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Sommaire de la page,

1 - Quid des Girondins, des classes  bourgeoises et des tendances politiques?

2 - La capitale à la lueur de ses activités sociales, économiques, et de ses 48 sections citoyennes

3 - Religions et croyances de masse, athéisme et mysticisme politique?  (rajout le 4/09/2020 de deux éléments historiques sur la Franc-maçonnerie et les symbolismes)

4 - Loi de reconnaissance des affranchis et maintien de l'ordre


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Quid des Girondins, 
des classes  bourgeoises,
et des tendances politiques?

Représentation des Brissotins et fin de la légende :"groupes de députés cherchant à brissoter"
La fin de la « première révolution » marque la fin d’un cycle. Comment se douter qu’un travail chronologique pourrait soulever tant de questions, sa mise en forme doit favoriser l’apport de plusieurs sources et vérifications nombreuses et encore sans prétention de tout énumérer. Le fil doit pouvoir mettre en relief toute la diversité politique et sociale. La fin de l’année 1791 ne ressemble pas avec l’arrivée en puissance des "Girondins" à ce qui a pu être connu les deux dernières années. Brissot de Warville ou Pétion de Villeneuve ne pouvaient être associé, à Mirabeau ou bien à Barnave, il s’agissait de la fin d’une époque, avec un camp républicain pas vraiment homogène, et très éclaté dont l’ascendant idéologique était encore marginal.

Le terme « Montagne » apparaît en avril 1792 et peut marquer une coupure nette au sein des « démocrates », du moins un lien brisé et qui rejaillira aux premières heures de la Première République. Le terme « patriote » étant trop large et de nos jours pouvant regrouper presque toutes les composantes politiques est à utiliser avec précaution. Sous la plume ou dans la bouche d’un Robespierre ou d’un Marat et autres acteurs Jacobins ou des Cordeliers, l’objet était sans équivoque, ce furent les mots employés. Et il n’y a pas lieu de faire la fine mouche. Surtout que chacun peut y mettre ou coller ses fondements moraux d’hier ou d’aujourd’hui, ou simplement ne pas adhérer à un vocable plus que galvaudé. Qui est patriote? celui qui meurt ou est prêt à donner sa vie pour un idéal illusoire, une belle abstraction qui sur un champ de bataille se solde toujours par la mort. Et ce n’est pas en écrivant le mot « Peuple » à tout bout de champ que vous lui donnerez une âme ou un exercice sur le cours des choses. En particulier dans un pays où il restait à unifier ses populations sur le plan linguistique ou bien les poids et mesures, etc..

Les raccourcis, les simplismes poussent à dégager du fumeux plus que d’approfondir un sujet toujours sous tension. S’il est indéniable que tous les acteurs de la révolution ont été l’objet de mythes, nous sommes avec des portraits ravageurs et ne laissant point d’espace au doute. Loin des clichés ou des ouvrages de propagande, il reste encore du chemin à faire. Ce qui est plus difficile est dans l’usage de certains mots et quand on rencontre des termes comme « race », « gens de couleurs », « mulâtre », on touche la racine d’un mal. Ce fut une discrimination normative très violente du côté des colons et leurs soutiens à l’Assemblée. Un étrange mélange où les mots selon leurs auteurs en disent long sur les clichés, ou le sentiment de supériorité se mêle à la défense du commerce.

Le duc Louis-Philippe d’Orléans était une figure incontournable, cependant s’il a nourri mythes, légendes, son lot confusion en raison de son appartenance à la franc-maçonnerie et comme grand-maître du Grand Orient, il resta en l’état un personnage présent, mais finalement échappant à la trame historique. Comme l’année 1792 fut celle des dits girondins, de leur montée en puissance, cette alternance politique s’appuyait sur de larges réseaux politiques dont beaucoup tenaient du temps de l’absolutisme. Le premier réseau a été leur présence au sein des clubs dit  des Jacobins, où ils y étaient majoritaires en début d’année. Ils disposaient d’une presse relaie de leurs opinions, comme le Patriote Français et ses imprimeries et titres sympathisants en province, plus les bulletins internes des jacobins. Sur le plan politique depuis les élections intervenues à la fin de la Constituante, communes et départements, et selon les provinces furent de forts relais, en Normandie, dans le Bordelais et en région Parisienne et l’Orléanais notamment, ce qui était aussi les régions les plus prospères du royaume. Et au sein de l’Assemblée, ils disposèrent, d’un groupe (de 136 députés) capable de rallier le centre, qui faisait les majorités, le marais avec 345 élus sur 745.

C’étaient au sein des classes bourgeoises et aristocratiques que se trouvaient les élus dit de la Gironde : Vergniaud, Guadet, Gensonné, etc. Et ils eurent pour terme générique et un peu fourre tout de girondin, et pas avant le XIXe siècle. Il faudrait mieux à ce sujet parler des démocrates libéraux ou des fédéralistes, ou reprendre le terme en cours revenant sous les plumes de l’époque, de Brissotins ou Rolandins, de Jacobins ou de simplement de patriotes, surtout, mais trop général et à géométrie variable. Comme le furent les frères Lameth, Barnave et Lafayette, devenus eux Feuillants et qui allaient rejoindre les thèses d’un régime plus autocratique.

Mais penser que les girondins furent d’un seul et même tenant serait une erreur. Il en allait de toute la complexité de gens d'un même milieu social? Non pas tout à fait, ce fut une sorte de mixage entre grands bourgeois et aristocrates, avec des moins aisés comme les époux Roland, la particule ne voulant pas dire grand-chose quant à la richesse financière ou mobilière, et ils pouvaient aussi être très discordant dans leurs intentions et leurs actes. Peut-on parler d'un corps de doctrine? Pas vraiment. Ce fut le groupe au demeurant le moins corrompu à ce stade des événements, mais le plus inclus aux modes de productions et actifs sur le marché spéculatif avec Clavière. Mais quel lien entre Jean-Marie Roland, cet ancien fonctionnaire et cet acteur de la spéculation? tout comme avec Pétion, maire de la capitale? Tous se retrouvaient en Brissot, l’homme fort de la nouvelle Assemblée, ou durent faire front commun. Ce fut dans ce cercle d’intérêt, mais aussi d’amitiés fluctuantes, que se trouva le noyau dur des "girondins" ou ce qui correspondit à la doctrine fédéraliste. La complexité girondine, tout comme montagnarde ne peuvent se réduire à une étiquette. La complexité du genre humain est à ce prix!

De l’importance des Lumières du siècle et les relations aux sciences et aux arts, ces préoccupations ont pu former une expression commune de ce qui ne fut qu’un petit monde, très brillant intellectuellement, mais assez lointain des communs des mortels. Les référents ne se calquent pas à la masse des sans travail. Ni aux cent mille parisiens pauvres de la capitale, et aux milliers d'ouvriers qui végétaient, soit un tiers des habitants de la capitale qui vivaient dans des conditions miséreuses. Le taux d’activité de la population en général était très faible, et à la campagne, les bouts de terre ne suffisaient pas toujours à nourrir les petits paysans, les « bras nus » comme les appela Daniel Guérin (auteur d’une histoire politique de la révolution). Quand il est énoncé le peuple ceci ou le peuple cela, qu’est-ce que le Peuple? si ce n’est un raccourci de langage, ou bien l’expression des masses? Et que peut bien vouloir dire ce mot dans la bouche ou sous la plume de tous nos tribuns et écrivains des circonstances, pour recouper pas grand-chose de l’expression la plus populaire, muette le plus souvent.


Faut-il brûler les girondins?

C’est ne pas y voir un apport colossal à l’oeuvre révolutionnaire, et utiliser des termes incertains pour les caricaturer ou simplement se satisfaire du terme libéralisme pour éliminer ceux qui ne font pas offices de purs. Ce n’est pas le travail de l’historien, il s’agit de s’interroger avant tout sur la place des uns et des autres dans un processus chaotique. L’objet n’est pas de faire un procès et monter une accusation, mais de vérifier la justesse ou l’appréciation des récits ou documents, construire des hypothèses et vérifier si elles tiennent la route ou pas. Paris a pour cela son importance, comme point géographique et une histoire d’une richesse incroyable, mais la ville ne constitue pas à elle seule le processus, d’une grande complexité. L’intérêt particulier de la capitale est la concentration des pouvoirs politiques du pays. 725 députés sur 745 sont des provinces et colonies, ce flux d’élus des départements concerna quelques milliers de personnes, et ne pouvaient résumer à eux seuls une entreprise pas seulement nationale ou hexagonale. La Révolution héritière des droits humains à une dimension européenne et internationale qui échappe le plus souvent.

Néanmoins en cette année 1792 avec l’entrée en guerre, il faut retenir pour essentiel ce fait. Ce qui sera le fil conducteur des 23 années suivantes, et la cause d’une perte d’influence de la France dans le monde, et les raisons d’un déclin de sa natalité au XIXe siècle. Certaines données quantifiées peuvent aider à comprendre que la guillotine n’a pas été le seul facteur de morts, et que face à la mécanique de la guerre, les guillotinés n’en représentèrent qu’une petite partie de la réalité macabre. Les conflits externes qui deviendront internes en 1793 pose l’enjeu d’une nation allant connaître plusieurs fronts, venant de l’est du nord dans un premier temps et en août 1792. Entre la déclaration et l’ouverture des hostilités, il faut pouvoir rassembler les troupes et les mettre en mouvement, et entre en compte une mobilisation participante de l’effondrement du régime monarchique.

Il y a de quoi être étonné de découvrir Robespierre ne salua pas seulement Pétion, mais aussi en juin le court premier ministère de Servan à la tribune du club de la rue Saint-Honoré, et parla d’un portefeuille « jacobin ». Aussi l’ancien avocat d’Arras allait avoir à l’égard de Marat une distance voulue, ou selon la formule d’Ernest Hamel « le plus grand éloignement », ou bien nourrir pour Jacques Roux, l’aile parisienne la plus radicale une grande aversion. Pour L’Ami du peuple, au mieux il lui reconnaissait son « patriotisme ». Mais ils furent lointains d’une lune de miel...

Robespierre à son retour à Paris à la fin novembre 1791, dès son arrivée déjeuna avec Jérôme Pétion dans une atmosphère chaleureuse. Les relations se gâteront, et les relations courtoises laisseront place à la discorde et aux accusations publiques. Principalement quand se formèrent les deux blocs en concurrence, lorsque Pétion devint président de la nouvelle Assemblée élue. La confrontation entre les blocs politiques commença lors de la campagne électorale de la fin août 1792 pour la Convention. De l’élan commun, c’est-à-dire de l’établissement d’un régime démocratique, d’une république fondée sur des valeurs universalistes, ce furent de multiples crises sociales et politiques qui allaient saper les bases de cette entente ;  qui visa à renverser cette fois le monarque et un système politique fluctuant au gré de ses caprices ou tactiques.

Pour en revenir à l’influence des girondins avant le 10 août, leur espace par excellence était au sein des 3 à 4.000 clubs ou sociétés jacobines présentes sur tout le territoire hexagonal. Il est indéniable que les courants girondins participer de cette mobilisation citoyenne et militaire qui rassemblait toute la gauche de l’Assemblée, sauf en de rares contestataires. Tous les jacobins (Montagne et Gironde) firent front commun et rallièrent bon nombre des voix du marais, qui faisait un peu office de girouette ou du vent tournant… Ceux que l’on pourrait nommer les faiseurs de roi, dans un monde d’ambition et d’ambitieux.

Le Peuple ne peut que faire écho dans ses invisibles, les petites gens, les premiers à se faire trouer la peau dans toutes les circonstances, mais qui étaient moins l’objet des attentions. Le poids du verbe, des symboles en jeu pourraient tout écarter. L’objet de ce travail critique n’est pas une apologie patriotique. Au bout, la comptabilité macabre apporte son lot de vérité en des éclaircissements, qui ne peuvent que s’appuyer sur des statistiques, des travaux dignes de foi. De beaucoup d’à peu près, la mortalité avec les causes donnent une lecture s’échappant des carcans dogmatiques du discours et des effets sur les foules. La vérité est plutôt crue et si les abstractions sont belles, les chiffres ne relèvent pas d’une harmonie. Et les années suivantes, même Robespierre évita à bon nombre d’élus girondins la mort, tout en envoyant les têtes du mouvement à l'échafaud.



gravure représentant le salon de Manon Roland


L’entrée au gouvernement d’Etienne Clavière aux finances pose de sérieuses questions sur la participation d’un des plus grands spéculateurs du moment sur la scène politique. Ses liens avec Brissot et la venue de ministres girondins en mars a été un tournant important, mais qui ne régla rien à la crise économique et sociale. Brissot et Clavière depuis les années 1780 voulurent l’établissement d’une république marchande et s'appuyèrent sur une révolution, non pas marginale, mais qui échoua en 1782 au sein même de la ville de Genève. Leurs prétentions économiques, leur rêve de libéralisation des marchés se cassa les dents, sur un point conséquent. L’économie, bien loin de disposer de théories opératoires ou pertinentes, et après avoir en partie minée les finances publiques par le biais des agioteurs, les voilà aux affaires et les contradictions faire jour.

Entre le désir d’une économie marchande qui visait l’abondance, et des approches de l’économie sur des bases dès plus empiriques, si les desseins semblèrent louables, en pratique cela ne fonctionna pas. Une lecture économique peut s’avérer indispensable pour saisir l’enlisement et pourquoi la répartition des richesses a servi de leurre, et n'a pu agir qu'au profit des seuls rentiers et spéculateurs. Les structures depuis Turgot résistaient sur un point conséquent, les inégalités engendraient sont lot de révoltes ou "d’émotions". Libre ou pas le marché était embryonnaire et dans le cumul des fortunes qui se firent et se défaire comme au cours des deux grandes banqueroutes du siècle (1720 et 1770). Le pays connaissait un manque quant à ses infrastructures et en matière d’agriculture, les retards étaient immenses et cependant les besoins pressants.

Si les termes girondins regroupent un ensemble d’élus, des membres des jacobins et certaines têtes pensantes du processus révolutionnaire, il y a quelques difficultés à les mettre sur le même plan ou à les croire tous dans le secret des dieux. Le panoramique de cette famille politique ne peut se limiter à ce qui ressemble être un raccourci, même si sur le plan économique, il existe peu de variante, les parcours ne sont pas les mêmes, les ambitions non plus. Il y a par exemple une vraie volonté réformatrice chez Jean-Marie Roland, ensuite savoir s’il a usé des bonnes méthodes, quand on découvre ce qu’il écrit aux Ingénieurs et sous ingénieurs des Ponts et Chaussés, tout était à faire et en commençant par l’organisation d’un système de mesure commun à tout le pays. Il parla de la nature des sols, de l’extension des cultures, dans un état qui sortait à peine des règles féodales. La guerre a bien les allures d’une fuite
en avant devant la densité des problèmes  et dont la responsabilité a été commune.

De quoi être surpris, seuls de rares parlementaires et royalistes votèrent non à l’Assemblée au sujet de la guerre. Cette période transitoire avant la venue de la Première République et après allait atteindre des sommets de paradoxe. Pas plus que les girondins ne firent qu’un, les montagnards, pas plus ne rassemblaient un seul courant d’opinion, mais plusieurs, le plus imperceptible d’entre eux, le camp de ceux que l’ont nomma les « Enragés » et présent dans les sections ou sociétés dites « sans-culottes » de la capitale. Nous sommes face à des sensibilités politiques, un terme peut être à retenir des cercles d’idées et de personnes, qui pour le moment travaillaient ensemble au sein des sociétés populaires et dans les départements fédérés de ce qui était encore un royaume sans réelle unité de fonctionnement.

La rupture entre les 2 camps fut consommée en septembre, les divisions éclatèrent au grand jour sur des principes moraux, et les actes des uns et des autres ne marquaient pas toujours un si grand attachement à l’intérêt commun. La politique prima et il découla des stratégies qui visaient néanmoins à établir une nation libérée de son carcan autocratique et la fin des fins de l’ancien régime. Le nouveau allait naître dans des conditions d’urgence et sans véritable maîtrise des lendemains pas vraiment enchanteurs.

Et ce n’était qu’une étape. Il faut noter qu’il est presque impossible de croire en toute l’honnêteté des sources sur la révolution. S’il a été mentionné le rôle de la propagande, un deuxième écueil et de taille, la question de la censure sur les archives, et de comment, l’on trouve encore de nouveaux matériaux, plus de 220 ans après et en matière d’archives parlementaires, qui par exemple ne signalent pas la nature des votes et, firent défaut sur les sensibilités au sein de la chambre des députés. Quand les détails sont à ce point manipulés ou ont été l’objet d’oublis manifestes, cela se complique. Il faut retenir un exemple, où un archiviste et auteurs en la personne de M. Alexandre Tuetey, la correspondance du ministre Roland est partielle, et son travail à l’exemple du traitement des archives rend presque impossible un récit historique fiable. Il reste comme recours de se fier parfois à des intuitions et connaissances périphériques pour éviter toute conclusion hâtive.

Avec la Constituante, deux groupes entraient en scène, sans véritable homogénéité et toujours un centre entre les deux toujours majoritaires, et à nouveau une refonte des 4 années écoulées, un élan de réforme très novateur et concret pour le grand nombre. Cet héritage, comme à l’exemple des questions scolaires ou éducatives, si les méthodes ne furent pas exactement les mêmes, le girondin Condorcet et les montagnards de Saint-Fargeau ou Grégoire ont eu en ce domaine des ambitions communes. Sur l’esclavage, Pétion, à nouveau Condorcet et Grégoire, ces hommes ne s’opposaient pas sur la nécessité de son abolition, ils œuvrèrent à rompre ses chaînes. Sur la guerre, la religion, les femmes et la redistribution des richesses, c’est beaucoup moins évident, et les débats ont laissé trace à des désaccords profonds et s’envenimant sur la conduite à tenir.

Nos hommes politiques eurent tous plus à moins à l’esprit les mois passants, que la menace se précisait, et que cette décision du 20 avril poussa la Nation à organiser les urgences des combats à venir. Ce qui impliquait de prendre les armes face aux puissances étrangères, et la demande populaire, du 6 mars était en avance sur le sujet. Si l’on retient les appels des 315 femmes de Paris à fabriquer des piques pour tous les citoyens et la défense du pays. Ce qui ne fut qu’au départ des effets de manche, en janvier Brissot défendit l’idée que jamais on n’oserait s’attaquer à la France et à force de jouer avec le feu, son projet guerrier allait devenir réalité. Bon joueur d’échec Louis XVI approuva sans rechigner et signa sans poser son veto et ne ne se préoccupa pas du désaccord de ses deux ministres
successifs feuillants à la guerre. La tonalité conflictuelle avait été déjà plus que suggérée à l’Autriche par les courriers du couple et les diplomates et espions interposés. L’ennui a été que le constat sur la désorganisation, bien qu'il servit les dires de Lafayette sur le sujet à la mi juin, était plus que palpable.

Le rôle de la mobilisation citoyenne pour la défense des frontières allait devenir un facteur important du basculement, les soldats dits fédérés et notamment ceux que l’on nomma les Marseillais, donnaient le la d’un élan patriotique indéniable. Même si nombres rechignèrent à partir à la guerre, divers aspects contribuèrent à inciter, à ce que l’on prenne enfin cette question non pas au sérieux, dès janvier, le mouvement était imprimé, mais à disposer d’effectifs militaires susceptibles de répondre aux urgences, pour maintenir les menaces à bonne distance. Nous verrons au cours de l'année 1792 dans quelles conditions paradoxales et le contexte dans lequel allait surgir la république.

Est-ce que Brissot a joué un jeu double?

Il ne serait pas le premier, mais restera une question en suspend. Mais pas pareillement pour Dumouriez, la collision avec le roi sembla assez claire, il était le mauvais pion dans le camp girondin ou brissotin. Ce qui ressembla à des clans ou à un groupe pas vraiment homogène, Brissot, et ses amis Vergniaud, Guadet et Gensonné de l’Assemblée, et Clavière, Duranthon aux ministères furent la "droite" des Girondins dans un entendement politique classique. Pétion, Servan, incarnaient plus le "centre", il existait une ligne plus idéaliste ou pragmatique selon les situations, avec les Condorcet (Sophie et surtout Nicolas) et les Roland (Marie-Jeanne et Jean-Marie). Et il s’agissait des têtes d’affiche, le camp girondin avaient ses bases partout dans le pays, et si Paris cristallisa les attentions, le mouvement Fédéraliste allait pâtir des urgences. La responsabilité de l’entrée en guerre était aussi un renoncement, s’engagea avec la minorisation de Robespierre au sein des Jacobins. Danton le lâcha en début d’année, Camille Desmoulins entre les deux et assez perméable au caprice du temps, il était en l’état un chroniqueur des paradoxes, avec sa part de contradictions, son entendement sur le républicanisme fut en l’état critique.

De plus la Montagne au sein de l’Assemblée ne pesa guère, il faudra attendre le 20 septembre quant à la composition de la Convention et la proclamation de la République pour connaître un nouvel état des forces politiques. Il est indéniable que Brissot a su attirer les voix du centre et mettre en minorité le groupe des Feuillants, le plus puissant de la Législative. Et Louis XVI a joué à plein avec les contradictions des uns et des autres, et Lafayette toujours dans le coup poussa lui à restreindre les contestations en les stigmatisant. Son passage ou retour à Paris provoqua de fortes tensions, et ses discours allumèrent la mèche, ses plans eurent peu d’importance face aux colères montantes des Parisiens. Le trop-plein était aussi bien social, économique que politique, et la guerre une pure folie, qui aurait pu favoriser un retour à un monarchisme d’antan, et allait concentrer à l’égard de l’étranger de forts ressentiments. Le pays ou l’hexagone se replia un temps sur lui-même, l’on retrouvait les conditions des révoltes et « émotions » nombreuses de l’année 1789, sauf que la France prenait  un tournant nouveau et inconnu, pour un état avec une population d’environ 28 à 30 millions d’habitants et la capitale impulsée une histoire à la fois forte et particulière.

Texte de Lionel Mesnard


La capitale à la lueur
de ses activités sociales, économiques,



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et de ses 48 sections citoyennes

Il y aurait beaucoup à écrire sur d’infimes détails du quotidien, sauf à rappeler le travail de Louis Sébastien Mercier et d’autres. Ils ont laissé des traces dans de nombreux récits pour pouvoir décrire ce grand chaudron de vie qu'a pu représenter Paris. Il faudra s’en tenir à une note et quelques couleurs de la ville. Ses activités, ses habitants ou comment parler d’un tourbillon? c’est ce qui pousse à apporter quelques éléments de compréhension, à sonder ses racines. Ayant fait mes premières recherches sur la cité des Lumières depuis plusieurs années, il y a là un sujet d’inspiration sortant du cadre strictement historique et politique, quoi que, mais l’objet est bien de faire comprendre que la capitale, n’est qu’une entité géographique dans cette étude de la Révolution, et le foyer de toutes les projections. J’aurais bien aimé dressé le portrait du faubourien moyen, parler des parisiennes dans leur simplicité et volontés d’en découdre avec l’ordre patriarcal, voire décrier les machos révolutionnaires, cette prise du politique au seul trait masculin est l’aspect très dissonant de ce qui pourrait être une ode à l’émancipation du genre humain.

Sans sous-estimer la place des autres villes, ni même des campagnes majoritaires, il faut aussi transmettre sa nature souvent occultée. Je ne retiendrais qu’un terme, celui de « sans-culottes » traduit dans l’imaginaire courant par le Peuple, alors qu’ils n’en sont qu’une composante sociale. Un lien intermédiaire avec ou entre les plus les pauvres pour une population de 100.000 personnes (classifiées au XVIIIe siècle en bon et mauvais) et les ouvriers un peu plus de 60.000, à l’autre bout, il existait 81.000 citoyens actifs ou s’acquittant d’un impôt et disposant d’un bien mobilier. Entre les deux, les dit sans-culottes sont surtout composés d’artisans, de petits commerçants, de clercs en écriture, ou de petits fonctionnaires. Ce sont des petits notables, les premiers touchés par les secousses économiques qui allaient prendre les devants du mouvement, mais pas seulement. L'on trouva aussi des curés assermentés au sein des sections et lieux de prêche qui eurent un rôle conséquent dans le sillon de l’évêque constitutionnel Fauchet. Ce dernier sera de toute les radicalités jusqu’à la venue de la Première République, avant de rejoindre les dits girondins.

A savoir, qu’avec la vente des biens ecclésiastiques, les églises servirent de lieux de réunions, dans toute la France et pour tous les camps politiques. Dans la capitale, elles feront pour certaines offices comme Saint-Nicolas du Chardonnet de permanence et d’accueil des citoyens du quartier et de bureau de la section locale. Notre Dame sein des seins se vit dépouiller de ses atours religieux, son clocher servit d’alarme à de bien manifeste et mauvais présages ; et si les croyances n’ont pas totalement disparu, la question du culte y trouva une place moins importante qu’en Province. Plus vous monter dans la hiérarchie sociale et qui plus est ses "intellectuels" ou travailleurs lettrés (journalistes, écrivains), la religion avait peu de prise sur les consciences et sans réelle barrière d’opinion. Paris était un peu en dehors du temps normal de la France, ce fut une place très libérale, pour ne pas dire libertine, dans une ville où l’exercice de la prostitution des deux sexes en fit un de ses métiers de complément ou permanent à qui l’on feignait la répugnance. Pour touche de comportement étonnant et frisant le scatologique sous la plume de Mercier, une visite dans les jardins des Tuileries jouxtant le Palais de la famille royale on y découvrait un haut lieu de défécation à ciel ouvert. Dont nous ne chercheront pas les vents tournants...

Il est possible découvrir les bruits de la rue au sein de très belles images virtuelles reconstituant la capitale à la fin du XVIIIe siècle, il manque néanmoins un aspect notable. La foule et l’activité quasi permanente ne sont pas reconstituées, même si on la devine, et si l’on peut avoir le sentiment d’un havre paisible en comparaison avec la ville moderne, ce serait un leurre. D’abord son activité est de jour, comme de nuit, dans certains quartiers comme les Halles ou du centre. Pour la journée, il suffit de s’en tenir à ce que raconta Voltaire de ses sorties en calèche, les embouteillages de son temps étaient le lot quotidien et il pouvait y passer plusieurs heures selon la distance.

Faut-il compléter, que c’est seulement sous Louis XVI que l’on commença à imposer des rues de 10 mètres de largeur, quand les grandes ne dépassaient pas 6 mètres et qu’il existait beaucoup de ruelles d’à peine deux mètres de largeur. C'est aussi sous son règne que près d'un tiers de la ville connue des transformations notables, comme de nouvelles constructions. Certains récits de voyageurs sud-américains, comme l'ami de Bolivar, Simon Rodrigez, ont parlé d’une ville dédale et qu’un étranger qui n’avait pas de repaire visuel s’y trouvait rapidement perdu. Jusqu’à Napoléon, la signalisation fut presque inexistante, seules les auberges étaient munies d’enseignes et permettaient aux Parisiens et voyageurs de s’y retrouver.

Il faut aussi tenir compte que les véhicules étaient tirés par des bêtes de trait, les fers sur les pavés propageaient beaucoup de décibels et bien plus qu’un véhicule à moteur sur des roues en gomme. De plus, il faut aussi imaginer qu’il n’existait pas que des carrosses ou grands attelages, mais toute une gamme de transports et que le tout était à l’échelle d’une cité de 640.000 âmes. Simplement pour souligner qu’il existait aussi des véhicules utilitaires et que le négoce depuis le Moyen âge tenait une part importante dans le tissu urbain. Certains noms de rue peuvent rappeler que les corporations ou métiers exercés étaient regroupés comme les bouchers : rue de la Bûcherie, de la petite boucherie, etc..

En rive gauche et tout au long de la rivière de la Bièvre se trouvaient les activités de tannerie et la manufacture des Gobelins pour les tisserands ; en rive droite, sur les rives de la Seine l’arrivée des produits débarquaient le long du fleuve, comme le bois de chauffage pour l’hiver, on venait en place de Grève chercher un travail à la journée sans l’assurance du lendemain. Non loin se trouvait, les Halles qui étaient le poumon de nombreuses activités commerciales, et comment ne pas signaler l’existence des petits métiers, comme les vendeurs d’eau, les artistes des rues, jongleurs comédiens, chanteurs, etc. Ou ce que l’on peut oublier, une activité criminelle non négligeable avec ses bandes de malfrats et détrousseurs, et aussi ses rangs d’oignons de pauvres qui sollicitaient selon un ordre bien précis quelques sols pour acheter un quignon de pain.

Ce Paris était une ville âpre par bien des aspects, c’était aussi une cité joyeuse, attractive et sans comparaison avec les autres métropoles du pays, elle était déjà une place importante de la mode et des besoins de paraître, qui fut un des traits des gens de la haute...  Le péquin sans le sou vivait à même le sol, vêtu de haillon ou de guenille. Les plus pauvres étaient là sans l'esquisse d'un regard ou d'attentions autrement que charitables. S’il n’y a pas eu vraiment de mixité sociale dans ce qui fut un ordre intangible. Il importe de savoir quelle était sa composition sociale au moment de la Révolution pour la ville dite des Lumières. Pour évidence, la moitié étaient des femmes et l’on peut supposer aussi qu’une bonne moitié avaient moins de 20 ans. Une bonne part étaient amenées à travailler dès le plus jeune âge.

Jusqu’à 3 ou 4 ans, l’on ne distinguait pas les filles des garçons dans leur habillement, et, à l’âge de raison vers sept ou huit ans, il n’était pas rare de voir des gamins selon la nature de leur sexe à une tâche d'exécution (aux champs comme dans les manufactures). Ceux dont il est fait peu mention, et qui ont tenu une part importante dans la vie quotidienne furent les domestiques. Il est difficile de savoir combien ils étaient exactement. Mais les serviteurs ou gens de maison eurent une place particulière. Ils ne furent pas considérés comme des citoyens à part entière par la Convention. Il se pose de fait de savoir pourquoi? Même si l’on en devine les raisons, qui était leur trop grande proximité avec leurs maîtres. Ne fut-ce pas là un moyen de se couper du Peuple? Du moins une part de ses forces vives et maîtresses des jeux de cette ville à rumeur sans fin.

Pareillement il y a de quoi s’interroger sur la place des forces de sécurités et la place des soldats dans l’histoire moderne, un autre métier et qui en temps de guerre devenait très pourvoyeur d’emplois. Qui en absence de conflit voyait tout un flot de militaires sans objets précis et ils servirent au sein du royaume à la construction de lieux asilaires assujettis à des pensions, ou bien se retrouvaient en état de vagabondage. Car y résider relevait de la soumission et un bon nombre préférait les routes à un faux confort qui visait à les remettre dans le rang. Car s’il ressort une caractéristique sociale forte, ce fut la question du sous-emploi. Quand d’autres pensèrent morale et désignèrent et traitèrent les plus en bas de l’échelle sociale comme des parias.

Le taux d’activité de la population était très faible ou saisonnier. Les rythmes de la vie étaient très lointains des nôtres, comme les temps de vie qui était sans rapport. A cela, il suffit de se rendre compte du nombre vertigineux d’enfants qui mourraient en couche ou en bas âges. Près d'une femme pauvre sur deux qui rentrait à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu pour accoucher sortait sans nourrisson. Rien que les questions d’allaitement et des nourrisses pourraient suffire à donner le là d’un temps disparu. Un ensemble de petites considérations qui jointes permettent d’expliquer les marques propres du siècle, le leur, pas celui d’un monde technologisé pouvant se jouer à la nano seconde.

Le dernier point sera sur la nature des flux et la circulation des populations entrantes et partantes. A ce sujet, une bonne part de nobles et possesseurs d’hôtels particuliers prirent la route et rejoignirent un des divers points de chute de l’émigration dans les pays frontaliers. Cependant, chaque jour les voyageurs ou ceux qui chérissaient le rêve de venir s’installer dans les murs de la capitale participaient d’un flux indicible, mais réel. Comme ceux qui n’espéraient que retrouver familles et amis en province, et se contentaient d’y passer ou pas, voire avec un peu de chance d’y finir leurs vieux jours.

Poser les contours des mouvements est une mission compliquée, sans véritables données existantes. Et puis, il existait toute cette ceinture de petites villes et villages avec ses moulins qui répondaient aux besoins en céréale, dont une fois les enceintes passées, renvoyait au pays et à ses autres réalités. Là où l'on vivait au rythme des bruits de la nature, loin de ce feu d’artifice et de furie, représenté par ce grand ventre affamé. Si d’aventure vous arpentez en rive droite le faubourg Poissonnière, vous vous trouverez sur l'ancienne route des poissons arrivant des ports ; et si l’on se penche sur les cultures locales le raisin y était abondant en Seine-Saint-Denis ou du côté de Montrouge. Il permettait la fabrication du vin courant sous le nom de « guinguet », une piquette que les estaminets ou échoppes de rue pouvaient vendre et trouvaient acheteurs pour son prix bas, et surtout hors des barrières d'octroi, en raison de sa taxation.

Il est impossible de dépeindre toute l’effervescence. Cependant la ville restait de petite taille en comparaison à d'autres capitales, et encore elle conservait en grande partie ses particularités du Moyen Âge, c'est-à-dire l'étroitesse de ses rues. Sinon du petit matin au coucher, elle vibrionnait. Dans son ensemble la population dormait fort peu, ses acteurs révolutionnaires ou simplement députés, qui de comités en séances trouvaient répit entre 2 ou 3 heures de la nuit avant que les débats ne recommencent sur le coup des neuf heures de la matinée. La vie y était déjà trépidante et pour tous ces corps sociaux, du mitron au boulanger ou en passant par le boucher, souvent les premiers ouverts, la ville connaissait peu de repos. Il faut se fier au récit de Madame Roland pour situer les périodes de calme entre 3 et 4 heures du matin, autour de l’île de la cité, et vers les cinq heures, à la lueur du soleil quand paris s’éveillait… Elle a entre autres habité à côté du Pont-neuf, à la pointe nord de l'île de la cité, qui était un des passages névralgiques
et très agités d'une rive à l'autre de Paris.

Une autre donnée est à prendre en considération réside en l’activité des sections, l’année avait imprimé une plus forte relation entre les sociétés populaires et les sections parisiennes (ex. districts). Combien étaient-ils dans ces réunions? A cette question, il faut pouvoir aussi penser en foyer (en feu) qui était la norme admise, en particulier dans les habitations. La nature des familles était encore sous la cohabitation et la communauté des générations, il pouvait y avoir un ou plusieurs citoyens actifs ou passifs dans la même maison. Pour les hommes de 25 ans, était l’âge légal jusqu’en août, dans un monde où l’on ne dépassait pas trente ans en moyenne. En raison d'un très grand-nombre de morts les premiers mois ou années de vie, à l'exemple du jeune dauphin qui décéda lors des États-généraux de mai-juin 1789 et de son suivant le dit Louis XVII. Selon les classes sociales et pour évidence les temps de vie n'étaient pas les mêmes, la seule chose qui ne différait guère était le nombre de décès chez les enfants, le reste on retrouvait les paramètres des inégalités sociales face au travail pour exemple notoire.

Femmes et enfants subissaient un mode de vie patriarcal, et seul le père ou l’aïeul régnait en maître sur ses ouailles, et toute contestation était souvent le plus souvent impossible. Cependant, un citoyen était le porte-voix de son foyer, et si l’on a pu dénombrer un nombre de citoyens actifs et passifs qui réunissaient aux alentours de 500 participants actifs (au sens propre) aux échanges par section de la capitale. Ce chiffre est à multiplier par 48, même s'il ne rassemblait à première vue que 24.000 habitants, toutefois à chiffrer une moyenne de personnes par foyer, le compte s’en trouverait multiplié au minimum par 5, et de quoi expliquer ce que pouvait composer le Peuple au sens large ou interclassiste, et il ne représentait pas un mouvement minoritaire dans la capitale, mais son essence vive.

Et l’on retrouvait toutes les tendances politiques du royaume, des sections les plus ouvrières comme celle des Gravilliers (actuel 2e arrondissement) à des quartiers plus bourgeois sur les deux rives. La mixité sociale tenait à la concentration des foyers les moins riches dans des immeubles, qui pouvaient jouxter de véritables palais ou habitations cossues. Ce que l'on nomme aujourd'hui dans la capitale des hôtels particuliers. Il existait ainsi une population nombreuse de gens de maisons ou domestiques rattachés aux belles et grandes demeures. Ce sous-prolétariat était souvent l’absent des histoires et pourtant, il représenta une ou des opinions marginalisées, souvent renvoyées à être que le miroir de leurs maîtres.

Cette complexité particulière étant plutôt méconnue et difficile à cerner, s’avère être une épine non-négligeable sur la connaissance de toutes les classes sociales. S’il y a des ombres aux tableaux, ouvriers, pauvres et domestiques furent trois composantes non point absentes, mais renvoyant à beaucoup d’éléments de réflexion et d'incertitudes sur cette société parisienne de 640.000 âmes et plus, avec le temps. Les bourgeoisies de petites à grandes allaient prédominer la scène politique, sans parler des deux anciens ordres pas vraiment disparus, mais pourchassés pour sédition ou pour fanatisme. S’il se dessina un nouvel ordre social, s’organisaient des dominations du même ordre, quelques faisceaux de lutte des classes ne furent que des signes avant-coureurs, et le rapport de force allait se situer en son sein, se structurer en premier dans la bourgeoisie, comme la nouvelle force dominante.

Note de Lionel Mesnard

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Les sections parisiennes
sous la Révolution
 
 
  

Religions et croyances de masse,
athéisme et mysticisme politique?
 
La question religieuse ne peut avoir une vue d’ensemble globale, il faut pouvoir l’analyser selon les régions et les mentalités, dans le rapport non pas au sacré ou ce qui est du domaine de la foi, mais à la croyance. Ce qui est très variable et touche au particularisme des provinces françaises ne coule pas d’un bloc. A cet égard, si le catholicisme, le protestantisme et le judaïsme regroupaient les différents courants de pensée religieux du pays, le dogme romain fut très propice à des cultes et superstitions parfois millénaires s’étant fondés sur des bases syncrétiques et peu enclines à la rationalité. La relation aux croyances pouvait être en totale opposition, si l’on prend le Poitou et la région parisienne comme exemples, cette dernière en partie urbaine et riche et l’autre paysanne et très pauvre.

Il existait une césure entre villes et campagnes, mais sans réelle uniformité d’une région à une autre, mais le fait religieux dominait les esprits. L’athéisme a plus les aspects d’un phénomène social limité ou urbain, il concerna pour beaucoup les franges issues de la bourgeoisie lettrée et de l’aristocratie de cours, et un pan non négligeable du haut comme du bas clergé français depuis quelques décennies. Tous les faits montrent que le rôle des Montagnards a été très contradictoire, avec des courants antagoniques sur la question de l'«
Être suprême ». L’anticléricalisme et une déferlante de mesures humiliantes tombèrent sur les prêtres réfractaires en 1792. Ce qui allait être l’objet de tensions et de désaccords profonds dans le camp des « démocrates » ou jacobins. Les girondins trouvaient ici une certaine unité, car probablement les plus anticléricaux, tout comme une bonne part des Feuillants. Car ils ne cachèrent pas le vœu d’en découdre avec les superstitions. Un combat louable, mais à l’aune des pratiques religieuses de la population et de son importance, cela représentait une lutte contre des moulins à vent et mettait en péril les fondements de l’unité du pays. Ce que l’on a nommé la déchristianisation ne pouvait pas produire d’influx positif, au contraire, mais perpétuer un climat de tension et de préparatif à des soulèvements futurs en Bretagne, et dans le haut Poitou (Vendée et Deux Sèvres). Surtout, il conditionnera une hostilité à la République et à ses thèses qualifiées d'athéistes.

Il nous faudra revenir sur la place de « l’Être suprême », sorte de culte républicain porté par Robespierre, qui a été tout autant conspué ou le fait de moquerie, sans chercher à faire lien avec l’époque et la nature des conduites ou des moeurs. La relation avec le « grand architecte de l’univers » est une thématique forte de la Franc-maçonnerie et pourrait s’en rapprocher? Ce qui n'est pas le cas, il existe néanmoins des éléments de correspondances. L’objet n’est pas d’écarter les critiques, les similitudes sont visibles et il n’y a rien de très souterrain. Sauf à y voir des histoires à dormir debout, à chercher le complot des loges comme appareil sous-jacent des soulèvements (l’hyper-rationalité comme substrat du doute et du délire est notre misère actuelle). Les symboles maçonniques pouvant faire lien avec la Révolution sont nombreux, pour autant, il y a de quoi garder raison et ne pas confondre ou de participer à la mélasse commune. Il ne faut pas mélanger symboles et acte d'appartenance.

L'erreur à ne pas commettre et que l'on retrouve dans les propagandes contre-révolutionnaires sur Robespierre, il n'a pas été franç-maçon. Pour se donner une idée de la diversité des opinions, il est peu envisageable de pouvoir associer des personnages aussi différents, que Talleyrand, Mademoiselle de Lamballe (Marie-Thérèse-Louise de Savoie-Carignan) de l’entourage de Marie-Antoinette, son ennemi intime Lafayette et Joseph de Maistre royaliste, membre d’une obédience portugaise. Qu’ont-ils de commun? ou bien avec le grand maître du Grand Orient, Philippe Egalité, le duc d’Orléans ou Brissot de Warville? Pas grand-chose, sauf que nombreux étaient issus de la noblesse, et à part qu’ils ont tous appartenu à des loges, ils étaient plutôt royalistes et en faveur d'une système libéral à l'anglaise. Le seul élément,  pouvant questionner sur le plan historique a été l’importance des loges féminines au sein du processus. La fantasmagorie anti-maçonnique de nos jours a le vent en poupe et n'aide pas à comprendre un sujet qui peut échapper à beaucoup.

Rares sont les approches sérieuses et comme tout sujet, cela demande une analyse, pas des soupçons dans une société conquise par les rumeurs, ou dans une approche ou le divin est la seule référence, participant d’un retour du fanatisme. Les seules choses  dont on peut convenir :
1° - Le complot est une problématique politique pour esprit simplificateur ou tordu et un terrain propice pour les manipulateurs.
2° - Il ne s’agit pas de récuser l’existence de ce qui n’est pas un secret ou caché, oui la symbolique est très présente, oui des « frères et sœurs » ont participé à la marche républicaine et d’autres sont restés légitimistes et avec un positionnement libéral monarchiste, c’est-à-dire favorables à une évolution des institutions comme lors de la deuxième révolution anglaise de 1688. Il ne faut pas confondre initiation et une galaxie maçonne avec des approches très discordantes, ne serait-ce que sur l’existence de dieu ou pas?
Ce n’est pas parce que quelques dizaines d’esprits brillants du siècle des Lumières ont construit pas à pas un corpus intellectuel, que de facto toute la société française était à même niveau. Ou qu’une part de la société organisée se rasait chaque matin avec pour idée de faire tomber le roi et le pape. L’exagération en histoire peut faire rire, mais elle est un symptôme, auxquels juifs et protestants français se trouvent agrégés. S’il est indéniable que beaucoup de francs-maçons ont participé au mouvement, c’est que nous sommes à une croisée entre l’esprit des encyclopédistes et face à un phénomène normal. Les sociétés ou groupes dit secrets ont eu un rôle dans la circulation d’idées en Europe et la fermentation révolutionnaire. Mais le phénomène est bien moindre comparé au processus que les clubs et sociétés populaires ont pu avoir comme place, et semble être l’objet d’un débat ancien. Et un conflit manifeste entre Rome et des obédiences considérées comme sataniques...

La première condamnation papale de la franc-maçonnerie date de 1738 et à nouveau une quarantaine d'année après. A l'examen de la situation, ce serait donner à des maillons très minoritaires et socialement limité, c’est-à-dire aux loges, trop de pouvoir sur le destin des masses. Il vaudrait mieux vaut se questionner à savoir si des formes clandestines n’étaient pas nécessaires pour propager des idées de liberté et de mettre fin à un système politique inique? Ce corpus intellectuel donne une preuve d’une place irréfutable, mais n’en fait pas la panacée, toute l’histoire révolutionnaire et républicaine en France et pas seulement a trouvé nombres de maçons engagés avec des correspondances politiques et loin d’être uniforme ou en accord. Le danger est dans la simplification se fiant au seul visible et sans connaissances du sujet.

Quand un groupe de « conjurateur » se faisait prendre par la nature de leurs propos séditieux ou que cela remontait aux oreilles des polices du royaume, c’était au bout l’emprisonnement et plus. Une société despotique comme elle a pu se développer avait des réseaux de surveillance très puissants. A Paris, n’importe quel nouveau quidam arrivant de Province devait se manifester en donnant une adresse, et la ville vivait au filtre des mouchards et commissariats de quartier. Une société ou la délation fut constante n’a pu qu’inciter à se cacher, à taire ses convictions et agir en conséquence. D’où le secret entourant certaines manifestations dans des lieux insolites comme les carrières des Buttes-Chaumont, pour exemple de certains offices initiatiques. Justement, ce n’est pas toujours la raison qui va triompher, de plus, la majorité de la population peut avoir une relation avec de forts éléments de syncrétismes, être et vivre de manière peu rationnelle, voire instinctive comme dans le milieu criminel.

Nous appréhendons un monde où beaucoup était de l’ordre du magique, de la grégarité de l’existence, l’on décédait en moyenne à 30 ans. La nature des inégalités était sans limites et la liberté d’expression inexistante. Ce fut le fruit de conquêtes et l’oeuvre d’une intelligence collective ou ce qui ressemble au plus proche à la notion de « Peuple » dans une approche interclassiste. Y voir une volonté souterraine, la littérature va se délecter de cet aspect très enfantin ou ludique pour un auteur de fiction, mais cela n’a pas grand-chose de concret, de perceptible, hors d’un cadre conceptuel ou abstrait, avec ce qui transparaît dans cette histoire des Français dans sa réalité historique.

La place de la raison dans le discours public, si elle est incontestable, elle n’est pas présente dans toutes les strates sociales et ne peut être qu’inégale. Il n’y a pas à juger et à désigner les damnés de la terre comme coupables premiers, mais l’on ne sort pas d’au moins 150 ans de despotisme sans séquelles. Le monde ecclésiastique et ses querelles entre jansénistes et jésuites sont des éléments de divisions puissants tout au long du XVIIe et du XVIIIème siècle. L’interdiction de ces deux ordres sont de nature à interpeller sur les limites posées par le pouvoir papale et les rois de France. Ces deux ordres furent dissous par bulle papale et ordonnances royales. Plus le ou les schismes protestants et la minorisation des Juifs n’incombent en aucun cas au mouvement révolutionnaire. C’est du premier processus que naît l’émancipation des persécutés d’hier.

La particularité des Bourbons a été plutôt dans cette volonté de faire de la religion une affaire d’état et de contrôle des masses dans les aspects de la vie quotidienne. Les actes pas encore civils et l’ordre de la société faisait du monarque un être surnaturel et omnipotent ou bien omniprésent, et pas seulement pour les consciences. Il en découlait tout un modèle plus que contraignant et hiérarchisé. Et rien n’échappait administrativement au monarque sur le plan civil ou religieux. Le haut clergé donna nombre de ministres ou secrétaires d’état en pourpre, à commencer par le cardinal Richelieu. Le conseiller du jeune Louis XIV, fut Mazarin qui avec sa mère Marie de Médicis avaient donné le la centraliste, sans véritablement y parvenir. Le roi « soleil » en fut le fondateur, et Colbert son maître d’oeuvre. Ce que l’on confond souvent avec le jacobinisme des premières heures, qui a été un mouvement avant tout fédéraliste, puis centraliste en raison de la guerre. Mais le fédéralisme ne fera pas long feu et de cette re-centralisation des pouvoirs, va naître dans son acceptation la plus réduite et apparenter la terminologie de jacobin comme un équivalent de centralisme, ce qui reste plus que relatif à l’examen des quatre premières années, ou ce qui correspond à la première séquence révolutionnaire.

L’histoire du centralisme à ses origines est un jeu de concurrence entre les pouvoirs royaux et les autorités religieuses, cet héritage colbertiste reprendra ses droits, qu’au prix d’une mise au pas du culte catholique et jusqu’en 1815 et la restauration monarchique, la guerre n’étant pas la seule raison de cette volonté à faire de la capitale le nombril de la France. Mais bien à la fois de combattre un ennemi armé, et un ennemi en soutane, comble de l’histoire Robespierre ou même Marat n’ont pas fait de la foi un objet à abattre, ils apportent même quelques idées de ce qui fait lien avec les croyances du moment, un  mysticisme échappant à nos normes et compréhensions communes.


Note  de Lionel Mesnard



Louis XVI franc-maçon ?

Parmi des milliers d’ouvrages, de documents de toutes natures, toute recherche implique du temps avant de trouver certaines références, de pouvoir ainsi rassembler les sources nécessaires à un sujet, et rédiger sur la franc-maçonnerie présente quelques embûches. En raison de cet aléa, qui est souvent une question de temps et de maturation des idées, d’un sujet banalisé et tournant à des obsessions pas très saines, ce n’est pas en soit la nature des complots ou tentatives de conjurations qui sont à remettre en cause dans leurs réalités historiques, mais ce que cela a pu féconder et continue à provoquer comme agitation mentale.

La Révolution française est truffée de plan sur la comète…, il faut pouvoir faire la part du vrai et du faux, faut-il encore disposer d’un contenu fiable, approprié. Et si j’avais jusqu’alors, non pas fait l’impasse, je m’étais résolu à ouvrir une simple parenthèse, la note d’origine a été appelée à être un article à part entière. Mais avec ses limites, mes connaissances sur la franc-maçonnerie sont des connaissances diverses cumulées avec le temps, l’objet a été d’apporter des éléments fondés, la trouvaille d'un texte de la Revue historique de la Révolution française, plutôt court et plein de notes de bas de page, ne peut qu’enrichir ou expliquer le rôle des symboles maçons dans le processus révolutionnaire allant de 1789 à 1799. L’auteur de L’influence du symbolisme maçonnique sur le symbolisme révolutionnaire (à lire ci-dessous), est un aricle de M. Otto Karmin, celui-ci a écrit d’autres articles pour cette revue concernant la franc-maçonnerie, à laquelle a participé Albert Mathiez, un de ses rédacteurs, puis son directeur de publication après M. Charles Vellay.

A la clef une découverte, à laquelle je ne m'attendais pas, s’il est plus connu que Louis XV a été franc-maçon, sa lignée aussi, de Louis XVI jusqu’à Charles X, ce détail est assez surprenant permet de faire tomber ce vieil édifice du complot maçonnique contre le monarque, sans pour autant nier que la maçonnerie a tenu un rôle, mais pas ce que l’on a cousu de fil blanc dans le camp royaliste le plus orthodoxe. Qui permit aussi d’autres dérives intellectuelles et politiques. Et ce ne fut pas la seule révolution à avoir connue une présence et un appui des loges maçonniques?

On peut parler plutôt d'une présence des membres du Grand-Orient de France, encore faut-il rester prudent, les avis d’une loge à l’autre et même d’un franc maçon à l’autre pouvaient ne pas être en tout conforme à l’esprit révolutionnaire, voire être en opposition, ou provoquer en son sein de larges débats. La problématique dans toute son étendue a une histoire riche, elle dépasse largement le cadre du royaume français de la fin du XVIIIe siècle, elle donnera consistance à une histoire propre aux sociétés secrètes le siècle suivant. Dont Filippo Buonarroti a été un des artisans, ce proche de Robespierre a eu une fonction importante dans la construction du mouvement social et des républicains sociaux, et aurait été un des instigateurs possible, mais à confirmer des révoltes ouvrières de 1834.  Pour finir, vous trouverez un deuxième texte
sur le symbolisme révolutionnaire, extrait de L'origine des cultes révolutionnaires (1789-1792)  d'Albert Mathiez, un mémoire pour sa seconde thèse.

Complément de Lionel Mesnard, le 4/09/2020


L'INFLUENCE DU SYMBOLISME MAÇONNIQUE


SUR LE SYMBOLISME RÉVOLUTIONNAIRE


Quelle a été l'influence de la Franc-maçonnerie sur la Révolution française? Le monde clérical a toujours soutenu que cette dernière fut le résultat d'une conspiration des loges ; le monde maçonnique a toujours combattu cette thèse. Pour des raisons politiques, quelques-uns des écrivains francs-maçons ont nié toute, ou presque toute, influence de leur société sur les événements révolutionnaires ; d'autres — soucieux de la vérité historique — ont montré le grand rôle joué par les loges, et surtout par certains de leurs membres, sur la marche de la Révolution. Cependant, quelque flatteuse que soit pour l'influence de l'« Art royal », l'hypothèse d'une conspiration tramée par les francs-maçons, aucun historien maçon ne s'en est jamais fait l'écho : l'idée qu'un mouvement aussi profond ait pu provenir d'un complot est, en effet, trop ridicule pour trouver créance auprès de personnes connaissant, en même temps que l'histoire, ne fut-ce que les éléments de la psychologie sociale.

 

Mais pour pouvoir se prononcer sur l'étendue exacte de l'influence maçonnique avant et pendant la Grande Révolution, il faudrait surtout connaître l'histoire des loges françaises antérieurement à 1788, en établir le personnel, analyser les procès-verbaux de leurs séances. Un historien français s'est donné cette tâche (1) ; y réussira-t-il, n'ayant pas accès aux archives du Grand Orient de France? D'ailleurs, son étude ne va encore que jusqu'à l’année 1771, et tout jugement de cette nature serait prématuré.

 

Or, même en établissant la liste complète des francs-maçons anté-révolutionnaires, quelles conclusions pourra-t-on tirer, en voyant que non seulement Brissot, Danton et Camille Desmoulins faisaient partie des ateliers, de même que Mirabeau, Lafayette et Condorcet, mais que le comte de Provence, le comte d'Artois, que Louis XVI lui-même étaient des francs-maçons réguliers de la « juste et parfaite loge La Militaire des trois frères unis, à l'Orient de Versailles. » (2)

 

Comme si souvent en histoire, lu encore la preuve indirecte sera la meilleure ; et si l'on arrive à constater que non seulement l'esprit mais encore la forme des manifestations révolutionnaires sont les mêmes que ceux de la franc-maçonnerie, que les coutumes maçonniques se retrouvent dans les usages introduits parla Révolution, alors on pourra conclure — non pas à un complot préparé et exécuté par les 688 loges du Grand Orient de France (3) et parcelles, moins nombreuses, des autres organisations maçonniques — mais à une profonde pénétration de l'esprit du temps par les idées et habitudes de la franc-maçonnerie.

 

Ce que nous nous proposons de faire, c'est une des recherches nécessaires pour faire la démonstration demandée : nous voulons examiner l'influence du symbolisme maçonnique sur le symbolisme révolutionnaire. Mais, en procédant ainsi, de grandes précautions devront être prises. Comment, par exemple, faudra-t-il expliquer le sens symbolique de la cocarde nationale? Est-elle la combinaison de la couleur de la royauté (blanc) avec les couleurs de Paris (bleu-rouge)? Est-elle un symbole des trois états (noblesse-rouge ; clergé-blanc ; tiers-bleu)? Ou est-elle, comme le laisse supposer Ragon (4), un assemblage de symboles maçonniques ? « La maçonnerie, dit-il, peut aussi revendiquer l'idée de ces trois couleurs : les grades symboliques ont fourni le bleu (couleur du cordon, de maître) ; les grades chapitraux le rouge (couleur du cordon de Rose-Croix) ; et les grades philosophiques le blanc (couleur de l'écharpe du grand inspecteur, 33e degré) ».

 

Voici un autre cas très difficile, sinon impossible à résoudre :

 

Le 10 avril 1793, à la Convention, Danton prononce ces paroles: « Oui, je le déclare, vous seriez indignes de votre mission, si vous n'aviez pas constamment devant les yeux ces grands objets : vaincre les ennemis, rétablir l’ordre dans l'intérieur et faire une bonne Constitution. Nous la voulons tous, cette Constitution, la France la veut, la demande, et elle l'aura d'autant plus belle, qu'elle sera née au milieu des orages de la liberté. Ainsi, « un peuple de l’antiquité construisait ses murs en tenant d'une main la truelle et de l'autre l’épée pour repousser les ennemis. » (5)

 

De quelle nature est le passage souligné? Sommes-nous en présence d'un souvenir de Néhémie (6), ou bien Danton employa-t-il une image qui, puisée dans Néhémie, fait partie du rituel du 15e grade? De même, pour toutes les autres recherches do ce genre, il faudrait distinguer exactement ce qui est de pure essence maçonnique et ce qui peut provenir d'une source commune à la franc-maçonnerie et si d'autres domaines d'idées.

 

Le symbole est chose très stable ; avec de petites variations il traverse les siècles et, souvent môme, se saturant d'idées nouvelles, il survit aux conceptions qu'il représentait. C'est le bonnet phrygien, successivement coiffure de l'homme libre, de l'esclave affranchi, signe de l'émancipation, coiffure des forçats, couvre-chef de Jeannot, le populaire toujours bafoué des farces théâtrales, enfin — accentuant sa signification ancienne — emblème de la liberté, dès le lendemain du 14 juillet (7). C'est le swastika devenant tour à tour, croix, crucifix, gage de la rédemption, et — pendant un certain moment de la Révolution — le gibet du « bon sans-culotte Jésus » « tué par les aristocrates ». D'autre part, les idées anciennes n'adoptent presque jamais de symboles nouveaux. Aussi l'apparition soudaine d'un nouveau symbole doit faire supposer la naissance d'une idée nouvelle ou, au moins, l'invasion par une conception étrangère d'un territoire jusqu'alors réfractaire.

 

Enfin, l'identité de deux symboles voisins dans le temps et dans l'espace sera une présomption en faveur de leur commune origine, ou de leur interdépendance, à moins qu'on puisse établir L’existence d'une sorte de mimicry destinée à faire passer une nouvelle idée sous un drapeau déjà vénéré. Or, si ce drapeau est lui-même objet de suspicions et même de haines, la parenté des idées représentées deviendra une quasi-certitude. Tel est le cas du symbolisme maçonnique.

 

Malgré les hautes protections laïques et ecclésiastiques, la franc-maçonnerie était une puissance crainte et surveillée par la cour, suspectée et maudite par le clergé. N'oublions pas que, dès 1738 (du 28 avril), Clément XII avait excommunié les francs-maçons dans sa bulle « In eminenti (apostolatus specula) » (« constitution valable à perpétuité »), et que Benoît XIV avait renouvelé l'excommunication dans la bulle « Providas », du 17 mai 1751. Si donc nous trouvons des symboles maçonniques parmi les symboles révolutionnaires, à moins de causes spéciales, nous pourrons admettre l'exactitude de cette filiation.

 

Il est évident que nous n'allons pas examiner un à un tous les symboles et toutes les actions symboliques révolutionnaires. Un certain nombre en sera d'ailleurs suffisant pour montrer que l'influence signalée est indéniable. Cette constatation ébranlera singulièrement la thèse du complot, car alors les conspirateurs de l'épopée révolutionnaire ressembleraient à s'y méprendre à ceux de la Fille de Mme Angot (Opéra comique de Charles Lecocq) ; d'autre part elle mettra fin — espérons-le, du moins — aux affirmations de Boos (8) et d'autres (9) qui prétendent que la franc-maçonnerie n'est pour rien dans les événements de 1788 à 1799.

 

Prenons d'abord un geste symbolique : la voûte d'acier. C'est le 17 juillet 1789 que pour la première fois cette cérémonie maçonnique eut lieu en public. On connaît la scène. Louis XVI vient d'arriver devant l'Hôtel de Ville et se dispose à en monter le grand escalier ; des personnages officiels (10) tirent leurs épées et en forment une voûte sous laquelle le roi doit passer pour atteindre la porte du palais municipal. Or cette cérémonie est réservée aux grands dignitaires de la maçonnerie, et aux maçons qu'on veut honorer d'une manière particulière. Elle revenait de droit — mais en loge seulement — à Philippe d'Orléans, Grand-Maître de l'Ordre (11). Or celui-ci n'était pas même présent à la réception devant l'Hôtel de Ville. La voûte d'acier s'adressait donc bien au franc-maçon Louis, roi de France.

 

Comment cette cérémonie fut-elle comprise en dehors du monde maçonnique? Il est probable qu'on n'y vit qu'une nouvelle et impressionnante manière d'honorer quelqu'un ; et cette conception a dû beaucoup faciliter l'introduction de la voûte d'acier dans certaines fêtes révolutionnaires. Ainsi nous la retrouvons le 13 juin 1790, lors de la « fédération de Strasbourg », au moment du baptême civique qui y fut célébré (12).

 

La cérémonie eut lieu en grande pompe,.. Au baptême religieux succéda le baptême civique proprement dit : «... Alors les parrains, debout sur l'autel de la Patrie, prononcèrent à haute et intelligible voix, au nom de leurs filleuls, le serment solennel d'être fidèles à la Nation, à la Loi et au Roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi. Des cris répétés de « vive la Nation, vive la Loi, vive le Roi » se firent aussitôt entendre de toutes parts. Pendant ces acclamations, les commandants et autres chefs formèrent, avec leurs épées nues, une voûte d'acier au-dessus de la tête des enfants... (13) »

 

La terminologie symbolique de la maçonnerie se retrouve également dans les écrits inspirés par la Révolution. A chaque pas, on y rencontre le « temple de la Vertu », des « cachots creusés pour les vices » et d'autres images empruntés aux rituels maçonniques. Voici le dernier couplet d'une chanson composée pour la fédération du 14 juillet 1790 et chantée sur l'air de : « On doit soixante mille francs » tout indique qu'elle était destinée au grand public.

 

«  La loge de la liberté

S'élève avec activité

Maint tyran s’en désole.

Peuples divers, mêmes leçons

Vous rendront frères et maçons

C'est ce qui nous console (14). »

 

Le costume révolutionnaire porte souvent comme ornement des symboles maçonniques. Ainsi les élèves de l'Ecole de Mars portaient « un baudrier en cuir noir sur lequel se voyaient en lettres jaunes les mots liberté, égalité, et entre ces deux mots une plaque où était représentée, au-dessous d'un niveau, une épée à deux tranchants horizontalement posée, dominant une rangée d'épis et fauchant parmi ces épis celui qui s'élevait seul au-dessus des autres ». Ils étaient armés d'un « sabre court, à la romaine, portant pour ornement un bonnet phrygien en relief et le niveau symbolique gravé en creux (15) ».

 

Le niveau est, on le sait, un vieux signe maçonnique, symbolisant l'Égalité. Le costume des élèves de l'Ecole de Mars avait été dessiné par le franc-maçon David. C'est aussi David qui fit les dessins pour les sabres des représentants du peuple et pour les épées des membres du Directoire. Le fourreau du sabre (16) est orné du bonnet de la Liberté et du niveau ; la poignée de l’épée (17) porte, en plus d'autres ornements symboliques, le niveau entouré de rayons et le pélican s'ouvrant la poitrine pour nourrir ses petits. Le pélican auto-sacrificateur est le principal symbole du 18e grade de la maçonnerie écossaise, celui du chevalier rose-croix.

 

Il y en a de brodés d'or sur fond rouge, portant le mot « Constitution » (18) ou « Liberté » (19). Il y a l'œil rayonnant dans le Triangle (20) (insigne de la société populaire des Gardes françaises). La carte d'entrée pour la fête de l’Être Suprême est de forme triangulaire (21), etc. La forme triangulaire se retrouve également dans un certain nombre des autels de la Patrie, particulièrement dans le premier qu'on ait élevé, celui que le franc-maçon Cadet de Vaux fit construire dans sa propriété de Franconville-la-Garenne, au début de 1790 (22).

 

Pour exprimer symboliquement ses principes et son idéal, la Révolution a puisé à deux sources différentes : parmi les signes et attributs de l'antiquité classique et dans les rituels de la franc-maçonnerie (23). À la première catégorie appartiennent les déesses de la Liberté, les Hercules, les bonnets phrygiens, les faisceaux, les massues, les hydres terrassées, etc. ; à la deuxième elle a emprunté l’équerre, le compas, le niveau, la truelle, le triangle avec et sans œil rayonnant, le soleil, la lune, les mains entrelacées, le cordon à houppes, le miroir, le pélican, l'aigle portant ses petits, la ruche, la tour, etc. (24)

 

Nulle part celte influence du symbolisme maçonnique ne se manifeste plus clairement que dans l'histoire numismatique de la Révolution. Voici ce que nous avons relevé dans l'ouvrage de Michel Hennin (25), en laissant de côté les jetons et médailles frappés par les loges. (...)


CHARITÉ - LIBERTÉ


                                        

                                         Liste des symboles de 1789 à 1799  (Gallica-Bnf)


(...) Comme on le voit l'influence du symbolisme maçonnique va en diminuant à mesure qu'avance la Révolution. Il n'y a guère que le niveau qui gagne du terrain; il est, en effet, entré dans le symbolisme officiel. Cependant l'approche du gouvernement bonapartiste le fait également négliger. Ainsi les médailles des membres des Conseils des Anciens et des Cinq-Cents qui, depuis l’an IV, étaient ornées d'un grand niveau (789, 790, 845, 846, 884, 885) ne portent plus cet emblème dans le module de l’an VII. II est remplacé par une Liberté debout, entourée de lauriers. Détail caractéristique : le bonnet phrygien qu'elle tient au bout de sa lance ressemble à s'y méprendre a un casque romain. Encore, celte médaille ne fut-elle pas exécutée : le 18 brumaire la rendait superflue.

 

Dans le symbolisme militaire de la Révolution, l'emblème maçonnique fait presque complètement défaut. Parmi les cachots militaires (25) de 1789 à 1799, deux seuls portent des insignes maçonniques. C'est le sceau de la « Commission militaire révolutionnaire établie au Mans (26) » orné d'un niveau, et celui du « 3e bataillon de sapeurs (27) », montrant compas, équerre, levier, maillet, etc. Encore peut-on douter que dans ce second cas, ces instruments y aient été mis comme faisant partie d'un symbolisme autre que professionnel.

 

Comment s'expliquer cette exception? Les francs maçons cependant ne manquaient pas dans l'armée. Quelques-uns des généraux les plus en vue étaient francs-maçons et même francs-maçons militants, ainsi Lafayette, Hoche, Kléber, Joubert, Kellermann, Masséna. Nous ne savons y répondre. Toujours est-il que l’idée d'une conspiration peut également être réfutée de ce fait. En effet, quel moyen plus commode pour les officiers conspirateurs que de se faire reconnaître entre eux par quelque emblème maçonnique, qui n'aurait pas môme éveillé de soupçon, vu leur diffusion dans le symbolisme civil.

 

Mais trêve de polémique ! La thèse du complot maçonnique est jugée sans nos arguments indirects. Mais ce qui — nous le croyons du moins — ressort de nouveau de cette petite étude, c'est que l'esprit de la franc-maçonnerie a fortement imprégné la Révolution, que celle-ci est, sur beaucoup de points, « le Verbe maçonnique devenu chair (28) ».

 

                                                                                                                  Otto Karmin (1910)


 Revue Historique de la Révolution Française, à partir de la page 177, tome 1er

Notes de l’auteur :

 

(l) Gustave Bord, La Franc-Maçonnerie en France des origines à 1815, tome I : Les ouvriers de l'idée révolutionnaire (1688-1771). Paris, 1909.(Bib. Universitaire d'Ottawa)

(2) Louis Amiable, Une loge maçonnique d'avant 1789. Paris, 1897, p. 184.

(3) Charles Bernardin, Précis historique du Grand Orient de France. Nancy,

1909, p. 160.

(4) J, M. Ragon, Cours philosophique et interprétatif des initiations anciennes et modernes, P., 1841, page 254,

(5) Archives parlementaires, première série, LXI, p. 526.

(6) Néhémie, IV, 17, 18, travaillaient d'une main, et de l'autre ils tenaient une arme. Car chacun de ceux qui bâtissaient avait les reins ceints d'une épée ; c'est ainsi qu'il bâtissaient ».

(7) Et non, comme il a prétendu, après le 15 avril I792 (retour des Suisses du régiment de Châteauvieux, condamnés aux galères pour l'insurrection de Nancy, graciés par l'Assemblée législative). Coup. Louis Combes, Épisodes et curiosités révolutionnaires : Archéologie du bonnet rouge, p. 117-141. Nouvelle édition Paris.

(8) « On a lancé contre la franc-maçonnerie le grave reproche (sic) d'avoir préparé et amené la Révolution. Aucune imputation n'est plus dénuée de fondement ». Henri Boos, Manuel de la Franc-Maçonnerie. Berne, 1804, p. 157.

(9) « Allgemeines Handbuch der Freimaurerei ». Leipzig, 1901, t. II, p. 243.

(10) Il serait intéressant de rechercher quels étaient les hommes ayant formé la voûte d'acier ; étaient-ce des membres de la municipalité? de l'entourage du roi? de l'un et de l'autre groupe? Henri Martin, Histoire de France depuis 1789 jusqu'à nos jours. 2e éd. Paris, 1878, t. I, p. 62, dit que c'étaient les gardes nationaux, mais il n'indique pas ses sources. C'étaient sûrement, dans leur grande majorité du moins, des francs-maçons.

(11) Le duc de Chartres avait été élu Grand-Maître le 24 juin 1771 et installé le 28 octobre 1773. Comp. Thory, Histoire de la Fondation du Grand-Orient de France. Paris, 1812, pages, 26, 40.

(12) Albert Mathiez, Les origines des cultes révolutionnaires, Paris, 1904, p. 43, 44.

(13) Pour d'autres applications de la voûte d'acier, voir A. Mathiez, o.c., p. 45.

(14) Louis Damans. Histoire chantée de la première République. P. 1892, p.74, 75.

(15) Arthur Chuquet, l’école de Mars. Paris, 1899, p.78.

(16) Musée Carnavalet. Salle de la Bastille, Collection d'armes de l'époque révolutionnaire. N° M. 492

(17) Ibid., N° M. 464. Cette arme a appartenu à La Révellière-Lépeaux.

(18) Musée Carnavalet. Galerie de la Révolution, XI, M. 854.

(19) Ibid. M. 1162.

(20) Ibid. Vitrine 51.

(21) Armand Dayot, La Révolution Française. Paris, s, d. p. 294.

(22) Mathiez opus cité (o.c.), p. 30.

(22) Ibid., p. 30.

(24) Le serpent se mordant la queue fait partie de l’un et l’autre symbolisme.

(25) M. II..... Histoire numismatique de la Révolution Française, Paris, 1826.

(26) L. Fallon, Les cachets militaires français de l’ancien régime à nos jours. Numéro spécial de La Giberne. Paris, 1905.

(27) 0p.c., p.73.

(28) 0p.c., p.155.

Source : Gallica-Bnf

Le symbolisme révolutionnaire

Le symbolisme révolutionnaire, — Mais ce qui achève de justifier cette identification, c'est que la foi révolutionnaire, à l'exemple de la loi religieuse, s'exprima extérieurement, presque dès le début, par des symboles définis et exclusifs et ; qu'elle s'accompagna en même temps de pratiques, de cérémonies régulières, qu'elle fut liée à un culte.

Le symbolisme révolutionnaire, qui s'est formé comme au hasard, sans idées préconçues et sans plan d'ensemble, avec une spontanéité remarquable, au cours des années 1789, 1790 et 1791, fut l'oeuvre commune de la bourgeoisie et du peuple. La bourgeoisie, élevée et comme baignée dans la culture classique, hantée des souvenirs de la Grèce et de Rome, emprunta généralement à l'Antiquité les objets, les légendes, les emblèmes les plus propres à manifester au-dehors ses espérances et à servir de signes de ralliement aux partisans de l'ordre nouveau. Comme elle était accoutumée à se réunir dans les loges, alors fort nombreuses, elle joignit à ses emprunts classiques quelques additions maçonniques. Enfin, elle copia naturellement les cérémonies de l'ancien culte. Mais le symbolisme ainsi inventé fût resté froid, académique, si le peuple, en l'adoptant, en le faisant rapidement sien, ne lui avait communiqué chaleur et vie.

La cocarde. Le premier des symboles révolutionnaires fut la cocarde tricolore arborée dans la période de fièvre qui suivit le 14 juillet. La nouvelle de l'outrage fait au signe patriotique par les gardes du corps à Versailles suffit pour provoquer l'émeute des 5 et 6 octobre. De Paris, le culte des trois couleurs se répandit comme une traînée de poudre dans toute la France. Les Fédérations arborèrent avec orgueil le drapeau tricolore, et le coeur des foules battit plus vite à sa vue. À la Fédération de Strasbourg (13 juin 1790), des bons villageois demandèrent avec attendrissement comme une faveur d'être admis à toucher le drapeau des gardes nationales. Les couleurs de la nation ne tardèrent pas à remplacer universellement les couleurs du Roi. Le Roi lui-même dut arborer le signe de la religion nouvelle et, faire défense, le 29 mai 1790, de porter d'autre cocarde que la nationale. Bientôt une série de mesures législatives rendirent le signe obligatoire pour tous les citoyens (1) et même pour toutes les citoyennes. (2)

Autels de la Patrie. En môme temps qu'ils symbolisaient leur foi dans les trois couleurs, les Français élevaient de toutes parts,sur les places publiques des autels de la' Patrie. Le premier de ces monuments fut sans doute celui que le franc-maçon Cadet de Vaux fit construire dans sa propriété de Franconville-la-Garenne au début de 1790. « Elevé sur un tertre formant un bois sacré », cet autel fait d'un seul bloc de pierre avait la forme triangulaire. Il était surmonté de « faisceaux d'armes, avec leurs haches. » — Au milieu se dressait « une pique de 18 pieds de hauteur surmontée du bonnet de la Liberté, ornée de ses houppes. » — La pique supportait « un bouclier antique offrant d'un côté l'image de M. de Lafayette avec cette légende : « Il hait la tyrannie et la rébellion. » (Henriade) ; de l'autre une épée, des étendards en sautoir, le tout en métal fondu. Sur les trois faces de l'autel, on lisait ces inscriptions :

- « Il fut des citoyens avant qu'il fut des maîtres, Nous rentrons dans les droits qu'ont perdus nos ancêtres. » (Henriade.)
- « Nous allons voir fleurir la Liberté publique, Sous l'ombrage sacré du pouvoir monarchique. » (Voltaire, Brutus)
- « On s'assemble, on conspire, on répand des alarmes, Tout bourgeois est soldat, tout Paris est en armes (3). » (Henriade)

L'autel de la Patrie eut une fortune aussi rapide que la cocarde nationale. En quelques mois il lit le tour de France. Tantôt c'était un riche particulier qui en dotait ses concitoyens (4), tantôt c'était une souscription publique qui en faisait les frais, tantôt encore il était construit par les citoyens de toutes les classes qui maniaient la pelle et la pioche avec un bel entrain patriotique. Ses formes varièrent avec les ressources des localités, le goût et le caprice des habitants. Mais partout il fut le lieu de réunion préféré des patriotes, lé but de leurs pèlerinages civiques, le premier et le plus durable sanctuaire de la nouvelle religion (5). Légiférant sur un fait accompli, la Législative décréta, le 26 juin 1792, que « dans toutes les communes de l'Empire, il serait élevé un autel de la Patrie, sur lequel serait gravée la Déclaration des Droits avec l'inscription : Le citoyen naît, vit et meurt pour la patrie. »

Les autels de la Patrie, qu'on appelait aussi autels de la Liberté, resteront debout jusqu'aux premiers jours de l'Empire. (…)

C'est à la fédération de Strasbourg (13 juin 1790) qu'on procéda, pour la première fois à ma connaissance, à cette cérémonie du baptême civique qui, débarrassé de tout caractère confessionnel, deviendra l'un des sacrements du culte de la Raison. Je cite le procès-verbal :

« L'épouse de M. Brodard, garde national de Strasbourg, était accouchée d'un fils le jour même du serment fédératif. Plusieurs citoyens, saisissant la circonstance, demandèrent que le nouveau-né fut baptisé sur l'autel de la Patrie.... Tout était arrangé lorsque M. Kolher, de la garde nationale de Strasbourg et de la Confession d'Augsbourg, réclama la même faveur pour un fils que son épouse venait de mettre au monde. On la lui accorda d'autant plus volontiers qu'on trouva par là une occasion de montrer l'union qui règne à Strasbourg entre les différents cultes.... ». (6)

Et le procès-verbal décrit la cérémonie, qui eut lieu en grande pompe. L'enfant catholique eut pour marraine Mme Dietrich, de la religion réformée ; l'enfant luthérien, Mme Mathieu, catholique, femme du procureur de la Commune. L'enfant catholique fut prénommé : Charles, Patrice, Fédéré, Prime, René, De la Plaine, Fortuné ; l'enfant protestant : François, Frédéric, Fortuné, Civique. Quand les deux ministres, luthérien et catholique, eurent terminé chacun leur office et qu'ils se furent donné « le baiser de paix et de fraternité », au baptême religieux succéda le baptême civique proprement dit :

« L'autel religieux lui enlevé. Les marraines portant les nouveau-nés vinrent occuper son emplacement. On déploya le drapeau de la fédération au-dessus de leurs têtes. Les autres drapeaux les entourèrent, ayant cependant le soin de ne pas les cacher aux regards de l'armée et du peuple. Les chefs et commandants particuliers s'approchèrent pour servir de témoins. Alors les parrains debout sur l'autel de la Patrie prononcèrent à haute et intelligible voix, au nom de leurs filleuls, le serment solennel d'être fidèles à la Nation, à la Loi, au Roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi. Des cris répétés de « Vive la Nation, Vive la Loi, Vive le Roi », se firent aussitôt entendre de toutes parts. Pendant ces acclamations, les commandants et autres chefs formèrent, avec leurs épées nues, une voûte d'acier (7) au-dessus de la tête des enfants. Tous les drapeaux réunis au-dessus de cette voûte se montraient en forme de dôme, le drapeau de la fédération surmontait le tout et semblait le couronner. Les épées, en se froissant légèrement, laissaient entendre un cliquetis imposant, pendant que le doyen des commandants des confédérés attachait à chacun des enfants une cocarde en prononçant ces mots : Mon enfant, je te reçois garde national. Sois brave et bon citoyen comme ton parrain. Ce fut alors que les marraines offrirent les enfants à la patrie et les exposèrent pendant quelques instants aux regards du peuple. A ce spectacle, les acclamations redoublèrent. Il laissa dans l'âme une émotion qu'il est impossible, de rendre. Ce fut ainsi que se termina une cérémonie dont l'histoire ne fournit aucun exemple. »

Célébré sans prêtres, sur l'autel de la Pairie, au-dessous des trois couleurs, accompagné du serment civique en guise du serment religieux, ce baptême laïque, où la cocarde lient lieu d'eau et de sel, fait déjà songer aux scènes 93. Les ministres des religions ont encore paru au début de la cérémonie, mais ils se sont vite éclipsés, et, en se jetant dans les bras l'un de l'autre, ils ont semblé demander pardon pour leurs fautes passées.

D'autres baptêmes civiques furent célébrés dans la suite, par exemple à Wasselone, le 11 juin 1790. Ici encore les gardes nationaux formèrent la voûte d'acier maçonnique sur le nouveau-né, et le parrain, à la place du credo, récita le serment civique.

On célébra même, mais plus rarement, des mariages civiques sur l'autel de la Patrie, par exemple à la fédération de Dôle le 14 juillet 1790 (8). Il n'est pas indifférent de noter que c'est aux fédérations que prend naissance l'usage, si répandu plus tard, de donner aux enfants des prénoms choisis en dehors des calendriers religieux. Les deux enfants baptisés à Strasbourg comptent parmi leurs prénoms Civique et Fédéré.

N'est-il pas curieux aussi que les fédérations nous offrent le premier exemple de ce « repos civique », qui deviendra plus tard obligatoire tous les décadis? A Gray, le jour de la fédération, les citoyens chôment du matin au soir, à l'instar d'une fête religieuse. Quoique la police n'eût rien prescrit à ce sujet, les boutiques restèrent fermées (9).

Bref, il n'est pas exagéré de prétendre que les cultes révolutionnaires sont déjà en germe dans les fédérations, qu'ils y ont pris racine. Ces grandes scènes mystiques furent la première manifestation de la foi nouvelle. Elles firent sur les masses l'impression la plus vive. Elles les familiarisèrent avec le symbolisme révolutionnaire, qui devint de suite populaire. Mais, surtout, elles révélèrent aux hommes politiques la puissance des formules et des cérémonies sur l'âme des foules. Elles leur suggérèrent l'idée de mettre ce moyen au service du patriotisme ; elles leur fournirent un modèle pour leurs futurs systèmes des « fêtes nationales », d'« institutions publiques », de « cultes civiques », qu'ils imaginèrent en grand nombre dès la Législative, avant de les réaliser sous la Convention et sous le Directoire.

Albert Mathiez

L'origine des cultes révolutionnaires (1789-1792),
Pages 29-32 et pages 43-46  (Paris - 1904)
          Notes de l’auteur :
1. Décret des 4-8 juillet 1790, art. 16 et 17.
2. Décret du 21 septembre 1790.
3. D'après le procès-verbal intitulé: Cérémonie religieuse et civique qui a eu lieu le 36 juin ty$a en l'honneur de Gourion à Franconville-la-Garenne, s. d. in-8, 11 p. Bib. nat., Lb39 601a.
4. Comme à Autun. Voir l'article de M. Le Téo, Étude sur l'Autel de la Patrie d'Autun dans La Révolution française, 1889, t. XVII, p. 187 et suiv.
5. Dès le début l'autel de la Patrie fut environné d'un respect religieux. Le 6 décembre 1790. des écoles du Collège irlandais ayant renversé en jouant l'un des vases de l'autel de la Patrie au Champ-de-Mars, les patriotes crièrent à la profanation et demandèrent un sévère châtiment des coupables. (Tourneux, Bibliographie, 1er tome, n°2037 et suiv.)
6. Procès-verbal de la confédération de Strasbourg, 1790, chez Ph.-J. Dannbach, imprimeur de la municipalité, in-8° (fonds Gazier).
7. Cérémonie en usage dans la maçonnerie.
8. D'après l'étude déjà citée de M. Maurice Lambert, Les fédérations en Franche-Comté.
9. M. Lambert, étude citée.

Source : Gallica-Bnf

La Franc-maçonnerie sous l'Ancien Régime : cliquez ici

Avec Roger Priouret, auteur - Pierre Gaxotte, de l'Académie - Ernest Labrousse, professeur à la Sorbonne et Jacques Madaule - Archives Nuits de France Culture (1953) - durée 16 minutes


Exposition en ligne de la Bnf sur la Franc-maçonnerie (2016) : Cliquez ici !


Loi de reconnaissance des  affranchis
 et maintien de l'ordre !


Gravure de J.-B. Chapuy - Vue du Cap Français incendié l'année 1791


Il est important de spécifier que le temps que les décisions soient prises et transmises depuis Paris, et arrivent à destination, il y avait un sérieux décalage plus la distance était longue. Ne serait-ce qu'avec la nomination des commissaires qui prit plusieurs semaines au sein de l'Assemblée. Quand arriveront les nouvelles et les agents du gouvernement à bon port, Haïti partie française de Saint-Domingue réservera quelques surprises et un échec pour les troupes françaises. Après les mesures qui furent prises en 1790 et 1791 via les frères Lameth et Antoine Barnave, s’ouvrait de nouveau la question coloniale. Cette petite avancée du droit n’en cachait pas pour autant l’enjeu de voir appliquer les droits humains à toute personne et sans considérations ou préjugés racistes, ce qui n’était pas exactement le cas de la loi de 1792 et de ses termes.

Et désolé pour la redite, il s’agit de reprendre les termes employés fort longtemps et visant à minorer les descendants africains, et autres groupes ou peuples de l’Empire colonial français. Le vocable ne variera guère jusqu'à la départementalisation des pays concernés (1946) et encore avec des guillemets pour les pays africains, asiatiques, ou du Pacifique, notamment avec le statut de l’indigénat de la fin du XIXe siècle. Il sera de nouveau question de l'abolition sur d’autres pages et sur le rôle de certains acteurs oubliés de la révolution dans l’abolition de l’esclavage en 1794. Ici avec ce décret, il s'agissait de répondre à des question de maintien de l'ordre, et l'eclavagisme n'a pas été traité dans les débats autour du décret du 28 mars, signé par Louis XVI, qui fit acte de loi, le 4 avril 1792.

Loi n° 1606 - Relative aux Colonies,
et aux moyens d'y apaiser les troubles


LOUIS, par la grâce de Dieu et par la Loi constitutionnelle de l'État, Roi des Français: A tous présents et à venir; Salut. L'Assemblée Nationale a décrété, et Nous voulons et ordonnons ce qui suit :

Décret de l'Assemblée Nationale, du 28 mars 1792, l'an quatrième de la Liberté.

L'Assemblée Nationale considérant que les ennemis de la chose publique ont profité des germes de discorde qui se font développés dans les Colonies, pour les livrer au danger d'une subversion totale, en soulevant les ateliers, en désorganisant la force publique et en divisant  les citoyens, dont les efforts réunis pouvaient seuls préserver leurs propriétés des horreurs du pillage et de l'incendie. Que cet odieux complot paraît lié aux projets de conspiration qu'on a formés contre la nation Française, et qui devaient éclater à la fois dans les deux hémisphères ;

Considérant qu'elle a lieu d'espérer de l'amour de tous les colons pour leur patrie, qu'oubliant les causes de leur désunion et les torts respectifs qui en ont été la fuite, ils se livreront sans réserve à la douceur d'une réunion franche et sincère, qui peut feule arrêter les troubles dont ils ont tous été également victimes, et les faire jouir des avantages d'une paix solide et durable, décrète qu'il y a urgence. L'Assemblée Nationale reconnaît et déclare que les hommes de couleur et nègres libres doivent jouir, ainsi que les colons blancs, de l'égalité des droits politiques; et après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Article premier

Immédiatement après la publication du présent Décret, il sera procédé dans chacune des colonies Françaises des îles du vent et sous le vent, à la réélection des assemblées coloniales et des municipalités, dans les formes prescrites par le Décret du 8 mars 1790 (Ndr : Les colonies font parties de l’Empire et exclu les esclaves de la citoyenneté française), et l'Instruction de l'Assemblée Nationale du 28 du même mois.

 II

Les hommes de couleur et nègres libres (Ndr : métis et noirs affranchis) seront admis à voter dans toutes les assemblées paroissiales, et seront éligibles à toutes les places, lorsqu'ils réuniront d'ailleurs  les conditions prescrites par l'article IV de l'Instruction du 28 mars.

III

Il sera nommé par le Roi des Commissaires civils au nombre de trois, pour la colonie de Saint-Domingue, et de quatre pour les îles de la Martinique, de la Guadeloupe ; de Sainte-Lucie, de Tobago et de Cayenne.

IV

Ces Commissaires sont autorisés à prononcer la suspension et même la dissolution des assemblées coloniales actuellement existantes, à prendre toutes les mesures nécessaires pour
accélérer la convocation des assemblées paroissiales, et y entretenir l'union, l'ordre et la paix; comme aussi à prononcer provisoirement , sauf le recours   à l'Assemblée Nationale, sur toutes les questions qui pourront s'élever sur la régularité des convocations, la tenue des assemblées,
la forme des élections et l'éligibilité des citoyens.

V

Ils font également autorisés à prendre toutes les informations qu'ils pourront se procurer sur les auteurs des troubles de Saint-Domingue et leur continuation, si elle avait lieu, à s'assurer de la personne des coupables, à les mettre en état d'arrestation et à les faire traduire en France pour y être mis en état d'accusation, en vertu d'un Décret du Corps législatif, s'il y a lieu.

VI

Les Commissaires civils seront tenus à cet effet, d'adresser à l'Assemblée Nationale une expédition en forme, des procès-verbaux qu'ils auront dressés et des déclarations qu'ils auront reçues concernant lesdits prévenus.

VII

L'Assemblée Nationale autorise les Commissaires civils à requérir la force publique toutes les fois ou ils le jugeront convenable, soit pour leur propre sûreté, soit pour l'exécution des ordres qu'ils auront donnés, en vertu des précédents articles.

VIII

Le Pouvoir exécutif est chargé de faire passer dans les Colonies, une force armée suffisante, et composée en grande partie de Gardes nationales.

IX

Immédiatement après leur formation et leur installation, les Assemblées coloniales émettront, au nom de chaque Colonie, leur vœu particulier sur la constitution, la législation et l'administration qui conviennent à fa prospérité et au bonheur de ses habitants, à sa charge de se conformer aux principes généraux qui lient les Colonies à la Métropole, et qui affinent la conservation de leurs intérêts respectifs, conformément à ce qui est prescrit par le Décret du 8 mars 1790, et l'Instruction du 28 du même mois.

X

Aussitôt que les Colonies auront émis leur vœu, elles se feront parvenir sans délai au Corps législatif. Elles nommeront aussi des Représentants, qui se réuniront à l'Assemblée Nationale, suivant le nombre proportionnel qui sera incessamment déterminée par l'Assemblée Nationale, d'après les bases de son comité colonial est chargé de lui présenter.

XI

Le comité colonial est également chargé de présenter incessamment à l'Assemblée Nationale, un projet de loi, pour assurer l'exécution des dispositions du présent Décret dans les Colonies asiatiques.

XII

L'Assemblée Nationale désirant venir au Secours de la colonie de Saint-Domingue, met à la disposition du Ministre de la Marine, une Somme de six millions, pour y faire parvenir des subsistances, des matériaux de constructions, des animaux et des instruments aratoires.

XIII

Le Ministre indiquera incessamment les moyens qu'il jugera les plus convenables, pour l'emploi et le recouvrement de ces fonds, afin d'en assurer le remboursement à la Métropole.

XIV

Les comités de législation, de commerce et des colonies réunies, s'occuperont incessamment de la rédaction d'un projet de loi, pour assurer aux créanciers l'exercice de l'hypothèque sur les biens de leurs débiteurs dans toutes nos Colonies.

XV

Les Officiers généraux, Administrateurs ou Ordonnateurs et les Commissaires civils qui ont été ou seront nommés, pour cette fois seulement, pour le rétablissement de l'ordre dans les Colonies des îles du vent ou sous le vent, particulièrement pour l'exécution du présent Décret, ne pourront être choisis parmi les citoyens ayant des propriétés dans les Colonies d'Amérique.

XVI

Les Décrets antérieurs, concernant les Colonies, seront exécutés en tout ce qui n'est pas contraire aux dispositions du présent Décret. Mandons et ordonnons à tous les Corps administratifs et Tribunaux, que les présentes ils fassent consigner dans leurs registres, lire, publier et afficher dans leurs départements et ressorts respectifs, et exécuter comme loi du Royaume. Mandons et ordonnons pareillement à tous les Officiers généraux de la Marine, aux Commandants des ports et arsenaux, aux Gouverneurs, Lieutenants généraux ; Gouverneurs et Commandants particuliers des Colonies orientales et occidentales, et à tous autres qu'il appartiendra, de se conformer ponctuellement à ces présentes.
En foi de quoi Nous avons Signé lesdites présentes, auxquelles Nous avons fait apposer le Sceau de l'État, à Paris, le quatrième jour du mois d'avril, l'an de grâce mil sept cent quatre-vingt-douze, et de notre règne le dix-huitième (Siècle).

Signé (le 4 avril), LOUIS et plus bas, Roland (ministre de l'intérieur). Et scellées du Sceau. Vous trouverez de l'Etat. (Ndr : le Considérant du décret fut de M. Gensonné et avait été sanctionné par le comité des colonies de l'Assemblée antérieurement)

Source : Archives Parlementaires du 28 mars 1792 pour le décret
Tome 40, page 575 - Université de Stanford, Gallica-Bnf et autres sources


A noter : La position de Jacques Pierre Brissot en septembre 1791 sur la question de la citoyenneté active pour les affranchis, comme devant provoquer la libération en retour des 480.000 esclaves de l'Empire français est à prendre en considération. Il est difficile d'en mesurer l'impact, mais va participer des révoltes des esclaves pour une égalité pleine ou universelle. Pour précision Brissot est abolitionniste comme la plupart des élus dit girondins ou montagnards, en l'état Jacobins. Lire son Discours sur la nécessité de maintenir le décret rendu le 13 mai 1791, en faveur des hommes de couleur libres, prononcé le 12 septembre 1791, à la séance de la Société des Amis de la Constitution, séante aux Jacobins. (Source: Manioc - Bibliothèque de Pointe-à-Pitre, publié en 1791)



Suite sur la Révolution française
L'année 1792, quatrième partie

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