Jérôme
Pétion de Villeneuve,
un inconnu célèbre ?
Tient voilà un
personnage mal connu, méconnu? Il est impossible pour toute personne
ayant cherché à s’informer sur les processus de 1789 et de 1792 de ne
pas tomber sur son nom, il est présent dans les récits, mais ils ne lui
donnent pas vraiment une place centrale, sauf à en faire un girondin
comme les autres ou dans l’ombre des brissotins. Pourtant, que dire
d’un homme qui chercha la conciliation à l’affrontement,
même si ce dernier partageait des idées libérales dans la lignée des
physiocrates, le courant des économistes associés à l’esprit des
Lumières et favorable au libre commerce. Jérôme Pétion a été aussi un
libéral au sens large et très respectueux des libertés publiques et de
la nature humaine. Il allait à ce sujet, ne pas avoir recours à la loi
martiale et maintenir jusqu’au 10 août, une certaine sérénité
dans la capitale face à plusieurs manifestations populaires, qui
auraient pu allumer la flamme, bien avant ce mois annonciateur
d’une nouvelle révolution politique.
Comment ne pas s’interroger sur les
personnages clefs du processus
révolutionnaire, et se demander mais pourquoi tel ou tel, (surtout des
hommes en général), et pourquoi certains plus que d’autres sont-ils
toujours mis au-devant des récits et certains restés dans une certaine
pénombre? A ce titre, Pétion de Villeneuve député à la Constituante,
puis Maire de Paris, puis Président de la Convention, s’il est cité, il
apparaît fort peu, ou comme un rôle secondaire. L’une des personnalités
fortes des "Girondins" et le plus proche de Robespierre, que
l’incorruptible cita régulièrement à son profit au couvent des Jacobins
(fin 1791 et début 1792).
Pétion semble avoir été cantonné à l’oubli. Certes, si
l’on peut penser qu’il ne fut pas le seul, avec de telles charges
publiques et une telle position, pourquoi cette disparition ou
effacement de la mémoire collective? Il semble en l’état compliqué d’y
répondre ou de trouver un début de réponse, mais s’il y avait lieu, il
faudrait en chercher les causes et qui sait établir une hiérarchie des
responsabilités politiques. Car s’il est bon, si ce n’est crucial de
rappeler que les femmes ont été reléguées à l’arrière-plan politique et
social, tout en ouvrant la marche ; au sein du genre masculin, rien ne
dit que la phallocratie n’y a pas exercé un rôle similaire? Comme nous
l’avons vu en 1791, sa popularité au sein de la capitale n’était pas
minime et son élection représenta une claque pour Lafayette, le premier
tenant d’un pouvoir autoritaire et perçu comme un potentiel dictateur.
De quoi a été frappé Pétion de Villeneuve pour être
réduit à un tel silence?
En deux mots
voici mon histoire :
Dans Paris j'étais adoré,
Tout y retentissait de mon nom, de
ma gloire.
Aujourd'hui je suis abhorré. (J.
Pétion)
Il a été l’un des
personnages les plus titrés du processus, présent et
acteur de premier plan de 1789 à 1794, député à la Constituante, maire
de la capitale et président de la Convention et aussi président des
Jacobins. Il aurait pu être le premier président de la France
républicaine, telle fut l’idée de M. Manuel (procureur syndic de
Paris), mais ce fut à cette occasion que le mot dictature allait permettre
d’agiter les plus folles accusations. Avocat de formation comme
Brissot, Robespierre et Danton, il était originaire de la région de
Chartres (Eure et Loir) comme son ami Brissot de Warville et l’abbé
Sieyès. Jérôme Pétion a été un des grands orateurs de la Révolution, un
de ses grands temporisateurs. Sans prises de note, il pouvait
intervenir sur des sujets nombreux et apporter ses propres solutions et
idées pragmatiques.
Son œuvre bien que partielle trouve une part
importante de ses discours et correspondances, et positions politiques,
notamment dans le cadre de ses fonctions ou charges de maire de Paris
de la mi-novembre 1791 à septembre 1792. Il existe sur internet quatre
tomes d’environ 400 pages au sein de la librairie de l’université de Toronto (via une bibliothèque du
Connecticut), plus divers apports complémentaires via les archives
parlementaires, plus le travail de Charles Aimé Dauban avec ses Mémoires inédits de Pétion et Ernest Hamel dans son Histoire de Robespierre (tome II les Girondins).
Des exemplaires que
l’on retrouve sur le site de la BNF via Gallica. Plus d'autres sources
dont ce qu'a pu écrire à son sujet Jules Michelet ou Albert Mathiez.
Ensuite il existerait de sa main
un testament politique et des mémoires remisent à Me Boucquey, un peu
avant son suicide et celui de ses confrères et amis Buzot et Barbaroux
à Saint-Emilion, en région bordelaise.
Pour
donner une idée de la masse écrite et n’aborder que ce qu’il a pu
dire et écrire représente quelques milliers de pages. Et ce n’est pas
le plus prolixe en la matière, il faut aussi y rajouter ce qui a pu
être écrit ou omis à son sujet. D’abord, il est intéressant, de
remarquer, que son surnom a été « l’Inflexible », un de ces
détails qui
font mouches, quand par ailleurs il est plutôt décrit plutôt comme fade
ou absent, voire se fondant dans les décors, quand on évoque les mois,
d’août et de septembre 1792. Ce qui n’est pas vraiment le cas de cet
homme conscient des orages populaires et qui a cherché le plus
longtemps possible l’apaisement à l’affrontement. L’idée de « paix »
revient très régulièrement comme un appel aux consciences. Il
se fit de nombreux ennemis à commencer par Marie-Antoinette, qui
depuis le retour de Varennes ne pouvait plus le supporter (un de
plus…). Le différent connu une suite quelques mois après, quand il
refusa les honneurs à la reine lors des vœux du 1er janvier 1792.
Pétion fut amené à gérer les troubles de la fin d’année autour du
club de Feuillants et à les expulser un court temps.
Le deuxième maire de la capitale allait en
matière de police municipale
répondre à sa fonction d’homme de loi et se manifester en lieu et place
des troubles. Contrairement à la légende qui voudrait que Pétion dit de
Villeneuve ait été un grand laxiste le jour de l’invasion des
foules au Palais des Tuileries, le fameux 20 juin 1792, quand le roi
trinqua à la nation avec les faubouriens avec un bonnet rouge sur la
tête. Cette mascarade aura été l’occasion pour Louis XVI d’apostropher
l’édile des Parisiens, ce dernier ne se laissa pas tancer et
rabaisser sans
répondre. Et lui a dit avant de se retirer : « La municipalité
connaît ses
devoirs, elle n'attend pas pour les remplir qu'on les lui rappelle ».
Il va éviter ou tenter d’éviter le pire à chaque occasion de son
mandat, quitte à certains moments à « jeter un voile pudique » sur
certains événements ou propos. Ou Comment faire front devant certaines
colères
qui finirent dans un bain de sang immonde, à l’exemple des massacres de
septembre?
Homme de principes,
le roi dira de lui qu’il était un « honnête homme
», Pétion lui épargna les foudres de la foule en mars 1792, sur des
rumeurs persistantes de départ. Robespierre lui témoigna son amitié
plusieurs fois avant la grande brouille des deux camps démocrates, il
rejoignit
tardivement le camp dit des « girondins » une fois président de la
Convention. Il fut un inclassable qui combattit pour nombres de causes justes
: abolition de la peine de mort et de l’esclavage et d’autres réformes
de société non négligeables. Mais il a connu nombre de libelles
royalistes calomniateurs comme premier magistrat de la capitale, et ses
positions équilibrées ne le servirent pas vraiment auprès des plus
contestataires comme Marat. Bon connaisseur de la loi comment pouvait-on lui
conter des sornettes? Pétion a été à ce sujet un citoyen se pliant aux
règles communes et administra au mieux des conjonctures avec un
directoire départemental très pointilleux comme M. Roederer (jacobin et "girondin"), qui fut à l’origine de la
perte de son mandat quelques jours en juillet, avant d’être réinvesti
par l’Assemblée nationale.
L’année
1792 ne fut pas de tout repos et sur les affaires du sucre,
des piques, ou au sujet de la pétition de Dupont de Nemours en juin, sa
commande des affaires allait être l’objet de contestations de tous les
camps en présence, sauf aux Jacobins où dans les échanges houleux et
rapports de force, il incarnait le centre et la passerelle entre
brissotins et robespierristes. Son originalité était dans la mesure et
ses appréciations, la tonalité de ses discours fut avant tout sous la
forme d’exposé des motifs et précise qu’il en accepta la critique et
que lui-même ne cessa d’en user. Nous sommes loin d’un stratège, il a
pu dire certaines vérités bonnes à taire, mais quand la raison vous
venant
et tenant à en faire état, que faire? Il est trop tard. Mais il ne se
répandit pas dans l’insulte, il ne chercha pas à porter atteinte à ses
détracteurs ou concurrent comme Lafayette, il constata et évoqua les
choses qui blessaient. Sachant ce que l’argumentation pouvait supposer,
il
invalida facilement ses détracteurs.
Sa
vie de fin pousserait à en faire un de ses personnages romanesques de
la révolution, si l’on s’en tient à son suicide avec Buzot en Gironde.
Non pas vraiment, du moins il n’a pas cherché dans l’écriture
le calme et la sérénité, ni encore moins la postérité. Il resterait un
journal de Jérôme Pétion, en l’état des recherches, il ne semblerait
pas avoir refait surface dans sa totalité, seul existe le portrait
qu’il a esquissé de son ami Brissot. Pour le reste, dans ses
différentes courses-poursuites de Caen à Bordeaux comme Fédéraliste
face à
la guerre civile et ses derniers mois avant de mourir (en 1794),
l’éparpillement
de ses archives sont à présumer, sans pouvoir l’affirmer. Il eut été
inconséquent de ne pas le faire apparaître comme un des grands acteurs
des deux séquences révolutionnaires et en particulier pour comprendre
sa place d’honnête homme. Conscient des servitudes du passé, il
défendit ce que l’on nommait à tue tête le Peuple, du moins les Parisiens
et l’idée qu’il se faisait des injustices et des inégalités, mais dans son
combat pour la démocratie et la dignité du genre humain, il importe de
pouvoir questionner les événements et restituer ses prises de décisions ou positions.
Il donna aux assemblées dites
primaires beaucoup d’attentions, et
s’interrogea sur comment harmoniser l’ensemble, du roi aux assemblées
générales populaires dans un seul tenant, tout en remarquant et
reconnaissant à la représentation nationale sa place, mais il tenait à
soumettre les grands débats aux appréciations d’un oui ou d’un non à la
population ou ce qu’il nomma l’opinion pour des échanges libres et sans
haines. Dans sa conversation avec la reine sur la route de Paris en
juin 1791, "l’idiot" ou le provocateur se mit à parler de république, ou
comment agiter le chiffon rouge sous le nez d’une réactionnaire? Lui
fit état de Mademoiselle, la sœur du roi l’ayant semble-t-il aguiché.
Cela donne à cette rencontre en des circonstances explosives un aspect
assez surréaliste, entre propos politiques et mœurs de cette cour où
la lascivité perce en tout point, Jérôme Pétion nous donne une occasion
d’en rire.
Note de Lionel Mesnard
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MOUVEMENTS A L'OCCASION DES SUCRES
Récit des événéments parisiens de janvier 1792, selon Jérôme Pétion (*)
Cette circonstance fut extrêmement difficile ; et il fallut autant de
fermeté que de prudence, pour éviter des scènes de sang : tout
annonçait les plus grands désordres. Le 21 janvier, le feu prit,
pendant la nuit, à l'hôtel de la Force, et cet événement mit tous les
esprits en fermentation ; on ne tarissait point en conjectures, toutes
plus sinistres les unes que les autres. Le bruit se répandit en même,
temps que le feu était dans toutes les prisons et que les prisonniers
s'évadaient. Le matin même, un magasin de sucre, situé dans le faubourg
Saint-Marçeau, fut investi par des femmes ; elles demandaient à grands
cris que le sucre leur fût donné à vingt sols. M. Pétion les calma par
sa présence ; mais cette tranquillité ne fut pas de longue durée.
Le même mouvement se communiqua dans plusieurs quartiers de Paris avec
une rapidité électrique; on entrait chez les épiciers et on les forçait
à délivrer leur sucre à bas prix. La multiplicité des endroits
empêchait l'activité de la surveillance; la force ne pouvait pas se
trouver partout en même temps, pour prévenir ces excès. Dans plusieurs
postes, la garde avait été insultée, les officiers étaient furieux et
demandaient à repousser la force par la force. Les marchands qui
tremblaient pour leurs propriétés, sollicitaient, de leur côté, des
mesures vigoureuses. Des agitateurs échauffaient le peuple, de sorte
que tout présageait un dénouement funeste.
M. Petion se porta dans les divers endroits avec ses collègues ; il y
rétablit l'ordre et ne reçut partout que des bénédictions. L'assemblée
nationale, soit par faiblesse, soit par déviation des principes, rendit
un décret qui semblait favoriser les idées qui agitaient et soulevaient
le peuple ; elle demanda que la municipalité lui rendît compte des
accaparements qui existaient dans Paris, et des précautions qu'elle
avait prises pour les empêcher.
La municipalité se tira fort bien de la position embarrassante où on
l'avait placée. Elle rendit compte des faits qui étaient à sa
connaissance. Il n'y eut rien qu'on n'imaginât alors pour enlever à M.
Pétion la confiance dont il jouissait, et qui lui était si nécessaire
dans une crise aussi forte. On placarda que s'il défendait les magasins
avec tant de zèle, c'est qu'il avait fait lui-même des spéculations sur
les sucres. Il répondit, et éloigna les impressions défavorables qu'on
voulait répandre sur lui.
L'agitation, loin de diminuer, augmentait. Le corps municipal rendit
ses séance permanentes. On battit des rappels. Ou donna ordre de faire
conduire par devant les juges de paix ceux qui entreraient de force
dans les boutiques. Cette mesure s'exécuta avec beaucoup de prudence.
Plusieurs hommes furent traduits en justice, et cela en imposa aux
malveillants. Un incident particulier ralluma l'incendie. Les
patrouilles étaient fréquentes et nombreuses, particulièrement dans les
endroits où il y avait des sucres en dépôt. Au coin de la rue
Saint-Denis, un pot de fleurs tomba ou fut jeté du troisième étage sur
une patrouille. A l'instant les gardes nationales qui la composaient
tirèrent trois.coups de fusil. Heureusement personne ne fut blessé ;
mais ce fait fit beaucoup de bruit; on disait que la garde nationale
avait ordre de tirer sur les citoyens; on échauffait le peuple; il
criait contre les habits bleus ; et il était à craindre que les citoyens
n'en vinssent aux mains entre eux.
M. Pétion rédigea un avis aux citoyens qui fut publié le 25 janvier
dans tout Paris, par douze officiers municipaux. Ces proclamations
lorsqu'elles né sont pas trop souvent répétées, produisent en général
de bons effets. Celle-ci n'eut pas tout le succès qu'on devait en
attendre. Dans les faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau, les
citoyens réunis en groupes, répondaient aux commissaires : on nous
amuse, ce n'est pas du sucre que nous demandons, c'est du pain. Les
corrupteurs du peuple, ceux qui avaient résolu à quelque prix que ce
fût de le soulever, avaient changé de batterie. Ils sentirent bien que
le sucre n'était pas un moyen de nature à occasionner un grand
mouvement et qui eût des suites durables et graves. Ils voulurent
attacher l'inquiétude et l'insurrection du peuple à une cause qui le
touche d'une manière plus pressante, à ce premier besoin de son
existence.
Aussitôt des pétitions sont présentées, tant au corps municipal, qu'à
l'Assemblée nationale, pour demander la diminution du prix du pain.
Remarquez qu'alors le pain n’était qu'à onze sols les quatre livres; et
le travail ne manquait pas à l'ouvrier. M. Pétion fit afficher un
placard par lequel il montra aux citoyens le piège qu'on leur tendait,
par lequel il leur dit que dans presque toute la France le pain était
plus cher qu'à Paris; que le moyen le plus sûr de le faire augmenter et
même d'en manquer était de crier à la famine, par lequel enfin il les
exhorta, pour leur propre intérêt, à la paix, à la tranquillité.
Ce qu'il y a de remarquable, c'est que les clameurs pour le pain
tombèrent tout à-coup, et cette arme dangereuse se brisa tellement
entre les mains des conspirateurs qu'il leur fut impossible d'en faire
usage. L'orage n'était pas néanmoins dissipé. Il paraît que la cour se
croyait en force et qu'elle se donnait beaucoup de mouvement. On disait
hautement que, le Louvre était rempli de contre- révolutionnaires. On
avait remarqué dans les rues des hommes fameux par leur incivisme. On
parlait de fabrications de poignards. Il était beaucoup question de la
fuite du roi. Le peuple concevait de vives alarmes,on voulait attaquer
le château.
Le roi pria le maire de Paris et le substitut du procureur de la
commune de se rendre auprès de lui; il les questionna sur la situation
de Paris et il ajouta : je sais qu'on répand le bruit, non plus que je
m'en vais, mais qu'on m'enlève. Il est très vrai lui répondit M. Pétion
que c'est là l'opinion centrale. Les troubles actuels paraissent tenir
à un système. On pense que ceux qui sont, vos ennemis et vous trompent,
veulent occasionner un tel désordre qu'ensuite ils puissent vous dire
qu'il vous est impossible de rester, que vos jours sont en danger, et
qu'il faut absolument que vous sortiez de Paris.
Il se contenta de répliquer qu'on savait bien qu'il n'avait pas peur et
qu'il ne s'en irait pas. Le peuple conservait toujours des inquiétudes
; mais elles étaient vagues ; et plus les choses traînaient en longueur
, moins il y avait à craindre une explosion. C'est beaucoup que de
gagner du temps. Néanmoins les sucres qui étaient emmagasinés dans le
faubourg Saint-Marceau, et avaient tant agité les habitants de ce
faubourg, n'étaient pas sortis, et on ne voulait pas les laisser
sortir. Ce dépôt devenait, tous les jours un lieu de
rassemblement; tous les jours il était menacé, et ce foyer particulier
pouvait rendre l'incendie général.
M. Pétion engagea des personnes qui jouissaient de la confiance de ce
faubourg à faire connaître au peuple qu'il allait contre ses vrais
intérêts, à le porter au respect des propriétés. Il fit placarder des
instructions propres à l'éclairer et à lui faire chérir l’ordre. Ces
moyens de prudence et de persuasion ne furent pas inutiles. Mais les
négociants qui prétendaient que les sucres leur appartenaient voulurent
brusquer les mesures. Un, entre autres, se montrait si acharné à braver
l'opinion du peuple, qu'il était difficile de ne le pas croire dirigé
par des vues perfides. Il entendait que les marchandises lui fussent
délivrées à l'instant; il disait que si elles étaient pillées, cela lui
était égal, on lui en répondrait; que si le peuple se mutinait, les
magistrats devaient employer la force.
On ne sait pas que l’intérêt le gouvernement prenait à ces sucres; mais
plusieurs fois on vit dans le magasin le nommé Gilles, cet agent du
château, qui a été reconnu depuis pour faire au compte de la cour des
enrôlements d'hommes dans Paris. La sortie de ces sucres, pour avoir
lieu sans accident, devenait une opération très délicate; elle fut bien
concertée et exécutée avec beaucoup de précision. Au moment le, plus
imprévu, M. Pétion, et plusieurs officiers municipaux, se
transportèrent sur les lieux; ils étaient accompagnés d'une force armée
très imposante, prise ailleurs que dans les faubourgs. Toutes les
voitures de transport étaient prêtes; les rues qui conduisaient au
magasin furent fermées par des gardes, et tous les sucres, d'une seule
fois, furent transférés ailleurs, sans que le convoi éprouvât la
moindre résistance dans sa marche.
M. Pétion s'était donné beaucoup de soins dans cette affaire, il
s'était conduit avec une extrême prudence, alliant tout à la fois les
moyens de douceur et de fermeté; profitant surtout avec habileté du
moment. Eh bien ! les propriétaires réels ou fictifs des sucres eurent
l'indignité de rendre plainte contre lui. Des juges de paix la reçurent
: elle ne fut pas suivie, parce qu'on n'osa pas lui donner le jour, et
que le corps municipal, lui-même, dont on cherchait toujours à isoler
le maire, aurait pour cette fois pris sa défense.
Cet arrêté parut dans un moment où il était bien nécessaire. Le citoyen
en habit bleu regardait avec dédain le citoyen armé d'une pique; des
divisions se manifestaient chaque jour, et on était sur le point d'en
venir aux mains. Le pauvre qui n'éprouvait pas moins le besoin de
servir sa patrie que le riche, ne pouvant pas acheter un fusil, se
trouvait privé de l'honneur de défendre ses foyers et de protéger la
chose commune : il était donc aussi moral que prudent de rapprocher les
hommes et de faire fraterniser les armes ; la force publique en était
plus imposante et meilleure; de plus , les conspirateurs affluaient de
toute part à Paris; on les portait à un nombre effrayant. Sous, les
rapports cet arrêté était infiniment précieux ; il servit de modèle à
beaucoup de municipalités ; et il accéléra en France la fabrication
d'une arme utile. Les fusils furent remis ensuite plus facilement aux
braves citoyens qui volèrent aux frontières combattre pour la liberté.
Note : (*) Le texte est paru dans
le quatrième tome de l'oeuvre de Jérôme Pétion, il s'agit d'un récit
des événements survenus à Paris autour du sucre, mais il y a un doute à
savoir si c'est un compte-rendu de sa part ou d'un autre. Ce texte est
normalement de lui, mais l'usage de la 3ème personne du sujet pour le
désigner pose question, non pas sur la véracité du contenu, mais sur
qui a pu tenir la plume?
Source : Oeuvres de Jérôme Pétion (imprmé l'An II de la République), Tome IV, chapitre V (page 53 à 62) PIECES INTÉRESSANTES, SERVANT A CONSTATER
Les principaux événements qui se sont passés sous la Mairie de J.
PETION, Membre de l'Assemblée Constituante de la Convention Nationale et Maire de Paris. Chez Garnery, Libraire, 17 rue Serpente à Paris.
Ci-après même source : chapitre VI (page 63 à 70).
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- ARRÊTÉ
RELATIF aux Piques,
Fusils et autres armes ostensibles
-
Du samedi 11 février 1792, l'an
quatrième de la liberté
Le
corps municipal, informé qu'il se fabrique, se vend et se distribue
dans Paris une nombreuse quantité de piques ;
Considérant que ces armes utiles entre les mains des bons citoyens,
pourraient devenir les instruments du désordre et du crime, dans celles
de ces hommes suspects qui affluent de toutes parts dans la capitale,
et qui ne peuvent y être attirés que par l'espoir du pillage, ou à
l'instigation de ceux qui ne respirent que le renversement de la
constitution, le trouble et l'anarchie;
Considérant, que dans de semblables circonstances, où l'inquiétude
publique se manifeste sous toutes les formes, ce serait de la
part des
magistrats du peuple une insouciance coupable, que de négliger les
précautions qui peuvent faire découvrir ces hommes dangereux et
préserver les bons citoyens de leurs suggestions perfides
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Considérant que la raison et la prudence s'opposent également à ce que
des particuliers suspects ou inconnus aux citoyens, parcourent en armes
les rues, places et lieux publics, et qu'ils puissent à leur gré se
mêler aux défenseurs de la liberté ;
Considérant qu'il importe plus que jamais de distinguer les amis de la
patrie, d'avec ses ennemis; que tous les bons citoyens armés pour la
défense de la constitution et des lois jurées par les français, armés
pour la conservation des personnes et des propriétés, et pour
l'exécution des ordres émanés des autorités légitimes, ne doivent
marcher que sous les mêmes chefs et les mêmes drapeaux ;
Le premier substitut adjoint du procureur de la commune entendu, arrête
ce qui suit :
1°. Les citoyens non-inscrits sur les rôles des gardes nationales, et
qui se sont pourvus de piques, fusils ou autres armes ostensibles, pour
défendre la patrie dans les jours de danger, seront tenus d'en faire
leur déclaration au comité de leur section, sous huitaine, pour tout
délai, à compter de ce jour
2°. Il sera à cet effet ouvert dans chaque comité, un registre sur
lequel seront inscrites lesdites déclarations, qui porteront en
même
temps le nom, la demeure et la profession des déclarants. Il en sera
délivré un extrait à chacun d'eux.
3°. Seront également tenus de faire leur déclaration, ceux qui auraient
dans leurs maisons un nombre de fusils où de piques , qui surpasserait
celui des individus en état de porter les armes; seront exceptés
néanmoins de cette disposition les marchands fabricants et dépositaires
publics.
4°. Tous ceux qui seront trouvés vaguant, soit de jour, soit de nuit,
dans les rues, places et lieux publics, armés de piques ou fusils,
seront à l'instant désarmés et conduits, comme gens suspects, devant
les officiers de la police correctionnelle.
5°. Toutes personnes inscrites ou non-inscrites ne pourront se former
en patrouilles ou compagnies particulières, marcher sous d'autres
drapeaux, obéir à d'autres officiers que ceux de la garde nationale ou
des troupes en activité et même se réunir sous le commandement desdits
officiers, sans leur consentement exprès.
6°. Nul ne pourra porter aucun signe de ralliement, autre que la
cocarde et les couleurs nationales.
7°. Ceux qui négligeraient ou refuseraient de se conformer aux défenses
portées aux deux articles précédents, seront réputés former
attroupement séditieux, et seront au nom de la loi et conformément à sa
teneur, dissipés par les agents de la force publique.
Le corps municipal enjoint au procureur de la commune, aux
administrateurs et commissaires de police, de surveiller les hommes
suspects qui abondent dans Paris, et de faire exécuter ponctuellement
les dispositions du présent arrêté. Mande expressément au chef de
légion, commandant général de la garde nationale, et à tous autres
officiers de veiller également, en ce qui les concerne, à l'exécution
du présent arrêté, qui sera imprimé, affiché, envoyé aux
quarante-huit sections et mis à l'ordre (du jour).
Signé, Pétion,
Maire. Royer, Secrétaire Greffier Adjoint
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Chronologie du 1er janvier au 31 mars 1792
et sources complémentaires
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Retour sur les derniers jours de décembre 1791
Le discours de Robespierre, du 18 décembre de l’an dernier, a provoqué
un grand effet dans la presse, sa campagne contre une guerre défensive
est relayée par les Révolutions de Paris (du journaliste et publiciste
Prud’homme) - vont venir s’y rallier peu à peu ceux qui vont constituer
la Montagne au sein de l’Assemblée républicaine de septembre. De son
côté, le tenant du discours offensif, pour marquer le pas dans
l’opinion Brissot remet les bouchées doubles, tant à l'Assemblée qu'aux
Jacobins : il donne deux grands discours, les 29 et 30 décembre 1791.
Le 29, à la Législative, Jacques Brissot déclare que la France devait «
prendre une attitude fière, afin de faire respecter partout la
constitution et le nom français (...) La France veut la paix,
mais ne
craint pas la guerre... La guerre est nécessaire à la France pour
son
honneur, la sûreté extérieure, sa tranquillité intérieure, pour
rétablir nos finances et le crédit public, pour mettre fin aux
terreurs, aux trahisons, à l'anarchie... Cette guerre est un bienfait
national ». Le lendemain, il discourt sur la nécessité
de la guerre offensive et se
trouve régulièrement ovationné. « Nous vaincrons, affirma-t-il, et
nous
rétablirons notre crédit public et notre prospérité, ou nous serons,
battus et les traîtres seront enfin convaincus et punis. Je n'ai qu'une
crainte, c'est que nous ne soyons pas trahis. Nous avons besoin de
grandes trahisons, notre salut est là, car il existe encore de fortes
doses de poison dans le sein de la France, et il faut de fortes
explosions pour l'expulser ». Il conclu par : « Le
moment est venu
pour une autre croisade et elle a un objet bien plus noble, bien plus
sain. C'est la croisade de liberté universelle ».
Autre points importants à noter, la question des
récoltes de l’été
1791. Elles vont s’avérer très bonnes dans le Nord, plutôt médiocres
dans le Centre et mauvaises dans le Sud, de nouvelles révoltes de la
faim vont éclater à partir de février dans certaine partie de la France
et entraîner de lourdes difficultés à la circulation des marchandises.
Le problème ne sera pas la rareté des produits mais dans leur prix de
vente.
En plus, l’introduction des petites coupures en janvier est
aussi un facteur important dans le renchérissement de la vie, les
salaires ouvriers étaient payés en écu, le paiement
en assignat fait subir à toute la population des hausses importantes,
et pas seulement sur le prix des denrées. La variabilité des cours dès
septembre 1791 enclenche une baisse de son change à l’étranger et les
taux internes de conversion varient de 10 à 25% selon les départements,
ils se répercutent de fait par une baisse des salaires, qui pesait
jusqu’alors sur les employeurs amenés à convertir le papier-monnaie à
leurs frais en pièces métalliques (l’écu). Les finances ne s’améliorent
pas et certains emprunts lourds tombent à échéance en cette année
nouvelle.
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Chronologie détaillée de janvier à mars 1792
I – Le mois de janvier 1792
Dimanche 1er janvier : Dans la journée, les ambassadeurs et
ministres
plénipotentiaires, le directoire du Département de Seine et Oise, la
municipalité de Versailles, une députation de la municipalité de Paris
avec le maire à sa tête (Pétion de Villeneuve), et la garde nationale
précédée de ses chefs, tous viennent rendre visite à la famille royale
et faire leurs hommages pour la nouvelle année. Le maire de Paris
refuse de saluer ou de «complimenter» Marie-Antoinette. A ce jour, le
cours du papier-monnaie a perdu un tiers de sa valeur d’origine, pour
ce qui valait 100 assignats, ce jour, la somme s’échange à 67 livres et
cinq sous (ou sols). Ce jour, l’Assemblée n’a pas siégé. Ailleurs dans
la capitale, Marat fête ses fiançailles avec Simone Evrard, il a depuis
le 15 décembre cesser de faire paraître L’Ami du Peuple et il va partir
environ six semaines en Angleterre, sans que l’on dispose des dates
précises ou exactes.
2 janvier : A l’Assemblée nationale, suite à un rapport de M. Gensonné
(proche de Brissot), la Législative décrète un arrêté contre les frères
du roi, le prince de Condé, MM. de Calonne, Mirabeau le jeune (mais son
aîné ou cadet de son père, il s’agit de l’oncle d’Honoré Gabriel
Riquetti décédé) et M. de la Queille. Ils sont considérés comme «
prévenus de conspiration contre le salut de l'Etat et la Constitution
», et ils sont renvoyés devant la Haute Cour nationale de Justice
d’Orléans. Il est aussi décrété que « tous les actes publics,
civils, judiciaires et diplomatiques porteront l’inscription
l’Ere de la Liberté » et
celle-ci à débuter en janvier 1789 et non le 14 juillet, nous sommes
donc en l’an IV sur la base du calendrier grégorien en vigueur encore
pour quelques mois. Se met en place un « directoire des Postes
», bien que le secret ou le viol des correspondances soit condamné au
sein du code pénal depuis le 25 septembre 1791, cet organisme d’état
touchant à la circulation des courriers est rattaché aux attributions
du ministère de l’Intérieur. Aux jacobins, Robespierre prononce
un discours contre la guerre (Lire les extraits du texte), le
premier étant dit le 12 décembre de l’année précédente, une nouvelle
déclaration dans le même sens aura lieu le 11 (ou le 12 janvier pour
Jules Michelet) et puis d’autres suivront… Au port du Havre,
Chateaubriand après un séjour en Amérique du Nord est de retour.
3 janvier : A Bordeaux, les citoyens de la société des Amis de la
Constitution ont décidé la fabrication de 3.000 piques et ses membres
écrivent au club des Jacobins de Paris, saluant le journaliste
Jean-Louis Carra, apologiste de l’armement et de la résistance
populaire dans le journal les Annales patriotiques et littéraires de
la France et surnommé le « petit Mercier » en référence à Louis
Sébastien, son directeur ou employeur. Carra dit « le roi de Pique »
est surnommé ainsi pour avoir été le premier à les prescrire comme
instruments de défense citoyenne. Il sera un des acteurs clefs du 10
août 1792 et deviendra député en septembre à la Convention. A la
Législative, Lazare Carnot élu et député du Pas-de-Calais et siégeant
au centre (Marais), intervient en demandant la démolition de
la prison de Perpignan. Il se plaint du mauvais accueil et conclu par «
Je demande donc la destruction de toutes les
bastilles du royaume.
(murmure). Les Français de 1792 ne ressembleraient-ils pas aux Français
de 1789? ». Il sera à la suite de son intervention l’objet de
moqueries.
Carnot dit « l’aîné » à la chambre basculera du côté des Montagnards à
la Convention.
4 janvier : A l’Assemblée, il est décrété d’urgence, « qu’il sera
procédé de suite sous la responsabilité du ministre des contributions
publiques et sous la surveillance du Comité des Monnaies et des
Assignats » à la fabrication d’assignats : pour 40 millions de 10
sous,
60 millions de 15 sous et (deux fois) 100 millions de 25 sous et de 50
sous (300 millions en tout de petites coupures). A Paris, aux
Jacobins, le journaliste Carra défend l’idée dans le cas d’une nouvelle
fuite de Louis XVI de mettre un prince anglais sur « le trône
constitutionnel ». Il est un proche de Louis Sébastien Mercier
(écrivain, rédacteur en chef et publiciste), d’abord considéré comme
proche de Lafayette avant Varennes. Mercier sera tenté par un rapprochement
avec Robespierre, puis il rejoindra les bancs "girondins".
5 janvier : Antoine Barnave, l’ami des planteurs et sucriers coloniaux
retourne à Grenoble pour écrire son : Introduction à la Révolution
française. A
l’Assemblée, Georges Couthon élu du Puy de Dôme et furtur ami et allié de
Robespierre intervient sur le Haute Cour nationale de Justice, le
député du Var, M. Isnard se prononce à nouveau en faveur de la guerre,
des extraits de son intervention :
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M. Maximin Isnard, «
J'ai l'honneur de vous demander la parole
pour une
motion d'ordre public, très importante dans les circonstances
présentes. (L'Assemblée décide que M. Isnard sera entendu.). Messieurs,
tandis que l'Assemblée nationale se laisse comme entraîner au courant
des événements et des affaires, et qu'elle néglige, un peu trop sans
doute, de se livrer aux méditations de la prévoyance, si nécessaires
dans un temps de Révolution, je veux fixer ses regards sur les dangers
qui menacent la patrie, sur la nécessité de réunir dans un même esprit
tous les citoyens de la France et tous les membres de cette Assemblée.
(Applaudissements.)
Une guerre est près de s'allumer, guerre indispensable pour consommer
la Révolution, mais qui peut incendier l'Europe entière.
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Les politiques
pensent que telle est la position des puissances étrangères, qu'il
suffira de nous mettre en attitude de les combattre, pour qu'elles
n'osent nous attaquer. On vous a dit que Léopold ne veut que nous
intimider, que sa politique lui défend la guerre. Eh! Messieurs, la
première politique des empereurs c'est d'étouffer la liberté des
peuples.
On vous a
dit qu'il craindra l'inexorable histoire ; croyez qu'il
craint bien plus notre déclaration des droits de l'homme et les pages
de la Constitution française. J'avoue que l'intérêt des rois serait de
nous laisser en paix ; mais l'orgueil peut égarer les rois ; nos
ambassadeurs les trompent sans cesse sur l'état de la France. Peut-être
aussi la Providence veut qu'ils courent eux-mêmes à leur ruine pour
hâter la liberté des peuples. Quant à moi, je crains que l'état actuel
de l'Europe ne ressemble à la tranquillité menaçante de l'Etna. Le
silence règne sur la montagne, mais en trouverez-là tout à coup et vous
trouverez le gouffre de feu, les torrents de lave qui préparent les
éruptions prochaines ; de même, si vous déchiriez à l'instant le voile
qui cache tous les secrets des cabinets de l'Europe, vous y verriez une
coalition secrète de tous les grands ennemis de la liberté des peuples,
des plans d'iniquité que l'on combine, de longues guerres que l’on
prépare, et des trahisons de tous les genres que l'on médite.
Mais,
Messieurs, quels que soient le nombre, les projets, les moyens de
nos ennemis, nous en triompherons si nous parvenons à éviter les
dissensions intestines.
(Applaudissements.) Le peuple Français est invincible s'il reste uni ;
avec de l'union, il parviendrait plutôt à rendre tous les autres
peuples libres, que ceux-ci ne parviendraient à le remettre aux fers.
Malheureusement, cette union si nécessaire est altérée, et surtout dans
les départements. C'est là une vérité dont il vaut beaucoup mieux nous
occuper, pour en prévenir les suites, que de se la dissimuler plus
longtemps ; jetons enfin un coup d'œil réfléchi sur la situation des
esprits en France. »
Source : Bib. de Stanford, Archives Parlementaires
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6 janvier : A la Législative, Antoine
Valdec de Lessart, ministre des
affaires étrangères communique la pièce d’un « office de l’électeur de
Trèves » (évêque et gouverneur des Pays-Bas Autrichiens). Il est fait
état « de dissoudre tous les corps de l’armée des émigrations et punir
les recruteurs », cet écrit est une manipulation en pleine concertation
entre Louis XVI avec Léopold II pour l’Autriche et les princes
allemands du Saint Empire. Cette pièce est renvoyée devant le comité
diplomatique de l’Assemblée. Le ministre est cependant contre la guerre
et il est très mal accepté, depuis qu’il a été contrôleur général des
impôts en 1790, puis à différents postes ministériels. Les échanges du
roi par intermédiaires ou courriers, ses choix stratégiques ne seront
connus publiquement que dans quelques mois, quand sera découverte sa
correspondance secrète. L’objet est d’agir au bon moment, c’est-à-dire
mentir sur l’essentiel et attendre pour faire entrer les troupes
étrangères et rétablir l’autorité royale face à « l’anarchie ». Une
missive en six points atteste un plan de reprise en main qui ne verra
jamais jour. Néanmoins la propagande royaliste plus que jamais est en
œuvre. (Sources Archives Parlementaires). Aux Jacobins trouve à son
ordre du jour l’examen d’une demande d’adhésion d’un membre venant des
feuillants, le marquis de Girardin, il a déjà été refusé aux Cordeliers
pour des raisons similaires. Collot-d’Herbois et Robespierre s’opposent
à toute admission venant de cette société et demande le rejet des
amendements de M. Marc David Lasource (futur député) favorable à
l’audition, même Guadet, critique « l’attitude antipatriotique » des
Feuillants (selon Ernest Hamel), la motion est adoptée.
8 janvier : Dans le Pas-de-Calais, à Saint-Omer ont éclatés lors d’un
transport de grains(selon les Annales patriotique, en date de ce jour
et donc antérieur). Pour le périodique de 4 feuillets, il s’agit « d’une
fièvre insurrectionnelle » et annonce la mort d’un homme et de quatre
personnes blessées, dont un femme considérée comme la meneuse et suite
à l’intervention du 22e régiment. Un courrier du ministre
de l’intérieur concernant l’affaire est envoyé au comité de
surveillance de l’Assemblée. Le ministre Claude Cahier de Gerville fut
nommé en novembre 1791. Il démissionnera en mars. A Verdun, lors de la
tournée de Lafayette dans la région, deux régiments, celui des dragons
installés en ville et un autre de grenadiers provenant du Poitou vont
s’opposer pendant deux jours, le sang coule. Le général parvient
à rétablir l’ordre seulement après avoir ordonné le départ des soldats
poitevins.
9 janvier : En guerre depuis 1789, la Porte Ottomane de Sélim III et la
Russie de la « Grande Catherine » signent la Paix de Jassi en Moldavie.
La Turquie concède le littoral jusqu’à la mer Noire, et elle perd la
Crimée comme territoire. A Watten (département du Nord), des femmes et des
enfants se regroupent autour des bateaux et les attroupements se
poursuivent les jours suivants. Le 13, les embarcations seront pillées
et les émeutes reprendront les 23, 24 et 25 janvier.
10
et 11 janvier : A la Législative, l'acte énonciatif des crimes du roi
est présenté. Le lendemain, Louis XVI se présente à la barre et
choisi comme défenseurs : MM. Tronchet, Malesherbes et de Séze. Le
ministre da la guerre M. Narbonne, « de retour de son voyage, présente
à l'assemblée un rapport sur l'état des frontières. Depuis Dunkerque
jusqu'à Besançon, l'armée rassemblait 240 bataillons et 160
escadrons, avec l'artillerie nécessaire pour 200.000 hommes. Il précise
: « Les
magasins tant en vivre qu'en fourrage, assurent la subsistance de
230,000 hommes et 22,000 chevaux pendant six mois ; ils ont travaillé
avec
la plus grande activité à les augmenter encore. - Indépendamment des
effets de campement qui se trouvent dans les places frontières, il en
sera incessamment rendu, dans les magasins de seconde ligne, pour
100,000 hommes. - 8,000 chevaux sont déjà rassemblés pour le service de
l'artillerie et des vivres; on travaille au rassemblement de 6,000
chevaux des mesures sont prises pour compléter le nombre nécessaire aux
différents services de l'armée,et la construction des caissons et
attirails qu'ils entraînent est en grande partie terminée (…). Enfin,
il annonce : « qu'il a chargé M. de Lafayette de visiter les places
des
départements où il commande. » Ce rapport est un canevas de
mensonge,
la supercherie sera dévoilée plus tardivement par Lafayette et
Dumouriez, et ni l’un ni l’autre ne souhaitaient vraiment la guerre,
qu’ils qualifièrent de « guerre d’observation ». M. Narbonne
lors de
son « voyage » a surtout rencontré à Metz le général Lafayette et le
maréchal Rochambeau dans l’optique d’un enlèvement du roi et de
changements dans la constitution, et visant à séduire l’autre maréchal,
M. Luckner, les deux plus hauts gradés de l’armée ayant été nommés
depuis peu de temps à ces postes. La presse va tenir une place
importante pour mettre à connaissance ce stratagème, le journaliste
Prud’homme publiera la nature du stratagème dans son journal « les
Révolutions de Paris ». Le 11, aux Jacobins, une nouvelle intervention
sur la guerre: « Arrive le Doge in fieri de la République
Française,
Mons. Robespierre, qui, toute réflexion faite, veut aujourd'hui la
guerre, à condition toutefois qu'on commencera par exterminer les
conspirateurs et les tyrans de l'intérieur ; cela fait ; marchons à
Léopold... Si cette condition n'est pas remplie, je demande encore la
guerre, non comme un acte de sagesse et de prudence, mais comme la
source du désespoir... » (Source : Retronews-Bnf, La Rocambole des Journaux, n°5, page 73, tome III) A l'Assemblée M. Narbone déclare aux députés que le « principe qui vous interdit toute conquête, (...) est
un des plus beaux titres de la constitution à l'amour des peuples »,
en ajoutant qu'« il a pu en coûter, peut-être, d'être d'un parti
tout-puissant, alors qu 'il pouvait abuser de sa force; mais on nous
menace d'un assez grand nombre d'ennemis pour faire cesser ce scrupule ».
12 janvier : Près de Bapaume (Nord) et Valogne (Normandie) la présence
de curés non assermentés provoquent des troubles. A Arles et ses
environs les tensions sont fortes depuis plusieurs mois entre
royalistes et patriotes, un prêtre et son domestique sont tués.
13 et 14 janvier : A Paris au couvent des Jacobins Collot-d'Herbois
informe d’une lettre « reçue des soldats de Châteauvieux, écrite
sur
les bancs des galères, par laquelle ces malheureux militaires
protestent de leur civisme le plus ardent ». Il s'étonne que le
décret
rendu le 31 décembre 1791 en faveur de ces militaires ne soit pas
encore effectif ; « Hier, messieurs, j'ai vu la liste des décrets
sanctionnés, et j'ai vu avec surprise que le décret sur les assignats
de 10 à 15 sols était sanctionné et que celui rendu en faveur des
soldats de Châteauvieux ne l'était pas. Vous voyez, messieurs, combien
cette conduite est injuste et inhumaine ». Lors de la même séance,
Robespierre attire l'attention de la Société sur l'importance de la
séance de l'Assemblée législative du 20 janvier dont l'ordre du jour
appelle l'examen des relations de la France avec l'empereur Léopold II.
A la
Législative, il est voté une loi supprimant la censure sur les pièces
de théâtre. M. Gensonné lit un rapport sur l’état de la France et
réclame une action vigoureuse et le respect des traités, il dénonce les
intrigues diplomatiques – ce à quoi lui répondent les tribunes « Apprenons
aux princes de l’empire, que la nation française est décidée
à maintenir sa constitution toute entière ! Nous mourrons tous ici… ».
Le lendemain à l'Assemblée, il est déclaré « infâme, traître
à la
patrie et coupable de crime de lèse nation, tout agent du pouvoir
exécutif (Note : le roi inclus ou désigné en tant que tel), tout
Français qui
pourrait prendre part, directement ou indirectement, soit à un congrès
dont l'objet serait d'obtenir la modification de la Constitution
française, soit à une médiation entre la nation française et les
rebelles conjurés contre elle ». Cette déclaration est approuvée
par le
roi le jour même.
15 janvier : A Paris s’organise une rencontre entre Marat et
Robespierre, des désaccords apparaissent et le rédacteur de L’Ami du
Peuple passe pour trop véhément ou violent dans ses propos. Voilà ce
que dira Marat de cette rencontre plus tardivement : « Je n'ai
jamais
eu avec lui aucune relation directe ou indirecte ; je ne l'ai même
jamais vu qu'une seule fois... Le premier mot qu'il m'adressa fut le
reproche d'avoir trempé ma plume dans le sang des ennemis de la
liberté, d'avoir parlé de corde et de poignards ; il aimait cependant à
se persuader que ce n'étaient que des paroles en l'air dictées par les
circonstances. – Apprenez, lui dis-je, que mes cris d'alarme et de
fureur étaient la naïve expression des sentiments dont mon cœur était
agité! Apprenez que, si j'avais pu compter sur le Peuple de la
Capitale, après l'horrible décret contre la garnison de Nancy, j'aurais
décimé les barbares Députés qui l'avaient rendu! Apprenez qu'après le
massacre du Champ de Mars, a si j'avais trouvé deux mille hommes animés
des sentiments qui déchiraient mon sein, j'aurais été poignarder le
Général au milieu de ses bataillons de brigands, brûler le Despote dans
son palais et empaler nos atroces Représentants sur leurs sièges ! »
Robespierre m'écoutait avec effroi ; il pâlit, et garda quelque temps le
silence. Cette entrevue me confirma dans l'opinion que j'avais toujours
eue de lui, qu'il unissait aux lumières d'un sage Législateur
l'intégrité d'un véritable homme de bien et le zèle d'un vrai patriote,
mais qu'il manquait et des vues et de l'audace d'un homme d'Etat. »
(Source : Gallica-Bnf, Etienne Cabet, Histoire populaire de la révolution, page 538, tome 2, Paris-1839)
Le même jour, Chateaubriand se marie avec Céleste de La Vigne-Buisson.
A Orléans, la Haute Cour nationale (ou Haute Cour de Justice) informe
par ses procurateurs de son installation et de faire suivre les décrets
la concernant.
A l'Assemblée, il se présente une délégation du faubourg Saint-Antoine
avec à sa tête Clément Gouchon, jacobin modéré et démocrate, une pétition est
présentée, signée par 27 personnes
« Les beaux esprits nous parlent encore du
Peuple Romain... Il se peut qu'ils eussent notre courage ; mais on nous
a dit qu'ils se battoient pour des nobles, pour des serviteurs; et
nous, Messieurs, nous ne combattrons jamais pour avoir des maitres,
quelque nom qu'on leur donne, roi, sénateurs, re ésentans; nous ne
combatrons que pour n'en avoir d'autres que la loi..... Cette morale
n'est peut-être pas celle des beaux esprits et de quelques gens riches,
mais elle est la nôtre... Au reste, elle ne doit pas être si
mauvaise... On dit que rien n'eſt beau comme la nature... Or, sans
doute, les sentimens que nous exprimons sont bien naturels, car ils
sont gravés dans nos coeurs.
Voici, Messieurs, nos
pétitions. Nous demandons :
1°. Que les braves Gardes françaises ne quittent jamais la capitale, et
soient toujours assurés de trouver auprès de vous justice et
protection.
2°. Que vous nous donniez au plutôt des écoles primaires, et que le
comité de l'instruction publique soit obligé incessamment de faire
son rapport.
3°. Que l'on fasse exécuter les décrets de l'Assemblée nationale,
relatifs à l'éducation du prince royal. (Ndr : le dauphin, Louis
XVII). Puisque la Conſtitution veut un roi elle doit vouloir qu'il ait
des vertus et des connaissances.
4°. Que le comite ́de surveillance se fasse remettre le procès-verbal
du bureau de police, relatif à la distribution d'argent pour corrompre
les tribunes de l'Assemblée nationale.
5°. Que le comité des finances et du pouvoir exécutif soient tenus de
presser ia fabrication des petits assignats.
6°. Que le comite ́des pétitions veuille bien examiner la nôtre, et
vous en rendre compte au plutôt.
Nous demandons enfin que les Représentants du
Peuple Français se
rappellent toujours que la déclaration des droits de l’homme est la
base de la Constitution. »
Gouchon organe de la députation
Source : Bib. de Stanford, Archives Parlementaires
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16 janvier : A l'Assemblée, la garde rapprochée de Louis XVI est
supprimée et remplacée par une nouvelle, dite « constitutionnelle ».
17 et 18 janvier : En Italie, la flotte française de Toulon bloque
Naples et oblige le roi Ferdinand IV à accepter les volontés
françaises, en contrecoup un club jacobin est créé sur place. A
l'Assemblée Brissot appelle à déclarer la guerre à l'Empereur
d'Allemagne. Le futur maréchal d’Empire Soult est nommé instructeur au
sein du 1er régiment de volontaires du Haut-Rhin comme sous-lieutenant.
Il s’était incorporé comme simple soldat en 1785. En Alsace durant le
cours du mois de janvier, la reconnaissance des Juifs comme citoyens
est mal accueillie et fortement contestée. Le lendemain, à l’Assemblée,
Le comte de Provence (futur Louis XVIII) est déchu définitivement de
ses droits à la régence.
20 janvier : A Paris, le second substitut du Procureur Syndic de la
Commune, Georges Danton (ci-contre) lors de son installation fait une allocution
faisant son apologie et voulant répondre « aux calomnies » le concernant.
Ce dernier ralliant par ailleurs les brissotins, selon Albert Mathiez
et déclare à leur intention, tout en rompant sur les positions
anti-guerre de Camille Desmoulin et de Robespierre. « Oui,
Messieurs, je dois le répéter : quelles qu'aient été mes opinions
individuelles, lors de la révision de la Constitution, sur les choses
et sur les hommes, maintenant qu'elle est jurée, j'appellerais à grands
cris la mort sur le premier qui lèverait un bras sacrilège pour
l'attaquer, fût-ce mon frère, mon ami, fût-ce mon propre fils ; tels
sont mes sentiments! » (Source : Danton et la Paix - A. Mathiez -
Renaissance du Livre - 1919) |
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Aux Jacobins, Jacques Brissot prononce son
troisième discours sur la nécessité de la guerre, le deuxième datant du
18 et prononcé devant la chambre des députés, où il siège (à lire en
première partie). Brissot dans sa Nécessité de la guerre demande à
Robespierre de dépasser leur différend sur la question. Dusaulx (député
à la Convention et homme de lettres) lors de la séance pousse
Robespierre et Brissot à se faire une accolade, en gage d'amitié et
d'estime. Ils le font au milieu des applaudissements et Robespierre
exprime son sentiment fraternel. Il précise qu’il répondra à
l’intéressé. En retour, Le Patriote Français, organe de presse
appartenant à Brissot, du 21 janvier et le Courrier des 83
départements du 22, en rendant compte des débats, ces organes de presse tentèrent de faire
croire que Robespierre était devenu favorable à la thèse de Brissot.
Robespierre adresse une lettre au Courrier des départements, deux jours après pour
publication : « Je serai le premier à donner à M. Brissot toutes
les
preuves de l'attachement fraternel qui me lie aux citoyens qui
serviront bien la patrie; il n'aura point à ce titre d'ami plus sincère
que moi; mais son opinion sur la question actuelle laisse encore
quelque chose à désirer; je demande à suppléer à ce qu'il n'a pas dit,
et à combattre ce qui me paraîtra contraire à mes principes. Je saurai
concilier, dans cette discussion, les sentiments de fraternité que j'ai
voués à M. Brissot avec ce qu'exige le bien public. » (Source : Œuvres de
Robespierre, tome VIII – PUF 1954)
0
LA CRISE DU SUCRE
« Le régime de liberté économique, institué par la Constituante
conformément aux doctrines des physiocrates, fut mis à une rude épreuve
dès l'hiver 1791 à 1792, avant même que la guerre fût déclarée entre la
Révolution et l'Europe. Deux crises éclatèrent coup sur coup : crise du
sucre, crise du pain, la première limitée à Paris, la seconde étendue à
toute la France. L'une et l'autre manifestèrent sous l'antagonisme des
partis l'antagonisme des classes, sous la diversité des doctrines le
désaccord des intérêts. On vit pour la première fois les éléments
avancés du parti populaire, ceux qui formeront plus tard le parti
Montagnard, réclamer comme une protection, timidement d'abord, avec
plus de hardiesse ensuite, le retour à la vieille réglementation
monarchique que la bourgeoisie révolutionnaire avait abolie deux ans
plus tôt. Sans doute, la législation libérale resta debout
provisoirement, mais déjà elle avait perdu sa vertu aux yeux des
foules. Les Girondins furent pris entre les intérêts de la bourgeoisie
qui leur commandaient de défendre la liberté économique et les soucis
de la lutte politique qui leur faisaient une loi de ménager le peuple,
dont l'appui leur était nécessaire contre les Feuillants et la Cour.
Dans cette position contradictoire, ils ne purent calmer l'agitation
qu'au moyen de palliatifs et de diversions, au nombre desquelles fut la
guerre elle-même.»
Albert Mathiez, La vie chère et le mouvement
social sous la Terreur, tome I et chapitre 1
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20 au 24 janvier : A Paris, le café et le sucre sont très prisés, dans
toutes les sphères de la société et produits dans les colonies. La
France à ce sujet est le premier producteur et exportateur dans le
monde de sucre, Saint-Domingue et ses plantations fournissent 50% des
besoins ou ventes à l’export. Ce sont dans les ports de Bordeaux, de
Nantes et du Havre qu’est acheminé le sucre brut pour être raffiné et
réexporté (et doublant au moins son prix et vendu aux particuliers à la
livre). La population française ne consommait alors qu’un huitième de
la production, bien moins que les Britanniques, la
Grande-Bretagne étant le deuxième pays à l’international sur le marché.
(Selon Albert Mathiez, qui a consacré un chapitre à la crise du sucre de janvier
1792). L’explosion des prix, sous le prétexte des révoltes (réprimées
et son meneur Vincent Ogé mis à mort sur la roue) dans les plantations de
Saint-Domingue l’année passée, donne lieu à une spéculation entraînant
une forte hausse des prix. |
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Représentation
de Mr Sans-Culotte
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Pour ce qui est considéré déjà comme une
denrée de base, les plantations sucrières sont indemnes et à Paris les
entrepôts sont pleins. Le Parisien, le matin sans son bol de café et
son contenant pris avec sa dose de lait (le café crème) s’en prend à
ceux qui font commerce d’un produit, dont les stocks ne manquent pas,
mais qui sous le coup du marché se voit fluctuer dans ses excès sur de
fausses affirmations de destruction des récoltes. On peut estimer
qu'environ 450 grammes de sucre représentait près d’une journée de
travail d'un ouvrier, l’augmentation du mois de janvier fut de l’ordre de
30% de son prix (de 24 à 30 sols la livre selon Prudhomme).
A l’assemblée, la spéculation sur le sucre provoque d’abord une
intervention de l’abbé Fauchet sur les églises vendus au titre
des biens nationaux servant des lieux de stockage (Sainte Opportune,
Saint-Hilaire et Saint-Benoît). Des pillages d’épiceries dans la
capitale et la colère monte au sein des sections ou districts les plus
populaires comme celle, du Temple en rive droite, ou les Gravilliers
voisines ou officie depuis peu un certain Jacques Roux, prêtre
assermenté originaire de l’Angoumois et ancien professeur de
philosophie. Le 23, la section des Gobelins s’adressant à l'Assemblée
dénonce : « De vils accapareurs appellent la force publique pour
défendre leurs brigandages... C'est l'agiotage insatiable qui renferme
les trésors de l'abondance pour ne nous montrer que le squelette hideux
de la disette ».
En général les motions font l’objet d’une
publication
et d’un envoi à toutes les sections parisiennes. « Commémoration des morts de la Chapelle près de Paris : Mardi, 24
janvier, les amis de la constitution et plusieurs sociétés patriotiques
commémorent l’anniversaire du meurtre commis il y a un an contre deux
citoyens de la municipalité de la Chapelle, tués par des chasseurs de
la garde nationale (en débat aux Jacobins le 18). L'évêque Fauchet fit
l’office, il « prononça une courte harangue qui fit impression, et
versa le baume de la consolation dans le cœur des veuves et des
orphelins qui eurent tous les honneurs de cette cérémonie touchante. On
devait une autre satisfaction à la mémoire des malheureuses victimes.
Tant qu'on se concernera de gémir sur les opprimés, il y aura des
oppresseurs. » (Source : Gallica-bnf, Louis-Marie Prudhomme, Les Révolutions de
Paris, n°133)
25 janvier : En Grande-Bretagne à Londres la première association
ouvrière est créée, elle se nomme la « London Corresponding Society ».
Elle réunira quelques 3.000 membres. A la Législative, après avoir
écouté Brissot, Condorcet, Vergniaud, à l’instigation de Marie Jean
Hérault de Séchelles, il est décrété que Louis XVI ne traitera avec
aucune puissance, au nom de la Nation française. L’empereur Léopold II
(Autriche, Hongrie et Saint Empire Germanique) est sommé de répondre
avant le 1er mars, et confère au roi de préparer la guerre. A Paris, de
nouveau Robespierre s’exprime sur la guerre, il s’agit de son troisième
discours, mais n’arrive pas à rassembler une majorité aux couvents des
jacobins. Son discours est néanmoins publié et envoyé à tous les clubs
et sociétés jacobines de France. « Je demande que l'on change de
discussion, que ceux qui désirent la guerre posent une série
d'arguments sans art et sans éloquence, je répondrai de la même manière
; je vous offre de discuter froidement afin de savoir quel est le
meilleur. »
26 janvier : Aux séances des Jacobins, c’est un nouvel échange et différent entre
M. Lasource et Robespierre sur le contenu de l’ordre du jour, l’un
souhaite parler finances publiques, l’autre se tient à ce qui est prévu
et concernant le sujet de la guerre. Aux Jacobins, Danton s’oppose à la
motion d’un proche de Robespierre, M. Doppet demandant une garde de
protection pour l’Assemblée nationale. Danton déclare : « Je suis
surpris, dit-il, que cette société s'égare au point de désirer une
garde particulière pour l'Assemblée nationale ; il viendra un temps où
les baïonnettes n'éblouiront pas les yeux des citoyens ; car,
Messieurs, en parcourant l'Angleterre, on ne voit des baïonnettes que
dans le lieu qu'habite le pouvoir exécutif de ce pays. Voilà ce que
peut la liberté : c'est que tout citoyen puisse commander sans armes au
nom de la loi ; voilà le terme de la liberté. » La motion est
minoritaire et rejetée.
27 janvier : En Seine-et-Marne, le Directoire du département pousse les
contribuables à s’acquitter de leurs impôts et se voit considérer comme
traître à la patrie « quiconque oserait vous donner le conseil
perfide
de différer d'acquitter vos contributions ». A l’Assemblée, le
Maréchal
Rochambeau nommé le 28 décembre vient remercier les parlementaires pour
ses étrennes…
28 janvier : A Saint-Domingue, les esclaves se révoltent et
engagent une offensive sur la ville du Cap (partie Haïtienne).
29 janvier : A Nantes, malgré
le veto royal, le Directoire de Loire Inférieure prend un arrêté contre
les prêtres. A Paris,
devant l'Assemblée, des membres de la section de la Croix-rouge, présentent une pétition « pour punir les monopoleurs égoïstes qui, par leurs spéculations criminelles, sont les
premiers et les seuls artisans de la calamité publique de ce
surhaussement pour calomnier la Révolution.». Ses membres déclarent renoncer à l'usage du sucre et du café. M. Broussonnet, élu de Paris et botaniste observe que : « La
délibération qui vient d'être lue sera un exemple de plus que les
pauvres auront donné aux gens riches, et il importe que ces exemples se
multiplient et obtiennent une grande publicité. Il n'y a que les gens
riches, ceux-là précisément qui peuvent acheter le sucre et le café à
quelque prix qu'ils soient. (L'Assemblée décrète l'impression et
l'envoi aux 83 départements) ». Un réfugié et propriétaire à Saint-Domingue, le sieur Bouret de la partie Sud « se présente à la barre en tenue de prisonnier » et fait appel au concordat du 11 septembre. Dans le procès-verbal, il est rapporté qu’«
il fut arrêté, conduit dans les prisons de Cayes et, par un ordre
arbitraire du commandant militaire de cette province, embarqué de force
sur un bâtiment qui faisait voile pour Nantes, laissant ses propriétés
à la merci de quiconque voudra s'en emparer. Il n'a éprouvé ce
traitement inique que pour s'être mis à la tête de 200 citoyens blancs
qui demandaient l'approbation du concordat et pour s'être toujours
montré attaché à la cause de la Révolution. » La pétition est renvoyée aux comités : colonial et des secours publics ; et le sieur Bouret se voit accorder « les honneurs de la séance » par le Président. Il est aussi discuté des passe-ports et des articles du décret d’application. Un nouveau décret est pris pour accélérer la mise en route du tribunal
national d’Orléans et « faciliter ses opérations » comme cours de
justice des crimes commis contre l’état. Le lendemain, il est décidé en
urgence un décret relatif « aux fabricateurs de faux assignats » en
trois points ou articles et renvoyant le problème aux départements
compétents pour les affaires de police et de justice. (Source : Bib de Stanford, Arch. Parl., Tome 38, du 29/01 au 21/02/1792)
31 janvier : A Paris depuis 3 ans, le Carnaval est interdit, il aurait
dû commencer ce jour et durer sur une période de trois semaines. L’on
remarquera de plus en plus de citoyens portants des piques dans les
rues de la capitale. Durant le mois de février commenceront à sortir
les bonnets phrygiens (ou bonnets de la liberté). Plus qu’un effet de
mode, il s’agit de se distinguer politiquement et apparaît ceux que
l’on va nommer les « sans culottes », un qualificatif trop vague et aux
ressorts sociaux complexes et prenant souche dans la toute petite bourgeoisie
parisienne.
Légende : Messieurs Pétion, Derue et Brissot tous les trois bons bourgeois de Chartres
Arrivant à Paris pour le bonheur de cette capitale
II - Le mois de février 1792
1er février : A l'Assemblée législative s’est ouvert un débat depuis le 24 janvier sur la
question de la détention d’un passeport pour les citoyens français. Il
s’agit plus d’une pièce nationale d’identité pour des questions
intérieures, bien que le document repose de même sur le franchissement
des frontières et concernant en toute circonstance les voyageurs.
Depuis l’approbation de la Constitution et en raison du droit à la
libre circulation des citoyens (déclaration des droits de l’Homme), le
passe-port avait été aboli pendant quelques mois. La Législative décrète
en ce jour l’obligation de détenir un « passe-port » pour circuler en
France et de l’obligation de présenter ses papiers aux gendarmes ou
gardes nationales. Sous peine pour les contrevenants d’être arrêtés.
Pour la capitale, cette mesure va jouer un rôle important, si les
barrières d’octroi ou péages ne sont plus, la surveillance des entrées
et sorties reprend ses droits. Elle s’amplifiera à face à la menace
étrangère et aussi interne. Paris connaîtra en septembre un grand
huis-clos et le décret sera promulgué le 28 mars. Dans le même temps
s’engage un débat sur la nature des papiers et sur le timbre fiscal.
2 février : Russie, la grande Catherine fait publier un manifeste «
contre les principes des révolutions de France et de
Pologne ».
4 et 5 février : La Législative décide de l’émission des assignats de
25 livres sur papier blanc de 13 sur 18 pouces de largeur et décrète sa
fabrication, auprès de l’imprimeur (et éditeur) Firmin Didot. Le
lendemain, sous la présidence de M. Guadet, celui-ci propose à la barre
la venue de MM. Laplace, savant, Goldoni et Favart, dramaturges, la
chambre approuve leurs parutions « sur-le-champ ». C’est M.
Pierre-Simon Laplace (astronome et mathématicien), qui prend la parole
: « Messieurs,
trois hommes de lettres, plus qu'octogénaires, viennent réclamer la
justice de l'Assemblée nationale, au nom de la littérature dramatique.
Vos prédécesseurs ont senti, Messieurs, qu'il ne saurait exister de
propriété plus immédiate et plus sacrée, que celle de la pensée, cette
partie de nous-mêmes, cette première faculté de l'espèce humaine. » (…) Nous, « nous
abandonnons avec confiance à l'équité des législateurs la cause de
plusieurs citoyens qui, durant le cours d'une vie laborieuse, ont
préparé, de tous leurs pouvoirs, le règne des lois et de la liberté. » Le Président, répond à la députation : « Messieurs, s'il est en effet une propriété respectable et sacrée, c'est celle de la pensée ; (…) continuez
à l'aimer, continuez, Messieurs, à la servir : après avoir fait chérir
la vertu par vos écrits, faites chérir par eux la liberté sans laquelle
il n'est point de vertu publique. L'Assemblée nationale vous accorde
les honneurs de la séance. (Applaudissements) ». Plusieurs élus viennent « prêter
leurs bras à ces vieillards pour les soutenir, le poids des ans rendant
leur démarche pénible, ils les font asseoir parmi eux. (Vifs applaudissements) ». Sinon, il est décidé le remboursement de dettes, dont 3,7 millions
pour une dette totale de 120 millions de livres. Un autre intervient
pour huit millions pour un total de 80, plus deux autres échéances pour
6 millions, soit un total d’environ, de 17 millions de dettes, elles
doivent être épurées en conformité à la loi des tirages au sort des
remboursements datant de décembre 1791.
6 février : A Noyon et dans la région (dans l’Oise et la Seine) des
troubles de subsistance éclatent, la population se révolte, l’on
empêche le départ de quatre bateaux fluviaux chargés de grains. Près de
la ville de Choisy-au-Bac, sur l'Oise, un attroupement arrête plusieurs
bateaux chargés de grains. Les mariniers sans « lettres de voiture »
conforme, les autorités locales usent du prétexte et font décharger les
bateaux et porter leur contenu dans les greniers d’une abbaye
(d'Ourscamp). Les attroupements les jours suivants vont rassembler
jusqu’à 30.000 paysans armés de fourches, de hallebardes, de fusils, de
piques, sous la conduite de leurs maires. Le roi dépêchera, pour
rétablir l’ordre, le général Gouy d’Arcy (ancien constituant et membre actif du club colonial Massiac) il ne
pourra rien faire et rebroussera chemin. A Paris, les élections
municipales sont closes, la liste des 76 élus est enfin publiée. La
Gazette Nationale ou le Moniteur Universel déplore les lenteurs dans
son édition du 8 février. Dumouriez suite à son commandement l’année
précédente en Vendée est nommé Lieutenant Général. Il sera nommé
général le 17 août.
7 février : Il est signé un traité d’alliance entre la Prusse et
l’Autriche concernant
la Pologne, ou chaque partie s’engage à ne proposer aucun prince de
leur maison sur le trône.
8 février : Dans la Gazette Nationale (ou le Moniteur Universel), le « procureur général syndic du département de la Seine », M. Pierre Louis
Roederer annonce par voie de publication le lendemain la mise à
connaissance d’une liste de 500 contribuables en retard de paiement
d’impôts. Il désigne un nombre important d’aristocrates et s’arroge le
droit de pouvoir publier ses articles au sein du journal. Ce qui lui ne
vaut aucune protestation de la rédaction. Il est accueilli dans les
colonnes comme un « ami de la liberté »… Roederer fut élu le 10
novembre 1791 et il faisait fonction d’interface avec les
administrations publiques de l’état et le département de Paris, ou
presque l’équivalent d’un préfet. Le « procureur syndic » est une
fonction qui n’a rien à voir avec la justice, c’est un
administrateur civil et non point un procureur comme nous l’entendons de nos
jours.
9 février : A l'Assemblée, il est décrété la mise sous séquestre des
biens des émigrés au profit de la nation. Il s’agit de la mise en œuvre
de la confiscation des biens des aristocrates en fuite, le flux depuis
la fuite de Varennes est continu et progressif. Ainsi pour la capitale,
les plus fortunés prirent ou prendront la poudre d’escampette
pour l'étranger. Depuis la ré-instauration des passeports,
il deviendra plus compliqué de circuler et ralentira le mouvement vers
les frontières. Le mouvement put aussi se faire en direction de la
Province depuis Paris. Pareillement, l’on peut constater un flux
inverse dans les autres sphères sociales, la ville ne perd pas pour
autant son attractivité et ses foules.
10 février : Aux Jacobins Robespierre pose la question d’une
défense nationale, le sujet des piques va connaître en février et mars,
puis en juillet une place importante, notamment la population et les
citoyens passifs désarmés face aux gardes nationales réservées aux «
actifs » : « Il y a plus d'un an, j'adressai à l'assemblée
constituante des propositions dont l'objet était de parvenir à ce but,
et de prévenir les inconvénients dont nous gémissons aujourd'hui
(L'exercice du droit de paix et de guerre discours du 24 mai 1790).
Pour confondre les impostures du ministre de la guerre, qui assurait
qu'on n'avait point ou presque point d'armes à donner aux gardes
nationales, pour déconcerter le plan de la conspiration ministérielle,
je proposai : 1 ° d'interdire, sous des peines sévères, l'exportation
de nos armes chez l'étranger, dont tous les départements se
plaignaient, au lieu de réprimander les municipalités qui les
arrêtaient, sur la dénonciation des ministres, et sous l’absurde
prétexte de la liberté du commerce. »
(suite) Je proposai d'ordonner que dès ce
moment les municipalités et les corps administratifs des lieux, en
présence des citoyens, visitassent les arsenaux et les magasins, pour
constater le nombre d'armes qu'ils renfermaient; d'en envoyer les
procès-verbaux à l'assemblée nationale, et ensuite de distribuer
incessamment ces armes à toutes les gardes nationales de l'empire, à
commencer par les départements frontières. Je proposai d'ordonner que
toutes les fabriques du royaume s'appliquassent sans relâche à en
forger de nouvelles, jusqu'à ce que les citoyens fussent convenablement
armés. Je demandai que l'on fabriquât des piques, et que l'Assemblée
nationale recommandât aux citoyens cette arme en quelque sorte comme
sacrée, et les exhortât à ne jamais oublier le rôle intéressant qu'elle
avait joué dans notre révolution. » (en écho de son discours du
18
décembre 1791) : « Il faut avant tout, partout, sans relâche,
faire
fabriquer des armes ; il faut armer le peuple, ne fut-ce que de piques
»).
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12 février : En Bretagne à Crozon, le directoire départementale envoi
des commissaires pour rétablir l’ordre. Le roi signe le décret
d’amnistie de décembre 1791 concernant les soldats de Château-Vieux,
qui fut un débat et une campagne menée entre autres par
Collot-d'Herbois depuis le couvent des Jacobins depuis le début
d’année. De retour en France le comte Axel de Fersen va pendant deux
jours séjourner secrètement aux Tuileries, pour projeter une nouvelle
évasion de la famille royale, mais il ne convainc pas les intéressés.
A
l’Assemblée législative, une députation d’environ douze citoyens
du
faubourg Saint-Antoine est admise à la barre
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illustration de faubouriens d'après le dessin de Jean-Baptiste Lesueur
Législateurs,
« La patrie est en danger et nos ennemis sont dans
notre sein : la
Constitution est notre bouclier, la vérité notre boussole. Recevez
l'offre que vous présentent des hommes qui ont renversé l'idole des
préjugés et qui veulent le règne de l'égalité.
Législateurs, nous venons demander le règne de la justice et de la
soumission aux autorités constituées. Les Catilina sont armés, l'abîme
est ouvert, le sang coule, le peuple est à bout, le tocsin ministériel
sonne l'alarme. Plusieurs administrations le secondent,
particulièrement celle de Paris. Ce sanctuaire des lois doit être le
tombeau du peuple français et de ses plus zélés défenseurs; nous venons
vous offrir nos armes et notre sang (Applaudissements.); nous n'avons
que des piques et nous vous les offrons : parlez, nous voulons vous
défendre et nous voulons vous garder.
Législateurs, nous connaissons nos droits et la perfidie de nos
ministres; ces conciliabules où l'on ne se propose rien moins que
d'incendier l'Empire, n'épouvantent en rien les enfants de la liberté.
Elevez-vous, législateurs, à cette sublime dignité qui convient aux
représentants d'un peuple qui a conquis sa liberté et que la mort ne
pourra lui ravir.
Exécutez votre décret du 14 janvier et faites sortir le glaive de la
responsabilité sur le premier fonctionnaire public, comme sur le
dernier. (Applaudissements.) Frappez, il est temps, ou nous voyons
l'Empire perdu. L'ennemi lève une tête altière, les accaparements se
multiplient surtout, les émissions de petites caisses sont sans
garantie ; le peuple paye tout plus cher que jamais. Les ministres vous
en imposent et les deniers publics sont pour acheter les armes et les
scélérats qui doivent, au même signal, former une attaque générale pour
mettre le peuple au désespoir et le forcer, par la famine, le fer et le
feu, à vivre en esclave ou de mourir d'inanition.
Législateurs, surveillez les Tuileries ; il existe plus d'un cardinal
de Lorraine; Montmédy n'a pu s'assoupir dans le sang des patriotes. Le
4 août est disparu et le 17 juillet reparaît sous différentes formes,
en attendant qu'il puisse être le signal d'un massacre général.
Législateurs, le réveil du lion n'est pas loin. Nous sommes prêts à
purger la terre des amis du roi et de le contraindre lui-même à ne plus
nous tromper. Nous voulons être libres, nous l'avons juré; des hommes
du 14 juillet ont renversé les bastilles et ne jurent pas en vain.
Rendez à cette cité nos braves gardes françaises, recevez nos piques et
notre dévouement pour faire respecter la volonté générale. C'est ce qui
peut sauver l'Empire et ce que des enfants de la patrie peuvent vous
offrir et déposer dans le sein des représentants d'un peuple souverain.
(Applaudissements.) »
Cette motion est reconnue favorable et
incorporé
au procès-verbal de l’Assemblée.
Source : Bib. de Stanford - Archives Parlementaires
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13 février : Louis XVI dans une lettre adressée à
l'Assemblée, il proteste contre les rumeurs de son départ
prochain. A Montlhéry, la population saccage les magasins des marchands
de grains. A Saint-Omer, la foule se rassemble et demande la libération
des prisonniers incarcérés depuis la fin décembre, ou des heurts
s’étaient déroulés, et l’ordre rétabli. Il ne sera pas possible de
disperser les foules, des bateaux et charrettes sont pillés, une
potence ornée d’un bonnet rouge, qui avait été montée pour faire pour
faire peur aux agitateurs est détruite.
14 février : A Dunkerque, les magasins du port sont pris d’assaut et
pillés. La municipalité fait appel à la force armée et proclame la loi
martiale : 14 tués et 60 blessés. L’émeute reprendra les jours suivants
et durera deux semaines, des navires bloqués seront déchargés et
redistribués, l’armée refusera d’intervenir, laissant faire. A Paris,
Robespierre démissionne de son poste d’accusateur public.
15 février : Au Maroc, Moulay Slimane, fils de Mohammed III devient
Sultan. Aux jacobins Robespierre explique la nature de ses fonctions
comme accusateur public au sein du Tribunal criminel du département de
Paris, le jour de son installation. « La loi confie à des citoyens
choisis, selon les formes qu'elle a déterminées, le soin de prononcer
si les citoyens accusés ont commis le crime qui est l'objet de
l'accusation ; c'est ce qu'on appelle le juré de jugement. Elle établit
un tribunal, composé d'un président et de plusieurs juges, pris
alternativement dans les tribunaux de district, pour appliquer la peine
que la loi prononce contre le crime dont l'accusé a été déclaré́
coupable par les jurés (…) L'accusateur public ne peut donner la
première impulsion à la justice. Ce sont les officiers de police qui
sont chargés de recevoir les dénonciations et de les porter au juré
d'accusation; ce n'est qu'après que ce juré a prononcé, que commence le
ministère de l'accusateur public. » En plus l’accusateur fait
office de procureur, et Robespierre défend âprement le rôle des jurés.
18 février : A Béthune, les soldats se révoltent et refusent d'obéir à
leurs gradés.
19 février : Les comptes publics ne sont pas brillants, le Trésor
National ne dispose en caisse que de 60 millions de livres dans ses
réserves.
20 février : A Metz, des citoyens juifs sont exclus de la garde
nationale. A l’Assemblée, une députation de la Commune de Marseille est
admise à la barre. Celle-ci dénonce les agissements
contre-révolutionnaires du directoire des Bouches-du-Rhône.
22 février : Aux Jacobins, depuis le 15 février, l’on a appris la
scission de la Société de Strasbourg, Robespierre présidant les séances
avait demandé de plus amples informations, les débats restent confus
malgré la réalité d’un départ politique, il est cherché plutôt
l’apaisement et d’avoir pour la presse des messages positifs.
Billaud-Varenne est chargé d’examiner les pièces. Autre sujet abordé et
pour la deuxième fois. Un décret pourrait interdire aux députés
d’appartenir à une Société. Selon François Chabot cette motion peut
l’emporter. Antoine Merlin de Thionville, député de la Moselle appelle
les membres à jurer qu’aucune mesure ne les fera abandonner le club et
trouve le soutien de Robespierre. A la fin de la journée, il est
demandé par M. Mandouze « un scrutin épuratoire des membres de la
Société », cette question est rejetée par le président et ses
membres.
23 février : A Beauvais, les troupes appellent à la raison la
population ne voulant pas laisser partir les convois de grains.
24 février : A la Législative un nouveau décret est pris contre les
fabricants de faux assignats. Aux Jacobins, Billaud-Varenne envoyé au
comité de correspondance pour prendre connaissance du dossier de
l'affaire de Strasbourg, découvre une circulaire du 15 non soumise à
l’approbation. Le 22 février, il avait protesté́ contre cet abus,
le sujet fut renvoyé à un autre jour. Il s'agissait d'une circulaire
sur la guerre peu objective. Le comité de correspondance dominé par
Brissot y défend qu’un seul point de vue : « le salut de la patrie
dé́pend d'une seule mesure, d'une mesure vigoureuse: c'est la guerre.
La nation la désire avec ardeur. Tous les esprits sont tendus vers
cette crise heureuse, et il ne s'agit plus que d'en préparer l'issue,
et de forcer la fortune à seconder la bonne cause ». Ce jour,
Robespierre contesta l’objet de la circulaire et elle fut différée pour
son envoi. Il sera demandé à cette instance des correspondances de se
justifier.
25 février : Paris, la municipalité sollicite de l'Assemblée des
secours pour les indigents (ou pauvres). Le sujet fut très présent dans
les débats de la chambre au début de l’année et dans le cadre de vote
de crédits supplémentaires à divers organismes publics, dont les
hôpitaux parisiens et les « Enfants-Trouvés ». Louis-Marie Prudhomme,
dans le numéro 137 des Révolution de Paris écrit au sujet du Carnaval :
« la Révolution nous a mis du plomb dans la tête. Depuis trois
ans,
nous ne sommes plus bouffons. »
26 février : A Aix est opéré le désarmement du régiment suisse d’Ernest
stationné dans la ville, par la garde nationale de Marseille. « Les
brigands de Marseille, qui ont pris Aix et outragé toute la nation
suisse, en désarmant avec ignominie un de ses régiments, qui auraient
peut-être fait subir à la ville d'Arles le sort de celle de Sarian
(Sarrians, commune du Vaucluse) si elle n’avait pas pris une
attitude
vraiment imposante, ces monstres n'ont pas encore reçu la plus légère
marque d'improbation de l' Assemblée, le régent Robespierre les a pris
sous sa toute puissante protection. » (Source : Galica-bnf, L’ami du Roi des Français, de l'ordre et surtout
de la vérité du 15
mars, page 3) A Paris, aux Jacobins, La discussion reprend sur la
circulaire du 15 février relative au sentiment de la Société sur la
question de la guerre. Sonthonax (du comité des correspondances), donne
connaissance du document en litige. Le tumulte se déchaîne quand il lit
cette phrase : « Le système de la guerre, est celui qui domine le
plus
dans la Société ». Robespierre veut prendre la parole, il est
suivi de Louvet.
Claude Bazire à la présidence, il appelle Robespierre,
soulevant de très fortes protestations. Il peut enfin
s'exprimer et souhaite un relévé analytique des points de vues pour ou
contre la guerre et de le transmettre aux Sociétés. Rien ne sera
finalement approuvé, ni sur la circulaire
du 15 février, ni sur la proposition de faire connaître les arguments
opposés. (Source : Les oeuvres
Complètes de Robespierre, tome VIII, PUF 1954)
27 février : Algérie, la ville d’Oran sous domination espagnole tombe
au profit de la Régence d’Alger (entité politique de l’époque et active
jusqu’en 1830 et la colonisation française). A l’Assemblée, le ministre
Cahier de Gerville fait un rapport sur les troubles intervenus depuis
le début de l’année dans le Toulousain notamment. La garde nationale de
Toulouse interviendra pour rétablir l'ordre. Il faut noter des
désordres sur les marchés, à Rieux les 9 et 11 janvier, à Portet et à
Cugnaux le 22 janvier, Bourg-Saint-Bernard les 3 et 16 février, à
Montjoire. (Selon Albert Mathiez)
28 février : Espagne, celui qui faisait office de Premier ministre
Floridablanca est démis de ses fonctions (de secrétaire d’Etat, équivalent à un Premier ministre) et
disparaît de la scène politique, il est remplacé par le comte d’Aranda,
plus sur une ligne « libérale » ou visant à donner une constitution au
royaume et à l'empire castillan. Celui-ci aura pour mission de renouer le
dialogue avec la France. Il faut noter que les deux hommes ont appartenu
à une loge maçonnique, pour souligner la disparité, marquant la
spécificité française et la non observance de règles communes ou
d’unité politique réelle des loges en Europe, ou au sein d’un même pays.
29 février : A la Législative, Georges Couthon, élu du Puy-de-Dôme,
propose d’abolir les droits féodaux,
déclarés rachetables par la Constituante, le sujet est ajourné par la
chambre. Les relations et ententes politiques entre Couthon et
Robespierre ne commenceront vraiment qu'à partir de novembre de cette
année.
III – Le mois de mars 1792
1er et 2 mars : A la Législative, une députation d’Avignon est entendue
sur les troubles ayant émaillé la cité. Le sujet sera traité de nouveau
le 3 mars par la Chambre et sur la situation du Comtat. Ce jour en
Autriche, c’est l’annonce du décès de l'empereur Léopold II, son
successeur est François II. La nouvelle mettra du temps avant de
parvenir en France, le lendemain Robespierre sur la question de la
guerre, le cite : « Mais pour cela il ne suffît pas d'aimer la
liberté, il
faut encore opposer la politique des amis de la liberté à celle de ses
perfides ennemis qui veulent l'anéantir. Je n'ai entendu parler ici que
de Léopold. et croit-on qu'il ne s'agisse que de lui; quoi, vous
croyez que Léopold déclare la guerre aux sociétés des amis de la
constitution! Léopold, je dis que c'est un instrument, le prête nom,
le valet d'une autre puissance, et cette puissance qu'elle est-elle? le
roi? non; les ministres? non ; les aristocrates de Coblence? non: tout
ce qui existe en France d'ennemis de l'égalité, d'ennemis de la
révolution, d'ennemis du peuple, voilà tous ceux qui déclarent la
guerre aux Jacobins, aux sociétés des amis de la constitution ; et
quand vous avez cette guerre à soutenir, il n'est point de la modestie
ou de la politique, de vous attribuer une dénonciation particulière. »
(Source : Les oeuvres complètes de Robespierre, tome VIII, PUF 1954).
3 mars : Essonne, tôt le matin des foules venues d’Etrechy et la Ferté
dénombrées à plusieurs centaines et armés d’outils des champs, de
sabres et quelques fusils se rendent à Etampes pour fixer un prix à la
vente du blé. Vers 10 heures du matin M. Simoneau cherche à calmer les
manifestants réunis sur la place du marché à Etampes demandant la
baisse des prix de la céréale : « gros marché de la Beauce, le
maire
Simoneau, un riche tanneur qui employait 60 ouvriers voulut résister à
la taxation. Quand il apprit que les paysans des communes
voisines approchaient, le matin du 3 mars, il requit le commandant d'un
détachement de 80 hommes du 18ème régiment de cavalerie et fit proclamer
la loi martiale. Il s'avança courageusement au-devant des paysans,
ceint de son écharpe. Mais les cavaliers l'abandonnèrent et il fut tué
de deux coups de fusil pendant que le procureur de la commune était
blessé à ses côtés.» (Source : Gallica-Bnf, Albert Mathiez, Mouvement social et vie
chère).
4 mars : Au club des Jacobins, un léger désaccord sur la forme va
opposer Danton et Robespierre sur un don fait par la famille royale aux
soldats de Château-Vieux pour 110 livres versées sur une somme d’un peu
plus de 1400 livres. Voici ce qu’en résume la société jacobine de Paris
et la presse : « M. Robespierre. Tout ceci ne regarde pas la
société, elle n'est que la dépositaire des sommes qu'on remet entre
ses mains. C'est aux infortuné́s de pourvoir par tous les moyens
possibles à leur soulagement, c'est à eux à recueillir les bienfaits
de l'humanité, nous ne sommes que dépositaires. Il y a quelque chose
de vrai et de généreux dans les observations de M. Danton, et ces
observations ne sont pas indignes de son patriotisme. Mais il y a plus
de raison de ne pas nous occuper de ces circonstances, nous devons nous
occuper des grands intérêts de la chose publique. Ce que la famille
royale fait comme individu, ne nous regarde pas. Si comme fonctionnaire
public elle fait du bien, nous la bénirons ; si elle ne le fait pas.
nous lui représenterons les droits du peuple et nous les défendrons
contre elle. » (Source : Gallica-Bnf, Journal des débats et correspondances, Société des Amis
de la
Constitution, n°154).
|
représentation
du jacobin
|
Dans la presse du jour « Le bataillon de la section des Tuileries a
remis avant-hier à la société́ des amis de la constitution la
somme de 1.450 et quelques livres pour les soldats de
Chateau-vieux. Dans cette somme, a dit le commandant du
bataillon, est compris le sacrifice de la liste civile. La famille
royale a bien voulu donner, pour ces malheureuses victimes, 110 livres.
Un cri unanime s'est élevé́ à cette annonce. M. Danton a voté pour
que ces 110 1ivres fussent rejettées. Sur les observations de M.
Robespierre, la somme a été reçue dans toute son intégrité́.» (Le
Courrier des 83 Départements, n°6, ex. courrier de Paris et
rédacteur Antoine Gorsas)
5 mars : Aux Jacobins, l’ordre du jour est sur les troubles du Midi. Le
jeune Charles Barbaroux, futur député girondin à la Convention apporte
des détails sur les événements intervenus à Marseille, Aix et Arles. Il
est présent à Paris comme mandataire de la ville de Marseille depuis
1791 et c’est un proche et fidèle de Madame Roland. Maximilien
Robespierre apporte son soutien : « Je déplore l'insurrection
partielle
à laquelle le peuple généreux de Marseille a été forcé. Mais j'abhorre
le despotisme perfide qui, depuis longtemps, entraîne les causes
funestes de ces dissensions. Je maudis l'aristocratie qui, depuis si
longtemps, sonne l'alarme et lève par tout l'empire, l'étendard de la
contre-révolution. Si, lorsque cette affaire sera portée à l'Assemblée
nationale, il existait un représentant assez lâche pour s'élever contre
les marseillais, je lui dirais : Infâme! Comment as-tu l'impudence de
trahir ainsi les droits du peuple qui t'a créé? Comment oses-tu
invoquer le nom sacré de la loi, toi qui n'élèves ici la voix que pour
l'anéantir et pour couvrir de ton égide les plus grands ennemis des
droits du peuple et de la liberté? » (Source : Interne aux Jacobins -
Journal
des débats et correspondances, N°155)
6 mars : A Paris, les citoyennes font appellent à des piques ou plus
largement de quoi armer les femmes « pour défendre la Constitution
» et
le pays. Pauline Léon, chocolatière, présente le 14 juillet à la
Bastille, remet ce jour à l’Assemblée une pétition signée par 315
femmes de la société fraternelle des Minimes. « Ne croyez surtout
pas,
que nous voulons abandonner les soins de nos familles et de notre
maison. Non, Messieurs! Nous voulons seulement nous défendre si, par la
ruse de nos ennemis ou par la trahison de quelques-uns des nôtres, la
victoire restait aux méchants! »
7 mars : En Autriche, le duc de Brunswick est désigné à la tête des
troupes impériales. A Paris, chez les Amis de la Constitution du
couvent Jacobins, Robespierre informe d’une lettre qu’il a reçu de
Bagnères-en-Bigorre sur la situation alarmante dans les Hautes
Pyrénées, et promet d’y revenir après réflexions.
8 mars : En Normandie, à Conches et ses environs depuis janvier févier
se sont formés des groupes puissants (plusieurs milliers de personnes
pour la région) et décident de fixer les prix des denrées qui sont
transportées ou vendues. Il est question d’aller à Evreux, ville
épiscopale, la révolte contre les prix chers engendre une
désorganisation du marché d’approvisionnement local et pas seulement.
Face à cette sédition des habitants, s'organise la mobilisation des
réservistes de
la garde nationale et permet en quelques jours de dissiper les
attroupements, provoquant à l’évêché d’Evreux un vent de panique, car
se croyant menacé. Il n’en sera rien.
9 mars : Le ministre de la guerre M. Narbonne nommé en décembre de
l’année précédente est remplacé par Pierre Marie de Grave, défavorable
à la guerre en raison de l’impréparation des troupes. Le roi par
ailleurs considère que ses ministres feuillants participent à sa ruine,
il va tenter ainsi de se rapprocher du parti Girondin et en particulier
de Dumouriez et Brissot, qui donne le là sur la nomination des futurs
ministres en compagnie de Pétion. Le monarque se range ainsi du côté de
la guerre. A l’Assemblée, M. Tartanac, élu du Gers présente un rapport
et un projet de décret, « sur les secours à accorder aux indigents
des
départements » débat ajourné à ce jour jusqu’au 12, et dont les
suites
donneront lieu à un nouveau rapport le 13 juin, en pleine crise de
régime.
Rapport de M. Tartanac, député du Gers
« Messieurs, La
municipalité de Paris vous a présenté une
pétition relative à un secours extraordinaire de 200.000 livres pour
sustenter la classe indigente du peuple, dont la rigueur de la saison,
en suspendant les travaux, a diminué les ressources et augmente les
besoins. Pénétrés d'une sollicitude toujours active en faveur de cette
classe la plus nombreuse et la plus intéressante, vous avez ordonné à
vos comités de l'ordinaire des finances et des secours publics de vous
faire un rapport qui embrassât les divers départements du royaume
dans la distribution des, fonds qu'ils ont droit d'attendre de la
bienfaisance nationale.
C'est pour obéir à votre décret, que vos
comités m'ont chargé de vous soumettre un projet de décret, précédé
d'un exposé succinct des motifs sur lesquels il repose. Je dois vous
faire part en même temps, qu'aux premiers jours du mois d'avril
prochain, votre comité des secours, jaloux de partager votre juste ,
espère vous offrir, sur la mendicité, une uniformité de vues et de
principes pour fixer l'intérêt des citoyens indigents d'une extrémité
de l'empire à l'autre: dès lors disparaîtront enfin de l'asile de la
liberté les pernicieux effets de l'arbitraire, dans lequel languit
encore cette partie importante de l’administration.
En reprenant
l'objet de ce rapport, il est essentiel de vous rappeler, Messieurs,
que la nécessité des secours que vient réclamer la municipalité de
Paris, a pour garant une population de cent mille pauvres que la
rigueur du temps a privés tout récemment du salaire de plusieurs
journées. Ce motif est trop puissant par lui-même pour qu'il soit
besoin de l'appuyer d'une infinité d'autres qui assurent également le
succès de cette pétition des magistrats du peuple. Le renvoi direct que
vous avez fait à vos comités de cette même pétition, les a dispensés
d'examiner si la graduation des pouvoirs constituée n'eût pas exigé
l'intermédiaire préalable du département de Paris. Il n'est donc pas de
difficulté capable de balancer la justice de ce secours, et de
l’appliquer, par le grand principe de l'égalité des droits, à tous les
départements du royaume, qui annoncent des besoins aussi urgents que la
municipalité de Paris.
Ce principe, incontestable aux yeux de la raison
et de l'humanité, ne trouvera certainement pas de contradicteur dans le
sein de cette assemblée, aussi me fais-je un devoir de porter votre
attention sans autre détour sur les deux résultats suivants. Ces
résultats consistent, 1° dans les moyens d'accélérer le versement des
secours que le corps constituant a affectés aux départements. 2°. dans
le mode de répartition d'une partie des secours que vous-même avez
décrétés ».
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10 et 11 mars : Le ministre des Affaires étrangères Valdec de Lessart
est mis en accusation par les brissotins de la chambre, pour n'avoir pas
prévenu l'Assemblée nationale des préparatifs du Saint-Empire Germanique (Autriche, Hongrie et Principautés d’Allemagne, et
la "Belgique" ou Pays-Bas autrichien). Il était un partisan de la paix. Le même jour le ministre
de l’intérieur, M. Cahier donne sa démission, il est suivi le lendemain
par celui de la Marine, Bertrand de Molleville.
13 mars : La Corse a pour chef-lieu du département la ville de Corte et
Ajaccio s’attribue le siège de l’évêché, le tout est sanctionné par
un décret de l’Assemblée.
14 mars : Aux Jacobins, l’affaire d’Avignon des massacres de la
Glacière de novembre 1791 est à l’ordre du jour, des arrestations dans
Avignon furent opérées au sein des anti-monarchistes locaux. On se
presse à la tribune et Collot-d’Herbois donne de nouveaux éléments.
Lors de nombreuses séances de la chambre des députés, le sujet revint
en débat. Il s'agissait de savoir si l'amnistie votée sous la
Constituante concernait à cette date les deux districts d'Avignon et de
Carpentras. Dans son intervention Robespierre ne souhaite pas
faire porter la responsabilité aux prisonniers qui sont à ses yeux
d’authentiques patriotes entraînés dans une histoire de haines
familiales des deux bords. Il ne cache pas en début d’intervention la
nature horrible et sanglante des violences, il termine par : « Patriotes
de l’Assemblée nationale, ordonnez que ces Avignonnais
soient traités non comme des coupables mais comme des patriotes
opprimés ; car en agissant autrement vous affaibliriez l'esprit
public, vous faites une injustice à l'innocence, un outrage à la
vertu en paraissant la protéger.»
15 mars : Charles François Dumouriez est nommé ministre aux
Relations extérieures. Il est difficile de le classer, s’il est le plus
souvent rangé dans le camp des girondins, il est un acteur et une
sensibilité à lui seul, qui va s’avérer être d’un grand opportunisme.
C’est à 3 heures du matin que la décision fut prise au sein du Conseil
du roi, pendant ce temps Dumouriez soupait avec Condorcet et Brissot.
En cette année, il sera glouton en poste et fonction et une des causes
des querelles entre Montagnard et Girondins. Ses ardeurs et certaines
fausses prouesses militaires vont lui donner un temps une importante
autorité auprès de la population. Ami de Gensonné, il aurait assuré à
la cour l’appui des élus girondins. Le même jour est nommé Jean de
Lacoste comme ministre de la Marine. Il était jusqu’alors commissaire
du roi pour les « îles du Vent » (petites Antilles). Il a laissé pour
ouvrage : Mémoire pour le citoyen Lacoste
où il justifie ses
différentes fonctions en France et dans les colonies américaines.
(Source Gallica-Bnf, année 1792)
16
mars : A Paris, le comte Henri du Verger de la Rochejaquelein
rejoint la « garde constitutionnelle » (1.800 hommes), en charge de la
protection de Louis XVI. Il sera un des généraux de l’Armée Vendéenne,
puis son généralissime les années suivantes. Au Danemark, le prince
héritier Christian VII (1766-1808) promulgue un édit d'abolition
de la traite négrière sur dix années, dans le cadre de la régence qu'il
exerce en raison des problèmes mentaux de son père Frédérik VI.
Toutefois, la décision n'aura pas vraiment d'effet et l'esclavage devra
attendre l'année 1847 pour qu'il y soit mis un terme définitif dans sa
possession de Saint-Barthélemy aux Antilles.
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17 mars : A la Législative, Antoine-Joseph Dorsch, vicaire général de Strasbourg, présente un « projet d’établissement de collèges pour l’instruction des maîtres d’école, dans chaque département du royaume. » Il s'est inspiré du modèle allemand dont il est originaire de la Hesse, et c'est le
premier projet a proposé la création d’établissements départementaux
pour la formation des maîtres. (Source : Procès verbaux du Comité d’Instruction publique de l’Assemblée législative, Imprimerie nationale, 1899, p. 148-151).
19 mars : En Espagne, à Cadix est promulguée la Constitution politique de la monarchie espagnole (Source : Gallica-Bnf, Traduction des éditions Didot – 1814). A l’Assemblée il est décrété que les crimes commis dans le Comtat et la
ville d’Avignon commis à l’époque du 8 novembre 1791 sont amnistiés.
Aux Jacobins, Dumouriez fraîchement ministre se rend sur place et prend
la parole. Le président de séance enthousiasmé par sa présence le
désigne comme membre des Jacobins, MM. Collot-d’Herbois et Legendre
désapprouvent sur la forme cette adhésion. Il se tient à la tribune,
orné d’un bonnet phrygien, comme il est de rigueur depuis peu aux
séances de le porter et de se conformer ou singer le mouvement
populaire. Robespierre refusa l’artifice n’aimant pas l’aspect
débraillé de la chose et Piéton y voyait un danger dans ce qu’il nomme
une « mode ». Néanmoins, Robespierre au cours de cette séance témoigne
chaleureusement sa présence au ministre en lui faisant une accolade et
ils reçoivent les vifs applaudissements des membres présents. Mais il
précise les conditions dans son intervention « Je déclare à M.
Dumouriez (écrit Dumourier dans le texte initiale et la presse), qu'il
ne trouvera aucun ennemi parmi les membres de cette société, mais bien
des appuis et des défenseurs aussi longtemps que par des preuves
éclatantes de patriotisme, et surtout par des services réels rendus au
peuple et à la patrie, il prouvera comme il l'a annoncé par des
pronostics heureux, qu'il était le frère des bons citoyens et le
défenseur zélé du peuple. »
20 mars : La Législative à la suite du rapport présenté par le
secrétaire perpétuel de l'Académie de chirurgie, M. Antoine Louis
adopte la « décollation mécanique » comme le seul moyen d’exécution et
« sans douleur ». Ce ponte de l’Académie de médecine est le créateur de
la lame en biseau, c’est en raison de ses connaissances chirurgicales,
et d’être le plus grand spécialiste de son domaine, que l’échafaud
portera un temps court le nom de « Louison ou Louisette ». C’est avec
M. Guillotin, son inspirateur, qu’il a conçu l’engin et que finalement
le nom sera attribué à ce dernier. Il est voté un budget pour la
construction de l’engin de mort. Le décret relatif « au mode
d’exécution à la peine de mort » sera pris le 25. Il ne sera jamais
publié dans aucun texte la mention du nom de l’échafaud sous son
appellation commune de guillotine.
21 mars : Aux Jacobins, la lecture d’un document relatif, à la
situation interne et externe de la France est renvoyé à plus tard à la
demande de Robespierre qui souhaite faire à ce sujet une intervention.
22
mars : A la Législative, Claude Chappe présente sa dernière
invention le logographe optique, qu’il nomme Tachygraphe, plus
communément nommé télégraphe. Il sera le créateur de la première
entreprise de communication sur longue distance dans le monde. L’examen
du logographe est confié au comité d’instruction publique. L’inventeur
avait fait ses premiers essais dans la Sarthe un an auparavant sur 14
kilomètres. Puis, Chappe viendra s’installer en juin 1791 à Paris,
deviendra élu
et prêtera serment devant la nouvelle chambre en octobre. Marseille,
c'est le départ de gardes nationaux de la ville vers Arles (arrivée le
29 mars).
23 mars : Le roi fait appel à deux nouveaux ministres girondins :
Jean-Marie Roland de la Platière est désigné à l’Intérieur et aux
cultes et Garde des sceaux (jusqu’au 14 avril), et Etienne Clavière,
genevois de naissance, aux Contributions et aux Revenus Publics (sic).
Le seul à conserver son portefeuille à la guerre au sein du remaniement
ministériel, est Pierre Marie de Grave. Il sera maintenu à ses
fonctions jusqu’en mai. Ce cabinet presque exclusivement girondin est
le fait de Brissot, il reste un proche de Lafayette selon Albert
Mathiez. Dans son journal les Révolutions de Paris, Prud’homme consacre
dans son hebdomadaire une critique du remaniement et reprend les
nouveaux ministres au fil de leurs déclarations, et chacun en prend
pour son grade, dont le roi, la cour et les anciens ministres et les
portefeuilles feuillants toujours en place. Il porte à l’égard de MM.
Clavière et Roland quelques piques et précise avec une certaine
justesse, ce que peut signifier la place d’un ministre nommé et celle
d’une assemblée élue, c’est-à-dire une analyse de la constitution
plutôt juste sur les rôles et fonctions de chacun et remet en cause
l’hérédité royale. Il importe de préciser que Robespierre au sujet des
ministres parlera de jacobins et non de girondins, petite précision
utile quant à la nature des camps officiellement en présence.
Discours
de M. Roland de la Platière, ministre de l’Intérieur et des cultes
|
« Nous
venons rendre hommage à la nation dans la personne de ses
représentants, et renouveler devant eux le serment de lui être à jamais
fidèle. Les minières du roi ne sont et ne doivent être que les
ministres de la constitution, par laquelle le roi règne et les
ministres existent. Le régime de la liberté fait monter à des places
éminentes des hommes qui ne pouvaient les désirer ni les attendre, et
qui font prêts à le quitter s'ils ne peuvent y faire le bien pour
lequel ils sont appelés. Simple citoyen, il y a peu de jours, chargé
aujourd'hui de fonctions honorables et pénibles , je les remplirai avec
calme et courage, parce que l'étendue des devoirs n'effraie que les
âmes petites et froides, indignes d’avoir une patrie, ou les ambitieux
qui craignent de redescendre. Un gouvernement bien organisé exige
des agents du pouvoir plus de caractère que d'esprit, et moins de
talents que de vertus ; nous devons cette confiance à la nation, et nos
ennemis éprouveront qu'il est aussi impossible de tromper longtemps des
hommes libres que de les vaincre. La déclaration des droits dans le
cœur, et la constitution à la main, je me dévoue sans réserve à la
liberté, à mon pays. Si je ne puis les servir, si je m'égare ou suis
trompé, je retournerai sans honte dans le silence de ma retraite, car
je n'aurai du moins jamais trahi ma confiance. Mais l'union des
ministres entre eux pour le maintien des lois constitutionnelles, et
leur concert avec l'Assemblée nationale, doivent être le triomphe de la
révolution en même temps qu'ils feront le gage de la tranquillité
publique et du bonheur du roi. »
|
Les prises de fonctions ministérielles jusqu’en août vont tourner
rapidement ou laisser place à trois nouvelles équipes, les 2 derniers
cabinets ou Conseil du roi seront de nouveaux et principalement aux
mains
des Feuillants. Dans la capitale, Francisco de Miranda
arrivant de
Grande-Bretagne s’installe et noue des contacts dans les milieux
« républicains ». A l’Assemblée, il est pris un décret relatif à l’envoi
de troupes et deux pièces d’artillerie pour la ville d’Etampes et
pareillement pour le département de Seine et Oise avec quatre canons et
équipages.
24 mars : A l’Assemblée, l’on examine article par article toute la
journée avec M. Gensonné comme rapporteur les mesures à prendre pour la
Guadeloupe, la Martinique et Saint-Domingue notamment, l’envoi de sept
nouveaux commissaires est la décision la plus forte car elle vise un
rétablissement de l’ordre, par l’établissement d’une reconnaissance des
« gens de couleurs libres » (métis et noirs affranchis, qui
peuvent
être aussi des petits planteurs et disposer d’esclaves). Mais la chambre
ne reconnaît toujours pas de droits pour tous et en particulier pour
les mis aux chaînes et aux travaux forcés des colonies. De plus la
traversée et la
préparation du départ nécessitera quelques mois avant que les nouvelles
autorités ne parviennent à destination. Les populations affranchies
prendront entre temps le parti des hommes et femmes se révoltant contre
les planteurs et les pouvoirs locaux.
Voici le contenu des trois
premiers articles, la suite donnant tous pouvoirs ou presque aux
commissaires du royaume :
Article 1er.
« Immédiatement après la publication du présent
décret,
il sera procédé dans chacune des colonies françaises, des îles du Vent
et sous le Vent, à la réélection des assemblées coloniales et des
municipalités, dans les formes prescrites par le décret du 8 mars 1790,
et l'instruction de l'Assemblée nationale du 28 du même mois.»
Article 2.
« Les hommes de couleur et nègres libres seront
admis à
voter dans toutes les assemblées primaires et électorales, et seront
éligibles à toutes les places lorsqu'ils réuniront d'ailleurs les
conditions prescrites par l'article 4 de l'instruction du 28 mars.»
Article 3.
« Il sera nommé des commissaires civils, au
nombre de trois
pour la colonie de Saint-Domingue, et de quatre pour les îles (« du
Vent ») de la Martinique, de la Guadeloupe, de Sainte-Lucie et de
Tabago». (...)
Le décret complet et définitif sera approuvé par l’Assemblée le 28 mars
et par le roi le 4 avril et contresigné du ministre de l’intérieur, M.
Roland.
25 mars : L’Autriche se voit adresser un ultimatum, il lui est demandé
de prendre des mesures contre les émigrés et de mettre fin à tout
préparatif militaire hostile. Dans la capitale Melle Théroigne de Méricourt prononce un discours devant la Société fraternelle des minimes, et présente un drapeau aux citoyennes du faubourg St. Antoine (ci-dessous).
Discours de Melle Théroigne
à
la Société des Minimes
Portrait de Jean Fouquet (1792)
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« Françaises, je vous le répète encore, élévons-nous à la hauteur de nos destinées ; brisons nos fers ; il est temps enfin que les Femmes sortent de leur honteuse nullité, où l'ignorance, l'orgueil, et l’injustice des hommes les tiennent asservies depuis si longtemps ;
replaçons-nous au temps où nos Mères les Gauloises et les fières
Germaines délibéraient dans les Assemblées publiques, combattaient à
côté de leurs Époux pour repousser les ennemis de la Liberté.
Françaises,
le même sang coule toujours dans nos veines ; ce que nous avons fait à
Beauvais et à Versailles, les 5 et 6 octobre, et dans plusieurs autres
circonstances importantes et décisives, prouve que nous ne sommes pas
étrangères aux sentiments magnanimes. Reprenons donc notre énergie ;
car si nous voulons conserver notre Liberté, il faut que nous nous
préparions à faire les choses les plus sublimes. Dans le moment actuel,
à cause de la corruption des mœurs, elles nous paraîtront
extraordinaires, peut-être même impossibles ; mais bientôt par l’effet des progrès de l’esprit public et des lumières, elles ne seront plus pour nous que simples et faciles.
Citoyennes,
pourquoi n'entrerions-nous pas en concurrence avec les hommes. ( ?)
Prétendent-ils eux seuls avoir des droits à la gloire ; non, non... Et
s nous aussi nous voulons mériter une couronne civique, et briguer
l'honneur de mourir pour une liberté qui nous est peut-être plus chère
qu'à eux, puisque les effets du despotisme s’appesantissaient encore
plus durement sur nos têtes que sur les leurs.
Oui...
généreuses Citoyennes, vous Toutes qui m'entendez, aimons-nous, allons
nous exercer deux ou trois fois par semaine aux Champs-Elysées, ou au
Champ de la Fédération ; ouvrons une liste d'Amazones Françaises
; et que toutes celles qui aiment véritablement leur Patrie viennent
s'y inscrire ; nous nous réunirons ensuite pour nous concerter sur les
moyens d'organiser un Bataillon à l'instar de celui des élevés de la
Patrie, des Vieillards ou du Bataillon sacré de Thèbes. En finissant, qu'il me soit permis d'offrir un étendard tricolore aux Citoyennes du faubourg Saint-Antoine.
Nota. La première Assemblée se tiendra le lundi 2 avril à 5 heures du soir à la Société des Minimes, Place Royale. »
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26 mars : A Paris, la reine transmet secrètement à M. Mercy-Argenteau,
diplomate et agent de l’Empereur d’Autriche, le plan d’opération des
armées françaises. Aux Jacobins, avec l’évêque assermenté M. Gobel
comme président des séances, c’est houleux et rien ne sortira comme
décision véritable de cette journée, sauf à nourrir la presse
contre-révolutionnaire. Robespierre intervient sur « les circonstances
actuelles », un projet de circulaire qu’il abandonnera, il se voit
coupé régulièrement par Guadet (Brissotin). Voilà ce que la presse
royaliste relate et résume avec un humour tranchant : « M.
Robespierrot est entièrement dépopularisé. II a eu l'audace de dire en
pleine jacobinière, qu'il croyait à l'existence d'un dieu. Le tumulte a
été effroyable ; les voûtes en ont retenti M. Gobe-mouche bonnet rouge,
intrus de Paris, a juré de ne lui pardonner jamais. » (Source : Gallica-Bnf, Journal général de la Cour et de la Ville, n°37)
28 mars : Aux Jacobins, l’ordre du jour et les débats donne lieu à une
assez grande confusion sur les bustes de Bailly et Lafayette, héritage
de l’ancienne municipalité et autres sujets conflictuels parsèment la
journée. Robespierre finira par ces mots : « Laissons tranquille et
Louis et sa famille, ne donnons pas à nos ennemis le moindre prétexte
de s'écrier bêtement que nous n'aimons pas la royauté ; notre
constitution nous donne un roi, nous sommes les amis de la
constitution, et de la liberté qu'elle nous assure ».
29
mars : Gustave III de Suède décède dans son palais de Stockholm des
suites d’une tentative d’assassinat par un ultra de sa noblesse
(intervenue le 16 du mois). Il s’apprêtait à entrer en conflit avec la
France, débute une régence et le règne du jeune Gustave IV. A la
Législative, il est voté la construction d’un monument à la gloire du
maire d’Etampes, M. Simonneau (tué par la foule début mars) et attribue
une pension à sa veuve, qui le lendemain adresse des remerciements. Le
surlendemain une épitaphe sera rajoutée sur une plaque de pierre
taillée et extraite de son texte et apposée sur la stèle, avec
l’approbation des députés.
30 mars : Robespierre
adresse une lettre à Antoine Gorsas (journaliste
et futur député girondin) concernant des attaques sous anonymat dans le
Courrier des 83 Départements du 28/03 (ex. Courrier de Paris créé en
juillet 1789), s’enclenche une polémique entre les deux hommes. Ernest
Hamel apologiste de Robespierre considérait que nul homme avant lui
n’avait été dans l’histoire autant l’objet de mensonge et de calomnie.
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Représentation
de Madame Sans-Culotte
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Samedi 31 mars : A la Législative sont
pris deux décrets, l’un concerne le
remboursement d’une dette de 25 millions de livres et l’autre
concernant les moyens de réprimer les troubles dans le département du
Cantal.
à suivre...
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