I – Le mois de
janvier 1791
Samedi 1er janvier : Le jeune scientifique André Ampère n’a que 16 ans, il
adresse deux courriers à la Constituante pour lui demander d'adopter un
nouveau système à base décimale. Voilà trois ans qu’il étudie les
mathématiques. Son père Rousseauiste l’incitait à lire et à trouver son
propre cheminement intellectuel. Ce qu’il fit, semble-t-il, en devenant un
découvreur et un savant important.
NOUVELLES DE DIVERS ENDROITS (pamphlet du jour !)
Paris. La
diminution du pain ne s'opérera point par le canal de MM. du Club
monarchique. Le levain de la guerre civile ne fermentera point avec
celui de la farine ; et la Contre-révolution ; car il faut bien dire
comme tout le monde, ne sortira point par la gueule des fours. Les
honorables Membres sont poursuivis par le Peuple dans tous les coins de
Paris, et deux hier ont été assaillis par la multitude, depuis une
extrémité de la rue Saint-Martin jusqu'à l’autre, couverts de boue et appelés Chianlîts,
c’était en vérité, la représentation du mardi-gras. M. Stanislas
Clermont, le fondateur caché du Club monarchique, n'aura pas le
bonheur, comme le bienheureux Cretenet, de voir sa société se perpétuer
; et il ne lui en restera d'autre avantage, que d'avoir un nom de plus,
celui de Jean-Farine (sic) ; le Club monarchi-aristocratique vient
d’être détruit, comme le temple de Jérusalem, et tous les Membres sont
dispersés.
Courrier extraordinaire, ou Le Premier Arrivé, 1er janvier, par M. Duplain
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2
janvier : Londres, le musicien et compositeur Joseph Haydn fait un
séjour dans la capitale anglaise. Il composera sur place quatre symphonies et se produira douze fois de mars à juin à la salle
Hanover Square. Les billets vendus par souscription.
3 janvier : A l'Assemblée, sous la présidence de M. Joseph d'André,
député de la noblesse de Provence, s'engage le débat sur les
jurys, jurés et témoins. Neuf articles sont lus pour être décrétés, dans le cadre de la procédure criminelle et aussi au sein
du dispositif d'un tribunal de justice civile par district, et d'un
tribunal de justice criminelle par département, lui aussi en discussion.
4 janvier : A Paris, le couvent des Petits-Augustins se situait dans la rue avec la même
dénomination, la fondation de ce lieu
date de Marguerite de Valois, la dite reine Margot. Cet espace devient le dépôt des œuvres d'art sans
protection et il sera l’emplacement de la future École nationale des Beaux-Arts
en 1816, toujours en activité (Rue Bonaparte, actuel 6ème arrondissement). A
l’Assemblée, les députés du clergé sont en désaccord sur̀ la
Constitution civile du clergé : 7 seulement, (dont Talleyrand, qui l'a fait le 1er janvier) sur 160 prêteront serment.
5 janvier : La loi du 24 décembre 1790 interdisant la nomination
d'agents travaillant pour le roi est signée ou sanctionnée par Louis
XVI, et devient effective à ce jour : « Portant que les
Administrations de Département et de District, ne peuvent ni nommer ni
entretenir des agents auprès du Roi et du Corps législatif ».
6 janvier : A la Constituante, le Président M. Jean-Louis-Claude Emmery (élu le 4/01 et député du Tiers du bailliage de Metz)
après les formalités d'usage, dit avoir reçu une lettre de Me
Levasseur, la veuve de Jean-Jacques Rousseau, (en portrait ci-contre du graveur Johann-Michael Baader), et en fait la lecture :
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« Monsieur le Président, oserais-je
vous prier de vouloir bien faire agréer à l'Assemblée nationale
l'hommage de ma vive et respectueuse reconnaissance? Mon âge, mes
infirmités, et surtout l'embarras de paraître devant une assemblée
aussi imposante, toutes ces raisons m'empêchent d'aller moi-même faire
mes remerciements aux augustes représentants de la nation. Je
consignerai dans cette lettre, Monsieur le Président, les sentiments
dont mon cœur est pénétré dans cette occasion. J'ai assez vécu,
Messieurs, pour voir la mémoire de mon époux vengée et honorée par la
nation française. Victime moi-même de la calomnie, elle n'a cessé de me
poursuivre, par la seule raison que mon sort avait été lié avec celui
de Rousseau. Le décret que vous avez rendu, et la sanction que Sa
Majesté lui a accordée, imposent aujourd'hui silence à nos ennemis. Je
vois le peuple français, que mon mari aimait, heureux et triomphant de
la révolution qui s'est opérée, sous mes yeux, dans son gouvernement.
Quels vœux me reste-t-il à former? Celui, Messieurs, d'être encore
quelques instants le témoin de la prospérité de cet empire, celui de
vivre encore quelques années sur cette terre régénérée et libre, pour y
jouir de vos bienfaits, sous la protection de vos lois, et pour y
bénir, tous les jours de ma vie, la plus généreuse des nations et le
plus grand des monarques. Un seul regret m'accompagnera jusqu'au
tombeau, celui de penser que mon mari n'est plus, qu'il a terminé sa
douloureuse carrière avant d'être le témoin des honneurs que vous lui
réserviez, et qu'il n'a pu applaudir aux travaux immortels de ceux qui
ont assuré la liberté à la nation française. Je suis avec le plus
profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très
obéissante servante. » Signé : Marie-Thérèse Levasseur, veuve de Jean-Jacques Rousseau. Au Plessis-Belleville, ce 3 janvier 1791.
Source : Bib. de Stanford, Archives Parlementaires, tome XXII, page 39.
7 janvier : A l'Assemblée, la loi sur les brevets est approuvée (ou
titre de propriété industrielle).
8 janvier : Dans la capitale, à ne pas confondre avec d’autres écoles
ou Facultés, « l’Université de Paris » est consacrée à l’étude de la
foi. Il s’agit de la Sorbonne et elle annonce par la voix de son
Recteur se soumettre, tout en les saluant les décrets de l'Assemblée
sur la Constitution du clergé civil. Une
contradiction fort peu probable, la plupart de ses dignitaires
refuseront de prêter serment et cette institution datant de Robert de
Sorbon, son créateur, va s’éteindre après 1792, faute de remplaçant ou de
postulant. Et, en partie en raison de sa fermeture partielle par la
municipalité en 1791, néanmoins jamais ordonnée civilement et
définitivement. Personne n’ayant pensé ou voulu se défaire de cette
illustre institution.
9 janvier : Traité de paix signé à Jasay, entre la Russie et la
Porte-Ottomane (la Turquie), par la médiation du roi de Prusse. Dans le
Sud-est de la France, la garde nationale d'Avignon assiège les
royalistes de Carpentras, le combat entre milices bourgeoises et
légitimistes perdure. Dans le cadre de la loi Constitution civile du clergé, il est précisé que
sont éligibles les curés qui le
sont depuis au moins cinq ans et qui ont prêté le serment.
10 janvier : A Paris, Madame du Barry est invitée par le duc du Brissac à loger chez lui, dans son hôtel situé rue de Grenelle. Durant la nuit, elle se fait voler ses
bijoux, estimés à 375.000 livres ou 500.000 écus. Des cambrioleurs se
sont introduits possiblement avec une échelles et ont cassé une vitre
et une jalousie pour pénétrer dans la demeure. Ensuite, ils ont forcé
une commode où se trouvaient les objets précieux. Il sera porté plainte
par cette dernière, et elle ira se plaindre jusqu'à l'Assemblée
nationale, Marat s'en fera l'écho dans L'Ami du Peuple. On apprendra
plusieurs jours après, que tout était faux et avait été inventé de
toute pièce par Madame du Barry. Elle avait préalablement caché dans
son habitation de Louvenciennes ses propres biens de valeur. Elle
prétendra avoir voulu soutenir les émigrés à l'étranger. (Source : Gallica-Bnf, Paris Soir, 12 avril 1938, page 2)
11 janvier : A l'Assemblée, un décret ordonne la fabrication de nouvelles pièces pour remplacer les anciennes : « Un quart de cette fabrication sera en pièces de 12 deniers, un quart en pièces de 6 et la moitié en pièces de 3 deniers. » et « toute
fabrication de monnaie de cuivre avec les anciens, cessera, dans toutes
les monnaies du royaume, aussitôt que les nouveaux pourront être
employés. Les anciens seront brisés en présence de la municipalité, qui
en dressera procès-verbal, qu'elle adressera sans délai au ministre des
finances. » A la séance du soir, M. Moreau de
Saint-Méry, du comité colonial, propose
le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, voulant
conserver l'unité qui existe entre les
différentes parties de la constitution
et de l'administration des colonies, décrète
: 1° Que les objets qui
intéresseront directement les colonies ne
pourront lui être présentés que par
son comité colonial ; 2° Que ses
autres comités ne pourront soumettre
à sa délibération aucune disposition
relative aux colonies ni prendre aucun
arrêté à cet égard, sans en
avoir préalablement conféré avec le
comité colonial. » MM. Robespierre et Pétion
s'opposent fermement contre cette proposition, Robespierre demande la
question préalable, elle est acceptée par les députés. Le Courrier de Paris dans les 83 Départements
annonce que le curé de Bonne-Nouvelle dans la capitale s'est enfui avec
la somme d'environ 30.000 livres, au dépend de ses créanciers.
12 janvier : En Belgique ou au sein de la Principauté de Liège, les
armées autrichiennes occupent la cité liégeoise plus des troupes
de Mayence et de Munster. Les responsables liégeois du mouvement
révolutionnaire partent en exil. La Belgique et les
Pays-Bas vont être l’enjeu, si ce n’est être participante du mouvement
insurrectionnel français, et en première ligne les bourgeoisies locales
y puiseront la source de leurs revendications, la Belgique ne
correspondant pas à la carte actuelle ou à ce que nous pouvons entendre
sur le plan géographique. Le pays Brabant étant à cheval sur les deux
états.
13 janvier : A l'Assemblée, il est instauré une taxe mobilière, une
contribution
annuelle et commune à tout habitant. Chaque foyer sera imposé en
proportion de son loyer, ou bien à partir de la valeur locative de
l’habitation. Il sera de la responsabilité des municipalités de
vérifier la bonne foi des estimations. Le député Talleyrand transmet sa
démission de l'évêché d'Autun après avoir été élu au département de
Paris. M. Le Chapelier est le rapporteur pour les auteurs dramatiques
et en faveur d'une loi sur les spectacles. Il est ainsi proclamé par décret la liberté absolue des théâtres.
Les députés Guadet et Pétion y apportent leur contribution. Il est
décidé que tout citoyen pourra représenter ce qui lui plaira. Les
pièces de théâtre ne seront plus soumises au préalable de la censure,
mais il faudra attendre le mois de juin, pour qu’elle ne soit plus
exercée. Les autorisations de se produire sont délivrées par les
municipalités, depuis août 1790, en raison des transferts de pouvoir,
ne dépendant plus des responsabilités de la Lieutenance générale de Police.
Toutefois le maire, M. Bailly, aura à ce sujet un homme lige et un
censeur en titre, M. Suard (Selon le Figaro en 1859, un article sur la censure et son histoire). Extraits de la nouvelle loi sur les théâtres :
Article
1. Tout citoyen pourra élever un théâtre public et y faire représenter
des pièces de tout genre en faisant, préalablement, une demande à la
municipalité.
art. 2. Les ouvrages des auteurs morts
depuis cinq ans et plus sont une propriété publique et peuvent,
nonobstant tous anciens privilèges, qui sont abolis, être représentés
sur tous les théâtres indistinctement.
art. 3. Les ouvrages des auteurs vivants
ne pourront être représentés sur aucun théâtre public sans le
consentement formel et écrit des auteurs, sous peine de confiscation du
produit total des représentations au profit de l’auteur.
art. 4. Les entrepreneurs ou les membres
des différents théâtres seront, à raison de leur état, sous
l’inspection des municipalités. Ils ne recevront d’ordres que des
officiers municipaux, qui ne pourront pas arrêter ni défendre la
représentation d’une pièce, sauf la responsabilité des auteurs et des
comédiens, et qui ne pourront rien enjoindre que conformément aux lois
et aux règlements de police.
Source : Bib. de Stanford, Archives Parlementaires, tome XXII, du 3 janvier au 5 février 1791
14 janvier : A la Constituante, Honoré-Gabriel de Mirabeau lit un projet d'adresse sur la Constitution civile du clergé,
ce qui provoque une opposition vigoureuse de MM. Regnault, Camus, et de
l'abbé Maury, celui-ci avec d'autres députés quittent la salle. (Source : Persée.fr)
M.
Viefville des Essarts, député du département de l'Aisne a fait imprimer
et distribuer à tous les membres de l'Assemblée un travail sur
l'organisation de la marine qui fait partie des documents
parlementaires : Idées sur l'organisation de la marine et sur les changements et réformes dont elle est susceptible dans différentes parties. (Bib. de Stanford, Arch. Parl., à partir de la page 242, en annexe du 14/01, tome XXII)
15 janvier : A Paris, au théâtre-Italien, il est représenté Paul et Virginie, une comédie en 3 actes, en prose du citoyen Favières, mêlée d'ariettes ou le tout mis en musique
par M. Kreutzer. Cette œuvre est dans son ensemble plutôt fidèle au
texte du roman de Bernardin de Saint-Pierre, sauf la fin qui diffère.
16 au 19 janvier : A l'Assemblée, le ministre de la guerre, M.
Duportail informe des troubles survenus à Avignon. Mirabeau est nommé membre de l'administration de Paris. Le jour suivant, la
discussions sur la procédure criminelle et la question des jurés est
toujours à l'examen, et la loi sur le
droit des auteurs
est approuvée sur la propriété littéraire et artistique ou
intellectuelle.
Cette législation donne aux héritiers la possibilité de percevoir
jusqu’à cinq ans après la disparition du défunt ses droits d’auteurs,
après ils sont déclarés "propriété publique". (Aujourd’hui, le délai
est de 75 à 100 ans pour une œuvre une fois éditée, avant de passer
dans le
domaine public et peut varier d’un pays à un autre. Attention les
termes « libre
de droit » sont une notion de droit anglo-saxon). M. Sangrain, libraire
à
Paris, offre à l’assemblée la dédicace d’une nouvelle édition de
l’Evangile. L’assemblée applaudit et accepte. Le surlendemain, M.
Defermon, député du Tiers de Rennes dénonce un Bref
du pape contre le
serment exigé aux ecclésiastiques français. Le 19, Louis XVI sanctionne
la loi sur le droit de représentation et des auteurs. Le débat sur les
différentes cours de justice continue : justice de paix, civile,
criminelle, et une cour suprême pour les demandes de révision. M.
Gouverneur Morris est de retour à Paris. L'abbé
Grégoire devient le Président de l'Assemblée jusqu'au 28 janvier.
20 janvier : Dans tous les départements est institué un tribunal
criminel. C’est un changement significatif de la nouvelle organisation
administrative mettant un terme final aux justices antérieures en
matière criminelle. A la Constituante, l'on vote la fin des droits
d'entrée ou taxes prélevées aux barrières d'octroi. La mesure deviendra
effective le 1er mai.
21
janvier : A l'Assemblée, il est donné pour avis aux prêtres de
cesser « une résistance sans objet »... Elle ne fait que commencer.
22 janvier : Dénonciation faite à la commune, par la section de Bondi : « Un
fonctionnaire public, un chef de troupes nationales, qui professe
hautement des sentiments opposés à la régénération Française peut bien
être suspect, quand il cherche à pénétrer ses soldats des mêmes
principes : il peut bien être suspect quand, n'ayant pu y réussir par
des insinuations cauteleuses, il emploie tous les moyens capables de
les exciter à l'insubordination, à l'indiscipline. On voudrait, on le
sent bien, nous enlever notre armée citoyenne, pour parvenir à
enchaîner notre zèle pour la conquête de notre sainte liberté. C'est
pour déconcerter cette trame perfide, que la Section a sans cesse un
œil ouvert sur de semblables machinateurs, et l'autre sur ceux qui
doivent les juger. Mais en dénonçant tous ces faits, la Section de
Bondi s'en rapporte pour la suite qu'ils méritent, au zèle éclairé de
la Commune. » (Source : Gallica-Bnf, page 8) A l'Assemblée est présentée une Pétition de la Société d'histoire naturelle de Paris (Source : Persée.fr) M. Morris note dans son journal : « Ce
soir, chez Mme de Staël, je rencontre la haute société. Je reste
quelque temps à causer avec différentes personnes, mais tout cela est
sans importance. » (Source : Archive.org, Journal de G. Morris, page 200).
23 janvier : Près de Paris,
le corps des chasseurs de la barrière d'octroi de la Villette
recherchent le maire de la commune de la Chapelle
dans une épicerie proche de la mairie (actuel 18ème arrondissement).
Corse, la Société patriotique d'Ajaccio affilié au club des Jacobins de
la capitale, une jeune lieutenant d'artillerie, un nommé Buonaparte fait lecture d'une lettre adressée au député et comte Mattéo Buttafuco, où il se montre favorable avec ses prises de positions contre Pasquale Paoli et ses partisans.
24
janvier : Au village de la Chapelle, près de Paris, suite à une affaire de contrebande
de tabac, une saisie est organisée par des agents de la Ferme générale et une vingtaine de chasseurs des
barrières d'octroi, sans l'autorité civile. Le maire refuse de se
déplacer pour faire le constat. Des heurts violents se produisent avec
la population du village jusqu'à l'intervention des gardes nationaux,
sous l'autorité de M. Bailly. L'on recense trois morts et une dizaine
de blessés parmi les villageois. (Gravure ci-contre du journal les Révolutions de Paris)
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25 janvier : Le journal la Feuille du jour revient sur les heurts intervenus hier au village de la Chapelle et ses répercutions sur le faubourg Saint-Denis voisin. « Une
sortie des chasseurs contre les contrebandiers a troublé le fauxbourg
Saint-Denis, hier lundi, de manière à faire craindre que cet événement
eut des suites. Selon ce que j’ai pu recueillir de plus positif, il
s'est trouvé qu’un des contrebandiers tué par les chasseurs, était fils
d’un cabaretier de la Villette ; le père a soulevé son quartier, en lui
demandant vengeance de la mort de son fils. On assure que plusieurs
bourgeois armés ont marché sous sa conduite, que cette troupe a
rencontré les chasseurs ; qu'un choc sanglant a coûté du monde aux deux
partis, et que la cavalerie nationale les a séparés. Un des tambours du
district de Saint-Laurent a reçu quatorze coups de sabre. M. Amiot,
commandant de bataillon, marchait à la tête de la cavalerie, et s'est
fait remarquer par le plus grand zèle et le plus grand courage. » (Source : Retronews-Bnf, page 6, vous pouvez aussi consulter le L'Ami du Peuple qui revient plus en détail dans son numéro 365 du 8 février, à partir de la page 5)
26 janvier : Depuis Paris, Julien Raimond propriétaire et "homme de couleur" (métis) de Saint-Domingue fait publier ses Observations sur l'origine et les progrès du préjugé des colons blancs contre les hommes de couleur. L'ouvrage
commence par une lettre adressée à J.P. Brissot, qu'il salue pour ses
écrits contre les esclavagistes, et puis sur la question du préjugé de
couleur. Dans cet extrait M. Raimond aborde les raisons des origines du
métissage entre esclaves et colons et selon les règles du Code Noir de 1785 qui donnait obligation au maître (célibataire) d'épouser l'esclave avec qui il avait eu des enfants :
Aux origines du métissage et de la colonisation?
M. Raimond, "homme de couleur" de Saint Domingue
« Dans l'origine de
rétablissement des colonies, et au moment où l'on commença à y
introduire des africains pour les cultiver, il n'y passait point ou
presque point de femmes européennes ; des hommes seuls, brûlant du
désir de faire fortune osaient franchir les mers et s'exposer à vivre
dans un climat d'autant plus meurtrier, qu'ils étaient privés de toutes
les ressources qu'on s'est depuis procurées.
Transportés sur cette terre étrangère, encore inculte, affaiblis par la
chaleur du climat, souvent malades, et privés des secours qu'auraient
pu leur porter des épouses de leur couleur ces européens s'attachèrent
des femmes africaines qui leur rendirent des soins d'autant plus
assidus, que, de leur continuation seule, elles attendaient la plus
grande récompense, leur liberté. Ces premiers blancs vécurent avec ces
femmes comme dans un état de mariage, ils en eurent des enfants.
Quelques-uns, touchés de la tendresse et du soin de ces femmes, et
entraînés par l'amour paternel, épousèrent leurs esclaves et en les
rendant libres par cet acte, ils légitimaient encore le fruit de leurs
amours ou de leurs habitudes. Le plus souvent ils laissaient, en
mourant, à ces enfants des possessions qu'ils avaient cultivées.
D'autres hommes, moins sensibles que ces premiers, peut-être plus
orgueilleux, peut-être enfin engagés de part des liens indissolubles,
se contentèrent d'affranchir les enfants, ainsi que la femme qui les
avait mis au monde, et donnèrent à ces enfants des terres et quelques
esclaves. »
Source : Gallica-Bnf - Observations sur l'origine
et les progrès du préjugé des colons blancs contre les hommes de
couleur sur les inconvéniens de le perpétuer, la nécessité, la facilité
de le détruire, sur le projet de comité national, etc. Pages 2 et 3, Paris - 1791.
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27 janvier : Dans la capitale, il est constitué un tribunal de Commerce et voit
la naissance des « juges consulaires ». Une institution où les juges
sont élus par et entre commerçants et n’ont pas de compétences
particulières en matière de droit. Un système toujours en activité et
très discutable sur sa nature juridique. Les fonctionnaires et
ecclésiastiques qui n'ont pas prêté serment sont remplacés. Dans le
faubourg Saint-Antoine un nommé Louvain est soupçonné d'espionnage et
la Garde nationale s'interpose avant qu'il ne soit molesté et l'emmène
au Châtelet.
28 janvier : Le convalescent de qualité, ou L'aristocrate. Cette comédie en deux actes et en vers est représentée pour la première fois au théâtre Français (Comédie française). C'est une pièce de M. Fabre d'Églantine, acteur, dramaturge, un temps rédacteur aux Révolutions de Paris et membre du club des Cordeliers. (Source : Gallica-Bnf, 64 pages)
29 janvier : Paraît le premier numéro d'un journal monarchiste, Le Contre-poison, ou Préservatif contre
les motions insidieuses, cabales, erreurs, mensonges, calomnies et
faux-principes répandus dans les feuilles de la semaine. Les auteurs qui ont collaboré, le pamphlétaire Antoine Estienne
(1762-1826) alias Boniface Dindon, et Joseph François Nicolas
Dusaulchoy de Bergemont (1760-1835). Ce dernier fut aussi rédacteur à
la Gazette d'Amsterdam en Hollande, en France du Courrier national, du Républicain, des Révolutions de France et de Brabant, de la Semaine politique et littéraire,
etc. Ce périodique est d'abord paru trois fois par semaine de 16 pages,
puis est devenu un hebdomadaire de 48 pages, à partir du n°37 d'avril. Mirabeau devient président de l’Assemblée constituante jusqu’au 13
février.
30 janvier :
Dans la capitale, après Marat, Alexis Dubois-Crancé, député du Tiers de
Vitry-le-François (Marne) dénonce au club des Jacobins les projets
de la famille royale. Spécialiste des affaires liées aux armées, il
sera à
l’origine de la conscription et suivra à la chambre les questions
militaires.
31 janvier : En Grande-Bretagne : Thomas Paine achève son manuscrit : Droits de l’Homme en réponse à l'attaque de M. Burke sur la Révolution
française, et le transmet à son éditeur anglais. Il sera édité en
France au mois de mai. M. Paine a connu à son actif 3 nationalités, celle
de sa naissance, britannique, puis français en août 1792, et à la fin
de sa vie étasunien. Il a été un des grands défenseurs de la Révolution
française outre-Manche et devenir citoyen et député français. Jusqu’à
la seconde phase révolutionnaire, la Révolution est plutôt bien
accueillie outre-Manche, il existait même des clubs républicains soutenant le
mouvement français. Le Premier ministre Pitt le vit plutôt d’un bon
œil, en raison de l’affaiblissement de Louis XVI. La présence de ses
espions dans Paris, allait lui permettre de suivre les
évolutions et tensions politiques internes. En France, Danton est nommé administrateur du département
de Paris.
II – Le mois de février 1791
Mardi
1er février : A Paris, le collège des Bernardins (actuel 5ème
arrondissement)
devenu propriété de l’État
voit ses derniers religieux être expulsés.
Le lieu va devenir une prison en remplacement de celle du quai de la
Tournelle destinée aux galériens. L'Assemblée décrète d'envoyer des
commissaires civils à Saint-Domingue et en Guyane pour le
rétablissement de l'ordre.
2 février : En France, il est organisé l’élection des neuf premiers évêques
constitutionnels, parmi eux l'abbé Grégoire est élu dans deux départements, il
choisi le Loir-et-Cher. Il sera
consacré le 13 mars par MM. Talleyrand et Gobel. Il y aura 47 évêques à la fin avril.
3 février : Marie-Antoinette écrit à M. Mercy d'Argenteau, lui annonce qu'elle lui envoie ses diamants et que « le
roi aurait voulu y joindre le siens, mais comme ils sont à la Couronne,
nous n'avons pas osé, de peur qu'on ne les demande d'un moment à
l'autre, sous prétexte qu'ils sont biens nationaux. » (Source : Numelyo, Louis XVI, Félix-Sébastien Feuillet de Conches, Marie-Antoinette et Me Elisabeth : lettres et documents inédits, tome 1, page 444 , Paris-1865)
4 février : Dans la Feuille du jour,
M. Dufresne, directeur du Trésor Public informe qu'au mois de décembre
1790 les recettes étaient de 70 millions dont 47 provenant des biens
nationaux et les dépenses furent de 81 millions, soit un déficit de 58
millions de livres. Et il précise des articles de dépenses, comme la
Police de Paris 187.000 livres pour seulement 31 jours, la Garde
militaire de la capitale 650.000 livres, les ateliers de charité
799.000 livres, les farines et le blé 721.000 livres, etc.
5 février : Dans le Morbihan, le Directoire sollicite des
renforts auprès du président de l'Assemblée, « Aujourd'hui, M. le
président, ce n'est pas un régiment qu'il nous faut. Notre département
et les quatre qui l'avoisinent, égarés par les prêtres demandons (...)
une armée et des commissaires. Nous sommes à la veille d'une convulsion
générale. Le fanatisme secoue ses torches. (…) Dans cette position, nous
prions l'Assemblée nationale de préparer sans délai les secours
puissants que sollicite avec insistance notre malheureux département ». A Paris, Gilbert de Lafayette renouvelle son abonnement à la Société des Amis des Noirs. (Source : Institut de France, lettre manuscrite)
6 au 8 février : Département de l'Indre, il est
procédé à la désignation de l'évêque constitutionnel, et c'est le curé
de Chaillac, Réné Héraudin (1722-1800) le doyen de l'assemblée départementale, qui a « réunit la majorité des suffrages par 188 voix sur 237. En
conséquence, dit le procès-verbal, M. Héraudin, ce vénérable pasteur
que ses vertus patriotiques et chrétiennes et la confiance et l'estime
publique ont appelé à la place d'évêque, s'est présenté au bureau du
président et a accepté sa nomination. Après quoi, l'élu prononça un
discours de circonstance, qui fut vivement applaudi. On décida que ce
discours serait imprimé et envoyé à toutes les municipalités. Et, de
suite, il fut célébré dans la même église une messe solennelle, suivie
d'un Te Deum. » Il sera consacré à Paris le 13 mars prochain par J.B
. Gobel et C.M. Talleyrand, et puis prêtera le serment constitutionnel à
son retour à Châteauroux en l'église St.-Martial (Source : Gallica-Bnf, Revue du Centre n°4 du 15 avril (8ème année), page 142 et 143, Paris-1886)
7 février : Dans le Morbihan (suite du 5/02), 200 à 300 paysans se rendent à Vannes pour protester et
remettre une pétition aux autorités, pour que les prêtres ne soient pas
obligés de prêter serment. Seuls 48 prêtres sur 454 accepteront de se
plier à la Constitution civile du clergé dans ce département.
8 février : A Londres, à la chambre basse des Communes, il est question du commerce esclavagiste. « Le
Sieur Wilberforce reprit ensuite sa motion sur la traite des Nègres, et
demanda que la Chambre se formât en Comité, pour délibérer s'il ne
convenait point d'en former un, à l'effet de s'occuper de cet objet. La
motion fut attaquée par un membre, qui la regarda comme dangereuse au
commerce, et propre à jeter de l'inquiétude parmi les Planteurs. Et sur
ce qu'un autre Membre interpella, le Sieur Wilberforce (William, abolitionniste),
pour savoir de lui combien de temps durerait l'examen du comité, pour
faire son rapport sur la traite, il répondit, qu'attendu le nombre
d'interrogatoires compliqués , qu'il faudrait faire à ce sujet, il ne
pouvait point fixer le terme, et que, sans doute, il ne pouvait qu'être
très-éloigné. Le colonel Tarleton observa qu'il paraissait étrange que
la philanthropie allât chercher des objets si loin, tandis, qu'il y
avait tant de moyens d'exercer son activité bienfaisante près d'elle.
Enfin, après quelques autres débats, on arrêta qu'un comité particulier
serait chargé de faire son rapport, à la Chambre, sur la traite des
Nègres. » (Source : Gallica-Bnf, Gazette de France du 18 février 1791, page 65)
9 février : A Paris, l'on joue au Théâtre Français,
lyrique et comique, un opéra comique de Jean-Antoine Brun
dit Lebrun-Tossa, il y est interprété Des Noirs et les Blancs, ou le Conspirateur généreux en 3 actes.
10 février : A la Constituante, à la séance du soir, une délégation de
quakers étasuniens vient présenter une pétition (MM. J. Mansillac, W. Rotch, et Benjamin Rotch), et un des trois membres prend la parole.
Le comte de Mirabeau, lui répond en ces termes : «
L'Assemblée discutera toutes vos demandes dans sa sagesse ; et si
jamais un de nous rencontre un quaker, il lui dira : Mon frère, si tu
as le droit d'être libre, tu as le droit d'empêcher qu'on ne te fasse
esclave. Puisque tu aimes ton semblable, ne le laisse pas égorger par
la tyrannie : ce serait le tuer toi-même. Tu veux la paix? Eh bien!
c'est la faiblesse qui appelle la guerre : une résistance générale
serait la paix universelle. »
11 février : Louis XVI sanctionne la loi relative à l'envoi de commissaires civils à Saint-Domingue et en Guyane. « et
notamment dans celle de Saint-Domingue, où, après avoir anéanti des
actes illégaux et employé des moyens de sévérité pour maintenir
l'autorité des Lois, il est conforme à ses principes de vouloir calmer
les esprits, faire cesser les divisions, conduire paisiblement à un vœu
commun tous ceux qui désirent le bien public ; décrète ce qui suit :
Art. 1. Le Roi sera prié d'envoyer dans la Colonie de Saint- Domingue
trois Commissaires civils, chargés d'y maintenir l'ordre et la
tranquillité publique ; à l'effet de quoi il leur sera donné tous pouvoirs
à ce nécessaires, même celui de suspendre, s'ils l'estiment convenable,
les jugements des affaires criminelles qui auraient été intentées à
raison des troubles qui ont eu lieu dans cette Colonie, ainsi que
l'exécution de ceux des dits jugements qui auraient pu être rendus ». (Source : Archive.org, page 2)
Ainsi que le Décret sur les dépenses de l'expédition extraordinaire pour les Antilles,
ordonnée par le roi, précédé du rapport fait au nom du Comité de la
marine par M. de Curt, député de la Guadeloupe, membre de ce comité. (Source : Archive.org, 16 pages)
12 février : Liège, retour solennelle du Prince-évêque
Hoensbroek et restauration du régime ancien. Près de Paris, dans le
bois de Boulogne, la reine Marie-Antoinette, Me d'Astic et Me Elisabeth
font une promenade à cheval.
13 février : Dans le Morbihan (suite), des paysans des paroisses de
l'est de Vannes se dirigent sur la ville pour libérer leur évêque. Les
soldats les stoppent au Liziec, sur la route de Rennes. Le commissaire
au roi au district de Vannes rapporte : « Les attroupés, que les
rapports avaient accusés être d'abord de 1.500 à 1.600, ne lâchèrent
pas tous le pied ; on assure qu'il en resta un parti d'environ quatre
cents, qui attendirent de pied ferme nos braves dragons de Lorient qui
formaient l'avant-garde (…) Les attroupés firent plusieurs charges ; on
fond sur eux le sabre à la main, et l'on parvient à les dissiper.
Plusieurs attroupés sont restés sur le carreau. Le nombre de morts sera
toujours un mystère, sûrement deux, peut-être quatre, peut-être dix,
ont été tués, les mutins n'ayant pas tardé à enlever les corps morts.
Le nombre de prisonniers est de vingt-neuf. » Après cet affrontement, monseigneur Amelot est déchu de son siège épiscopal. (Source : Archives
départementales du Morbihan)
13 février au 21 février : A l’Assemblée, il est décrété que l'élection
des évêques et des curés sera faite dans les départements par les
assemblées électorales. Diverses mesures économiques et sociales seront
prises : une loi permet de cultiver du tabac dans tout le royaume,
création des patentes et l’abolition des droits d'entrée perçus aux
barrières de Paris. L’on supprime les jurandes, les maîtrises et
corporations. La plupart des impôts indirects, aides, traites et
octrois, sur le tabac sont supprimés, seuls les droits de timbre et de
contrôle des actes demeurent. Il est mis fin au privilège de la
compagnie du Sénégal, le commerce de cette colonie devient libre à tous
les citoyens. Un décret, du 13 février puis une loi, le 16, et le décret royal du 18 entraînent la
disparition de la Maréchaussée. La force publique chargée du maintien
de l'ordre se nommera la Gendarmerie nationale, à l’origine les « gens
d’arme ». Elle sera composée d'hommes de plus de 25 ans (la majorité
légale), et ils effectueront « au moins un engagement sans reproche
dans les troupes de ligne ». L’effectif sera de 7.450 gendarmes, et ils
devront également répondre à des missions, comme celle de Police des
armées. Ils auront pour devise : « valeur et discipline ». Le 21, la
loi sur l'émigration commence à être discutée. A Paris est donné par
Rouget de L’Isle et Chapaim une comédie lyrique aux théâtres des
Italiens : Bayard dans la Bresse.
14 février : Les Dames de la Halle envoient au roi une missive de
réconfort après le départ d'une partie des membres de sa famille sur
les routes de l'émigration ; Discours adressé au roi par les dames de la Halle : «
SIRE, nous, votre Peuple, nous vous tiendrons lieu de votre Famille ;
oui vous en trouverez une en nous, qui ne vous abandonnera pas, et qui
vous sera toujours fidèle. »
Présenté par Mesdames Oudin ; Dusourt ; Aubry ; Petit-Pas ; Dussaint ;
Minette ; de Bartel ; Revenac ; Montresard ; Gaillard ; Grosse-Bonne ;
Vinconau. (Source : Gallica-Bnf, 3 feuillets)
15 et 16 février : A Liège, Théroigne de Méricourt dans la nuit est
arrêtée par des agents du pouvoir autrichien, elle est soupçonnée de vouloir
assassiner la reine Marie-Antoinette. L'Amazone est transférée et
internée dans la forteresse de Kufstein au Tyrol, sous le nom de Me de
Theobald. Elle se verra interrogée pendant plusieurs semaines pour un
complot révolutionnaire contre la principauté de Liège et les Pays-Bas
autrichiens. Elle sera libérée au bout de neuf mois.
17 février : Louis-Philippe-Joseph d'Orléans : « J'ai
été nommé, aux Jacobins, un des commissaires chargés d'examiner le plan
d'éducation publique de M. Léonard Bourdon, ci-devant La Crosnière. Je
suis arrivé à cinq heures au rendez-vous. M. Bourdon a commencé à nous
entretenir de son plan, ce qui a duré jusqu'à huit heures. » (Source : Consultable sur Google-livres, Correspondance de L.P.J. d'Orléans, page 249, Paris 1800)
Vendredi
18 février : A la Constituante, la plupart des impôts indirects, aides,
traites et octrois, impôt sur le tabac, sont supprimés, sauf les droits
de timbre et de contrôle des actes. Dans la soirée, des membres de la
municipalité parisienne se présentent au Palais-royal des
Tuileries, ils remettent au nom des sections, les alarmes provoquées
par l'annonce du départ des princesses Adélaïde et Victoire (tantes de Louis XVI)
dîtes Mesdames pour Rome.
19 février : Meudon, Mesdames quittent le château de Bellevue avec leurs suites.
20 février : Marie-Jeanne dite Manon et son époux Jean-Marie Roland de
la Platière
(futur ministre de l’Intérieur et des cultes) viennent s’installer à
Paris. A l'Assemblée, il est lu une lettre du roi sur le voyage de ses
tantes, dont il n'a pas cru nécessaire de les empêcher de voyager, et
annonce leur départ la veille à 10 heures du soir.
21 février : Mesdames Adélaïde et Victoire sont arrêtées une
première fois à Moret près de Fontainebleau pour se rendre auprès du Pape. Les
tantes du roi sont une nouvelle fois arrêtées à Arnay-le-Duc, département de la
Côte-d'Or, par ordre de la municipalité, les princesses sont empêchées de
continuer leur voyage. Il faudra un décret de l’Assemblée et
l’intervention de Mirabeau pour que Mesdames continuent leur route
(le 4 mars). Au préalable le comte avait émis de fortes réserves sur le
projet d’aller à Rome et l’avait fortement déconseillé à la reine, le 3
février. Il y voyait un moyen d’éveiller des soupçons et trouvait cette
expédition dangereuse ou mal à propos. L’on découvre ainsi dans ses
correspondances cet écrit très révélateur du climat. « Vous aurez
appris par les journaux le projet du départ de Paris de Mesdames,
tantes du roi. Ce départ n'aurait probablement produit aucune sensation
fâcheuse, si on avait eu soin de l'annoncer d'avance et publiquement ;
mais, ce sont les Jacobins qui les premiers l'ont découvert; des
émissaires envoyés par eux aux écuries de Versailles y ont trouvé des
préparatifs de voyage et des voitures dont on effaçait les armoiries:
ils n'ont pas manqué de tirer parti de cette découverte pour exciter
une nouvelle agitation dans les esprits. MM. Talon et de Sémonville ont
voulu, eux aussi, profiter de cet incident ; ils ont prétendu qu'il
dérangeait leurs plans, et l'ont pris pour prétexte de nouveaux retards
dans l'accomplissement de leurs promesses, quoique M. de Montmorin leur
ait déjà fait donner beaucoup d'argent. Il en résulte qu'on n'est pas
encore bien avancé de ce côté, et qu'on est seulement un peu mieux
averti par les bulletins journaliers de leur police ». Il s’agit d’un
extrait tiré des correspondances de Mirabeau et l’échange se fait entre
deux diplomates au service de l’Autriche et de la France, M. Mercy
d’Argenteau à M. de La Marck (Auguste Marie Raymond d'Arenberg). A
double titre, cela donne une idée des relations de la Cour avec ses
homologues autrichiens, de la surveillance des agissements des Jacobins
sous la surveillance d’Omer Talon, ancien lieutenant civil au Châtelet
et qui fut député de la noblesse à l’Assemblée constituante. Avec de
Montmorin ministre des Affaires étrangères, l’on découvre un réseau qui
s’est constitué autour du comte de Mirabeau et des époux royaux. Il
semble prendre sa tâche de protection de Marie-Antoinette avec beaucoup
d’attention, s’il peut lancer quelques piques sur le roi en le
comparant à l’empereur de Chine, il semble très dévoué à sa femme, et
sous le charme, semble-t-il.
22 février : On peut lire dans le Courrier de Saint-Domingue et Affiches Américaines cette annonce en dernière page : « Un nègre nommé Léveillé, (...) créole,
âgé 28 à 30 ans, très-barbu bien-fait et joli de figure, étampé JTOVLW
taille de 15 pieds 4 pouces, perruquier pour homme et pour femme, parti
marronner du Port-au-Prince, le 1er novembre dernier, après avoir
enlevé divers effets à M. Constans, habitant à Jacmel, à qui il
appartient ; ce nègre ayant résidé longtemps au Port-au-Prince et
Léogane, n'y a plus été vu depuis son marronnage, et il est retourné à
Jacmel où on le soupçonne (...) » Et une « récompense
pour ceux qui l'arrêteront et donneront une notion certaine du lieu où
il est. S'adresser à M. Ducloud, à Jacmel ; M. de Moureu, gérant
l'habitation Prémont à Léogane ou à M. d'Aubremont, greffier commis du
conseil supérieur du Port-au-Prince. » (Source : Archive.org, 12 pages) Dans la capitale, les Parisiens envahissent le palais du
Luxembourg pour empêcher le départ présumé du comte de Provence pour
l'étranger.
23 février : En Rhénanie, le Prince de Condé, Louis V s'installe à Worms pour y organiser une armée contre la France.
24 février : A Paris, Charles-Maurice Talleyrand démis de son évêché
d'Autun depuis le 20 Janvier sacre les premiers évêques
constitutionnels. Cette cérémonie se déroule dans l'église de
l'oratoire du Louvre. « M. Talleyrand de Périgord, (ex.) évêque d'Autun, assisté des
évêques Gobel, de Lydria, et Miroudot de Babylone. confère le caractère
épiscopal constitutionnel aux curés Expilly (*) et Marolles (**), élus évêques du
Finistère et de l’Aisne ».
(*) Louis-Alexandre Expilly, recteur de Saint-Martin de Morlaix,
constituant du clergé de Léon (principauté de Basse-Bretagne). (*)
Claude-Eustache Marolles (né en 1753), curé de l'église
Saint-Jean-Baptiste à Saint-Quentin, et ancien député du clergé aux E.G.
25 février : Saint-Domingue, les métis Vincent Ogé, dit le jeune,
Jacques Ogé dit Jacquot, son petit frère, et
Jean-Baptiste Chavannes - le 5 mars et son frère Jacques le 10 mars? -
ont été condamnés au supplice de la roue et leurs têtes coupées exhibées à la vue du
public. Il existe sur les dates d'exécution des apports différents,
nous gardons le 25/02 comme date de référence commune. Condamnés
par les autorités locales, après avoir été remis par les autorités
espagnoles, ils sont mis à mort à la ville du
Cap, avec 21 autres compagnons à la pendaison, plus une bonne dizaine de condamnés aux galères. Ils sont à l'origine de la première révolte dans la
colonie pour l'égalité des droits des libres de couleur à la tête d'au moins 200 à 300 rebelles en octobre-novembre 1790
(ou plus selon les versions). Les meneurs iront se réfugier dans la
partie de l'île appartenant à la couronne d'Espagne. Aux États-Unis,
sur une décision du Congrès, la première banque de stature nationale est créée à Philadelphie en remplacement de l'ancienne banque de l'Amérique du Nord : ou la First bank of United states avec un capital de départ 10 millions de dollars.
Saint-Domingue :
Exécutions des frères, Vincent et Jacques Ogé
et de Jean-Baptistes Chavannes
Portraits de Jean-Baptiste Chavannes et Vincent Ogé (crédits Manioc)
« Au jour de
l'exécution (23 Février 1791) les condamnés conduits devant l'église,
nu-pieds, nu-tête, en chemise, la cordeau cou, portant chacun une
torche de cire, nu au milieu d'un peuple immense, déclarèrent à genoux
qu'ils se repentaient du crime qu'ils avaient commis, et qu'ils en
demandaient pardon à Dieu.
Au centre de la place d'armes était dressé un échafaud surmonté de deux
roues, Les bourreaux les y attachèrent la face tournée vers le ciel,
et à coups redoublés de barres de fer leur rompirent les cuisses, les
jambes, les bras et les reins. Calmes et résignés ils ne firent
entendre aucune plainte.
L'Assemblée du Nord, égarée par la haine qu'elle portait aux gens
de couleur, assista en corps à cette exécution, comme à une fête
nationale. Quand ces victimes eurent fermé les jeux, elles eurent la
tête tranchée : celle d'Ogé fut exposée sur le chemin du Dondon lieu
de sa naissance, celle de Chavannes sur le chemin de la Grande-Rivière.
Peu de jours après, deux autres compagnons d'Ogé furent rompus vifs ;
vingt-et-un pendus, et treize condamnés aux galères à perpétuité.
Plusieurs auteurs et les colons ont prétendu qu'Ogé s'était montré
faible pendant sa captivité et le jour de son exécution, en dénonçant
dans un testament ses principaux complices, et en se mettant à genoux
en présence de l’Église. Vincent Ogé mourut avec un rare héroïsme, et
releva l'énergie des siens.
Le testament dont on a beaucoup parlé et qu'on lui attribue est de
Jacques Ogé son jeune frère ; quant à la circonstance par laquelle il
s'est mis à genoux, on ne doit pas perdre de vue qu'il y fut contraint
par la formule du jugement de condamnation. Il cessa de vivre à l'âge
de 33 ans. Il avait de la conviction et de la grandeur d'âme. Après
avoir respiré, en France, l'air de la liberté, et avoir fraternisé avec
les plus grandes célébrités de la Constituante, de retour dans son
pays, il aima mieux mourir que de s'y replacer dans une condition
dégradante. »
Source : Consultable sur Google-livres, T. Madiou,
Histoire d'Haïti, page 62, tome premier, Port-au-Prince, 1847.
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26 février : M. de Montmorin écrit au comte de Mirabeau et lui dit qu'il « a
fait part au roi de la délibération du département, relativement aux
troubles qui ont régné ces 73 derniers jours dans Paris. Sa Majesté a
regardé comme un moyen efficace de rétablir l'ordre le parti que le
directoire a pris, et attend avec impatience les adresses et la
proclamation qui doivent avoir lieu. Je n'ai pas caché au roi,
monsieur, la part que vous aviez à cette délibération, et il m'a paru
surtout fort content que vous fussiez chargé de la rédaction des
adresses et proclamation. Il me semble, en effet, que c'était le moyen
le plus sûr pour qu'elles fussent ce qu'elles doivent être. Ne doutez
jamais, je vous supplie, de l'inviolable attachement avec lequel j'ai
l'honneur d'être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant
serviteur. » Signé, de Montmorin « Il
avait été convenu d'avance entre Mirabeau et M. de Montmorin que ce
dernier lui écrirait ce billet ostensible, en sa qualité de membre du
département de la Seine, à l'occasion de l'émeute qui avait eu lieu au
Luxembourg. » (Consultable sur Google-livres, A. Fourier
de Bacourt, Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La
Marck, page 73, 3ème tome, Paris-1851)
27 février : A Paris, au club des Jacobins, rue
Saint-Honoré, M. de Laclos propose un projet de loi contre les
émigrants, qui est suivi d'une discussion sur ce projet avec les
interventions de MM. Lameth, de Renard et de Lépidor. M. Lemaire,
rédacteur du Père Duchêne, dénonce le journal de Dusaulchoy, le Contre-poison, et les Sabbats jacobites de M. Marchand. (D'après le pamphlet la Jacobinière)
Dans la même séance, on donne lecture : 1º d'une lettre de la Société
de Clermont-Ferrand qui demande l'abolition des titres de Sire et de
Majesté ; 2º d'une dépêche de la Société d'Amiens qui dénonce le projet
d'enlever le Dauphin et la fille du roi . (Source : Consultable sur Google-livres, F.A. Aulard, La Société des Jacobins, page 93, tome II, Paris-1891)
Aux palais des Tuileries les chevaliers du poignard sont désarmés par la Garde nationale
28 février : Près de Paris, une émeute
populaire s’attaque à la forteresse de
Vincennes et aux parapets du donjon, et sont brisées les armoiries.
Après la venue du bataillon de M. Santerre, le marquis de Lafayette
intervient avec la Garde nationale pour dissiper les troubles et fait
mettre en prison les démolisseurs à la Conciergerie. Dans la ville,
sont chassés du palais des
Tuileries les « Chevaliers du poignard » (environ 400 hommes en arme de
la noblesse), ils s'y étaient installés pour assurer la protection de
la famille royale. Après une vaine résistance face à la Garde nationale
de la capitale, ils sont conduits en prison par des bordées d’injures
et des vexations. A l'Assemblée, le député
Louis Foucault de Lardimalie, de la noblesse de Périgord, demande la
suppression des Sociétés populaires. Le Président passe à l'ordre du
jour sans en prendre acte. Le chevalier de Murinais, député de la noblesse du Dauphiné, s'écrie : « Puisqu'on
passe à l'ordre du jour, n'espérons pas avoir la tranquillité dans le
royaume tant que vous aurez le club des Jacobins. » Ces deux élus prendront les routes de l'émigration dans le courant de la fin de l'année. Le
soir, de retour dans la capitale Gilbert de Lafayette échappe à un
attentat, et se met à circuler une rumeur selon laquelle il serait mort.
III – Le mois de mars 1791
Mardi 1er mars : A Lyon, sur la presqu'île des Cordeliers
est élu au
second tour par les citoyens actifs du département, Adrien Lamourette
(né en 1742)
comme évêque assermenté. Ce lazariste, professeur et supérieur du
séminaire à Toul, et directeur de retraite à Saint-Lazare, sera sacré à
Paris le 27 mars (regarder la vidéo à son sujet au mois d'avril).
2 mars : Dans la Sarthe, à Brûlon, Claude Chappe fait ses premiers
essais de son invention : le télégraphe. Qui sera opérationnel en 1794. A la Constituante, il est publié un premier décret de Pierre d’Allarde,
député, il préfigure de la loi Le Chapelier qui sera votée dans quelques
semaines (le 14 juin). Le deuxième décret sera pris le 17 mars et engagera la disparition
des Corporations. Parmi les plus emblématiques se trouve celle des « bateliers de Paris ». A l’Assemblée, la patente est créée.
3 mars : A l'Assemblée, l’on fait remettre l'argenterie des églises et
des communautés religieuses aux hôtels de monnaie, l’or est transmis à
la « Monnaie de Paris ». Un décret limite à six le nombre des
maréchaux de France, leur traitement est fixé à trente mille livres.
4 mars : Louis XVI tombe malade. Près de Paris, au village de Passy, il se « raconte
que le 4 de ce mois un certain nombre de citoyens-actifs ont présenté à
la municipalité une pétition respectueuse, pour demander que les noms
des rues soient écrits à tous les coins ; et que la municipalité
refuse, en alléguant, entre autres raisons, que l’objet de cette
pétition entraînerait une dépense que la commune n'est pas en état de
supporter. La société de Passy observe que cette dépense ne s'élèvera
pas à un Louis ; et que le don patriotique de Passy a été de cinquante
mille francs. Les municipaux de Passy allèguent deux autres rainons qui
ne valent pas mieux que la première. » (Source : Retronews-Bnf, Journal des Amis de la Constitution, n°18 du 29 mars 1791, page 3) États-Unis, l’état du Vermont rejoint l’Union et
devient le quatorzième membre de la fédération, sa capitale se nomme
Montpellier. A Saint-Domingue, le colonel du régiment de
Port-au-Prince, Antoine Thomas Mauduit du Plessis est assassiné par ses
propres soldats.
5 mars : A Orléans, il est établi un tribunal provisoire chargé de
juger les crimes de « Lèse nation », ou ce qui adviendra la Haute Cour de
Justice.
6 mars : A Paris, Jean-Baptiste
Massieu (né en 1743), curé de Sergy (ou Cergy), et député constituant
est sacré évêque constitutionnel de l'Oise. Futur élu conventionnel, il
votera la mort de Louis XVI et se mariera... Au palais des Tuileries, le roi a « la
langue chargée et le dégoût annoncent des humeurs dans les premières
voies, que plusieurs digestions troublées doivent faire soupçonner. On
a donné un vomitif dont l’effet est facile et favorable. Néanmoins, la
toux, l’enrouement et la fièvre ont continué. Ce matin, ces mêmes
symptômes subsistent : le Roi a toussé fréquemment pendant la nuit, et
a eu fort peu de sommeil. » Selon ses médecins, MM. Le Monnier,
La Servolle, Vicq d’Azyr et Andouillé. Celui-ci presque toute la
journée est resté alité et a assisté de son lit à la messe. Cette
situation va perdurer plusieurs jours.
7 mars : Dans ses échanges de correspondance avec Georges Washington,
Gilbert de Lafayette lui fait part de ses doutes et des difficultés
rencontrées : « je continue à être
toujours ballotté dans un océan de factions et de commotions de toute
espèce ; car c'est mon sort d'être attaqué avec une égale animosité,
d'une part par tout ce qui est aristocrate servile, parlementaire, en
un mot, par tous les adversaires de ma libre et nivelante doctrine ; de
l'autre, par les factions orléanistes, anti-monarchiques et tous les
fauteurs de désordres et de pillages. S'il est douteux que je puisse
échapper personnellement à tant d'ennemis, le succès de notre grande et
bonne révolution est au moins, grâces au ciel, assuré en France et
bientôt elle se propagera dans le reste du monde, si nous parvenons à
affermir l'ordre public dans ce pays. Malheureusement, le peuple a bien
mieux appris comment on renversait le despotisme, qu'il ne comprend le
devoir de la soumission aux lois. ». M. de Lafayette
le prévient aussi de la fin des interdictions qui touchaient à la
culture du tabac dans certaines zones frontalières de la France avec sa
libéralisation, et espère que cela ne froissera pas les États-Unis, pays producteur de tabac. (Source : Gallica-Bnf, Mémoires, correspondance et manuscrits, du général La Fayette, tome 3, pages 167 et 168)
8
mars : En Charente, Pierre-Mathieu Joubert (né en 1748), curé de
Saint-Martin d'Angoulême et député à la Constituante est élu évêque
constitutionnel du département. Il sera sacré à Paris le 27 mars
prochain.
9 mars : Aux États-Unis, à la demande de G. Washington, le
franco-étasunien Pierre-Charles L'Enfant, arrive à Georgetown pour
établir les plans de la future capitale.
10 mars : A Paris, François Bécherel, (né en 1732), curé de
Saint-Loup, membre de l'Assemblée constituante, est sacré évêque
constitutionnel de la Manche. A Rome, le pape Pie VI, par le bref « Quod aliquatum »,
condamne la Constitution civile du clergé et demande aux jureurs de se
rétracter. Il existera un deuxième « bref » le 13 avril, en voici le
contenu : « Le pape commençait par déplorer la défection des
quatre évêques, et surtout de celui qui avait prêté ses mains pour la
consécration des constitutionnels. Il ordonnait à tous les
ecclésiastiques qui avaient fait le serment de se rétracter dans
quarante jours, sous peine d'être suspendus de l’exercice de tous
ordres et soumis à l'irrégularité, s'ils en faisaient les fonctions. Il
déclarait les élections des nouveaux évêques illégitimes, sacrilèges et
contraires aux canons, ainsi que l'érection des sièges de Moulins et
autres créés par les nouvelles lois ».
11 mars : Paris, à la Société des amis de la constitution de Paris, il est procédé à l'examen du mémoire de Léonard Bourdon, sur l'instruction et sur l'éducation nationale, le rapport fait Alexandre Beauharnais, député du Loir-et-Cher. « Cette
idée grande, belle, digne d'une âme sensible est faite pour
attirer toute l'attention des Amis de la constitution, qui après avoir
concouru à une grande révolution, sentent que leurs plus tendres
sollicitudes doivent maintenant se diriger vers l'éducation nationale,
qui, améliorant successivement l'espèce humaine, fera faire à chaque
génération un pas de plus vers le bonheur. » (Source : Gallica-Bnf, page 6)
12 mars : La Constituante ordonne la rédaction de listes des
ecclésiastiques ayant ou non, prêté le serment.
13 mars : Dans la capitale, les « Chevaliers du poignard » sont libérés, suite à
l'incarcération du 28 février.L'abbé
Grégoire est sacré évêque constitutionnel du Loir-et-Cher ou de
Blois, consacré par Jean-Baptiste Gobel dans l'église de l'oratoire du
Louvre. Idem pour Jean-Baptiste Aubry (né en 1736), professeur de
philosophie, curé de Besle et député du clergé de Bar-le-Duc est sacré
comme évêque du département de la Meuse. En plus, une assemblée
électorale se réunie à Notre-Dame, pour désigner l'évêque parisien.
Parmi les candidats, l’abbé Grégoire obtient 14 voix et l’Abbé Sieyés
26 voix, et c'est J.B. Gobel qui est élu avec une large majorité de 500
voix.
14 mars : A Paris, une loi et une proclamation du roi annoncent
la création de six tribunaux criminels, de sept membres chacun. Ils
sont désignés pour instruire et juger tous les procès de sa compétence
d’avant le 26 janvier. Ce cadre sera provisoire jusqu’à l’établissement
d’un unique Tribunal criminel dans la capitale l’année suivante. L'abbé devenu évêque, Henri Grégoire adresse une lettre de communion à Pie VI.
15 mars : A Caen, la Société de la ville affiliée aux Jacobins, « annonce
que la vertu vient d'être portée à la chaire épiscopale dans la
personne de M. Gervais, curé de Saint-Pierre de Caen, que la société,
en apprenant cette nouvelle, a été transportée d’allégresse, et que «
una voce dictentes, douze cents voix élancées vers les cieux ont
entonné le Te-Deum ». Charles-René Gervais démissionnera de l'évêché constitutionnel du Calvados un mois après et redeviendra curé. (Source : Retronews-Bnf, Journal des Amis de la Constitution, n°18 du 29 mars 1791, page 3)
16 mars : A Lyon, l'abbé réfractaire Jacques Linsolas (1754-1828) en pleine période
de Carême, qu'il prône à ses fidèles, celui-ci affiche ses désaccords
avec la Constitution civile du clergé, malgré l'obligation d'y prêter
serment. Peu de jours auparavant dans un de ses prêches, il avait déjà
appelé à prier pour l'archevêque, malgré la suppression du titre, et
refusait de tenir compte de l'élection du 1er mars dernier, c'est-à-dire d'Adrien
Lamourette (en portrait) le nouvel évêque constitutionnel de Rhône-et-Loire. Des
membres de la Société locale des Amis de la Constitution
sont venus ce jour se faire entendre bruyamment lors du sermon de
l'abbé, où il réitère vouloir prier pour le prélat déchu de la ville,
l'ancien archevêque, à cela s'ajoute au désordre, les manifestations
des femmes favorables à l'abbé Linsolas, et cela commence par des
invectives, puis des batailles de chaises à l'intérieur et fini sur le
parvis de l'église en une bagarre généralisée entre les deux camps.
L'abbé Linsolas et trois autres prêtres sont arrêtés et mis en prison
pour trois mois et clos l'affaire. (Source : OpenEdition, Annales hist. de la Rév. fr., Paul Chopelin, Les militants laïcs de l’Église réfractaire : le cas lyonnais, pages 159-182, n°355, janvier-mars 2009) |
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17 mars : A l’Assemblée, il est publié une loi décidant que
l’imposition foncière sera payée dès cette année. A Toulouse, des
affrontements avec des royalistes font 3 morts. G. Morris rédige ce jour : « Je
vais dîner ce soir chez Mme d'Angivillers. Mme de Condorcet se trouve
présente. Elle est belle, et elle a l'air spirituel. Après le souper,
je m'entretiens avec Condorcet des principes des économistes. Je lui
dis, et c'est la vérité, que j'avais autrefois adopté ces principes
dans les livres, mais que j'en ai changé depuis que je connais mieux
l'humanité et que ma réflexion est plus mûre. En terminant notre
discussion, je lui dis que si l'impôt direct est lourd, il ne sera pas
payé. » (Source : Archive.org, Journal de G. Morris, page 216)
18 mars : A Paris : Il est adressé une pétition nouvelle et collective par des citoyens de couleur des îles françaises, destinée à l'Assemblée et précédée d'un avertissement : « Laisser
aux blancs la législation sur les hommes de couleur, c’est déclarer les
colonies indépendantes, c’est allumer un foyer de guerre éternelle, qui
ne finirait que par la destruction de l’une ou l’autre classe, et par
conséquent des colonies françaises. » Pétition signée par Raymond
l’aîné, Raymond le jeune, Fleuri, Honoré Saint-Albert, Desoulchay de
Saint-Réal, et Desoulchay, Porsade et Audiger. (texte complet sur wikisource)
19 mars : Dans département du Nord, à Douai ont éclaté des heurts
depuis plusieurs jours et se trouve à l’ordre du jour de l’Assemblée.
Jusqu’à présent la municipalité a refusé d’appliquer la loi martiale.
La raison est le refus d’exporter les grains et des foules s’en
prendront et pendront un officier et un marchand. A Paris, l’on exige
l’application de la loi et des arrestations rapides, Robespierre en
temporisateur intervient pour demander que l’on invite les élus de
Douai à s’expliquer, et trouve peu d’écho au sein de la Constituante.
20, 21 et 22 mars : Aux palais des Tuileries le roi est rétabli de sa maladie et reprend ses activités. A l'Assemblée, pendant deux jours de débats, il va être décidé de la fin des Fermiers généraux
ou de la « Ferme générale ». Les baux et traités d’origines sont
annulés. Cette institution est abolie par un vote. Il en fut d’une
sorte de consortium privé, effectuant le versement d'une somme
forfaitaire à l’Etat, il recevait pour six ans le droit de lever des
impôts : la gabelle, les octrois et les droits indirects. Les Fermiers
généraux vont avoir un rôle non-négligeable dans la crise financière et
être un grand catalyseur des colères populaires. Il s’agissait de vingt
familles se partageant les quarante postes de fermiers généraux. Pour
en terminer avec cette oligarchie financière et procéder à une
vérification de ses comptes, les députés décideront de nommer une
commission. Petite anicroche à l’esprit et aux intérêts de tous, l’on
désigne six anciens fermiers généraux… Le
22, un décret exclu les femmes de la
Régence en cas de minorité du monarque, c’est-à-dire, elles sont
considérées comme mineures pour
exercer la charge. Un autre décret est pris sur le remboursement des
titres aux propriétaires des « offices ministériels » en liquidation.
Les « officiers ministériels » rattachés auprès de la Cour des
comptes, à présent se voient homologués auprès de la Cour d’appel. Les
mines sont décrétés être à la dispositions de la Nation : « Art. ler.
Les mines et minières, tant métalliques que non métalliques, ainsi que
les substances fossiles, sont à la disposition de la nation, et ne
peuvent être exploitées que de son consentement, à la charge
d'indemniser les propriétaires de la surface, ei d'après les règles qui
seront prescrites par le présent décret. » Et à l'« Art. 2. Ne
sont néanmoins compris dans l'article précédent les sables, les craies,
les argiles, les pierres à chaux et à plâtre, et autres de pareille
nature, qui, par leur position et leur abondance, étant dans la main de
tous, continueront à être exploités par les propriétaires, comme choses
à eux appartenant. » Et l'ensemble légal sera plus tardif avec des modifications aux articles cités (en juin).
23 mars : Dans la capitale est fondée la Société patriotique et de bienfaisance des amies de la Vérité, par la hollandaise Etta Palm d'Aelders (en portrait) : « C’est
donc à des citoyennes vertueuses à rappeler, par leur exemple, à
l’aimable modestie, à la sainte fraternité, au secours de leurs sœurs
qui sont dans l’indigence
». Son objectif sera d'aider à
l'éducation et à l'apprentissage des jeunes filles pauvres. Il existera
jusqu'à 56 clubs ou salons féminins dans le royaume avant leur
interdiction en octobre
1793 sous la 1ère République. Etta Palm d'Aelders fera paraître à
l'imprimerie du Cercle social dans le cours de l'année 1791 différentes
interventions ou prises de positions dans son : Appel aux Françaises sur la régénération des moeurs, etc (Source : Gallica-Bnf). |
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24 mars : A Paris, lors d'un Bureau Municipal, il est fait un rapport sur la navigation sur l'Yonne, « cette rivière est sur le point d'être interrompue vis-à-vis le village de Barbet (Barbey plus exactement dans l'actuelle Seine-et-Marne), où
il s'est formé des bancs de sable qui sont d'autant plus préjudiciables
qu'au-dessus il s'est fait un écoulement entre une prairie et une ile,
ce qui dérange et diminue le cours de cette rivière, en sorte que le
passage dessus ces bancs de sable devient très difficile est les basses
eaux qui viendront successivement ne permettront plus de passer sur
lesdits bancs de sable, ce qui pourrait par suite interrompre la
navigation et rendre presque impossible le passage des charbons et de
plus de cinq mille trains destinés l'approvisionnement de la capitale. »
Le Bureau municipal décide d'y envoyer M. Blanchet, le commissaire de
Police de la ville pour constater la situation, qui est prise pour
importante pour assurer le ravitaillement des Parisiens. (Source : Gallica-Bnf, André Vaquier, Actes de la Commune de Paris pendant la Révolution, page 265, tome 3, Paris,-1894)
25 mars : Dans la capitale, « après
avoir passé la nuit avec deux danseuses de l'opéra, Mirabeau fut frappé
de violentes crampes intestinales. Ce que son médecin personnel,
Cabanis, avait d'abord considéré comme une nuit d'excès sexuels s'avéra
être quelque chose de plus sérieux car la douleur s'aggrava. Son état
continua de se détériorer ». (Source
: World History Encyclopedia en français, un article de Harrison W.
Mark, traduit par Babeth Étiève-Cartwright sur le comte de Mirabeau, du 6/04/2022)
26 mars : A la Constituante lors de la
séance du matin est abordé le rapport lu à l'Académie des
sciences le 19/03 dernier sur les moyens d'établir l'uniformité des
poids et mesure. Un texte signé et présenté à l'Assemblée nationale,
par MM. Borda, la Grange, la Place, Monge, et Condorcet.
27 mars : Jean-Baptiste Gobel prend possession de son siège
d'évêque de Paris et il est sacré par huit évêques, dont Talleyrand.
28 mars : La société des « Amis de la Constitution monarchique » est
fermée sur décision de la municipalité. Cette société regroupait le «
club de 1789 » et le « club des Impartiaux », et elle est animée par le
député Pierre-Victor Malouet chef du « parti constitutionnel »
(planteur à Saint-Domingue) et du député Stanislas de
Clermont-Tonnerre. Ce dernier sera à nouveau deux fois président des séances de l’Assemblée
et représentant lui aussi monarchiste et constitutionnaliste (son aile
"droite", mais pas la plus radicale).
29 mars : A Toulouse, des prêtres
provoquent une émeute. A l'Assemblé, Il est décrété une somme d'un peu
plus de 4 millions de livres en faveur des Enfants-trouvés, des dépôts
de mendicité, etc.
Le roi est obligé par décret de résider à
moins de 20 lieues de
la chambre des députés (environ 60 kilomètres de Paris), donnant lieu à
une pétition de celui-ci le mois suivant. Denis-François Tronchet, avocat et député du Tiers de Paris « sur 384 votants, M. Tronchet a réuni 259 et M. Chabroud 125. En conséquence, M. Tronchet est nommé président. »
30 mars : A la Constituante, suite au rapport sur le choix d'une
nouvelle unité terrestre de mesure, il est approuvé « le quart de
méridien » (environ 10.000 kilomètres) comme base du nouveau système de
mesure, ainsi que l'échelle décimale, servant ainsi comme cohérence
pour un nouveau système de mesures (le système métrique ne sera
appliqué qu’en 1793). Cette proposition émane de MM. Borda, Lagrange,
Laplace, Monge et Condorcet (en portrait ci-contre), tous membres de l’Académie des sciences. Il
est décidé de réviser les mesures de la Méridienne, considérées
imprécises. Un crédit de 10.000 livres sera attribué pour des travaux
de recherche. Et 150.000 livres sont attribuées aux travaux du canal du
Nivernois Dans la capitale, un curé de l'église Saint-Sulpice qui
n'a pas prêté serment est menacé d'être pendu par la foule.
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MUNICIPALITÉ DE PARIS,
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AVERTISSEMENT AUX ECCLÉSIASTIQUES
« Qui
ont fait au Secrétariat de la Municipalité, leur Déclaration, qu'ils
entendent prêter le Serment ordonné par la Loi du 26 Décembre 1790. Du
Mercredi 30 Mars 1791.
MESSIEURS les Ecclésiastiques, non
Fonctionnaires publics, qui ont déclaré, au Secrétariat de la
Municipalité, vouloir prêter le Serment ordonné par la Loi du 26
Décembre 1790, sont avertis que MM. les Officiers Municipaux, qui se
transporteront, Dimanche 3 Avril, dans les différentes Paroisses de la
Capitale pour l'installation de MM. les Curés, procéderont aussi à la
réception de leur Serment. Ils sont, en conséquence, invités à se
rendre à huit heures du matin, dans leurs Paroisses respectives. »
Signé, BAILLY, Maire. DEJOLY, Secrétaire-Greffier.
Source : Gallica-Bnf - (Identifiant : ark:/12148/bpt6k62479588)
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31 mars : Devant l'Assemblée, à la séance du soir, le journaliste et
avocat Henri Linguet prend la parole pour défendre les membres de
l'assemblée de Saint-Marc de Saint-Domingue, dite des Léopardins, suite
à six mois d'attente, et il termine par : « Maintenant
il s'agit de prouver que ces mêmes actes, si conformes au vœu du peuple
français de Saint-Domingue, ont la même conformité avec celui des
législateurs français d'Europe ; qu'ils ne sont que les expressions
pures et simples, que l'exécution littérale de vos propres décrets. » Ce à quoi Robespierre répond qu' « il
n'est pas question de juger en ce moment le fond de l'affaire, rien ne
presse, mais les égards, la bienséance et l'humanité précrivent que
vous acquiesciez à là demande des accusés qui, s'étant rendus à la
barre en vertu de votre décret, vous déclarent qu'ils ne sont pas en
état de continuer leur défense. » (Applaudissements et nouvelle convocation le 5 avril)
IV – Le mois d’avril 1791
Vendredi 1er avril : A Paris, le chimiste Claude-Louis Berthollet fait éditer chez
Firmin-Didot : Des éléments des arts de la teinture. L’éditeur
cité va incarner une famille d’imprimeur allant tenir un rôle important
dans la connaissance de la Révolution française, tout au long du XIXe
siècle notamment. On peut lire dans le Contre-poison (n°33), organe royaliste « Pourquoi
souffre-t-on tant d’étrangers à Paris, qui rongent une partie de la
subsistance destinée aux ouvriers sans travail? Ne serait-il pas plus
sage, plus humain, de commencer par nourrir ses enfants, de faire
subsister ceux qu’on a dépouillés, que d’adopter des étrangers pour
leur faire partager les aliments destinés aux indigents? c'est qu’ils
sont nécessaires à l’ambition des Jacobins, et qu’ils contrebalancent
les murmures du peuple. Pourquoi ces étrangers fugitifs, pour la
plupart ennemis de l’ordre, charités de leur patrie pour leurs
mauvaises actions, s’obstinent-ils à rester dans la capitale? c’est
qu’ils y sont maintenus, protégés par les Jacobins, et destinés à
prêter la main dans une sédition contre le peuple même qui les nourrit
; c’est un contre-pieds qu’ils se ménagent, dans le cas où les ouvriers
viendraient à être éclairés sur leurs intérêts, et demanderaient le
renvoi de cette multitude de lâches échappés du Brabant, de brigands
que vomissent les frontières de la Sardaigne et de l’Italie. Pourquoi
établit-on une différence de prix dans le travail des ouvriers?
Pourquoi les uns font-ils payés 20 sols, et les autres à 15 sols par
jour? N’est-ce pas clair que si les étrangers étaient renvoyés dans
leur pays, les nationaux jouiraient des mêmes avantages, etc. que cette
différence outrageante dans le traitement qu’on leur fait,
disparaîtrait ? »
AVERTISSEMENT
Dessin de François Bonneville
d’Etienne Clavière (1735-1793)
Publié à Paris, le 4 avril 1791 : Adresse de la Société des Amis des Noirs,
à l'Assemblée nationale, à toutes les villes de commerce, à toutes les
manufactures, aux colonies, à toutes les sociétés des amis de la
Constitution : adresse dans laquelle on approfondit les relations
politiques et commerciales entre la métropole et les colonies.
«
M. MOREAU DE SAINT-MÉRY
député de la Martinique, fait répandre une nouvelle diatribe de
soixante-quatorze pages in-8°, contre la société des Amis des Noirs.
Elle est datée du PREMIER MARS quoique la distribution n'en ait été
faite qu’hier et on annonce perfidement encore, qu'elle sort des
presses de l'Imprimerie Nationale. Cet insidieux écrit a pour titre
Considérations présentées aux vrais amis du Repos et du Bonheur de la
France,
l'occasion de nouveaux mouvements de quelques soi-disant amis
des
noirs.
Nous n'hésitons pas à le
dénoncer, comme un nouveau scandale; comme un nouveau blasphème contre
les principes de notre constitution comme un libelle tissu par une
perfidie d'autant plus dangereuse, qu'elle n'est plus accompagnée des
fureurs ordinaires des colons, et qu'elle se pare d'une lâche et fausse
modération. Des troubles se sont élevés dans les colonies; c'était un
résultat forcé de notre révolution; la commotion devait se faire sentir
dans toutes les parties de l'empire. (…)
« Tel est le but criminel de M.
Moreau. Eh comment n'a-t-il pas aussi accusé les Amis des Noirs de tous
les mécontentements de toutes les révoltes qui ont troublé les
colonies, avant l'existence même de la société car enfin l'esclave y a
souvent tenté de secouer ses fers; souvent il les a teints du sang de
ses bourreaux et cependant il n'existait pas de Société des Amis des
Noirs? (…)
« Il manque, au libelle de M.
Moreau, d'être écrit avec le sang des citoyens de couleur et des
malheureux esclaves. Cette nouvelle figure de rhétorique, était digne
de l'émule de ces soi-disant députés du nord et de l'ouest de
Saint-Domingue, dont la lettre circulaire est exactement le sommaire de
l'infernal écrit de M. Moreau. Il a cherché en suivant leur marche et
en adoptant toutes leurs atrocités et toutes leurs rêveries à
leur donner quelque ombre de vraisemblance. L'Adresse qu'on va lire
répond déjà à M. Moreau ; elle pulvérise et ses accusations, et ses
mensonges, et ses calomnies, et ses absurdes prédictions. Mais cette
réponse ne suffit point. Dans une cause de cette importance plus nos
accusateurs redoubleront de perfidie et de scélératesse, et plus ils
nous animeront à les poursuivre. (…)
« M. Moreau aurait-il
espéré de dévouer là Société des Amis des Noirs aux assassinats qui
dans les colonies, caractérisent ce qu'on y appelle la justice?
Pense-t-il nous joindre à tant d'innocentes victimes de l'insatiable
cupidité et de l'insolente vanité des colons blancs? Qu'il essaye
les tribunaux lui sont ouverts. On n'y voit pas, à la vérité siéger ces
hommes de sang, dont l'affreuse jurisprudence punit les crimes, les
insurrections qu'ils font naître et les vengeances dont ils allument
tous les feux. Mais qu'a besoin, M. Moreau, de ces juges atroces si les
victimes que sa fausse sensibilité déplore, sont frappées de la main
des Amis des Noirs, si le malheureux Ogé n'est que leur instrument,
s'ils en désobéi aux décrets de l'assemblée nationale? (…)
« L'insurrection contre leurs
droits était résolue elle s'était annoncée par des assassinats dès le
moment où il fallut s'occuper des assemblées coloniales. Les députés de
Saint-Domingue qui s'étaient créés à Paris avaient prouvé, parleur
correspondance dévoilée, leurs mauvaises intentions contre les hommes
de couleur; ils les manifestaient avec plus de hardiesse, à mesure que
par leurs intrigues, ils réussissaient à écarter de l'Assemblée
nationale, les députés de ces citoyens mulâtres, quoique dans les
premiers moments, ceux de Saint-Domingue eussent exhorté leurs
compatriotes à se les attacher en reconnaissant leurs droits.
Ainsi accusant les Amis des
Noirs de leurs propres forfaits, les soi-disant députés qualifient de
chef de bande, le malheureux Ogé, parce qu'il a franchi les obstacles
qu'on lui opposait parce qu'il a invoqué avec la contenance d'un homme
libre et averti de mauvais desseins l'exécution des décrets rendus sous
ses yeux parce qu'il a embrassé avec courage la défense, d'une loi qui
fait le salut de ses frères, d'une loi dont il voyait la violation
assurée, s'il ne les réunissait pas tous pour la protéger. Armés de
cette loi que la conscience publique ordonnait d'étendre sur eux forts
du droit qu'ont tous les hommes et que l'Assemblée nationale a reconnu,
de résister à l'oppression ils se rassemblent contre des ennemis
déclarés.
Quel sera leur sort? Quel sera
celui du généreux Ogé qui n'a
laissé ignorer ni ses sentiments, ni ses desseins, au comité et
notamment à M. Barnave, et qui, depuis plus d'un an était désigné par
les députés d’ici, comme un jeune homme plein de courage, dont il
fallait s'emparer dès qu'il arriverait à Saint-Domingue.
Si ces infortunés périssent par
des formes qui n'auront de légal que l'apparence, si leur sang répandu
crie vengeance serait-ce les amis des noirs qu'il faudra en accuser?
Ils conseillaient, ils sollicitaient la discussion, elle eût tout sauvé
et sans doute, on n'est pas à se repentir d'avoir méprisé leurs avis.
Tel est le décret, tels sont les faits. Qu'on juge maintenant, si ce ne
sont pas des hommes atroces ceux qui imputent à la Société des Amis des
Noirs les troubles des colonies qu'ils ont eux-mêmes allumés. »
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2 avril : Au matin du 2 avril, Mirabeau dit à Cabanis, son
médecin, qu'il veut se faire raser « car mon ami, je vais mourir
aujourd'hui. » Il décède quelques heures après, il est âgé de seulement 42 ans, et meurt d'un problème cardiaque, la péricardite. (Source : World History Encyclopedia en français, article sur Mirabeau). Et F.J. Talma le comédien écrira dans ses mémoires à son sujet : « Mirabeau était mort
calme et souriant. Son masque est celui d’un homme qui a dit adieu au
monde sans un seul remords. Il savait que mourir, à cette époque-là,
c’était conquérir son immortalité. »
A Paris, en fin de journée, c’est l’annonce du décès de Mirabeau à son
domicile, comme locataire d'une maison située au 42 rue du Mont-Blanc
(actuelle rue de la chaussée d'Antin) une propriété de la comédienne Julie Talma. Cette
disparition provoque une grande tristesse et une forte émotion dans la
population. Le directoire du département de Paris confie la
surveillance des hôpitaux de la capitale à une commission composée de
cinq membres dont M. Cabanis et à qui l'on doit la publication de ses Observations sur les hôpitaux (Paris, Imprimerie nationale 1790).
Le
3 au 5 avril, le
directoire du département parisien propose à l'Assemblée de transformer
l'église
Sainte-Geneviève en Panthéon et d'en accorder les honneurs à
Mirabeau. La folie des complots pousse à des rumeurs : il aurait
été empoisonné, ce qui se révélait entièrement faux. Cela va donner
lieu à
des cérémonies importantes et le choix de le mettre (un temps) au
Panthéon. Ses restes plus tardivement seront envoyés dans une fosse
commune. Rien en l’état ne transpire de ses relations financières et
politiques avec
le monarque. L’hommage qui lui fut rendu s’avéra un grand événement
populaire. La déception ou le rejet qui naîtra à l’annonce en 1792
de « l’affaire de l’armoire de fer » du palais des Tuileries, sera
toute aussi forte sur ses compromissions. Si Honoré-Gabriel de Mirabeau
est en avril 1791 une sorte de héros de la Révolution. La perception
changera en sens diamétralement inverse l'année suivante. Le 5, le corps de Mirabeau est
conduit au Panthéon avec pour bannière à son fronton : aux grands
hommes la patrie reconnaissante et décrété, le 4, à l’Assemblée.
Rendons
grâce à Honoré-Gabriel Riquetti de Mirabeau d’avoir été un
acteur décisif de la révolution bourgeoise, un auteur et un patron de
presse pareillement. Celui qui imposa par habilité, le saut
constitutionnel va résister un temps aux plus ultras et imposer
l’Assemblée nationale, sans que la force des baïonnettes, ne
s’exerce... A ce sujet, lors de la déclaration du Jeu de Paume en juin
1789, il avait précisé à son voisin, qu’à la première manifestation de
combat, il n’hésiterait pas à prendre la fuite. Après ce qui lui sembla
sa mission et un objectif politique, c’est-à-dire en finir avec le
système absolutiste, ou contre le despotisme pour reprendre ses propres
mots. Mirabeau a agi par la suite comme un conservateur de son
propre système. En prenant des positions qui surprendront les plus
sociaux. Comme pas mal de ses contemporains, il est allé au plus
offrant et se donna à celui qu’il avait maintenu au pouvoir. Cet
homme a vécu sa vie entière dans l’endettement, il a su trouver son
prix de vente… Les caisses noires et financements occultes vont lui
survivre. Nous partons, d’une société s’étant organisée dans un système
corrompu.
La vie politique ne deviendra pas pour autant vertueuse du
jour au lendemain, ou par miracle, et c’est ce qui va miner ses
fondements tout au long du processus révolutionnaire. Cette faille
béante du système politique, avec l’exemple de Mirabeau apparaît, comme
mineure ou anodine, on ne peut le réduire à si peu. Même s’il faut,
reconnaître ses erreurs, sa trop courte existence révolutionnaire est à
l’illusion du moment. Honoré-Gabriel Riquetti (c’est ainsi que le nomme
Marat) est étonnant, lui aussi, pour ses prémonitions, notamment
sur la guerre. Cet homme avait un vrai sens de la mesure politique. Son
nom d’origine provençale, signifie « regarder le beau » (« Mirar bèu
»). Il meurt auréolé, comme l’homme du Peuple. Ce dernier, le portant
sur les voies de l’émancipation, du moins la sienne, qui ne dura que peu
de mois. Il fut un aristocrate un peu fanfaron, amateur de la vie et de
ses plaisirs. Il restera un grand orateur et un grand illusionniste de
son temps. Le 5, sa dépouille inaugure le Panthéon. Voltaire sera le
suivant en juillet.
Note de Lionel Mesnard
4 avril : François-Joseph
Talma démissionne de sa place de sociétaire de la Comédie française, il
quitte le « Théâtre de la Nation » (la troupe de la Comédie
française se trouvait au théâtre de l'Odéon). Ainsi Talma et d'autres
rejoindront la rue Richelieu pour le nouveau « Théâtre Français »
(l'actuelle salle de la Comédie française et l'ouverture sera le 27
mars) ; et il
entraînera avec lui un certain nombre de comédiens, qui seront nommés «
l’escadron rouge ». Talma comme d’autres acteurs vont
s’illustrer dans le processus révolutionnaire, et il sera l'acteur
préféré de Napoléon sous l'Empire.
5 avril : Depuis Paris, dans une lettre Madame Roland écrit à son ami
Jean-Henri Bancal des Issarts à Londres, et elle lui explique que : « Le
désordre des finances a amené notre Révolution ; ce désordre existe
toujours, sans mesures efficaces pour l’arrêter. Voilà le foyer du mal
secret qui nous ronge et qui finira par nous dévorer. Je n’ai entendu
aucun raisonnement, je ne conçois aucun calcul qui détruise ce fait-là. » (Source : Wikisource, Lettres de Madame Roland : année 1791, page 253)
6 avril : Dans le Var, le directoire du département fait connaître que
525 des 543 prêtres ont juré fidélité à la Constitution civile du
clergé. Les chiffres pouvaient variés très fortement d'une région ou
d'un département, voire d'un district à un autre du pays, et nombre des
sources chiffrées manquent pour dresser un tableau général, il se faut
se contenter de 43 département sur 83, pour avoir un peu plus de la
moitié des ecclésiastiques à avoir prêté serment à la loi des 3 C. et
être devenus ainsi des fonctionnaires de l'Etat. (Source : Persée.fr, P. Sagnac, Etude statistique sur le clergé constitutionnel et le clergé réfractaire en 1791)
7 avril : A Paris, les femmes du faubourg Saint-Antoine s’étonnent du
nombre de messes inhabituelles dans leur quartier. L’on soupçonne des
réfractaires d’être à l’œuvre et des citoyennes font le tour des
églises et flagellent une dévote et deux nonnes. Le mouvement s’étend,
il favorise l’amplification de la rumeur comme quoi les curés jureurs
seraient ébouillantés à leur passage par des religieuses, provoquant
des faits similaires dans le quartier de Saint-Roch. A l’Assemblée
Robespierre fait voter un décret interdisant à tout député de devenir
ministre dans les quatre ans suivant son mandat.
8 avril : Départ de Chateaubriand pour les Amériques, son choix
est de quitter l'hexagone et de tenter l’aventure, l’écrivain tourne ainsi le
dos un temps à la France révolutionnaire et aux émigrés. A l'Assemblée, le député Merlin de Douai, rapporteur et juriste de formation fait adopter deux articles additionnels sur la question des successions qui confortent les héritiers cadets des deux sexes en leur droit à hériter à part égal, abrogeant ou mettant fin aux coutumes pratiquées, en fonction du décret pris le 15 mars 1790 (à lire ci-dessous).
Suit la teneur des articles du décret relatif
aux successions ab intestat (sans testament)
Art. 1er, Toute inégalité ci-devant résultante, entre héritiers ab intestat (sans testament), des qualités d'aînés ou puînés (cadets), de la distinction des sexes ou des exclusions coutumières, soit en ligne directe, soit en ligne collatérale, est abolie. Tous héritiers en égal degré succéderont par portions égales aux biens qui leur sont déférés par la loi ; le partage se fera de même par portions égales dans chaque souche, dans les cas où la représentation est admise.
En conséquence, les dispositions des coutumes ou statuts
qui excluaient les filles ou leurs descendants du droit de succéder
avec les mâles, ou les descendants des mâles, sont abrogées.
Sont pareillement abrogées les
dispositions des coutumes, qui dans le partage des biens tant meubles
qu'immeubles d'un même père ou d'une même mère, d'un même aïeul ou
d'une même aïeule, établissent des différences entre les enfants nés de
divers mariages.
Source : Bib. de Stanford - Arch. Parlementaires, pages 651-652, tome XXIV
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9 avril : Département de la Vendée, une tentative d’assassinat est
organisée contre un prêtre assermenté.
10 et 11 avril : A Paris, Louis Charrier de la Roche (né en 1738), curé d'Ainay à Lyon
et membre de l'Assemblée constituante, est sacré évêque constitutionnel.
Il sera démissionnaire la même année. Pierre-Joseph Porion, (né en
1743), professeur de théologie, curé à Arras, est lui aussi consacré
évêque pour le Pas-de-Calais dans la capitale par Charles-Maurice de
Talleyrand. Le 11, il
est pris un arrêté qui autorise à tous les citoyens le droit de
réunion,
et permet aux ecclésiastiques réfractaires de contourner les mesures
drastiques. Il est aussi prononcé, et lu au
couvent des
Jacobins un éloge funèbre de Mirabeau par un membre affilié à la Société fraternelle. (Source : Gallica-Bnf) A Lyon, l’on procède à
l’entrée solennelle du nouvel évêque assermenté, Monseigneur Adrien
Lamourette.
Adrien Lamourette (1742-1794), un évêque-citoyen en Révolution
12 avril : A Lyon, l’abbé Aymard prononce « l’éloge civique » de
Mirabeau. A l'Assemblée, il est fait lecture de la Lettre de M. Duportail, ministre de la guerre, sur la révolte de soldats à Figeac. (Source : Persée.fr)
13 avril : Du Vatican, le pape lance un « bref » où il accuse
l'Assemblée constituante d'avoir voulu détruire la religion, il
qualifie la Constitution civile du clergé comme « hérétique et
schismatique ». A Paris, le marquis de la Villette se prend à
rebaptiser sa rue et elle deviendra ainsi le « Quai Voltaire » (au n°27
angle rue de Beaune), sa maison se situait à l’angle du quai
anciennement des « Théatins », où il hébergea chez lui le philosophe,
qui s’éteignit dans sa demeure en mai 1778.
14 avril : Dans la capitale, l'Union fraternelle des ouvriers en l’art de la charpente sollicite les maîtres-ouvriers (patrons) de réglementer le travail et le paiement d'un salaire journalier de 50 sols.
15
avril : A Paris à la salle Favart, Olympe de Gouges fait jouer une comédie en un acte et en prose, Mirabeau aux champs-Elysées. (Source : Gallica-Bnf, 72 pages) A Saumur et à Rouen, on procède à l'entrée solennelle
dans la ville des évêques assermentés, Jean Servant et
Charrier de la Roche.
16
et 17 avril : Rome, Mesdames ou les tantes du roi sont arrivées dans la
ville et sont reçues le lendemain par Pie VI. A Paris, l’église des Théatins est louée à un curé
réfractaire et se voit assiéger par la foule refusant la présence des dévots à
la messe.
18 avril : La Pologne fait sa révolution "bourgeoise". Il est rédigé une
pétition signée par 141 villes, appelant à la participation de toutes
les villes à la Diète (Parlement polonais). Il sera évoqué à son sujet
des comparaisons avec la « révolution à la française ». Dans la
capitale, des manifestants empêchent le roi et la reine de quitter les
Tuileries pour se rendre au château de Saint-Cloud. Le roi a l'Intention de s'y
rendre pour faire ses Pâques. « Il en prévient
l'assemblée. Aussitôt le tocsin sonne, la populace se précipite en
foule aux Tuileries ; la garde nationale y arrive de tous cotés. M. de
Lafayette se présente, parle au roi, qui était dans son carrosse avec
sa famille, et ordonne à ses soldats de faire ouvrir le passage. Il
n'est point obéi. Après deux heures d'attente, le malheureux monarque
est obligé de remonter dans ses appartements. Il demanda la punition de
quelques gardes nationaux qui s'étaient permis des propos insultants
pendant cette longue négociation du commandement général avec ses
subordonnés; mais il ne l'obtînt pas ». (Abrégé chronologique de
l’Histoire de France par M. Michaud de l’Académie française). A Caen,
l’abbé Fauchet se fait élire évêque.
19 avril : A Paris, la section de l'Observatoire (en rive gauche)
déclare que : « la nation a bien sujet de se plaindre de la conduite
qu'on fait tenir au roi ». Il faut distinguer la section du district.
Ils ont l’un et l’autre pour nomination l’Observatoire et qui
concentrait 13.200 habitants, dont 1.100 ouvriers et 2.800 pauvres soit
plus de 20% du total. La moyenne globale des districts est de 15 à
20.000 résidents. Le local de la section se tient au sein du couvent
des feuillantines, comme de nombreux d’édifices religieux qui sont devenus des
salles de réunions ou des permanences, voire des entrepôts. A Strasbourg, M. Hérault de Séchelles
venu pour faire appliquer la Constitution du clergé civil se voit sous
le coup de menaces mortelles.
20 avril : Depuis Rome, Joseph Balsamo, comte de Cagliostro, condamné
pour hérésie par la Sainte Inquisition, sa peine de mort commuée en
prison à perpétuité, il est transféré dans une nouvelle prison au sein
de la forteresse de San Léo (États Pontificaux). Où il décédera en
1795.
21 avril : Aux États-Unis, la première pierre est posée de la future
capitale, délimitant le district de Columbia ou la future ville de
Washington.
22 avril : Le département du Finistère décide que les prêtres
réfractaires doivent se retirer à plus de 4 lieues (une lieue est égale à 3 ou 4 kilomètres) de leurs anciennes
paroisses pour ne pas gêner les prêtres constitutionnels ou assermentés. Des décisions
similaires sont prises un peu partout en France. A Paris, s’enclenche
une grève des ouvriers charpentiers, ils demandent une augmentation de
la journée de travail. Suite à l’affaire du 18 de ce mois, Gilbert de Lafayette
revient sur sa démission à la demande de ses troupes de la Garde nationale.
23 avril : A la Constituante, il est décrété la disparition des «
jurandes et maîtrises », le décret est de Pierre d’Allebarde, à
l’origine de la fin des corporations (3 et 17 mars). La Ferme générale
n'est plus, l'ancienne administration et des reliquats de son
organisation (perception aux frontières du pays) donne naissance à la
Régie nationale des Douanes (15.000 commis deviennent des
fonctionnaires).
24 au 28 avril : En Vendée, une révolte contre-révolutionnaire éclate à
Apremont, puis s’étend à Saint-Christophe-du-Ligneron, à Froidfond, à
Saint-Paul-Mont-Penit jusqu’au 28 avril. Les curés non réfractaires ou assermentés
sont malmenés et les autorités sous le coup de menaces et de
rebellions, préfigurant la guerre civile.
25 et 26 avril : A Paris, le journaliste Carra est agressé par des partisans de
Lafayette sous l’uniforme de la Garde nationale. Conseils donnés à S. M. Louis XVI, en 1791, par l'intermédiaire de M. de La Porte, intendant de la Liste civile
(ancien ministre de la marine en juillet 1789). Il s'agit d'un opuscule
remis ce jour à M. de la Porte de 80 feuillets, des inédits du comte Antoine de Rivarol publié en 1820 par
son épouse, suivi d'une lettre sur le marquis de La Fayette (celle-ci
datant à minima de 1792). (Source : Gallica-Bnf) Le 26, Extrait de l'avis aux ouvriers, publié par le corps municipal :
« Le
corps municipal est instruit que des Ouvriers de quelques professions
se réunissent journellement en très-grand nombre, se coalisent au lieu
d’employer leur temps au travail, délibèrent et font des Arrêtés par
lesquels ils taxent arbitrairement le prix de leurs journées ; que
plusieurs d’entre-eux se répandent dans les divers Ateliers, y
communiquent leurs prétendus Arrêtés à ceux qui n’y ont pas concouru,
et emploient les menaces et la violence pour les entraîner dans leur
parti, et leur faire quitter leur travail. (...) La Loi a anéanti les Corporations, qui entretenaient le monopole (note, loi d'Allarde), dont
tout le bénéfice tournait à l’avantage de ceux qui en étaient membres ;
pourrait-elle autoriser des coalitions, qui, en les remplaçant,
établiraient un autre genre de monopole, et mettrait la société entière
à la discrétion d’un petit nombre d’individus? Ceux qui entreraient
dans ces coalitions, qui les exciteraient ou les fomenteraient seraient
donc évidemment des réfractaires à la Loi, des ennemis de la Liberté ;
punissables comme perturbateurs du repos et de l’ordre publics. Le
Corps Municipal espère que ces courtes réflexions suffiront pour
ramener ceux que la séduction ou l’erreur ont pu égarer un moment. Il
invite tous les Ouvriers à ne point démentir les preuves qu’ils ont
données jusqu’à présent de leur patriotisme, et à ne pas le réduire à
la nécessité d’employer contre eux les moyens qui lui ont été donnés
pour assurer l’ordre public, et maintenir l’exécution des Lois. » Signé, M. Bailly, maire et son secrétaire-greffier M. Dejoly.
Source : Retronews-Bnf, Gazette nationale ou le Moniteur universel, 29 avril 1791
27 avril : Paris, naissance de La Société des Amis des droits de l'homme et du citoyen,
appelée plus couramment le club des Cordeliers, et tient dorénavant ses
séances en l'église des Cordeliers (aujourd'hui rue de
l'École-de-Médecine). Ses principaux responsables et orateurs sont
MM. Danton, Desmoulins, Chaumette, Hébert, Marat, Santerre, et
Legendre. Il paraît un nouveau quotidien de 4 pages, son titre Le Logographe, journal national, il est dirigé par M. Etienne Lehoday de Saultdechevreuil (sic), imprimeur et homme de lettres (parution jusqu'en août 1792).
28 et 29 avril : Le roi a déposé (depuis le 19) à l’Assemblée une pétition
avant de se rendre à Saint-Cloud, où il « prie l’Assemblée de la
laisser aller librement » (« la » ne pouvant que signifier Sa Majesté, voir la gravure ci-dessus). Toujours à la Constituante, il est approuvé que
seuls les citoyens actifs, ou payant au moins un impôt égal à trois
journées de salaires peuvent être membres de la Garde nationale,
excluant au moins 40% de la gente masculine de plus de 25 ans. Robespierre
s’y oppose, car contraire à l’égalité des droits entre citoyens. Le lendemain il est pris un décret réformant la marine du
royaume. Sur proposition de M. Alexandre de Beauharnais, il est accordé aux
soldats le droit d’assister aux débats des clubs locaux. Dans la capitale, il est affiché que « Le
Corps municipal croit devoir prémunir les bons citoyens contre les
insinuations coupables par lesquelles on pourrait tenter de les égarer.
C'est à leurs propres soins qu'il confie la garde des murs et des
bâtiments servant jusqu'ici aux barrières. Le Corps municipal prendra
seulement la mesure pour que l'affluence des voitures, qui n'attendent
que le 1er mai pour approvisionner la capitale, ne cause aucun désordre
ni danger pour la vie des citoyens, en sorte que cette journée ne soit
marquée par aucun malheur. Signé, Bailly, maire. » (Source : Gallica-Bnf, Bulletin de la Société de l'histoire de Paris et de l'Île-de-France, page 143, Paris-1912)
30 avril : Dans la capitale, les maîtres-charpentiers remettent une pétition à la municipalité parisienne, ils condamnent au nom des droits de l'homme les assemblées ouvrières et demandent la dissolution de leur Société, l'Union fraternelle et le rejet de leurs propositions. (Source : OpenEdition, Jean-Pierre Potier, L'Assemblée constituante et la question de la liberté du travail)
V – Le mois de mai 1791
Dimanche 1er mai : A Paris, Claude Fauchet est sacré évêque
constitutionnel du Calvados. La perception de la barrière d’octroi
cesse,
mais les contrôles des entrées et sorties sont maintenus, et les
travaux du mur des Fermiers généraux sont achevés depuis le 30 mars
dernier au titre de la loi relative à la vente des Bâtiments, Murs,
Barrières & Terrains qui forment l’enceinte de la capitale. Depuis
minuit, les portes de la ville laissent entrer une foule
impressionnante dans la capitale (comme la chute d’un mur…). La
nouvelle tant attendue sera l’objet d’une grande liesse populaire. On
chante, on danse, on boit à la nouvelle. Au collège Mazarin, les
professeurs assermentés sont attaqués par des élèves. Ces derniers
seront renvoyés.
2 mai : Vendée, l’élection du maire de Saint-Christophe-du-Ligneron
provoque une émeute (du 1er au 3 mai). Les habitants des alentours s’en
prennent aux garnisons et aux gardes nationales, quatre villageois y
perdent la vie. Dans la capitale, le soir est joué au théâtre Français,
une pièce du dramaturge Marie-Joseph Chénier (à ne pas confondre avec
son frère aîné André, poète), Henri VIII, est une tragédie en cinq actes.
3 mai : En Pologne, la Diète (le Parlement) adopte une constitution
proche des fondements de celle de la France (en discussion et en attente à l'Assemblée) et décide l'égalité devant l'impôt. A Paris, en réaction à son « bref » du 13
avril, le pape est brûlé en effigie au jardin du Palais-Royal.
L'effigie du pape brûlée avec son Bref
4 mai : A Paris, suite
à des mouvements de grève la municipalité
interdit aux ouvriers de se rassembler et de se réunir. Au jardin du
Palais-royal, l'effigie du pape est brûlée avec dans sa main un Bref par un groupe de citoyens. A l’Académie
des sciences, l’on s’exalte sur un mémoire de M. Charles Gilbert Romme
sur « la résistance des fluides ».
5 mai : Il est édité un pamphlet et il est destiné au nouvel évêque assermenté de Paris :
Lettre à M. Gobel,
concierge à l'archevêché
«
J'avons lu z'avec attention vos deux lettres pastorales. Je vous
croyons ben l'entrepreneux de la première : mais c'est z'un avocat qui,
dit-on, n'a pas pu de nez que mon derrière, qui a tourné la seconde ;
j'en sommes d'autant mieux persuadé, que j'y avons remarqué z'un tas de
raisons ousque je n'avons pas pu compris que vous, et qui pourtant
sentont la peur d'une lieue z'à la ronde.
Je ne sommes pas ben z'astrologue dans les livres, voila pourquoi je ne
ferons pas l'entreprise de me noyer z'avec vous dans une bibliothèque.
Y faut des exemples à nous autres pauvres peuples qui ignorons de tout,
et les exemples sont les bannières de not(re) jugement, voyez vous ; c'est
pourquoi je prenons la licence de vous envoyer z'un petit échantillon
de not(re) façon de penser sur le serment physique des prêtres.
Les jureux (jureurs) parlont z'avec ben du respect de not sainte religion de
Dieu, et ils disont que la constitution l'y a pas tant seulement fais
z'une égratignure. Les non jureux témoignont z'aussi le même respect ;
mais ils disont comme ça que la constitution l'a rudement frouillée (argot : frauder, tricher).
Les jureux, pour preuve de leur croyance avont chippé les places des
non jureux ; et ceux-ci, pour preuve des leux, se trouvont le cul z'à
terre entre deux selles. Je demandons z'à not' nouvelle grandeur,
lesquels sont des menteux (menteurs) et des vauriens. Est-ce les ceux qui avont
juré pour avoir du pain z'ou ben les ceux qui ont quitté leux (leur) pain pour
ne pas jurer?
N'est-y pas clair que les ceux qui restont le ventre creux méritont not
confiance ; pisque le jeûne est agréable à Dieu, le père à nous tous.
J'attendons cependant vot(re) réponse z'avec tranquillité, et
sommes z'avec due z'aux vertus de l'accident de vot(re) nomination a
fait
connaître.
Monsieur, Votre très-humble serviteur, Bras-de-fer, Passeux z'à la Rapée.
|
Samedi 6 mai : En
Corse, Ignace-François Guasco, chanoine de Bastia et vicaire général de
Marianna est élu évêque par 104 vois sur 201. Il prêtera serment le 9
et s'embarquera pour la France pour être consacré. A l'Assemblée,
il est décidé de faire émettre 100 millions
d'assignats en coupures de 5 livres. « La société des Indigents, amis de la constitution, séante rue Jacob, vis-à-vis celle Saint-Benoît. (...) décide qu'elle
place à côté de la déclaration des droits de l'homme le buste de J. J.
Rousseau ; arrête de même qu'il lui sera décerné une couronne civique
dans une des plus prochaines séances. » (Source :Gallica-Bnf, Discours de Jacques-Louis Vachard)
7 mai : A la chambre des députés, il est décidé d’étendre à toute la France, l’exercice privé
de la messe aux prêtres non assermentés dans des lieux de cultes loués
à cet effet, et il est décrèté « l'impression du rapport de M. Talleyrand-Périgord et son envoi à tous les départements du royaume. » Dans la capitale, sous l’impulsion du journaliste
Pierre-François-Joseph Robert (d’origine Belge, fondateur du Mercure
national en 1790 et secrétaire de Danton), les sociétés fraternelles
des deux sexes se dotent d’un comité central aux Cordeliers. MM. Robert
et Condorcet seront les premiers à évoquer la République, ainsi que
d’autres cercles comme celui de Madame Roland.
9 et 10 mai : A la Constituante, l’on débat du projet de loi de M. Le
Chapelier, il veut interdire le droit de pétition des collectivités et
des citoyens passifs, Robespierre lui oppose une imprescriptibilité
(définition : « Qui ne peut disparaître ni être supprimé »). Le
lendemain, la loi sur la Haute Cour de Justice est instituée, elle
établira son siège à Orléans en novembre, elle sera supprimée en
septembre 1792, puis rétablie en septembre 1795. A Paris est publié par
l’ancien ministre des finances : De l’Administration par M. Necker
lui-même. Robespierre au club et couvent des Jacobins prend la
défense de la liberté de la presse.
11 mai : A Caen, l'on procède à l'entrée solennelle de l’abbé Fauchet
devenu évêque assermenté. A Paris, une décision du maire M. Bailly annonce la fermeture
du couvent des Cordeliers.
A l'Assemblée nationale, le député Grégoire demande l'application des droits de l'Homme et du citoyen aux colonies, il déclare :
« II est
donc enfin permis, Messieurs, aux défenseurs des citoyens de couleur
d'élever la voix dans cette assemblée. Il leur est donc enfin permis de
démontrer que le salut des colonies tient a la justice qu'ils
réclament ; que les troubles des colonies viennent des injustices dont
ils sont victimes ; du mépris de vos décrets et des fausses mesures
qu'on a prises ; que les troubles ne peuvent disparaitre ; que la
tranquillité ne peut renaître qu'en s'écartant de la fausse route dans
laquelle le comité des colonies à continuer et persister (...) ».
Source : Bib. de Stanford - Archives parlementaires - Tome XXV, page 737
|
12 mai : A la Constituante, Robespierre s’oppose au député Barnave sur son projet visant à
restreindre l’égalité aux colonies et à soutenir les assemblées coloniales : « Et de qui ce congrès serait-il composé? De colons blancs, et ce seront les blancs qui demanderont que les hommes de couleur ne jouissent point de ces droits ». (...) il concluait par « Et
je demande à présent si la saine politique, la seule qui convienne à
l'Assemblée nationale, n'est point d'accord avec la justice et la
raison pour assurer les droits que nous réclamons en faveur des hommes
libres de couleur ». (Archives parlementaires,Tome 26, page 9). Pour sa part, Julien Raimond fait publier ce jour même une : Réponse aux considérations de M. Moreau, dit de Saint-Méry, (...), sur les colonies. (Gallica-Bnf, 68 pages), qui renvoie aux écrits de ce dernier du 1er mars sur les : Considérations présentées aux vrais amis du repos et du bonheur de la France, A l'occasion des nouveaux mouvements de quelques soi-disant Amis-des-Noirs (John Carter Brown Library - Haiti Collection, 44 pages, 1791). A
ce stade les dits "hommes ou gens de couleurs", ou bien métisses et
citoyens actifs n'auront pas de représentations politiques au sein
du corps législatif et les attaques s'avérer depuis plusieurs mois
très véhémentes. Faut-il préciser que Julien Raimond (1744-1801)
prendra le parti de Toussaint Louverture et participera à ses suites
indépendantistes et anti-esclavagistes à Saint-Domingue, ce qui lui
vaudra comme à d'autres d'être oublié dans le roman révolutionnaire
jacobiniste.
13 mai : Le débat sur les colonies continue à l'Assemblée, Moreau de
Saint-Méry demande la modification de l'article 4 du 28 mars, « le
moment est venu où il est indispensable de s'expliquer clairement,
d'une manière qui ne permette plus de doutes. Il ne faut donc plus
parler de personnes non libres ; que l'on disé tout simplement des
esclaves : c'est le mot technique. (Murmures.) En proposant ce
changement de rédaction, je n'ai pas la faiblesse d'abdiquer ce qui est
relatif aux hommes de couleur ; je demande également l'initiative sur
eux. Voici donc mon amendement : « L'Assemblée nationale décrète, comme
article constitutionnel, qu'aucune loi sur l'état des esclaves dans les
colonies de l'Amérique ne pourra être faite par le Corps législatif que
sur la demande formelle et spontanée de leurs assemblées coloniales. ».
A sa suite, Robespierre déclare : « C'est un grand
intérêt que la conservation de vos colonies ; mais cet intérêt même est
relatif à votre Constitution ; et l'intérêt suprême de la nation et des
colonies elles-mêmes est que vous conserviez votre liberté et que vous
ne renversiez pas de vos propres mains les bases de cette liberté. Eh! périssent vos Colonies, si vous les conservez à ce prix. (Murmures et applaudissements)... Oui, s'il fallait ou perdre vos colonies, ou leur sacrifier votre bonheur, votre gloire, votre liberté, je le répète : périssent vos colonies ! (Applaudissements.)
Si les colons veulent par les menaces nous forcer à décréter ce qui
convient le plus à leurs intérêts (Murmures et applaudissements.),...
je déclare, au nom de l'Assemblée, au nom de ceux des membres de cette
Assemblée qui ne veulent pas renverser la Constitution ; je déclare, au
nom de la nation entière qui veut être libre, que nous ne sacrifierons
pas aux députés des colonies qui n'ont pas défendu leurs commettants,
comme M. Monneron ; je déclare, dis-je, que nous ne leur sacrifierons
ni la nation, ni les colonies, ni l'humanité entière. De tout ceci je
conclus que le plus grand malheur que l'Assemblée puisse attirer non
pas sur les citoyens de couleur, non pas sur les colonies, mais sur
l'Empire français tout entier, c'est d'adopter ce funeste amendement
proposé par M. Moreau de Saint-Méry. Tout autre projet, quel qu'il
soit, vaut mieux que celui-là. Mais comme il est impossible de
l'adopter sans adopter les inconvénients extrêmes que je viens de
présenter, je demande que l'Assemblée déclare que les hommes libres de
couleur ont le droit de jouir des droits de citoyens actifs. Je demande
de plus la question préalable sur l'article du comité.» (Source : Bib. de Stanford - Archives parlementaires,Tome 26, page 60, séance du matin).
14 au 20 mai : A la Constituante sont approuvés les « brevets
d'invention » avec un décret réglementant la propriété des auteurs. Le
lendemain, les « gens de couleur » résidant dans les colonies, de
parents affranchis, ou libres sont déclarés égaux en droits ou presque : lire le décret La
décision ne sera pas appliquée avant le siganture d'un décret en avril
1792, de plus, l’esclavagisme ne sera pas remis en cause et il sera
maintenu jusqu'en 1794 (le 4 février date du décret). Le décret du 15 mai, relatif aux Citoyens (actifs) de Couleur : « L'Assemblée
Nationale décrète que le corps législatif ne délibérera jamais sur
l'état politique des gens de couleur, qui ne seraient pas nés de père
et mère libres, sans le voeu préalable, libre et spontané des Colonies
; que les assemblées coloniales, actuellement existantes, subsisteront
; mais que les gens de couleur, nés de père et mère libres, seront
admis dans toutes les assemblées coloniales et paroissiales futures,
s'ils ont d'ailleurs les qualités requises ». Les
douanes intérieures sont supprimées, un tarif uniforme est appliqué aux
frontières. Le surlendemain, Maximilien Robespierre fait décréter que
les membres de l'Assemblée ne pourront pas être réélus à la prochaine
législature (septembre). Ce décret sera approuvé, et le député d’Arras
ne pourra se représenter à ce scrutin, cette mesure s’appliquant à tous
au sein de la Constituante. Les jours suivants, la baisse de l'assignat
continue son cours. Le 17, il est décidé une nouvelle émission de six
cents millions. Devant l'absence de numéraire, l'Assemblée accélère la
frappe de pièces de métal. Les caisses patriotiques et leurs billets de
confiance demeurent (le 20).
17 mai : A Saint-Malo, la commune s’inquiète et prévient le directoire
de son département sur l’exil des prêtes réfractaires et nobles en
partance pour l’île anglo-normande de Jersey. A Paris, le club des
Cordeliers est expulsé et se déplace rue Dauphine à l’hôtel de Genlis.
18 mai : Jean Paul Marat sur l'esclavage dans L'Ami du Peuple n°462, ci dessous (Source : Gallica-Bnf) :
L’Ami du Peuple, n°462 (extraits)
« Barnave lui-même
n’a pas eu honte de se signaler dans cette honteuse lutte : on l’a vu,
sourd à la voix de la raison, renoncer aux principes de justice, de
liberté et d'égalité, qu'il avait défendus tant de fois, ou plutôt on
l’a vu bravant le ridicule de l’inconséquence, admettre ces principes
pour en rejeter l'explication, et s'autoriser de l’exemple des nations
injustes, pour consacrer parmi nous leurs injustices, laisser suspecter
son honneur, et ne pas rougir d'avoir pris les couleurs de l’ennemis de
la patrie. Ô sordide intérêt! de quels crimes ne deviens-tu pas la
source, si les cœurs purs ont tant de peine à se défendre de tes
amorces, et si tu parviens à métamorphoser en vils sophistes, des
apôtres de la vérité?
Le projet du comité, défendu
avec tant d'acharnement par les députes des colonies et ceux qui
avaient les mêmes intérêts à soutenir, a été combattu avec énergie par
MM. Bouche, Grégoire, Pétion et Robespierre : tout ce que l'éloquence
peut alléguer de plus fort à l'appui de la justice et de la liberté,
ils l'ont fait valoir avec énergie pour faire triompher la cause des
métis.
Pourra-t-on le croire? On a vu
dans ces discussions importantes les Bouhot, les Dupont, les Renaud,
les Maury, renoncer à leur rôle de valets du despote pour plaider la
cause de la liberté. (1) Parmi les orateurs qui se sont distingués,
n'oublions pas M. Raymond, celui des députés métis qui a porté la
parole. Peut-être son discours n'était-il pas le plus brillant : mais
c'était à coup sûr le plus instructif, le plus fort de choses et le
plus adroit. Après avoir fait sentir combien les services que les
colonies et la métropole retirent des métis, fait dans la paix, fait
dans la guerre, sont au-dessus de ceux que tendent les blancs ; ce qui
doit facilement se présumer par le don patriotique de six millions
qu'ils ont fait : il a déclaré hautement que si le plan du comité venait
à palier, les colons de couleurs étaient déterminés à ne plus fournir
le joug tyrannique des blancs.
Ce discours a été appuyé le
lendemain d'une lettre dont le président a donné lecture à la fin de la
discussion, et qui n'a pas peu contribué à ramener l’assemblé à des
sentiments plus équitables. Après avoir manifesté les vives inquiétudes
sur le sort de ces malheureux frères où l’a jeté l'esprit qui éclatait
dans l'assemblée, M. Raymond laisse entrevoir que si la justice et la
raison ne triomphent pas de l'orgueil et de l'intérêt, il ne leur reste
plus d'autre moyen d'échapper à la vengeance des blancs que
d'abandonner une terre si souvent arrosée de leur sang par la main de
leurs persécuteurs, et d'emporter avec eux leurs propriétés: en
conséquence, il borne ses réclamations à demander la sauvegarde de la
loi pour les émigrants. Peu après la lecture de cette lettre, la
discussion a été terminée par le décret qui suit.
« Le corps législatif ne
délibérera jamais sur l'état poétique des gens de couleur, qui ne
seraient pas nés de père et de mère libres, sans le vœu préalable,
libre et spontané des colonies : les assemblées coloniales subsisteront,
mais les gens de couleur nés de père et mère libres seront admis dans
toutes les assemblées coloniales et paroissiales futures, s'ils ont
d'ailleurs les qualités requises ».
Ce décret si outrageant pour
l'humanité, mais beaucoup moins qu'il ne l'aurait été, sans la crainte
de voir émigrer nos plus riches colons, et sans la terreur dont les
nouvelles d'Avignon avaient frappé les contre-révolutionnaires qui
mènent le sénat, n'aura aucun des effets que s'en est promis le
législateur. Au lieu de concilier les deux partis, il les mécontentera
l'un et l'autre. Déjà les députés des blancs, transportés de rage, ont
quitté l'assemblée, bien résolus de ne plus y paraître. Bientôt les
hommes de couleur nés de parents asservis, les noirs eux-mêmes
instruits de leurs droits, les réclameront hautement, et s'armeront
pour les recouvrer, si on les leur dispute.
De là toutes les horreurs de la
guerre civile, fuites nécessaires des fausses mesures prises par les
pères conscrits. Le devoir leur commandait impérieusement de ne pas se
départir des règles de la justice et de l'humanité, tandis que la
sagesse leur conseillait de préparer par degrés le partage de la
servitude à la liberté. Leur premier soin devait donc être de faire
passer aux colons blancs et métis les ouvrages les mieux faits contre
l'esclavage, et d'adoucir la cruauté du sort des malheureux qui y font
condamnés. Ils auraient dû ensuite prendre soin de les instruire,
d'ordonner chaque année l'affranchissement d’un certain nombre
d'esclaves, et, de faire servir cet acte de justice â récompenser ceux
qui se feraient les plus appliqués à le mériter. Enfin, s'ils avaient
jugé convenable d'accorder quelque indemnité aux propriétaires de ces
infortunés, qui servent de bêtes de somme dans le nouveau monde, ils
l'auraient trouvée, soit dans l'exemption de certains impôts pour un
temps déterminé, soit dans certaines sommes payées pour chaque
affranchi : emploi des deniers publics mille fois mieux entendu que
l'acquittement des brevets de retenue, et autres fausses créances de
l'état. Les actes de justice et de sagesse aussi éclatants, auraient
couvert de gloire l'assemblée nationale de France, et forcé les
puissances étrangères à les imiter. Mais cette gloire est réservée à
une nouvelle législature.
Nous pouvons donc enfin espérer
de la voir entièrement renouvelée. Nous y perdrons peut-être quelques
députés intègres, Grégoire, Pétion, et surtout l'incorruptible
Robespierre ; si tant est que la cabale ministérielle ne les eût pas
écartés pour toujours ; mais aussi nous n'aurons plus à redouter ces
représentants d'ordres privilégiés qui n'existent plus, ennemis
implacables de la liberté ; ces jugeurs royaux, ces robins oppresseurs,
et surtout ces juristes rapaces, infidèles représentants du peuple
qu'ils ont trahi et dépouillé de ses droits pour les vendre au despote
: ridicules, mais redoutables tyranneaux dont l'ambition criminelle ne
tendait à rien moins qu'à perpétuer dans leurs mains sa puissance
législative, et à cimenter notre servitude, notre misère. Il faut voir
dans le discours de Thouret, les efforts qu'il a fait pour faire passer
le projet de décret ; il faut voir avec qu'elle impudence il pressait
l'Assemblée de ne pas priver la nation des lumières d’hommes instruits
qui seuls connaissaient le jeu de la machine qu'ils avaient organisée,
d'hommes intègres dont la vertu avait été éprouvée sanglante ironie qui
prouve à quel point l'infâme comité de constitution se joue du public.
Pour confondre ce projet désastreux, Robespierre n'a eu besoin que d'un
mot ; à peine a-il eu achevé de parler que la discussion a été fermée,
malgré les clameurs de Chapelier et de Beaumetz. (…) »
De l'imprimerie de Marat.
Le vrai Ami du peuple se distribue chez Madame Meunier,
rue Git-le-Cœur, à Paris. Extrait de la page 4 à la page 8.
Note de l’auteur :
(1) Je ne crois pas aux
conversions miraculeuses de bas valets ou plutôt de vils esclaves, tels
que Dupont, Renaud, Maury, etc., et je n'attribue cette espèce d'amende
honorable de leur part, qu’à l'envie d'échapper aux effets de
l’indignation publique, dans la crise alarmante qui menace enfin les
ennemis de la révolution : car ils étaient déjà informés de la
déclaration de guerre que viennent leur faire les départements voisins
qui ont épousé la cause des Avignonnais. C’était-là le vœu ardent, ou
plutôt le conseil formel que leur a donné l'Ami du peuple dans son N°442.
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20 mai : En Italie à Mantoue, le futur Charles X (comte d’Artois) tente
de convaincre sans réussite l’empereur Léopold II d’une intervention
militaire en France.
21 mai : A Paris, la démolition de la Bastille prend fin.
22 mai : A l’Assemblée, les interventions de MM. Robespierre, Pétion,
Grégoire et Dubois-Crancé (en portrait ci-contre) n’empêchent pas la limitation des pétitions
aux seules individualités, il devient interdit aux collectivités ou
sociétés populaires de porter pétition. A Colmar la population proteste
contre le départ des religieux du couvent des Capucins assignés dans
deux autres villes à résidence et par la volonté du département.
25 mai : A Paris est publié la Vie de Joseph Balsamo chez le
libraire Onfroy. (Source : Archive.org, 270 pages) A la Constituante est approuvée une loi organique sur
le fonctionnement des ministères et l'établissement des responsabilités
ministérielles. Le Conseil du roi est ainsi supprimé.
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26, 27 et 28 mai : A l'Assemblée, l’on décrète le Louvre et les Tuileries sont
destinés à l'habitation de la famille royale et à la réunion de tous
les « Monuments des sciences et des arts » (les objets de science et
d’art), et à l'installation des principaux établissements d'instruction
publique. Le jour suivant, dans le Courier de Provence, on découvre qu'à la séance du soir, que le député de la noblesse M. (Charles Alexis Brûlart de Genlis dit marquis de) Sillery au nom du comité des recherches dénonce le sieur Thevenot, chef d'un atelier de charité, et
la dame Lacombe. Ils auraient cherché à mener des actions
contre-révolutionnaires en son sein, et la manœuvre a été empêchée par
M. Rutteau. Celui-ci mis dans la confidence demanda à être payé pour
agir : « On
lui donna deux assignats de 50 livres en lui en promettant davantage ;
et on lui remit des papiers qu’il devait distribuer. Rutteau et ses
compagnons ne perdent pas un instant ; ils viennent faire leur
déclaration au comité de recherches, et ils déposent les deux
assignats. Sur le champ on a fait arrêter le sieur Thevenot et le sieur
et la dame Lacombe. On s’assure de leurs papiers, parmi lesquels on
trouve des libelles à la portée des gens qu’ils se proposaient de
porter à la révolte. L’assemblée nationale a renvoyé cette affaire au
tribunal de l'arrondissement où sont domiciliés les accusés ; et
lorsque les informations seront terminées, il sera fait un nouveau
rapport, sur lequel l’assemblée décidera s’il y a lieu au renvoi par
devant le tribunal d Orléans. » Le 28, Robespierre demande la suppression du «
marc d’argent » (décret du 29 octobre 1789). Un décret annonce la
convocation de la deuxième législature.
30 mai : Jour anniversaire de la mort de Voltaire, l'Assemblée décide
du transfert au Panthéon de son corps depuis l'Abbaye de Seillière,
dans l'Aube. Le corps du défunt philosophe avait été embaumé et caché
sur les soins de son ami M. de la Villette, Voltaire sortit de Paris
sous les traits d’une momie, faisant croire à un départ évitant ainsi
sa mise en terre dans une fosse commune. Incroyant (plus exactement
panthéiste), il ne pouvait recevoir les derniers sacrements. Lors du
débat sur le code pénal porté par L.M. Lepeletier de Saint-Fargeau en soirée,
Robespierre à la Constituante dénonce une « routine barbare »
concernant la peine de mort. Il ne sera pas suivi et malgré l’exemple
qu’il donnera sur la Russie abolitionniste… Il a entre autres déclaré devant l'Assemblée comme conclusion : « On
a observé que, dans les pays libres, les crimes étaient plus rares et
les lois pénales plus douces. Toutes les idées se tiennent. Les pays
libres sont ceux où les droits de l'homme sont respectés, et où, par
conséquent, les lois sont justes. Partout où elles offensent l'humanité
par un excès de rigueur, c'est une preuve que la dignité de l'homme n'y
est pas connue ; que celle du citoyen n'existe pas : c'est une preuve
que le législateur n'est qu'un maître qui commande à des esclaves, et
qui les châtie impitoyablement suivant sa fantaisie. Je conclus à ce que la peine de mort soit abrogée (Applaudissements). »
31 mai : A la Convention est lue l’adresse de l’Abbé Raynal
(adresse : qui est une déclaration formulée à l'intention d'un ou
plusieurs destinataires et non une adresse postale... sic) sur les
violences populaires ou « anarchiques » contraire à l’esprit de la
première révolution, Robespierre déclare à son sujet qu'il « a cependant
publié des vérités utiles à la liberté » pour « excuse suffisante, son
grand âge ». Incontestablement Guillaume Thomas Raynal a été un
personnage influent de l’avant Révolution, un penseur et un important
écrivain de son temps. Il a connu la censure et l’exil. L’abbé est
probablement un des premiers en France à avoir combattu l’esclavagisme. « M. Guillotin docteur en
médecine, invente une machine pour l'exécution à mort des condamnés.
Elle porte le nom de son Inventeur ». En fait pour le concepteur principal, il s'agit entre autres de la lame en biseau du docteur Louis, un
des plus importants chirurgiens de son siècle. Et que l'on nommera un temps la Louisette ou la Louison. « Cette funeste machine a
joué un rôle trop important dans les sanglantes annales
révolutionnaires pour ne pas parler avec quelques détails. M. le
docteur Guillotin avait, le 1er décembre 1789, proposé a l'Assemblée
Constituante une mode de supplice à substituer à la roue et à la
potence. La niaiserie d'une phrase, dans son rapport, fit rire
l'assemblée qui passa a l'ordre du jour. M. Guillotin disait : « avec une machine, je vous fait sauter la tête et vous ne souffrez
point ». Ce ne fut qu'après une très longue et très curieuse
correspondance entre M. Guillotin, M. Roederer, procureur général de la
commune, et le ministre des finances Clavière, que la machine fut
adoptée. L'exécuteur Samson prit part à cette correspondance. Il y eut
un marché passé avec un entrepreneur pour la fourniture de toutes les
Guillotines de France, à cinq cents livres la pièce ; on y joignait une
instruction de M. Roederer, sur la manière de s’en servir ». (Source : Abrégé chronologique de l'histoire de France de G. Michaud)
VI – Le mois de juin 1791
Mercredi 1er juin : En Corse, des troubles éclatent (lire ci-dessous).
A la Constituante, il est interdit au public des tribunes de
donner marque d’approbation ou pas. Lors du débat sur le code pénal, il
est décidé l’abolition de la torture, mais pas de la peine de mort. Paraît un nouveau périodique royaliste sarcastique et contre-révolutionnaire, un hebdomadaire
de 16 à 18 pages, son
nom est La Rocambole de journaux ou histoire capucino-comique de la Révolution. Rédigée par Dom Recius Anti-Jacobinus et en page de une, il est mis en exergue : « Une Foi, une Loi, un Roi ». Il changera de nom au cours de l'année pour se nommer La Rocambole ou journal des honnêtes gens (parution jusqu'au 5/08/1792).
Pasquale Paoli face aux émeutes
de Bastia en Corse de juin 1791?
Portrait de William Beechey
« Le 1er juin, jour des Rogations (cérémonie de bénédiction des travaux des champs),
des prêtres et des moines poussent la population bastiaise à
l'insurrection, sans que le commandant de la garde nationale
intervienne ; le bruit court que la guerre civile a éclaté en France,
et que les émigrés réfugiés en Italie du Nord sont prêts pour la
contre-révolution ; le lendemain, 2 juin, une foule de fidèles en
prières, pieds nus, se rassemble à la cathédrale Saint-Jean, où l'on
replace les armes de l'ancien évêque Mgr de Verclos, retiré en Toscane
; puis on envahit la salle où siège le Conseil Général ; celui-ci doit
s'enfuir à La Porta ; on se porte à la citadelle, qui est occupée ; on
arrête Arena et son fils, Panattieri, Buonarroti,
qui sont insultés, maltraités et embarqués de force sur une felouque
qui prend la direction de Livourne ; une adresse est votée et envoyée à
l'Assemblée nationale : « L'Assemblée,
protestant de son plus profond respect et la plus aveugle confiance
envers les décrets de l'Assemblée nationale en tout ce qui concerne la
constitution civile et temporelle, demande que, pour la constitution du
clergé, les choses restent en l'état où elles étaient avant la
convocation des États généraux, et qu'en conséquence soit maintenu en
ce diocèse le seigneur de Verclos,
légitimement créé par le très haut Pontife. »
Le 3 juin les scènes
d'émeute continuent ; la foule composée en majorité de femmes, pille la
demeure de l'évêque jureur Guasco et saccage les sièges des clubs
patriotiques.
Il s'agit sans aucun doute d'un mouvement religieux encouragé à
distance par l'abbé Peretti, exploité ensuite par les royalistes
(Buttafoco et son beau-père Gaffori), et par les adversaires de Paoli.
Celui-ci était en tournée à Ajaccio quand les troubles se sont produits
; il se rend immédiatement à Corte, où il convoque le Conseil Général
et lui fait prendre des mesures de répression qui ont paru quelque peu
hors de proportion avec les événements. Le chef-lieu était
provisoirement transféré à Corte, ce que Paoli avait toujours souhaité,
car c'était son ancienne capitale. La municipalité de Bastia était
dissoute et remplacée par 4 commissaires armés de pleins pouvoirs,
désignés par le Conseil du département. Paoli entra dans la ville à la
tête de 6.000 gardes nationaux qui furent logés chez l'habitant, à
charge pour lui de les nourrir ; ce furent trente jours de violences et
de pillages : on accéléra la vente des biens d'église ; les religieux
et les prêtres réfractaires furent arrêtés et incarcérés à Corte ; les
administrateurs du département des Bouches-du-Rhône furent alertés pour
se saisir de l'abbé Belgodere et de Gaffori en fuite ; la censure fut
établie et la correspondance saisie à Bastia par le comité des
recherches locales. Paoli prétendit avoir sauvé la ville pat sa
modération ; « les gardes nationaux, écrivait-il, auraient voulu immoler
cette cité à l'indignation publique ; je m'y suis opposé ». Ce
n'était pas l'avis des Bastiais, qui l'accusèrent au contraire d'avoir
profité de l'occasion
pour se venger d'une ville qu'il avait toujours détestée ; en effet,
les habitants de Bastia, ancien préside génois, étaient pour beaucoup
originaires de la République, à laquelle ils avaient toujours témoigné
une grande fidélité ; malgré un siège presque constant de 1760 à 1768,
Paoli n'avait jamais pu s'en emparer.
Le chef-lieu étant
mis en quarantaine, le directoire vota le 17 juin le vœu que le siège
de l'évêché fût transféré à Ajaccio. La constitution civile fut
appliquée avec rigueur ; les arrestations, l'exil avaient diminué la
force de résistance des réfractaires ; le calme revint quand on sut
l'arrivée de 280.000 livres, suivies au mois d'août de 75.000 destinées
au paiement du clergé. Il en restait cependant un malaise qu'aggrava la
nouvelle de la fuite du Roi. Paoli en fut informé le 4 juillet par une
lettre de Saliceti, qui lui faisait prévoir des conséquences tragiques
: « la guerre civile la plus sanglante va éclater...
» ; il lui conseillait de s'assurer de Saint-Florent, Corte, Ajaccio,
sans mentionner Bastia, où la population n'était pas assez sûre.
L'événement pourtant ne paraît pas avoir affecté particulièrement Paoli
; la France est loin, et les troubles qui la menacent ne peuvent que
lui laisser une plus grande liberté d'action ; il condamne, certes, le
Roi, mais avec les précautions qu'on prend généralement en France : « Le
Roi a été forcé par les aristocrates de les suivre dans quelque place
de la frontière allemande... le Roi est bon, mais je crains qu'il ne se
laisse entraîner par son entourage... » Pourtant l'émigration
augmente à l'annonce de l'événement ; en novembre 1791, près de 400
personnes sont passées en Italie ou en Allemagne, et beaucoup de
prêtres assermentés se rétractent ; Paoli n'y voyait pas grand danger
car la question d'argent était à ses yeux primordiale : « Ils reviendront, puisque, pour manger, ils signeraient bien autre chose que la constitution civile du clergé. »
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2 juin : A Paris, de nouveau à l’église des Théatins se produisent des
heurts avec des prêtres réfractaires, le but des manifestants est
d’empêcher la tenue de la messe. A l'Assemblée est discuté des travaux forcés dans le cadre du code pénal.
3 juin : A l'Assemblée,
le débat sur la peine de mort continue, le rapporteur M. Le Peletier de
Saint-Fargeau propose et soumet de nombreux articles en relation avec
le futur code pénal. A l'exemple de l'article 7 adopté par les députés
: « La peine de la chaîne ne pourra, en aucun cas, être perpétuelle. » Sinon de même pour les demandes de réhabilitation, il faudra deux ans avant d'organiser tout recours, etc.
5 juin : A l’Assemblée par décret, le « droit de grâce » est retiré au
roi.
6 juin : Versailles, M. Alexandre Lenoir est nommé garde-général du
château et il s’emploie à le transformer en un « musée consacré aux
monuments ». Il aura un rôle important dans la préservation du
patrimoine et la défense des monuments historiques, notamment en 1791
auprès de la commission en charge des monuments. (Source : Château de Versailles)
7 juin : On peut lire dans La Gazette du jour, « Il
a été vendu, depuis le 11 jusqu'au 28 mai inclusivement, à
l'Hôtel-de-Ville, pour la somme de 1.793.100 livres de Domaines
nationaux, produisant 70.404 livres de loyer, et dont l'estimation
avait été portée à 1.124.970 livres, consistant en trente Maisons et
dépendances, situées dans l'intérieur de Paris. »
8 juin : Henri Grégoire, s'adresse aux citoyens "libres de couleur" de Saint-Domingue : « Amis,
vous étiez hommes, vous êtes citoyens et réintégrés dans la plénitude
de vos droits, vous participerez désormais à la souveraineté du peuple.
Le décret que l'Assemblée nationale vient de rendre à votre égard, sur
cet objet, n'est point une grâce, car une grâce est un privilège, un
privilège est une injustice ; et ces mots ne doivent plus souiller le
code des Français. En vous assurant l'exercice des droits politiques,
nous avons acquitté une dette ; y manquer eût été un crime de notre
part et une tache à la constitution. »
10 juin : Robespierre déjà populaire est nommé l’Incorruptible, il est élu comme « accusateur
public » (ou procureur) auprès du Tribunal criminel de Paris. Dans la capitale, il est publié le même jour : Lettre des commissaires des citoyens de couleur en France, à leurs frères et commettants dans les Isles françaises : « La
Justice et l'humanité triomphent enfin , et l'assemblée nationale, par
son décret solemnel du 15 mai 1791, vient de vous rendre les droits que
la tyrannie d'un préjugé vous avait ravis. » Et se conclue par : « Soyez
justes et humains avec vos esclaves, en les contenant ; attachez-vous
surtout à donner des mœurs à vos enfants, et à les faire instruire ;
améliorez vos cultures, étendez-les ; soyez actifs pour tout ce qui
peut contribuer à l'avantage de la nation ; puisez sans cesse
chez elle vos rapports commerciaux , et les sentimens qui vont porter
cette nation au plus haut point de bonheur, de gloire et de prospérité. Les signataires : Raymond l'aîné, Fleury, Honoré Saint-Albert, Dusoulchay de Saint-Réal. (John Carter Brown Library - Haiti Collection, 7 pages, Paris 1791)
11 juin : Dans la capitale, on inaugure le théâtre
Molière, qui peut accueillir un millier de personnes. Située
passage des Nourrices (appelé ensuite passage Molière), rue
Saint-Martin, la salle du Théâtre Molière était "d’un très joli
goût" et pouvait contenir environ mille spectateurs. Les loges
étaient ornées de glaces, ce qui était un signe de luxe, mais surtout
de conquête sociale : le droit de se mirer n’était plus seulement
réservé à l’aristocratie. Ces glaces "réfléchissant les bons patriotes
sur les braves citoyennes" doublaient "le prix du patriotisme" ». Son créateur et
directeur est M. Jean-François Boursault-Malherbe, qui l'a fait
construire en quelques semaines, c'est le fruit de la loi du 13 janvier de cette année, qui
a libéralisé les activités du théâtre.
M. J.F.
Boursault-Malherbe est aussi l'ami depuis le collège de J.M. Collot
d'Herbois, auteur de plusieurs pièces, ce dernier va entrer dans une
phase plus
active en politique, en rejoignant le club des Jacobins. Cette
expérience de théâtre "patriote" prendra fin le 10 août de l'année
prochaine, et la salle de spectacle réouvrira plus tardivement. (Source
: OpenEdition, Le répertoire du Théâtre Molière. 11 juin 1791 - 31 octobre 1791, Michèle Sajous D’oria)
12 juin : En France, lancement des élections primaires pour la Législative. Océanie, le capitaine Etienne Marchand parti de Marseille en
décembre 1790 pour un tour du monde sur un brick (navire) appellé le Solide arrive l'année suivante en Polynésie, à cette date. Le sieur Marchand s'empare de l'île de Tahuata dans l'archipel des Marquises,
puis de Houapou (le 20), baptisant sa conquête l'Archipel de la
Révolution. Plus exactement, il colonisait au nom de l'Empire français.
« Le charpentier du bord avait fabriqué, sur l'ordre de son
commandant, un large panneau portant inscrits le nom du navire et du
capitaine, sa nation et la date de la prise de possession. » (Source : Vieux papiers du temps des îsles de Maurice Besson, chapitre : Une conquête coloniale de l'époque révolutionnaire, pages 171 à 174 - Société d'éditions Géographiques, Maritimes et coloniales, 1925).
13 juin au 15 juin : A la
Constituante, un décret ordonne aux officiers
et aux soldats de prêter le serment de fidélité à la nation, à la loi
et au roi. Le lendemain, la loi du député Le Chapelier est adoptée sans
difficultés et engage l'abolition des corporations et compagnonnages.
La grève devient interdite, tout comme le droit d’association. Selon Le Chapelier « Il
n’y a plus de corporation dans l’Etat ; il n’y a plus que l’intérêt de
chaque individu et l’intérêt général. Il n’est permis à personne
d’inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la
chose publique par esprit de corporations. » Le
surlendemain, il est publié un décret sur l'organisation des colonies.
15 juin : A Coblence, le comte d'Artois s'installe, et entraîne
une masse d’émigrés à le rejoindre pour organiser une armée
contre-révolutionnaire. A Montauban, l’imprimerie du Journal National
(royaliste) est saccagée. A Paris, en secret Louis XVI s’occupe des
préparatifs de son départ. Fabre d’Eglantine au théâtre Français voit
une de ses nouvelles comédies être produite : Intrigue épistolaire.
16 juin : A Paris, l’on ferme les ateliers de secours, trop chers et
pourtant la main d’oeuvre payée pour moitié du salaire ouvrier.
Buonaparte est muté au 4e régiment d’infanterie à Valence.
17 juin : La loi Le Chapelier ou loi relative aux rassemblements
d'ouvriers et artisans de même profession est promulguée, l'Assemblée
nationale décrète ce qui suit :
Art. 1.
L'anéantissement de toutes espèces de corporations de citoyens du
même état et profession étant l'une des bases fondamentales de la
Constitution française, il est défendu de les rétablir de fait, sous
quelque prétexte et sous quelque forme que ce soit.
Art. 2. Les citoyens d'un même état ou
profession, les entrepreneurs, ceux qui ont boutique ouverte, les
ouvriers et les compagnons d'un art quelconque, ne pourront, lorsqu'ils
se trouveront ensemble, se nommer ni président, ni secrétaires, ni
syndics, tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibérations,
former des règlements sur leurs prétendus intérêts communs. Etc...
Source : OpenEdition, Jean-Pierre Potier, L'Assemblée constituante
et la question de la liberté du travail, un texte méconnu, la loi Le Chapelier
18 juin : Le roi dénonce au maire de Paris, M. Bailly « les
malveillants répandant le bruit de son enlèvement ». Marat s’attaque à
la loi Le Chapelier dans L’Ami du Peuple (n°493) : « Nous sommes à Paris vingt
mille ouvriers qui ne se laisseront pas endormir par la bourgeoisie !
».
19 juin : A Paris, Louis XVI au Palais-Royal des Tuileries reçoit la commission
Condorcet des poids et mesures. L’abbé Sieyès est vivement critiqué par
la Société des amis de la Constitution séante aux Feuillants (le futur club des Feuillants)
sur un projet en cours visant à revenir sur le principe de l’unité du
corps législatif.
20 au 25 juin : « La fuite de Varennes » se déroule sur 5 journées. D’abord, il
est organisé la fuite nocturne du roi et de sa famille, de même pour le
comte de Provence, et au final les deux frères prennent une route
différente. Le
futur Louis XVIII et son transport arriveront à destination. Les
déboires du frère aîné ne faisait que commencer. Le couple royal
allait faire semblant de se coucher vers 10 heures et demi du soir, le groupe de fuyard
s'éclipsa dans la nuit après minuit. Les époux et le jeune dauphin
(habillé en
fille), la sœur du roi et leur suite rejoindre le fameux
marquis de Bouillé (général des armées de la Meuse). Il est à l’origine
de
cette stratégie et mis de fait dans le secret de cette fuite. S’ils ont
cherché à
passer pour de riches bourgeois, le carrosse était
un très gros bolide, une berline
de l’époque avec couchette royale et toilettes incluses. La calêche
royale était peinte
en jaune et vert, les serviteurs en « livrée » et le tout tiré par 6
chevaux
robustes d’attelage. Difficile au demeurant de passer totalement
inaperçu, de plus l’équipage prendra du retard dès son départ et la
sortie de la capitale. Dans le prolongement du faubourg Saint-Martin
une fois passée la barrière de la Villette, une première halte est
faîte à Bondy pour changer au relais de poste les bêtes de traits vers
2 heures et demi du matin. Leur accompagnateur Alex de Fersen (habillé
en cocher selon M. de Foutanges) laisse l’équipage sur la route
à cette hauteur et le convoi s’engage sur la route de Meaux
(Seine-et-Marne), où il est rejoint par deux dames de compagnie.
Le lendemain à Paris, au petit matin le valet se rend compte du départ.
Il trouve un texte de Louis XVI expliquant les raisons. Ces 16 pages ou
feuillets sont considérés comme son acte testamentaire. L’écrit est
censuré par Lafayette (et il n’a pas été publié avant sa redécouverte
en
2009). La nouvelle fait grand bruit, les soldats de Lafayette sont sur
le qui vive, des courriers partent pour propager la nouvelle.
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A
l’Assemblée, le roi est suspendu dans ses pouvoirs. Il est ordonné
l'arrestation de « toutes personnes quelconques sortant du royaume ».
Louis Auguste (dit aussi Louis Toinon dans le peuple), alias M. Durand
et ses proches s’arrêtent dans un nouveau relais de poste en soirée.
Mais l’assignat pour payer les chevaux de poste pose problème et met la
puce à l’oreille de M. Jean-Baptiste Drouet, 26 ans. Les voyageurs repartent néanmoins et de nouveau
ils sont stoppés. Ils passeront la nuit dans la localité de
Varennes-en-Argonne, chez M. Sauce. En se faisant passer sous de
fausses identités, Marie-Antoinette pour la nurse, chaque personne du
carrosse tenant un rôle et jouant une pure comédie, le stratagème va
échouer. Leur dernière carte, le marquis de Bouillé n’interviendra
jamais. (La Nuit de Varennes, un film admirable pour sa
reconstitution, réalisé par Ettore Scola en 1982). |
La calèche à l'arrêt, « le
Roi, mettant trop fréquemment la tête à la portière, fut aperçu par le
fils du maître de poste, très chaud patriote, nommé Drouet.
Ce Drouet avait vu le Roi à la Fédération, l'année précédente (au
Champ-de-Mars le 14 juillet 1790) ; pour mieux s'assurer qu'il ne se
trompait pas, il prit un assignat où la figure de Louis XVI était assez
ressemblante, et la compara quelque temps avec celle qu'il avait sous
ses yeux : l'attention qu'il y mit fut si marquée, qu'elle n'échappa
point à la Reine, et qu'elle redoubla ses inquiétudes, il était alors
huit heures moins un quart. Quelque
assuré que Drouet crût être que le Roi était dans la voiture. Il n'osa
donner l'alarme à Salnte-Menehould, soit par crainte des dragons, soit
que le départ de la voiture l'en empêcha ; mais il prit la résolution
de la suivre, pour la faire arrêter lorsqu'il en trouverait la
possibilité. Il communiqua sa découverte et sa résolution à sa femme,
qui fit et dit Inutilement tout ce qu'elle put pour l'en empêcher. Il
monta à cheval et suivit la voiture. » Extrait de La fuite du Roi
rédigé par l'archevêque de Toulouse, ancien aumônier de la reine
Marie-Antoinette, M. François de Fontanges. Il y explique les préparatifs
de la fuite, les conditions et les motifs qui poussa Louis XVI à
s'enfuir, et pour finir M. de Foutanges narre une partie du périple
jusqu'à la rencontre avec J.B. Drouet. (Source Gallica-Bnf, 27 pages, édité à Paris en 1898)
Le
22 juin, à Varennes, c’est l’arrestation de Louis XVI et de ses proches
à
8 heures et demi du matin. En soirée, l’Assemblée constituante est
prévenue de
l’arrestation de la famille royale, elle désigne trois commissaires :
Antoine Barnave, Pétion de Villeneuve et Charles César de Faÿ de la
Tour-Mauboug pour les ramener à la capitale. Le 23, sortie
de Chalons-en-Champagne du convoi royal vers midi, à 16 heures il est
fait une halte à
Epernay pour se restaurer. Vers 17h30, ils sont rejoints par les
commissaires Pétion et Barnave. Ils monteront dans la voiture de la
famille royale sur le chemin du retour, et avant Paris. Pétion est très
populaire dans la capitale, il se place entre les époux pour éviter
une balle perdue, selon Michelet. Le 24, le futur Louis XVIII
passe la frontière sans la moindre difficulté et arrive à Mons
(Belgique). A la
Constituante, l’on décide de la suspension des élections primaires en
vue de la Législative. Le dernier jour, le 25 juin, sous une bonne
escorte, et sous
le regard des Parisiens appelés à rester silencieux, le roi et sa
famille est de
retour le soir vers 18 heures, ils arrivent deux heures plus tard au
Palais des Tuileries. L’accueil est glacial, le marquis de Lafayette a fait afficher dans tout Paris : « quiconque applaudit le roi sera fouetté ; quiconque l'insulte sera pendu ». Depuis le matin,
ils étaient attendus. Et depuis le départ, dans la ville libelles et affiches
pleuvaient d’insultes, et personne ou presque dans la capitale n’était dupe. Une
chanson du jour circule et finie sur : « Un peuple libre reconnaît les
charmes de n’être plus au rang de vos sujets ».
Au club des Cordeliers,
il en est appelé à une république! Le soir avant de se coucher, le
roi rédige dans son journal intime une simple et courte note : « Cinq nuits passées hors de Paris ».
En Angleterre, Me Catherine Macaulay décède (historienne, philosophe et
défenseure des droits des Femmes), elle était une admiratrice de la
Révolution française.
23 juin : A l'Assemblée, Robespierre déclare après les interventions de
M. Mangin, chirurgien à Varennes venu apporter son témoignage : « Vous
avez applaudi ce matin au zèle des citoyens qui ont arrêté le roi, mais
ce n'est point assez ; il faut encore saisir l'occasion la plus utile
qui se soit présentée à vous, de récompenser et d'encourager les vertus
civiques. C'est dans le moment le plus critique de la révolution, où M.
Mangin et ceux qui ont secondé l'action la plus patriotique ont rendu à
la patrie le plus signalé de tous les services, que vous devez à ces
citoyens une récompense digne à la fois de leur patriotisme, et du
peuple libre qui doit les récompenser. Je demande qu'il soit décerné
par l'Assemblée nationale une couronne civique au sieur Mangin qui a le
plus contribué à l'arrestation du roi et de sa famille (Vifs applaudissements). » Mais le député Rewbell précise à son tour : « Le
sieur Mangin n'est pas le seul à s'être distingué dans cette
circonstance ; le sieur Drouet, maître de poste à Sainte-Menehould, est
le premier qui a conçu des soupçons sur la qualité des personnes qui
ont pris des chevaux chez lui et il s'est rendu à Varennes pour
prévenir la municipalité. » (lire après, en bas de page, le texte de Robespierre sur la fuite du roi). Le jeune Saint-Just pas encore député publie : De l'esprit de
la Révolution et de la constitution de France.
26 juin : Il est fait état d'une grande agitation dans la région Lyonnaise à l’annonce de la
fuite des époux royaux. L’ancien gouverneur du Sénégal, Guillet de
Montet est tué et jeté dans un brasier dans son château. Au Luxembourg,
le marquis de Bouillé adresse un courrier menaçant à l’Assemblée et se
déclare responsable de la fuite du roi, il est encore élu de l’Assemblée. A
Paris, le roi est entendu par les 3 députés : Duport, Tronchet et
d’André sur les circonstances de son « enlèvement », soit les débuts de
la supercherie, ou comment faire passer sa fuite pour une conjuration
cousue de fil blanc. A la chambre des députés il est lu la déposition du roi. La question de la régence est posée.
Le 27 juin : J.P. Marat lance le sobriquet de « Capet » pour parler du
roi.
28 juin : Philippe d'Orléans est sollicité par Brissot de Warville
depuis le 26, il renonce à la régence publiquement. Mais pose le
problème du régime : lire le texte sur la République de Nicolas de
Condorcet. Une délégation des ouvriers des ateliers de secours se rend
à l’Assemblée pour protester contre leurs fermetures. Parution du premier numéro du Journal du club des Cordeliers avec son supplément (10 pages). (Source : Gallica-Bnf, année 1791, 102 pages)
29
juin : Monsieur (frère du roi) franchit la frontière des Pays-Bas
autrichien. Il s’installera à Bruxelles, où le comte d’Artois son frère
cadet le
rejoindra. A l’Assemblée, 290 députés loyalistes se refusent de
participer aux délibérations, tout en continuant de siéger, ce que l’on
nomme une obstruction parlementaire et compose le camp des plus
radicaux et ultras monarchistes, soit environ 25% des députés de la
chambre. A Aix, le directoire départemental fait appel aux citoyens qui
disposent de plus de 6 fusils, de les remettre « dans les 24 heures ».
30 juin : Dans la capitale, une rumeur circule et enfle sur le fait que
Louis XVI aurait piqué une grosse colère, il est aussi objet de caricature
depuis peu, et d'articles contradictoires de la presse sur le sujet.
Marat écrit que le roi « S’est mis à jouer le fou et l’enragé pour endormir les parisiens sur son nouveau projet d’évasion. » (L’Ami du Peuple ou le publiciste parisien, quotidien, n°506), tandis qu’un quotidien modéré, Le Spectateur National et le modérateur,
après avoir brièvement repris la nouvelle, précise que la colère se
serait produit « les 28 et 29 juin » mais affirme que cette nouvelle
est fausse ; et au final le duc Orléans est accusé d'en être à
l'origine... (Source : CAIRN.INFO, Me Annie Duprat, Une campagne de presse en 1791 : la folie de Louis XVI, Le temps des médias, n°7 - année 2006)
à suivre...
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