I - Le mois de
janvier 1790
Vendredi
1er janvier : A Paris, au château des Tuileries, une députation de
l’Assemblée nationale, de la Mairie de Paris, de l'état-major de la
garde nationale de Paris, etc., viennent présenter, au roi et à la
reine, leurs hommages pour la nouvelle année.
2 janvier : A la Constituante, le marquis de Montesquiou fait un
rapport, il est présenté un plan de financement proposé par le comité
des
finances, le tout suivi d'interventions des députés sur le sujet. Il
est ensuite fait état de l'affaire de Toulon, puis est fait un
compte-rendu par le président d'une
députation en visite au roi et à la reine.
Le soir, le Maire de Paris, M.
Bailly fait une intervention au nom de la Commune et de la garde
nationale, et se tiennent des discussions sur des projets d'impositions
(Berry, Rouen).
3 au 7 janvier : Dans la capitale, Jean-Paul Marat prend parti dans L'Ami du Peuple pour le chevalier
James Rutledge, prisonnier depuis la fin décembre de l'an dernier au
Châtelet, et publie son Mémoire
sur 2 numéros (du 3 et 4 janvier) où il fait une dénonciation de MM.
Necker et Valdec de Lessart (collaborateur du ministre des finances).
4 janvier : M. l'abbé de Monstequiou est élu à la présidence de
l'Assemblée. Le roi est prié de fixer lui-même « la portion des
revenus
publics que la nation désire consacrer à l'entretien de sa maison »
(Motion présentée par M. Le Chapelier concernant la liste civile, nom donné aux
dépenses du monarque).
5
janvier : A Bordeaux, la municipalité évoque une fête commémorative
pour le 14 juillet. Le processus fédératif ou en relation avec la
Fédération est en marche (à ne pas confondre avec le fédéralisme). A
la Constituante l'on débat des pensions.
6 janvier : Jour de l'épiphanie et de la galette, aux couvents
Jacobins, la Société des amis de la Constitution après que chacun est
reçu une part, sauf une part réservé aux pauvres et renommé à
l'occasion "la part du diable", personne n'a la fêve
et sême le trouble dans l'assistance avec un début d'incendie et une
légère bousculade. (Source : OpenEdition, L’épiphanie, entre dérision et volonté d’abolition, Michel Biard)
Il se tient la première réunion du Club helvétique de Paris, où se
rassemblent des patriotes suisses (ce club prendra fin en août 1791).
7 janvier : A Versailles, il éclate une émeute. La municipalité est
forcée
par la foule de baisser le prix du pain.
8 janvier : A l'Assemblée, il
est décidé l'envoi des commissaires civils chargés d'installer les
nouvelles
autorités.
9 janvier : Dans L'Ami du Peuple
du jour, il est fait part de l'émeute survenue deux jours avant : « Hier
soir, il y eut une insurrection à Versailles au sujet de la disette du
pain. La garde nationale accourue pour rétablir le calme, n'en put
venir à bout, quelques infortunés ont perdu la vie, deux soldats ont
été tués. Berthier (député de Nemours),
l'odieux Berthier, n'a échappé la lanterne que par la fuite, de même
que le vil Froment, bailli de la ville et âme de la municipalité.
» et que le quotidien la Chronique de Paris (du 16 janvier)
présente comme de fausses informations par un sous-lieutenant de la
Garde nationale de Versailles. « Il (Marat)
avance, dans son numéro du 9 janvier, que l’émeute du 7 avait pour
cause la disette du pain, et ce n'était que son prix ; qu’il y eut
plusleurs citoyens de tués, et il n’y a pas eu un seul coup de porté ;
que ce soulévement a été suscité par l’odieux Bertier, à qui personne
ne peut justement faire aucun reproche, et le vil Fromme (le bailli),
qui est absent de Versailles depuis plus de trois mois. »
10 janvier : Dans la capitale, selon Gilbert Romme avec son élève
Strogonoff, ainsi que quelques amis auvergnats précise-t-il,
ils
fondent la Société des Amis de la loi. Ce
club tiendra ses réunions chez Théroigne de Méricourt, archiviste de la
Société.
11 janvier 1790 : Bruxelles, suite à la réunion de députés
conservateurs et progressistes des différentes régions des états
belges, sauf le Luxembourg qui est resté sous l'autorité des
Autrichiens, il est ainsi proclamée la république fédérale des «
États-belgiques-unis ».
12
et 13 janvier : A la Constituante est annoncée, par le vicomte de
Noailles, la mort le 10/01 de M. Pierre Berthier à Paris, député du
bailliage de Nemours. La motion de M.
Goupil de Préfeln est presentée concernant la poursuite des crimes de lèse-nation. Est
aussi à l'examen un Projet d'administration pour la ville de
Paris présenté par M. de La Metherie, docteur en médecine qui
propose pour les maisons de force, qu'elles «
doivent
être surveillées avec soin. Personne n'ignore les malversations qu'y
commettent les proposés. Bicêtre, la Salpétrière, le dépôt de
Saint-Denis, etc, doivent étré supprimés en partie. On enverra dans les
villes fortes, dans les ports, etc, les personnes condamnées aux
travaux publics. Les vieillards infirmes, indigents, rentrent dans la
classe des pauvres dont nous venons de parler. Enfin,
les femmes prostituées doivent jouir comme citoyennes de leur liberté.
On ne les renfermera que pour les faire guérir lorsqu'elles seront
malades. L'arbitraire doit être
exclu ici comme ailleurs. Elles ne peuvent être enfermées à Londres
qu'environ deux mois. » Les propositions ne seront pas insérées dans le Moniteur
est-il précisé comme note (Archives Parlementaires Stanford,
page
177, tome XI). Le
lendemain il est lu des Adresses dont l'une provient de la
municipalité d'Ajaccio.
14 janvier : Dans la capitale, au théâtre du Palais royal on joue une
nouvelle pièce de M. Collot d'Herbois, une comédie en trois actes, La
journée de Louis XII.
Cette pièce remporte un certain succés et elle est jouée un vingtaine
de fois en deux mois. Le texte semble n'avoir jamais été imprimé.
Vendredi 15
et samedi 16 janvier : A l'Assemblée
le nombre de départements est fixé
à 83.
Le décret relatif aux départements sera décidé le 26 février. Le
lendemain après le rapport du Garde des sceaux sur les troubles se
produisant dans le pays, plus tard M. Duport déclare avoir « saisi
cette circonstance pour démontrer la nécessité d'organiser promptement
les municipalités dont le premier devoir serait de s'occuper de la
mendicité. S'il y a tant de pauvres aujourd'hui, a-t-il ajouté, cette
misère est peut-être causée par la rareté des pièces de billon ou de
monnaie grise. Telle personne qui donnerait une pièce de 6 liards ou 2
sous aux pauvres ne peut leur en donner une de 6 ou de 12. S'il y avait
plus de monnaie grise, il y aurait plus d'aumônes. Une preuve de la
rareté de cette monnaie, c'est que nous en avons beaucoup d'étrangères
; je demande que l'Assemblée prenne ces observations en considération. »
17 janvier : A Paris, M. Gourverneur Morris (étasunien, plus ou moins
en mission en Europe depuis 1789) est en compagnie de M. et de Me de
Lafayette, il rapporte dans son Journal l'échange avec le commandant-général : « La
Fayette songe encore à une combinaison ministérielle : « Il dit qu'un
premier ministre est nécessaire. Je lui demande qui sera aux finances,
si ce sera l'évêque d'Autun. Il dit qu'il ne ferait pas l'affaire ;
qu'il est inférieur à̀ la tâche. Que M. Touret pour le ministère de
l'Intérieur et M. de Saint-Priest pour les Affaires étrangères iront
bien ; mais qu'il n'y a pas d'autres hommes suffisamment éminents. » (Source : Gouverneur Morris, un témoin américain de la Révolution française, page 184, Paris 1906)
18 janvier : A la Constituante, M. Target en remplacement de M.
Montesquiou est désigné
président de l'Asssemblée et il est assisté de MM. l'abbé Expilly, le
vicomte de Noailles et de la Borde de Mereville, comme nouveaux
secrétaires des séances.
19 janvier : A Pontivy, la jeunesse bretonne fait le serment de «
vivre libre ou mourir ». Au Parlement, est lu un rapport sur les
limites du département de Paris, où il est précisé que la ville de Saint-Denis refuse d'appartenir au département parisien. « L'Assemblée
nationale a décrété : Que le département de Paris aura environ trois
lieues de rayon, excepté depuis Meudon jusqu'au dessous de Saint-Cloud,
où il sera borné par les murs du parc de Meudon, et par une ligne qui,
embrassant Clamart et les Moulineaux va finir au pont de Sèvres, d'où
le milieu de la rivière servira de limite, les deux ponts de Sèvres et
de Saint-Cloud réservés néanmoins en entier au département de Paris ;
qu'au-dessous de Saint-Cloud les limites s'élèveront, au nord-ouest,
jusques vis à vis le village des Carrières de Saint-Denis, à partir
duquel le milieu de la rivière bornera le département jusques au
territoire de la paroisse d'Épinay ; que depuis ce point le rayon aura
trois lieues jusqu'au coude de la Marne à Champigny ; qu'il aura trois
lieues et demie depuis le coude de la Marne jusqu'à Bonneuil, et que,
depuis Bonneuil jusques au-dessus du Plessis-Piquet, le rayon de trois
lieues à partir du Parvis Notre-Dame servira de règle conformément au
décret de l'Assemblée qui a décidé que ce rayon s'étendrait à trois
lieues au plus ; enfin, que depuis les bornes du Plessis-Piquet une
ligne tirée jusques aux murs du parc de Meudon servira de limite ». (Source : La création de Paris et son étendue, page 21, Fernand Bournon, 1897)
20 janvier : Le comte Bleickard d'Helmstatt, député de la
noblesse pour le bailliage de Sarreguemines, donne sa démission de
l'Assemblée constituante refusant tout choix de réforme. M. Bailly
adresse une lettre sur la misère qui règne à Paris et un rapport
est fait par M. l'abbé Sieyès sur les délits de presse devant la
chambre. Le philanthrope John Howard, auteur britannique,
a été traduit en français en 1788 pour son livre : l'État des prisons, des
hôpitaux et des maisons de force, il décède à 63 ans en Ukraine
à Kherson.
21 janvier : A l'Assemblée, il est décrété l'égalité des peines et la
décapitation comme mode d’exécution des peines capitales sur
proposition du docteur Guillotin. Ce débat sur le code pénal avait
été préalablement débattu, il s’agissait de l’égalité devant la mort
qui fut abordée dès octobre, puis en décembre 1789. Ce travail
parlementaire ne fait que commencer et se prolongera jusqu’en avril
1792 avec les décrets d’applications pour la mise en oeuvre de
l’échafaud. Ce jour, 4 articles sont décrétés et d’autres votés à la
séance du soir (Archives Parlementaires, page 279 du
tome XI).
Jusqu’alors, les sentences capitales touchaient aussi les membres de la
famille proche, se voyant ainsi bannis de leur domicile et punis
d’amendes pour une faute commise par un familier, s’il s’agissait d’une
condamnation à mort ou plus généralement un crime de sang ou
contrevenant aux lois criminelles en vigueur. Si le travail du député
des faubourgs de Paris, Joseph Guillotin, peut étonner, il faut
souligner une véritable avancée en matière d’égalité. Il est aussi approuvée la motion de
M. Barnave au sujet des citoyens indigents de Paris, suite à la lettre
adressée à l'Assemblée par le maire de Paris, M. Bailly. Le soir, il
est pris connaissance d'une Adresse
de la Société des amis des noirs de Paris pour l'abolition de
la traite négrière, et la discussion continue sur divers articles
proposés par
M. Guillotin sur les lois criminelles et leur adoption.
Les peines capitales de Monsieur Gulllotin...
M.
Guillotin demande à présenter quelques observations et dit :
« Dans
tous les cas où la loi prononcera la peine de mort, contre un
accusé, le supplice sera le même, quelle que soit la nature du délit
dont il se sera rendu coupable. Le criminel sera décapité. Il le sera
par l'effet d'un simple mécanisme. Nul ne pourra reprocher à un citoyen
le supplice ni les condamnations infamantes quelconques d'un de ses
parents. Celui qui osera le faire sera réprimandé publiquement par le
juge. La sentence qui interviendra sera affichée à la porte du
délinquant : de plus, elle sera et demeurera affichée au pilori pendant
trois mois.
Ne doutez pas un seul instant que
le préjugé ne se dissipe. .Cette
révolution sera l'ouvrage du temps. Rien n'est si difficile que de
détruire une sottise qui s'est accrochée au prétexte imposant de
l’honneur ; elle tient à un sentiment presque irrésistible, que
l'habitude a identifié avec notre existence sociale; mais quand cette
sottise fait une partie de nos moeurs et s'est mariée avec d’autres
usages aussi peu réfléchis, il semble qu'elle soit indestructible : or
tel est le préjugé de cette infamie héréditaire que nos ancêtres
avaient consacrée depuis tant de siècles.
La
révolution étant universelle, elle frappera sur cette inconséquence
morale, qui faisait partager à l'innocence les peines d'un crime ou
d’un délit. Sans ce bouleversement général de la législation, cette
erreur aurait résisté encore pendant plusieurs siècles aux déclamations
des orateurs, aux efforts combinés de la philosophie et des lois. C'est
dans le peuple surtout qu'elle s'était fixée; car la noblesse en avait
secoué le joug or les vérités morales sont difficilement, saisies par
un peuple égaré, qui respecte; par habitude tout ce qui lui a été
transmis par ses pères, et adore religieusement jusqu'au mensonge qu'il
a entendu répéter dès son berceau. Il faut espérer que le peuple
s'empressera de s'instruire. Admis dans différents emplois à quelques
parties de l’administration, il s’éclairera promptement; il apprendra
les lois de son pays, qu'il ignorait ; et la vérité sera substituée à
une foule de sottises avec lesquelles la cupidité sacerdotale ou le
despotisme des souverains amusait sa faiblesse et sa crédulité».
« M. le Président met aux voix
l'article 6 qui est adopté. Enfin les 4 articles adoptés ont été
rédigés et décrétés en ces termes.
L'Assemblée
nationale a décrété et décrète ce
qui suit :
« Art.1.
Les délits du même genre seront punis par le même.genre de peine, quels
que soient le rang et l'état des coupables.
« Art.2. Les délits et
«les crimes étant personnels, le supplice; d'un
coupable, et les condamnations infamantes quelconques n'impriment
aucune flétrissure à sa famille. L'honneur de ceux qui lui
appartiennent n'est nullement entaché, et tous continueront d'être
admissibles à toutes sortes de professions, d'emplois et de dignités.
« Art.3. La
confiscation des biens des condamnés ne pourra jamais être prononcée
dans aucun cas.
« Art.4. Le corps du
supplicié sera délivré à sa famille, si elle le
demande. Dans tous les cas, il sera admis à la sépulture ordinaire, et
il ne sera fait sur le registre aucune mention du genre de mort. »
Il est arrêté, en
outre, que les
quatre articles ci-dessus seront
présentés incessamment à la sanction royale, pour être envoyés aux
tribunaux, corps administratifs et municipalités. (…) M. le Président
lève ensuite la séance en indiquant celle de demain, pour 9 heures du
matin ».
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22 janvier : A Paris,
suite à une tentative d'arrestation de Marat par les forces de police,
le journaliste ayant attaqué vivement Necker dans l’Ami du peuple,
un combat de rue éclate entre les habitants du district des Cordeliers
et
les forces de l'ordre. Dans un long texte s’appelant « l’Appel à la
Nation », il écrit « souvenez-vous du 22 janvier » !
23 janvier au 5 février : A mi-chemin et à l'Ouest de Rennes et de
Nantes, vont se dérouler des révoltes agraires au sein des paroisses situées
entre Redon (Ile-et-Vilaine) et Ploërmel (Morbihan), jusqu'à l'arrivée
début février de forces armées. L'on dénombrera la mort de plusieurs
paysans et au moins 9 arrestations.
24 janvier : En Corrèze, les châteaux sont saccagés. Dans La Chronique de Paris (n°24)
signale qu'on « lit, dans les derniers numéros de
l'Observateur, des lettres d'un prisonnier de Bicêtre (à
Gentilly),
nommé M. Musquinet de la Pagne, qui réclame contre la dureté des
administrateurs, qui, à leur tour, paraissent réfuter victorieusement
ses plaintes. Ce, prisonnier sollicite un jugement du Palais-Royal ou
la Grève, dit-il dans sa dernière lettre. C’est une justice que l'on ne
saurait lui refuser. »
25 au 27 janvier : A la Constituante, Robespierre réclame la suppression du
décret sur le « marc d'argent » et fait une motion sur l'exercice
des droits de citoyen actif : « La
souveraineté réside essentiellement dans la Nation. La loi est
l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont le droit de
concourir à sa formation, soit par eux-mêmes, soit par leurs
représentants, librement élus. » Le député d'Arras a terminé son
discours sous les insultes et les huées. La grande majorité a refusé le
suffrage universel et elle est restée insensible à la « défense des
intérêts
du peuple ». Le lendemain, il est décidé qu'aucun de ses membres ne
pourra recevoir nul emploi, ni faveur à la Cour, même en donnant sa
démission. Le 27, les débats sur la division des
départements continuent.
28 et 29 janvier : A la chambre des députés est lu le
rapport par
M. de Talleyrand sur l'état des Juifs comme citoyens actifs, une mesure
réclamée par les Juifs dits Portugais de Bordeaux. Les Juifs du
Sud-ouest
(Bordeaux et Bayonne), puis le lendemain d'Avignon et les Comtadins du
Comtat Venaissin obtiennent « droit de
cité » ou de devenir citoyens actifs et passifs, mais pas ceux de l'Est
(Lorraine et Alsace). Ce même jour à la
Constituante parvient une Pétition des juifs établis en France, adressée à
l'Assemblée nationale (source Gallica-Bnf),
elle
est signée par la députation de MM. Mayer-Marx, Berr-Isaac-Berr, David
Sintzheim,
Théodore Cerf-Berr, Lazare Jacob et Trenelle père, pour le Syndic-Général
des Juifs. Le jour suivant est discuté un procès-verbal - ci-dessous - pour l'octroi
de la citoyenneté pour les Juifs parisiens,
provenant de l'assemblée du district des Carmélites et trouve un écho
favorable chez l'abbé François-Valentin Mulot, président de séance. M.
Bouche demande que l'on ajoute les Juifs Avignonnais et les Comtadins.
0
Procès-verbal des délibérations
de l'assemblée du district des Carmélites
(voeux pour l'admission des Juifs à la citoyenneté)
M. le président a
rendu compte d'une députation faîte à l'assemblée générale des
représentants de la commune, par la nation juive, demeurant à Paris,
pour réclamer l'appui de la commune auprès de l'Assemblée nationale, à
l'effet d'être admise à l'honneur de partager avec les autres citoyens
français, sans distinction, les droits de citoyens actifs, que le
préjugé et la législation passée leur ont jusqu'à présent refusés.
Lecture faite de l’adresse présentée à l'Assemblée nationale, le 26
août dernier, au nom de la nation juive, M. le président ayant prié
l'Assemblée de discuter la question de savoir si le district voterait
en leur faveur l'admission aux droits de citoyens actifs, les juifs
présents à l'assemblée se sont retirés. La matière longtemps et
suffisamment discutée, l'assemblée, considérant que, depuis le
commencement de la révolution, les juifs, demeurant dans
l'arrondissement du district, se sont toujours conduits avec le plus
grand zèle, le patriotisme le plus pur et le plus généreux ;
- Considérant que
l'adresse par
eux présentée à l'Assemblée nationale renferme leur soumission la plus
entière aux lois et tribunaux du royaume, et leur renonciation au
privilège d'avoir des chefs particuliers et autres privilèges dont ils
ont toujours paru le plus jaloux ;
- Considérant aussi que
le
préjugé funeste qui, jusqu'ici, les a tenus plongés dans
l'avilissement, n'était pas propre à leur inspirer les sentiments de
bons et loyaux citoyens ; que les moyens de donner à tous les juifs
l'énergie qui convient à des hommes libres, c'est de les faire
participer à cette honorable qualité ;
- Considérant enfin que
le
district des Carmélites, celui qui renferme dans son sein le plus de
juifs, a été, comme il l'est encore, le plus à portée de connaître leur
conduite publique, et de leur rendre justice sur le zèle et le
patriotisme qu'ils ont toujours montrés ; pensant même qu'il leur est
dû dé la reconnaissance ;
- A arrêté unanimement
de porter
à l'assemblée des représentants de la commune, le vœu formé par le
district, pour que les juifs dont il atteste la bonne conduite, et
l'entier dévouement à la chose publique, jouissent désormais des droits
de citoyens actifs, lorsqu'ils rempliront les autres conditions
imposées par les décrets de l'Assemblée nationale. A cet effet,
l'assemblée a nommé MM. de Gerville. Le Nain, Chiboust, d'Ailly, Le
Verdier et Choie, ses députés, pour présenter son arrêté à l'assemblée
des représentants de la commune.
- A arrêté, en outre,
que cet arrêté serait envoyé à M. le président de l'Assemblée
nationale, et aux 59 autres districts.
Pour
l'extrait conforme à l'original. Signé, Gavot, l'un des secrétaires.
Source : Archives
Parlementaires, Bib. de Stanford - Extrait
du procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale du district
des Carmélites, ci-devant le Sépulcre. (Du vendredi 29 janvier
1790)
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30 janvier : A
l'Assemblée, en fin de séance du matin, le Président donne connaissance
du résultat du scrutin pour la nomination du comité de mendicité. Les
membres élus sont : MM. le duc de Liancourt. De Coulmiers, abbé
d'Abbecourt. Prieur. Massieu, curé de Sergy. Dans la
capitale, à l'occasion de la demande faite le 27,
par les juifs de Paris, M. Debourge
devant les représentants de la Commune déclare que :
« Les
Juifs de la Capitale vous ont demandé deux choses : la première, est un
témoignage de votre satisfaction pour leur conduite, avant et depuis
la révolution. Ce n'est point sans raison que vous demandent un
témoignage honorable des sujets paisibles, dont les ennemis même ne
contestent pas les vertus domestiques. On ne voit le nom d'aucun d'eux
scandaleusement inscrit, ni dans les Registres de Police, ni dans les
Greffes des Tribunaux : sur cinq cents Juifs qui habitent Paris, il
en est plus de cent qui servent avec distinction dans la
Garde-Nationale ;
ils sont par conséquent dignes d'estime, et l'accueil favorable
qu'ils ont reçu de vous le 27 de ce mois, leur est un sur garant de
votre suffrage. (...)
« Nous
allons nous étayer de quelques Réflexions préliminaires. Pour jouir des
droits de Citoyen, il suffit d'être domicilié dans un Etat, d'y payer
les impôts, et d'y remplir les devoirs prescrits par la Loi.
(...) »
(Source
: Gallica-Bnf, extraits
du Discours prononcé le 30 janvier dans l'assemblée
générale des représentants de la Commune)
31 janvier : A Valence se tient une assemblée
fédérative. A Paris, la
municipalité interdit les « mascarades ». Il s’agit en fait de
l’interdiction du Carnaval, parce que tout déguisement devient prohibé
ainsi que l’essentiel, la vente des costumes et des masques ! Sinon M.
de Lafayette signe pour la Municipalité et les Gardes nationales
parisiennes un document sur la Police
des spectacles en 7 points (Source : Gallica-Bnf, La Gazette nationale
n°31, page 124)
1° Le
commandant des postes seront rendus une demi heure avant de poser les
sentinelles, pour en faire I’inspection, et s’assurer de la tenue de
leurs postes et des alentours.
2° Les commandants des postes prêteront
secours et assistances aux directeurs, toutes les fois qu'ils en seront
requis.
3° Il sera consigné à chaque sentinelle
de laisser entrer qui que ce soit en éperon.
4° Seront exemptés de cette règle, M. le
commandant général , MM. les officiers supérieurs de l’état-major
général, etc, etc.
5° Il sera permis à une sentinelle de
quitter son poste pour avertir du feu et de ce qui troublerait le
spectacle.
6° Toute personne qui tenterait de
troubler le spectacle de quelque manière que ce soit, sera invitée de
se contenir avec plus de prudence et d'honnêteté. Si elle persistait
elle sera priée de se se retirer, et si elle refusait, elle sera
arrêtée et conduite à l’état-major ; si c’est un homme en uniforme de
la garde nationale parisienne, et s'il est porteur d'un autre uniforme
ou d'un habit bourgeois, il sera conduit au commissariat de police du
district dans lequel sera commis le délit.
7° La même configuration pour tous les
spectacles, dont la garde est confiée à la cavalerie.
II – Le mois de février 1790
Lundi 1er et mardi 2 février : A la chambre des députés,
suites des discussions sur
la division des départements du royaume, un mémoire est présenté sur la
division de
la Provence. Le lendemain la présidence de l'Assemblée passe à M.
Bureaux de Pusy. Claude Mansard, maître de pension (ou d'école) fonde
la Société fraternelle des patriotes des deux sexes. Il
dispensera au sein du couvent des Jacobins des cours pour la population
illettrée de la capitale pour faire connaître « les principes de
l'ordre nouveau »,
selon Albert Mathiez. Il est précisé que cette date du 2 février lui a
été donnée, par une estampe du musée Carnavalet trouvée dans l'Histoire
socialiste de la Révolution française dirigée par Jaurès. (lire
l'article de la Chronique de Paris du 21/11/90)
Depuis octobre 1789, c'est aussi le lieu de rencontre de la Société
des Amis de la Constitution issue de l'ex-club Breton.
Couvent des Jacobins - rue St-Honoré
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3 février : Le département des Hautes-Alpes est décrété par l'Assemblé nationale. (Source : Gallica-Bnf, carte des Hautes-Alpes avec les districts)
4
février : Le roi se rend à l'Assemblée pour déclarer que le couple
royal accepte le nouvel état des choses et sans arrière-pensée… (Aucune
!) Le serment civique devant être prêté par tous les députés.
5 février : Il est envoyé par la chambre une députation au roi.
6 février : Les départements de la Charente inférieure et la Gironde sont décrétés par l'Assemblée nationale.
LA
SIGNIFICATION
DU SERMENT
« Celui qu'on prête en France est
le lien du contrat politique ;
il
est pour le peuple un acte de consentement et d'obéissance, dans le
corps législatif le gage de la discipline ; dans le monarque le respect
pour la liberté ; ainsi la religion est le principe du gouvernement ;
on
dira qu'elle est étrangement affaiblie parmi nous ; j'en conviens, mais
je dis que la honte du parjure reste encore où la piété n'est plus et
qu'après la perte de la religion un peuple conserve encore le respect
pour soi-même qui le ramène à elle si les lois parviennent à rétablir
ses mœurs ».
Saint-Just,
Esprit de la Révolution, troisième
partie, chapitre XXII
7 février : A Lyon, des émeutes
éclatent pendant lesquelles la
population s'empare des armes de l'arsenal et oblige les échevins
Lyonnais à constituer une Garde nationale. Il est publié par
l'Assemblée une adresse aux Français « Vous possédez maintenant la
liberté, montrez-vous digne de la conserver ».
8 février : A Paris, la Société des amis de la Constitution se
dote d'un réglement intérieur.
9 février : Dans la capitale, Sylvain Maréchal,
souvent emprisonné avant 1788 pour ses prises de position peu
orthodoxes, ce théoricien de l'athéisme et de la grêve générale est
considéré comme le précurseur de l'anarchisme ; il publie, ce jour, un
nouveau journal nommé : Le Tonneau
de Diogène ou les Révolutions du Clergé. D'ici peu d'années (1793),
il sera aux côtés de Gracchus Babeuf. A la Constituante, M. l'abbé
Grégoire, président du comité
des rapports, rend compte des troubles qui subsistent dans le Quercy,
le Rouergue, le Périgord, le Bas-Limousin et une partie de la
Basse-Bretagne : «
Quelques
paysans réunis en troupes armées portent la désolation dans toutes les
propriétés nobles ou roturières ; ils augmentent en nombre à mesure
qu'ils étendent leurs ravages. Le comité a cherché à découvrir les
causes de ces désordres pour vous en indiquer le remède. » Par la suite, Garat l'ainé
rend compte de l'exécution
du décret à Bordeaux concernant les Juifs. Les discussions sur les
départements sont toujours à l'ordre du jour. A Londres, au Parlement, MM. Burke et Fox
affichent leurs désaccords sur la Révolution.
10 février : Sur l'île de la Cité, les époux royaux visitent l'hôpital
des Enfants-trouvés après avoir entendu la messe à Notre-Dame.
accompagnés du Dauphin (estampe anonyme ci-dessus). A l'Assemblée, à la
séance du soir, M. Talleyrand, pour le comité de constitution lit une
adresse aux provinces. Le sujet sera débattu le lendemain.
11 février : La Constituante décrète que soit déterminer la valeur
locale de la journée de travail, d'après laquelle doit se former la
liste des citoyens actifs. Le décret est sanctionné le lendemain.
12 février : L'abbé Sieyès fait publier un opuscule, où il propose un Projet de décret provisoire sur le clergé etc.,
dans lequel il précise ne pas se satisfaire d'une vision limitée sur
les biens du clergé et que cela doit se construire dans un ensemble
plus vaste, il tente donc d'en poser les contours avec 72 articles. Son
avant-propos en explique le pourquoi, et que la raison doit prévaloir. (Source: Gallica-Bnf, 36 pages dont 14 pour l'avant-propos)
13 février : A l’Assemblée, les voeux monastiques sont interdits et de
même, il est décidé la suppression des ordres et congrégations
régulières, sauf pour les ordres répondant à des questions d'éducation
publique et de charité. La séance a été mouvementée, mais le décret est
passé. Leurs membres pourront donc les quitter librement, sur une
simple déclaration aux autorités municipales : ils recevront alors une
pension. C’est la suite du processus commençant avec la nationalisation
des biens du clergé fin 1789 et n’est qu’une étape sur la mise en ordre
du
clergé et des différends qui ne vont aller en grandissant entre l’Etat
et l’église catholique romaine.
Dimanche 14 février : A la cathédrale Notre-Dame, l'on chante un Te Deum en hommage au roi.
15 février : A l'Assemblée, il est pris un décret relatif au choix des
chefs-lieux et établissement des départements et districts et à leurs
limites.
16 février : Dans le Gard, à Uzès, les ultras catholiques ou papistes
demandent que le catholicisme soit déclaré religion d'Etat. Election de M. de
Talleyrand de Périgord à la présidence de l'Assemblée avec 373 voix.
17 février : Dans la capitale, au sujet des théâtres il est décidé qu' «
à chaque représentation du spectacle, se trouvera un commissaire de
police pour veiller au maintien du bon ordre sous les ordres des
officiers municipaux qui s’y trouveront. Le directeur du spectacle
devra mettre en tète de ses affiches : Par permission de MM. les
officiers municipaux ». (Source : Gallica-Bnf : Inventaire sommaire archives municipales de la période révolutionnaire, série police locale, page 89) Dans la nuit du 17 au 18 février, il éclate à la Maison de Bicêtre, sise à Gentilly, une révolte de prisonniers.
18 février : Dans la Gazette de France « Des
avis de Berlin disent : que l'Impératrice de Russie a conçu le projet
de faire de la Moldavie, la Bessarabie, et de la majeure partie de la
Walachie (ou Valachie), un
Etat Souverain particulier, et de lui donner un Souverain de l'Eglise
Grecque, indépendant de la Porte Ottomane et de toute autre Puissance. » (Source : Gallica-Bnf, Gazette de France)
19
février : A Paris, Favras est pendu en place de Grève. Il est mort sans
révéler le nom de ses complices dans le projet d'évasion du roi, et de
la tentative d'assassinat contre MM. de Lafayette et de Bailly, son
acte
d’accusation. A Bicêtre (suite et fin), les prisonniers sont retranchés
depuis près de deux jours. Depuis Paris, il a été décidé l'envoi d'une
cinquantaine de cavaliers et de 80 canons pour mettre fin au désordre.
Une fois la troupe arrivée ce jour, s'engagent des pourparlers, et la loi martiale
est lue aux mutins, ils sont ainsi avertis des menaces qu'ils
encourent, s'ils ne se rendent pas. Devant un tel rapport de force et
au bout de la troisième sommation, tous finissent par se rendre et l'on
ne déplore aucune victime. (Source : Gallica-Bnf, Paul Bru, Histoire de Bicêtre, pages 65 et 66, édité en 1890)
20 février : A Paris, le Journal universel, ou Révolutions des royaumes informe sur une sédition de prisonniers : « Hier,
dans la nuit, les Forçats employés à tirer l'eau du puits de Bicêtre,
manifestèrent des mouvements de sédition. Ils avaient dessein de se
sauver. L’un d’eux, plus adroit que les autres, s’échappa ; mais il fut
atteint d’un coup de fusil lâché par un Garde de Bicêtre. Nouveau motif
d’insurrection : Un détachement de Cavalerie de Paris y court, le
Bataillon des Cordeliers y vole aussi, et tout est calme actuellement.
Les Aristocrates seraient-ils parvenus à soulever les Citoyens de
Bicêtre? » (Source : Retronews-Bnf, n°90, pages 1 et 2) A la Constituante, des pensions pour les religieux sont
créées, allant de 700 à 1.200 livres, suivant l'âge. Décès de
l'Empereur Joseph II, frère de Marie-Antoinette. Des troubles ont
éclaté à Marseille, Bordeaux et Béziers.
21 février : Il se tient à̀ Dole la fédération des milices d’Alsace, de Champagne et de Franche-Comté.
22-23
février : Dans le centre du pays, à Châteauroux, il éclate une
émeute. A la Chambre des députés, Robespierre intervient sur le
projet de loi relatif au rétablissement de la tranquillité publique, en
cours d'examen. Dans la capitale, M. Palloy organise des réjouissances avec
beaucoup d'éclat. La cérémonie s'achèvera le lendemain avec un défilé
des ouvriers du chantier de la Bastille jusqu'à l'Hôtel-de-ville, où
l'on transporte et dépose une Bastille sculptée (ci-contre) dans une des pierres de
l'ancienne forteresse. |
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23 février : A l'Assemblée, il est décrété que les curés sont tenus de
lire durant les discours en chaire les décrets, et ont droit de les
commenter. Il est aussi voté une loi complémentaire de la loi martiale
qui permet aux communes de faire appel aux différentes forces
répressives. A l'article 3, il est stipulé :
- Dans
les cas
d'insurrection et de violences contre les propriétés ou les personnes,
ou de résistance à la perception des impôts, les municipalités seront
tenues d'employer tous les moyens que leur donne la confiance des
peuples, avant de passer à la loi martiale. Toutes les municipalités se
prêteront mutuellement main-forte réciproque. Si elles s'y refusaient,
elles seraient responsables des suites de leur refus.
24 février : Adresse de la Commune de Paris sur l'admission des
Juifs à l'état civil, ci-dessous le procès-verbal.
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Adresse de l'Assemblée des
représentants
de la commune de Paris à l'Assemblée nationale
sur l'admission
des Juifs à l'état civil
Ci-contre l'abbé Claude Fauchet, signataire, portrait de Bonneville
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MESSIEURS,
La
destinée de la plupart des Juifs du Royaume est
encore indécise ou plutôt, il n'est que trop certain qu'ils restent
encore chargés de leurs fers ; et que leurs chaines semblent tous
les jours s'appesantir davantage, à mesure que les jouissances de la
Liberté se multiplient autour d'eux. Peut-être attendiez-vous qu'une
opinion fortement prononcée vînt fortifier vos généreuses intentions,
et accélérer le moment de votre Justice. Nous nous félicitons d'être
les premiers à vous l'apporter cette opinion ; elle n'est pas la notre
seulement ; elle est celle des nombreux Districts de cette Capitale et
c'est Paris tout entier qui vous parle en ce moment par notre
organe.
Il existe, dans cette
Ville, un assez grand nombre de Juifs. Les uns
font répandus dans les différents quartiers de Paris. Les autres, et
en plus grande quantité, afin de rendre leur réunion entre eux plus
facile, et se dédommager ainsi de l'isolement où ils étaient des
autres hommes, se sont affectionnés à des quartiers particuliers, où il
leur a été impossible d'échapper à la surveillance publique.
Tous,
et par tout,
ont été irréprochables dans leur conduite. Nulle
plainte ne s'est élevée contre eux. Jamais ils n'ont troublé l'ordre
général ; et s'ils étaient les plus malheureux, peut être aussi, ce
qui est assez extraordinaire, étaient-ils les plus paisibles de tous
les Citoyens. A l'instant de la Révolution, leur courage, leur zéle et
leur Patriotisme leur ont acquis des droits à la reconnaissance
publique. Nous les avons vus au milieu de nous, décorés du signe
National, nous aider à conquérir la Liberté ; et tous les jours ils
nous aident à conserver notre Patrimoine commun.
Ah! Meilleurs, s'ils
ont contribué à la conquête de la Liberté,
pourraient-ils être condamnés à ne pas jouir de leur propre ouvrage?
S'ils sont de vrais Citoyens , sous quel prétexte le titre leur en
serait-il refusé? Nous oserons dire qu'ils le mériteraient comme une
récompense, s'il ne leur était pas dû comme un Glaive de Justice.
Leur Religion n'est
point incompatible avec ce titre et avec les
droits qui en émanent, puisque les Juifs Portugais, Espagnols et
Avignonais qui ont reçu de vous la qualité de Citoyens actifs, ont la
même Religion, les mêmes principes, les mêmes usages que les autres
Juifs du Royaume, désignés fous le titre de Polonais et Allemands.
Vous ne souffrirez donc pas que la seule différence dans l'accessoire
seulement de la dénomination, ait une influence différente sur deux
classes d'hommes, qui portent le même nom, que les mêmes principes
unissent, et qui doivent aujourd'hui se confondre les uns avec les
autres, si d'anciennes injustices, ou des prétentions extraordinaires
les séparent depuis longtemps. Vous ne souffrirez pas que dans la même
Ville, où il existera des Juifs Portugais et des Juifs Allemands,
les uns soient tout, et les autres rien ; et que, par exemple, à
Paris, où des Juifs Portugais sont domiciliés à côté des Juifs
Allemands, les premiers soient comblés des faveurs de la Nation, et
les seconds chargés de ses mépris.
Ni
la raison, ni la
Liberté ne peuvent tolérer plus longtemps un
partage aussi monstrueusement inégal. Des Lettres-Patentes avaient été
obtenues par les Juifs Portugais et, quoique fondées sur la nature et
sur la Justice, elles n'étaient cependant qu'une préférence de
l'autorité arbitraire. Serait ce donc ce titre seul qui vous auroit
déterminé Et n'auriez-vous consacré qu'un privilège? Certes, ce
qu'ont
fait des Lettres Patentes pour les Juifs du midi, un Décret National
peut, à plus forte railon, le faire aujourd'hui pour les autres Juifs
du Royaume.
Enfin, Messieurs,
lorsque vous effacez toutes les distinctions entre
les hommes, vous-vous garderez bien de les permettre dans une classe
particulière, et de consacrer, parmi les Juifs, une sorte
d'aristocratie que vos généreux efforts sont parvenus à détruire parmi
les Citoyens Français.
Au nom de l'Humanité et de la Patrie, au nom des qualités sociales
des Juifs, de leurs Vertus patriotiques, de leur vif amour de la
Liberté, nous vous supplions de leur donner le titre et. les droits,
dont il serait injuste qu'ils fussent privés plus longtemps. Nous les
regardons comme nos frères ; il nous tarde de les appeler nos
Concitoyens. Ah! déjà nous les traitons comme tels, notre intérêt nous
fait un besoin d'être confondus avec eux ; notre intérêt nous donne le
droit de réclamer vôtre justice, et pour eux, et pour nous.
Accélérez leur bonheur et le nôtre.
Arrêté par nous,
Commissaires nommés par la Commune à l'Hôtel-de-Ville.
Texte signé par MM. GODARD, L'abbé FAUCHET, BERTOLIO et DUVEYRIER.
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25 février : A la Constituante, il est mis fin au système d’héritage de
l'ancien régime, où seuls les garçons héritaient des biens, notamment
l'aîné, qui profitait du titre et de la charge, si le défunt en avait
une. Ce cadre légal fut aboli en même temps que le droit d'aînesse, qui
toutefois ne va pas disparaître totalement, puisqu’il est aussi reconnu
le testament comme acte civil pour le partage et sans limites fixées ou
cadre précis. Une députation de la Commune avec à sa tête et
porte-voix, l'abbé Millot, ils demandent l'application pour les
Juifs de Paris des droits obtenus par les Juifs Bordelais ou dits
Portugais. Le lendemain le duc de Liancourt reviendra sur l'état civil
des Juifs, mais le débat sera ajourné.
26 février : A l’Assemblée sont pris deux décrets, l’un
relatif à la division de la France en 83 départements et l’autre sur le
rachat des
droits féodaux, les débats datant de l’année 1789. Les
droits sont divisés en deux catégories : Primo, les droits personnels,
obligent directement les personnes. Secondement, les droits réels dus
par la terre n'obligent les personnes que par cet intermédiaire. Sont
placés dans la catégorie des droits personnels : Les
servitudes personnelles et les droits de justice sont déclarés
abolis. Mais les droits réels : sens, champart, dîme (ne
sera payable que pour l’année en cours et disparaîtra suite à des
pétitions populaires), rente foncière, lods et ventes, etc., y sont
présumés légitimes. Ce n'est pas au seigneur de démontrer la
légitimité, c'est au plaignant ou exploitant des terres de prouver
que les mêmes terres en question sont le fruit d'une usurpation, et ne
pourra s'en libérer qu'en
les rachetant. Le rachat lui permettra de devenir libre propriétaire,
mais
moyennant le payement d'une somme égale à vingt-cinq fois la redevance
annuelle, plus une quote-part des droits casuels payable en une seule
échéance.
Au club des Jacobins (est le surnom qui a été donné aux clubistes pour
les stigmatiser) ou plus exactement la Société des amis de la Révolution,
M. Mosneron de l'Aunay, député du commerce, armateur Nantais intervient
pour exposer ses réflexions en 4 points et il soutient
l'esclavage comme indispensable à la bonne marche du commerce :
« présentés
hier, à l'Assemblée nationale, par les députés des manufactures et du
commerce de France et par les députés des citoyens de Bordeaux, réunis
à eux. Le premier est la suppression du privilège exclusif de l'Inde ;
Le second, la suppression du privilège exclusif du Sénégal ; Le
troisième est la conservation du régime prohibitif dans nos colonies,
sauf les modifications nécessaires ; Le quatrième est la continuation
de la traite des noirs.
(...) Je
leur dirai que les esclaves de nos colonies sont soignés avec douceur
et humanité, et que toute l'attention des maîtres se porte à la
conservation des instruments de leur culture. (...) Je
me résume, Messieurs, et j'aurai l'honneur de vous proposer de faire
décréter par l'Assemblée nationale :
1° La suppression du privilège de
la Compagnie des Indes ;
2° La suppression du privilège de la Compagnie
du Sénégal ;
3° Que l'Assemblée nationale, n'entend faire aucune
application de ses décrets aux colonies, et que leur commerce ainsi que
toutes les branches qui en dépendent, seront exploités comme par le
passé, sauf à s'expliquer sur leur régime intérieur et extérieur, quand
elles auront manifesté leur voeu ;
4° Que le roi sera supplié de
pourvoir efficacement à la sûreté des colonies ».
Source Gallica-Bnf, La Société des Jacobins, tome 1,
F.A. Aulard
(Identifiant :
ark:/12148/bpt6k5604265q)
27 février : En Guadeloupe, les délibérations de l'assemblée coloniale ont arrêtés à l'unanimité « qu'il serait fait une adresse à l'Assemblée nationale contre le ministre de la Marine. » (M. Henri de La Luzerne) A Saint-Domingue est élue une assemblée coloniale composée uniquement de colons blancs.
28 février : A la Constituante, il est promulgué un décret sur la
nouvelle organisation de
l'armée et l'égalité de tous les engagés à l'accession aux grades
d’officiers.
III – Le mois de mars 1790
Lundi 1er mars : A la Constituante deux
interventions ont lieu sur la traite des noirs : le baron d'Elbhecq et
M. Pelerin. Aux
États-Unis, le premier
recensement dénombre 3.939.326 d'hommes et de femmes de tous
âges. Au club des Jacobins, Mirabeau en réponse à Mosneron de l'Aunay ,
il prononce un discours sur les "bières flottantes" pour désigner les
navires négriers et contre la traite, il aurait du le prononcer aussi
devant l'Assemblée, ce qu'il ne fit pas. Et ce texte relativement long
(159 pages) ne sera publié qu'en 1830.
2 mars : Assemblée
nationale, le comité des colonies est créé.
C'est sur une question préalable du député Blin voulant aborder la
question de la traite négrière, que celui-ci est coupé par le
président de séance, il s'était opposé à la création d'un comité
spécifique aux colonies l'année précédente. La parole est reprise sur
le sujet par le député Barnave demandant un débat, puis par Alexandre Lameth et son frère Charles déclarant : « Il
faut donc nommer un comité. Si vous n'en nommez pas, il faut au moins
renvoyer au comité de constitution. En dernière analyse, je crois qu'on
ne peut conserver les colonies qu'en les faisant jouir des bienfaits de
la constitution, avec les modifications qu'elles croiront nécessaires,
et qui seront soumises à la prochaine législature. »
3 mars : A Paris, l'assemblée communale, le maire, M. Bailly annonce
avoir reçu 4.400 livres d'une collecte faîte à Saint-Domingue pour les
enfants et les veuves de ceux morts lors de la prise de la Bastille
(déjà évoquée lors de la séance du 26/02). (Source : Sigismond Lacroix, Actes de la Communes de Paris, page 269, vol. 5, Paris 1897)
4 mars : Nord, la Flandre française est intégrée comme département. A
l'Assemblée sont désignés douze membres pour le Comité des colonies,
onze ont des intérêts pécuniers à St. Domingue, dont sept sont des
planteurs. Il est composé de MM. Régouen, De Nompère de Champagny,
Thouret, Gérard (de Saint-Domingue), Le Chapelier, Garesché, Pellerin
de La Buxière, le comte de Reynaud (de Saint-Domingue), Alquier,
Payen-Roisneuf, Alexandre de Lameth, et Barnave. Louis XVI paraphe le décret relatif à l'organisation des 83
départements et des districts.
5 mars : A Paris, un jugement ordonne
une enquête au sujet de l'établissement d'un moulin à blé, demandé par
le sieur Pigeaux, sur la rivière des Nonnettes, affluent de l'Oise,
pour l'approvisionnement de Paris. (Source : Archives nat., pièce manuscrite, Sigismond Lacroix, Actes de la Communes de Paris, page 327, vol. 5, Paris 1897)
Samedi 6 mars : Proclamation de M. le maire, M.M. les lieutenant de maire et conseillers administrateurs au département de la police :
« L'administration
municipale, informée qu'il se fait un commerce ouvert de contrebande
dans les rues, places et lieux publics que les ouvriers des ateliers de
Paris et les manœuvriers des campagnes quittent leurs occupations
ordinaires pour se livrer à ce commerce criminel ; considérant qu'il
serait honteux de tolérer un pareil abus et une violation aussi
manifeste des décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le Roi,
sous les yeux même des représentants de la Nation et de son chef auguste (...) L'adminstration
municipale déclare que les préposés des Fermes ont droit de saisir les
objets de contrebande, d'en dresser procès-verbal, et de conclure aux
peines portées par les ordonnances, édits et déclarations du Roi,
dûment enregistrés ; que main-forte et assistance sont dues aux
employés dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'ils sont sous la
protection de sa Loi ; que la plus grande activité leur a été
recommandée ; que les ordres les plus sévères ont été donnés pour
qu'ils soient soutenus de toutes les forces de la commune, et qu'on a
pris les mesures les plus fermes pour s'opposer d'une manière efficace
aux introductions frauduleuses qui se font aux barrières de Paris,
ainsi qu'à la vente et au commerce des marchandises prohibées, pour
dissiper les attroupements, et punir, suivant la rigueur des lois, ceux
qui essaieraient de troubler l'ordre et la tranquillité. »
Signé , Bailly, Maire ; Du Port du Tertre , Lieutenant de Maire ;
Duclosey ; Failet ; Manuel ; le Scène des Maisons, Conseillers-Administrateurs ;
Boullemer de la Martinière, Procureur-Syndic.
Source : Gallica-Bnf, 8 pages
7
mars : Vosges, il est proclamé un Pacte fédératif des milices.
8 mars : Les colonies sont déclarées
faisant partie de « l'Empire
français » et leurs mandants autorisés à faire connaître leurs
vœux
sur la constitution, la législation et l'administration leur convenant,
notamment au "parti esclavagiste ou colonial" déjà présent et
actif au sein de la Constituante. Antoine Barnave, riche propriétaire à
Saint-Domingue (en
portrait) est le porte-parole des colons et il fait admettre le
maintien de l'esclavage dans les colonies. Mais donne l'égalité de
droit entre tous les citoyens libres.
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9 mars : La fortune personnelle du roi est déclarée propriété
nationale.
Mercredi 10 mars : A Paris, à la Société des amis de la
Constitution, au couvent des Jacobins, Jacques de Peysonnel prononce un Discours sur l'Europe, cet ancien Consul à
Smyrne et en Crimée, et écrivain, déclare que : « Des
nuages épais s'élèvent de toutes parts ; et couvrent depuis quelque
temps l'horizon de l'Europe. La guerre entre les trois Empires, les
succès des Autrichiens et des Russes, dans leur seconde campagne contre
les Turcs, l'insurrection du Brabant, et surtout, l'état languissant de
l'Empereur Joseph II, les ont accumulés ; la mort de ce monarque va
faire, sortir de leur sein des tempêtes et des orages, dans lesquels
plusieurs puissances de l'Europe pourront se trouver envelopées ; la
sûreté et le repos de la France peuvent être compromis, mon zèle a
déjà depuis un an, donné l'éveil à la natIon ; par la publication de
mon dernier ouvrage. Il est temps que je renouvelle mes efforts pour
fixer son attention sur un objet pour lequel il serait infiniment
dangereux qu'elle marquât une plus longue insouciance. » (Source
: Gallica-Bnf, 24 pages)
11 mars : Extrait du procès-verbal de division du département des Landes, qui est son acte de création, et selon le décret du 15/02 de l'Assemblée nationale. (Source : Archives des Landes)
12 et 13 mars : A la Constituante, M. Jacques Necker, ministre des finances présente son rapport sur l'établissement d'un bureau de trésorerie. (Source : Persée.fr, 2 pages) Le
lendemain, à la séance du soir, le député Castellane présente un projet
de loi sur les lettres de cachet. Le premier article ordonne la mise en
liberté dans le délai de six semaines de toutes les personnes détenues
sans jugement préalable. L'abbé Maury prend la parole pour combattre
cet article du projet, et demande le maintien des lettres de cachet.
Robespierre réplique :
« En
me bornant au premier article soumis à votre discussion, j'observe que
c'est sur le sort des personnes qui ne sont accusées d'aucun crime que
nous avons à prononcer. Nous ne favoriserons pas, sans doute, ces actes
de despotisme ; des législateurs n'ont autre chose à faire que
d'anéantir ces abus. Comment les anéantir s'ils laissent gémir ceux qui
sont dans l'oppression? En vertu de quoi ont-ils été privés de leur
liberté? En vertu d'un acte illégal. Ne
serait-ce pas consacrer cet acte illégal que d'ordonner des délais? Si
quelque chose peut nous affecter, c'est le regret de siéger depuis dix
mois, sans avoir encore prononcé la liberté de ces malheureux, victimes
d'un pouvoir arbitraire. L'assemblée sera, sans doute, étonnée de voir
que, lorsqu'il est question de la cause de l'innocence, on lui parle
sans cesse, non pas de ces infortunés détenus, souvent pour leurs
vertus, pour avoir laissé échapper quelques preuves d'énergie et de
patriotisme ; mais qu'on fixe son attention sur des hommes emprisonnés
à la sollicitation des familles. Vous n'avez pas, sans doute, oublié
cette maxime : Il vaut mieux faire grâce à cent coupables, que punir un seul innocent.
Je propose pour amendement au premier article que tous ceux qui seront
détenus seront mis en liberté le jour même de la publication du présent
décret , et que dans huit jours votre décret sera publié. »
14 mars
: A Avignon, suite à des troubles survenus en février, une
municipalité est élue et décide d'adopter la Constitution française.
15 au 17 mars : A l'Assemblée sont abolies toutes les distinctions
honorifiques. Il est décidé d’un nouveau décret sur le rachat des
droits féodaux. Le lendemain, c’est la suppression des lettres de
cachet. Cette mesure met fin au système d’exception qui prévalait
jusqu’alors et donnait droit à enfermer n’importe quel quidam sans
instruction d’un procès. Ce qui aurait pu être la première mesure
après la chute de la Bastille va donner lieu à des lenteurs qui sont de
la responsabilité de « Monsieur Veto » (le roi). Le troisième jour, il
est décidé la vente des biens ecclésiastiques pour servir d'hypothèque
et de remboursement aux assignats.
18 mars : En Belgique, les partisans de Vonck favorables à une
révolution sont défaits, ils sont obligés de s'exiler en France. Les
réfugiés belges ou du Brabant créeront leur propre club affilié au club
des Jacobins de Paris (et participeront à l’effervescence
générale). Concernant la Société des amis de la Constitution, un membre
M. Anarchasis Cloots fait une motion sur l'exercice des cultes et fini
par cette phrase prophétique en concluant par : « Je me résume, et ce résumé sera court ; le
voici : Français ! gardez votre tête
sur vos épaules. (sic)
» Signé, Cloots du Val-de-Grâce,
Baron en Allemagne, citoyen en France.
19 mars : A la Chambre des députés, l'archevêque d'Aix, Raymond de
Boisgelin présente deux brochures qu'il a reçu de la Société de la
Révolution, sise à Londres en hommage à l'Assemblée. La Cour prend le
deuil, pour deux mois, à l’occasion de la mort de l’Empereur Joseph II.
20 mars : A Paris, les Maires et officiers municipaux auront une marque
distinctive sur leurs habits. Un décret les obligera à porter une
écharpe aux trois couleurs blanches, rouges et bleues lorsqu'ils seront en fonction.
21 mars : A la Constituante, il est voté définitivement la suppression
de la gabelle et autres droits relatifs à la vente du sel.
22 mars : A Montlhéry éclate lors du marché une révolte contre le prix
du blé et du seigle, la maréchaussée est mise en échec et doit prendre
la fuite devant la population. Plusieurs jours après un meneur, un
certain Hetvin est arrêté.
23 et 24 mars : A l'Assemblée, le député Barnave prend la parole au nom
du comité colonial et donne lecture des instructions pour les colonies
pour accompagner le décret du 8 de ce mois. L'objet est de pouvoir
recueillir les voeux des assemblées coloniales en appelant à leurs
convocations, si celles-ci ne sont se sont pas encore réunies. Le jour
suivant, il est décrété que « l’ordre
judiciaire sera reconstitué dans son entier ».
25 mars : A Saint-Domingue, se rassemblent pour la première fois à
Saint-Marc les élus des trois provinces du Nord, de l'Ouest et du Sud.
26 mars : Pétition
à la commune de Paris, par les maîtres paveurs de la ville,
fauxbourgs et banlieue ; « En
considération de l'étendue immense de la Capitale, nous nous croyons
fondés à demander, Messieurs que l'entretien du pavé des Rues, Ponts,
Quais, Ports, Boulevards, Domaines de la Ville, Banlieue et autres
dépendances du Département de Paris soit divisé entre nous aux mêmes
clauses, prix et charges imposés aujourd'hui aux deux privilégiés sous,
l'offre de partager entre-nous la totalité par égales portions autant
qu'il sera possible et de nous soumettre à toutes les formalités
requises ; soit pour l'exactitude des travaux, fait pour leur réception.
» (Source : Gallica-Bnf,
15 pages)
27 mars : A Aix, M. le maire ordonne que dans les 5
jours qui suivront son annonce, il devra être pris comme mesure de
Police, par tous les boulangers de la ville, la cuisson d'un seul pain,
au poids d'une livre et six onces, sous peine d'une amende de 300
livres. (Source : Bibliothèque numérique Méjanne)
28 mars : Dans la capitale, à l'Assemblée lors d'un nouveau débat sur
les colonies, l'abbé Grégoire déclare : « Je craignais que l'article 4 (proposé le 8
mars par Barnave, rapporteur du Comité colonial)
ne laissât quelque louche sur un objet important ; mais MM. les députés
des colonies m'annoncent qu'ils entendent ne pas priver les gens de
couleur de l'éligibilité, et je renonce à la parole, à condition qu'ils
renonceront à l'aristocratie de la couleur. » Au final, un
courrier de l'assemblée provinciale du Nord est lu devant la chambre
des élus, puis le décret du 8 mars sur les colonies est ratifié par le
roi. (Source, Persée.fr, Décret concernant les colonies, suivi d'une instruction pour les îles de Saint-Domingue, la Tortue, la Gonave et l'île à Vaches)
29 mars : A Rome, le pape
Pie VI condamne la déclaration des droits
de
l'homme et du citoyen.
30 mars : Opinion prononcée de Charles Chabroud, membre de l'Assemblée nationale, sur quelques questions relatives à l'ordre judiciaire. (Source : Gallica-Bnf, 30 pages) « Je
conclus que la Constitution ne doit rien excepter de la compétence des
Tribunaux ordinaires. D'après ces observations, je fais la motion
qu'avant de passer l'examen d'aucun détail, il soit décrété :
1°. Que la justice sera administrée par des jurés des juges d'assises.
2°. Que le Roi n'interviendra point dans la nomination des juges.
3°. Que le Peuple n'aura aucune part à la nomination des procureurs du Roi.
̃4°. Que les juges seront élus périodiquement par le Peuple.
5°. Qu'il n'y aura pas de degrés de juridiction.
6°. Que les juges seront rendus propres à connaître de toutes les matières. »
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31 mars : Robespierre est élu président du club des Jacobins pour le
mois d'avril.
IV – Le mois d’avril 1790
Jeudi 1er avril : Jour du Jeudi-Saint,
les époux royaux se sont rendus pour la
messe à la chapelle du chateau des
Tuileries. Publication du Livre rouge, où sont consignées les
pensions
accordées par le roi.
2 avril : François-Noël (alias Gracchus) Babeuf rédige un pétition pour la suppression de
tous les impôts féodaux. Le marquis de Sade est libéré de la maison de Charenton. A l'Assemblée, le comité de mendicité composé
jusqu'à présent de 4 membres, dont le duc de Liancourt, le comité est
rejoint par 8 autres membres, dont les évêques de Rodez et d'Oléron et
M. Guillotin.
3 avril : A l'Assemblée, l’on décrète que le commerce avec l'Inde est
autorisé à tous les Français. Pasquale Paoli arrive dans la capitale.
4 avril : Fêtes de Pâques, en fin de matinée, les époux royaux
accompagnés de Madame (leur fille aînée) et de Me Elisabeth (soeur du
roi) sont allés à la grande-messe dans l’église de Saint-Germain de
l’Auxerrois.
5 avril : En Bretagne, il éclate une émeute contre-révolutionnaire à
Vannes.
6 avril : Nîmes, c'est la première journée de troubles et début de
confrontation
entre chrétiens : catholiques et protestants.
7 avril : A Paris, Louis XVI sanctionne par lettres patentes un décret du 23 janvier dernier, qui impose à tous les citoyens un logement des Gens de guerre. En cas de conflit armé, tous les citoyens sans exception peuvent être amenés à fournir un logement aux militaires jusqu'à un nouvel ordre des choses.
8 avril : Près de Dole (Jura), des paysans sont mitraillés au village
de
Souvent : quatorze tués. A Paris, en compagnie du marquis de Lafayette, Pasquale Paoli est présenté à Louis XVI.
9 avril : A l'Assemblée, les dettes du clergé sont déclarées
dettes nationales.
11 avril : Au Maroc, le sultan Mohammed ben Abdallah (ou Mohamed III) décède après 32 ans de règne.
11-12 avril : En Guadeloupe, dans la région de Capesterre, Goyave, et
Petit-Bourg, se prépare une conjuration qui implique les Marrons des
montagnes de Basse-Terre. Découverte, elle donnera lieu à un procès où
de lourdes peines sont prononcées contre 33 instigateurs.
12 avril : Dans la capitale, c'est
l'ouverture du premier Théâtre des Variétés, ou sa première
appellation le Théâtre Variété-Montansier, situé sous les
arcades du Palais Royal. Après
des tergiversations de M. Bailly et de la Commune pour délivrer une
autorisation, demandée en 1789 au moment du rachat des locaux, se voit
finalement accordée par le Conseil général « sous la poussée de
l'opinion publique » à Mlle Montansier (1730-1820), née Marguerite Brunet à
Bayonne, comédienne, propriétaire et directrice. L'espace sera agrandi plusieurs mois après pour
accueillir une plus grande troupe, et puis rebaptisé le 22 novembre
1793 : Théâtre de la Montagne. Et il trouvera en 1807 son
emplacement actuel (7, bld Montmartre). (Préface des
Mémoires de Mlle Flore, actrice des Variétés, Henri d'Alméras)
Le 13 et 14 avril :A
Paris, l'abbé Maury est hué et menacé par le Peuple est escorté par un
régiment de la Garde nationale (ci-dessus, gravure de J.F. Janinet). A
la Constituante, il est déclaré un attachement au culte
apostolique, catholique et romain, qui « ne saurait être mis en
doute ». Le lendemain, il est approuvé que la nation prendra à sa
charge les
frais du culte catholique. Le député Pétion de Villeneuve fait
publier son discours sur la traite des noirs, où il se prononce contre l'esclavage (environ 80
feuillets). Il est
édité par les imprimeries du Patriote Français, à l'ancienne
place
du Théâtre Italien, se situant sur la rive droite. (Source Gallica-Bnf)
15 avril : Martinique, Extrait des délibérations de l'Assemblée générale,
avec l'adresse de l'Assemblée générale aux grenadiers, chasseurs et
fusiliers du régiment, pour réponse à une députation de Grenadiers qui
s'est sentie calomniée : « L'Assemblée mettra sous les yeux de M. le Général votre juste réclamation. » (Source : Gallica-Bnf, 3 pages)
16 avril : A l'Assemblée, les députés débattent sur les
assignats.
17 avril : Etats-Unis, à Philadelphie décède à l'âge
de 84 ans d'un des
pères fondateurs de la nouvelle nation républicaine, Benjamin Franklin.
C'est Mirabeau à la tribune de l'Assemblée qui annoncera
sa disparition au pays d'ici quelques semaines... Il est décrété à cette occasion 3 jours de
deuil
national. Franklin avait été à partir de 1776 un temps ambassadeur ou
ministre
officieux dans la capitale, et avait noué des contacts avec des
homologues scientifiques français, dont un certain Marat.
18 au 20 avril : En France, Se produisent des manifestations de prêtres et de
fidèles réclamant le
maintien des ordres monastiques et du catholicisme comme religion
d'Etat.
20 avril : A Nîmes, l'agitation recommence, où l'action des agents du
comte d'Artois s'intensifie.
21 avril : Paris, en fin de matinée, les époux royaux se rendent à la manufacture des Gobelins, faubourg Saint-Marcel, ils sont accueillis par le chef du district, M. Thorillon.
22 avril : A Brest, suite à la publication d'un nouveau code pénal de
la marine par l'Assemblée, celui-ci est considéré trop sévère par les
marins et ils se révoltent.
A l'Assemblée, une loi précise que la dîme cesse d'être perçue à
compter du 1er janvier 1791, et Pasquale Paoli se présente avec une
délégation d'élus de Bastia devant les députés.
23 et 24 avril : La municipalité de Dieppe a écrit au duc d'Hamourt, le
gouverneur, et aux municipalités de Rouen, Le Havre, Yvetot,
Saint-Valery, pour les prévenir des difficultés du pays de Caux et
demande secours. Face à la montée du désordre, le lendemain, se tient
une réunion avec plusieurs municipalités environnantes, il est constaté
des violences et il est décidé de rédiger une adresse à l'Assemblée
nationale pour lui présenter cette situation, et trouver protection
contre les pillards.
25 avril : A Paris, Camille Desmoulins, auteur de la France libre, et du Discours de la Lanterne aux Parisiens
fait une intervention au sein du couvent des Jacobins. Dans son
journal, Révolutions
de France et de Brabant,
a peu près le même jour, dans son numéro 21 (qui n'est pas daté).
Desmoulins dresse un bilan pas vraiment élogieux de M. Neker et dit à
son sujet avec fougue :
« Le
sieur Necker n'a pas craint de déclarer au comité des pensions que le
roi trouvait mauvais que l'Assemblée nationale eut fait imprimer le
livre rouge (*). Trouvait mauvais! oh! nous trouvons bien plus mauvais
qu'un Genevois parle en termes si peu mesurés à l’Assemblée nationale ;
qu'il parle ainsi au souverain, au nom de celui qui n'est que le
premier sujet de la nation. Oui, je le répète, le premier sujet de la
nation. Trouvait mauvais! quelle insulte! la colère m'étouffe!... Nous
trouvons bien plus mauvais, que toi et tes pareils, ayez dilapidé, sous
le règne de Louis l'économe, en dépenses clandestines, et telles que
vous avez osé les porter en compte, 135 millions! et c'est en si peu de
temps! Tu ne sais donc pas que nous
avons eu en France douze contrôleurs ou directeurs-généraux, ou
surintendants des finances, qui ont été pendus et exposés à Montfaucon,
et qui, entre eux douze, n'avaient pas volé la douzième partie de ces
135 millions? Le voilà donc cet homme si pur, si probe, si
candide, bien dûment convaincu d'être le receleur, au moins le complice
de tant de brigandage. Le voilà pris la main dans la poche, non pas
d'un seul homme, mais de 25 millions d'hommes, et qui mériterait d'être
pendu 25 millions de fois. »
(*) : Le Livre rouge,
était nommé ainsi en raison de la couleur du document de compte, qui
servait de récapitulatif aux dépenses discrètes ou plus ou moins
secrètes du monarque. (Source : Gallica-Bnf, n°21, pages 335 à
337)
26 avril : Dans la capitale, à la Société
des Amis de la Constitution,
Maximilien Robespierre reçoit Pasquale Paoli. Le comité de mendicité de
l'Assemblée décide de la visite de commissaires dans les hôpitaux.
27 avril : A Paris, c'est le jour de la
fondation de la Société des Amis des
droits de l'homme et du citoyen ou « club des Cordeliers », dans l'église du même
nom et le
lieu où la nouvelle société prend place, à ne pas confondre avec le
district. A
l'origine de sa création l'on
trouve MM. Danton, Camille Desmoulins, Fabre d'Églantine, Marat,
Hébert, Roux,
Chaumette, Ronsin, Chabot, et Santerre. Au club des Jacobins, rue
St.-Honoré, c'est le député laboureur, le Père Gérard qui intervient et
termine en soumettant : «
à votre jugement, Messieurs, et pour ma part je conclus à ce que
l'Assemblée décrète : 1° Qu'il faut laisser notre bon roi absolument
libre ; 2° Lui rendre toute l'autorité due à sa place ; 3° Garder la
religion de nos pères; elle en Araut bien une autre ; 4° Accepter les
400 millions que le clergé a offerts à l'État, pour empêcher la
banqueroute qui se fera si nous ne prenons ce moyen ; 5° Restituer à la
noblesse ses droits utiles et honorifiques, à l'exception de la
servitude personnelle et des privilèges aux impositions ; 6° Statuer
sur tout ce que nous a proposé le roi le 23 juin dernier ; ça m'a paru
assez raisonnable ; Et enfin nous en aller chacun chez nous planter des
fèves plutôt que de manger le fromage. Je dépose ma motion sur le
bureau. » (Source Gallica-Bnf, La Société des Jacobins, tome 1,
F.A. Aulard - Identifiant : ark:/12148/bpt6k5604265q)
28 au 29 avril : A la Constituante, un décret réglemente la chasse,
le jour suivant, il est décidé la libre circulation des grains. (Source :
Criminocorpus) M.
Pierre-Jacques Vieillard, député du bailliage de Coutances, intervient
pour parler des désordres qui seraient survenus à Dieppe et dans la
région
normande : « Douze cents mendiants,
tous armés et confédérés, se présentent chaque jour dans les fermes ;
ils ont forcé les municipalités de taxer les grains à bas prix, d'en
faire la recherche chez les laboureurs, et en ont ainsi empêché la
circulation intérieure; ils ont mis des têtes à prix, et menacent de la
fatale lanterne. Les marchés ne sont presque point approvisionnés.
Dieppe et ses environs se voient exposés à toutes les horreurs de la
famine ; dans huit jours peut-être ils n'auront plus de grains. »
et sont décrétées des mesures pour rétablir l'ordre public. Robespierre
intervient à son tour et déclare : « Ce
qui me donne des inquiétudes et des soupçons, c'est que je vois, dans
l'adresse de la municipalité de Dieppe, un style qui n'est pas celui de
la douleur, et la manière dont est conçue sa demande semble tendre à
faire donner au pouvoir exécutif une extension de force qui pourrait
être funeste à la liberté publique. Je ne puis, à la vérité, me
dissimuler que le pays manque de subsistances ; mais, avant d'employer
les moyens violents, ne serait-il pas convenable de s'assurer si les
faits contenus dans l'adresse sont parfaitement exacts? » Finalement l'Assemblée penche en faveur de
l'intervention, les élus
reconnaissent ainsi la situation comme attentatoire à la liberté
publique et vote en faveur du décret de M. Vieillard. |
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30 avril : A l'Assemblée sont institués les jurés dans les tribunaux.
V – Le mois de mai 1790
Samedi 1er mai : A Nîmes, des bagarres éclatent aux cris de « Vive
le roi,
vive la croix, vive la nation ». A Paris, le savant Jean-Baptiste
Lamarck est nommé pensionnaire de l'Académie royale de sciences.
2 mai : Lettres patentes du Roi sont paraphées, sur un décret de
l'Assemblée nationale de M. Target (rapporteur) du 30 avril dernier,
concernant les conditions requises pour être réputé Français, et admis
à l'exercice des droits de citoyen actif :
« Tous ceux qui, nés hors du royaume, de parens
étrangers, sont établis en France, seront réputés Français, &
admis, en prêtant le serment civique , à l'exercice des droits de
citoyens actifs, après cinq ans de domicile continu dans le royaume,
s'ils ont en outre, ou acquis des immeubles, ou épousé une Française,
ou formé un établissement de commerce, ou reçu dans quelques villes des
lettres de bourgeoisie, nonobstant tous règlements contraires auxquels
il est dérogé ; sans néanmoins qu'on puisse induire des présentes
qu'aucune élection faite doive être recommencée, et sans que par
les dites présentes nous entendions rien préjuger sur la question des
Juifs, qui a été et demeure ajournée. »
3 mai : A Toulon, il n'y a plus d'argent pour payer les ouvriers de
l'Arsenal, il est question de licencier, une émeute s'engage. Le
nouveau commandant de la marine Glandevès-Castellet échappe de justesse
à la mort grâce à l'intervention de la garde nationale.
3 au 9 mai : A la Constituante, il est approuvé un décret, complétant
celui du 15 mars, sur le mode et le taux du rachat des droits
seigneuriaux. Deux jours après il est décrété que les juges seront élus
par le Peuple. Le 8, un décret établit l'unité ou « l’uniformité des
poids et des mesures » et le lendemain, il est décidé que les domaines
de la Couronne peuvent se vendre.
4 mai : La Chronique de Paris du jour (page 495) fait paraître
un billet de Zalkind Hourvitz, (juif polonais) dans ses colonnes,
ci-après :
A M. l'Abbé Maury, « En
attendant, Monsieur la publication de votre mémoire contre les juifs,
auquel vous nous défiez d'avance de répondre, je vous défie à mon tour
d'accorder l'abbé Maury, intolérant et impie, qui dément la Bible en
assurant que les juifs n'ont jamais été cultivateurs (1), avec l'abbé
Maury, grand pensionnaire, et soi-disant grand-défenseur de la religion
catholique, qui assure que sa mère nourricière est la plus tolérante de
toutes les religions. Cependant les Actes de Apôtres, et d'autres feuilles qui ne sont pas moins authentiques que la Gazette de Paris,
attestent votre piété et votre bonne foi : si cela est, on ne peut
expliquer votre conduite, en supposant que vous ignorez les principes
de votre religion. Apprenez-les donc, il se réduisent à ce qui suit : aimez votre prochain comme vous-mêm, votre patrie plus que vos bénéfices, et regadez comme frère. »
Zalkind Hourvitz, juif.
Note : (1)
On sait que la loi de Moïse est pleine de préceptes sur l'agriculture ;
que le patriarche Gédéon, le roi David et le prophète Elisée étaient
pasteurs et cultivateurs.
5 mai : A Lyon, depuis
le 27 avril la mairie de a reconnu aux ouvriers tisserands ou "en soye"
le tarif exécutoire, Dans l'église St.-Jean, en ce jour, sous la
présidence de Denis Monet, désignés à l'unamité par 28 sections de la
ville, se réunissent 3.500 ouvriers artisans. Ils condamnent les
marchands qui refusent le tarif éxécutoire et décident « de se gouverner par eux-mêmes ». Denis Monet (1750-1793) est considéré comme un précurseur du syndicalisme. (Source : Dict. Le Maitron du Mvt. ouvrier et social)
6 mai : En Angleterre, il se produit au Parlement un schisme politique au sein des Whigs (le parti
libéral en opposition aux Tories, conservateurs) : « Par sympathie pour la
Révolution, Fox veut changer la politique du parti. Burke, dont Pitt
accepte les théories, ne voit dans la Révolution que la violence, les
excès d'une démagogie féroce et tyrannique. (...) Burke fait
appel à la force, et,
dans l'émouvante séance du 6 mai, rompt définitivement avec Fox. Il a
pour lui la majorité des whigs et le peuple, et le courant
contre-révolutionnaire auquel il a donné l'impulsion croît en
intensité tous les jours. » (William
Godwin, sa vie, ses oeuvres etc., Raymond Gourg, page XII, chez
Félix Alcan, Paris 1908)
7, 8, et 9 mai
: A la Constituante, devant le comité de mendicité le duc de Liancourt rend
compte de la visite qu'il a effectué à la maison de Bicêtre (commune de Gentilly),
avec ses
homologues MM. Decretot, Moulinet et Thouret, où ils ont pu constater des
abus de l'administration de cette maison, et la qualité et la quantité
de prisonniers. Le lendemain à la séance du soir, il est fait état de l'Adresse des Dames d'Auray (département du Morbihan), ci-après.
« Nos seigneurs, désireuses de donner à la nation des preuves de notre patriotisme, nous avons, à l'exemple de nos concitoyens, formé entre nous une milice sous le titre d'Amazones nationales.
Notre dessein, communique à notre municipalité, en fut vivement
applaudi, et elle reçut le dix-huit de ce mois au matin notre serment
d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout
notre pouvoir la nouvelle Constitution de l'Etat. Le soir du même jour,
nous nous réunîmes à nos concitoyens, pour prêter à la face des autels
le serment civique. (...) Vous
suppliant de nous permettre de continuer notre association, qui n'a
d'autre but que d'exciter dans les cœurs de nos époux et de nos
enfants, le désir du bien public. Heureuses et mille fois heureuses, si
nos conseils et notre exemple entretiennent toujours chez eux les
sentiments patriotiques dont nous sommes et ne cesserons jamais d'être
pénétrées! »
Signé, Hérissé,
Dargenteuil, Esnard, Billiard, Blanchard, Jamot aînée, Jamot jeune,
Chrétien aînée, Chrétien jeune, Jousseaume Lasanzan, Oger aînée, Oger
jeune, Bouchemin aînée, Dargenteuil aînée, Zénaïde Dargenteuil, Marie
Gatlard, Gallard, Regnier jeune, Regnier aînée, Ramard, Audureau,
Bouchemin jeune, Arnauld Challe-Regnier.
Source : Bib. de Stanford, Archives Parlementaires, page 434, tome XV
Puis, plus tard, M. de Liancourt
déclare devant les députés présents : « Votre
comité de mendicité considère que les décrets que l'Assemblée nationale
rendra sur ces questions (l'assistance publique) doivent s'harmoniser
avec les autres parties de la Constitution ; qu'ils doivent tendre à
faire chérir et respecter cette Constitution par tous les pauvres du
royaume ; en conséquence, toute loi partielle et provisoire lui a paru
plus nuisible qu'utile. » Le surlendemain, le 9, l'Assemblée déclare que les domaines de la Couronne peuvent être vendus.
10 mai : Dans le Midi, à Montauban, il est fait état de massacres, la
passion religieuse s'ajoute aux querelles politiques du pays. Après
Toulouse et Nîmes, Montauban connaît à son tour des violences. Le sang
coule entre Catholiques et Protestants, il s'engage une bataille
opposant
ce jour, les gardes nationaux et chrétiens « Réformés », aux ultras du
catholicisme de la municipalité monarchiste. Il y aura 5 morts et
16 blessés.
Lecture à l'Assemblée
sur les heurts de Montauban
Le Massacre des patriotes
de Montauban dessin de Jean-Louis Prieur (1790)
M. Vieillard,
organe du comité des rapports :
Messieurs, dans le cours de la séance on a convoqué votre comité des
rapports. Des événements très malheureux rendent en ce moment
nécessaire un décret provisoire. Il s'agit de la ville de Montauban.
Vous vous rappelez sans doute les dissensions qui s'y étaient élevées :
les troubles ont continué malgré le décret que vous avez rendu. Ces
troubles sont fomentés par le fanatisme religieux : un mandement de M.
l'évêque de Montauban et des prièrés publiques ordonnées ont fait
fermenter toutes les têtes : on a tenu des assemblées dans lesquelles
on s'est occupé des moyens d'arrêter l'exécution de vos décrets ; il
y a un schisme dans la garde nationale
; on a voulu l'augmenter d'un quatrième bataillon, qui s'est trouvé
composé de personnes attachées à l'ordre judiciaire et de gens flétris,
soudoyés par elles. Le courrier extraordinaire, sur l'arrivée
duquel nous nous sommes assemblés, n'a apporté qu'une lettre
particulière de M. Peyroret datée des 10 et 11 mai. Voici son contenu :
Du 10 mai
« Depuis
six heures du matin la porte du couvent des moines Cordeliers était
assaillie par quatre ou cinq cents femmes. A sept heures et demie je
fus à la place des Cordeliers. Elle était presque remplie de femmes qui
se promenaient avec une épée à leur côté, d'autres avec des pistolets à
la ceinture, en disant qu'elles ne voulaient pas laisser entrer les
officiers municipaux pour faire l'inventaire des titres des moines. A
huit heures arrivent les dames de Caumont-Laforce qui firent dire une
messe, où ces harengères assistèrent. A neuf heures se présentent deux
officiers munipaux sans être escortés. Ces femmes les prennent par le
bras et leur disent que s'ils ne se retirent pas elles vont les tuer.
Ils répondirent qu'ils allaient en dresser procès-verbal.
A une heure de l'après-midi toutes les femmes se réunirent et allèrent
chez M. Dupuis-Montbrun et chez M. de Preissac en disant qu'elles ne
les voulaient plus pour colonel et commandant de la garde nationale et
qu'elles voulaient les pendre. Quelques hommes se joignirent à ces
femmes. A deux heures arrive la maréchaussée avec une troupe de dragons
de la garde nationale et deux officiers municipaux qui conduisirent M.
Dupuis-Montbrun à l'Hôtel-de-Ville pour qu'il fût plus en sûreté. A
peine sont-ils entrés, que le peuple arrive de toutes parts en disant
qu'ils Voulaient immoler les dragons et enfoncer les portes ; que
c'étaient des protestants ; et les nouvelles compagnies criaient cùmme
des ïurieux qu'ils vou-laient des fusils pour égorger tous les
protestants. A deux heures et demie un officier municipal se détache et
écrit au major du régiment du Languedoc pour demander du secours. Dans
cet intervalle un coup de fusil fut tiré par un dragon et blesse un
homme. Le peuple armé tire sur les dragons qui étaient dans la cour de
l'Hôtel-de-Ville ; ce qu'il y a de certain, c'est qu'il y a eu quatre
hommes de tués, qui sont MM. Mariette de la fabrique de bas, Ruffio,
Crampes du Chemin et Gartisson de Ville-Bourbon. D'autres sont blessés.
Aucun catholique n'a été tué excepté Crampes du Chemin.
A trois
heures l'église des Cordeliers est remplie
de monde. Un homme monte en chaire et dit qu'il faut aller à
l'Hôtel-de-Ville exterminer les dragons. En même temps il arrache sa
cocarde nationale et la déchire. Un instant
après le duc de Laforce entre dans l'église le sabreàla main en disant
: «
Comment, Messieurs, pouvez-vous rester ici dans l'inaction, dans le
temps qu'on égorge nos frères à l'Hôtel-de-Ville? Allons, suivez-moi.
Allons les venger. » « A quatre heures et demie le régiment du
Languedoc arrive à l'Hôtel-de-Ville et le carnage cesse. On déshabille
les dragons et la compagnie des grenadiers les conduit liés, garottés
et en chemise, dans les prisons du château royal.
Dans ce moment la foule entre dans l'Hôtel-de-Ville, les nouvelles
compagnies s'emparent de toutes les armes, et disent à haute voix
qu'elles ne veulent plus M. de Preissac pour colonel, ni de M.
Dupuis-Montbrun pour commandant ; elles en nomment d'autres.
A présent les aristocrates sont au comble de leurs désirs ; par
gradation ils sont venus à leur but. Je passe sous silence les mauvais
traitements qu'on fait essuyer aux protestants quand on les trouve dans
les rues, on leur donne des coups de bâtons, des soufflets, des coups
de pied. Les âmes honnêtes sont dans la plus grande consternation. Nous
allons prendre des arrangements avec toutes les villes des environs,
pour empêcher que ceci ne devienne plus affreux. Je ne finirais pas si
je voulais vous peindre les atrocités que l'on commet, dans ce moment à
l'égard des non-catholiques. »
Lettre de M. Peyroret du 11
mai
« Je suis
parti de Montauban à midi : avant mon départ, il est mort un cinquième
dragon, au château royal, des suites de ses blessures. Voilà cinq
martyrs de la liberté que le fanatisme à immolés ou pour mieux
m'exprimer l'égoïsme, l'orgueil et la cupidité qui ont mis en jeu le
fanatisme. Si l'Assemblée nationale ne prend
aussitôt des mesures pour faire punir les coupables qui ont fomenté ces
insurrections, les ennemis de la Révolution s'encourageront à tout
entreprendre et vous allez voir que le tocsin va sonner et qu'on fondra
sur eux. J'ai trouvé le chemin bordé de
paysans pendant deux lieues : ils me demandaient si je leur conseillais
de sonner les cloches et de se rassembler au nombre de cinq ou six
mille, pour aller au secours de Montauban. Je leur ai répondu que
l'Assemblée nationale ne le voulait pas, qu'il fallait rester encore
tranquilles : tout est en alarmes. Je vous prie de bien peser que si la
loi martiale avait été publiée, rien ne serait arrivé.
Ce matin les compagnies de nouvelle création, composées de la lie du
peuple, allaient dans toutes les maisons des protestants pour y
fouiller, en disant qu'on y avait caché des armes. Elles n'en sortaient
qu'après les avoir menacés et outragés de plusieurs manières. J'ai vu
entrer ces fanatiques, au nombre de vingt chez M. Marcouis, minotier, à
qui ils ont enlevé ses armes. Où est donc la liberté? Si cela continue,
les fortunes et l'industrie abandonneront cette malheureuse ville et
l'émigration aura lieu comme à la révocation de l'édit de Nantes, dont
la France se ressent encore. M. Ruffio, dont l'assassinat consterne les
bons citoyens, avait une fortune de 800.000 livres et faisait vivre le
peuple. Les pauvres protestants sont à demi-morts. On fit courir, hier
soir à 5 heures, dans toutes les rues, pour dire à tout le monde de ne
pas porter la cocarde nationale. Faites attention à la messe que firent
dire les dames de Laforce ; on ne peut porter le fanatisme plus loin. »
M. Vieillard, après cette lecture, poursuit :
Voilà, Messieurs, les deux lettres qui nous donnent connaissance de cet
événement malheureux. Le courrier porteur de ces lettres nous a dit que
les dragons nationaux ont été conduits dans toute la ville pour faire
amende honorable ; deux olficiers municipaux marchaient à la tête de ce
cortège. Le comité des rapports ne vous présentera qu'un décret
provisoire conçu en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète
que son président se retirera devers le roi, pour le supplier de
prendre les mesures les plus promptes et les plus efficaces pour
rétablir l'ordre dans la ville de Montauban ; ordonne que la cocarde
nationale soit reprise et place les non-catholiques sous la sauvegarde
spéciale de la loi. L'Assemblée nationale décrète, en outre, qu'il sera
pris les mesures les plus efficaces pour poursuivre et faire punir tout
officier qui, par quelque négligence dans ses fonctions, aurait
occasionné le trouble, et tout citoyen qui l'aurait fomenté. »
Source : Bib. de Stanford- Archives
Parlementaires,
du 17 mai 1790, pages 549 et 550, tome XV
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ADRESSE
AUX FEMMES DE MONTAUBAN
Me
Robert, ci-devant Melle Louis Félicité de Keralio, de l’Académie
d’Arras (1787), et de la Société Patriotique Bretonne.
Le sang vient de
couler au gré des ennemis de la constitution ; mais à l’horreur
qu’inspire le crime commis à Montauban, se joint l’effroi qu’excite
toujours les mouvements hors de la nature. Que le despotisme, le
fanatisme, l’orgueil, l’avarice, prodiguant l’or et les promesses,
arment les mains d’une multitude d’hommes sans aveu, sans famille, sans
patrie, on en a souvent eu des exemples depuis la révolution. Mais
qu’un sexe faible et timide (sic), dépouillant à la fois les deux
sentiments qui tiennent le plus essentiellement à son être, la
crainte et la pitié, arme ses mains débiles (faibles) contre les concitoyens ses
amis, ses frères, ses défenseurs,
qu’on voie des femmes assemblées sur une place publique, appeler les
hommes au combat, provoquer les uns, exciter les autres, commander le
meurtre, et en donner l’exemple! C’est ce que les siècles barbares ne
nous offrent point. Non, lors de la Saint-Barthélemy, lors du massacre
des Cévennes, de la révocation de l’édit de Nantes, les femmes ne
portèrent point le flambeau de la guerre civile au sein de leurs foyers
et ne sortirent point des temples pour se souiller du sang de leurs
voisins et de leurs proches.
Malheureuses citoyennes! quelle
fureur vous aveugle? Qui prétendez-vous défendre? Serait-ce cette
noblesse orgueilleuse, qui foulait aux pieds les droits de vos pères,
de vos époux et de vos fils qui, leur arrachant leur subsistance, s’en
nourrissait dans la débauche et l’oisiveté? Serait-ce, ce clergé, non
moins avide, qui disputait à la noblesse le prix de leur sang ; ces
ministres pervers, dont la main coupable signait chaque jour des
impositions, des taxes nouvelles? Ces juges iniques, qui, secondant la
noblesse et le clergé, rendaient journellement contre vous des arrêts
de mort, de galères ou de prison? Que redemandez-vous, les armes à
la main? Les droits féodaux, la gabelle, le droit de chasse, les impôts
de toute nature, les juges seigneuriaux, les dîmes, le servage, la
Bastille ; les galères et les prisons? Insensées, et vous croyez
servir la religion! vous croyez qu’un dieu de paix vous commande le
meurtre? Ces prêtres, qui, dans les tribunaux de la pénitence, et dans
la chaire de vérité, vous ont réduites, entraînées au crime, se
servaient de ces mêmes armes pour ordonner la Saint-Barthélemy! Par
quels motifs profanaient-ils alors le nom de Dieu? Que voulaient-ils?
l’or des protestants, et le maintien de leur puissance et de leurs
privilèges! Que veulent-ils aujourd’hui? l’or des français, le sang
du peuple, et la restitution de ces mêmes privilèges! Ainsi, vous
voulez, dans un accès de délire, fruit de leurs perfides suggestions,
poignarder les défenseurs de vos foyers ; cette garde nationale,
confédérée d’un bout du royaume à l’autre, pour votre salut et votre
sûreté ; vous avez assassiné un citoyen, votre bienfaiteur, sa fortune,
fruit de son active industrie, avait d’abord fait vivre vos
concitoyens du prix de leur travail, dont le produit était encore
reversé sur les malheureux par ses mains bienfaisantes! Encore une
fois, la noblesse et le clergé vous rendront-ils les bienfaits que vous
vous ôtez? Ils vous le promettent, peut-être? L’ont-ils fait,
lorsqu’ils jouissaient du prix de vos lueurs?
Vos évêques, dont l’artificieuse
politique parcourt aujourd’hui vos campagnes, allaient-ils auparavant
porter, dans la cabane du pauvre, une obole de leur immense superflu?
N’étaient-ils pas enfermés dans de riches palais, ne partageaient-ils
pas vos biens avec les courtisanes de tout rang? laissaient-ils
seulement à vos respectables pasteurs de quoi soulager votre misère? La
religion a-t-elle changé? Ne devaient-ils pas la servir, comme ils
prétendent aujourd’hui la défendre? Etait-ce dans le sein du luxe et de
la prostitution qu’ils en pratiquaient la morale sublime? Est-ce par le
meurtre et la guerre civile qu’ils osent la protéger? et croyez-vous
qu’il leur importe que les Français aient une ou plusieurs religions?
Ils vous excitent contre les protestants! Eh! si le despote d’Alger
ou de Constantinople leur offrait des privilèges, des bénéfices, des
dîmes, des évêchés, des femmes et des palais, demain Mahomet serait
leur prophète ; nous en serions délivrés, et notre religion sainte
conserverait son empire dans vos cœurs, comme dans celui de vos
véritables défenseurs, de ceux qui brûlent de l’amour de votre
bien-être, et que vous payez d’une si noire ingratitude.
Femmes égarées, séduites et
vaincues par de damnables artifices, revenez à vous ; rentrez dans vos
murs, recueillez-vous dans le sein de ce dieu de paix que vous avez
méconnu. Entendez la voix de l’humanité. Frémissez d'avoir pu livrer à
la guerre civile.... qui, grand dieu! vos maris, vos enfants, vos pères
désolés, vos mères éplorées, vos concitoyens, vos bienfaiteurs, votre
ville, la France entière. Avant de condamner le culte des protestants
vos frères, commencez à connaître ce que vous prescrit le vôtre, et
sachez que dieu vous commande, non seulement l’amour de toutes ses
créatures, mais encore jusqu’au pardon des offenses les plus
cruelles.
Ou bien, continuez de
marcher de crime en crime, à la voix des nobles et des prêtres ;
rassemblez autour de vous tous les brigands du parti que vous
servez ; allumez d’un bout de la France a l’autre, le feu des
bûchers, et le flambeau de la discorde ; accourez de ville en ville,
massacrez tous vos amis, tous vos défenseurs ; que le sang et l'horreur
qu’il inspire ne vous arrêtent point ; venez à leur gré porter votre
rage dans le temple sacré, où vos législateurs veillent nuit et jour à
votre salut, où ils négligent pour lui jusqu’au soin de leur santé et
de leur vie ; immolez leur, les Robespierre, Barnave, Rabaud de
Saint-Etienne, Darches, Lameth, Camus, d’Aiguillon, la Rochefoucauld,
Pétion, et vos respectables pasteurs Grégoire, Dillon, Gouttes, etc.
Venez ravager cette ville, où le brave peuple français a renversé la
Bastille, et ramené en triomphe ce roi, qu’on a l’audace de vous
représenter comme prisonnier, alors, insensées que vous êtes, quand
votre rage aura détruit vos seuls amis ; quand nos braves gardes
nationales seront anéanties, ceux qui vous excitent par leurs clameurs
impies, au nom de la religion, craignant que votre fureur ne le tourne
contre eux, appelleront pour vous massacrer à votre tour, ces
troupes allemandes et autrichiennes, qui, le 12 juillet dernier,
s’apprêtaient si bien à servir leurs complots. Ils vous chargeront de
chaînes, dévoreront votre subsistance, et vous gémirez des siècles
avant qu’il s’élève des hommes qui osent s’exposer, et à leur
vengeance, et à votre ingratitude.
Mais que dirons-nous
de ces femmes, appelées Caumont de la Force
(*), qui ont ouvert, par la célébration d’une messe, cette scène
sanglante? De ces femmes, ci-devant nobles, qui pouvaient s’élever
au
rang de citoyennes, et qui se sont déclarées traîtres à
la patrie,
et vouées volontairement à ce genre d’infamie. Plus coupables mille
fois que ces malheureuses femmes qu’elles ont séduites, puisque
l’éducation devait au moins leur tenir lieu de principes, et leur
apprendre à contraindre leurs passions. Mais que dis-je, l’éducation?
Depuis plusieurs années, en existait-il une en France, et ne voit-on
pas dans la dépravation des mœurs, depuis quinze ans, la cause de
l’horreur que témoignent pour la révolution, les femmes de la classe
honorifique? il leur en coûte de voir échapper de leurs mains ces
tributs honteux des trésors des publicains, et des brigands décorés qui
assiégeaient le trône et dévoraient l’état. Il leur en coûte de voir
naître à la liberté des hommes qui, dédaignant la mollesse et
l’oisiveté, se livreront à des travaux glorieux et assidus, qui
veilleront au salut, non pas des femmes dissolues, mais de leurs
chastes épouses, et des enfants dont ils seront les pères. Encore
une
fois, c’est la corruption des mœurs qui produit aujourd’hui
l’anti-civisme des femmes, jadis nobles.
Eh!
comment craindraient-elles de franchir encore, en un point, les bornes
de leur sexe, elles qui ont dépouillé tout sentiment de pudeur? Comment
rougiraient-elles de joindre l’hypocrisie a tant de vices, plus honteux
encore. Les femmes chastes sont timides, les femmes perdues sont
hardies, audacieuses, cruelles. (sic) Toujours semblables à ces
bacchantes de Versailles (femmes débauchées), qui dansaient, dans la
fameuse orgie du 11 juillet, au bruit des instruments de guerre, dont
le son devait exciter au meurtre les soldats allemands, est-il étonnant
qu’elles cherchent encore à satisfaire, par le sang, la fureur de leurs
passions? Femmes coupables, femmes appelées Caumont de la Force, il
vous est permis de regretter aujourd’hui un seul des décrets de
l’auguste assemblée celui qui vous arrache l’espoir d’aller ensevelir,
dans les murs d’un cloître, vos noms déshonorés, votre honte et vos
remords?
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Caricature de Me Balbi (1791)
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Note : (*) Anne Caumont de la Force, comtesse
de Balbi,
est née en Dordogne en 1758, morte à Paris en 1842 ; elle serait une
possible maîtresse du comte de Provence, le futur Louis XVIII.
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11
mai : A l'Assemblée, il est pris un décret, qui permet de verser 28
millions au Trésor Public par la Caisse d'escompte. A Montauban, le
maire et les officiers municipaux font une proclamation à tous les habitants de la Cité. « Cette
terre natale en a été rougie. Jour de désastre et de deuil qui a vu des
frères armés contre des frères, des bras égarée la rage et le
désespoir; une Ville renommée par les charmes de son séjour, devenir
tout-à-coup un théâtre de discorde et de fureur! » (Source : Gallica-Bnf, 4 pages)
12 mai : Est fondée la «
Société de 1789 » avec MM. Lafayette,
Talleyrand, Sieyès et Bailly. Elle tient ses réunions au Palais-Royal,
les propriétés du duc d'Orléans, ou l'ancien Palais du Cardinal
Richelieu, Palais devenu Royal, lorsque le jeune Louis XIV y séjourna
lors de la Fronde, à ne pas confondre avec la résidence du roi...
13 mai : A Paris, un ordre du département des travaux publics, prescrit
au sieur Tourtille-Sangrain de n'allumer, les jours de lune, qu'un
réverbère sur deux dans toutes les rues de la ville, ainsi que sur les
places, les quais, les ponts et les boulevards. (Source : Gallica-Bnf, Alexandre Tuetey, Sources manuscrites de l'histoire de Paris pendant la Rév. fr. Page VII, tome 3, Paris 1894)
14 mai : Dans la capitale,
Louis-Félicité de Keralio épouse de M. François-Joseph Robert, membre
du club des Codeliers ou la Société
des Amis des droits de l'homme et du citoyen
fondée en avril, proche de Danton, celui-ci est le fondateur du Mercure national, etc., en toute fin de
l'année 1789, qui a eu divers
titres ou appellations.
A l’Assemblée, il est
voté la réglementation de la vente des
biens nationaux et le ministre M. de Montmorin, aux Affaires étrangères
a demandé des aides de secours pour la Marine, dans l'objectif de
mobiliser la flotte au plus vite. En soirée, au théâtre de la Nation
est joué les Amants malheureux ou le Comte de Comminges,
de M. François Baculard d'Arnaud, un drame en trois actes et en vers.
15 mai : A la Constituante, à la séance du matin, Robespierre prend la parole sur la question de savoir à qui appartiendra le droit de faire la paix ou la guerre? :
« Comment
prendrez-vous des mesures si vous ne connaissez pas votre droit? Vous
déciderez provisoirement, au moins, que le droit de disposer du bonheur
de l'empire appartient au ministre. Pouvez-vous ne pas croire que la
guerre est un moyen de défendre un pouvoir arbitraire contre les
nations? Il peut se présenter différents partis à prendre. Je suppose
qu'au lieu de vous engager dans une guerre dont vous ne connaissez pas
les motifs, vous vouliez maintenir la paix ; qu'au lieu d'accorder des
subsides, d'autoriser des armements, vous croyiez devoir faire une
grande démarche, et montrer une grande loyauté. Par exemple, si vous
manifestiez aux nations que, suivant des principes bien différents que
ceux qui ont fait le malheur des peuples, la nation française, contente
d'être libre, ne veut s'engager dans aucune guerre, et veut vivre avec
toutes les nations avec cette fraternité qu'avait commandée la nature.
Il est de l'intérêt des nations de protéger la nation française, parce
que c'est de la France que doit partir la liberté et le bonheur du
monde. Si l'on reconnaissait qu'il est utile de prendre ces mesures ou
toutes autres semblables, il faudrait décider si c'est la nation qui a
le droit de les prendre. Il faut donc, avant d'examiner les mesures
nécessaires, juger si le roi a le droit de faire la paix ou la guerre. »
Source : Bib. de Stanford, Arch. Parlementaires, page 517, tome XV.
Dimanche 16 mai : A
l'Assemblée, le matin, le comte de Virieu explique la nature du pacte
dit de famille, qui est un traité entre 4 puissances, que sont les
royaumes de France, d'Espagne, de Naples, et le duché de Parme :
« Il a pour objet principal de rendre les
sujets respectifs citoyens entre eux ; il porte l'abolition du droit
d'aubaine et l'engagement d'une défense respective... La justice d'une
guerre c'est la nécessité. Si l'une des quatre puissances est attaquée,
les trois autres doivent la défendre. Je suppose que le différend
actuel provienne d'une faute du cabinet de Madrid, et que vous croyiez
devoir abandonner l'Espagne : notre union avec l'Espagne est nécessaire
pour nous opposer aux entreprises d'une puissance qui ne cessera pas
d'être notre rivale. Si l'Espagne est défaite, la force de l'Angleterre
sera augmentée, et nos moyens politiques de résistance diminués. En
défendant l'Espagne, c'est notre vie, c'est notre richesse que vous
défendez. Notre commerce maritime fait vivre quatre millions de Français, les galions d'Espagne nous apportent l'opulence... »
Source : Bib. de Stanford, Arch. Parlementaires, page 530, tome XV.
17 mai : Guadeloupe, le tribunal de Pointe-à-Pitre condamne Jean-Louis,
le meneur (les captifs n'avaient pas de nom de famille), et l’un des
conjurateurs est condamné à être « pendu
et étranglé jusqu’à ce que mort s’ensuive, à une potence dressée sur la
place publique du bourg de la Petite-Goyave ; sa tête séparée de son
corps et attachée pour y rester à toujours sur un poteau de 20 pieds (6
mètres) (...) planté sur le grand chemin, près le dit bourg, son corps jeté dans un bûcher allumé et ses cendres jetées au vent » ; et quatre autres prévenus du 11 et 12 avril sont pendus. (Source : Musée du Mémorial Acte) A Paris, à la Constituante il est fait lecture de deux lettres de M.
Peyroret sur le massacre des patriotes de Montauban
(Tarn-et-Garonne), à lire ci-dessus dans l'encadré.
18 mai : Reparution de L'Ami du Peuple de
Marat. Ce dernier précise entre autres que depuis le 22/01, il n'y a
pas
eu d' autre numéro que le 125 et le précise dans le n°126 à cette
date :
« A
mon retour de Londres, où j'ai séjourné quelques mois, je trouve mon
Journal envahi par quatre folliculaires, qui se disputent à l'envi mon
titre, mon épigraphe, mon nom, mes qualités, en s'accablant d'injures
dégoûtantes, chaque matin. Nouveaux Sosies, chacun prétend être le vrai
; et telle est l'assurance de leur ton, qu'à la lecture de leur
barbouillage, je me tâte souvent le pouls, pour m'assurer si je ne rêve
pas. Quoi qu'il en soit, depuis le 22 janvier, jour à jamais mémorable
dans les fastes de la révolution, jour également signalé par l'audace
avec laquelle le ministre des finances entreprit d'enchaîner les
écrivains patriotiques en m’immolant ; par la lâche complaisance avec
laquelle le chef de la municipalité, le commandant de la garde
parisienne, le châtelet, se prêtèrent à ses vues criminelles ; par le
zèle avec lequel les bons citoyens s'opposèrent à cet attentat, j'ai
gardé un triste silence ; et de tant d’écrits , dont on me fait le
père, il n'est sorti de ma plume que mon Appel à la Nation,
ma Lettre sur
l'Ordre Judiciaire, et ma
seconde Dénonciation contre M. Necker.
Dès-lors, combien de fois n’ai-je pas déploré la perfidie des ennemis
de la liberté, qui m'avaient ôté les moyens de servir la patrie !
Combien de fois n’ai-je pas désiré que quelque homme estimable, aussi
zélé, mais plus habile que moi, continuât l’Ami du Peuple. L'entreprise
n’était pas sans attraits. A peine les scellés furent-ils sur mon
imprimerie, que plusieurs intrigants, non moins inepte ses
qu'effrontés, bien sûrs que je n'irai pas leur intenter procès,
profitèrent de la vogue de ma feuille, pour en faire une spéculation de
lucre. »
19 mai : A Paris, Gracchus Babeuf est emprisonné
suite à ses prises de position et actions à Roye, dans le département
de la Somme,
pour avoir selon ses propres mots « colérer
le Peuple » et organiser une pétition.
20 mai : A peu près à
cette date, le journaliste Stanislas Fréron sous le pseudonyme de
Martel (ci-contre) lance un
nouveau périodique : L'Orateur du peuple. (Source
: archives du Calvados) Personnage
trouble, auteur de malversations financières, à la fois proche de
Marat, ainsi que l'ennemi de Robespierre et des derniers jacobins
(montagnard puis thermidorien aux côtés de Barras). Fréron décédera en
1802 à Saint-Domingue de
la fièvre jaune lors de l'expédition coloniale et punitive du général
Leclerc. En Picardie, à Chauny le jeune Saint-Just prononce son premier
discours. A l'Assemblée, le duc de Liancourt remet un rapport sur
l'hôpital des Petites-Maisons (rue st-Denis) et de la Trinité (rue de
Sèvres).
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21 mai : Dans la matinée, sur l'île de la Cité,
l'Hôtel-Dieu reçoit la visite MM. Guillotin et de l'évêque de Rodez
pour le comité de mendicité. A l’Assemblée, une loi organique est
décidée pour les municipalités avec un décret établissant la
municipalité de Paris sur
des principes identiques à la loi municipale, et les 60 districts sont
remplacés par 48 sections (carte ci-dessous), ou les nouvelles
circonscriptions
administratives. Où se calqueront les sections révolutionnaires
parisiennes.
Atlas
Général, Histoire et Géographie, Paris pendant la Révolution 1790-1795
(Vidal Lablache)
22 mai : A la constituante, il est déclaré que « le droit de la paix
et de la guerre appartient à la Nation.
»
Dimanche 23 mai : Pentecôte, les époux royaux, le dauphin, Madame et Me
Elisabeth se sont rendus à l'office de la chapelle du château des
Tuileries prononcé par l'évêque de Senlis, Monseigneur de Roquelaure.
24 mai : Maine-et-Loire, l'assemblée
départementale choisie la ville d'Angers comme chef-lieu du
département. (Source : Service municipal d'archives de la ville
d'Angers)
25 et 27 mai : Sur l'île Bourbon (La Réunion), se tient la première
Assemblée générale, 134 députés titulaires et 55 suppléants se
rassemblent à Saint-Denis. Le surlendemain, à l'unanimité l'assemblée
se déclare, « permanente, inviolable et ne pouvant être dissoute que par un décret de l'Assemblée nationale, sanctionnée par le Roi. »
26 mai : J.P. Marat dans L'Ami du Peuple (n°114) sur la question de la guerre :
« Au surplus, je le répète, la nation n’a aucune raison d’épouser la querelle des Espagnols ; le pacte de famille ne la regarde plus,
depuis quelle elle a reconquis la souveraineté : il peut bien encore
intéresser le roi comme, chef de la maison de Bourbon ; mais c’est une
affaire purement de famille , dont la prudence exigeait qu’il évitât
aujourd’hui d'entretenir la nation. Et puis, pourquoi voudrions-nous
nous brouiller avec les Anglais, qui nous veulent tant de bien, qui
font des vœux pour nos succès, et qui désirent s’allier avec nous comme
avec leurs frères. Ils arment, nous dit-on ; la sagesse veut que nous
armions de même ; dites quelle elle ordonne que nous restions
tranquilles : qu’avons-nous à craindre aujourd'hui des peuples de la
terre, dont nous avons fait vœu de respecter les droits et la liberté?
La France fut-elle jamais aussi formidable? Elle a sur pied des
millions de citoyens armés ; qu’ils s’exercent au maniement des armes,
et la terreur du nom Français contiendra seule nos ennemis. »
Source : Gallica-Bnf, page 7
28 mai : Le port de la cocarde tricolore est rendu obligatoire pour les
officiers et se voit interdit la cocarde blanche. Sanctionné ce même
jour à l’Assemblée : « La loi qui
autorise la municipalité de Paris à
faire évacuer le couvent des Récollets du faubourg Saint-Laurent, et
celui des Dominicains de la rue Saint- Jacques, pour y établir des
dépôts de mendicité ou ateliers de charité ». (Nouvelle
loi ou
collection des décrets – édité chez Devaux en 1792)
29 mai : A l'Assemblée générale des
Représentants de la commune de Paris est
approuvé le Rapport de M. de Bourge au Comité de
constitution,
concernant l'affaire des Juifs, fait par M. Brissot de Warville : «
Les Représentant de la commune de Paris, réfléchissant qu'il importe, à
la veille de la formation de la nouvelle Municipalité de Paris, de ne
laisser aucun doute sur les droits de citoyens actifs des Juifs, croit
devoir recommander, à l'attention la plus sérieuse de MM. du Comité de
Constitution de l'Assemblée nationale, cet ouvrage où les droits de
tous les Juifs du Royaume sont prouvés avec la dernière évidence. » (Source : Gallica-Bnf)
Camp fédératif de Lyon, le 30 mai
30 mai : A Lyon est fêté la Fédération (estampe ci-dessus). A la Constituante, il est
décrété « l'extinction de la mendicité » (Note : Vaste programme
et
vœux pieux). Parallèlement à Paris seront ouverts de nouveaux
ateliers de secours à 20 sols par jour (anciennement de charité). Au
couvent des Jacobins, George Danton franchi le porche de la rue
Sain-Honoré et intervient pour la première fois après Alexandre de
Lameth sur les "soldats jaunes" (Source : Danton, de Serge Bianchi, Ed. Ellipses 2021). De même, M. Etienne Polverel,
ancien Syndic des Etats de Navarre, membre de la Société des amis de la
Constitution donne son opinion sur le mode de responsabilité des agents
du pouvoir exécutif. Il sera envoyé à Saint-Domingue en 1792, désigné
avec deux autres commissaires par l'Assemblée.
31 mai : A la Constituante, la constitution civile du clergé est à
l'ordre du jour, deux députés expriment notamment leurs opinions
respectives au sujet d'un décret proposé par le comité ecclésiastique,
avec deux interventions fournies, une de M. Camus député du Tiers de la
Haute-Loire et l'autre du curé de Roanne, Jean-Claude Goullard, député
du clergé du bailliage du Forez, etc..
Ps : C'est aussi ce même mois qu'à Paris le chansonnier des
sans-culottes Ladré
écrit ça ira !
(rédacteur des paroles), la musique connue est l'adaption d'une
musique en vogue : le Carillon National
de M. Bécourt, que Marie-Antoinette pianotait sur son clavecin... Mais
ne fait pas son apparition avant juillet, dans cette tonalité musicale.
à suivre ...
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