plus étendu que depuis la paix de Versailles. L'augmentation
prodigieuse qu'éprouva la population des treize nouvelles républiques,
et le défaut de manufactures dans un pays entièrement voué à
l'agriculture, eurent une heureuse influence sur l'industrie des
Anglais, à laquelle furent aussi ouverts de nombreux débouchés, par la
faculté qu'ils obtinrent de naviguer dans les mers d'où les Hollandais
les avaient jusqu'alors exclus. Cet avantage compensa largement le
léger préjudice que causait aux Anglais la participation des Américains
à la pêche sur les côtes de Terre-Neuve.
La Grande-Bretagne céda à la France l'île de Tabago, qu'elle avait
acquise par la paix de 1763. Elle céda à l'Espagne l'île de Minorque et
les deux Florides ; mais elle conserva l'importante possession de
Négapatnam, à laquelle les Etats-généraux furent obligés de renoncer.
La France fut débarrassée de la présence des commissaires anglais, qui, depuis la paix d'Utrecht, résidaient
à Dunkerque pour veiller à ce que les fortifications de ce port, objet
de la plus vive jalousie de la Grande-Bretagne, ne fussent rétablies.
Elle regagna, en territoire, que les établissements du Sénégal et l'île
de Tabago mais elle rétablit sa considération politique, à laquelle la
guerre de 1757 et le traité de 1763 avaient porté atteinte, et elle
ouvrit à ses sujets le commerce d'une partie du continent américain,
d'où ils avoient été exclus jusqu'alors. Parmi les avantages qu'elle
obtint, nous ne comptons pas l'acquisition d'un allié qui lui devait
son indépendance ; ce serait un calcul erroné en politique, que celui
qui se fonderait sur la reconnaissance.
NOTE SUR L'ILE DE TABAGO
Ce que nous avons dit, page 8 et 9 de ce volume, des établissements
formés par les Courlandais dans l'île de Tabago, paraît avoir été
inconnu à RAYNAL, qui n'en parle pas dans son Histoire des établissements des Européens dans les deux Indes. (…) L'auteur de cet ouvrage s'appelait PRÆTORIUS, et était un des conseillers du duc Frédéric-Guillaume. (…)
Le duc de Courlande profita de la situation avantageuse de son pays et
de l'ordre qui régnoit dans ses finances, pour établir un commerce
lucratif qu'il faisait pour son compte, en achetant les grains de la
Pologne et les revendant à l'étranger à un prix pour lequel les
négociants de Riga, ville alors suédoise, ne pouvaient pas concourir
avec lui. Il bâtit un grand nombre de vaisseaux, et fit faire des
voyages de découverte. Il fit établir divers comptoirs sur la côte des
Dents, en Gainée, et construire le fort Saint-André, à l'embouchure du
fleuve de ce nom, possession d'autant plus importante que les habitants
des pays de Drewin et d'Adow ne souffrent guère d'établissements
européens. Les Courlandais faisaient, de ces comptoirs, la traite des
noirs avec les Antilles. Ce commerce fit naître au duc le désir d'avoir
lui-même une possession dans cet archipel. L'ile de Tabago était alors
déserte ; mais l'Angleterre y formait des prétentions, parce qu'en
1626, un certain Thomas Warner en avait pris possession. Le roi Jacques Ier y renonça en faveur du duc de Courlande, son filleul.
Celui-ci la fit peupler en 1642, et y bâtit Jacobstadt. Olivier
Cromwell, avec lequel il conclut, en 1652, un traité, confirma cette
possession. Quelques années après, les frères Lambsten s'en emparèrent,
pendant que le duc Jacques était prisonnier à Riga.
Après sa délivrance, il passa, avec Charles II, l'acte dont nous avons
parlé, et fit des démarches infructueuses pour engager les Hollandais à
lui restituer sa propriété ; mais en 1680, le roi d'Angleterre l'en fit
mettre en possession par le gouverneur de la Barbade. Plusieurs
Allemands et Courlandais s'y fixèrent alors, et le duc conclut, avec un
Anglais, nommé John Poyntz, un traité par lequel celui-ci s'engagea à y
établir 1.200 colons ; mais le gouvernement anglais, qui craignait que
Tabago ne fit du tort aux plantations de sucre de la Barbade, contraria
l'exécution de ce marché, de manière que les colons courlandais
abandonnés sans secours, se rembarquèrent en 1683, et que l'île resta déserte.
Sous le règne de Frédéric-Casimir, fils du duc Jacques, le baron de
Blomberg, envoyé de Courlande à Londres, conclut, avec Poyntz, un
nouveau traité pour peupler l'île, et Poyntz fut nommé, en 1695,
gouverneur de Tabago ; mais diverses circonstances empêchèrent
l'exécution du marché, et on assure que les puissances maritimes et la
France convinrent, à Ryswick, que l'île resterait déserte. Un nouveau
traité fut projeté, en 1698, avec une autre compagnie; mais
Frédéric-Casimir venait de mourir : son fils , Frédéric-Guillaume,
enfant de six ans, était élevé en France, par sa mère, fille du
grand-électeur, et la Courlande se trouvait sous une administration
composée de l'oncle et des ministres du jeune prince. Ceux-ci
envoyèrent à Londres le même Prælorius, qui nous a conservé tous ces
détails ; mais, étrangers au commerce, et n'ayant aucune idée du pays
où ils voulaient former des colonies, ils firent des prétentions
exagérées. Cependant Prætorius termina, le 30 octobre 1699, avec une
société, qui s'engagea à défricher 50.000 acres. Mais Guillaume III, à
la sanction duquel ce traité fut soumis, déclara la concession de 1664
nulle, éteinte, et au surplus préjudiciable aux intérêts de la
Grande-Bretagne. Depuis cette époque, il ne fut plus question de
repeupler Tabago pour compte des ducs de Courlande, et leur pavillon,
anciennement si considéré, cessa de paraître dans les mers.
Source : Histoire abregée des traites de paix, pages 411 à 420
MM. de Koch et F. Schoell - Paris 1817
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Annexe II - Lettre Roland, démission du ministre de l’Intérieur
M. Roland en portrait (XIXe siècle)
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Convention
nationale - Cinquième lettre de Roland, ministre de l’intérieur,
expositive de sa conduite et par laquelle il déclare donner sa
démission.
Je viens offrir à la Convention mes comptes, ma personne, et lui donner
ma démission. Je crois avoir rempli mes devoirs en qualité de membre du
conseil, de même qu'en celle d'ordonnateur d'un département. J'ai
discuté les questions et traité les grands intérêts dont nous avions à
nous occuper avec la plus scrupuleuse attention, et je n'entends pas
échapper à la responsabilité des délibérations auxquelles j'ai
participé effectivement; mais je déclare que je ne signerai point le
compte général que doit rendre le conseil au 1er février. J'en ai donné
précédemment les raisons : il doit renfermer des parties sur lesquelles
je n'ai jamais pu être éclairé ni satisfait. Je ne parle pas seulement
de ce qui concerne les fournitures et les vivres de nos armées, mais du
nombre des hommes qui les composent. A compter d'après nos dépenses, nous avons sur pied cinq cent mille hommes bien fournis et bien équipés : à croire le rapport et les plaintes unanimes de tous les généraux, nous n'avons que trois cent mille hommes, manquant de tout et ne se soutenant, au milieu des plus rudes épreuves, que par l'héroïsme de la liberté.
Assurément, une nation qui sût la conquérir, et qui peut la défendre
avec ce courage, saura bien la conserver. Ce même dénuement, dont la
connaissance paraîtrait devoir sourire à nos ennemis, fait ressortir
une force morale capable de les effrayer ; et si nous pouvons les
repousser ou les contenir malgré les rigueurs de la saison, malgré les
inconvénients d'une administration vicieuse, comment ne les
vaincrions-nous pas, lorsqu'une grande régénération assurera dans nos
armées l'ordre et l'abondance? Mais, en attendant cette régénération
nécessaire, les hommes souffrent, leur nombre diminue, les maux
s'aggravent, et les déterminations du conseil sont entraver à au moment
le plus solennel, dans les circonstances graves où la conduite du
gouvernement va décider du sort de la France. Par exemple, qu'un
général, tel que Custine ou autre, demande un renfort, comment le lui
procurer, et où peut-on le faire prendre, lorsqu'on ne sait jamais bien
le nombre effectif de l'état des troupes. Ce ne peut être cependant que
d'après une connaissance certaine à cet égard, qu'on délibère une sage
opération ; car il faut en combiner les effets, et sur le besoin du
général qui réclame, et sur celui des frontières, et sur nos différents
rapports avec l'ennemi dans tous les points de défense. L'un des
commissaires à la trésorerie prouvait l'autre jour, au conseil, qu'un
seul commissaire des guerres avait fait écouler près de six millions,
en supportant tel nombre d'hommes qui n'existaient pas.
Je pourrais citer d'autres faits ; mais ces aperçus suffisent pour
fonder mes raisons de ne point accorder de confiance au rapport générai
dont l'état de nos armées doit faire partie et justifier ma résolution
de ne rien signer qui y soit relatif.
Cette résolution contraire à un décret rendu pourrait être traduite
comme une sorte de révolte ; mais je n'ai pas fini d'exprimer tout ce
que je veux dire, et je prie l'Assemblée de m'accorder encore un
instant.
Déjà depuis assez longtemps je suis offert au public comme un objet d'inquiétude et de crainte.
L'étendue de mon département, l'immensité du travail qui y est attaché,
ont été considérées comme une espèce de monstruosité. On a commencé par
me supposer beaucoup de pouvoir parce que j'avais beaucoup à faire, et
un grand crédit parce que je jouissais de quelque estime. Obligé de
correspondre avec tous les départements pour la partie administrative,
chargé d'instruire et d'éclairer sur les événements, j'ai déployé une
grande activité, un zèle ardent, parce que l'un et l'autre tiennent à
mon caractère et à mes principes. Dévoué à la liberté dont je
professais la doctrine sous le despotisme lui-même ; trop simple dans
mes mœurs pour avoir besoin d'argent, trop vieux pour désirer autre
chose que la gloire ; passionné pour le bien public dont j'ai fait mon
idole, j’ai travaillé à l'opérer avec cette énergie, cette fermeté qui
ne connaissent point d'acceptions et ne s'effraient d'aucun obstacle
J'ai eu à lutter contre les désordres qui suivent toujours une grande
révolution ; j'ai dû me faire des ennemis de tous les hommes vicieux,
qui avaient intérêt de les prolonger, et des exagérés qui les prenaient
pour des effets salutaires.
Mon courage à m'opposer aux désordres, à signaler leurs fauteurs, a été
pris pour de la passion : il fallait bien attaquer la cause de mes
actions, quand on ne pouvait rien reprendre dans celles-ci, et que
cependant mon existence devenait incommode pour nombre de gens. C'est
alors que la calomnie s'est déchaînée : son absurdité ne peut se
comparer qu'à son audace ; mais l'excès de l'une et de l'autre parvient
enfin à abuser une portion du public ; et dé là Ira défiances
prolongées qui s'étendent insensiblement, qui sapent l'estime par
degrés, qui altèrent l'influence nécessaire à un fonctionnaire public
et rendent incertaines ses opérations.
J'ai tout bravé, j'ai dû le faire ; il n'est pas de dégoûts, de
persécutions et même de dangers que ne doive supporter celui qui se
consacre à faire le bien. Son dévouement ne peut avoir de bornes que
l'inutilité dont il devient quand lui-même n'inspire plus de confiance
; c'est cet instant qu'il doit juger, parce que dès lors il devient
nuisible. Ce moment arrive pour moi, puisqu'on est venu à bout de
me représenter comme un chef de parti, puisque des hommes de bien,
trompés, ont partagé cette opinion au sein même de la Convention, dans
laquelle je semble être un sujet de division.
Ceux qui, me rendant justice, parce qu'ils me connaissent, mettent
quelque énergie à me défendre contre les imputations révoltantes,
passent pour m'être attachés par des vues ambitieuses ; on suppose que
je vise à un pouvoir qu'ils se flattent de partager après avoir aidé à
me le faire acquérir. J'ai méprisé ces folies tant qu'elles m'ont paru
sans effet sur la chose publique, et j'ai promis de rester jusqu'à ce
que la Convention prononçât mon renvoi.
Mais notre situation politique est telle aujourd'hui que tout ce qui
peut entretenir la défiance et la division dans le Corps législatif est
capable d'entraîner les plus grands malheurs. Il est de peu de
conséquence peut-être qu'on soit injuste à mon égard, et ma perte ou
celle de ma gloire ne ferait pas celle de l'Etat ; tandis que cette
perte est assurée, si la Convention ne prend pas la marche uniforme et
grande, le caractère élevé qu'elle ne peut avoir que par la plus intime
union entre les membres de la majorité. Ainsi tout obstacle à cette
union doit être détruit sans aucun retard. Ainsi, puisque ma conduite
particulière, mon administration publique, mes comptes exacts, mon
courage, loin de détruire ces préventions, semblent les accroître
encore ; puisque l'on a été jusqu'à dire que la vertu même devenait
dangereuse quand elle pouvait servir de point de ralliement autour d'un
individu, il est temps de me soustraire aux regards du public et à
l'inquiétude d'une partie de la Convention. Le Ciel m'est témoin, la
postérité le jugera, mon siècle même ne peut tarder de le reconnaître,
que le dévouement le plus parfait et le plus noble sentiment m'ont fait
deux fois accepter le ministère, comme ils me le font quitter
aujourd'hui, sans mélange d'aucune affection particulière, indigne d'un
vrai républicain, sans intérêt, sans ambition que celle de l'espèce de
gloire qu'attache l'homme de bien à remplir des devoirs pénibles, à se
consacrer à sa patrie.
Une considération nouvelles présente encore à l'appui de ma
détermination ; le département de l'intérieur paraît devoir subir des
changements : il ont été annoncés comme nécessaires. On pourrait les
croire plus difficiles à faire ou moins librement faits, si je restais
en place durant qu'on les opère : l'opinion des hommes qui m'estiment
serait soupçonnée ; l'on supposerait mon influence dans ce qui serait
proposé, et l'idée d'intérêt ou de partialité viendront flétrir les
vues les plus saines. Je suis donc encore un obstacle à la prochaine
amélioration de cette partie. Nous n'avons pas un instant à perdre pour
rétablissement de la plus grande confiance : la guerre, la marine, les
finances sollicitent la plus grande activité, la surveillance la plus
sévère, le travail le plus suivi ; elles doivent entrer dans toutes les
combinaisons politiques de l'Assemblée, Il ne s'agit plus seulement de
discuter de grands principes, d'offrir de terribles exemples, mais de
faire de grands efforts, de donner beaucoup d'action au gouvernement,
et de former de bonnes institutions.
Tout ce qui peut exciter des inquiétudes, soulever les passions, doit
être rigoureusement proscrit ; ce n'est plus assez qu'un homme en place
soit pur, il ne faut pas qu'il soit suspecté. Quiconque fait ombrage
aujourd'hui devient bientôt un sujet ou un prétexte de parti. Nous
sommes à l'époque où la seule apparence de faction devient un sujet de
trouble et un moyen de tyrannie ; car elle peut renaître d'une force
supposée pour établir une résistance qui se change en pouvoir oppressif.
D'après ces considérations, je ne pense pas sacrifier à mon repos, mais
je crois remplir un devoir en donnant ma démission. Si l'Assemblée veut
déposer aussitôt le portefeuille en d'autres mains, je recevrai avec
plaisir ce prompt affranchissement : si elle veut que j'attende qu'elle
m'ait nommé un successeur, je continuerai de suivre la correspondance
administrative, qui ne peut supporter aucun retard sans tenir en
souffrance plusieurs parties ; mais de ce moment je cesse d'aller au
conseil, et ne prendrai plus aucune part à ses délibérations. Demain je
ferai distribuer dans l'Assemblée le rapport de mon département, dont
elle a ordonné l'impression. Avant trois jours, je lui remettrai un
tableau général de mon compte de finance depuis le 10 août : c'est le
rapprochement des comptes que je lui ait fournis chaque mois ; j'y
joins les détails de l'emploi particulier de quelques objets. Le public
verra que toutes les sommes mises à ma disposition restent au Trésor
national d'où elles ne sortent, sur mon mandat, que pour passer dans
les mains de ceux qui doivent les toucher sans jamais souiller les
miennes : il jugera l'indécence et l'atrocité des bruits qu'on a tenté
de répandre dans les sections de Paris, à votre tribune même, en m'y
représentant comme le dispensateur des deniers de la nation. La
Convention appréciera également la valeur des propos tant répétés sur
l'abus supposé que je pouvais faire, des moyens qu'elle m'avait donnés
pour répandre des écrits utiles : elle verra que sur 100.000 livres
mises à ma disposition pour cet objet, j'ai dépensé depuis six mois
environ, 30.000 livres ; elle se rappellera de l'approbation qui a été
donnée de toutes parts à ses opérations ; à l'établissement de la
République, de la manifestation générale qui a été faite du désir d'une
Constitution libre, du dévouement à soutenir et défendre les lois et
les propriétés ; et elle jugera, par ses effets, de la nature des
principes que j'ai travaillé à répandre, à faire connaître et aimer. Au
reste, loin de chercher à prévenir son jugement sur aucune partie de
mon administration, j'en provoque toute la sévérité, je n'en crains
point les effets ; je demeure, pour les attendre et les subir, dans les
murs de Paris, dont je promets de ne pas m'écarter tant qu'elle le
jugera convenable, prêt à répondre à tout et à fournir les
renseignements qu'il lui plaira de demander. J'apporte ma tête pour
garant de ce que j'avance ; mais je demande que celles de mes
dénonciateurs tombent, s'ils ne prouvent leurs imputations. J'ai
longtemps méprisé les calomnies, mais enfin l'indignation s'est jointe
au mépris ; il faut que le public sache une bonne fois qui veut son
bien et qui fait son malheur.
Je donne beau jeu sur moi, en me dépouillant du caractère de
fonctionnaire public : je me présente à mes contemporains comme à la
postérité, avec mes œuvres; elles parlent pour moi.
Signé, Roland - Paris, le 22 janvier 1793, l'an II de la République
P. S. Je dois
ajouter ici quelques réflexions pour faire apprécier l'esprit
d'intrigue et de persécution qui, faute de moyen de m'inculper,
s'attache à la découverte des papiers, et l'apport que j'en lis à la
Convention :
1° Je n'ai été instruit de la
cachette qu'au moment où je m'y suis transporté ; je n'ai eu que le
temps de la faire ouvrir devant moi, d'y prendre les papiers, de les
mettre dans deux serviettes et de les porter sur-le-champ à la
Convention. Deux témoins ont attesté ces faits par procès-verbal :
l'inspecteur générai des bâtiments nationaux Heulier, et le serrurier
Gamain qui avait fait la cachette, qui seul la connaissait et l'avait
révélée;
2° Le château des Tuileries et
le mobilier étaient mis, par décret, sous ma seule surveillance et
responsabilité; il est faux de dire qu'il y eût une commission de la
Convention pour visiter les papiers; aucun membre de cette Assemblée
n'avait été commis à cet effet. Je puis et dois dire que la
responsabilité pesant tout entière sur moi seul, il ne peut y avoir eu
qu'une extrême confiance de ma part dans la personne de ceux des
membres de la Convention qui, ne partageant point cette responsabilité,
se sont prévalus d'une commission formée sous l'Assemblée législative,
pour s'introduire dans le château et y visiter des papiers ; il n'y a,
dis-je, que mon extrême confiance qui ne m'ait pas porté à empêcher
leurs recherches. Comment donc aurais-je été obligé de leur rien
communiquer? Et quelle induction peut-on tirer de cette conduite,
lorsque ma célérité prouve que je n'ai voulu ni pu rien soustraire? Au
reste, je ne m'appesantirais pas sur cette accusation, qui ne m'aurait
paru que ridicule, si l'on ne s'en était fait un moyen de séduire ceux
qui ne réfléchissent point ou connaissent mal les faits.
Source : Bibliothèque de l'université de Stanford,
Archives Parlementaires
MM. Madival et Laurent, tome LVII, du 12/01/93 au 28/01/93
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Annexe III - Les événements de Rome en janvier 1793
« Toujours des prêtres »
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Rome, le 13 janvier le citoyen Bassville a
été frappé d'un coup de rasoir dans le bas-ventre
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Voici
un supplément aux crimes des papes. Nous, nous attendions bien que Pie
VI ne se contenterait pas de lancer contre nous ses bulles légères, de
nous excommunier « in petto » (dans le cœur, l’esprit), et de nous
damner pour nous mieux convertir. Nous savions qu'en sa qualité de
prêtre, et plus que prêtre, il ne serait pas fâché de faire jouer les
poignards à la première occasion et cela n’a pas manqué. Depuis le
commencement de notre révolution, il a eu bien soin d'empoisonner le
peuple de toutes ses idées liberticides, de l'entourer de plus en plus
des réseaux de la superstition et de nous peindre aux yeux des Romains
comme une horde de Cannibales livrés à Satan. Ces idées ont fermenté
dans tes têtes italiennes ; et sa sainteté n'ayant pas négligé
d'attiser le feu, il en est résulté une explosion violente. Voici le
précis de la lettre écrite au ministre de la marine par le citoyen
Digne, consul de la république française à Rome, en date du 16 janvier.
Le citoyen Makau, ministre de la république à Naples, instruit, par son
secrétaire de légation, le citoyen Bassville, de l’opposition de la
cour de Rome, à ce que l’écusson de la république fût substitué aux
armes de la France sur la porte de notre consul à Rome, expédia, le 10
janvier, deux lettres, dont l’une pour le secrétaire d'état de la cour
de Rome, et la seconde pour le consul Digne.
Arrivé le 12 à Rome, le citoyen de Flottes remit au cardinal Zélada la
première. Il promit une réponse sous deux ou trois jours. La lettre
adressée au consul portait l'ordre exprès de placer, dans les
vingt-quatre heures, l'écusson de la république sur la porte de la
maison consulaire. Quelque prenante que fût cette lettre, le consul ne
crut pas devoir y obéir. Dans les conférences particulières que le
consul Digne eut avec le citoyen de Flottes , il exposa à ce dernier le
danger de braver l'opinion publique, dans une ville où le peuple était
attaché à son culte, à ses opinions religieuses et à ses préjugés, et
portait une haine déclarée aux Français. L’événement n'a que trop
justifié cette prédiction.
Le 13, à trois heures, le peuple commença à s'attrouper, armé de
pierres et de bâtons ; le gouvernement plaça des piquets de soldats dns
les différents quartiers de Rome, où il les jugea nécessaires au
maintien de la tranquillité publique. Il paraît que le citoyen
Bassville, instruit que le peuple murmurait hautement contre le projet
du major de Flottes, de placer de force l'écusson de la république sur
la porte du consul, désapprouvait cette mesure ; mais l’obstination du
major de Flottes ne céda pas à ces observations.
Le 13, l’après-midi, le citoyen Bassville était allé à la promenade
dans une voiture avec son épouse, son enfant et le major de Flottes.
Son cocher et son domestique, ayant à leurs chapeaux la cocarde
nationale, le peuple cria : « À bas les cocardes » et dans l’instant un
déluge de pierres tomba sur la voiture. Le citoyen Bassville se
réfugia, avec sa suite, dans la maison du banquier Moutte. Quelques
troupes avancèrent au même instant pour sauver les malheureuses
victimes ; mais le peuple ayant forcé la maison, le citoyen Bassville a
été frappé d'un coup de rasoir dans le bas-ventre. Il est mort
trente-quatre heures après de la suite de sa blessure. (en relation
avec la gravure)
Le major de Flottes s'est sauvé par une fenêtre, et le peuple respecta
les jours de la citoyenne Bassville et de son enfant. La maison du
banquier Moutte a été pillée et brûlée. Le palais de l'académie de
France l’a été également. Les élèves ne se sont soustraits à la fureur
du peuple, que par une fuite précipitée.
Le gouvernement, instruit de cette insurrection, dût sortir toutes les
troupes des casernes ; mais leur présence n'empêcha pas que le feu ne
soit mis au rez-de-chaussée de la maison du consul de la république, et
que toutes les vitres ne furent brisées. Plusieurs autres maisons
furent également insultées ; et c'est aux cris « de vive le pape, vive
la religion », que tous ces excès ont été commis.
Le 24, le peuple dirigea sa haine contre les Juifs, qu'ils accusent
d'aimer la révolution française ; et la présence des troupes empêcha
feule que leur quartier ne fût brûlé. Enfin, le 15 l’insurrection a été
calmée, et des patrouilles nombreuses parcourent tous les quartiers de
Rome pour empêcher de nouveaux excès ; mais les Français sont toujours
en butte à la haine du peuple, et ils ont été tous obligés de fuir et
de se cacher pour se garantir de sa fureur.
Ce triste événement nous fournit d'abord deux réflexions bien
naturelles ; c'est qu'indépendamment des instigations, des suggestions
secrètes qui ont rendu odieux aux Italiens le nom français, le pape a
concouru directement à ce pieux massacre et à cette horrible exécution.
Le peuple fermentait, et il na pris aucune précaution, même en
apparence ; il n'a fait sortir les troupes que lorsque tout a été fait
; il les a laissées dans l’inaction, puisque la maison du consul de la
république a été incendiée, les vitres brisées, les Juifs et les
Français honnis pendant plusieurs jours en leur présence. Le pape et
les cardinaux sont donc complices?
La seconde réflexion est qu'aujourd'hui il n'y a pas de milieu ; il
faut être ou aristocrate émigré, ou patriote ardent. Le modérantisme ne
peut servir à rien aux yeux des puissances étrangères, qui ne peuvent
plus, dans leur rage, distinguer ces nuances. Bassville n'était
certainement pas un patriote. Nommé par le ministère constitutionnel,
c'était un de ces hommes qui aiment à nager entre deux eaux ; il se
plaisait à déclamer contre le peuple français ; il nous trouvait
féroces ; il a appris à ses propres dépens que les nations régies par
un despote le sont encore davantage. C’est donc en faveur de la cause,
plutôt qu'en faveur de l'homme même, que l'assemblée a prononcé le
décret suivant :
Art. Ier. « Il est
enjoint au conseil exécutif de prendre les mesures les plus promptes
pour tirer une vengeance éclatante de ces attentats.
II. - La convention adopte, au
nom du peuple français, l’enfant de Bassville, et décrète qu'il sera
élevé aux dépens de la république.
III. - Il est accordé à fa veuve
une pension viagère de 1500 livres, dont les deux tiers feront
réversibles a fon enfant, et un secours provisoire de 2000 livres.
IV. - La convention nationale
charge son président d'écrire à la citoyenne Bassville , pour lui
donner connaissance du prêtent décret.
V. - Le conseil exécutif
provisoire est chargé de prendre les mesures convenables pour affurer
le retour clans leur patrie, des Français qui peuvent se trouver dans
les états du pape, et de leur fournir , à charge de rendre compte, les
secours nécessaires pour cet effet et les déportés sont exceptés.
Source : Gallica-Bnf, Les Révolution de Paris,
du 2 au 9 février 1793, n°187, pages 290-293
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Annexe IV - Décret sur les corsaires du 31 janvier 1793
Débats sur « l’armement en course et les lettres de marque »
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Le port de Saint-Malo au XVIIIe siècle
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M.
Blad, au nom du comité de marine, fait un rapport et présente un projet
de décret sur l’armement en course et les lettres de marque ; il
s'exprime ainsi :
« Citoyens, subjugué par l'ambition ministérielle, le gouvernement
anglais s'est fait illusion sur nos sentiments de paix ; la République
française présentée à ses yeux sous des couleurs note noircies par la
calomnie, doit s'attendre aux procédés hostiles qu'elle eût voulu
éviter. Il ne faut plus se le dissimuler, la guerre maritime est
certaine. Chauvelin, notre ambassadeur à Londres, après avoir été
longtemps méconnu, vient d'être enfin insolemment renvoyé. Tout annonce
que la Cour de Saint-James, redoutant l'influence de nos principes, est
résolue à attaquer notre liberté. Il est donc nécessaire de prévenir,
par une attitude imposante et digne d'une République telle que la
nôtre, les atteintes que pourrait porter à notre commerce l'armement
des corsaires anglais. Les négociants armateurs de toutes les villes
maritimes de France, demandent avec instance qu'il leur soit permis
d'armer en course et que la Convention nationale prévienne, par une loi
qui autorise ces armements, les hostilités que pourraient commettre
contre eux les corsaires anglais ou bâtiments de guerre. Ils demandent
en même temps qu'il leur suffise de prendre les lettres de permission
du directoire du district, sur le certificat des municipalités où les
bâtiments en course seront armés, sans attendre l'autorisation du
ministre, dont l'expédition, retardée nécessairement par les distances,
peut faire manquer une expédition.
La Convention nationale reconnaîtra sans doute la justice de la
première demande. Quant à la seconde, son comité de marine va lui
offrir un moyen fort simple de satisfaire au vœu des armateurs et de
laisser néanmoins au ministre de la marine le droit de délivrer les
permis, droit qu'il importe à l'intérêt général de lui laisser, pour
qu'il ait une connaissance parfaite du nombre des bâtiments armés en
course. Il est d'autant plus instant de faire cette loi, que la rupture
entre l'Angleterre et nous est décidée. Votre comité vous propose le
projet de décret suivant : (...)
« Art. 1er. Les citoyens français pourront armer en course.
« Art. 2. Le ministre de la
marine pour accélérer les armements en course, s'ils ont lieu,
délivrera des lettres de marque ou permission en blanc d'armer en
guerre et courir sur les ennemis de la République.
« Art. 3. Ces lettres ou
permissions en blanc, signées du ministre, seront envoyées par lui aux
directoires des districts maritimes, pour être délivrées par eux et à
la charge de prévenir le ministre de leur livraison.
« Art. 4. Il ne pourrait être
employé sur les bâtiments en course, qu'un sixième des matelots classés
en état de servir la République. Pour cet effet, les préposés aux
classes ne pourront recevoir d'enrôlement, ni délivrer de permis
d'embarquer pour la course, qu'autant que le nombre des matelots
employés à ce service n'excédera pas le sixième des gens classés de
leur arrondissement. Ils seront, ainsi que les armateurs, responsables
de toute contravention à cette loi.
« Art. 5. Les chefs, sous-chefs,
préposés aux classes ou capitaines des bâtiments de la République, ne
pourront, dans aucun cas, forcer' es capitaines des bâtiments en course
à en débarquer aucun matelot, qu'autant que le nom-ire de ceux classés
excéderait la proportion déterminée dans l'article ci-dessus.
« Art. 6. Les corsaires seront
tenus d'expédier pour les ports de la République, les prises qu'ils
pourront faire sur l'ennemi. Dans aucun cas, ils ne pourront les
rançonner. Si les circonstances ne leur permettaient pas de les envoyer
dans nos ports, ils retireraient des prises, les vivres et autres
objets précieux, les hommes de l’équipage et ils feraient ensuite
brûler les navires. »
Blad, rapporteur, soumet à la discussion les différents articles.
La Convention adopte l'article 1er.
Un membre, au sujet de l'article 2, demande par amendement que les
lettres de marque soient conformes à une formule identique, qu'il
propose d'insérer à la suite du décret et qui sera la même pour tous.
La Convention adopte l'article 2 ainsi motivé.
Un autre membre sur l'article 3, demande que les administrateurs de
district ne puissent délirer des lettres de marque que sous leur
responsabilité et qu'ils en rendent compte tous les huit jours au
ministre.
La Convention adopte la première partie de l’amendement, puis l'article 3, ainsi modifié.
Blad, rapporteur, soumet à la discussion les articles 4 et 5, qui sont adoptés sans modifications, puis donne lecture du sixième et dernier article du projet.
Faure. Je demande la question préalable sur l’article 6, comme
pouvant ralentir le zèle des armateurs. Vous ne trouverez aucun
corsaire pour croiser dans le Nord sans cette faculté de rançonner,
sans laquelle d'ailleurs les petits corsaires seraient surchargés de
prisonniers.
Après une assez longue discussion, la Convention adopte la question préalable sur l'article 6.
Blad, rapporteur, donne lecture d'un modèle lettres de marque,
commençant ainsi : Liberté, égalité, unité. Au nom de la République
française, à tous ceux que ces présentes verront : Les insultes faites
au pavillon français par le gouvernement britannique, etc.
La Convention renvoie au comité de marine la suite de la rédaction de ce document.
Boyer-Fonfrède. L'Assemblée constituante, pour favoriser la
construction en France, défendit, par la loi du 13 mai 1791,
l'importation et la vente, en France, de tous les navires et autres
bâtiments de construction étrangère ; cette prohibition, en nous
privant d'une rivalité, a peut-être plutôt ralenti que ranimé
l'industrie nationale. Quoi qu'il en soit, les circonstances doivent
encouragera suspendre cette loi ; les commerçants de 1a
Nouvelle-Angleterre, auxquels nous devons être réunis et par nos
besoins réciproques et par notre amour commun pour liberté ; ces
commerçants, dis-je, si riches en blés et en munitions navales, sont
éloignés de nos ports par cette loi ; car il convient à leurs intérêts
de vendre leurs bâtiments ainsi que leurs cargaisons; si donc vous
voulez recevoir des approvisionnements, si vous voulez mettre vos
marins à même d'acquérir des navires d'une construction fixe, et
propres, plus que les nôtres encore, à la course, vous adopterez
l'article additionnel que j'ai l'honneur de vous présenter.
La Convention nationale suspend la loi du 13 mai
1791, qui prohibait l'importation et la vente en France, des navires et
autres bâtiments de construction étrangère.
La Convention adopte l'article additionnel de Boyer-Fondrède. Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, considérant que le gouvernement anglais,
par ses dispositions hostiles et le renvoi de notre ambassadeur, donne
lieu de faire craindre à la République française l'invasion prochaine
des bâtiments employés pour son commerce; et voulant se mettre en
mesure à cet égard, en conciliant néanmoins les intérêts particuliers
avec l'intérêt général, décrète ce qui suit :
Art. 1er. « Les citoyens français pourront armer en course.
Art. 2. « Le ministre de la
marine, pour accélérer les armements en course, s'ils ont lieu,
délivrera des lettres de marque ou permissions en blanc d'armer en
guerre, et courir sur les ennemis de la République. Ces lettres ou
permissions seront conformes au modèle annexé au présent décret.
Art. 3. « Ces lettres ou
permissions en blanc, signées du ministre, seront envoyées par lui aux
directoires des districts maritimes, qui ne pourront les délivrer que
sous leur responsabilité, et à la charge de prévenir exactement le
ministre de leur livraison.
Art. 4. « Il ne pourra être
employé sur les bâtiments en course, qu'un sixième des matelots classés
en état de servir la République. Pour cet effet, les préposés aux
classes ne pourront recevoir d'enrôlement, ni délivrer de permis
d'embarquer pour la course, qu'autant que le nombre des matelots
employés à ce service n'excédera pas le sixième des gens classés de
leur arrondissement. Ils seront, ainsi que les armateurs, responsables
de toute contravention à cette loi.
Art. 5. « Les chefs, sous-chefs,
préposés aux classes, et les capitaines des bâtiments de la République,
ne pourront, dans aucun cas, forcer les capitaines des bâtiments en
course à en débarquer aucun matelot, qu'autant que le nombre de ceux
classés excéderait la proportion déterminée dans l'article ci-dessus.
Art. 6. « La Convention
nationale suspend l'exécution de la loi du 13 mai 1791, qui prohibe
l'importation et la vente en France, des navires et autres bâtiments de
construction étrangère
Source : Bibliothèque de l'université de Stanford,
Archives Parlementaires
MM. Madival et Laurent, tome LVIII, du 29/01/93 au 18/02/93
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