Cliquez ci-dessus pour revenir à la page d'accueil

Sommaire de la page,

1 - L’année 1791, le verrouillage de l’expression citoyenne

2- Chronologie de janvier à la fin juin 1791, et sources complémentaires - & Adrien Lamourette, un évêque dans la révolution (vidéo)

3 - De la République - Un roi est-il nécessaire à la conservation de la liberté? Nicolas de Condorcet

4 - Sur la fuite du roi, M. Robespierre


Page précédente

Page suivante

0
L’année 1791, première partie

 

Translation de Mirabeau au Panthéon : Aux grands hommes la patrie reconnaissante.
Le verrouillage de l’expression citoyenne
Cette concurrence qui existait entre MM. Lafayette et Mirabeau, allait en cette année disparaître avec la disparition de ce dernier. Le commandant des Gardes nationales devenait l’homme fort du régime. Lafayette n’étant pas aussi malléable que Mirabeau, qui fut perçu comme un empêcheur de tourner en rond par les ultras monarchistes et le couple royal. Mottié comme le nommait Marat et d’autres, s’attirera au final les colères populaires. J’ai probablement été un peu injuste à son sujet en écrivant que le comte de Mirabeau avait été l’homme de la première révolution, sans la participation et les pouvoirs étendus de Lafayette, le verbe de Mirabeau n’aurait pu suffire.

Dans le cas du Marquis et commandant-général, non seulement il fut indépendant sur le plan financier, et de fait, l’incorruptible de cette première séquence révolutionnaire. Mais en plus, il avait derrière lui les milices bourgeoises, et de nombreuses communes. Les relations entre ce dernier et Louis XVI avaient pris une tournure dès l’origine assez cocasse. Lafayette parti sans accord combattre pour l’indépendance des Etats-Unis, à son retour, il avait été reçu à Versailles et avait écopé pour récompense de ses exploits un petit séjour en prison après son audition à la Cour. La marque du suzerain à son vassal fut de sanctionner la désobéissance, par la suite cette défiance du pouvoir royal allait devenir un inversement des rôles.

Le chef des gardes nationales parisiennes devenait ainsi le maître des règles et évita les escapades royales, sauf celle de Varennes (qui a été l’œuvre de Bouillé, le massacreur de Nancy), et le marquis s'affirma comme l’irritation première de la famille Capet (surnom qui va naître sous la plume de Marat au mois de juin). Pour cause, ils durent faire face à une surveillance permanente, et même se virent dans l'obligation de le solliciter pour se déplacer hors de la capitale. Ce qui allait possiblement pousser Louis XVI à jouer « l’empereur de Chine » et rester impassible devant tout, tout en manœuvrant avec Mirabeau. Qui le prenait pour un grand mollasson, mais sans comprendre sa stratégie. A part le ministre de l’intérieur, de Montmorin, le gouvernement n’était plus totalement à sa dévotion, et l’année 1791 marqua de nouvelles vagues d’émigrations et pressions à l’exil sur la noblesse. A Paris, ça allait chauffer, du moins le contenu était explosif et les attentes non satisfaites, ce qui allait prendre une tournure d’opposition au sein même des Jacobins (ou Les Amis de la Constitution) et entraîner la création du club des Feuillants (monarchistes constitutionnels).

La loi la plus marquante de l’année fut celle de M. Le Chapelier, et cette législation trouvait sa préfiguration dans trois décrets du nom d’un certain Pierre d’Allarde, député de la Nièvre ou du bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier. La fin de l’année 1791 marqua la fin de l’Assemblée Constituante et une nouvelle législature, c’est-à-dire l'élection de nouveaux députés en septembre au sein de la Législative. Plusieurs textes importants se virent finalisés, comme le code pénal et les bases du système d’une nouvelle d’une justice criminelle, qui allait encore connaître d'autres évolutions. L’on vit aussi en mars la naissance à Orléans de la Haute Cour de Justice, traitant des crimes contre l’Etat.

Le texte qui posa le plus de problème et allait à contre-sens d’une démocratie affermie a été la fameuse loi Le Chapelier proscrivant toute réformation des corporations. Et elle avait été en partie établie par les décrets de M. d’Allarde dès mars, sauf en province dans un premier temps. Ce qui avait pu être conquis de haute lutte se voyait peu à peu rogner et donnait au nouveau pouvoir une volonté d’en découdre avec tout ce qui pouvait s’apparenter à des contestations légitimes. L’idée ou la notion de concertation fut plus qu’absente. Ce fut au sein de la corporation des charpentiers de Paris, qu’ouvriers et artisans s’opposèrent le plus aux décrets et à la loi le Chapelier. Ce texte mettait en cause des décennies de pratiques corporatistes, difficile d'y voir une voie consensuelle. La manière d’opérer a été brutale et mal ressentie au sein de la population parisienne, et c’était à son adresse en vue de l'affaiblir que ce système fut organisé.

Cette reprise en main a été manifeste, à l’exemple des modifications apportées au cours de l’année au droit de pétition. Ce type d'expression populaire se vit, peu à peu, limiter à peau de chagrin et participa des émeutes dans Paris ou ailleurs. Les oppositions jacobines et du club des Cordeliers se traduisirent par des poursuites ou emprisonnement des responsables. Le climat de tension resta extrême et le si peu de confiance qu’il restait dans le roi s’effondrer. L’événement de l’année était la fuite de Varennes. S’il n’était pas le fruit moins de trois semaines plus tard d’une fusillade au champ-de-Mars, qui rassembla au dire de Marat 50.000 personnes.

Au discrédit, la rage montait et toutes les « prophéties » les plus sombres de L’Ami du Peuple se réaliser. L’on commença à parler de la République, mais ce n’était pas encore une chose partagée. De plus, le duc d’Orléans renonçait à la régence et intégrait le club des Jacobins en juin en pleine escapade royale. Difficile de ne pas s’interroger sur ce micro événement? Soit un début de formation des "Girondins", mais attention à ce stade, à part la scission des Feuillants proches de Lafayette, le centre nerveux de la révolution trouvait place dans les clubs Jacobins et les sociétés populaires du pays, où la petite bourgeoisie artisanale et commerçante représentaient une de ses bases fortes.

Nos « anarchistes » comme il a été déclamé à tour de bras à l’Assemblée et dans la presse monarchiste, ne furent que des braves « bourgeois », les plus en lien avec la masse ouvrière qui passait presque pour transparente. La fermeture du chantier de la Bastille, lui mettait fin aux travaux et au besoin de répondre à la demande de bras, et au passage des hommes et des femmes (un millier) acceptèrent moitié moins qu’un salaire ouvrier. Une sorte de contrat précaire mal payé, qui ne répondait pas au besoin des masses laborieuses. Plus l’échec de la monnaie, il était difficile de ne pas voir que le ciel se couvrait, surtout que la fin de l’année s’acheva sur une menace de guerre avec l’Autriche, la Prusse, et Gustave III de Suède se proposait d'en prendre la tête. Les dangers contre la Nation se précisait, et être l’objet des premières frictions entre deux lignes chez les Jacobins, entre les tenants de la guerre pour des raisons financières. Et les tenants de la paix, qui au final opéreront la riposte et la mobilisation armée l’année suivante.

Si le début de l’année 1791 fut la continuation de l’année précédente, avec le 20 juin et le départ fugitif de Louis XVI et de ses proches, l’été en devint socialement brûlant. Ce qui allait s’ensuivre prendre peu à peu prendre une nouvelle tournure politique. Se dessina surtout des mésalliances originelles entre ceux qui allaient composer la prochaine assemblée en 1792 avec les élus de la Montagne et les Girondins, ceci dès la fin de l’année et sur la question de la guerre. Mais il faut souligner que ni un camp, ni l’autre n'a été uniforme, et l’on peut parler d’au moins 3 ou 4 composantes de chaque part. Seul point commun et qui
l’an prochain allait rassembler les forces fut la question républicaine, mais cela était encore marginal. Pour le camp monarchiste et constitutionnaliste, Mirabeau disparu et composant à lui seul un courant, émergeait et pour peu de temps l’aile la plus conservatrice avec les Feuillants. Le fait d’une scission au sein des Jacobins intervenue le 18 juillet après la fusillade du champ-de-Mars.

Il faudrait pouvoir analyser les élections de septembre, s’il s’en était dégagé une majorité précise et fiable des opinions. Le groupe le plus important étant les élus dit feuillants ; ils représentaient environ 35% des nouveaux députés, et les girondins se situant à gauche environ 20% des parlementaires et plus de 40% de non affiliés : les élus du « Marais » (ou de la Plaine, terme utilisé à partir de 1792). Pour la participation, elle fut en forte baisse et à Paris, à peine 10% des électeurs actifs firent leur devoir électoral.
Également le nombre de représentants passait à 745 en un seul ordre de citoyens actifs (les seuls pouvant se présenter aux électeurs). Au lieu de 1.200 et la fin des trois ordres, et les élus qui avaient siègés à la Constituante ne purent se représenter (un amendement proposé par Maximilien Robespierre et approuvé empêcha tous les élus des États-généraux de se représenter).

La chronologie, si elle est une base, elle est aussi un exercice de compréhension des évolutions, les choix de certaines chronologies détaillées sont très subjectifs. Le vocabulaire employé peut dénoter les inflexions politiques et il n’est pas évident d’en sortir une parfaite synthèse. Qui, que, quoi, privilégié? Nous avons cherché à lui donner plusieurs clefs, car n’étant pas seulement le reflet de Paris et de son Assemblée nationale, mais de faits non négligeables et se produisant dans le pays ou à l’étranger. Toutefois, nous restons et nous sommes à la surface des choses, et l’on peut se rendre compte facilement que ce ne sont que des parcelles de vérité, et pouvant avoir des interactions diverses.

La chronologie n’est pas si lointaine du scénario, c'est-à-dire une suite de scènes, avec l’entrée ou la sortie de tel ou tel personnage, et l’arrivée d’un événement à coup sûr. La question de l’interprétation a fait émerger certaines figures plus que d’autres, l'objet étant de ne pas reproduire les projections du passé et d’apporter des compléments d’époque crédibles. La raison est le plus souvent dans l’antériorité des faits et la chronologie permet de mettre en avant ce qui a pu marquer les esprits, mais elle occulte tous les à côtés, et de l’impossibilité au jour le jour de tout mentionner.

Il n'existe pas de préférence véritable à afficher et encore moins de jugement à porter, il s’agit d’une mise à plat de diverses sources parfois contradictoires. Tel fait prendre plus de place et un autre se voit synthétiser au plus court, l’équilibre parfait n’existe pas. Face à cela et la masse d’information, il a été tenté ce qui restera une construction chronologique. Quand on prend conscience, qu’il est possible de prendre quelques journées et de déboucher sur des semaines de recherche et un ouvrage à la clef, on apprend à mesurer une certaine forme d’impuissance à vouloir tout cerner, tant la matière est riche. Rien que pour une année, comme 1791 et en faire une synthèse représente un exercice périlleux. Le premier consisterait à ne pas s’appuyer que sur une seule information, et ne pas chercher d'autres confirmations pourtant nécessaires. Il vaut mieux tout vérifier, et confirmer la nature des faits et les contributeurs qui sont en jeu.

L’objet au demeurant est de comprendre comment on bascule d’une royauté modernisée ou d’un état monarchique à un système nouveau et se référant, ni au divin ou à un ordre intemporel, ni à un système de reproduction familial et sur un mode autoritaire? A noter que la république comme structure politique n’était pas une réalité politique nouvelle et l’on trouvait en Europe diverses villes ou états s’en réclamant, mais pas à la dimension et à ce niveau de population. La France était le pays le plus peuplé d’Europe, et cette espérance en un pouvoir sans monarque, si elle commençait à faire jour au sein du petit peuple parisien et dans l’esprit de quelques avant-gardistes, ce n’était pour la plus grande majorité qu'une abstraction, où l’idée d’un changement, qui n’était pas encore arrivé à son terme.

Louis XVI, lui-même, en précipita le mouvement et devenir le chef de ligne d’un complot manifeste. Du moins d’un abandon de poste maquillé, quand son auguste personne ne souhaita que mener la guerre à son propre peuple et remettre au pas la nation libérée de son joug. Louis Capet a su très bien jouer les mous, et néanmoins prendre la poudre d’escampette, d’où la raison de se méfier des portraits psychologiques. L’apparence est souvent gage d’erreur… Et tirer des portraits psychologiques sur la base d'écrits, ça ne fonctionne pas.

Louis Auguste tenait à son pouvoir perdu et à tout tenter pour le récupérer. La thèse du roi mollasson laisse perplexe et semble fausse à bien des égards. Il fut très réactif en coulisse et épaulée par son épouse ou par son entourage.  Et puis, il ne fut pas le seul à Paris à vouloir retourner à l’absolutisme, ils furent nombreux à grenouiller, à espionner, à agiter des rumeurs, et passer souvent leur temps à pleurnicher dans la presse monarchiste sur la liberté d’un tyran doublé d’un traître à sa propre patrie. Et cela a pu être apprécié très diversement d’une région à une autre, où la question de la répression et de la mise au pas des religieux allait être un ferment de la division (la loi des 3 C, ou de la Constitution du clergé civil), et de la guerre civile qui se préfigurait. Il y a de quoi être étonné par le pressentiment de quelques auteurs, d'autant plus si l’on fait le lien avec l'amplification de la crise économique avec les dévaluations de la monnaie.

Cependant l’activité de la presse et pas seulement sous forme de journaux allait tenir un rôle crucial, à l’exemple des gravures qui existait dans au moins la moitié des foyers parisiens. En cette année 1791 on vit l’apparition du couple Capet représenté sous la forme d’animaux. Les images eurent aussi une place dans la propagation du rejet du monarque et chez les plus nombreux, les non-lettrés. On peut supposer qu’il y avait là des sujets de conversation, ou de quoi représenter une expression de l’actualité dans le quotidien. Pareillement les murs étaient couverts d’affiches et se trouvaient commentés d’un quartier à un autre. Il n’exista pas un seul point de vue au sein des sections parisiennes, sans parler des clubs ou sociétés, cette ville fut une véritable ruche d'opinions contraires et contradictoires.

Prenons par exemple et revenons à cette fameuse loi du 14 juin d’Isaach Le Chapelier (portrait ci-contre), député de Rennes, cette injonction faussement libérale à la libre concurrence et à l’individualisme trouve encore de nos jours des défenseurs dans les milieux patronaux. Dès 1791 et les décrets d’Allarde, cette loi provoqua de nombreuses réactions hostiles et sur un échiquier politique large (allant de la gauche aux droites extrêmes). Et si vous êtes en quête d’information sur le net sur la défense de l’ancien régime, la propagande y est très unidimensionnelle. Au premier examen, l’on peut être tenté d’y voir un mal, pour un bien. Sur la nature ossifiée et corporatiste de la France du XVIIIe siècle, elle peut se comprendre. Mais dans son application, elle faisait sauter certains rapports anthropologiques et bloqua en juin toute forme d’organisation collective du travail avec le député Le Chapelier, il fallut attendre près d’un siècle pour connaître son abolition et l'existence de syndicats professionnels.


Il en resta que les salaires ouvriers se voyaient de fait compressés et engageait l’impossibilité de faire association, ce qui n’avait rien de vraiment libéral, au premier sens du terme, comme liberté acquise. Elle fut une loi purement économique et pas vraiment au service de l’intérêt collectif ou général. Cette loi ne fut point équilibrée et sa vision étriquée allait la rendre très impopulaire. Elle entra en vigueur au cours de l’année 1791 dans tous ces petits reculs significatifs, ou faute de démocratie. On trancha dans le vif et au final, les plus pauvres restaient oppressés, et l'on faisait sauter au passage un artisanat centré sur le qualitatif. Cette rupture n'a pas été insignifiante dans la relation à l’objet et dans les modes de production. Sur le plan social, à Paris, cette loi souda artisans et ouvriers, ce qui était un paradoxe et engageait la naissance en France du dit libéralisme économique.
Dans l’article 1er, nous voyons une volonté de supprimer les corporations. Cet article est appuyé par les articles 4 et 5 qui punissent tout rassemblement ou acte de groupe. On le voit dans les phrases. Les auteurs, chefs et instigateurs (...) seront cités devant le tribunal de police.... Il s’agit, ici, en fait, de contrôler plus les ouvriers que les entrepreneurs. C’est ce dont parle Jean Jaurès. (…) Orienté à l’origine contre les corporations afin de renforcer la liberté d’entreprendre, son extension à toute forme de rassemblement professionnel, la loi Le Chapelier met fin à toute possibilité de syndicats et grèves «de se nommer ni président ni secrétaire (...) sur leurs prétendus intérêts communs, article 2. De ce fait, cette loi réaffirme l’interdiction de rassemblement des ouvriers et l’illégalité des syndicats. Elle présente essentiellement la grève comme un délit répressible d’amende et de sanctions : 500 Livres d’amende et suspendus pendant un an de l’exercice de tous les droits de citoyens actifs et de l’entrée dans les assemblés primaires, article 3.
Commentaire de texte de Me Rolland Simion, étudiante en Histoire du syndicalisme 

Lionel Mesnard, le 13 mars 2016



0
Chronologie du 1er janvier au 30 juin 1791



Le retour du roi à Paris, les 24 et 25 juin 1791

I – Le mois de janvier 1791

Samedi 1er janvier : Le jeune scientifique André Ampère n’a que 16 ans, il adresse deux courriers à la Constituante pour lui demander d'adopter un nouveau système à base décimale. Voilà trois ans qu’il étudie les mathématiques. Son père Rousseauiste l’incitait à lire et à trouver son propre cheminement intellectuel. Ce qu’il fit, semble-t-il, en devenant un découvreur et un savant important.


NOUVELLES DE DIVERS ENDROITS
(pamphlet du jour !)

Paris. La diminution du pain ne s'opérera point par le canal de MM. du Club monarchique. Le levain de la guerre civile ne fermentera point avec celui de la farine ; et la Contre-révolution ; car il faut bien dire comme tout le monde, ne sortira point par la gueule des fours. Les honorables Membres sont poursuivis par le Peuple dans tous les coins de Paris, et deux hier ont été assaillis par la multitude, depuis une extrémité de la rue Saint-Martin jusqu'à l’autre, couverts de boue et appelés Chianlîts, c’était en vérité, la représentation du mardi-gras. M. Stanislas Clermont, le fondateur caché du Club monarchique, n'aura pas le bonheur, comme le bienheureux Cretenet, de voir sa société se perpétuer ; et il ne lui en restera d'autre avantage, que d'avoir un nom de plus, celui de Jean-Farine (sic) ; le Club monarchi-aristocratique vient d’être détruit, comme le temple de Jérusalem, et tous les Membres sont dispersés.

Courrier extraordinaire, ou Le Premier Arrivé, 1er janvier, par M. Duplain

2 janvier : Londres, le musicien et compositeur Joseph Haydn fait un séjour dans la capitale anglaise. Il composera sur place quatre symphonies et se produira douze fois de mars à juin à la salle Hanover Square. Les billets vendus par souscription.

3 janvier : A l'Assemblée, sous la présidence de M. Joseph d'André, député de la noblesse de Provence, s'engage le débat sur les jurys, jurés et témoins. Neuf articles sont lus pour être décrétés, dans le cadre de la procédure criminelle et aussi au sein du dispositif d'un tribunal de justice civile par district, et d'un tribunal de justice criminelle par département, lui aussi en discussion.

4 janvier : A Paris, le couvent des Petits-Augustins
se situait dans la rue avec la même dénomination, la fondation de ce lieu date de Marguerite de Valois, la dite reine Margot. Cet espace devient le dépôt des œuvres d'art sans protection et il sera l’emplacement de la future École nationale des Beaux-Arts en 1816, toujours en activité (Rue Bonaparte, actuel 6ème arrondissement). A l’Assemblée, les députés du clergé sont en désaccord sur̀ la Constitution civile du clergé : 7 seulement, (dont Talleyrand, qui l'a fait le 1er janvier) sur 160 prêteront serment.

5 janvier : La loi du 24 décembre 1790 interdisant la nomination d'agents travaillant pour le roi est signée ou sanctionnée par Louis XVI, et devient effective à ce jour : « Portant que les Administrations de Département et de District, ne peuvent ni nommer ni entretenir des agents auprès du Roi et du Corps législatif ».

6 janvier : A la Constituante, le Président M. Jean-Louis-Claude Emmery (élu le 4/01 et député du Tiers du bailliage de Metz) après les formalités d'usage, dit avoir reçu une lettre de Me Levasseur, la veuve de Jean-Jacques Rousseau, (en portrait ci-contre du graveur Johann-Michael Baader),  et en fait la lecture :


« Monsieur le Président, oserais-je vous prier de vouloir bien faire agréer à l'Assemblée nationale l'hommage de ma vive et respectueuse reconnaissance? Mon âge, mes infirmités, et surtout l'embarras de paraître devant une assemblée aussi imposante, toutes ces raisons m'empêchent d'aller moi-même faire mes remerciements aux augustes représentants de la nation. Je consignerai dans cette lettre, Monsieur le Président, les sentiments dont mon cœur est pénétré dans cette occasion. J'ai assez vécu, Messieurs, pour voir la mémoire de mon époux vengée et honorée par la nation française. Victime moi-même de la calomnie, elle n'a cessé de me poursuivre, par la seule raison que mon sort avait été lié avec celui de Rousseau. Le décret que vous avez rendu, et la sanction que Sa Majesté lui a accordée, imposent aujourd'hui silence à nos ennemis. Je vois le peuple français, que mon mari aimait, heureux et triomphant de la révolution qui s'est opérée, sous mes yeux, dans son gouvernement. Quels vœux me reste-t-il à former? Celui, Messieurs, d'être encore quelques instants le témoin de la prospérité de cet empire, celui de vivre encore quelques années sur cette terre régénérée et libre, pour y jouir de vos bienfaits, sous la protection de vos lois, et pour y bénir, tous les jours de ma vie, la plus généreuse des nations et le plus grand des monarques. Un seul regret m'accompagnera jusqu'au tombeau, celui de penser que mon mari n'est plus, qu'il a terminé sa douloureuse carrière avant d'être le témoin des honneurs que vous lui réserviez, et qu'il n'a pu applaudir aux travaux immortels de ceux qui ont assuré la liberté à la nation française. Je suis avec le plus profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissante servante. » Signé : Marie-Thérèse Levasseur, veuve de Jean-Jacques Rousseau. Au Plessis-Belleville, ce 3 janvier 1791.

Source : Bib. de Stanford, Archives Parlementaires, tome XXII, page 39.

7 janvier : A l'Assemblée, la loi sur les brevets est approuvée (ou titre de propriété industrielle).

8 janvier : Dans la capitale, à ne pas confondre avec d’autres écoles ou Facultés, « l’Université de Paris » est consacrée à l’étude de la foi. Il s’agit de la Sorbonne et elle annonce par la voix de son Recteur se soumettre, tout en les saluant les décrets de l'Assemblée sur la Constitution du clergé civil. Une contradiction fort peu probable, la plupart de ses dignitaires refuseront de prêter serment et cette institution datant de Robert de Sorbon, son créateur, va s’éteindre après 1792, faute de remplaçant ou de postulant. Et, en partie en raison de sa fermeture partielle par la municipalité en 1791, néanmoins jamais ordonnée civilement et définitivement. Personne n’ayant pensé ou voulu se défaire de cette illustre institution.

9 janvier : Traité de paix signé à Jasay, entre la Russie et la Porte-Ottomane (la Turquie), par la médiation du roi de Prusse. Dans le Sud-est de la France, la garde nationale d'Avignon assiège les royalistes de Carpentras, le combat entre milices bourgeoises et légitimistes perdure. Dans le cadre de la loi Constitution civile du clergé, il est précisé que sont éligibles les curés qui le sont depuis au moins cinq ans et qui ont prêté le serment.

10 janvier :  A Paris, Madame du Barry est invitée par le duc du Brissac à loger chez lui,
dans son hôtel situé rue de Grenelle. Durant la nuit, elle se fait voler ses bijoux, estimés à 375.000 livres ou 500.000 écus. Des cambrioleurs se sont introduits possiblement avec une échelles et ont cassé une vitre et une jalousie pour pénétrer dans la demeure. Ensuite, ils ont forcé une commode où se trouvaient les objets précieux. Il sera porté plainte par cette dernière, et elle ira se plaindre jusqu'à l'Assemblée nationale, Marat s'en fera l'écho dans L'Ami du Peuple. On apprendra plusieurs jours après, que tout était faux et avait été inventé de toute pièce par Madame du Barry. Elle avait préalablement caché dans son habitation de Louvenciennes ses propres biens de valeur. Elle prétendra avoir voulu soutenir les émigrés à l'étranger. (Source : Gallica-Bnf, Paris Soir, 12 avril 1938, page 2)

11 janvier : A l'Assemblée, un décret ordonne la fabrication de nouvelles pièces pour remplacer les anciennes : « Un quart de cette fabrication sera en pièces de 12 deniers, un quart en pièces de 6 et la moitié en pièces de 3 deniers.
» et « toute fabrication de monnaie de cuivre avec les anciens, cessera, dans toutes les monnaies du royaume, aussitôt que les nouveaux pourront être employés. Les anciens seront brisés en présence de la municipalité, qui en dressera procès-verbal, qu'elle adressera sans délai au ministre des finances. » A la séance du soir, M. Moreau  de  Saint-Méry,  du  comité  colonial,  propose le  décret  suivant  :  «  L'Assemblée  nationale,  voulant  conserver  l'unité  qui  existe entre  les  différentes  parties  de  la  constitution  et  de  l'administration des  colonies,  décrète :  1°  Que  les  objets  qui  intéresseront  directement les  colonies  ne  pourront  lui  être  présentés  que  par  son  comité colonial  ;  2°  Que  ses  autres  comités  ne  pourront  soumettre  à  sa  délibération aucune  disposition  relative  aux  colonies  ni  prendre  aucun arrêté  à  cet  égard,  sans  en  avoir  préalablement  conféré  avec  le comité  colonial. » MM. Robespierre et  Pétion s'opposent fermement contre cette proposition, Robespierre demande la question préalable, elle est acceptée par les députés. Le Courrier de Paris dans les 83 Départements annonce que le curé de Bonne-Nouvelle dans la capitale s'est enfui avec la somme d'environ 30.000 livres, au dépend de ses créanciers.

12 janvier : En Belgique ou au sein de la Principauté de Liège, les armées autrichiennes occupent la cité liégeoise  plus des troupes de Mayence et de Munster. Les responsables liégeois du mouvement révolutionnaire partent en exil. La Belgique et les Pays-Bas vont être l’enjeu, si ce n’est être participante du mouvement insurrectionnel français, et en première ligne les bourgeoisies locales y puiseront la source de leurs revendications, la Belgique ne correspondant pas à la carte actuelle ou à ce que nous pouvons entendre sur le plan géographique. Le pays Brabant étant à cheval sur les deux états.

13 janvier : A l'Assemblée, il est instauré une taxe mobilière, une contribution annuelle et commune à tout habitant. Chaque foyer sera imposé en proportion de son loyer, ou bien à partir de la valeur locative de l’habitation. Il sera de la responsabilité des municipalités de vérifier la bonne foi des estimations. Le député Talleyrand transmet sa démission de l'évêché d'Autun après avoir été élu au département de Paris. M. Le Chapelier est le rapporteur pour les auteurs dramatiques et en faveur d'une loi sur les spectacles. Il est ainsi proclamé par décret la liberté absolue des théâtres. Les députés Guadet et Pétion y apportent leur contribution. Il est décidé que tout citoyen pourra représenter ce qui lui plaira. Les pièces de théâtre ne seront plus soumises au préalable de la censure, mais il faudra attendre le mois de juin, pour qu’elle ne soit plus exercée. Les autorisations de se produire sont délivrées par les municipalités, depuis août 1790, en raison des transferts de pouvoir, ne dépendant plus des responsabilités de la Lieutenance générale de Police. Toutefois le maire, M. Bailly, aura à ce sujet un homme lige et un censeur en titre, M. Suard (Selon le Figaro en 1859, un article sur la censure et son histoire). Extraits de la nouvelle loi sur les théâtres :

Article 1. Tout citoyen pourra élever un théâtre public et y faire représenter des pièces de tout genre en faisant, préalablement, une demande à la municipalité.
art. 2. Les ouvrages des auteurs morts depuis cinq ans et plus sont une propriété publique et peuvent, nonobstant tous anciens privilèges, qui sont abolis, être représentés sur tous les théâtres indistinctement.
art. 3. Les ouvrages des auteurs vivants ne pourront être représentés sur aucun théâtre public sans le consentement formel et écrit des auteurs, sous peine de confiscation du produit total des représentations au profit de l’auteur.
art. 4. Les entrepreneurs ou les membres des différents théâtres seront, à raison de leur état, sous l’inspection des municipalités. Ils ne recevront d’ordres que des officiers municipaux, qui ne pourront pas arrêter ni défendre la représentation d’une pièce, sauf la responsabilité des auteurs et des comédiens, et qui ne pourront rien enjoindre que conformément aux lois et aux règlements de police.

Source : Bib. de Stanford, Archives Parlementaires, tome XXII, du 3 janvier au 5 février 1791

14 janvier : A la Constituante,
Honoré-Gabriel de Mirabeau lit un projet d'adresse sur la Constitution civile du clergé, ce qui provoque une opposition vigoureuse de MM. Regnault, Camus, et de l'abbé Maury, celui-ci avec d'autres députés quittent la salle. (Source : Persée.fr) M. Viefville des Essarts, député du département de l'Aisne a fait imprimer et distribuer à tous les membres de l'Assemblée un travail sur l'organisation de la marine qui fait partie des documents parlementaires : Idées sur l'organisation de la marine et sur les changements et réformes dont elle est susceptible dans différentes parties. (Bib. de Stanford, Arch. Parl., à partir de la page 242, en annexe du 14/01, tome XXII)

15 janvier : A Paris, au théâtre-Italien, il est représenté Paul et Virginie, une comédie en 3 actes, en prose
du citoyen Favières, mêlée d'ariettes ou le tout mis en musique par M. Kreutzer. Cette œuvre est dans son ensemble plutôt fidèle au texte du roman de Bernardin de Saint-Pierre, sauf la fin qui diffère.

16 au 19 janvier : A l'Assemblée, le ministre de la guerre, M. Duportail informe des troubles survenus à Avignon. Mirabeau est nommé membre de l'administration de Paris. Le jour suivant, la discussions sur la procédure criminelle et la question des jurés est toujours à l'examen, et la loi sur le droit des auteurs est approuvée sur la propriété littéraire et artistique ou intellectuelle. Cette législation donne aux héritiers la possibilité de percevoir jusqu’à cinq ans après la disparition du défunt ses droits d’auteurs, après ils sont déclarés "propriété publique". (Aujourd’hui, le délai est de 75 à 100 ans pour une œuvre une fois éditée, avant de passer dans le domaine public et peut varier d’un pays à un autre. Attention les termes « libre de droit » sont une notion de droit anglo-saxon). M. Sangrain, libraire à Paris, offre à l’assemblée la dédicace d’une nouvelle édition de l’Evangile. L’assemblée applaudit et accepte. Le surlendemain, M. Defermon, député du Tiers de Rennes dénonce un Bref du pape contre le serment exigé aux ecclésiastiques français. Le 19, Louis XVI sanctionne la loi sur le droit de représentation et des auteurs. Le débat sur les différentes cours de justice continue : justice de paix, civile, criminelle, et une cour suprême pour les demandes de révision. M. Gouverneur Morris est de retour à Paris.
L'abbé Grégoire devient le Président de l'Assemblée jusqu'au 28 janvier.

20 janvier : Dans tous les départements est institué un tribunal criminel. C’est un changement significatif de la nouvelle organisation administrative mettant un terme final aux justices antérieures en matière criminelle. A la Constituante, l'on vote la fin des droits d'entrée ou taxes prélevées aux barrières d'octroi. La mesure deviendra effective le 1er mai.

21 janvier : A l'Assemblée, il est donné pour avis aux prêtres de cesser « une résistance sans objet »... Elle ne fait que commencer.

22 janvier : Dénonciation faite à la commune, par la section de Bondi : « Un fonctionnaire public, un chef de troupes nationales, qui professe hautement des sentiments opposés à la régénération Française peut bien être suspect, quand il cherche à pénétrer ses soldats des mêmes principes : il peut bien être suspect quand, n'ayant pu y réussir par des insinuations cauteleuses, il emploie tous les moyens capables de les exciter à l'insubordination, à l'indiscipline. On voudrait, on le sent bien, nous enlever notre armée citoyenne, pour parvenir à enchaîner notre zèle pour la conquête de notre sainte liberté. C'est pour déconcerter cette trame perfide, que la Section a sans cesse un œil ouvert sur de semblables machinateurs, et l'autre sur ceux qui doivent les juger. Mais en dénonçant tous ces faits, la Section de Bondi s'en rapporte pour la suite qu'ils méritent, au zèle éclairé de la Commune. » (Source : Gallica-Bnf, page 8) A l'Assemblée est présentée une Pétition de la Société d'histoire naturelle de Paris (Source : Persée.fr) M. Morris note dans son journal : « Ce soir, chez Mme de Staël, je rencontre la haute société. Je reste quelque temps à causer avec différentes personnes, mais tout cela est sans importance. » (Source : Archive.org, Journal de G. Morris, page 200).

23 janvier : Près de Paris, le corps des chasseurs de la barrière d'octroi de la Villette recherchent le maire de la commune de la Chapelle dans une épicerie proche de la mairie (actuel 18ème arrondissement). Corse, la Société patriotique d'Ajaccio affilié au club des Jacobins de la capitale, une jeune lieutenant d'artillerie, un nommé Buonaparte fait lecture d'une lettre adressée au député et comte Mattéo Buttafuco, où il se montre favorable avec ses prises de positions contre Pasquale Paoli et ses partisans.

24 janvier : Au village de la Chapelle, près de Paris, suite à une affaire de contrebande de tabac, une saisie est organisée par des agents de la Ferme générale et
une vingtaine de chasseurs des barrières d'octroi, sans l'autorité civile. Le maire refuse de se déplacer pour faire le constat. Des heurts violents se produisent avec la population du village jusqu'à l'intervention des gardes nationaux, sous l'autorité de M. Bailly. L'on recense trois morts et une dizaine de blessés parmi les villageois. (Gravure ci-contre du journal les Révolutions de Paris)


25 janvier : Le journal la Feuille du jour revient sur les heurts intervenus hier au village de la Chapelle et ses répercutions sur le faubourg Saint-Denis voisin.
« Une sortie des chasseurs contre les contrebandiers a troublé le fauxbourg Saint-Denis, hier lundi, de manière à faire craindre que cet événement eut des suites. Selon ce que j’ai pu recueillir de plus positif, il s'est trouvé qu’un des contrebandiers tué par les chasseurs, était fils d’un cabaretier de la Villette ; le père a soulevé son quartier, en lui demandant vengeance de la mort de son fils. On assure que plusieurs bourgeois armés ont marché sous sa conduite, que cette troupe a rencontré les chasseurs ; qu'un choc sanglant a coûté du monde aux deux partis, et que la cavalerie nationale les a séparés. Un des tambours du district de Saint-Laurent a reçu quatorze coups de sabre. M. Amiot, commandant de bataillon, marchait à la tête de la cavalerie, et s'est fait remarquer par le plus grand zèle et le plus grand courage. » (Source : Retronews-Bnf, page 6, vous pouvez aussi consulter le L'Ami du Peuple qui revient plus en détail dans son numéro 365 du 8 février, à partir de la page 5)

26 janvier :
Depuis Paris, Julien Raimond propriétaire et "homme de couleur" (métis) de Saint-Domingue fait publier ses Observations sur l'origine et les progrès du préjugé des colons blancs contre les hommes de couleur. L'ouvrage commence par une lettre adressée à J.P. Brissot, qu'il salue pour ses écrits contre les esclavagistes, et puis sur la question du préjugé de couleur. Dans cet extrait M. Raimond aborde les raisons des origines du métissage entre esclaves et colons et selon les règles du Code Noir de 1785 qui donnait obligation au maître (célibataire) d'épouser l'esclave avec qui il avait eu des enfants  :


Aux origines du métissage et de la colonisation?



M. Raimond, "homme de couleur" de Saint Domingue

«
Dans l'origine de rétablissement des colonies, et au moment où l'on commença à y introduire des africains pour les cultiver, il n'y passait point ou presque point de femmes européennes ; des hommes seuls, brûlant du désir de faire fortune osaient franchir les mers et s'exposer à vivre dans un climat d'autant plus meurtrier, qu'ils étaient privés de toutes les ressources qu'on s'est depuis procurées.
Transportés sur cette terre étrangère, encore inculte, affaiblis par la chaleur du climat, souvent malades, et privés des secours qu'auraient pu leur porter des épouses de leur couleur ces européens s'attachèrent des femmes africaines qui leur rendirent des soins d'autant plus assidus, que, de leur continuation seule, elles attendaient la plus grande récompense, leur liberté. Ces premiers blancs vécurent avec ces femmes comme dans un état de mariage, ils en eurent des enfants. Quelques-uns, touchés de la tendresse et du soin de ces femmes, et entraînés par l'amour paternel, épousèrent leurs esclaves et en les rendant libres par cet acte, ils légitimaient encore le fruit de leurs amours ou de leurs habitudes. Le plus souvent ils laissaient, en mourant, à ces enfants des possessions qu'ils avaient cultivées. D'autres hommes, moins sensibles que ces premiers, peut-être plus orgueilleux, peut-être enfin engagés de part des liens indissolubles, se contentèrent d'affranchir les enfants, ainsi que la femme qui les avait mis au monde, et donnèrent à ces enfants des terres et quelques esclaves. »

Source : Gallica-Bnf - Observations sur l'origine et les progrès du préjugé des colons blancs contre les hommes de couleur sur les inconvéniens de le perpétuer, la nécessité, la facilité de le détruire, sur le projet de comité national, etc. Pages 2 et 3, Paris - 1791.

27 janvier : Dans la capitale, il est constitué un tribunal de Commerce et voit la naissance des « juges consulaires ». Une institution où les juges sont élus par et entre commerçants et n’ont pas de compétences particulières en matière de droit. Un système toujours en activité et très discutable sur sa nature juridique. Les fonctionnaires et ecclésiastiques qui n'ont pas prêté serment sont remplacés. Dans le faubourg Saint-Antoine un nommé Louvain est soupçonné d'espionnage et la Garde nationale s'interpose avant qu'il ne soit molesté et l'emmène au Châtelet.

28 janvier : Le convalescent de qualité, ou L'aristocrate. Cette comédie en deux actes et en vers est représentée pour la première fois au théâtre Français (Comédie française)
. C'est une pièce de M. Fabre d'Églantine, acteur, dramaturge, un temps rédacteur aux Révolutions de Paris et membre du club des Cordeliers. (Source : Gallica-Bnf, 64 pages)

29 janvier : Paraît le premier numéro d'un journal monarchiste, Le Contre-poison, ou Préservatif contre les motions insidieuses, cabales, erreurs, mensonges, calomnies et faux-principes répandus dans les feuilles de la semaine. Les auteurs qui ont collaboré, le pamphlétaire
Antoine Estienne (1762-1826) alias Boniface Dindon, et Joseph François Nicolas Dusaulchoy de Bergemont (1760-1835). Ce dernier fut aussi rédacteur à la Gazette d'Amsterdam en Hollande, en France du Courrier national, du Républicain, des Révolutions de France et de Brabant, de la Semaine politique et littéraire, etc. Ce périodique est d'abord paru trois fois par semaine de 16 pages, puis est devenu un hebdomadaire de 48 pages, à partir du n°37 d'avril. Mirabeau devient président de l’Assemblée constituante jusqu’au 13 février.

30 janvier : Dans la capitale, après Marat, Alexis Dubois-Crancé, député du Tiers de Vitry-le-François (Marne) dénonce au club des Jacobins les projets de la famille royale. Spécialiste des affaires liées aux armées, il sera à l’origine de la conscription et suivra à la chambre les questions militaires.

31 janvier : En Grande-Bretagne : Thomas Paine achève son manuscrit : Droits de l’Homme en réponse à l'attaque de M. Burke sur la Révolution française, et le transmet à son éditeur anglais. Il sera édité en France au mois de mai. M. Paine a connu à son actif 3 nationalités, celle de sa naissance, britannique, puis français en août 1792, et à la fin de sa vie étasunien. Il a été un des grands défenseurs de la Révolution française outre-Manche et devenir citoyen et député français. Jusqu’à la seconde phase révolutionnaire, la Révolution est plutôt bien accueillie outre-Manche, il existait même des clubs républicains soutenant le mouvement français. Le Premier ministre Pitt le vit plutôt d’un bon œil, en raison de l’affaiblissement de Louis XVI. La présence de ses espions dans Paris, allait lui permettre de suivre les évolutions et tensions  politiques internes. En France, Danton est nommé administrateur du département de Paris.

II – Le mois de février 1791

Mardi 1er février : A Paris, le collège des Bernardins (actuel 5ème arrondissement) devenu propriété de l’
État voit ses derniers religieux être expulsés. Le lieu va devenir une prison en remplacement de celle du quai de la Tournelle destinée aux galériens. L'Assemblée décrète d'envoyer des commissaires civils à Saint-Domingue et en Guyane pour le rétablissement de l'ordre.

2 février : En France, il est organisé l’élection des neuf premiers
évêques constitutionnels, parmi eux l'abbé Grégoire est élu dans deux départements, il choisi le Loir-et-Cher. Il sera consacré le 13 mars par MM. Talleyrand et Gobel. Il y aura 47 évêques à la fin avril.

3 février : Marie-Antoinette écrit à M. Mercy d'Argenteau, lui annonce qu'elle lui envoie ses diamants et que
« le roi aurait voulu y joindre le siens, mais comme ils sont à la Couronne, nous n'avons pas osé, de peur qu'on ne les demande d'un moment à l'autre, sous prétexte qu'ils sont biens nationaux. » (Source : Numelyo, Louis XVI, Félix-Sébastien Feuillet de Conches, Marie-Antoinette et Me Elisabeth : lettres et documents inédits, tome 1, page 444 , Paris-1865)

4 février : Dans la Feuille du jour, M. Dufresne, directeur du Trésor Public informe qu'au mois de décembre 1790 les recettes étaient de 70 millions dont 47 provenant des biens nationaux et les dépenses furent de 81 millions, soit un déficit de 58 millions de livres. Et il précise des articles de dépenses, comme la Police de Paris 187.000 livres pour seulement 31 jours, la Garde militaire de la capitale 650.000 livres, les ateliers de charité 799.000 livres, les farines et le blé 721.000 livres, etc.

5 février : Dans le Morbihan, le Directoire sollicite des renforts auprès du président de l'Assemblée, « Aujourd'hui, M. le président, ce n'est pas un régiment qu'il nous faut. Notre département et les quatre qui l'avoisinent, égarés par les prêtres demandons (...) une armée et des commissaires. Nous sommes à la veille d'une convulsion générale. Le fanatisme secoue ses torches. (…) Dans cette position, nous prions l'Assemblée nationale de préparer sans délai les secours puissants que sollicite avec insistance notre malheureux département ».
A Paris, Gilbert de Lafayette renouvelle son abonnement à la Société des Amis des Noirs. (Source : Institut de France, lettre manuscrite)

6 au 8 février : Département de l'Indre, il est procédé à la désignation de l'évêque constitutionnel, et c'est le curé de Chaillac,
Réné Héraudin (1722-1800) le doyen de l'assemblée départementale, qui a « réunit la majorité des suffrages par 188 voix sur 237. En conséquence, dit le procès-verbal, M. Héraudin, ce vénérable pasteur que ses vertus patriotiques et chrétiennes et la confiance et l'estime publique ont appelé à la place d'évêque, s'est présenté au bureau du président et a accepté sa nomination. Après quoi, l'élu prononça un discours de circonstance, qui fut vivement applaudi. On décida que ce discours serait imprimé et envoyé à toutes les municipalités. Et, de suite, il fut célébré dans la même église une messe solennelle, suivie d'un Te Deum. » Il sera consacré à Paris le 13 mars prochain par J.B . Gobel et C.M. Talleyrand, et puis prêtera le serment constitutionnel à son retour à Châteauroux en l'église St.-Martial (Source : Gallica-Bnf,  Revue du Centre n°4 du 15 avril (8ème année), page 142 et 143, Paris-1886)

7 février : Dans le Morbihan (suite du 5/02), 200 à 300 paysans se rendent à Vannes pour protester et remettre une pétition aux autorités, pour que les prêtres ne soient pas obligés de prêter serment. Seuls 48 prêtres sur 454 accepteront de se plier à la Constitution civile du clergé dans ce département.

8 février : A Londres, à la chambre basse des Communes, il est question du commerce esclavagiste.
« Le Sieur Wilberforce reprit ensuite sa motion sur la traite des Nègres, et demanda que la Chambre se formât en Comité, pour délibérer s'il ne convenait point d'en former un, à l'effet de s'occuper de cet objet. La motion fut attaquée par un membre, qui la regarda comme dangereuse au commerce, et propre à jeter de l'inquiétude parmi les Planteurs. Et sur ce qu'un autre Membre interpella, le Sieur Wilberforce (William, abolitionniste), pour savoir de lui combien de temps durerait l'examen du comité, pour faire son rapport sur la traite, il répondit, qu'attendu le nombre d'interrogatoires compliqués , qu'il faudrait faire à ce sujet, il ne pouvait point fixer le terme, et que, sans doute, il ne pouvait qu'être très-éloigné. Le colonel Tarleton observa qu'il paraissait étrange que la philanthropie allât chercher des objets si loin, tandis, qu'il y avait tant de moyens d'exercer son activité bienfaisante près d'elle. Enfin, après quelques autres débats, on arrêta qu'un comité particulier serait chargé de faire son rapport, à la Chambre, sur la traite des Nègres. » (Source : Gallica-Bnf, Gazette de France du 18 février 1791, page 65)

9 février : A Paris, l'on joue au Théâtre Français, lyrique et comique,  un opéra comique de  Jean-Antoine Brun dit Lebrun-Tossa, il y est interprété Des Noirs et les Blancs, ou le Conspirateur généreux en 3 actes.

10 février : A la Constituante, à la séance du soir, une délégation de quakers étasuniens
vient présenter une pétition (MM. J. Mansillac, W. Rotch, et Benjamin Rotch), et un des trois membres prend la parole. Le comte de Mirabeau, lui répond en ces termes : « L'Assemblée discutera toutes vos demandes dans sa sagesse ; et si jamais un de nous rencontre un quaker, il lui dira : Mon frère, si tu as le droit d'être libre, tu as le droit d'empêcher qu'on ne te fasse esclave. Puisque tu aimes ton semblable, ne le laisse pas égorger par la tyrannie : ce serait le tuer toi-même. Tu veux la paix? Eh bien! c'est la faiblesse qui appelle la guerre : une résistance générale serait la paix universelle. »

11 février : Louis XVI sanctionne la loi relative à l'envoi de commissaires civils à Saint-Domingue et en Guyane.
« et notamment dans celle de Saint-Domingue, où, après avoir anéanti des actes illégaux et employé des moyens de sévérité pour maintenir l'autorité des Lois, il est conforme à ses principes de vouloir calmer les esprits, faire cesser les divisions, conduire paisiblement à un vœu commun tous ceux qui désirent le bien public ; décrète ce qui suit : Art. 1. Le Roi sera prié d'envoyer dans la Colonie de Saint- Domingue trois Commissaires civils, chargés d'y maintenir l'ordre et la tranquillité publique ; à l'effet de quoi il leur sera donné tous pouvoirs à ce nécessaires, même celui de suspendre, s'ils l'estiment convenable, les jugements des affaires criminelles qui auraient été intentées à raison des troubles qui ont eu lieu dans cette Colonie, ainsi que l'exécution de ceux des dits jugements qui auraient pu être rendus ». (Source : Archive.org,  page 2)
Ainsi que le Décret sur les dépenses de l'expédition extraordinaire pour les Antilles, ordonnée par le roi, précédé du rapport fait au nom du Comité de la marine par M. de Curt, député de la Guadeloupe, membre de ce comité.
(Source : Archive.org, 16 pages)

12 février : Liège, retour solennelle du Prince-évêque Hoensbroek et restauration du régime ancien. Près de Paris, dans le bois de Boulogne, la reine Marie-Antoinette, Me d'Astic et Me Elisabeth font une promenade à cheval.

13 février : Dans le Morbihan (suite), des paysans des paroisses de l'est de Vannes se dirigent sur la ville pour libérer leur évêque. Les soldats les stoppent au Liziec, sur la route de Rennes. Le commissaire au roi au district de Vannes rapporte : « Les attroupés, que les rapports avaient accusés être d'abord de 1.500 à 1.600, ne lâchèrent pas tous le pied ; on assure qu'il en resta un parti d'environ quatre cents, qui attendirent de pied ferme nos braves dragons de Lorient qui formaient l'avant-garde (…) Les attroupés firent plusieurs charges ; on fond sur eux le sabre à la main, et l'on parvient à les dissiper. Plusieurs attroupés sont restés sur le carreau. Le nombre de morts sera toujours un mystère, sûrement deux, peut-être quatre, peut-être dix, ont été tués, les mutins n'ayant pas tardé à enlever les corps morts. Le nombre de prisonniers est de vingt-neuf. » Après cet affrontement, monseigneur Amelot est déchu de son siège épiscopal. (Source : Archives départementales du Morbihan)

13 février au 21 février : A l’Assemblée, il est décrété que l'élection des évêques et des curés sera faite dans les départements par les assemblées électorales. Diverses mesures économiques et sociales seront prises : une loi permet de cultiver du tabac dans tout le royaume, création des patentes et l’abolition des droits d'entrée perçus aux barrières de Paris. L’on supprime les jurandes, les maîtrises et corporations. La plupart des impôts indirects, aides, traites et octrois, sur le tabac sont supprimés, seuls les droits de timbre et de contrôle des actes demeurent. Il est mis fin au privilège de la compagnie du Sénégal, le commerce de cette colonie devient libre à tous les citoyens. Un décret, du 13 février puis une loi, le 16, et le décret royal du 18 entraînent la disparition de la Maréchaussée. La force publique chargée du maintien de l'ordre se nommera la Gendarmerie nationale, à l’origine les « gens d’arme ». Elle sera composée d'hommes de plus de 25 ans (la majorité légale), et ils effectueront « au moins un engagement sans reproche dans les troupes de ligne ». L’effectif sera de 7.450 gendarmes, et ils devront également répondre à des missions, comme celle de Police des armées. Ils auront pour devise : « valeur et discipline ». Le 21, la loi sur l'émigration commence à être discutée. A Paris est donné par Rouget de L’Isle et Chapaim une comédie lyrique aux théâtres des Italiens : Bayard dans la Bresse

14 février : Les Dames de la Halle envoient au roi une missive de réconfort après le départ d'une partie des membres de sa famille sur les routes de l'émigration ; Discours adressé au roi par les dames de la Halle : « SIRE, nous, votre Peuple, nous vous tiendrons lieu de votre Famille ; oui vous en trouverez une en nous, qui ne vous abandonnera pas, et qui vous sera toujours fidèle.
» Présenté par Mesdames Oudin ; Dusourt ; Aubry ; Petit-Pas ; Dussaint ; Minette ; de Bartel ; Revenac ; Montresard ; Gaillard ; Grosse-Bonne ; Vinconau. (Source : Gallica-Bnf, 3 feuillets)

15 et 16 février : A Liège, Théroigne de Méricourt
dans la nuit est arrêtée par des agents du pouvoir autrichien, elle est soupçonnée de vouloir assassiner la reine Marie-Antoinette. L'Amazone est transférée et internée dans la forteresse de Kufstein au Tyrol, sous le nom de Me de Theobald. Elle se verra interrogée pendant plusieurs semaines pour un complot révolutionnaire contre la principauté de Liège et les Pays-Bas autrichiens. Elle sera libérée au bout de neuf mois.

17 février : Louis-Philippe-Joseph d'Orléans :
« J'ai été nommé, aux Jacobins, un des commissaires chargés d'examiner le plan d'éducation publique de M. Léonard Bourdon, ci-devant La Crosnière. Je suis arrivé à cinq heures au rendez-vous. M. Bourdon a commencé à nous entretenir de son plan, ce qui a duré jusqu'à huit heures. » (Source : Consultable sur Google-livres, Correspondance de L.P.J. d'Orléans, page 249, Paris 1800)

Vendredi 18 février : A la Constituante, la plupart des impôts indirects, aides, traites et octrois, impôt sur le tabac, sont supprimés, sauf les droits de timbre et de contrôle des actes. ​Dans la soirée, des membres de la municipalité parisienne  se présentent au Palais-royal des Tuileries, ils remettent au nom des sections, les alarmes provoquées par l'annonce du départ des princesses Adélaïde et Victoire (tantes de Louis XVI) dîtes Mesdames pour Rome.

19 février : Meudon, Mesdames quittent
le château de Bellevue avec leurs suites.

20 février : Marie-Jeanne dite Manon et son époux Jean-Marie Roland de la Platière (futur ministre de l’Intérieur et des cultes) viennent s’installer à Paris. A l'Assemblée, il est lu une lettre du roi sur le voyage de ses tantes, dont il n'a pas cru nécessaire de les empêcher de voyager, et annonce leur départ la veille à 10 heures du soir.

21 février : Mesdames Adélaïde et Victoire sont arrêtées une première fois à Moret près de Fontainebleau pour se rendre auprès du Pape. Les tantes du roi sont une nouvelle fois arrêtées à Arnay-le-Duc, département de la Côte-d'Or, par ordre de la municipalité, les princesses sont empêchées de continuer leur voyage. Il faudra un décret de l’Assemblée et l’intervention de Mirabeau pour que Mesdames continuent leur route (le 4 mars). Au préalable le comte avait émis de fortes réserves sur le projet d’aller à Rome et l’avait fortement déconseillé à la reine, le 3 février. Il y voyait un moyen d’éveiller des soupçons et trouvait cette expédition dangereuse ou mal à propos. L’on découvre ainsi dans ses correspondances cet écrit très révélateur du climat. « Vous aurez appris par les journaux le projet du départ de Paris de Mesdames, tantes du roi. Ce départ n'aurait probablement produit aucune sensation fâcheuse, si on avait eu soin de l'annoncer d'avance et publiquement ; mais, ce sont les Jacobins qui les premiers l'ont découvert; des émissaires envoyés par eux aux écuries de Versailles y ont trouvé des préparatifs de voyage et des voitures dont on effaçait les armoiries: ils n'ont pas manqué de tirer parti de cette découverte pour exciter une nouvelle agitation dans les esprits. MM. Talon et de Sémonville ont voulu, eux aussi, profiter de cet incident ; ils ont prétendu qu'il dérangeait leurs plans, et l'ont pris pour prétexte de nouveaux retards dans l'accomplissement de leurs promesses, quoique M. de Montmorin leur ait déjà fait donner beaucoup d'argent. Il en résulte qu'on n'est pas encore bien avancé de ce côté, et qu'on est seulement un peu mieux averti par les bulletins journaliers de leur police ». Il s’agit d’un extrait tiré des correspondances de Mirabeau et l’échange se fait entre deux diplomates au service de l’Autriche et de la France, M. Mercy d’Argenteau à M. de La Marck (Auguste Marie Raymond d'Arenberg). A double titre, cela donne une idée des relations de la Cour avec ses homologues autrichiens, de la surveillance des agissements des Jacobins sous la surveillance d’Omer Talon, ancien lieutenant civil au Châtelet et qui fut député de la noblesse à l’Assemblée constituante. Avec de Montmorin ministre des Affaires étrangères, l’on découvre un réseau qui s’est constitué autour du comte de Mirabeau et des époux royaux. Il semble prendre sa tâche de protection de Marie-Antoinette avec beaucoup d’attention, s’il peut lancer quelques piques sur le roi en le comparant à l’empereur de Chine, il semble très dévoué à sa femme, et sous le charme, semble-t-il.

22 février :
On peut lire dans le Courrier de Saint-Domingue et Affiches Américaines cette annonce en dernière page : « Un nègre nommé Léveillé, (...) créole, âgé 28 à 30 ans, très-barbu bien-fait et joli de figure, étampé JTOVLW taille de 15 pieds 4 pouces, perruquier pour homme et pour femme, parti marronner du Port-au-Prince, le 1er novembre dernier, après avoir enlevé divers effets à M. Constans, habitant à Jacmel, à qui il appartient ; ce nègre ayant résidé longtemps au Port-au-Prince et Léogane, n'y a plus été vu depuis son marronnage, et il est retourné à Jacmel où on le soupçonne (...) » Et une « récompense pour ceux qui l'arrêteront et donneront une notion certaine du lieu où il est. S'adresser à M. Ducloud, à Jacmel ; M. de Moureu, gérant l'habitation Prémont à Léogane ou à M. d'Aubremont, greffier commis du conseil supérieur du Port-au-Prince. » (Source : Archive.org, 12 pages) Dans la capitale, les Parisiens envahissent le palais du Luxembourg pour empêcher le départ présumé du comte de Provence pour l'étranger.

23 février :  En Rhénanie, le Prince de Condé, Louis V s'installe à Worms pour y organiser une armée contre la France.

24 février :
A Paris, Charles-Maurice Talleyrand démis de son évêché d'Autun depuis le 20 Janvier sacre les premiers évêques constitutionnels. Cette cérémonie se déroule dans l'église de l'oratoire du Louvre. « M. Talleyrand de Périgord, (ex.) évêque d'Autun, assisté des évêques Gobel, de Lydria, et Miroudot de Babylone. confère le caractère épiscopal constitutionnel aux curés Expilly (*) et Marolles (**), élus évêques du Finistère et de l’Aisne ». (*) Louis-Alexandre Expilly, recteur de Saint-Martin de Morlaix, constituant du clergé de Léon (principauté de Basse-Bretagne). (*) Claude-Eustache Marolles (né en 1753), curé de l'église Saint-Jean-Baptiste à Saint-Quentin, et ancien député du clergé aux E.G.

25 février : Saint-Domingue, les métis Vincent Ogé, dit le jeune, Jacques Ogé dit Jacquot, son petit frère, et Jean-Baptiste Chavannes - le 5 mars et son frère Jacques le 10 mars? - ont été condamnés au supplice de la roue et leurs têtes coupées exhibées à la vue du public. Il existe sur les dates d'exécution des apports différents, nous gardons le 25/02 comme date de référence commune. Condamnés par les autorités locales, après avoir été remis par les autorités espagnoles, ils sont mis à mort à la ville du Cap
, avec 21 autres compagnons à la pendaison, plus une bonne dizaine de condamnés aux galères. Ils sont à l'origine de la première révolte dans la colonie pour l'égalité des droits des libres de couleur à la tête d'au moins 200 à 300 rebelles en octobre-novembre 1790 (ou plus selon les versions). Les meneurs iront se réfugier dans la partie de l'île appartenant à la couronne d'Espagne. Aux États-Unis, sur une décision du Congrès, la première banque de stature nationale est créée à Philadelphie en remplacement de l'ancienne banque de l'Amérique du Nord : ou la First bank of United states avec un capital de départ 10 millions de dollars.


Saint-Domingue :
Exécutions des frères, Vincent et Jacques Ogé
et de Jean-Baptistes Chavannes



Portraits de Jean-Baptiste Chavannes et Vincent Ogé (crédits Manioc)


« Au jour de l'exécution (23 Février 1791) les condamnés conduits devant l'église, nu-pieds, nu-tête, en chemise, la cordeau cou, portant chacun une torche de cire, nu au milieu d'un peuple immense, déclarèrent à genoux qu'ils se repentaient du crime qu'ils avaient commis, et qu'ils en demandaient pardon à Dieu.

Au centre de la place d'armes était dressé un échafaud surmonté de deux roues, Les bourreaux les y attachèrent la face tournée vers le ciel, et à coups redoublés de barres de fer leur rompirent les cuisses, les jambes, les bras et les reins. Calmes et résignés ils ne firent entendre aucune plainte.

L'Assemblée du Nord,  égarée par la haine qu'elle portait aux gens de couleur, assista en corps à cette exécution, comme à une fête nationale. Quand ces victimes eurent fermé les jeux, elles eurent la tête tranchée : celle d'Ogé fut exposée sur le chemin du Dondon lieu de sa naissance, celle de Chavannes sur le chemin de la Grande-Rivière.

Peu de jours après, deux autres compagnons d'Ogé furent rompus vifs ; vingt-et-un pendus, et treize condamnés aux galères à perpétuité. Plusieurs auteurs et les colons ont prétendu qu'Ogé s'était montré faible pendant sa captivité et le jour de son exécution, en dénonçant dans un testament ses principaux complices, et en se mettant à genoux en présence de l’Église. Vincent Ogé mourut avec un rare héroïsme, et releva l'énergie des siens.

Le testament dont on a beaucoup parlé et qu'on lui attribue est de Jacques Ogé son jeune frère ; quant à la circonstance par laquelle il s'est mis à genoux, on ne doit pas perdre de vue qu'il y fut contraint par la formule du jugement de condamnation. Il cessa de vivre à l'âge de 33 ans. Il avait de la conviction et de la grandeur d'âme. Après avoir respiré, en France, l'air de la liberté, et avoir fraternisé avec les plus grandes célébrités de la Constituante, de retour dans son pays, il aima mieux mourir que de s'y replacer dans une condition dégradante. »

Source :
Consultable sur Google-livres, T. Madiou,
Histoire d'Haïti, page 62, tome premier, Port-au-Prince, 1847
.


26 février : M. de Montmorin écrit au comte de Mirabeau et lui dit qu'il
« a fait part au roi de la délibération du département, relativement aux troubles qui ont régné ces 73 derniers jours dans Paris. Sa Majesté a regardé comme un moyen efficace de rétablir l'ordre le parti que le directoire a pris, et attend avec impatience les adresses et la proclamation qui doivent avoir lieu. Je n'ai pas caché au roi, monsieur, la part que vous aviez à cette délibération, et il m'a paru surtout fort content que vous fussiez chargé de la rédaction des adresses et proclamation. Il me semble, en effet, que c'était le moyen le plus sûr pour qu'elles fussent ce qu'elles doivent être. Ne doutez jamais, je vous supplie, de l'inviolable attachement avec lequel j'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur. » Signé, de Montmorin « Il avait été convenu d'avance entre Mirabeau et M. de Montmorin que ce dernier lui écrirait ce billet ostensible, en sa qualité de membre du département de la Seine, à l'occasion de l'émeute qui avait eu lieu au Luxembourg. » (Consultable sur Google-livres, A. Fourier de Bacourt, Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, page 73, 3ème tome, Paris-1851)

27 février : A Paris, au club des Jacobins, rue Saint-Honoré, M. de Laclos propose un projet de loi contre les émigrants, qui est suivi d'une discussion sur ce projet avec les interventions de MM. Lameth, de Renard et de Lépidor. M. Lemaire, rédacteur du Père Duchêne, dénonce le journal de Dusaulchoy, le Contre-poison, et les Sabbats jacobites de M. Marchand. (D'après le pamphlet la Jacobinière) Dans la même séance, on donne lecture : 1º d'une lettre de la Société de Clermont-Ferrand qui demande l'abolition des titres de Sire et de Majesté ; 2º d'une dépêche de la Société d'Amiens qui dénonce le projet d'enlever le Dauphin et la fille du roi . (Source : Consultable sur Google-livres,
F.A. Aulard, La Société des Jacobins, page 93, tome II, Paris-1891)

 

 Aux palais des Tuileries les chevaliers du poignard sont désarmés par la Garde nationale

28 février : Près de Paris, une émeute populaire s’attaque à la forteresse de Vincennes et aux parapets du donjon, et sont brisées les armoiries. Après la venue du bataillon de M. Santerre, le marquis de Lafayette intervient avec la Garde nationale pour dissiper les troubles et fait mettre en prison les démolisseurs à la Conciergerie. Dans la ville, sont chassés du palais des Tuileries les « Chevaliers du poignard » (environ 400 hommes en arme de la noblesse), ils s'y étaient installés pour assurer la protection de la famille royale. Après une vaine résistance face à la Garde nationale de la capitale, ils sont conduits en prison par des bordées d’injures et des vexations. A l'Assemblée, le député Louis Foucault de Lardimalie, de la noblesse de Périgord, demande la suppression des Sociétés populaires. Le Président passe à l'ordre du jour sans en prendre acte. Le chevalier de Murinais, député de la noblesse du Dauphiné, s'écrie : « Puisqu'on passe à l'ordre du jour, n'espérons pas avoir la tranquillité dans le royaume tant que vous aurez le club des Jacobins. » Ces deux élus prendront les routes de l'émigration dans le courant de la fin de l'année. Le soir, de retour dans la capitale Gilbert de Lafayette échappe à un attentat, et se met à circuler une rumeur selon laquelle il serait mort.

III – Le mois de mars 1791

Mardi 1er mars : A Lyon, sur la presqu'île des Cordeliers est élu au second tour par les citoyens actifs du département, Adrien Lamourette (né en 1742) comme évêque assermenté. Ce lazariste, professeur et supérieur du séminaire à Toul, et directeur de retraite à Saint-Lazare, sera sacré à Paris le 27 mars (regarder la vidéo à son sujet au mois d'avril).

2 mars : Dans la Sarthe, à Brûlon, Claude Chappe fait ses premiers essais de son invention : le télégraphe. Qui sera opérationnel en 1794. A la Constituante, il est publié un premier décret de Pierre d’Allarde, député, il préfigure de la loi Le Chapelier qui sera votée dans quelques semaines (le 14 juin). Le deuxième décret sera pris le 17 mars et engagera la disparition des Corporations. Parmi les plus emblématiques se trouve celle des « bateliers de Paris ». A l’Assemblée, la patente est créée.

3 mars : A l'Assemblée, l’on fait remettre l'argenterie des églises et des communautés religieuses aux hôtels de monnaie, l’or est transmis à la « Monnaie de Paris ». Un décret limite à six le nombre des maréchaux de France, leur traitement est fixé à trente mille livres.

4 mars :
Louis XVI tombe malade. Près de Paris, au village de Passy,  il se « raconte que le 4 de ce mois un certain nombre de citoyens-actifs ont présenté à la municipalité une pétition respectueuse, pour demander que les noms des rues soient écrits à tous les coins ; et que la municipalité refuse, en alléguant, entre autres raisons, que l’objet de cette pétition entraînerait une dépense que la commune n'est pas en état de supporter. La société de Passy observe que cette dépense ne s'élèvera pas à un Louis ; et que le don patriotique de Passy a été de cinquante mille francs. Les municipaux de Passy allèguent deux autres rainons qui ne valent pas mieux que la première. » (Source : Retronews-Bnf, Journal des Amis de la Constitution, n°18 du 29 mars 1791, page 3) États-Unis, l’état du Vermont rejoint l’Union et devient le quatorzième membre de la fédération, sa capitale se nomme Montpellier. A Saint-Domingue, le colonel du régiment de Port-au-Prince, Antoine Thomas Mauduit du Plessis est assassiné par ses propres soldats.

5 mars : A Orléans, il est établi un tribunal provisoire chargé de juger les crimes de « Lèse nation », ou ce qui adviendra la Haute Cour de Justice.

6 mars : A Paris,
Jean-Baptiste Massieu (né en 1743), curé de Sergy (ou Cergy), et député constituant est sacré évêque constitutionnel de l'Oise. Futur élu conventionnel, il votera la mort de Louis XVI et se mariera... Au palais des Tuileries, le roi a « la langue chargée et le dégoût annoncent des humeurs dans les premières voies, que plusieurs digestions troublées doivent faire soupçonner. On a donné un vomitif dont l’effet est facile et favorable. Néanmoins, la toux, l’enrouement et la fièvre ont continué. Ce matin, ces mêmes symptômes subsistent : le Roi a toussé fréquemment pendant la nuit, et a eu fort peu de sommeil. » Selon ses médecins, MM. Le Monnier, La Servolle, Vicq d’Azyr et Andouillé. Celui-ci presque toute la journée est resté alité et a assisté de son lit à la messe. Cette situation va perdurer plusieurs jours.

7 mars : Dans ses échanges de correspondance avec Georges Washington, Gilbert de Lafayette lui fait part de ses doutes et des difficultés rencontrées : « je continue à être toujours ballotté dans un océan de factions et de commotions de toute espèce ; car c'est mon sort d'être attaqué avec une égale animosité, d'une part par tout ce qui est aristocrate servile, parlementaire, en un mot, par tous les adversaires de ma libre et nivelante doctrine ; de l'autre, par les factions orléanistes, anti-monarchiques et tous les fauteurs de désordres et de pillages. S'il est douteux que je puisse échapper personnellement à tant d'ennemis, le succès de notre grande et bonne révolution est au moins, grâces au ciel, assuré en France et bientôt elle se propagera dans le reste du monde, si nous parvenons à affermir l'ordre public dans ce pays. Malheureusement, le peuple a bien mieux appris comment on renversait le despotisme, qu'il ne comprend le devoir de la soumission aux lois. ».  M. de Lafayette le prévient aussi de la fin des interdictions qui touchaient à la culture du tabac dans certaines zones frontalières de la France avec sa libéralisation, et espère que cela ne froissera pas les États-Unis, pays producteur de tabac. (Source : Gallica-Bnf, Mémoires, correspondance et manuscrits, du général La Fayette, tome 3, pages 167 et 168)

8 mars : En Charente, Pierre-Mathieu Joubert (né en 1748), curé de Saint-Martin d'Angoulême et député à la Constituante est élu évêque constitutionnel du département. Il sera sacré à Paris le 27 mars prochain.

9 mars : Aux États-Unis, à la demande de G. Washington, le franco-étasunien Pierre-Charles L'Enfant, arrive à Georgetown pour établir les plans de la future capitale.

10 mars : A Paris, François Bécherel, (né en 1732), curé de Saint-Loup, membre de l'Assemblée constituante, est sacré évêque constitutionnel de la Manche. A Rome, le pape Pie VI, par le bref « Quod aliquatum », condamne la Constitution civile du clergé et demande aux jureurs de se rétracter. Il existera un deuxième « bref » le 13 avril, en voici le contenu : « Le pape commençait par déplorer la défection des quatre évêques, et surtout de celui qui avait prêté ses mains pour la consécration des constitutionnels. Il ordonnait à tous les ecclésiastiques qui avaient fait le serment de se rétracter dans quarante jours, sous peine d'être suspendus de l’exercice de tous ordres et soumis à l'irrégularité, s'ils en faisaient les fonctions. Il déclarait les élections des nouveaux évêques illégitimes, sacrilèges et contraires aux canons, ainsi que l'érection des sièges de Moulins et autres créés par les nouvelles lois ».

11 mars : Paris, à la Société des amis de la constitution de Paris, il est procédé à l'examen du mémoire de Léonard Bourdon, sur l'instruction et sur l'éducation nationale, le rapport fait Alexandre Beauharnais, député du Loir-et-Cher.
« Cette idée grande, belle, digne d'une âme sensible  est faite pour attirer toute l'attention des Amis de la constitution, qui après avoir concouru à une grande révolution, sentent que leurs plus tendres sollicitudes doivent maintenant se diriger vers l'éducation nationale, qui, améliorant successivement l'espèce humaine, fera faire à chaque génération un pas de plus vers le bonheur. » (Source : Gallica-Bnf, page 6)

12 mars : La Constituante ordonne la rédaction de listes des ecclésiastiques ayant ou non, prêté le serment.

13 mars : Dans la capitale, les « Chevaliers du poignard » sont libérés, suite à l'incarcération du 28 février.
L'abbé Grégoire est sacré évêque constitutionnel du Loir-et-Cher ou de Blois, consacré par Jean-Baptiste Gobel dans l'église de l'oratoire du Louvre. Idem pour Jean-Baptiste Aubry (né en 1736), professeur de philosophie, curé de Besle et député du clergé de Bar-le-Duc est sacré comme évêque du département de la Meuse. En plus, une assemblée électorale se réunie à Notre-Dame, pour désigner l'évêque parisien. Parmi les candidats, l’abbé Grégoire obtient 14 voix et l’Abbé Sieyés 26 voix, et c'est J.B. Gobel qui est élu avec une large majorité de 500 voix.

14 mars : A Paris, une loi et une proclamation du roi annoncent la création de six tribunaux criminels, de sept membres chacun. Ils sont désignés pour instruire et juger tous les procès de sa compétence d’avant le 26 janvier. Ce cadre sera provisoire jusqu’à l’établissement d’un unique Tribunal criminel dans la capitale l’année suivante. L'abbé devenu évêque, Henri Grégoire adresse une lettre de communion à Pie VI.

15 mars : A Caen, la Société de la ville affiliée aux Jacobins,
« annonce que la vertu vient d'être portée à la chaire épiscopale dans la personne de M. Gervais, curé de Saint-Pierre de Caen, que la société, en apprenant cette nouvelle, a été transportée d’allégresse, et que « una voce dictentes, douze cents voix élancées vers les cieux ont entonné le Te-Deum ». Charles-René Gervais démissionnera de l'évêché constitutionnel du Calvados un mois après et redeviendra curé. (Source : Retronews-Bnf, Journal des Amis de la Constitution, n°18 du 29 mars 1791, page 3)

16 mars : A Lyon, l'abbé réfractaire Jacques Linsolas (1754-1828) en pleine période de Carême, qu'il prône à ses fidèles, celui-ci affiche ses désaccords avec la Constitution civile du clergé, malgré l'obligation d'y prêter serment. Peu de jours auparavant dans un de ses prêches, il avait déjà appelé à prier pour l'archevêque, malgré la suppression du titre, et refusait de tenir compte de l'élection du 1er mars dernier, c'est-à-dire d'Adrien Lamourette (en portrait) le nouvel évêque constitutionnel de Rhône-et-Loire. Des membres de la Société locale des Amis de la Constitution sont venus ce jour se faire entendre bruyamment lors du sermon de l'abbé, où il réitère vouloir prier pour le prélat déchu de la ville, l'ancien archevêque, à cela s'ajoute au désordre, les manifestations des femmes favorables à l'abbé Linsolas, et cela commence par des invectives, puis des batailles de chaises à l'intérieur et fini sur le parvis de l'église en une bagarre généralisée entre les deux camps. L'abbé Linsolas et trois autres prêtres sont arrêtés et mis en prison pour trois mois et clos l'affaire. (Source : OpenEdition, Annales hist. de la Rév. fr., Paul Chopelin, Les militants laïcs de l’Église réfractaire : le cas lyonnais, pages 159-182, n°355, janvier-mars 2009)

17 mars : A l’Assemblée, il est publié une loi décidant que l’imposition foncière sera payée dès cette année. A Toulouse, des affrontements avec des royalistes font 3 morts. G. Morris rédige ce jour : « Je vais dîner ce soir chez Mme d'Angivillers. Mme de Condorcet se trouve présente. Elle est belle, et elle a l'air spirituel. Après le souper, je m'entretiens avec Condorcet des principes des économistes. Je lui dis, et c'est la vérité, que j'avais autrefois adopté ces principes dans les livres, mais que j'en ai changé depuis que je connais mieux l'humanité et que ma réflexion est plus mûre. En terminant notre discussion, je lui dis que si l'impôt direct est lourd, il ne sera pas payé. » (Source : Archive.org, Journal de G. Morris, page 216)

18 mars : A Paris : Il est adressé une pétition nouvelle et collective par des citoyens de couleur des îles françaises, destinée à l'Assemblée et précédée d'un avertissement :
« Laisser aux blancs la législation sur les hommes de couleur, c’est déclarer les colonies indépendantes, c’est allumer un foyer de guerre éternelle, qui ne finirait que par la destruction de l’une ou l’autre classe, et par conséquent des colonies françaises. » Pétition signée par Raymond l’aîné, Raymond le jeune, Fleuri, Honoré Saint-Albert, Desoulchay de Saint-Réal, et Desoulchay, Porsade et Audiger. (texte complet sur wikisource)

19 mars : Dans département du Nord, à Douai ont éclaté des heurts depuis plusieurs jours et se trouve à l’ordre du jour de l’Assemblée. Jusqu’à présent la municipalité a refusé d’appliquer la loi martiale. La raison est le refus d’exporter les grains et des foules s’en prendront et pendront un officier et un marchand. A Paris, l’on exige l’application de la loi et des arrestations rapides, Robespierre en temporisateur intervient pour demander que l’on invite les élus de Douai à s’expliquer, et trouve peu d’écho au sein de la Constituante.

20, 21 et 22 mars :
Aux palais des Tuileries le roi est rétabli de sa maladie et reprend ses activités. A l'Assemblée, pendant deux jours de débats, il va être décidé de la fin des Fermiers généraux ou de la « Ferme générale ». Les baux et traités d’origines sont annulés. Cette institution est abolie par un vote. Il en fut d’une sorte de consortium privé, effectuant le versement d'une somme forfaitaire à l’Etat, il recevait pour six ans le droit de lever des impôts : la gabelle, les octrois et les droits indirects. Les Fermiers généraux vont avoir un rôle non-négligeable dans la crise financière et être un grand catalyseur des colères populaires. Il s’agissait de vingt familles se partageant les quarante postes de fermiers généraux. Pour en terminer avec cette oligarchie financière et procéder à une vérification de ses comptes, les députés décideront de nommer une commission. Petite anicroche à l’esprit et aux intérêts de tous, l’on désigne six anciens fermiers généraux…  Le 22, un décret exclu les femmes de la Régence en cas de minorité du monarque, c’est-à-dire, elles sont considérées comme mineures pour exercer la charge. Un autre décret est pris sur le remboursement des titres aux propriétaires des « offices ministériels » en liquidation. Les « officiers ministériels » rattachés auprès de la Cour des comptes, à présent se voient homologués auprès de la Cour d’appel. Les mines sont décrétés être à la dispositions de la Nation : « Art. ler. Les mines et minières, tant métalliques que non métalliques, ainsi que les substances fossiles, sont à la disposition de la nation, et ne peuvent être exploitées que de son consentement, à la charge d'indemniser les propriétaires de la surface, ei d'après les règles qui seront prescrites par le présent décret. » Et à l'« Art. 2. Ne sont néanmoins compris dans l'article précédent les sables, les craies, les argiles, les pierres à chaux et à plâtre, et autres de pareille nature, qui, par leur position et leur abondance, étant dans la main de tous, continueront à être exploités par les propriétaires, comme choses à eux appartenant. » Et l'ensemble légal sera plus tardif avec des modifications aux articles cités (en juin).

23 mars : Dans la capitale est fondée la Société patriotique et de bienfaisance des amies de la Vérité, par la hollandaise Etta Palm d'Aelders (en portrait) : « C’est donc à des citoyennes vertueuses à rappeler, par leur exemple, à l’aimable modestie, à la sainte fraternité, au secours de leurs sœurs qui sont dans l’indigence ». Son objectif sera d'aider à l'éducation et à l'apprentissage des jeunes filles pauvres. Il existera jusqu'à 56 clubs ou salons féminins dans le royaume avant leur interdiction en octobre 1793 sous la 1ère République. Etta Palm d'Aelders fera paraître à l'imprimerie du Cercle social dans le cours de l'année 1791 différentes interventions ou prises de positions dans son : Appel aux Françaises sur la régénération des moeurs, etc (Source : Gallica-Bnf).

24 mars : A Paris, lors d'un Bureau Municipal, il est fait un rapport sur la navigation sur l'Yonne, 
« cette rivière est sur le point d'être interrompue vis-à-vis le village de Barbet (Barbey plus exactement dans l'actuelle Seine-et-Marne), où il s'est formé des bancs de sable qui sont d'autant plus préjudiciables qu'au-dessus il s'est fait un écoulement entre une prairie et une ile, ce qui dérange et diminue le cours de cette rivière, en sorte que le passage dessus ces bancs de sable devient très difficile est les basses eaux qui viendront successivement ne permettront plus de passer sur lesdits bancs de sable, ce qui pourrait par suite interrompre la navigation et rendre presque impossible le passage des charbons et de plus de cinq mille trains destinés l'approvisionnement de la capitale. » Le Bureau municipal décide d'y envoyer M. Blanchet, le commissaire de Police de la ville pour constater la situation, qui est prise pour importante pour assurer le ravitaillement des Parisiens. (Source : Gallica-Bnf, André Vaquier, Actes de la Commune de Paris pendant la Révolution, page 265, tome 3, Paris,-1894)

25 mars : Dans la capitale,
« après avoir passé la nuit avec deux danseuses de l'opéra, Mirabeau fut frappé de violentes crampes intestinales. Ce que son médecin personnel, Cabanis, avait d'abord considéré comme une nuit d'excès sexuels s'avéra être quelque chose de plus sérieux car la douleur s'aggrava. Son état continua de se détériorer ». (Source : World History Encyclopedia en français, un article de Harrison W. Mark, traduit par Babeth Étiève-Cartwright sur le comte de Mirabeau, du 6/04/2022)

26 mars : A la Constituante lors de la séance du matin est abordé le rapport lu à l'Académie des sciences le 19/03 dernier sur les moyens d'établir l'uniformité des poids et mesure. Un texte signé et présenté à l'Assemblée nationale, par MM. Borda, la Grange, la Place, Monge, et Condorcet.

27 mars :  Jean-Baptiste Gobel prend possession de son siège d'évêque de Paris et il est sacré par huit évêques, dont Talleyrand.

28 mars : La société des « Amis de la Constitution monarchique » est fermée sur décision de la municipalité. Cette société regroupait le « club de 1789 » et le « club des Impartiaux », et elle est animée par le député Pierre-Victor Malouet chef du « parti constitutionnel » (planteur à Saint-Domingue) et du député Stanislas de Clermont-Tonnerre. Ce dernier sera à nouveau deux fois président des séances de l’Assemblée et représentant lui aussi monarchiste et constitutionnaliste (son aile "droite", mais pas la plus radicale).

29 mars : A Toulouse, des prêtres provoquent une émeute. A l'Assemblé, Il est décrété une somme d'un peu plus de 4 millions de livres en faveur des Enfants-trouvés, des dépôts de mendicité, etc.
Le roi est obligé par décret de résider à moins de 20 lieues de la chambre des députés (environ 60 kilomètres de Paris), donnant lieu à une pétition de celui-ci le mois suivant. Denis-François Tronchet, avocat et député du Tiers de Paris « sur 384 votants, M. Tronchet a réuni 259 et M. Chabroud 125. En conséquence, M. Tronchet est nommé président. »

30 mars : A la Constituante, suite au rapport sur le choix d'une nouvelle unité terrestre de mesure, il est approuvé « le quart de méridien » (environ 10.000 kilomètres) comme base du nouveau système de mesure, ainsi que l'échelle décimale, servant ainsi comme cohérence pour un nouveau système de mesures (le système métrique ne sera appliqué qu’en 1793). Cette proposition émane de MM. Borda, Lagrange, Laplace, Monge et Condorcet (en portrait ci-contre), tous membres de l’Académie des sciences. Il est décidé de réviser les mesures de la Méridienne, considérées imprécises. Un crédit de 10.000 livres sera attribué pour des travaux de recherche. Et 150.000 livres sont attribuées aux travaux du canal du Nivernois  Dans la capitale, un curé de l'église Saint-Sulpice qui n'a pas prêté serment est menacé d'être pendu par la foule.



MUNICIPALITÉ DE PARIS,

0
AVERTISSEMENT AUX ECCLÉSIASTIQUES


«
Qui ont fait au Secrétariat de la Municipalité, leur Déclaration, qu'ils entendent prêter le Serment ordonné par la Loi du 26 Décembre 1790. Du Mercredi 30 Mars 1791.

MESSIEURS les Ecclésiastiques, non Fonctionnaires publics, qui ont déclaré, au Secrétariat de la Municipalité, vouloir prêter le Serment ordonné par la Loi du 26 Décembre 1790, sont avertis que MM. les Officiers Municipaux, qui se transporteront, Dimanche 3 Avril, dans les différentes Paroisses de la Capitale pour l'installation de MM. les Curés, procéderont aussi à la réception de leur Serment. Ils sont, en conséquence, invités à se rendre à huit heures du matin, dans leurs Paroisses respectives. »
Signé, BAILLY,  Maire. DEJOLY, Secrétaire-Greffier.

Source : Gallica-Bnf - (Identifiant : ark:/12148/bpt6k62479588)


31 mars : Devant l'Assemblée, à la séance du soir, le journaliste et avocat Henri Linguet prend la parole pour défendre les membres de l'assemblée de Saint-Marc de Saint-Domingue, dite des Léopardins, suite à six mois d'attente, et il termine par :
« Maintenant il s'agit de prouver que ces mêmes actes, si conformes au vœu du peuple français de Saint-Domingue, ont la même conformité avec celui des législateurs français d'Europe ; qu'ils ne sont que les expressions pures et simples, que l'exécution littérale de vos propres décrets. » Ce à quoi Robespierre répond qu' « il n'est pas question de juger en ce moment le fond de l'affaire, rien ne presse, mais les égards, la bienséance et l'humanité précrivent que vous acquiesciez à là demande des accusés qui, s'étant rendus à la barre en vertu de votre décret, vous déclarent qu'ils ne sont pas en état de continuer leur défense. » (Applaudissements et nouvelle convocation le 5 avril)

IV – Le mois d’avril 1791


Vendredi 1er avril : A Paris, le chimiste Claude-Louis Berthollet fait éditer chez Firmin-Didot : Des éléments des arts de la teinture. L’éditeur cité va incarner une famille d’imprimeur allant tenir un rôle important dans la connaissance de la Révolution française, tout au long du XIXe siècle notamment. On peut lire dans le Contre-poison (n°33), organe royaliste
« Pourquoi souffre-t-on tant d’étrangers à Paris, qui rongent une partie de la subsistance destinée aux ouvriers sans travail? Ne serait-il pas plus sage, plus humain, de commencer par nourrir ses enfants, de faire subsister ceux qu’on a dépouillés, que d’adopter des étrangers pour leur faire partager les aliments destinés aux indigents? c'est qu’ils sont nécessaires à l’ambition des Jacobins, et qu’ils contrebalancent les murmures du peuple. Pourquoi ces étrangers fugitifs, pour la plupart ennemis de l’ordre, charités de leur patrie pour leurs mauvaises actions, s’obstinent-ils à rester dans la capitale? c’est qu’ils y sont maintenus, protégés par les Jacobins, et destinés à prêter la main dans une sédition contre le peuple même qui les nourrit ; c’est un contre-pieds qu’ils se ménagent, dans le cas où les ouvriers viendraient à être éclairés sur leurs intérêts, et demanderaient le renvoi de cette multitude de lâches échappés du Brabant, de brigands que vomissent les frontières de la Sardaigne et de l’Italie. Pourquoi établit-on une différence de prix dans le travail des ouvriers? Pourquoi les uns font-ils payés 20 sols, et les autres à 15 sols par jour? N’est-ce pas clair que si les étrangers étaient renvoyés dans leur pays, les nationaux jouiraient des mêmes avantages, etc. que cette différence outrageante dans le traitement qu’on leur fait, disparaîtrait ? »


AVERTISSEMENT



Dessin de François Bonneville

d’Etienne Clavière (1735-1793)
Publié à Paris, le 4 avril 1791 : Adresse de la Société des Amis des Noirs, à l'Assemblée nationale, à toutes les villes de commerce, à toutes les manufactures, aux colonies, à toutes les sociétés des amis de la Constitution : adresse dans laquelle on approfondit les relations politiques et commerciales entre la métropole et les colonies.

« M. MOREAU DE SAINT-MÉRY député de la Martinique, fait répandre une nouvelle diatribe de soixante-quatorze pages in-8°, contre la société des Amis des Noirs. Elle est datée du PREMIER MARS quoique la distribution n'en ait été faite qu’hier et on annonce perfidement encore, qu'elle sort des presses de l'Imprimerie Nationale. Cet insidieux écrit a pour titre Considérations présentées aux vrais amis du Repos et du Bonheur de la France, l'occasion de nouveaux mouvements de quelques soi-disant amis des noirs.                                          

Nous n'hésitons pas à le dénoncer, comme un nouveau scandale; comme un nouveau blasphème contre les principes de notre constitution comme un libelle tissu par une perfidie d'autant plus dangereuse, qu'elle n'est plus accompagnée des fureurs ordinaires des colons, et qu'elle se pare d'une lâche et fausse modération. Des troubles se sont élevés dans les colonies; c'était un résultat forcé de notre révolution; la commotion devait se faire sentir dans toutes les parties de l'empire. (…)

« Tel est le but criminel de M. Moreau. Eh comment n'a-t-il pas aussi accusé les Amis des Noirs de tous les mécontentements de toutes les révoltes qui ont troublé les colonies, avant l'existence même de la société car enfin l'esclave y a souvent tenté de secouer ses fers; souvent il les a teints du sang de ses bourreaux et cependant il n'existait pas de Société des Amis des Noirs? (…)

« Il manque, au libelle de M. Moreau, d'être écrit avec le sang des citoyens de couleur et des malheureux esclaves. Cette nouvelle figure de rhétorique, était digne de l'émule de ces soi-disant députés du nord et de l'ouest de Saint-Domingue, dont la lettre circulaire est exactement le sommaire de l'infernal écrit de M. Moreau. Il a cherché en suivant leur marche et en adoptant toutes leurs atrocités et toutes leurs  rêveries à leur donner quelque ombre de vraisemblance. L'Adresse qu'on va lire répond déjà à M. Moreau ; elle pulvérise et ses accusations, et ses mensonges, et ses calomnies, et ses absurdes prédictions. Mais cette réponse ne suffit point. Dans une cause de cette importance plus nos accusateurs redoubleront de perfidie et de scélératesse, et plus ils nous animeront à les poursuivre.  (…)

 « M. Moreau aurait-il espéré de dévouer là Société des Amis des Noirs aux assassinats qui dans les colonies, caractérisent ce qu'on y appelle la justice? Pense-t-il nous joindre à tant d'innocentes victimes de l'insatiable cupidité  et de l'insolente vanité des colons blancs? Qu'il essaye les tribunaux lui sont ouverts. On n'y voit pas, à la vérité siéger ces hommes de sang, dont l'affreuse jurisprudence punit les crimes, les insurrections qu'ils font naître et les vengeances dont ils allument tous les feux. Mais qu'a besoin, M. Moreau, de ces juges atroces si les victimes que sa fausse sensibilité déplore, sont frappées de la main des Amis des Noirs, si le malheureux Ogé n'est que leur instrument, s'ils en désobéi aux décrets de l'assemblée nationale? (…)

« L'insurrection contre leurs droits était résolue elle s'était annoncée par des assassinats dès le moment où il fallut s'occuper des assemblées coloniales. Les députés de Saint-Domingue qui s'étaient créés à Paris avaient prouvé, parleur correspondance dévoilée, leurs mauvaises intentions contre les hommes de couleur; ils les manifestaient avec plus de hardiesse, à mesure que par leurs intrigues, ils réussissaient à écarter de l'Assemblée nationale, les députés de ces citoyens mulâtres, quoique dans les premiers moments, ceux de Saint-Domingue eussent exhorté leurs compatriotes à se les attacher en reconnaissant leurs droits.

Ainsi accusant les Amis des Noirs de leurs propres forfaits, les soi-disant députés qualifient de chef de bande, le malheureux Ogé, parce qu'il a franchi les obstacles qu'on lui opposait parce qu'il a invoqué avec la contenance d'un homme libre et averti de mauvais desseins l'exécution des décrets rendus sous ses yeux parce qu'il a embrassé avec courage la défense, d'une loi qui fait le salut de ses frères, d'une loi dont il voyait la violation assurée, s'il ne les réunissait pas tous pour la protéger. Armés de cette loi que la conscience publique ordonnait d'étendre sur eux forts du droit qu'ont tous les hommes et que l'Assemblée nationale a reconnu, de résister à l'oppression ils se rassemblent contre des ennemis déclarés.

Quel sera leur sort? Quel sera celui du généreux Ogé qui n'a laissé ignorer ni ses sentiments, ni ses desseins, au comité et notamment à M. Barnave, et qui, depuis plus d'un an était désigné par les députés d’ici, comme un jeune homme plein de courage, dont il fallait s'emparer dès qu'il arriverait à Saint-Domingue.

Si ces infortunés périssent par des formes qui n'auront de légal que l'apparence, si leur sang répandu crie vengeance serait-ce les amis des noirs qu'il faudra en accuser? Ils conseillaient, ils sollicitaient la discussion, elle eût tout sauvé et sans doute, on n'est pas à se repentir d'avoir méprisé leurs avis. Tel est le décret, tels sont les faits. Qu'on juge maintenant, si ce ne sont pas des hommes atroces ceux qui imputent à la Société des Amis des Noirs les troubles des colonies qu'ils ont eux-mêmes allumés. »

Source : Gallica-Bnf, 
Adresse de la Société des Amis des Noirs,
à l'Assemblée nationale,
de l'imprimerie du patriote français (Paris, 1791)


2 avril : Au matin du 2 avril, Mirabeau dit à Cabanis, son médecin, qu'il veut se faire raser « car mon ami, je vais mourir aujourd'hui.
» Il décède quelques heures après, il est âgé de seulement 42 ans, et meurt d'un problème cardiaque, la péricardite. (Source : World History Encyclopedia en français, article sur Mirabeau). Et F.J. Talma le comédien écrira dans ses mémoires à son sujet : « Mirabeau était mort calme et souriant. Son masque est celui d’un homme qui a dit adieu au monde sans un seul remords. Il savait que mourir, à cette époque-là, c’était conquérir son immortalité. » A Paris, en fin de journée, c’est l’annonce du décès de Mirabeau à son domicile, comme locataire d'une maison située  au 42 rue du Mont-Blanc (actuelle rue de la chaussée d'Antin) une propriété de la comédienne Julie Talma. Cette disparition provoque une grande tristesse et une forte émotion dans la population. Le directoire du département de Paris confie la surveillance des hôpitaux de la capitale à une commission composée de cinq membres dont M. Cabanis et à qui l'on doit la publication de ses Observations sur les hôpitaux (Paris, Imprimerie nationale 1790).

Le 3 au 5 avril, le directoire du département parisien propose à l'Assemblée de transformer l'église Sainte-Geneviève en Panthéon et d'en accorder les honneurs à Mirabeau. La folie des complots pousse à des rumeurs : il aurait été empoisonné, ce qui se révélait entièrement faux. Cela va donner lieu à des cérémonies importantes et le choix de le mettre (un temps) au Panthéon. Ses restes plus tardivement seront envoyés dans une fosse commune. Rien en l’état ne transpire de ses relations financières et politiques avec le monarque. L’hommage qui lui fut rendu s’avéra un grand événement populaire. La déception ou le rejet qui naîtra à l’annonce en 1792 de « l’affaire de l’armoire de fer » du palais des Tuileries, sera toute aussi forte sur ses compromissions. Si Honoré-Gabriel de Mirabeau est en avril 1791 une sorte de héros de la Révolution. La perception changera en sens diamétralement inverse l'année suivante. Le 5, le corps de Mirabeau est conduit au Panthéon avec pour bannière à son fronton : aux grands hommes la patrie reconnaissante et décrété, le 4, à l’Assemblée.

Rendons grâce à Honoré-Gabriel Riquetti de Mirabeau d’avoir été un acteur décisif de la révolution bourgeoise, un auteur et un patron de presse pareillement. Celui qui imposa par habilité, le saut constitutionnel va résister un temps aux plus ultras et imposer l’Assemblée nationale, sans que la force des baïonnettes, ne s’exerce... A ce sujet, lors de la déclaration du Jeu de Paume en juin 1789, il avait précisé à son voisin, qu’à la première manifestation de combat, il n’hésiterait pas à prendre la fuite. Après ce qui lui sembla sa mission et un objectif politique, c’est-à-dire en finir avec le système absolutiste, ou contre le despotisme pour reprendre ses propres mots. Mirabeau a agi par la suite comme un conservateur de son propre système. En prenant des positions qui surprendront les plus sociaux. Comme pas mal de ses contemporains, il est allé au plus offrant et se donna à celui qu’il avait maintenu au pouvoir. Cet homme a vécu sa vie entière dans l’endettement, il a su trouver son prix de vente… Les caisses noires et financements occultes vont lui survivre. Nous partons, d’une société s’étant organisée dans un système corrompu.

La vie politique ne deviendra pas pour autant vertueuse du jour au lendemain, ou par miracle, et c’est ce qui va miner ses fondements tout au long du processus révolutionnaire. Cette faille béante du système politique, avec l’exemple de Mirabeau apparaît, comme mineure ou anodine, on ne peut le réduire à si peu. Même s’il faut, reconnaître ses erreurs, sa trop courte existence révolutionnaire est à l’illusion du moment. Honoré-Gabriel Riquetti (c’est ainsi que le nomme Marat) est  étonnant, lui aussi, pour ses prémonitions, notamment sur la guerre. Cet homme avait un vrai sens de la mesure politique. Son nom d’origine provençale, signifie « regarder le beau » (« Mirar bèu »). Il meurt auréolé, comme l’homme du Peuple. Ce dernier, le portant sur les voies de l’émancipation, du moins la sienne, qui ne dura que peu de mois. Il fut un aristocrate un peu fanfaron, amateur de la vie et de ses plaisirs. Il restera un grand orateur et un grand illusionniste de son temps. Le 5, sa dépouille inaugure le Panthéon. Voltaire sera le suivant en juillet.

Note de Lionel Mesnard
4 avril : François-Joseph Talma démissionne de sa place de sociétaire de la Comédie française, il quitte le « Théâtre de la Nation » (la troupe de la Comédie française se trouvait au théâtre de l'Odéon). Ainsi Talma et d'autres rejoindront la rue Richelieu pour le nouveau « Théâtre Français » (l'actuelle salle de la Comédie française et l'ouverture sera le 27 mars) ; et il entraînera avec lui un certain nombre de comédiens, qui seront nommés « l’escadron rouge ». Talma comme d’autres acteurs vont s’illustrer dans le processus révolutionnaire, et il sera l'acteur préféré de Napoléon sous l'Empire.

5 avril :  Depuis Paris, dans une lettre Madame Roland écrit à son ami Jean-Henri Bancal des Issarts à Londres, et elle lui explique que :
« Le désordre des finances a amené notre Révolution ; ce désordre existe toujours, sans mesures efficaces pour l’arrêter. Voilà le foyer du mal secret qui nous ronge et qui finira par nous dévorer. Je n’ai entendu aucun raisonnement, je ne conçois aucun calcul qui détruise ce fait-là. » (Source : Wikisource, Lettres de Madame Roland : année 1791, page 253)

6 avril : Dans le Var, le directoire du département fait connaître que 525 des 543 prêtres ont juré fidélité à la Constitution civile du clergé. Les chiffres pouvaient variés très fortement d'une région ou d'un département, voire d'un district à un autre du pays, et nombre des sources chiffrées manquent pour dresser un tableau général, il se faut se contenter de 43 département sur 83, pour avoir un peu plus de la moitié des ecclésiastiques à avoir prêté serment à la loi des 3 C. et être devenus ainsi des fonctionnaires de l'Etat. (Source : Persée.fr, P. Sagnac, Etude statistique sur le clergé constitutionnel et le clergé réfractaire en 1791)

7 avril : A Paris, les femmes du faubourg Saint-Antoine s’étonnent du nombre de messes inhabituelles dans leur quartier. L’on soupçonne des réfractaires d’être à l’œuvre et des citoyennes font le tour des églises et flagellent une dévote et deux nonnes. Le mouvement s’étend, il favorise l’amplification de la rumeur comme quoi les curés jureurs seraient ébouillantés à leur passage par des religieuses, provoquant des faits similaires dans le quartier de Saint-Roch. A l’Assemblée Robespierre fait voter un décret interdisant à tout député de devenir ministre dans les quatre ans suivant son mandat.

8 avril : Départ de Chateaubriand pour les Amériques, son choix est de quitter l'hexagone et de tenter l’aventure,
l’écrivain tourne ainsi le dos un temps à la France révolutionnaire et aux émigrés. A l'Assemblée, le député Merlin de Douai, rapporteur et juriste de formation fait adopter deux articles additionnels sur la question des successions qui confortent les héritiers cadets des deux sexes en leur droit à hériter à part égal, abrogeant ou mettant fin aux coutumes pratiquées, en fonction du décret pris le 15 mars 1790 (à lire ci-dessous).


Suit la teneur des articles du décret relatif
aux successions
ab intestat (sans testament)

Art. 1er, Toute inégalité ci-devant résultante, entre héritiers ab intestat (sans testament), des qualités d'aînés ou puînés (cadets), de la distinction des sexes ou des exclusions coutumières, soit en ligne directe, soit en ligne collatérale, est abolie. Tous héritiers en égal degré succéderont par portions égales aux biens qui leur sont déférés par la loi ; le partage se fera de même par portions égales dans chaque souche, dans les cas où la représentation est admise.

En conséquence, les dispositions des coutumes ou statuts qui excluaient les filles ou leurs descendants du droit de succéder avec les mâles, ou les descendants des mâles, sont abrogées.

Sont pareillement abrogées les dispositions des coutumes, qui dans le partage des biens tant meubles qu'immeubles d'un même père ou d'une même mère, d'un même aïeul ou d'une même aïeule, établissent des différences entre les enfants nés de divers mariages.
Source : Bib. de Stanford - Arch. Parlementaires, pages 651-652, tome XXIV


9 avril : Département de la Vendée, une tentative d’assassinat est organisée contre un prêtre assermenté.

10 et 11 avril : A Paris,
Louis Charrier de la Roche (né en 1738), curé d'Ainay à Lyon et membre de l'Assemblée constituante, est sacré évêque constitutionnel. Il sera démissionnaire la même année. Pierre-Joseph Porion, (né en 1743), professeur de théologie, curé à Arras, est lui aussi consacré évêque pour le Pas-de-Calais dans la capitale par Charles-Maurice de Talleyrand. Le 11, il est pris un arrêté qui autorise à tous les citoyens le droit de réunion, et permet aux ecclésiastiques réfractaires de contourner les mesures drastiques. Il est aussi prononcé, et lu au couvent des Jacobins un éloge funèbre de Mirabeau par un membre affilié à la Société fraternelle. (Source : Gallica-Bnf) A Lyon, l’on procède à l’entrée solennelle du nouvel évêque assermenté, Monseigneur Adrien Lamourette.

Adrien Lamourette (1742-1794), un évêque-citoyen en Révolution



Cliquez ici pour  regarder la vidéo sur le Canal U  (Durée : 24 minutes)

« Les évêques des lumières : administrateurs, pasteurs et prédicateurs »
Journée d’étude du 7 juin 2013 avec Caroline CHOPELIN-BLANC, Docteure en histoire


12 avril : A Lyon, l’abbé Aymard prononce « l’éloge civique » de Mirabeau. A l'Assemblée, il est fait lecture de la Lettre de M. Duportail, ministre de la guerre, sur la révolte de soldats à Figeac. (Source : Persée.fr)

13 avril : Du Vatican, le pape lance un « bref » où il accuse l'Assemblée constituante d'avoir voulu détruire la religion, il qualifie la Constitution civile du clergé comme « hérétique et schismatique ». A Paris, le marquis de la Villette se prend à rebaptiser sa rue et elle deviendra ainsi le « Quai Voltaire » (au n°27 angle rue de Beaune), sa maison se situait à l’angle du quai anciennement des « Théatins », où il hébergea chez lui le philosophe, qui s’éteignit dans sa demeure en mai 1778.

14 avril : Dans la capitale, l'Union fraternelle des ouvriers en l’art de la charpente sollicite les maîtres-ouvriers (patrons) de réglementer le travail et le paiement d'un salaire journalier de 50 sols.

15 avril : A Paris à la salle Favart, Olympe de Gouges fait jouer une comédie en un acte et en prose, Mirabeau aux champs-Elysées. (Source : Gallica-Bnf, 72 pages) A Saumur et à Rouen, on procède à l'entrée
solennelle dans la ville des évêques assermentés, Jean Servant et Charrier de la Roche.

16 et 17 avril : Rome, Mesdames ou les tantes du roi sont arrivées dans la ville et sont reçues le lendemain par Pie VI. A Paris, l’église des Théatins est louée à un curé réfractaire et se voit assiéger par la foule refusant la présence des dévots à la messe.

18 avril : La Pologne fait sa révolution "bourgeoise". Il est rédigé une pétition signée par 141 villes, appelant à la participation de toutes les villes à la Diète (Parlement polonais). Il sera évoqué à son sujet des comparaisons avec la « révolution à la française ». Dans la capitale, des manifestants empêchent le roi et la reine de quitter les Tuileries pour se rendre au château de Saint-Cloud. Le roi a l'Intention de s'y rendre pour faire ses Pâques. « Il en prévient l'assemblée. Aussitôt le tocsin sonne, la populace se précipite en foule aux Tuileries ; la garde nationale y arrive de tous cotés. M. de Lafayette se présente, parle au roi, qui était dans son carrosse avec sa famille, et ordonne à ses soldats de faire ouvrir le passage. Il n'est point obéi. Après deux heures d'attente, le malheureux monarque est obligé de remonter dans ses appartements. Il demanda la punition de quelques gardes nationaux qui s'étaient permis des propos insultants pendant cette longue négociation du commandement général avec ses subordonnés; mais il ne l'obtînt pas ». (Abrégé chronologique de l’Histoire de France par M. Michaud de l’Académie française). A Caen, l’abbé Fauchet se fait élire évêque.

19 avril : A Paris, la section de l'Observatoire (en rive gauche) déclare que : « la nation a bien sujet de se plaindre de la conduite qu'on fait tenir au roi ». Il faut distinguer la section du district. Ils ont l’un et l’autre pour nomination l’Observatoire et qui concentrait 13.200 habitants, dont 1.100 ouvriers et 2.800 pauvres soit plus de 20% du total. La moyenne globale des districts est de 15 à 20.000 résidents. Le local de la section se tient au sein du couvent des feuillantines, comme de nombreux d’édifices religieux qui sont devenus des salles de réunions ou des permanences, voire des entrepôts. A Strasbourg, M. Hérault de Séchelles venu pour faire appliquer la Constitution du clergé civil se voit sous le coup de menaces mortelles.

20 avril : Depuis Rome, Joseph Balsamo, comte de Cagliostro, condamné pour hérésie par la Sainte Inquisition, sa peine de mort commuée en prison à perpétuité, il est transféré dans une nouvelle prison au sein de la forteresse de San Léo (États Pontificaux). Où il décédera en 1795.

21 avril : Aux États-Unis, la première pierre est posée de la future capitale, délimitant le district de Columbia ou la future ville de Washington.

22 avril : Le département du Finistère décide que les prêtres réfractaires doivent se retirer à plus de 4 lieues (une lieue est égale à 3 ou 4 kilomètres) de leurs anciennes paroisses pour ne pas gêner les prêtres constitutionnels ou assermentés. Des décisions similaires sont prises un peu partout en France. A Paris, s’enclenche une grève des ouvriers charpentiers, ils demandent une augmentation de la journée de travail. Suite à l’affaire du 18 de ce mois, Gilbert de Lafayette revient sur sa démission à la demande de ses troupes de la Garde nationale.

23 avril :  A la Constituante, il est décrété la disparition des « jurandes et maîtrises », le décret est de Pierre d’Allebarde, à l’origine de la fin des corporations (3 et 17 mars). La Ferme générale n'est plus, l'ancienne administration et des reliquats de son organisation (perception aux frontières du pays) donne naissance à la Régie nationale des Douanes (15.000 commis deviennent des fonctionnaires).

24 au 28 avril : En Vendée, une révolte contre-révolutionnaire éclate à Apremont, puis s’étend à Saint-Christophe-du-Ligneron, à Froidfond, à Saint-Paul-Mont-Penit jusqu’au 28 avril. Les curés non réfractaires ou assermentés sont malmenés et les autorités sous le coup de menaces et de rebellions, préfigurant la guerre civile.

25 et 26 avril : A Paris, le journaliste Carra est agressé par des partisans de Lafayette sous l’uniforme de la Garde nationale. Conseils donnés à S. M. Louis XVI, en 1791, par l'intermédiaire de M. de La Porte
, intendant de la Liste civile (ancien ministre de la marine en juillet 1789). Il s'agit d'un opuscule remis ce jour à M. de la Porte de 80 feuillets, des inédits du comte Antoine de Rivarol publié en 1820 par son épouse, suivi d'une lettre sur le marquis de La Fayette (celle-ci datant à minima de 1792). (Source : Gallica-Bnf) Le 26, Extrait de l'avis aux ouvriers, publié par le corps municipal : 

« Le corps municipal est instruit que des Ouvriers de quelques professions se réunissent journellement en très-grand nombre, se coalisent au lieu d’employer leur temps au travail, délibèrent et font des Arrêtés par lesquels ils taxent arbitrairement le prix de leurs journées ; que plusieurs d’entre-eux se répandent dans les divers Ateliers, y communiquent leurs prétendus Arrêtés à ceux qui n’y ont pas concouru, et emploient les menaces et la violence pour les entraîner dans leur parti, et leur faire quitter leur travail. (...) La Loi a anéanti les Corporations, qui entretenaient le monopole (note, loi d'Allarde), dont tout le bénéfice tournait à l’avantage de ceux qui en étaient membres ; pourrait-elle autoriser des coalitions, qui, en les remplaçant, établiraient un autre genre de monopole, et mettrait la société entière à la discrétion d’un petit nombre d’individus? Ceux qui entreraient dans ces coalitions, qui les exciteraient ou les fomenteraient seraient donc évidemment des réfractaires à la Loi, des ennemis de la Liberté ; punissables comme perturbateurs du repos et de l’ordre publics. Le Corps Municipal espère que ces courtes réflexions suffiront pour ramener ceux que la séduction ou l’erreur ont pu égarer un moment. Il invite tous les Ouvriers à ne point démentir les preuves qu’ils ont données jusqu’à présent de leur patriotisme, et à ne pas le réduire à la nécessité d’employer contre eux les moyens qui lui ont été donnés pour assurer l’ordre public, et maintenir l’exécution des Lois. » Signé, M. Bailly, maire et son secrétaire-greffier M. Dejoly.
Source : Retronews-Bnf, Gazette nationale ou le Moniteur universel, 29 avril 1791

27 avril :
Paris, naissance de La Société des Amis des droits de l'homme et du citoyen, appelée plus couramment le club des Cordeliers, et tient dorénavant ses séances en l'église des Cordeliers (aujourd'hui rue de l'École-de-Médecine). Ses principaux responsables et orateurs sont MM. Danton, Desmoulins, Chaumette, Hébert, Marat, Santerre, et Legendre. Il paraît un nouveau quotidien de 4 pages, son titre Le Logographe, journal national, il est dirigé par M. Etienne Lehoday de Saultdechevreuil (sic), imprimeur et homme de lettres (parution jusqu'en août 1792).



28 et 29 avril : Le roi a déposé (depuis le 19) à l’Assemblée une pétition avant de se rendre à Saint-Cloud, où il « prie l’Assemblée de la laisser aller librement » (« la » ne pouvant que signifier Sa Majesté, voir la gravure ci-dessus). Toujours à la Constituante, il est approuvé que seuls les citoyens actifs, ou payant au moins un impôt égal à trois journées de salaires peuvent être membres de la Garde nationale, excluant au moins 40% de la gente masculine de plus de 25 ans. Robespierre s’y oppose, car contraire à l’égalité des droits entre citoyens. Le lendemain il est pris un décret réformant la marine du royaume. Sur proposition de M. Alexandre de Beauharnais, il est accordé aux soldats le droit d’assister aux débats des clubs locaux.  Dans la capitale, il est affiché que « Le Corps municipal croit devoir prémunir les bons citoyens contre les insinuations coupables par lesquelles on pourrait tenter de les égarer. C'est à leurs propres soins qu'il confie la garde des murs et des bâtiments servant jusqu'ici aux barrières. Le Corps municipal prendra seulement la mesure pour que l'affluence des voitures, qui n'attendent que le 1er mai pour approvisionner la capitale, ne cause aucun désordre ni danger pour la vie des citoyens, en sorte que cette journée ne soit marquée par aucun malheur. Signé, Bailly, maire. » (Source : Gallica-Bnf, Bulletin de la Société de l'histoire de Paris et de l'Île-de-France, page 143, Paris-1912)

30 avril : Dans la capitale, les maîtres-charpentiers remettent 
une pétition à la municipalité parisienne, ils  condamnent au nom des droits de l'homme les assemblées ouvrières et demandent la dissolution de leur Société, l'Union fraternelle et le rejet de leurs propositions. (Source : OpenEdition, Jean-Pierre Potier, L'Assemblée constituante et la question de la liberté du travail)


V – Le mois de mai 1791


Dimanche 1er mai : A Paris, Claude Fauchet est sacré évêque constitutionnel du Calvados. La perception de la barrière d’octroi cesse, mais les contrôles des entrées et sorties sont maintenus, et les travaux du mur des Fermiers généraux sont achevés depuis le 30 mars dernier au titre de la loi relative à la vente des Bâtiments, Murs, Barrières & Terrains qui forment l’enceinte de la capitale. Depuis minuit, les portes de la ville laissent entrer une foule impressionnante dans la capitale (comme la chute d’un mur…). La nouvelle tant attendue sera l’objet d’une grande liesse populaire. On chante, on danse, on boit à la nouvelle. Au collège Mazarin, les professeurs assermentés sont attaqués par des élèves. Ces derniers seront renvoyés.

2 mai : Vendée, l’élection du maire de Saint-Christophe-du-Ligneron provoque une émeute (du 1er au 3 mai). Les habitants des alentours s’en prennent aux garnisons et aux gardes nationales, quatre villageois y perdent la vie. Dans la capitale, le soir est joué au théâtre Français, une pièce du dramaturge Marie-Joseph Chénier (à ne pas confondre avec son frère aîné André, poète), Henri VIII, est une tragédie en cinq actes.

3 mai : En Pologne, la Diète (le Parlement) adopte une constitution proche des fondements de celle de la France
(en discussion et en attente à l'Assemblée) et décide l'égalité devant l'impôt. A Paris, en réaction à son « bref » du 13 avril, le pape est brûlé en effigie au jardin du Palais-Royal.



L'effigie du pape brûlée avec son Bref

4 mai : A Paris, suite à des mouvements de grève la municipalité interdit aux ouvriers de se rassembler et de se réunir. Au jardin du Palais-royal, l'effigie du pape est brûlée avec dans sa main un Bref par un groupe de citoyens. A l’Académie des sciences, l’on s’exalte sur un mémoire de M. Charles Gilbert Romme sur « la résistance des fluides ».

5 mai : Il est édité un pamphlet et il est destiné au nouvel évêque assermenté de Paris :

                   Lettre à M. Gobel,                                                                      concierge à l'archevêché

« J'avons lu z'avec attention vos deux lettres pastorales. Je vous croyons ben l'entrepreneux de la première : mais c'est z'un avocat qui, dit-on, n'a pas pu de nez que mon derrière, qui a tourné la seconde ; j'en sommes d'autant mieux persuadé, que j'y avons remarqué z'un tas de raisons ousque je n'avons pas pu compris que vous, et qui pourtant sentont la peur d'une lieue z'à la ronde.

Je ne sommes pas ben z'astrologue dans les livres, voila pourquoi je ne ferons pas l'entreprise de me noyer z'avec vous dans une bibliothèque. Y faut des exemples à nous autres pauvres peuples qui ignorons de tout, et les exemples sont les bannières de not(re) jugement, voyez vous ; c'est pourquoi je prenons la licence de vous envoyer z'un petit échantillon de not(re) façon de penser sur le serment physique des prêtres.

Les jureux (jureurs) parlont z'avec ben du respect de not sainte religion de Dieu, et ils disont que la constitution l'y a pas tant seulement fais z'une égratignure. Les non jureux témoignont z'aussi le même respect ; mais ils disont comme ça que la constitution l'a rudement frouillée (argot : frauder, tricher).

Les jureux, pour preuve de leur croyance avont chippé les places des non jureux ; et ceux-ci, pour preuve des leux, se trouvont le cul z'à terre entre deux selles. Je demandons z'à not' nouvelle grandeur, lesquels sont des menteux (menteurs) et des vauriens. Est-ce les ceux qui avont juré pour avoir du pain z'ou ben les ceux qui ont quitté leux (leur) pain pour ne pas jurer?

N'est-y pas clair que les ceux qui restont le ventre creux méritont not confiance ; pisque le jeûne est agréable à Dieu, le père à nous tous. J'attendons cependant vot(re) réponse z'avec tranquillité, et sommes z'avec due z'aux vertus de l'accident de vot(re) nomination a fait connaître.

Monsieur, Votre très-humble serviteur, Bras-de-fer, Passeux z'à la Rapée.

Source : Gallica Bnf, Lettre à M. Gobel, 3 pages
 
Samedi 6 mai : En Corse, Ignace-François Guasco, chanoine de Bastia et vicaire général de Marianna est élu évêque par 104 vois sur 201. Il prêtera serment le 9 et s'embarquera pour la France pour être consacré.  A l'Assemblée, il est décidé de faire émettre 100 millions d'assignats en coupures de 5 livres. « La société des Indigents, amis de la constitution, séante rue Jacob, vis-à-vis celle Saint-Benoît. (...) décide qu'elle place à côté de la déclaration des droits de l'homme le buste de J. J. Rousseau ; arrête de même qu'il lui sera décerné une couronne civique dans une des plus prochaines séances. » (Source :Gallica-Bnf, Discours de Jacques-Louis Vachard)

7 mai :  A la chambre des députés, il est décidé d’étendre à toute la France, l’exercice privé de la messe aux prêtres non assermentés dans des lieux de cultes loués à cet effet, et il est décrèté
« l'impression du rapport de M. Talleyrand-Périgord et son envoi à tous les départements du royaume. » Dans la capitale, sous l’impulsion du journaliste Pierre-François-Joseph Robert (d’origine Belge, fondateur du Mercure national en 1790 et secrétaire de Danton), les sociétés fraternelles des deux sexes se dotent d’un comité central aux Cordeliers. MM. Robert et Condorcet seront les premiers à évoquer la République, ainsi que d’autres cercles comme celui de Madame Roland.

9 et 10 mai : A la Constituante, l’on débat du projet de loi de M. Le Chapelier, il veut interdire le droit de pétition des collectivités et des citoyens passifs, Robespierre lui oppose une imprescriptibilité (définition : « Qui ne peut disparaître ni être supprimé »). Le lendemain, la loi sur la Haute Cour de Justice est instituée, elle établira son siège à Orléans en novembre, elle sera supprimée en septembre 1792, puis rétablie en septembre 1795. A Paris est publié par l’ancien ministre des finances : De l’Administration par M. Necker lui-même. Robespierre au club et couvent des Jacobins prend la défense de la liberté de la presse.

11 mai : A Caen, l'on procède à l'entrée solennelle de l’abbé Fauchet devenu évêque assermenté.
A Paris, une décision du maire M. Bailly annonce la fermeture du couvent des Cordeliers.

A l'Assemblée nationale, le député Grégoire demande l'application des droits de l'Homme et du citoyen aux colonies, il déclare :

« II est donc enfin permis, Messieurs, aux défenseurs des citoyens de couleur d'élever la voix dans cette assemblée. Il leur est donc enfin permis de démontrer que le salut des colonies tient a la justice qu'ils réclament ; que les troubles des colonies viennent des injustices dont ils sont victimes ; du mépris de vos décrets et des fausses mesures qu'on a prises ; que les troubles ne peuvent disparaitre ; que la tranquillité ne peut renaître qu'en s'écartant de la fausse route dans laquelle le comité des colonies à continuer et persister (...) ».

Source : Bib. de Stanford - Archives parlementaires - Tome XXV, page 737

12 mai : A la Constituante, Robespierre s’oppose au député Barnave sur son projet visant à restreindre l’égalité aux colonies et à soutenir les assemblées coloniales :
« Et de qui ce congrès serait-il composé? De colons blancs, et ce seront les blancs qui demanderont que les hommes de couleur ne jouissent point de ces droits ». (...) il concluait par « Et je demande à présent si la saine politique, la seule qui convienne à l'Assemblée nationale, n'est point d'accord avec la justice et la raison pour assurer les droits que nous réclamons en faveur des hommes libres de couleur ». (Archives parlementaires,Tome 26, page 9). Pour sa part, Julien Raimond fait publier ce jour même une : Réponse aux considérations de M. Moreau, dit de Saint-Méry, (...), sur les colonies. (Gallica-Bnf, 68 pages), qui renvoie aux écrits de ce dernier du 1er mars sur les : Considérations présentées aux vrais amis du repos et du bonheur de la France, A l'occasion des nouveaux mouvements de quelques soi-disant Amis-des-Noirs (John Carter Brown Library - Haiti Collection, 44 pages, 1791). A ce stade les dits "hommes ou gens de couleurs", ou bien métisses et citoyens actifs n'auront pas de représentations politiques au sein du  corps législatif et les attaques s'avérer depuis plusieurs mois très véhémentes. Faut-il préciser que Julien Raimond (1744-1801) prendra le parti de Toussaint Louverture et participera à ses suites indépendantistes et anti-esclavagistes à Saint-Domingue, ce qui lui vaudra comme à d'autres d'être oublié dans le roman révolutionnaire jacobiniste.

13 mai : Le débat sur les colonies continue à l'Assemblée, Moreau de Saint-Méry demande la modification de l'article 4 du 28 mars,
« le moment est venu où il est indispensable de s'expliquer clairement, d'une manière qui ne permette plus de doutes. Il ne faut donc plus parler de personnes non libres ; que l'on disé tout simplement des esclaves : c'est le mot technique. (Murmures.) En proposant ce changement de rédaction, je n'ai pas la faiblesse d'abdiquer ce qui est relatif aux hommes de couleur ; je demande également l'initiative sur eux. Voici donc mon amendement : « L'Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, qu'aucune loi sur l'état des esclaves dans les colonies de l'Amérique ne pourra être faite par le Corps législatif que sur la demande formelle et spontanée de leurs assemblées coloniales. ». A sa suite, Robespierre déclare : « C'est un grand intérêt que la conservation de vos colonies ; mais cet intérêt même est relatif à votre Constitution ; et l'intérêt suprême de la nation et des colonies elles-mêmes est que vous conserviez votre liberté et que vous ne renversiez pas de vos propres mains les bases de cette liberté. Eh! périssent vos Colonies, si vous les conservez à ce prix. (Murmures et applaudissements)... Oui, s'il fallait ou perdre vos colonies, ou leur sacrifier votre bonheur, votre gloire, votre liberté, je le répète : périssent vos colonies ! (Applaudissements.) Si les colons veulent par les menaces nous forcer à décréter ce qui convient le plus à leurs intérêts (Murmures et applaudissements.),... je déclare, au nom de l'Assemblée, au nom de ceux des membres de cette Assemblée qui ne veulent pas renverser la Constitution ; je déclare, au nom de la nation entière qui veut être libre, que nous ne sacrifierons pas aux députés des colonies qui n'ont pas défendu leurs commettants, comme M. Monneron ; je déclare, dis-je, que nous ne leur sacrifierons ni la nation, ni les colonies, ni l'humanité entière. De tout ceci je conclus que le plus grand malheur que l'Assemblée puisse attirer non pas sur les citoyens de couleur, non pas sur les colonies, mais sur l'Empire français tout entier, c'est d'adopter ce funeste amendement proposé par M. Moreau de Saint-Méry. Tout autre projet, quel qu'il soit, vaut mieux que celui-là. Mais comme il est impossible de l'adopter sans adopter les inconvénients extrêmes que je viens de présenter, je demande que l'Assemblée déclare que les hommes libres de couleur ont le droit de jouir des droits de citoyens actifs. Je demande de plus la question préalable sur l'article du comité.» (Source : Bib. de Stanford - Archives parlementaires,Tome 26, page 60, séance du matin).

14 au 20 mai : A la Constituante sont approuvés les « brevets d'invention » avec un décret réglementant la propriété des auteurs. Le lendemain, les « gens de couleur » résidant dans les colonies, de parents affranchis, ou libres sont déclarés égaux en droits ou presque : lire le décret La décision ne sera pas appliquée avant le siganture d'un décret en avril 1792, de plus, l’esclavagisme ne sera pas remis en cause et il sera maintenu jusqu'en 1794 (le 4 février date du décret). Le décret du 15 mai, relatif aux Citoyens (actifs) de Couleur :
« L'Assemblée Nationale décrète que le corps législatif ne délibérera jamais sur l'état politique des gens de couleur, qui ne seraient pas nés de père et mère libres, sans le voeu préalable, libre et spontané des Colonies ; que les assemblées coloniales, actuellement existantes, subsisteront ; mais que les gens de couleur, nés de père et mère libres, seront admis dans toutes les assemblées coloniales et paroissiales futures, s'ils ont d'ailleurs les qualités requises ». Les douanes intérieures sont supprimées, un tarif uniforme est appliqué aux frontières. Le surlendemain, Maximilien Robespierre fait décréter que les membres de l'Assemblée ne pourront pas être réélus à la prochaine législature (septembre). Ce décret sera approuvé, et le député d’Arras ne pourra se représenter à ce scrutin, cette mesure s’appliquant à tous au sein de la Constituante. Les jours suivants, la baisse de l'assignat continue son cours. Le 17, il est décidé une nouvelle émission de six cents millions. Devant l'absence de numéraire, l'Assemblée accélère la frappe de pièces de métal. Les caisses patriotiques et leurs billets de confiance demeurent (le 20).

17 mai : A Saint-Malo, la commune s’inquiète et prévient le directoire de son département sur l’exil des prêtes réfractaires et nobles en partance pour l’île anglo-normande de Jersey. A Paris, le club des Cordeliers est expulsé et se déplace rue Dauphine à l’hôtel de Genlis.

18 mai : Jean Paul Marat sur l'esclavage dans L'Ami du Peuple n°462, ci dessous (Source : Gallica-Bnf) :

L’Ami du Peuple, n°462 (extraits)



« Barnave lui-même n’a pas eu honte de se signaler dans cette honteuse lutte : on l’a vu, sourd à la voix de la raison, renoncer aux principes de justice, de liberté et d'égalité, qu'il avait défendus tant de fois, ou plutôt on l’a vu bravant le ridicule de l’inconséquence, admettre ces principes pour en rejeter l'explication, et s'autoriser de l’exemple des nations injustes, pour consacrer parmi nous leurs injustices, laisser suspecter son honneur, et ne pas rougir d'avoir pris les couleurs de l’ennemis de la patrie. Ô sordide intérêt! de quels crimes ne deviens-tu pas la source, si les cœurs purs ont tant de peine à se défendre de tes amorces, et si tu parviens à métamorphoser en vils sophistes, des apôtres de la vérité?

Le projet du comité, défendu avec tant d'acharnement par les députes des colonies et ceux qui avaient les mêmes intérêts à soutenir, a été combattu avec énergie par MM. Bouche, Grégoire, Pétion et Robespierre : tout ce que l'éloquence peut alléguer de plus fort à l'appui de la justice et de la liberté, ils l'ont fait valoir avec énergie pour faire triompher la cause des métis.

Pourra-t-on le croire? On a vu dans ces discussions importantes les Bouhot, les Dupont, les Renaud, les Maury, renoncer à leur rôle de valets du despote pour plaider la cause de la liberté. (1) Parmi les orateurs qui se sont distingués, n'oublions pas M. Raymond, celui des députés métis qui a porté la parole. Peut-être son discours n'était-il pas le plus brillant : mais c'était à coup sûr le plus instructif, le plus fort de choses et le plus adroit. Après avoir fait sentir combien les services que les colonies et la métropole retirent des métis, fait dans la paix, fait dans la guerre, sont au-dessus de ceux que tendent les blancs ; ce qui doit facilement se présumer par le don patriotique de six millions qu'ils ont fait : il a déclaré hautement que si le plan du comité venait à palier, les colons de couleurs étaient déterminés à ne plus fournir le joug tyrannique des blancs.

Ce discours a été appuyé le lendemain d'une lettre dont le président a donné lecture à la fin de la discussion, et qui n'a pas peu contribué à ramener l’assemblé à des sentiments plus équitables. Après avoir manifesté les vives inquiétudes sur le sort de ces malheureux frères où l’a jeté l'esprit qui éclatait dans l'assemblée, M. Raymond laisse entrevoir que si la justice et la raison ne triomphent pas de l'orgueil et de l'intérêt, il ne leur reste plus d'autre moyen d'échapper à la vengeance des blancs que d'abandonner une terre si souvent arrosée de leur sang par la main de leurs persécuteurs, et d'emporter avec eux leurs propriétés: en conséquence, il borne ses réclamations à demander la sauvegarde de la loi pour les émigrants. Peu après la lecture de cette lettre, la discussion a été terminée par le décret qui suit.

« Le corps législatif ne délibérera jamais sur l'état poétique des gens de couleur, qui ne seraient pas nés de père et de mère libres, sans le vœu préalable, libre et spontané des colonies : les assemblées coloniales subsisteront, mais les gens de couleur nés de père et mère libres seront admis dans toutes les assemblées coloniales et paroissiales futures, s'ils ont d'ailleurs les qualités requises ».

Ce décret si outrageant pour l'humanité, mais beaucoup moins qu'il ne l'aurait été, sans la crainte de voir émigrer nos plus riches colons, et sans la terreur dont les nouvelles d'Avignon avaient frappé les contre-révolutionnaires qui mènent le sénat, n'aura aucun des effets que s'en est promis le législateur. Au lieu de concilier les deux partis, il les mécontentera l'un et l'autre. Déjà les députés des blancs, transportés de rage, ont quitté l'assemblée, bien résolus de ne plus y paraître. Bientôt les hommes de couleur nés de parents asservis, les noirs eux-mêmes instruits de leurs droits, les réclameront hautement, et s'armeront pour les recouvrer, si on les leur dispute.

De là toutes les horreurs de la guerre civile, fuites nécessaires des fausses mesures prises par les pères conscrits. Le devoir leur commandait impérieusement de ne pas se départir des règles de la justice et de l'humanité, tandis que la sagesse leur conseillait de préparer par degrés le partage de la servitude à la liberté. Leur premier soin devait donc être de faire passer aux colons blancs et métis les ouvrages les mieux faits contre l'esclavage, et d'adoucir la cruauté du sort des malheureux qui y font condamnés. Ils auraient dû ensuite prendre soin de les instruire, d'ordonner chaque année l'affranchissement d’un certain nombre d'esclaves, et, de faire servir cet acte de justice â récompenser ceux qui se feraient les plus appliqués à le mériter. Enfin, s'ils avaient jugé convenable d'accorder quelque indemnité aux propriétaires de ces infortunés, qui servent de bêtes de somme dans le nouveau monde, ils l'auraient trouvée, soit dans l'exemption de certains impôts pour un temps déterminé, soit dans certaines sommes payées pour chaque affranchi : emploi des deniers publics mille fois mieux entendu que l'acquittement des brevets de retenue, et autres fausses créances de l'état. Les actes de justice et de sagesse aussi éclatants, auraient couvert de gloire l'assemblée nationale de France, et forcé les puissances étrangères à les imiter. Mais cette gloire est réservée à une nouvelle législature.

Nous pouvons donc enfin espérer de la voir entièrement renouvelée. Nous y perdrons peut-être quelques députés intègres, Grégoire, Pétion, et surtout l'incorruptible Robespierre ; si tant est que la cabale ministérielle ne les eût pas écartés pour toujours ; mais aussi nous n'aurons plus à redouter ces représentants d'ordres privilégiés qui n'existent plus, ennemis implacables de la liberté ; ces jugeurs royaux, ces robins oppresseurs, et surtout ces juristes rapaces, infidèles représentants du peuple qu'ils ont trahi et dépouillé de ses droits pour les vendre au despote : ridicules, mais redoutables tyranneaux dont l'ambition criminelle ne tendait à rien moins qu'à perpétuer dans leurs mains sa puissance législative, et à cimenter notre servitude, notre misère. Il faut voir dans le discours de Thouret, les efforts qu'il a fait pour faire passer le projet de décret ; il faut voir avec qu'elle impudence il pressait l'Assemblée de ne pas priver la nation des lumières d’hommes instruits qui seuls connaissaient le jeu de la machine qu'ils avaient organisée, d'hommes intègres dont la vertu avait été éprouvée sanglante ironie qui prouve à quel point l'infâme comité de constitution se joue du public. Pour confondre ce projet désastreux, Robespierre n'a eu besoin que d'un mot ; à peine a-il eu achevé de parler que la discussion a été fermée, malgré les clameurs de Chapelier et de Beaumetz. (…) »
 De l'imprimerie de Marat.
Le vrai Ami du peuple se distribue chez Madame Meunier,
rue Git-le-Cœur, à Paris. Extrait de la page 4 à la page 8.

Note de l’auteur :

(1) Je ne crois pas aux conversions miraculeuses de bas valets ou plutôt de vils esclaves, tels que Dupont, Renaud, Maury, etc., et je n'attribue cette espèce d'amende honorable de leur part, qu’à l'envie d'échapper aux effets de l’indignation publique, dans la crise alarmante qui menace enfin les ennemis de la révolution : car ils étaient déjà informés de la déclaration de guerre que viennent leur faire les départements voisins qui ont épousé la cause des Avignonnais. C’était-là le vœu ardent, ou plutôt le conseil formel que leur a donné l'Ami du peuple dans son N°442.

20 mai : En Italie à Mantoue, le futur Charles X (comte d’Artois) tente de convaincre sans réussite l’empereur Léopold II d’une intervention militaire en France.

21 mai : A Paris, la démolition de la Bastille prend fin.

22 mai : A l’Assemblée, les interventions de MM. Robespierre, Pétion, Grégoire et Dubois-Crancé (en portrait ci-contre) n’empêchent pas la limitation des pétitions aux seules individualités, il devient interdit aux collectivités ou sociétés populaires de porter pétition. A Colmar la population proteste contre le départ des religieux du couvent des Capucins assignés dans deux autres villes à résidence et par la volonté du département.

25 mai : A Paris est publié la Vie de Joseph Balsamo chez le libraire Onfroy. (Source : Archive.org, 270 pages) A la Constituante est approuvée une loi organique sur le fonctionnement des ministères et l'établissement des responsabilités ministérielles. Le Conseil du roi est ainsi supprimé.


26, 27 et 28 mai : A l'Assemblée, l’on décrète le Louvre et les Tuileries sont destinés à l'habitation de la famille royale et à la réunion de tous les « Monuments des sciences et des arts » (les objets de science et d’art), et à l'installation des principaux établissements d'instruction publique. Le jour suivant, dans le Courier de Provence, on découvre qu'à la séance du soir, que le député de la noblesse M.
(Charles Alexis Brûlart de Genlis dit marquis de) Sillery au nom du comité des recherches dénonce le sieur Thevenot, chef d'un atelier de charité, et la dame Lacombe. Ils auraient cherché à mener des actions contre-révolutionnaires en son sein, et la manœuvre a été empêchée par M. Rutteau. Celui-ci mis dans la confidence demanda à être payé pour agir : « On lui donna deux assignats de 50 livres en lui en promettant davantage ; et on lui remit des papiers qu’il devait distribuer. Rutteau et ses compagnons ne perdent pas un instant ; ils viennent faire leur déclaration au comité de recherches, et ils déposent les deux assignats. Sur le champ on a fait arrêter le sieur Thevenot et le sieur et la dame Lacombe. On s’assure de leurs papiers, parmi lesquels on trouve des libelles à la portée des gens qu’ils se proposaient de porter à la révolte. L’assemblée nationale a renvoyé cette affaire au tribunal de l'arrondissement où sont domiciliés les accusés ; et lorsque les informations seront terminées, il sera fait un nouveau rapport, sur lequel l’assemblée décidera s’il y a lieu au renvoi par devant le tribunal d Orléans. » Le 28, Robespierre demande la suppression du « marc d’argent » (décret du 29 octobre 1789). Un décret annonce la convocation de la deuxième législature.

30 mai : Jour anniversaire de la mort de Voltaire, l'Assemblée décide du transfert au Panthéon de son corps depuis l'Abbaye de Seillière, dans l'Aube. Le corps du défunt philosophe avait été embaumé et caché sur les soins de son ami M. de la Villette, Voltaire sortit de Paris sous les traits d’une momie, faisant croire à un départ évitant ainsi sa mise en terre dans une fosse commune. Incroyant (plus exactement panthéiste), il ne pouvait recevoir les derniers sacrements. Lors du débat sur le code pénal porté par L.M. Lepeletier de Saint-Fargeau en soirée, Robespierre à la Constituante dénonce une « routine barbare » concernant la peine de mort. Il ne sera pas suivi et malgré l’exemple qu’il donnera sur la Russie abolitionniste… Il a entre autres déclaré devant l'Assemblée comme conclusion :
« On a observé que, dans les pays libres, les crimes étaient plus rares et les lois pénales plus douces. Toutes les idées se tiennent. Les pays libres sont ceux où les droits de l'homme sont respectés, et où, par conséquent, les lois sont justes. Partout où elles offensent l'humanité par un excès de rigueur, c'est une preuve que la dignité de l'homme n'y est pas connue ; que celle du citoyen n'existe pas : c'est une preuve que le législateur n'est qu'un maître qui com­mande à des esclaves, et qui les châtie impi­toyablement suivant sa fantaisie. Je conclus à ce que la peine de mort soit abrogée (Applaudissements). »

31 mai : A la Convention est lue l’adresse de l’Abbé Raynal  (adresse : qui est une déclaration formulée à l'intention d'un ou plusieurs destinataires et non une adresse postale... sic) sur les violences populaires ou « anarchiques » contraire à l’esprit de la première révolution, Robespierre déclare à son sujet  qu'il « a cependant publié des vérités utiles à la liberté » pour « excuse suffisante, son grand âge ». Incontestablement Guillaume Thomas Raynal a été un personnage influent de l’avant Révolution, un penseur et un important écrivain de son temps. Il a connu la censure et l’exil. L’abbé est probablement un des premiers en France à avoir combattu l’esclavagisme. « M. Guillotin docteur en médecine, invente une machine pour l'exécution à mort des condamnés. Elle porte le nom de son Inventeur ». En fait pour le concepteur principal, il s'agit entre autres de la lame en biseau du docteur Louis, un des plus importants chirurgiens de son siècle. Et que l'on nommera un temps la Louisette ou la Louison. « Cette funeste machine a joué un rôle trop important dans les sanglantes annales révolutionnaires pour ne pas parler avec quelques détails. M. le docteur Guillotin avait, le 1er décembre 1789, proposé a l'Assemblée Constituante  une mode de supplice à substituer à la roue et à la potence. La niaiserie d'une phrase, dans son rapport, fit rire l'assemblée qui passa a l'ordre du jour. M. Guillotin disait : « avec une machine,  je vous fait sauter la tête et vous ne souffrez point ». Ce ne fut qu'après une très longue et très curieuse correspondance entre M. Guillotin, M. Roederer, procureur général de la commune, et le ministre des finances Clavière, que la machine fut adoptée. L'exécuteur Samson prit part à cette correspondance. Il y eut un marché passé avec un entrepreneur pour la fourniture de toutes les Guillotines de France, à cinq cents livres la pièce ; on y joignait une instruction de M. Roederer, sur la manière de s’en servir ». (Source : Abrégé chronologique de l'histoire de France de G. Michaud)

VI – Le mois de juin 1791


Mercredi 1er juin : En Corse, des troubles éclatent (lire ci-dessous). A la Constituante, il est interdit au public des tribunes de donner marque d’approbation ou pas. Lors du débat sur le code pénal, il est décidé l’abolition de la torture, mais pas de la peine de mort.
Paraît un nouveau périodique royaliste sarcastique et contre-révolutionnaire, un hebdomadaire de 16 à 18 pages, son nom est La Rocambole de journaux ou histoire capucino-comique de la Révolution. Rédigée par Dom Recius Anti-Jacobinus et en page de une, il est mis en exergue : « Une Foi, une Loi, un Roi ». Il changera de nom au cours de l'année pour se nommer La Rocambole ou journal des honnêtes gens (parution jusqu'au 5/08/1792).


Pasquale Paoli face aux émeutes
de Bastia en Corse de juin 1791?



Portrait de William Beechey

«
Le 1er juin, jour des Rogations (cérémonie de bénédiction des travaux des champs), des prêtres et des moines poussent la population bastiaise à l'insurrection, sans que le commandant de la garde nationale intervienne ; le bruit court que la guerre civile a éclaté en France, et que les émigrés réfugiés en Italie du Nord sont prêts pour la contre-révolution ; le lendemain, 2 juin, une foule de fidèles en prières, pieds nus, se rassemble à la cathédrale Saint-Jean, où l'on replace les armes de l'ancien évêque Mgr de Verclos, retiré en Toscane ; puis on envahit la salle où siège le Conseil Général ; celui-ci doit s'enfuir à La Porta ; on se porte à la citadelle, qui est occupée ; on arrête Arena et son fils, Panattieri, Buonarroti, qui sont insultés, maltraités et embarqués de force sur une felouque qui prend la direction de Livourne ; une adresse est votée et envoyée à l'Assemblée nationale : « L'Assemblée, protestant de son plus profond respect et la plus aveugle confiance envers les décrets de l'Assemblée nationale en tout ce qui concerne la constitution civile et temporelle, demande que, pour la constitution du clergé, les choses restent en l'état où elles étaient avant la convocation des États généraux, et qu'en conséquence soit maintenu en ce diocèse le seigneur de Verclos, légitimement créé par le très haut Pontife. »

Le 3 juin les scènes d'émeute continuent ; la foule composée en majorité de femmes, pille la demeure de l'évêque jureur Guasco et saccage les sièges des clubs patriotiques. Il s'agit sans aucun doute d'un mouvement religieux encouragé à distance par l'abbé Peretti, exploité ensuite par les royalistes (Buttafoco et son beau-père Gaffori), et par les adversaires de Paoli. Celui-ci était en tournée à Ajaccio quand les troubles se sont produits ; il se rend immédiatement à Corte, où il convoque le Conseil Général et lui fait prendre des mesures de répression qui ont paru quelque peu hors de proportion avec les événements. Le chef-lieu était provisoirement transféré à Corte, ce que Paoli avait toujours souhaité, car c'était son ancienne capitale. La municipalité de Bastia était dissoute et remplacée par 4 commissaires armés de pleins pouvoirs, désignés par le Conseil du département. Paoli entra dans la ville à la tête de 6.000 gardes nationaux qui furent logés chez l'habitant, à charge pour lui de les nourrir ; ce furent trente jours de violences et de pillages : on accéléra la vente des biens d'église ; les religieux et les prêtres réfractaires furent arrêtés et incarcérés à Corte ; les administrateurs du département des Bouches-du-Rhône furent alertés pour se saisir de l'abbé Belgodere et de Gaffori en fuite ; la censure fut établie et la correspondance saisie à Bastia par le comité des recherches locales. Paoli prétendit avoir sauvé la ville pat sa modération ; « les gardes nationaux, écrivait-il, auraient voulu immoler cette cité à l'indignation publique ; je m'y suis opposé ». Ce n'était pas l'avis des Bastiais, qui l'accusèrent au contraire d'avoir profité de l'occasion pour se venger d'une ville qu'il avait toujours détestée ; en effet, les habitants de Bastia, ancien préside génois, étaient pour beaucoup originaires de la République, à laquelle ils avaient toujours témoigné une grande fidélité ; malgré un siège presque constant de 1760 à 1768, Paoli n'avait jamais pu s'en emparer.

Le chef-lieu étant mis en quarantaine, le directoire vota le 17 juin le vœu que le siège de l'évêché fût transféré à Ajaccio. La constitution civile fut appliquée avec rigueur ; les arrestations, l'exil avaient diminué la force de résistance des réfractaires ; le calme revint quand on sut l'arrivée de 280.000 livres, suivies au mois d'août de 75.000 destinées au paiement du clergé. Il en restait cependant un malaise qu'aggrava la nouvelle de la fuite du Roi. Paoli en fut informé le 4 juillet par une lettre de Saliceti, qui lui faisait prévoir des conséquences tragiques : « la guerre civile la plus sanglante va éclater... » ; il lui conseillait de s'assurer de Saint-Florent, Corte, Ajaccio, sans mentionner Bastia, où la population n'était pas assez sûre. L'événement pourtant ne paraît pas avoir affecté particulièrement Paoli ; la France est loin, et les troubles qui la menacent ne peuvent que lui laisser une plus grande liberté d'action ; il condamne, certes, le Roi, mais avec les précautions qu'on prend généralement en France : « Le Roi a été forcé par les aristocrates de les suivre dans quelque place de la frontière allemande... le Roi est bon, mais je crains qu'il ne se laisse entraîner par son entourage... » Pourtant l'émigration augmente à l'annonce de l'événement ; en novembre 1791, près de 400 personnes sont passées en Italie ou en Allemagne, et beaucoup de prêtres assermentés se rétractent ; Paoli n'y voyait pas grand danger car la question d'argent était à ses yeux primordiale : « Ils reviendront, puisque, pour manger, ils signeraient bien autre chose que la constitution civile du clergé. »

Source : Persée.fr, Pascal Paoli et la Corse de 1789 à 1791 de Christian Ambrosi, pages 179 à 181

Pascal Paoli (1725-1807), père de la Patrie corse

(France Culture du 22/10/2023 - durée 58 minutes)


2 juin : A Paris, de nouveau à l’église des Théatins se produisent des heurts avec des prêtres réfractaires, le but des manifestants est d’empêcher la tenue de la messe. A l'Assemblée est discuté des travaux forcés dans le cadre du code pénal.

3 juin : A l'Assemblée, le débat sur la peine de mort continue, le rapporteur M. Le Peletier de Saint-Fargeau propose et soumet de nombreux articles en relation avec le futur code pénal. A l'exemple de l'article 7 adopté par les députés : « La peine de la chaîne ne pourra, en aucun cas, être perpétuelle. » Sinon de même pour les demandes de réhabilitation, il faudra deux ans avant d'organiser tout recours, etc.

5 juin : A l’Assemblée par décret, le « droit de grâce » est retiré au roi.

6 juin : Versailles, M. Alexandre Lenoir est nommé garde-général du château et il s’emploie à le transformer en un « musée consacré aux monuments ». Il aura un rôle important dans la préservation du patrimoine et la défense des monuments historiques, notamment en 1791 auprès de la commission en charge des monuments. (Source : Château de Versailles)

7 juin : On peut lire dans La Gazette du jour,
« Il a été vendu, depuis le 11 jusqu'au 28 mai inclusivement, à l'Hôtel-de-Ville, pour la somme de 1.793.100 livres de Domaines nationaux, produisant 70.404 livres de loyer, et dont l'estimation avait été portée à 1.124.970 livres, consistant en trente Maisons et dépendances, situées dans l'intérieur de Paris. »

8 juin : Henri Grégoire, s'adresse aux citoyens "libres de couleur" de Saint-Domingue :
« Amis, vous étiez hommes, vous êtes citoyens et réintégrés dans la plénitude de vos droits, vous participerez désormais à la souveraineté du peuple. Le décret que l'Assemblée nationale vient de rendre à votre égard, sur cet objet, n'est point une grâce, car une grâce est un privilège, un privilège est une injustice ; et ces mots ne doivent plus souiller le code des Français. En vous assurant l'exercice des droits politiques, nous avons acquitté une dette ; y manquer eût été un crime de notre part et une tache à la constitution. »

10 juin : Robespierre déjà
populaire est nommé l’Incorruptible, il est élu comme « accusateur public » (ou procureur) auprès du Tribunal criminel de Paris. Dans la capitale, il est publié le même jour : Lettre des commissaires des citoyens de couleur en France, à leurs frères et commettants dans les Isles françaises : « La Justice et l'humanité triomphent enfin , et l'assemblée nationale, par son décret solemnel du 15 mai 1791, vient de vous rendre les droits que la tyrannie d'un préjugé vous avait ravis. » Et se conclue par : « Soyez justes et humains avec vos esclaves, en les contenant ; attachez-vous surtout à donner des mœurs à vos enfants, et à les faire instruire ; améliorez vos cultures, étendez-les ; soyez actifs pour tout ce qui peut contribuer à l'avantage de la nation ;  puisez sans cesse chez elle vos rapports commerciaux , et les sentimens qui vont porter cette nation au plus haut point de bonheur, de gloire et de prospérité. Les signataires : Raymond l'aîné, Fleury, Honoré Saint-Albert, Dusoulchay de Saint-Réal. (John Carter Brown Library - Haiti Collection, 7 pages, Paris 1791)

11 juin : Dans la capitale, on inaugure le théâtre Molière, qui peut accueillir un millier de personnes. Située passage des Nourrices (appelé ensuite passage Molière), rue Saint-Martin, la salle du Théâtre Molière était "d’un très joli goût"  et pouvait contenir environ mille spectateurs. Les loges étaient ornées de glaces, ce qui était un signe de luxe, mais surtout de conquête sociale : le droit de se mirer n’était plus seulement réservé à l’aristocratie. Ces glaces "réfléchissant les bons patriotes sur les braves citoyennes" doublaient "le prix du patriotisme" ». Son créateur et directeur est M. Jean-François Boursault-Malherbe, qui l'a fait construire en quelques semaines, c'est le fruit de la loi du 13 janvier de cette année, qui a libéralisé les activités du théâtre. M. J.F. Boursault-Malherbe est aussi l'ami depuis le collège de J.M. Collot d'Herbois, auteur de plusieurs pièces, ce dernier va entrer dans une phase plus active en politique, en rejoignant le club des Jacobins. Cette expérience de théâtre "patriote" prendra fin le 10 août de l'année prochaine, et la salle de spectacle réouvrira plus tardivement. (Source : OpenEdition, Le répertoire du Théâtre Molière. 11 juin 1791 - 31 octobre 1791, Michèle Sajous D’oria)

12 juin :
En France, lancement des élections primaires pour la Législative. Océanie, le capitaine Etienne Marchand parti de Marseille en décembre 1790 pour un tour du monde sur un brick (navire) appellé le Solide arrive l'année suivante en Polynésie, à cette date. Le sieur Marchand s'empare de l'île de Tahuata dans l'archipel des Marquises, puis de Houapou (le 20),  baptisant sa conquête l'Archipel de la Révolution. Plus exactement, il colonisait au nom de l'Empire français. « Le charpentier du bord avait fabriqué, sur l'ordre de son commandant, un large panneau portant inscrits le nom du navire et du capitaine, sa nation et la date de la prise de possession. » (Source : Vieux papiers du temps des îsles de Maurice Besson, chapitre : Une conquête coloniale de l'époque révolutionnaire, pages 171 à 174 - Société d'éditions Géographiques, Maritimes  et coloniales, 1925).

13 juin au 15 juin : A la Constituante, un décret ordonne aux officiers et aux soldats de prêter le serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi. Le lendemain, la loi du député Le Chapelier est adoptée sans difficultés et engage l'abolition des corporations et compagnonnages. La grève devient interdite, tout comme le droit d’association. Selon Le Chapelier « Il n’y a plus de corporation dans l’Etat ; il n’y a plus que l’intérêt de chaque individu et l’intérêt général. Il n’est permis à personne d’inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par esprit de corporations. » Le surlendemain, il est publié un décret sur l'organisation des colonies.

15 juin : A Coblence, le comte d'Artois s'installe, et  entraîne une masse d’émigrés à le rejoindre pour organiser une armée contre-révolutionnaire. A Montauban, l’imprimerie du Journal National (royaliste) est saccagée. A Paris, en secret Louis XVI s’occupe des préparatifs de son départ. Fabre d’Eglantine au théâtre Français voit une de ses nouvelles comédies être produite : Intrigue épistolaire.

16 juin : A Paris, l’on ferme les ateliers de secours, trop chers et pourtant la main d’oeuvre payée pour moitié du salaire ouvrier. Buonaparte est muté au 4e régiment d’infanterie à Valence.

17 juin : La loi Le Chapelier ou loi relative aux rassemblements d'ouvriers et artisans de même profession est promulguée, l'Assemblée nationale décrète ce qui suit :

Art. 1. L'anéantissement de toutes espèces de corporations de citoyens du même état et profession étant l'une des bases fondamentales de la Constitution française, il est défendu de les rétablir de fait, sous quelque prétexte et sous quelque forme que ce soit.

Art. 2. Les citoyens d'un même état ou profession, les entrepreneurs, ceux qui ont boutique ouverte, les ouvriers et les compagnons d'un art quelconque, ne pourront, lorsqu'ils se trouveront ensemble, se nommer ni président, ni secrétaires, ni syndics, tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibérations, former des règlements sur leurs prétendus intérêts communs. Etc...
Source : OpenEdition, Jean-Pierre Potier, L'Assemblée constituante
et la question de la liberté du travail, un texte méconnu, la loi Le Chapelier


18 juin : Le roi dénonce au maire de Paris, M. Bailly « les malveillants répandant le bruit de son enlèvement ». Marat s’attaque à la loi Le Chapelier dans L’Ami du Peuple (n°493) : « Nous sommes à Paris vingt mille ouvriers qui ne se laisseront pas endormir par la bourgeoisie ! ».

19 juin : A Paris, Louis XVI au Palais-Royal des Tuileries reçoit la commission Condorcet des poids et mesures. L’abbé Sieyès est vivement critiqué par la Société des amis de la Constitution séante aux Feuillants (le futur club des Feuillants) sur un projet en cours visant à revenir sur le principe de l’unité du corps législatif.

20 au 25 juin : « La fuite de Varennes » se déroule sur 5 journées. D’abord, il est organisé la fuite nocturne du roi et de sa famille, de même pour le comte de Provence, et au final les deux frères prennent une route différente. Le futur Louis XVIII et son transport arriveront à destination. Les déboires du frère aîné ne faisait que commencer. Le couple royal allait faire semblant de se coucher vers 10 heures et demi du soir, le groupe de fuyard s'éclipsa dans la nuit après minuit. Les époux et le jeune dauphin (habillé en fille), la sœur du roi et leur suite rejoindre le fameux marquis de Bouillé (général des armées de la Meuse). Il est à l’origine de cette stratégie et mis de fait dans le secret de cette fuite. S’ils ont cherché à passer pour de riches bourgeois, le carrosse était
un très gros bolide, une berline de l’époque avec couchette royale et toilettes incluses. La calêche royale était peinte en jaune et vert, les serviteurs en « livrée » et le tout tiré par 6 chevaux robustes d’attelage. Difficile au demeurant de passer totalement inaperçu, de plus l’équipage prendra du retard dès son départ et la sortie de la capitale. Dans le prolongement du faubourg Saint-Martin une fois passée la barrière de la Villette, une première halte est faîte à Bondy pour changer au relais de poste les bêtes de traits vers 2 heures et demi du matin. Leur accompagnateur Alex de Fersen (habillé en cocher selon M. de Foutanges) laisse l’équipage sur la route à cette hauteur et le convoi s’engage sur la route de Meaux (Seine-et-Marne), où il est rejoint par deux dames de compagnie.

Le lendemain à Paris, au petit matin le valet se rend compte du départ. Il trouve un texte de Louis XVI expliquant les raisons. Ces 16 pages ou feuillets sont considérés comme son acte testamentaire. L’écrit est censuré par Lafayette (et il n’a pas été publié avant sa redécouverte en 2009). La nouvelle fait grand bruit, les soldats de Lafayette sont sur le qui vive, des courriers partent pour propager la nouvelle.


A l’Assemblée, le roi est suspendu dans ses pouvoirs. Il est ordonné l'arrestation de « toutes personnes quelconques sortant du royaume ». Louis Auguste (dit aussi Louis Toinon dans le peuple), alias M. Durand et ses proches s’arrêtent dans un nouveau relais de poste en soirée. Mais l’assignat pour payer les chevaux de poste pose problème et met la puce à l’oreille de M. Jean-Baptiste Drouet, 26 ans. Les voyageurs repartent néanmoins et de nouveau ils sont stoppés. Ils passeront la nuit dans la localité de Varennes-en-Argonne, chez M. Sauce. En se faisant passer sous de fausses identités, Marie-Antoinette pour la nurse, chaque personne du carrosse tenant un rôle et jouant une pure comédie, le stratagème va échouer. Leur dernière carte, le marquis de Bouillé n’interviendra jamais. (La Nuit de Varennes, un film admirable pour sa reconstitution, réalisé par Ettore Scola en 1982).

La calèche à l'arrêt, « le Roi, mettant trop fréquemment la tête à la portière, fut aperçu par le fils du maître de poste, très chaud patriote, nommé Drouet. Ce Drouet avait vu le Roi à la Fédération, l'année précédente (au Champ-de-Mars le 14 juillet 1790) ; pour mieux s'assurer qu'il ne se trompait pas, il prit un assignat où la figure de Louis XVI était assez ressemblante, et la compara quelque temps avec celle qu'il avait sous ses yeux : l'attention qu'il y mit fut si marquée, qu'elle n'échappa point à la Reine, et qu'elle redoubla ses inquiétudes, il était alors huit heures moins un quart. Quelque assuré que Drouet crût être que le Roi était dans la voiture. Il n'osa donner l'alarme à Salnte-Menehould, soit par crainte des dragons, soit que le départ de la voiture l'en empêcha ; mais il prit la résolution de la suivre, pour la faire arrêter lorsqu'il en trouverait la possibilité. Il communiqua sa découverte et sa résolution à sa femme, qui fit et dit Inutilement tout ce qu'elle put pour l'en empêcher. Il monta à cheval et suivit la voiture. » Extrait de La fuite du Roi rédigé par l'archevêque de Toulouse, ancien aumônier de la reine Marie-Antoinette, M. François de Fontanges. Il y explique les préparatifs de la fuite, les conditions et les motifs qui poussa Louis XVI à s'enfuir, et pour finir M. de Foutanges narre une partie du périple jusqu'à la rencontre avec J.B. Drouet. (Source Gallica-Bnf, 27 pages, édité à Paris en 1898)



Le 22 juin, à Varennes, c’est l’arrestation de Louis XVI et de ses proches à 8 heures et demi du matin. En soirée, l’Assemblée constituante est prévenue de l’arrestation de la famille royale, elle désigne trois commissaires : Antoine Barnave, Pétion de Villeneuve et Charles César de Faÿ de la Tour-Mauboug pour les ramener à la capitale. Le 23, sortie de Chalons-en-Champagne du convoi royal vers midi, à 16 heures il est fait une halte à Epernay pour se restaurer. Vers 17h30, ils sont rejoints par les commissaires Pétion et Barnave. Ils monteront dans la voiture de la famille royale sur le chemin du retour, et avant Paris. Pétion est très populaire dans la capitale, il se place entre les époux pour éviter une balle perdue, selon Michelet. Le 24, le futur Louis XVIII passe la frontière sans la moindre difficulté et arrive à Mons (Belgique). A la Constituante, l’on décide de la suspension des élections primaires en vue de la Législative. Le dernier jour, le 25 juin, sous une bonne escorte, et sous le regard des Parisiens appelés à rester silencieux, le roi et sa famille est de retour le soir vers 18 heures, ils arrivent deux heures plus tard au Palais des Tuileries. L’accueil est glacial, le marquis de Lafayette a fait afficher dans tout Paris : « quiconque applaudit le roi sera fouetté ; quiconque l'insulte sera pendu ». Depuis le matin, ils étaient attendus. Et depuis le départ, dans la ville libelles et affiches pleuvaient d’insultes, et personne ou presque dans la capitale n’était dupe. Une chanson du jour circule et finie sur : « Un peuple libre reconnaît les charmes de n’être plus au rang de vos sujets ». Au club des Cordeliers, il en est appelé à une république! Le soir avant de se coucher, le roi rédige dans son journal intime une simple et courte note : « Cinq nuits passées hors de Paris ». En Angleterre, Me Catherine Macaulay décède (historienne, philosophe et défenseure des droits des Femmes), elle était une admiratrice de la Révolution française.

23 juin : A l'Assemblée, Robespierre déclare après les interventions de M. Mangin, chirurgien à Varennes venu apporter son témoignage :
« Vous avez applaudi ce matin au zèle des citoyens qui ont arrêté le roi, mais ce n'est point assez ; il faut encore saisir l'occasion la plus utile qui se soit présentée à vous, de récompenser et d'encourager les vertus civiques. C'est dans le moment le plus critique de la révolution, où M. Mangin et ceux qui ont secondé l'action la plus patriotique ont rendu à la patrie le plus signalé de tous les services, que vous devez à ces citoyens une récompense digne à la fois de leur patriotisme, et du peuple libre qui doit les récompenser. Je demande qu'il soit décerné par l'Assemblée nationale une couronne civique au sieur Mangin qui a le plus contribué à l'arrestation du roi et de sa famille (Vifs applaudissements). » Mais le député Rewbell précise à son tour : « Le sieur Mangin n'est pas le seul à s'être distingué dans cette circonstance ; le sieur Drouet, maître de poste à Sainte-Menehould, est le premier qui a conçu des soupçons sur la qualité des personnes qui ont pris des chevaux chez lui et il s'est rendu à Varennes pour prévenir la municipalité. » (lire après, en bas de page, le texte de Robespierre sur la fuite du roi). Le jeune Saint-Just pas encore député publie : De l'esprit de la Révolution et de la constitution de France.

26 juin : Il est fait état d'une grande agitation dans la région Lyonnaise à l’annonce de la fuite des époux royaux. L’ancien gouverneur du Sénégal, Guillet de Montet est tué et jeté dans un brasier dans son château. Au Luxembourg, le marquis de Bouillé adresse un courrier menaçant à l’Assemblée et se déclare responsable de la fuite du roi, il est encore élu de l’Assemblée. A Paris, le roi est entendu par les 3 députés : Duport, Tronchet et d’André sur les circonstances de son « enlèvement », soit les débuts de la supercherie, ou comment faire passer sa fuite pour une conjuration cousue de fil blanc. A la chambre des députés il est lu la déposition du roi. La question de la régence est posée.

Le 27 juin : J.P. Marat lance le sobriquet de « Capet » pour parler du roi. 

28 juin : Philippe d'Orléans est sollicité par Brissot de Warville depuis le 26, il renonce à la régence publiquement. Mais pose le problème du régime : lire le texte sur la République de Nicolas de Condorcet. Une délégation des ouvriers des ateliers de secours se rend à l’Assemblée pour protester contre leurs fermetures.
Parution du premier numéro du Journal du club des Cordeliers avec son supplément (10 pages). (Source : Gallica-Bnf, année 1791, 102 pages)

29 juin : Monsieur (frère du roi) franchit la frontière des Pays-Bas autrichien. Il s’installera à Bruxelles, où le comte d’Artois son frère cadet le rejoindra. A l’Assemblée, 290 députés loyalistes se refusent de participer aux délibérations, tout en continuant de siéger, ce que l’on nomme une obstruction parlementaire et compose le camp des plus radicaux et ultras monarchistes, soit environ 25% des députés de la chambre. A Aix, le directoire départemental fait appel aux citoyens qui disposent de plus de 6 fusils, de les remettre « dans les 24 heures ».

30 juin : Dans la capitale, une rumeur circule et enfle sur le fait que Louis XVI aurait piqué une grosse colère, il est aussi objet de caricature depuis peu, et d'articles contradictoires de la presse sur le sujet. Marat écrit que le roi « S’est mis à jouer le fou et l’enragé pour endormir les parisiens sur son nouveau projet d’évasion. »  (L’Ami du Peuple ou le publiciste parisien, quotidien, n°506), tandis qu’un quotidien modéré, Le Spectateur National et le modérateur, après avoir brièvement repris la nouvelle, précise que la colère se serait produit « les 28 et 29 juin » mais affirme que cette nouvelle est fausse ; et au final le duc Orléans est accusé d'en être à l'origine... (Source : CAIRN.INFO,
Me Annie Duprat,  Une campagne de presse en 1791 : la folie de Louis XVI, Le temps des médias, n°7 - année 2006)


à suivre...

De la République

Un roi est-il nécessaire
à la conservation de la liberté ?


Nicolas de Condorcet, ci-dessus en portrait et de profil

Discours dont l'assemblée fédérative des Amis de la vérité a demandé l'impression en votant des remerciements à son Auteur

Les Français n'ont plus besoin que l'éloquence les appelle à la liberté. Le courage ardent qu'ils ont déployé pour la recouvrer, et la fermeté tranquille avec laquelle ils ont contemplé le - grand danger qui vient de la menacer, prouvent assez qu'ils seront fidèles au serment de vivre et de mourir pour elle.

C'est donc à leur raison seule qu'il faut parler des moyens de s'assurer une liberté paisible, fortunée, digne en un mot d'un peuple éclairé. Affranchis, par un événement imprévu, des liens qu'une sorte de reconnaissance leur avait fait une loi de conserver et de contracter de nouveau et délivrés de ce reste de chaîne que, par générosité, ils avaient consenti à porter encore, ils peuvent examiner enfin si, pour être libres, ils ont besoin de se donner un roi. Car la nécessité seule peut excuser cette institution corruptrice et dangereuse.

Si le peuple se réserve le droit d'appeler une convention nationale, dont les membres élus par lui soient chargés de prononcer en son nom, qu'il veut ou qu'il ne veut plus conserverie trône; si l'hérédité se borne à suivre ce mode de remplacement pour le très petit nombre d'années qui doit s'écouler entre deux conventions, alors on ne peut pas regarder l'existence de la royauté comme essentiellement contraire aux droits des citoyens, et c'est à cette condition seule que l'on peut, sans crime et sans bassesse, se permettre de peser les dangers et les avantages du gouvernement monarchique. Les raisons qui peuvent engager des hommes à se créer un roi pour l'intérêt même de la liberté, existent-elles ou n'existent-elles point parmi nous? Telle est donc la question qu'il faut résoudre.

I. Les amis de la royauté nous disent : « il faut un roi pour ne pas avoir un tyran: un pouvoir établi et borné par la loi est bien moins redoutable que la puissance usurpée d'un chef qui n'a d'autres limites que celles de son adresse et de son audace ».

Mais cette puissance d'un usurpateur est-elle à craindre pour nous? Non, sans doute. La division de l'empire en départements suffirait pour rendre impossible ces projets ambitieux ; et ce qui aurait été imprudent peut-être avant cette mesure si bien combinée, si utile, est aujourd'hui sans danger.

L'étendue de la France, plus favorable que contraire à l'établissement d'un gouvernement républicain, ne permet pas de craindre que l'idole de la capitale puisse jamais devenir le tyran de la nation.

La division des pouvoirs fondée non seulement sur la loi, mais sur la différence réelle des fonctions publiques, est encore une autre barrière. L'armée, la flotte, l'administration des finances, celle de la justice, sont partagées entre des hommes dont l'éducation, les lumières, les habitudes, sont essentiellement différentes, il faudrait avoir détruit, corrompu ou dénaturé tous ces pouvoirs, avant de pouvoir aspirer à la tyrannie.

Enfin la liberté de la presse, l'usage presque universel de la lecture, la multitude de papiers publics, suffisent pour préserver de ce danger. Pour tout homme qui a lu avec attention l'histoire de l'usurpation de Cromwell, il est évident qu'une seule gazette eût suffi pour en arrêter le succès; il est évident que si le peuple d'Angleterre eût su lire d’autres livres que la bible, l'hypocrite démasqué dès ses premiers pas eût bientôt cessé d'être dangereux. Les tyrans populaires ne peuvent agir que sous le masque, et dès qu'il existe un moyen sûr de le faire tomber avant le succès, de les forcer à marcher le visage découvert, ils ne peuvent plus être à craindre. Ne cherchons donc point à nous faire un mal réel pour prévenir un danger imaginaire.

II. Un roi est nécessaire pour préserver le peuple de la tyrannie des hommes puissants.

Mais je lis notre constitution, et je demande où ces hommes puissants peuvent encore se trouver. Il n'existe plus de dignités, de prérogatives héréditaires, le partage égal des successions, la publicité de toutes les opérations de finances, l'administration populaire de l'impôt, la liberté du commerce, ont opposé des limites suffisantes à l'inégalité des richesses.

En détruisant la noblesse, le clergé, les corps perpétuels de magistrature, le peuple français a détruit tout ce qui lui rendait utile la protection d'un monarque; et ceux qui ont prétendu que la réforme de tant d'abus, était l'anéantissement de la monarchie, ont dit plus vrai qu'ils ne le croyaient eux-mêmes.

III. Un roi est nécessaire pour défendre les citoyens des usurpations d'un pouvoir législatif?

Cette raison pourrait avoir quelque poids, s'il s'agissait d'un pouvoir législatif antérieurement établi; car il serait possible que son action n'eût pas été renfermée dans de justes limites et dans un pays où il existe un roi, il pourrait être dangereux de le supprimer, en conservant étourdiment tout le reste, sans examiner si cette suppression ne rend pas d'autres changements nécessaires. Aussi, qui jamais s'est avisé de le proposer? Les ennemis de la liberté voudraient bien que ses défenseurs se livrassent à de pareilles absurdités.

Mais en France comment les usurpations du pouvoir législatif seraient-elles à craindre? N'y est-il pas fréquemment renouvelé ? N'y a-t-il pas entre les citoyens et lui des officiers publics, des exécuteurs des lois choisis par le peuple, les bornes de ses fonctions ne sont elles pas fixées par des lois qu'il ne pourra changer ; des conventions nationales que le peuple aura le droit de demander, qui de plus seront convoquées à des époques fixes, ne veilleront-elles pas sur les usurpations des législatures? Quoi la constitution n'est pas terminée, quoi le pouvoir constituant qui l'a établie est encore en activité et au lieu de lui demander de ne donner à aucun pouvoir une force dangereuse, on veut qu'il donne à chacun d'eux des forcés superflues afin d'avoir à craindre l'alternative de deux dangers, on veut qu'il crée le mal pour avoir besoin du remède.

« Un roi est nécessaire pour garantir de la tyrannie même du pouvoir exécutif, et il vaut mieux avoir un maître que plusieurs ». Mais pourquoi faudrait-il avoir des maîtres? Et comment un conseil de gouvernement pourrait il aspirer à l'être si les bornes de ses fonctions sont bien posées; (car ici le mot de pouvoir serait impropre) s'il est élu par le peuple, si les membres nommés pour un temps ne peuvent avoir une grandeur individuelle, si soumis aux lois comme les simples citoyens, ils n'ont pas derrière eux l'appui d'un pouvoir inviolable, s'ils ont à craindre pour les usurpations, la surveillance des législatures, et pour l'excès de leur autorité même légalement établie, la vigilance des conventions, si enfin n'ayant point de liste civile, ils ne peuvent corrompre. Comment un petit nombre d’hommes investis pour un moment d'un pouvoir limité pourraient-ils former le projet d'en reculer les bornes après se l'être rendu personnel.

Que pourrait-on craindre deux sinon des oppressions particulières auxquelles il faut opposer non un roi, mais des lois et des juges.

Enfin, dit-on, « un roi est nécessaire, pour donner de la force au pouvoir exécutif»: mais dans un pays libre il n'existe de force réelle que celle de la nation même, les pouvoirs établis par elle et pour elle, ne peuvent avoir que la force qui naît de la confiance du peuple et de son respect pour la loi. Quand l'égalité règne, il faut bien peu de force pour forcer les individus à l'obéissance, et l'intérêt de toutes les parties de l'empire est qu'aucune d'elles ne se soustraient à l'exécution des lois que les autres ont reconnues.

On parle toujours comme aux temps, où des associations puissantes donnaient à leurs membres l'odieux privilège de violer les lois, comme au temps où il était indifférent à la Bretagne, que la Picardie payât ou non les impôts. Alors sans doute, il fallait une grande force aux chefs du pouvoir exécutif, alors nous avons vu que même celle du despotisme armé ne lui suffisait pas.

Il a existé des abus, des dangers contre lesquels l'existence d'un roi était utile, et sans cela y aurait-il jamais eu des rois? Les institutions humaines les plus vicieuses sont-elles autre chose que des remèdes et maladroitement appliqués à des maux imaginaires ou réels? Croit-on que les hommes se soient jamais faits du mal pour le plaisir de le souffrir. Croit-on que leur soumission toujours volontaire dans l'origine n'ait pas toujours eu pour motif une utilité présente bien ou mal entendue?

C'est au contraire l'existence d'un chef héréditaire qui ôte au pouvoir exécutif toute sa force utile en armant contre lui la défiance des amis de la liberté, en obligeant à lui donner des entraves qui embarrassent et retardent ses mouvements. La force que l'existence d'un roi donnerait au pouvoir exécutif ne serait au contraire que honteuse et nuisible, elle ne pourrait être que celle de la corruption.

Nous ne sommes plus au temps où l'on osait compter parmi les moyens d'assurer la puissance des lois, cette superstition impie qui faisait d'un homme une espèce de divinité. Sans doute nous ne croyons plus qu’il faut pour gouverner les hommes frapper leur imagination par un faste puéril, et que le peuple sera tenté de mépriser les lois si leur suprême exécuteur n'a pas un grand maître de la garde-robe.

Des hommes qui se souviennent des événements de l'histoire, mais qui ne connaissent pas l'histoire, sont effrayés des tumultes, des injustices, de la corruption de quelques républiques anciennes. Mais qu'ils examinent ces républiques, ils y verront toujours un peuple souverain et des peuples sujets, ils y verront dès lors de grands moyens pour corrompre ce peuple et un grand intérêt de le séduire. Or, ni cet intérêt, ni ces moyens n'existent quand l'égalité est entière non seulement entre les citoyens, mais entre tous les habitants de l'empire. Que le peuple d'une ville règne sur un grand territoire, que celui d'une province domine par la force sur des provinces voisines, ou qu'enfin des nobles répandus dans un pays y soient les maîtres de ceux qui l'habitent, cet empire d'une multitude sur une autre est la plus odieuse des tyrannies, cette forme du corps politique est la plus dangereuse pour le peuple qui obéit comme pour le peuple qui commande? Mais est-ce là ce que demandent les vrais amis de la liberté, ceux qui veulent que la raison et le droit soit les seuls maîtres des hommes? Aux dépens de qui pourrions nous satisfaire à l'avidité de nos chefs. Quelles provinces conquises un général Français dépouillera-t-il pour acheter nos suffrages? Un ambitieux nous proposera-t-il comme aux Athéniens de lever des tributs sur les alliés pour élever des temples ou donner des fêtes, promettra-t-il à nos soldats comme aux citoyens de Rome le pillage des Espagne(s) ou de la Syrie? Non sans doute, et c'est parce que nous ne pouvons être un peuple roi, que nous resterons un peuple libre.

Telles sont les raisons qu'on allègue en faveur d'un pouvoir héréditaire; et l'on voit qu'aucune d'elles n'est applicable à la nation française dans l'époque actuelle. Quant à ces motifs si rebattus de l'unité de l'activité du pouvoir exécutif; privilège exclusif de la monarchie, de la nécessité, quand les moeurs sont corrompues, de conserver l'institution la plus propre à les corrompre davantage, et de l'impossibilité de constituer une grande république. Quant à ces honteuses et perfides insinuations, qu'il est de l'intérêt particulier de la capitale de conserver un roi et une liste civile ; à cette opposition que l'on cherche à faire naître entre la capitale et les provinces, comme si la liberté et l'égalité n'étaient pas aujourd'hui le premier de leurs voeux et de leurs besoins. Quant à ce reproche de vouloir une république, après avoir juré de maintenir la constitution monarchique; à cette maxime de la tyrannie et de l'inquisition qui, prêtant à un serment la force d'engager les pensées comme les actions, voudrait qu'on eût promis, non d'exécuter la loi, mais de la trouver bonne; non d'obéir mais de croire. Nous ne ferons pas à ces objections l'honneur de les réfuter, bien moins encore répondrons nous à ces lâches calomnies que répandent contre nous cette foule de parleurs ou d’écrivains mercenaires, qui ont de si bonnes raisons pour trouver qu'il ne peut y avoir de bon gouvernement sans une liste civile (le budget alloué au roi); et nous leur permettrons de traiter de tous ceux qui ont le malheur de penser comme les sages de tous les temps et de toutes les nations.

C'est à ceux à qui, dans ce moment, la nation Française à confié le droit de lui proposer une constitution qu'il appartient de déterminer quelle forme, après un événement qui a débarrassé le peuple de ses engagements avec le monarque, il convient de donner au pouvoir exécutif. Ils doivent aux citoyens d'examiner cette grande question avec toute la liberté, toute la maturité que mérite une décision qui peut avancer ou reculer de quelques générations, les progrès de 'espèce humaine.

Jusqu’à ce moment, ils n'ont rien préjugé encore. En se réservant de nommer un gouverneur au dauphin, ils n'ont pas prononcé que cet enfant dût régner; mais seulement qu'il était possible que la constitution l'y destinât; ils ont voulu que l’éducation, effaçant tout ce que les prestiges du trône ont pu lui inspirer de préjugés sur les droits prétendus de sa naissance, qu’elle lui fit connaître de bonne heure, et l'égalité naturelle des hommes, et la souveraineté du peuple, qu'elle lui apprit à ne pas oublier que c'est du peuple qu'il tiendra le titre de roi, et que le peuple n'a pas même le droit de renoncer à celui de l'en dépouiller. Ils ont voulu que cette éducation le rendit également digne, par ses lumières et ses vertus, de recevoir avec résignation le fardeau dangereux d'une couronne, ou de la déposer avec joie entre les mains de ses frères, qu'il sentit que le devoir et la gloire du roi, d'un peuple libre, est de hâter le moment de n'être plus qu'un citoyen ordinaire. Ils ont voulu que l'inutilité d'un roi, la nécessité de chercher les moyens de remplacer un pouvoir fondé sur des illusions, fût une des premières vérités offertes à sa raison, l'obligation d'y concourir lui-même un des premiers devoirs de sa morale, et le désir de n'être plus affranchis du joug de la loi par une injurieuse inviolabilité, le premier sentiment de son coeur. Ils n'ignorent pas que dans ce moment il s'agit bien moins de former un roi que de lui apprendre à savoir, à vouloir ne plus l'être.

Les hommes qui ont brisé les fers de la féodalité, et ceux de la superstition, qui nous ont affranchi de la tyrannie judiciaire et. financière; les rédacteurs de la première déclaration des droits dont l'Europe puisse s’honorer, seront fidèles à leur gloire. Ils ne renouvelleront point librement ces lois honteuses, ces lâches apothéoses que la crainte des prétoriens arrachaient au sénat des empereurs ; s'ils gardent encore le silence, c'est que se regardant sur ces grands objets non comme les arbitres, mais comme les interprètes de la volonté nationale ; il attendent pour lui obéir, qu'elle se soit hautement manifester.

Source :  Gallica-Bnf, Nicolas de Condorcet,
Imprimeur du Cercle social, 4 rue du Théâtre Français (Paris,1791)

0
Dernier discours de M. Robespierre

Sur la fuite du Roi

« Le mot de Montaigne distinguo, je distingue n'est pas encore assez connu, ou du moins il n'a pas assez d'influence dans nos délibérations. On se perd sans cesse dans les généralités ; et parce que Rousseau a avancé qu'une loi ne pouvait porter que sur un objet général, on en a conclu qu'il fallait écarter de sa disposition tout ce qu'il y a de particulier. Mais où trouver quelque chose qui soit absolument général? N'est ce pas alors qu'une chose est plus générale, qu'elle devient sujette à un plus grand nombre d'exceptions? car renfermant dans ses conséquences une multitude d'objets qu'elle ne peut saisir sous toutes les faces, elle laisse comme nécessairement  comme autant d'exceptions les faces qu'elle n 'embrasse pas. L'idée général, bien loin d'exclure l'idée exception, la suppose au contraire, et la nécessite. On se sert du mot absolu et non pas du mot général, quand on veut écarter l'idée de toute distinction. Ce principe établi, dira-t-on que l'exception faite à une loi ne peut pas devenir elle-même l'objet d'une foi, ou que cette loi n'est que particulière? Ce ne sont là que des mots. De quelque nom qu'on l'appelle elle sera toujours générale dans ses effets puisque la moindre exception dans la loi la plus étendue a tout aussi bien que cette dernière l'empire entier pour objet.

Dans la grande question qui s'agite aujourd'hui à l'Assemblée Nationale, question qu'on appelle grande, par son objet qui est le Roi, quoique dans la morale, tout ce qui intéresse cette science divine ait réellement la même mesure et ne diffère que par l'énormité du crime sans acception des personnes ; dans cette question, dis-je, les Orateurs de l'Assemblé sont un déplorable exemple des grands écarts où peut donner l'esprit humain, lorsqu'au lieu de composer ses principes généraux des observations particulières qu'il a faites, il veut soumettre les objets particuliers aux généralités, et qu'incapable de tenir un milieu ou de s'étendre également à tous les poids il se porte sans cesse d'un extrême à l'autre.


Ainsi en cherchant à définir l'inviolabilité du Roi, M. Péthion (note, Pétion de Villeneuve) veut que bornée aux actes du gouvernement, elle disparaisse dans les moindres causes civiles. M. Prugnon, à qui cette idée d'un Roi sans cesse tenu à comparaître devant les tribunaux offre apparemment quelque chose d'indécent, ne veut pas qu'il puisse y être appelé même pour un crime de lèse-majesté nationale au premier chef qui est une complication de tous les crimes les plus énormes, puisqu'il fait de son auteur un parjure, le chef d'une rébellion universelle à la loi, le ravisseur de l'objet le plus cher à la nation et le plus important à son repos, l'Héritier présomptif du trône, enfin le bourreau de son peuple ; un Néron, qui par le seul acte de sa fuite met à exécution autant qu'il est en lui le voeu féroce de ce prince dénaturé qui souhaitait que le peuple Romain n'eût qu'une tête pour la lui faire tomber d'un seul et même coup !


- Enfin M. Prugnon, ménager du tems non moins que de la considération du monarque craint que le Roi appelé au barreau par de continuels procès, ne trouve plus le moment de veiller à l'exécution des lois comme si même avant l'établissement de la constitution, le prince pour les faits de ses domaines ou engagements particuliers pris par ses ancêtres n'était pas obligé de soutenir des procès qui non seulement ne le dérobaient pas aux affaires du gouvernement, mais encore le conservaient tout entier à ses plaisirs. Il semble qu'avec une liste de vingt-cinq millions (son budget alloué), le prince peut encore payer des procureurs et des hommes d'affaires. Le fait est qu'il ne faut pas trop diminuer cette immense considération, le premier besoin de la royauté, comme l'appelle M. Prugnon et c'est ce qu'on ferait en imprimant trop au Roi l'attitude d'un particulier : mais faut-il aussi faire d'un monarque un despote un tyran en faisant disparaître les plus énormes crimes à l’éclat de sa couronne? Assurément on peut dire que l'Empereur de la Chine le Sophi de Perse, et le grand Seigneur jouissent d'une immense considération mais aussi cette considération croûte la liberté et souvent la vie à leurs sujets et je pense qu'à tous ces jolis Rois on ne veut pas assimiler le Roi constitutionnel des Français ni à leurs troupeaux d'esclaves un peuple d'hommes libres.


Le roi ne doit donc pas pouvoir être appelle en justice pour de trop légères causes j mais pour des crimes capitaux, il n'y a pas de doute que la justice ne doive étendre sa main jusques sur sa tête jointe, mais me dira-t-on un crime tel que celui que méditait le roi dont il avait déjà fait les premiers pas, et dont toutes les traces subsistent dans les complots découverts de ses complices, un tel crime mérite la mort dans un particulier... Voudriez vous donner à l'Europe une seconde représentation de la cruelle tragédie dont le noir Cromwell fut le premier acteur!.... La seule question est un crime; la réponse en serait un autre je dis seulement que pour la conservation même de cette considération si nécessaire à l'effet de la royauté il n'est plus possible qu'un roi qui s'est déshonoré par un parjure de tous les crimes le plus antipathique à l'humeur française, un Roi qui, de sang froid, allait faire couler celui des Français, il n'est plus possible qu'un tel Roi se montre encore sur le trône; le dernier de ses sujets se croirait déshonoré en lui, et l'honneur l'âme des combats, serait éteint dans le sein des Français ; enfin cette confiance dans le suprême exécuteur des lois, si nécessaire au repos et à la prospérité de l'empire, comment pourrait-elle renaître envers un Prince dont le premier soin en désertant son poste, avait été de les condamner et de les abjurer?


Mais que M. Prugnon se rassure sur le maintien de cette monarchie à laquelle, depuis qu'elle est devenue constitutionnelle, non pas seulement une partie de la nation comme le dit ce député mais la nation entière tient, par sentiment. Ce que je croirais bien c'est qu'une partie de la nation tient sinon par sentiment, au moins beaucoup par intérêt à la monarchie arbitraire. J'aime les analogies, mais c'est lorsqu'on en tire une inférence favorable à la cause que Ion soutient surtout quand cette cause est juste. Sans doute comme le dit Montesquieu, la religion a sa racine dans le ciel, ce qui n'empêche pas que la terre n'ait été couverte, des crimes commis en son nom, et que le fanatisme ne l'ait fait envisager aux peuples comme un monstre sorti des enfers ; aussi il se peut « que la monarchie française ait sa racine dans le coeur de la plupart et même de tous ceux qui habitent ce vaste empire » ; mais bientôt elle n'y serait plus si un massacre national devait en être le prix.


C'est aux monarques à faire aimer et respecter la monarchie cet amour et ce respect s'il était sans fondement de la part des peuples, serait la plus dangereuse de toutes les idolâtries. Assurément les romains ne se lassèrent pas des Tarquins, mais les Tarquins se lassèrent d'être justes, et ils se firent chasser plutôt qu'on ne les chassa».



Source : Gallica-Bnf, Sur la fuite du Roi de Maximilien Robespierre,
Imprimerie de Calixte Volland, 32, rue des Noyers (Paris-1791)


Suite sur la Révolution française
L'année 1791, deuxième partie

Cet espace d'expression citoyen n'appartient à aucune organisation politique, ou  entreprise commerciale. Le contenu est sous la responsabilité de son créateur, en tant que rédacteur.

Les articles et textes de Lionel Mesnard sont sous la mention tous droits réservés
Ils ne peuvent faire l'objet d'une reproduction sans autorisation


Les documents du site sont
sous licence Creative Commons 3.0 ou 4.0 (audio)
http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/deed.fr

Adresses et courrier  :

Courrier électronique   lionel.mesnard(AT)free.fr 



Archives des vidéos en ligne :
Dailymotion - Pantuana.tv -  Youtube

Toutes les ARCHIVES depuis 2002

Archives sur l'Amérique Latine de 2005 à 2013 :
Textes, sons, vidéos sur l'Amérique Latine

Archives sur la question "Psy" :
Textes sur "La Question Psy"?

Archives Histoire de Paris et d'ailleurs :
Textes, vidéos, histoires urbaines de Paris et d'ailleurs

Archives sur la Violence et l'Éducation :

                Dernières modifications : juillet - août   2018