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Sommaire de la page,

1 - 1790, une année charnière !

2 - Chronologie de janvier à mai 1790
et sources complémentaires :

- Les peines capitales de M. Guillotin
- Les délibérations du district des Carmélites
- Admission des Juifs à l'état civil
- Les heurts et les femmes de Montauban



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1790, une année charnière !


Ville de Nancy, août 1790
L’année 1790 sera plus calme, mais en apparence. Le scandale qui a suivi l’arrestation du marquis de Favras, le 24 décembre, trouvait pour aboutissement sa condamnation à mort et sa pendaison en place de Grève, le 19 février. Celui-ci projetait d’enlever le roi et d’assassiner MM. Bailly et Lafayette, selon la formule consacrée. Son objectif était d'enlever Louis XVI aux Palais Royal et de le conduire à Metz, puis à Péronne, où le monarque mettrait fin à la Constituante. Il chercha à obtenir un emprunt de 2 millions de livres françaises pour mener à bien son entreprise et le fit au nom de Monsieur (frère du roi), ce qui allait permettre sa dénonciation.

C’est un libelle qui a été à l’origine de cette arrestation, l’on soupçonna M. de Lafayette d’avoir favorisé sa diffusion. Cette affaire allait en premier concerner Monsieur, c'est-à-dire le comte de Provence et le frère du roi, le futur Louis XVIII. Ce dernier nia toute implication dans une histoire qui porta le nom de « Conjuration ou de complot de Favras » et qui concerna un certain nombre de députés - dont l’abbé Maury et le comte d’Antraigues fuyant pour Londres à la fin février - et au passage la Cour. Le roi se déplaça devant l’Assemblée, le 4 février, pour en dénoncer l’attitude et le complot. Sans chercher à en tirer de conclusion, c’était un beau jeu de masque qui se déroulait, une de ces affaires et scandales qui touchèrent la fin du règne.

Tout au long de l’année, la Constituante ébaucha lois et décrets notamment tout ce qui pouvait concerner : les affaires religieuses, dans ses divers aspects et touchant à la reconnaissance, entre autres des
« Nations juives » du royaume : Alsace, Bordelais, Avignon. Ce fut le dossier le plus sensible, et manifestement la volonté allait être de faire de l’église catholique romaine, non pas une religion d’Etat comme il fut voté dans un premier temps, mais peu à peu une religion au service de l’Etat, en demandant aux ecclésiastiques de prêter serment au nouvel ordre religieux et politique qui se dessinait. Le succès en a été plus que relatif  et créait une division notamment au sein du petit clergé, qui avait tenu une place décisive dans le changement de régime. Tous ne voulurent pas vouloir prêter serment. La crainte de l’excommunication a pu avoir jouer un rôle, la fidélité au pape n’en faisaient pas pour autant des ultras, seulement un tiers des prêtres acceptèrent les nouvelles règles édictées. Si le monarque approuva mollement dans un premier temps, il allait finir par se rétracter, et de quoi supputer que sa stratégie allait prendre de nouvelles formes.

La naissance du journal l’Ami du Roy  vit naître aussi un presse réactionnaire ou conservatrice, un dénommé Louis Ange Pitou allait recevoir des mains de la reine un prix (en juin), et lui offrir en retour son portrait. Il se tissait en cette année des jonctions et des soutiens financiers secrets, et le choix de cet homme n’a pas été fortuit, il fut un des tenants de la propagande royaliste. Le raciste, antisémite et nationaliste Edouard Drumond a été un des rares auteurs à se pencher au XIXe siècle sur cet étrange personnage, qui allait dans quelques années être une coqueluche dans la capitale et s’avérer un propagandiste de génie. Le sieur Pitou a été un des fabricants de la légende qui allait se construire dans l’après neuf Thermidor (fin juillet 1794). Sans l'appui de "l'Autrichienne", il se fit connaître à l'aide de petits textes satyriques imprimés et vendus à un sou. Il usa de mises en scène sur les places parisiennes de sa personne pour diffuser sa prose en se moquant des pouvoirs révolutionnaires. Il a su capter ainsi un public et vivre de ses œuvres caricaturales aux accents d'un royalisme sans-culotte... et il a pu connaître toutefois quelques déboires et une incarcération à la prison des voleurs de Bicêtre. Une vie assez tourmentée, mais dans l'esprit du temps et significative du camp réactionnaire.

Pour ce qui est de la répartition des biens du clergé, ceci donna lieu à plusieurs décrets et d’âpres débats, mais ce n’était qu’une étape, les religieux furent amenés à devenir des fonctionnaires de l’Etat ou des collectivités, tout cela se calquait administrativement parlant, à l’exemple de l’élection d’un évêque par département. Du côté de Rome, cela s'engageait par une condamnation par Pie VI des droits de l’Homme et du citoyen. Puis se posait aussi la question d’Avignon, ville papale, les habitants demandèrent à rejoindre et à se fédérer au royaume et l’obtinrent l'année suivante. L’aristocratie du Midi se trouvait à la tête de quelques municipalités et favorisa les groupes et agitations les plus favorables à un retour à l’absolutisme et à l’orthodoxie des règles passées.

Ce qui pose bien avant la guerre civile en Vendée, plus exactement dans l’ensemble du haut Poitou, les prémices avec des affrontements sanglants entre partisans de différents camps en opposition. Et qu'il ne faut pas confondre avec les Chouans originaires de Bretagne. Le Sud-est allait être la scène des premières grandes escarmouches et conflits religieux et politiques. Là où se trouvaient les émigrés de la première heure, c’est-à-dire les pays frontaliers, tous s’agitaient auprès des pouvoirs pour mobiliser des troupes. Si à l’Assemblée la question fut posée sur le nombre et la puissance des armées françaises, bon nombres d’officiers étaient encore attachés aux marques du passé, qui plus est, il s'agissait d'aristocrates. L’arrivée d’officiers sans distinctions d’origine fut un principe voté, mais pas établi et la grande faille de l’armée être ses supérieurs hiérarchiques dévoués à la couronne, et qui pouvaient être en opposition avec les gardes nationales. Mais rien n’était encore très précis, les gardes nationales étaient royalistes dans sa pluralité, ou plus ou moins citoyennes ou patriotes, selon les régions ou nouveaux départements, selon les circonstances dans l’esprit du changement.

Il s’agissait d’un transfert de pouvoir important qui s’opèra, quant aux services proprement publics, les villes et les départements récupèrent des charges comme l’approvisionnement des denrées alimentaires, et tout ce qui avait trait au fonctionnement du quotidien, plus à l’activité propre d'entretien et de surveillance des cités et aux demandes de travail pour vivre. Le projet d’extinction de la mendicité avait fourni les premiers mois des emplois, mais le budget de l’année serra quelques vis et reprenait à peu près les mêmes critères éprouvés, par exemple sur la misère. Elle restait l’ouvrage de la paresse, et les petites gens ne pouvaient qu’être des petits escrocs en puissance. On colla donc aux habitants pauvres des villes des papiers pour mieux vérifier les identités et repérer ceux qui trichaient. Tout cet ensemble administratif avait été dévolu à la Lieutenance Générale de Police, cette institution avait eu avant 1789 des fonctions équivalentes à un haut commissaire ou une sorte de super Préfet.  

Louis XVI a eu quelques difficultés à accepter la nouvelle donne, et ne plus à avoir à dire son mot en première et dernière instance, il fit mine de se résigner à ses nouvelles fonctions de « roi des Français ». En de dehors du « veto suspensif », il ne pouvait pas faire grand-chose sur les changements à part freiner de quatre fers et de peur de se prendre en retour une réaction populaire, le terrain restait mouvant. Le si bien aimé Necker, cette fois-ci nous quittait début septembre et ne fut plus le ministre des finances. Au dernier trimestre, ce fut toute l’équipe qui était remaniée, voire pousser à démissionner et seul Montmorin aux Affaires étrangères était reconduit. La personnalité qui monta en puissance fut celle du marquis de Lafayette, l’homme avait un œil sur tout et ce fut lui qui allait finir par dicter la conduite générale.

La toute fin d’année vit Mirabeau se vendre d’un bloc, cela commença par une entrevue discrète avec la reine et se paya rubis sur l’ongle en décembre, tout en voulant contrer Lafayette, il trouva quelques grâces à un couple agissant dans l’ombre et qui commençait à financer la contre-révolution. Louis Auguste fit appel même au roi de Prusse pour faire tomber cette révolution de principes et statutaires et qui effrayaient peu de sujets britanniques, habitués à cette organisation de la société.

En Europe si l’Autriche était en butte avec un de ses territoires, elle aussi se retrouvait avec une révolution bourgeoise dans le Brabant (se trouvant au nord de la Belgique) et proche des idéaux de 1789. L’Autriche tout comme la Prusse et la Russie furent plus affairées sur l’Europe centrale, la Pologne était au centre de tractations et inimitiés diverses.  Dans une certaine limite, ce qui se passait en France était encore lointain de leurs intérêts respectifs. Et l’accueil n’était pas que négatif, surtout outre-Rhin et outre-Meuse, les bourgeoisies européennes furent très à l’écoute de ce nouveau vent d’émancipation social et politique.

Sur le plan politique en France, ce fut  aussi la montée en puissance des clubs. Il n’était pas anodin que Robespierre élu en avril pendant un mois devint  Président des Jacobins. Ce fut son vivier, là d’où partirent ses approches critiques comprises à la base, mais absolument rejetées par les nouvelles élites. Tout en étant aussi présent aux Cordeliers comme membre fondateur du club des moins fortunés, il était au contact direct avec la population parisienne et avec ceux qui composèrent en 1792 dans les gradins, en haut et à gauche de l’hémicycle, sous le nom de Montagne, et qui furent désignés sous le terme générique des montagnards, mais attention plus en lien avec les cimes, que sur la nature du positionnement dans l'hémicycle. L'on retrouvait notamment Danton et son inconditionnel Fabre d’Eglantine, Marat, etc. Une autre figure assez mal connue tint un rôle non négligeable au couvent des Cordeliers fut un certain Jacques Roux porte-parole des plus humbles, un de ceux que l’on nomma péjorativement ou classa chez les Enragés.

Le mouvement social a été très composite, on ne peut pas parler d’une gauche organisée au sens propre ou en relation avec ce qui se fera la fin du siècle suivant. Le changement qui s’opèrait s’il peut sembler timide, fragile sur le plan d’une conscience sociale, un ventre qui parle ne produit pas que des gargarismes. Et la mise en mot de la colère était encore très feutrée, un texte de Jacques Roux de l’année n'était que le reflet du moment (Discours prononcé dans l'église des Cordeliers, le 19 avril dernier - 1790) (Source : Gallica-Bnf), si la colère des Parisiens a pu être moins vindicative, ce fut au prix d’une méfiance du nouveau pouvoir, du moins ce qui ressembla à une rénovation.

La façade ne changea guère. Marat aux prises de sa fulgurance et de ses écrits prémonitoires, il fut amené à traverser la Manche les premiers mois de l’année, à Londres. Il y fit quelques rencontres, notamment avec l’ancien ministre Calonne et le Premier ministre Britannique. Il laissait en anglais un hommage étonnant sur le thème : « Le Roi est un ami du Peuple ». L’on découvre ainsi que ses convictions profondes n’avaient pas encore fait totalement jour, il passa pour un espion anglais ou à leur solde. Sa fuite était consécutive à des menaces qui pesaient déjà sur sa personne et des batailles de rue avaient éclaté dans son quartier. Ce contraste politique a été le fait de toute une génération. La révolution ne faisait que commencer, et tout était de l’ordre de l’inconnu et du commencement.

Hébert commençait à faire paraître durant l'été, le Père Duchesne. La presse populaire se tailla peu à peu un succès d’estime et l’occasion pour cette plume de la mettre en pratique et d’y voir une occasion de mettre du beurre dans les épinards. Sa publication était de petit format, composée de quelques feuillets, elle allait être très connue et redoutée. Que le Père Duchesne prenait parti contre avec ces « gens foutres », ce n'était qu’une expression stylistique, il ne s’agissait pas d’une expression vulgaire, mais d’un journal satyrique et d’expression politique. Et qui allait effectivement permettre à son rédacteur de sortir de son presque anonymat et d’une vie modeste. Il existe beaucoup de commentaires d’historiens convergeant en l’idée qu’il a été un opportuniste. Cette réalité a été quasi générale, du moins pour ceux pouvant lire ou écrire, et faire leur trou. Pour le reste, les souffrances n’avaient pas disparu par enchantement, elles avaient encore de quoi se manifester.

Nous sommes dans une année charnière, et certains indicateurs furent positifs comme la fin de l’hérédité des titres et des charges qui pouvaient les accompagner, et l’apparition d’un héritage plus égalitaire, sauf que l’introduction du testament dans la loi permettait d’échapper à un partage équitable entre les membres d’une même famille. La nouvelle organisation administrative et politique du pays, les questions d’héritage et de distinctions sociales, plus la question régulière des finances et des impôts, plus la création du papier-monnaie furent les dossiers chauds et récurrents à traiter et promouvoir. Les assignats devenaient partiellement convertibles sauf les grosses coupures.

A l’Assemblée, ça ne chôma pas et permit même un semblant de relance économique. Toutefois cela ne fut que de courte durée, la réception de l’assignat ou du papier-monnaie fut plutôt mal accueilli, il allait être l’objet de fortes dévaluations et sa valeur baissée. Jusqu’alors seuls les métaux servaient de monnaie d’échange et ce qui sema le trouble, ce passage à ce type de liquidité change les habitudes, mais surtout les assignats n'étaient pas convertibles à l’étranger défaut de taille dans les échanges commerciaux, et  son absence de stabilisation de la monnaie finir par être rejetée de toute part et à tous les échelons de la société. Nous sommes avec la monnaie en « livre française », le franc n’existait pas encore, sa création plus tardive.

La bonne nouvelle de l’année, les cultures furent bonnes et l’absence de disette donna une année moins houleuse sur ce front et le nombre des émeutes sur ce plan donner l’impression d’une accalmie. Néanmoins nous sommes loin de l’apaisement général et la césure dans la société se creusait. Trois affaires notables concernèrent deux régions de l’hexagone, plus des événements dans les colonies à Saint-Domingue et en Martinique. Et ces trois situations connurent un impact national. La première débuta dans le Gard, et toucha une partie du Midi jusqu’à Toulouse. S’il ne suffisait pas de la grogne populaire, se cumulèrent les haines religieuses et se réactiver les dissensions entre Catholiques et Protestants (ou Huguenots). Ceux-ci prirent clairement du côté de la Révolution, d’autant plus que depuis décembre 1789 les voilà citoyens à part entière de la Nation, du moins « passifs ou actifs ». Faut-il aussi préciser que depuis 1787 le culte protestant n'était plus passible d'hérésie.


Des mauvaises nouvelles allaient survenir au mois d’août, à Nancy, et se dérouler une opération militaire d’envergure avec plus de 4.000 hommes en arme. Ces troupes s’attaquèrent à des militaires insoumis du régiment de Château-Vieux, et en moins de trois heures, au moins 300  soldats rebelles perdirent la vie, un soldat était roué vif en place public, d'autres pendus (40). Les survivants furent envoyés aux galères et le tout avec les remerciements de l’Assemblée et du roi au massacreur en la personne du marquis de Bouillé. Et surtout ce plan répressif fut sous les ordres de Lafayette, qui pouvait mettre en oeuvre ainsi la fameuse loi martiale et réprimer dans le sang, ce qui à l'origine s’était apparenté au non-paiement des soldes.

S’il existe trace et mémoire en Lorraine de cet épisode nommé « l'Affaire de Nancy », le terme massacre serait bien plus approprié. Un des quémandeurs de sa solde fréquentait le club local des Jacobins et par le hasard des circonstances intervenait le maire et administrateur de la ville, qui fut un certain Monsieur de Custine. Qui sera mis en accusation en 1793 et guillotiné pour trahison avec l'ennemi austro-prussien. Il faudrait dans cet ensemble analyser tous les phénomènes contradictoires. La morale qu’en tira apparemment Louis XVI, fut que lui au pouvoir, cela aurait eu une tournure moins sanglante, difficile d’être plus en retrait et de faire double, voire triple jeu?

La dernière et grande affaire de l’année a été ce qui se passa avec les colonies, quand les populations noires et métisses se révoltèrent pour des conditions
nouvelles d'existence, cet autre mouvement des damnés du ciel allait surtout prendre pied à Saint-Domingue. Si Haïti est aujourd’hui un des pays les plus pauvres du monde, c’était presque une mine d’or à) ciel ouvert pour l’époque et pour le commerce extérieur du royaume un apport non négligeable. Si l’on a été incapable de faire en France, même avec un quasi servage un pays auto-suffisant sur le plan alimentaire, la mise en oeuvre de certaines monocultures par les colons, comme le sucre était un apport non négligeable de ressources et d'enrichissements à crédits. C’était le grand pactole de l’époque et avec une main-d’oeuvre d’esclavage entrant dans le négoce que l’on nomme triangulaire, comme d’une marchandise. Le terme « mulâtre » est purement péjoratif et vexatoire, certains textes esclavagistes dressaient le tableau d’animaux, quand il s’agissait d'hommes, de femmes et d'enfants noirs de peau, où l'épiderme faisait oeuvre d'un classement discriminant.

La place des armateurs, des villes portuaires comme Bordeaux, Nantes et autres, les affaires maritimes et commerciales furent à la pointe des échanges avec les autres Mondes. Mais elles ne représentèrent pas le courant le plus libéral et encore moins républicain, bien au contraire, le "parti colonial" de l’Assemblée empêcha jusqu’à la venue de la République tout affranchissement des esclaves africains. Il n'a pas été voulu un développement outre mesure de cet aspect de la Révolution française sur les révoltes américaines, dans les Caraïbes en particulier, mais il est difficile d'y échapper, ou dene pas en tenir compte. Pour toute information supplémentaire, je vous renvoie vers une bibliothèque des Outre-mers : MANIOC ; où vous trouverez quelques ouvrages importants sur cette page de l’histoire des Antilles et des Guyanes, et de nombreuses vidéos conférences à consulter.

En France, il ne faut jamais oublier qu’un mauvais été, ou un hiver glacial était (et toujours) du possible. Cela pouvait avoir des incidences directes et mortelles dans le quotidien et bloquer certains rouages du négoce pour nourrir les populations. Ce commerce extérieur demandait l’achat de grain à l’étranger, quand les greniers étaient vides, ce fut la partie déficitaire et la plus contrainte. On ne plaisante pas dans ce pays et de tout temps avec le pain, un sujet pour une histoire à elle seule. Cette relation a été à l'origine du christianisme apparentée au corps du Christ, le pain comme source de symboles divers et selon les milieux sociaux et culturels. Le pain n’a pas été pas que symbole, il était celui qui nourrissait et participait de chaque repas : quand il y en avait... C’était l’accompagnant de la soupe, la miche quelque soit les foyers ou sa forme était l’attendu du repas.

L’uniformisation des poids et mesures représenta un premier pas vers ce destin commun. La Nation avait besoin de repères et d’éléments communs, ou comment faire avec de telles différences, si l’on n'avait pas cherché des règles communes? Ce fut aussi et entre-autre, en cette année 1790, que les départements allaient prendre leurs contours géographiques, en remplacement des régions du royaume divisées
selon la taille en plusieurs départements, à l'interieur desquels se subdivisèrent les districts (déjà pré-existants en 1787), qui eux-mêmes avaient 3 ou quatre cantons, dont un chef-lieu de district. Les districts parisiens ont plutôt été nommé sections, en raison des assemblées et élection qui sont tenues et en référence aux sans-culottes. Dans l'ensemble les débats autour de ce dispositif n'ont pas connu de fortes oppositions, sauf chez de rares élus, les plus conservateurs ou attachés à l'ordre ancien.

Lionel Mesnard, texte complété le 11/02/2023


Chronologie de l'année 1790, de janvier à mai



Paris Salle du Manège - Assemblée constituante ou nationale

I - Le mois de janvier 1790

Vendredi 1er janvier : A Paris, au château des Tuileries, une députation de l’Assemblée nationale, de la Mairie de Paris, de l'état-major de la garde nationale de Paris, etc., viennent présenter, au roi et à la reine, leurs hommages pour la nouvelle année.

2 janvier : A la Constituante, le marquis de Montesquiou fait un rapport, il est présenté un plan de financement proposé par le comité des finances, le tout suivi d'interventions des députés sur le sujet. Il est ensuite fait état de l'affaire de Toulon, puis est fait un compte-rendu
par le président d'une députation en visite au roi et à la reine. Le soir, le Maire de Paris, M. Bailly fait une intervention au nom de la Commune et de la garde nationale, et se tiennent des discussions sur des projets d'impositions (Berry, Rouen).

3 au 7 janvier : Dans la capitale, Jean-Paul Marat
prend parti dans L'Ami du Peuple pour le chevalier James Rutledge, prisonnier depuis la fin décembre de l'an dernier au Châtelet, et publie son Mémoire sur 2 numéros (du 3 et 4 janvier) où il fait une dénonciation de MM. Necker et Valdec de Lessart (collaborateur du ministre des finances).

4 janvier : M. l'abbé de Monstequiou est élu à la présidence de l'Assemblée. Le roi est prié de fixer lui-même « la portion des revenus publics que la nation désire consacrer à l'entretien de sa maison » (Motion présentée par M. Le Chapelier concernant la liste civile, nom donné aux dépenses du monarque).

5 janvier : A Bordeaux, la municipalité évoque une fête commémorative pour le 14 juillet. Le processus fédératif ou en relation avec la Fédération est en marche (à ne pas confondre avec le fédéralisme). A la Constituante l'on débat des pensions.


6 janvier : Jour de l'épiphanie et de la galette, aux couvents Jacobins, la Société des amis de la Constitution après que chacun est reçu une part, sauf une part réservé aux pauvres et renommé à l'occasion "la part du diable", personne n'a la fêve et sême le trouble dans l'assistance avec un début d'incendie et une légère bousculade. (Source : OpenEdition, L’épiphanie, entre dérision et volonté d’abolition, Michel Biard) Il se tient la première réunion du Club helvétique de Paris, où se rassemblent des patriotes suisses (ce club prendra fin en août 1791).


7 janvier : A Versailles, il éclate une émeute. La municipalité est forcée par la foule de baisser le prix du pain.

8 janvier : A l'Assemblée, il est décidé l'envoi des commissaires civils chargés d'installer les nouvelles autorités.

9 janvier : Dans L'Ami du Peuple du jour, il est fait part de l'émeute survenue deux jours avant
: « Hier soir, il y eut une insurrection à Versailles au sujet de la disette du pain. La garde nationale accourue pour rétablir le calme, n'en put venir à bout, quelques infortunés ont perdu la vie, deux soldats ont été tués. Berthier (député de Nemours), l'odieux Berthier, n'a échappé la lanterne que par la fuite, de même que le vil Froment, bailli de la ville et âme de la municipalité. » et que le quotidien la Chronique de Paris (du 16 janvier) présente comme de fausses informations par un sous-lieutenant de la Garde nationale de Versailles. « Il (Marat) avance, dans son numéro du 9 janvier, que l’émeute du 7 avait pour cause la disette du pain, et ce n'était que son prix ; qu’il y eut plusleurs citoyens de tués, et il n’y a pas eu un seul coup de porté ; que ce soulévement a été suscité par l’odieux Bertier, à qui personne ne peut justement faire aucun reproche, et le vil Fromme (le bailli), qui est absent de Versailles depuis plus de trois mois. »

10 janvier : Dans la capitale, selon Gilbert Romme avec son élève Strogonoff, ainsi que quelques amis auvergnats précise-t-il, ils fondent la Société des Amis de la loi. Ce club tiendra ses réunions chez Théroigne de Méricourt, archiviste de la Société.

11 janvier 1790 : Bruxelles, suite à la réunion de députés conservateurs et progressistes des différentes régions des états belges, sauf le Luxembourg qui est resté sous l'autorité des Autrichiens, il est ainsi proclamée la république fédérale des « États-belgiques-unis ».

12 et 13 janvier : A la Constituante est annoncée, par le vicomte de Noailles, la mort le 10/01 de M. Pierre Berthier à Paris, député du bailliage de Nemours. La motion de M. Goupil de Préfeln
est presentée concernant la poursuite des crimes de lèse-nation. Est aussi à l'examen un Projet d'administration pour la ville de Paris présenté par M. de La Metherie, docteur en médecine qui propose pour les maisons de force, qu'elles « doivent être surveillées avec soin. Personne n'ignore les malversations qu'y commettent les proposés. Bicêtre, la Salpétrière, le dépôt de Saint-Denis, etc, doivent étré supprimés en partie. On enverra dans les villes fortes, dans les ports, etc, les personnes condamnées aux travaux publics. Les vieillards infirmes, indigents, rentrent dans la classe des pauvres dont nous venons de parler. Enfin, les femmes prostituées doivent jouir comme citoyennes de leur liberté. On ne les renfermera que pour les faire guérir lorsqu'elles seront malades. L'arbitraire doit être exclu ici comme ailleurs. Elles ne peuvent être enfermées à Londres qu'environ deux mois. » Les propositions ne seront pas insérées dans le Moniteur est-il précisé comme note (Archives Parlementaires Stanford, page 177, tome XI). Le lendemain il est lu des Adresses dont l'une provient de la municipalité d'Ajaccio.

14 janvier : Dans la capitale, au théâtre du Palais royal on joue une nouvelle pièce de M. Collot d'Herbois, une comédie en trois actes, L
a journée de Louis XII. Cette pièce remporte un certain succés et elle est jouée un vingtaine de fois en deux mois. Le texte semble n'avoir jamais été imprimé.

Vendredi 15 et samedi 16 janvier : A l'Assemblée le nombre de départements est fixé à 83. Le décret relatif aux départements sera décidé le 26 février. Le lendemain après le rapport du Garde des sceaux sur les troubles se produisant dans le pays, plus tard M. Duport déclare avoir
« saisi cette circonstance pour démontrer la nécessité d'organiser promptement les municipalités dont le premier devoir serait de s'occuper de la mendicité. S'il y a tant de pauvres aujourd'hui, a-t-il ajouté, cette misère est peut-être causée par la rareté des pièces de billon ou de monnaie grise. Telle personne qui donnerait une pièce de 6 liards ou 2 sous aux pauvres ne peut leur en donner une de 6 ou de 12. S'il y avait plus de monnaie grise, il y aurait plus d'aumônes. Une preuve de la rareté de cette monnaie, c'est que nous en avons beaucoup d'étrangères ; je demande que l'Assemblée prenne ces observations en considération. »

17 janvier : A Paris, M. Gourverneur Morris (étasunien, plus ou moins en mission en Europe depuis 1789) est en compagnie de M. et de Me de Lafayette, il rapporte dans son Journal l'échange avec le commandant-général : « La Fayette songe encore à une combinaison ministérielle : « Il dit qu'un premier ministre est nécessaire. Je lui demande qui sera aux finances, si ce sera l'évêque d'Autun. Il dit qu'il ne ferait pas l'affaire ; qu'il est inférieur à̀ la tâche. Que M. Touret pour le ministère de l'Intérieur et M. de Saint-Priest pour les Affaires étrangères iront bien ; mais qu'il n'y a pas d'autres hommes suffisamment éminents.
» (Source : Gouverneur Morris, un témoin américain de la Révolution française, page 184, Paris 1906)

18 janvier : A la Constituante, M. Target en remplacement de M. Montesquiou est désigné président de l'Asssemblée et il est assisté de MM. l'abbé Expilly, le vicomte de Noailles et de la Borde de Mereville, comme nouveaux secrétaires des séances.

19 janvier : A Pontivy, la jeunesse bretonne fait le serment de « vivre libre ou mourir ». Au Parlement, est lu un rapport sur les limites du département de Paris, où il est précisé que la ville de Saint-Denis refuse d'appartenir au département parisien. « L'Assemblée nationale a décrété : Que le département de Paris aura environ trois lieues de rayon, excepté depuis Meudon jusqu'au dessous de Saint-Cloud, où il sera borné par les murs du parc de Meudon, et par une ligne qui, embrassant Clamart et les Moulineaux va finir au pont de Sèvres, d'où le milieu de la rivière servira de limite, les deux ponts de Sèvres et de Saint-Cloud réservés néanmoins en entier au département de Paris ; qu'au-dessous de Saint-Cloud les limites s'élèveront, au nord-ouest, jusques vis à vis le village des Carrières de Saint-Denis, à partir duquel le milieu de la rivière bornera le département jusques au territoire de la paroisse d'Épinay ; que depuis ce point le rayon aura trois lieues jusqu'au coude de la Marne à Champigny ; qu'il aura trois lieues et demie depuis le coude de la Marne jusqu'à Bonneuil, et que, depuis Bonneuil jusques au-dessus du Plessis-Piquet, le rayon de trois lieues à partir du Parvis Notre-Dame servira de règle conformément au décret de l'Assemblée qui a décidé que ce rayon s'étendrait à trois lieues au plus ; enfin, que depuis les bornes du Plessis-Piquet une ligne tirée jusques aux murs du parc de Meudon servira de limite ». (Source : La création de Paris et son étendue, page 21, Fernand Bournon, 1897)

20 janvier : Le comte Bleickard d'Helmstatt, député de la noblesse pour le bailliage de Sarreguemines, donne sa démission de l'Assemblée constituante refusant tout choix de réforme. M. Bailly adresse une lettre sur la misère qui règne à Paris et un rapport est fait par M. l'abbé Sieyès sur les délits de presse devant la chambre. Le philanthrope John Howard, auteur britannique, a été traduit en français en 1788 pour son livre : l'État des prisons, des hôpitaux et des maisons de force, il décède à 63 ans en Ukraine à Kherson.

21 janvier : A l'Assemblée, il est décrété l'égalité des peines et la décapitation comme mode d’exécution des peines capitales sur proposition du docteur Guillotin.
Ce débat sur le code pénal avait été préalablement débattu, il s’agissait de l’égalité devant la mort qui fut abordée dès octobre, puis en décembre 1789. Ce travail parlementaire ne fait que commencer et se prolongera jusqu’en avril 1792 avec les décrets d’applications pour la mise en oeuvre de l’échafaud. Ce jour, 4 articles sont décrétés et d’autres votés à la séance du soir (Archives Parlementaires, page 279 du tome XI). Jusqu’alors, les sentences capitales touchaient aussi les membres de la famille proche, se voyant ainsi bannis de leur domicile et punis d’amendes pour une faute commise par un familier, s’il s’agissait d’une condamnation à mort ou plus généralement un crime de sang ou contrevenant aux lois criminelles en vigueur. Si le travail du député des faubourgs de Paris, Joseph Guillotin, peut étonner, il faut souligner une véritable avancée en matière d’égalité.
Il est aussi approuvée la motion de M. Barnave au sujet des citoyens indigents de Paris, suite à la lettre adressée à l'Assemblée par le maire de Paris, M. Bailly. Le soir, il est pris connaissance d'une Adresse de la Société des amis des noirs de Paris pour l'abolition de la traite négrière, et la discussion continue sur divers articles proposés par M. Guillotin sur les lois criminelles et leur adoption.


Les peines capitales de Monsieur Gulllotin...
  

M. Guillotin demande à présenter quelques observations et dit :
« Dans tous les cas où la loi prononcera la peine de mort, contre un accusé, le supplice sera le même, quelle que soit la nature du délit dont il se sera rendu coupable. Le criminel sera décapité. Il le sera par l'effet d'un simple mécanisme. Nul ne pourra reprocher à un citoyen le supplice ni les condamnations infamantes quelconques d'un de ses parents. Celui qui osera le faire sera réprimandé publiquement par le juge. La sentence qui interviendra sera affichée à la porte du délinquant : de plus, elle sera et demeurera affichée au pilori pendant trois mois.

Ne doutez pas un seul instant que le préjugé ne se dissipe. .Cette révolution sera l'ouvrage du temps. Rien n'est si difficile que de détruire une sottise qui s'est accrochée au prétexte imposant de l’honneur ; elle tient à un sentiment presque irrésistible, que l'habitude a identifié avec notre existence sociale; mais quand cette sottise fait une partie de nos moeurs et s'est mariée avec d’autres usages aussi peu réfléchis, il semble qu'elle soit indestructible : or tel est le préjugé de cette infamie héréditaire que nos ancêtres avaient consacrée depuis tant de siècles.

La révolution étant universelle, elle frappera sur cette inconséquence morale, qui faisait partager à l'innocence les peines d'un crime ou d’un délit. Sans ce bouleversement général de la législation, cette erreur aurait résisté encore pendant plusieurs siècles aux déclamations des orateurs, aux efforts combinés de la philosophie et des lois. C'est dans le peuple surtout qu'elle s'était fixée; car la noblesse en avait secoué le joug or les vérités morales sont difficilement, saisies par un peuple égaré, qui respecte; par habitude tout ce qui lui a été transmis par ses pères, et adore religieusement jusqu'au mensonge qu'il a entendu répéter dès son berceau. Il faut espérer que le peuple s'empressera de s'instruire. Admis dans différents emplois à quelques parties de l’administration, il s’éclairera promptement; il apprendra les lois de son pays, qu'il ignorait ; et la vérité sera substituée à une foule de sottises avec lesquelles la cupidité sacerdotale ou le despotisme des souverains amusait sa faiblesse et sa crédulité».

    « M. le Président met aux voix l'article 6 qui est adopté. Enfin les 4 articles adoptés ont été rédigés et décrétés en ces termes.
          L'Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit :
« Art.1. Les délits du même genre seront punis par le même.genre de peine, quels que soient le rang et l'état des coupables.

« Art.2. Les délits et «les crimes étant personnels, le supplice; d'un coupable, et les condamnations infamantes quelconques n'impriment aucune flétrissure à sa famille. L'honneur de ceux qui lui appartiennent n'est nullement entaché, et tous continueront d'être admissibles à toutes sortes de professions, d'emplois et de dignités.

« Art.3. La confiscation des biens des condamnés ne pourra jamais être prononcée dans aucun cas.

« Art.4. Le corps du supplicié sera délivré à sa famille, si elle le demande. Dans tous les cas, il sera admis à la sépulture ordinaire, et il ne sera fait sur le registre aucune mention du genre de mort. »
Il est arrêté, en outre, que les quatre articles ci-dessus seront présentés incessamment à la sanction royale, pour être envoyés aux tribunaux, corps administratifs et municipalités. (…) M. le Président lève ensuite la séance en indiquant celle de demain, pour 9 heures du matin ».

22 janvier : A Paris, suite à une tentative d'arrestation de Marat par les forces de police, le journaliste ayant attaqué vivement Necker dans l’Ami du peuple, un combat de rue éclate entre les habitants du district des Cordeliers et les forces de l'ordre. Dans un long texte s’appelant « l’Appel à la Nation », il écrit « souvenez-vous du 22 janvier » !

23 janvier au 5 février : A mi-chemin et à l'Ouest de Rennes et de Nantes, vont se dérouler des révoltes agraires au sein des paroisses
situées entre Redon (Ile-et-Vilaine) et Ploërmel (Morbihan), jusqu'à l'arrivée début février de forces armées. L'on dénombrera la mort de plusieurs paysans et au moins 9 arrestations.

24 janvier : En Corrèze, les châteaux sont saccagés. Dans La Chronique de Paris (n°24) signale qu'on
« lit, dans les derniers numéros de l'Observateur, des lettres d'un prisonnier de Bicêtre (à Gentilly), nommé M. Musquinet de la Pagne, qui réclame contre la dureté des administrateurs, qui, à leur tour, paraissent réfuter victorieusement ses plaintes. Ce, prisonnier sollicite un jugement du Palais-Royal ou la Grève, dit-il dans sa dernière lettre. C’est une justice que l'on ne saurait lui refuser. »

25 au 27 janvier : A la Constituante, Robespierre réclame la suppression du décret sur le « marc d'argent » et fait une motion sur l'exercice des droits de citoyen actif : « La souveraineté réside essentiellement dans la Nation. La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir à sa formation, soit par eux-mêmes, soit par leurs représentants, librement élus. » Le député d'Arras a terminé son discours sous les insultes et les huées. La grande majorité a refusé le suffrage universel et elle est restée insensible à la « défense des intérêts du peuple ». Le lendemain, il est décidé qu'aucun de ses membres ne pourra recevoir nul emploi, ni faveur à la Cour, même en donnant sa démission. Le 27, les débats sur la division des départements continuent.

28 et 29 janvier : A la chambre des députés est lu le rapport par M. de Talleyrand sur l'état des Juifs comme citoyens actifs, une mesure réclamée par les Juifs dits Portugais de Bordeaux. Les Juifs du Sud-ouest (Bordeaux et Bayonne), puis le lendemain d'Avignon et les Comtadins du Comtat Venaissin obtiennent « droit de cité » ou de devenir citoyens actifs et passifs, mais pas ceux de l'Est (Lorraine et Alsace). Ce même jour
à la Constituante parvient une Pétition des juifs établis en France, adressée à l'Assemblée nationale (source Gallica-Bnf), elle est signée par la députation de MM. Mayer-Marx, Berr-Isaac-Berr, David Sintzheim, Théodore Cerf-Berr, Lazare Jacob et Trenelle père, pour le Syndic-Général des Juifs. Le jour suivant est discuté un procès-verbal - ci-dessous - pour l'octroi de la citoyenneté pour les Juifs parisiens, provenant de l'assemblée du district des Carmélites et trouve un écho favorable chez l'abbé François-Valentin Mulot, président de séance. M. Bouche demande que l'on ajoute les Juifs Avignonnais et les Comtadins.

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Procès-verbal des délibérations

de l'assemblée du district des Carmélites

(voeux pour l'admission des Juifs à la citoyenneté)

M. le président a rendu compte d'une députation faîte à l'assemblée générale des représentants de la commune, par la nation juive, demeurant à Paris, pour réclamer l'appui de la commune auprès de l'Assemblée nationale, à l'effet d'être admise à l'honneur de partager avec les autres citoyens français, sans distinction, les droits de citoyens actifs, que le préjugé et la législation passée leur ont jusqu'à présent refusés.

Lecture faite de l’adresse présentée à l'Assemblée nationale, le 26 août dernier, au nom de la nation juive, M. le président ayant prié l'Assemblée de discuter la question de savoir si le district voterait en leur faveur l'admission aux droits de citoyens actifs, les juifs présents à l'assemblée se sont retirés. La matière longtemps et suffisamment discutée, l'assemblée, considérant que, depuis le commencement de la révolution, les juifs, demeurant dans l'arrondissement du district, se sont toujours conduits avec le plus grand zèle, le patriotisme le plus pur et le plus généreux ;

- Considérant que l'adresse par eux présentée à l'Assemblée nationale renferme leur soumission la plus entière aux lois et tribunaux du royaume, et leur renonciation au privilège d'avoir des chefs particuliers et autres privilèges dont ils ont toujours paru le plus jaloux ;
- Considérant aussi que le préjugé funeste qui, jusqu'ici, les a tenus plongés dans l'avilissement, n'était pas propre à leur inspirer les sentiments de bons et loyaux citoyens ; que les moyens de donner à tous les juifs l'énergie qui convient à des hommes libres, c'est de les faire participer à cette honorable qualité ;
- Considérant enfin que le district des Carmélites, celui qui renferme dans son sein le plus de juifs, a été, comme il l'est encore, le plus à portée de connaître leur conduite publique, et de leur rendre justice sur le zèle et le patriotisme qu'ils ont toujours montrés ; pensant même qu'il leur est dû dé la reconnaissance ;

- A arrêté unanimement de porter à l'assemblée des représentants de la commune, le vœu formé par le district, pour que les juifs dont il atteste la bonne conduite, et l'entier dévouement à la chose publique, jouissent désormais des droits de citoyens actifs, lorsqu'ils rempliront les autres conditions imposées par les décrets de l'Assemblée nationale. A cet effet, l'assemblée a nommé MM. de Gerville. Le Nain, Chiboust, d'Ailly, Le Verdier et Choie, ses députés, pour présenter son arrêté à l'assemblée des représentants de la commune.
- A arrêté, en outre, que cet arrêté serait envoyé à M. le président de l'Assemblée nationale, et aux 59 autres districts.

Pour l'extrait conforme à l'original. Signé, Gavot, l'un des secrétaires.

Source : Archives Parlementaires, Bib. de Stanford - Extrait du procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale du district des Carmélites, ci-devant le Sépulcre. (Du vendredi 29 janvier 1790) 

30 janvier :  A l'Assemblée, en fin de séance du matin, le Président donne connaissance du résultat du scrutin pour la nomination du comité de mendicité. Les membres élus sont : MM. le duc de Liancourt. De Coulmiers, abbé d'Abbecourt. Prieur. Massieu, curé de Sergy. Dans la capitale, à l'occasion de la demande faite le 27, par les juifs de Paris
, M. Debourge devant les représentants de la Commune déclare que : « Les Juifs de la Capitale vous ont demandé deux choses : la première, est un témoignage de votre satisfaction pour leur conduite, avant et depuis la révolution. Ce n'est point sans raison que vous demandent un témoignage honorable des sujets paisibles, dont les ennemis même ne contestent pas les vertus domestiques. On ne voit le nom d'aucun d'eux scandaleusement inscrit, ni dans les Registres de Police, ni dans les Greffes des Tribunaux : sur cinq cents Juifs qui habitent Paris, il en est plus de cent qui servent avec distinction dans la Garde-Nationale ; ils sont par conséquent dignes d'estime, et l'accueil favorable qu'ils ont reçu de vous le 27 de ce mois, leur est un sur garant de votre suffrage. (...) « Nous allons nous étayer de quelques Réflexions préliminaires. Pour jouir des droits de Citoyen, il suffit d'être domicilié dans un Etat, d'y payer les impôts, et d'y remplir les devoirs prescrits par la Loi. (...) » (Source : Gallica-Bnf, extraits du Discours prononcé le 30 janvier dans l'assemblée générale des représentants de la Commune)

31 janvier : A Valence se tient une assemblée fédérative. A Paris, la municipalité interdit les « mascarades ». Il s’agit en fait de l’interdiction du Carnaval, parce que tout déguisement devient prohibé ainsi que l’essentiel, la vente des costumes et des masques ! Sinon M. de Lafayette signe pour la Municipalité et les Gardes nationales parisiennes un document sur la Police des spectacles en 7 points (Source : Gallica-Bnf, La Gazette nationale n°31, page 124)

1° Le commandant des postes seront rendus une demi heure avant de poser les sentinelles, pour en faire I’inspection, et s’assurer de la tenue de leurs postes et des alentours.
2° Les commandants des postes prêteront secours et assistances aux directeurs, toutes les fois qu'ils en seront requis.
3° Il sera consigné à chaque sentinelle de laisser entrer qui que ce soit en éperon.
4° Seront exemptés de cette règle, M. le commandant général , MM. les officiers supérieurs de l’état-major général, etc, etc.
5° Il sera permis à une sentinelle de quitter son poste pour avertir du feu et de ce qui troublerait le spectacle.
6° Toute personne qui tenterait de troubler le spectacle de quelque manière que ce soit, sera invitée de se contenir avec plus de prudence et d'honnêteté. Si elle persistait elle sera priée de se se retirer, et si elle refusait, elle sera arrêtée et conduite à l’état-major ; si c’est un homme en uniforme de la garde nationale parisienne, et s'il est porteur d'un autre uniforme ou d'un habit bourgeois, il sera conduit au commissariat de police du district dans lequel sera commis le délit.
7° La même configuration pour tous les spectacles, dont la garde est confiée à la cavalerie.

II – Le mois de février 1790

Lundi 1er et mardi 2 février : A la chambre des députés, suites des discussions sur la division des départements du royaume, un mémoire est présenté sur la division de la Provence. Le lendemain la présidence de l'Assemblée passe à M. Bureaux de Pusy. Claude Mansard, maître de pension (ou d'école) fonde la Société fraternelle des patriotes des deux sexes. Il dispensera au sein du couvent des Jacobins des cours pour la population illettrée de la capitale pour faire connaître « les principes de l'ordre nouveau », selon Albert Mathiez. Il est précisé que cette date du 2 février lui a été donnée, par une estampe du musée Carnavalet trouvée dans l'Histoire socialiste de la Révolution française dirigée par Jaurès. (lire l'article de la Chronique de Paris du 21/11/90) Depuis octobre 1789, c'est aussi le lieu de rencontre de la Société des Amis de la Constitution issue de l'ex-club Breton.

Couvent des Jacobins - rue St-Honoré



3 février : Le département des Hautes-Alpes est décrété par l'Assemblé nationale. (Source : Gallica-Bnf, carte des Hautes-Alpes avec les districts)

4 février : Le roi se rend à l'Assemblée pour déclarer que le couple royal accepte le nouvel état des choses et sans arrière-pensée… (Aucune !) Le serment civique devant être prêté par tous les députés.

5 février : Il est envoyé par la chambre une députation au roi.

6 février : Les départements de la Charente inférieure et la Gironde sont décrétés par l'Assemblée nationale.

LA SIGNIFICATION DU SERMENT
« Celui qu'on prête en France est le lien du contrat politique ; il est pour le peuple un acte de consentement et d'obéissance, dans le corps législatif le gage de la discipline ; dans le monarque le respect pour la liberté ; ainsi la religion est le principe du gouvernement ; on dira qu'elle est étrangement affaiblie parmi nous ; j'en conviens, mais je dis que la honte du parjure reste encore où la piété n'est plus et qu'après la perte de la religion un peuple conserve encore le respect pour soi-même qui le ramène à elle si les lois parviennent à rétablir ses mœurs ».

Saint-Just, Esprit de la Révolution, troisième partie, chapitre XXII
7 février : A Lyon, des émeutes éclatent pendant lesquelles la population s'empare des armes de l'arsenal et oblige les échevins Lyonnais à constituer une Garde nationale. Il est publié par l'Assemblée une adresse aux Français « Vous possédez maintenant la liberté, montrez-vous digne de la conserver ».

8 février : A Paris, la Société des amis de la Constitution se dote d'un réglement intérieur.

9 février : Dans la capitale, Sylvain Maréchal, souvent emprisonné avant 1788 pour ses prises de position peu orthodoxes, ce théoricien de l'athéisme et de la grêve générale est considéré comme le précurseur de l'anarchisme ; il publie, ce jour, un nouveau journal nommé : Le Tonneau de Diogène ou les Révolutions du Clergé. D'ici peu d'années (1793), il sera aux côtés de Gracchus Babeuf. A la Constituante, M. l'abbé Grégoire, président du comité des rapports, rend compte des troubles qui subsistent dans le Quercy, le Rouergue, le Périgord, le Bas-Limousin et une partie de la Basse-Bretagne :
« Quelques paysans réunis en troupes armées portent la désolation dans toutes les propriétés nobles ou roturières ; ils augmentent en nombre à mesure qu'ils étendent leurs ravages. Le comité a cherché à découvrir les causes de ces désordres pour vous en indiquer le remède. » Par la suite, Garat l'ainé rend compte de l'exécution du décret à Bordeaux concernant les Juifs. Les discussions sur les départements sont toujours à l'ordre du jour. A Londres, au Parlement, MM. Burke et Fox affichent leurs désaccords sur la Révolution.



10 février : Sur l'île de la Cité, les époux royaux visitent l'hôpital des Enfants-trouvés après avoir entendu la messe à Notre-Dame. accompagnés du Dauphin (estampe anonyme ci-dessus). A l'Assemblée, à la séance du soir, M. Talleyrand, pour le comité de constitution lit une adresse aux provinces. Le sujet sera débattu le lendemain.

11 février : La Constituante décrète que soit déterminer la valeur locale de la journée de travail, d'après laquelle doit se former la liste des citoyens actifs. Le décret est sanctionné le lendemain.

12 février : L'abbé Sieyès fait publier un opuscule, où il propose un Projet de décret provisoire sur le clergé etc., dans lequel il précise ne pas se satisfaire d'une vision limitée sur les biens du clergé et que cela doit se construire dans un ensemble plus vaste, il tente donc d'en poser les contours avec 72 articles. Son avant-propos en explique le pourquoi, et que la raison doit prévaloir. (Source: Gallica-Bnf, 36 pages dont 14 pour l'avant-propos)

13 février : A l’Assemblée, les voeux monastiques sont interdits et de même, il est décidé la suppression des ordres et congrégations régulières, sauf pour les ordres répondant à des questions d'éducation publique et de charité. La séance a été mouvementée, mais le décret est passé. Leurs membres pourront donc les quitter librement, sur une simple déclaration aux autorités municipales : ils recevront alors une pension. C’est la suite du processus commençant avec la nationalisation des biens du clergé fin 1789 et n’est qu’une étape sur la mise en ordre du clergé et des différends qui ne vont aller en grandissant entre l’Etat et l’église catholique romaine.

Dimanche 14 février : A la cathédrale Notre-Dame, l'on chante un Te Deum en hommage au roi.

15 février : A l'Assemblée, il est pris un décret relatif au choix des chefs-lieux et établissement des départements et districts et à leurs limites.

16 février : Dans le Gard, à Uzès, les ultras catholiques ou papistes demandent que le catholicisme soit déclaré religion d'Etat. Election de M. de Talleyrand de Périgord à la présidence de l'Assemblée avec 373 voix.

17 février : Dans la capitale,
au sujet des théâtres il est décidé qu' « à chaque représentation du spectacle, se trouvera un commissaire de police pour veiller au maintien du bon ordre sous les ordres des officiers municipaux qui s’y trouveront. Le directeur du spectacle devra mettre en tète de ses affiches : Par permission de MM. les officiers municipaux ». (Source : Gallica-Bnf : Inventaire sommaire archives municipales de la période révolutionnaire, série police locale, page 89) Dans la nuit du 17 au 18 février, il éclate à la Maison de Bicêtre, sise à Gentilly, une révolte de prisonniers.

18 février :
Dans la Gazette de France « Des avis de Berlin disent : que l'Impératrice de Russie a conçu le projet de faire de la Moldavie, la Bessarabie, et de la majeure partie de la Walachie (ou Valachie), un Etat Souverain particulier, et de lui donner un Souverain de l'Eglise Grecque, indépendant de la Porte Ottomane et de toute autre Puissance. » (Source : Gallica-Bnf, Gazette de France)

19 février : A Paris, Favras est pendu en place de Grève. Il est mort sans révéler le nom de ses complices dans le projet d'évasion du roi, et de la tentative d'assassinat contre MM. de Lafayette et de Bailly, son acte d’accusation. A Bicêtre (suite et fin), les prisonniers sont retranchés depuis près de deux jours. Depuis Paris, il a été décidé l'envoi d'une cinquantaine de cavaliers et de 80 canons pour mettre fin au désordre. Une fois la troupe arrivée ce jour, s'engagent des pourparlers, et la loi martiale est lue aux mutins, ils sont ainsi avertis des menaces qu'ils encourent, s'ils ne se rendent pas. Devant un tel rapport de force et au bout de la troisième sommation, tous finissent par se rendre et l'on ne déplore aucune victime. (Source : Gallica-Bnf, Paul Bru, Histoire de Bicêtre, pages 65 et 66, édité en 1890)

20 février : A Paris, le Journal universel, ou Révolutions des royaumes informe sur une sédition de prisonniers :
« Hier, dans la nuit, les Forçats employés à tirer l'eau du puits de Bicêtre, manifestèrent des mouvements de sédition. Ils avaient dessein de se sauver. L’un d’eux, plus adroit que les autres, s’échappa ; mais il fut atteint d’un coup de fusil lâché par un Garde de Bicêtre. Nouveau motif d’insurrection : Un détachement de Cavalerie de Paris y court, le Bataillon des Cordeliers y vole aussi, et tout est calme actuellement. Les Aristocrates seraient-ils parvenus à soulever les Citoyens de Bicêtre? » (Source : Retronews-Bnf, n°90, pages 1 et 2) A la Constituante, des pensions pour les religieux sont créées, allant de 700 à 1.200 livres, suivant l'âge. Décès de l'Empereur Joseph II, frère de Marie-Antoinette. Des troubles ont éclaté à Marseille, Bordeaux et Béziers.

21 février : Il se tient à̀ Dole la fédération des milices d’Alsace, de Champagne et de Franche-Comté.

22-23 février : Dans le centre du pays, à Châteauroux, il éclate une émeute. A la Chambre des députés, Robespierre intervient sur le projet de loi relatif au rétablissement de la tranquillité publique, en cours d'examen. Dans la capitale, M. Palloy organise des réjouissances avec beaucoup d'éclat. La cérémonie s'achèvera le lendemain avec un défilé des ouvriers du chantier de la Bastille  jusqu'à l'Hôtel-de-ville, où l'on transporte et dépose une Bastille sculptée (ci-contre) dans une des pierres de l'ancienne forteresse.

23 février : A l'Assemblée, il est décrété que les curés sont tenus de lire durant les discours en chaire les décrets, et ont droit de les commenter. Il est aussi voté une loi complémentaire de la loi martiale qui permet aux communes de faire appel aux différentes forces répressives. A l'article 3, il est stipulé :

- Dans les cas d'insurrection et de violences contre les propriétés ou les personnes, ou de résistance à la perception des impôts, les municipalités seront tenues d'employer tous les moyens que leur donne la confiance des peuples, avant de passer à la loi martiale. Toutes les municipalités se prêteront mutuellement main-forte réciproque. Si elles s'y refusaient, elles seraient responsables des suites de leur refus.

24 février : Adresse de la Commune de Paris sur l'admission des Juifs à l'état civil, ci-dessous le procès-verbal.


Adresse de l'Assemblée des représentants

de la commune de Paris à l'Assemblée nationale


sur l'admission
des Juifs à l'état civil




Ci-contre l'abbé Claude Fauchet, signataire, portrait de Bonneville


MESSIEURS,

La destinée de la plupart des Juifs du Royaume est encore indécise ou plutôt, il n'est que trop certain qu'ils restent encore chargés de leurs fers ; et que leurs chaines semblent tous les jours s'appesantir davantage, à mesure que les jouissances de la Liberté se multiplient autour d'eux. Peut-être attendiez-vous qu'une opinion fortement prononcée vînt fortifier vos généreuses intentions, et accélérer le moment de votre Justice. Nous nous félicitons d'être les premiers à vous l'apporter cette opinion ; elle n'est pas la notre seulement ; elle est celle des nombreux Districts de cette Capitale et c'est Paris tout entier qui vous parle en ce moment par notre organe.

Il existe, dans cette Ville, un assez grand nombre de Juifs. Les uns font répandus dans les différents quartiers de Paris. Les autres, et en plus grande quantité, afin de rendre leur réunion entre eux plus facile, et se dédommager ainsi de l'isolement où ils étaient des autres hommes, se sont affectionnés à des quartiers particuliers, où il leur a été impossible d'échapper à la surveillance publique.

Tous, et par tout, ont été irréprochables dans leur conduite. Nulle plainte ne s'est élevée contre eux. Jamais ils n'ont troublé l'ordre général ; et s'ils étaient les plus malheureux, peut être aussi, ce qui est assez extraordinaire, étaient-ils les plus paisibles de tous les Citoyens. A l'instant de la Révolution, leur courage, leur zéle et leur Patriotisme leur ont acquis des droits à la reconnaissance publique. Nous les avons vus au milieu de nous, décorés du signe National, nous aider à conquérir la Liberté ; et tous les jours ils nous aident à conserver notre Patrimoine commun.

Ah! Meilleurs, s'ils ont contribué à la conquête de la Liberté, pourraient-ils être condamnés à ne pas jouir de leur propre ouvrage? S'ils sont de vrais Citoyens , sous quel prétexte le titre leur en serait-il refusé? Nous oserons dire qu'ils le mériteraient comme une récompense, s'il ne leur était pas dû comme un Glaive de Justice.

Leur Religion n'est point incompatible avec ce titre et avec les droits qui en émanent, puisque les Juifs Portugais, Espagnols et Avignonais qui ont reçu de vous la qualité de Citoyens actifs, ont la même Religion, les mêmes principes, les mêmes usages que les autres Juifs du Royaume, désignés fous le titre de Polonais et Allemands. Vous ne souffrirez donc pas que la seule différence dans l'accessoire seulement de la dénomination, ait une influence différente sur deux classes d'hommes, qui portent le même nom, que les mêmes principes unissent, et qui doivent aujourd'hui se confondre les uns avec les autres, si d'anciennes injustices, ou des prétentions extraordinaires les séparent depuis longtemps. Vous ne souffrirez pas que dans la même Ville, où il existera des Juifs Portugais et des Juifs Allemands, les uns soient tout, et les autres rien ; et que, par exemple, à Paris, où des Juifs Portugais sont domiciliés à côté des Juifs Allemands, les premiers soient comblés des faveurs de la Nation, et les seconds chargés de ses mépris.

Ni la raison, ni la Liberté ne peuvent tolérer plus longtemps un partage aussi monstrueusement inégal. Des Lettres-Patentes avaient été obtenues par les Juifs Portugais et, quoique fondées sur la nature et sur la Justice, elles n'étaient cependant qu'une préférence de l'autorité arbitraire. Serait ce donc ce titre seul qui vous auroit déterminé  Et n'auriez-vous consacré qu'un privilège? Certes, ce qu'ont fait des Lettres Patentes pour les Juifs du midi, un Décret National peut, à plus forte railon, le faire aujourd'hui pour les autres Juifs du Royaume.

Enfin, Messieurs, lorsque vous effacez toutes les distinctions entre les hommes, vous-vous garderez bien de les permettre dans une classe particulière, et de consacrer, parmi les Juifs, une sorte d'aristocratie que vos généreux efforts sont parvenus à détruire parmi les Citoyens Français.

Au nom de l'Humanité et de la Patrie, au nom des qualités sociales des Juifs, de leurs Vertus patriotiques, de leur vif amour de la Liberté, nous vous supplions de leur donner le titre et. les droits, dont il serait injuste qu'ils fussent privés plus longtemps. Nous les regardons comme nos frères ; il nous tarde de les appeler nos Concitoyens. Ah! déjà nous les traitons comme tels, notre intérêt nous fait un besoin d'être confondus avec eux ; notre intérêt nous donne le droit de réclamer vôtre justice, et pour eux, et pour nous. Accélérez leur bonheur et le nôtre.
Arrêté par nous, Commissaires nommés par la Commune à l'Hôtel-de-Ville. Texte signé par MM. GODARD, L'abbé FAUCHET, BERTOLIO et DUVEYRIER.


25 février : A la Constituante, il est mis fin au système d’héritage de l'ancien régime, où seuls les garçons héritaient des biens, notamment l'aîné, qui profitait du titre et de la charge, si le défunt en avait une. Ce cadre légal fut aboli en même temps que le droit d'aînesse, qui toutefois ne va pas disparaître totalement, puisqu’il est aussi reconnu le testament comme acte civil pour le partage et sans limites fixées ou cadre précis. Une députation de la Commune avec à sa tête et porte-voix, l'abbé Millot, ils demandent l'application pour les Juifs de Paris des droits obtenus par les Juifs Bordelais ou dits Portugais. Le lendemain le duc de Liancourt reviendra sur l'état civil des Juifs, mais le débat sera ajourné.

26 février : A l’Assemblée sont pris deux décrets, l’un relatif à la division de la France en 83 départements et l’autre sur le rachat des droits féodaux, les débats datant de l’année 1789. Les droits sont divisés en deux catégories : Primo, les droits personnels, obligent directement les personnes. Secondement, les droits réels dus par la terre n'obligent les personnes que par cet intermédiaire. Sont placés dans la catégorie des droits personnels : Les servitudes personnelles et les droits de justice sont déclarés abolis. Mais les droits réels : sens, champart, dîme (ne sera payable que pour l’année en cours et disparaîtra suite à des pétitions populaires), rente foncière, lods et ventes, etc., y sont présumés légitimes. Ce n'est pas au seigneur de démontrer la légitimité, c'est au plaignant ou exploitant des terres de prouver que les mêmes terres en question sont le fruit d'une usurpation, et ne pourra s'en libérer qu'en les rachetant. Le rachat lui permettra de devenir
libre propriétaire, mais moyennant le payement d'une somme égale à vingt-cinq fois la redevance annuelle, plus une quote-part des droits casuels payable en une seule échéance.  Au club des Jacobins (est le surnom qui a été donné aux clubistes pour les stigmatiser) ou plus exactement la Société des amis de la Révolution, M. Mosneron de l'Aunay, député du commerce, armateur Nantais intervient pour exposer ses réflexions en 4 points  et il soutient l'esclavage comme indispensable à la bonne marche du commerce :

« présentés hier, à l'Assemblée nationale, par les députés des manufactures et du commerce de France et par les députés des citoyens de Bordeaux, réunis à eux. Le premier est la suppression du privilège exclusif de l'Inde ; Le second, la suppression du privilège exclusif du Sénégal ; Le troisième est la conservation du régime prohibitif dans nos colonies, sauf les modifications nécessaires ; Le quatrième est la continuation de la traite des noirs. (...) Je leur dirai que les esclaves de nos colonies sont soignés avec douceur et humanité, et que toute l'attention des maîtres se porte à la conservation des instruments de leur culture. (...) Je me résume, Messieurs, et j'aurai l'honneur de vous proposer de faire décréter par l'Assemblée nationale :

1° La suppression du privilège de la Compagnie des Indes ;
2° La suppression du privilège de la Compagnie du Sénégal ;
3° Que l'Assemblée nationale, n'entend faire aucune application de ses décrets aux colonies, et que leur commerce ainsi que toutes les branches qui en dépendent, seront exploités comme par le passé, sauf à s'expliquer sur leur régime intérieur et extérieur, quand elles auront manifesté leur voeu ;
4° Que le roi sera supplié de pourvoir efficacement à la sûreté des colonies ».

Source Gallica-Bnf, La Société des Jacobins, tome 1, F.A. Aulard
(Identifiant : ark:/12148/bpt6k5604265q)


27 février : En Guadeloupe, les délibérations de l'assemblée coloniale ont arrêtés à l'unanimité
« qu'il serait fait une adresse à l'Assemblée nationale contre le ministre de la Marine. » (M. Henri de La Luzerne) A Saint-Domingue est élue une assemblée coloniale composée uniquement de colons blancs.

28 février :  A la Constituante, il est promulgué un décret sur la nouvelle organisation de l'armée et l'égalité de tous les engagés à l'accession aux grades d’officiers.

III – Le mois de mars 1790

Lundi 1er mars : A la Constituante deux interventions ont lieu sur la traite des noirs : le baron d'Elbhecq et M. Pelerin.
Aux États-Unis, le premier recensement dénombre 3.939.326 d'hommes et de femmes de tous âges. Au club des Jacobins, Mirabeau en réponse à Mosneron de l'Aunay , il prononce un discours sur les "bières flottantes" pour désigner les navires négriers et contre la traite, il aurait du le prononcer aussi devant l'Assemblée, ce qu'il ne fit pas. Et ce texte relativement long (159 pages) ne sera publié qu'en 1830.

2 mars : Assemblée nationale, le comité des colonies est créé. C'est sur une question préalable du député Blin voulant aborder la question de la traite négrière, que celui-ci est coupé par le président de séance, il s'était opposé à la création d'un comité spécifique aux colonies l'année précédente. La parole est reprise sur le sujet par le député Barnave demandant un débat, puis par
Alexandre Lameth et son frère Charles déclarant : « Il faut donc nommer un comité. Si vous n'en nommez pas, il faut au moins renvoyer au comité de constitution. En dernière analyse, je crois qu'on ne peut conserver les colonies qu'en les faisant jouir des bienfaits de la constitution, avec les modifications qu'elles croiront nécessaires, et qui seront soumises à la prochaine législature. »

3 mars : A Paris, l'assemblée communale, le maire, M. Bailly annonce avoir reçu 4.400 livres d'une collecte faîte à Saint-Domingue pour les enfants et les veuves de ceux morts lors de la prise de la Bastille (déjà évoquée lors de la séance du 26/02).
(Source : Sigismond Lacroix, Actes de la Communes de Paris, page 269, vol. 5, Paris 1897)

4 mars : Nord, la Flandre française est intégrée comme département. A l'Assemblée sont désignés douze membres pour le Comité des colonies, onze ont des intérêts pécuniers à St. Domingue, dont sept sont des planteurs. Il est composé de MM. Régouen, De Nompère de Champagny, Thouret, Gérard (de Saint-Domingue), Le Chapelier, Garesché, Pellerin de La Buxière, le comte de Reynaud (de Saint-Domingue), Alquier, Payen-Roisneuf, Alexandre de Lameth, et Barnave. Louis XVI paraphe le décret relatif à l'organisation des 83 départements et des districts.

5 mars : A Paris, un jugement ordonne une enquête au sujet de l'établissement d'un moulin à blé, demandé par le sieur Pigeaux, sur la rivière des Nonnettes, affluent de l'Oise, pour l'approvisionnement de Paris. (Source : Archives nat., pièce manuscrite, Sigismond Lacroix, Actes de la Communes de Paris, page 327, vol. 5, Paris 1897)

Samedi 6 mars : Proclamation de M. le maire, M.M. les lieutenant de maire et conseillers administrateurs au département de la police :


« L'administration municipale, informée qu'il se fait un commerce ouvert de contrebande dans les rues, places et lieux publics que les ouvriers des ateliers de Paris et les manœuvriers des campagnes quittent leurs occupations ordinaires pour se livrer à ce commerce criminel ; considérant qu'il serait honteux de tolérer un pareil abus et une violation aussi manifeste des décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le Roi, sous les yeux même des représentants de la Nation et de son chef auguste (...)  L'adminstration municipale déclare que les préposés des Fermes ont droit de saisir les objets de contrebande, d'en dresser procès-verbal, et de conclure aux peines portées par les ordonnances, édits et déclarations du Roi, dûment enregistrés ; que main-forte et assistance sont dues aux employés dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'ils sont sous la protection de sa Loi ; que la plus grande activité leur a été recommandée ; que les ordres les plus sévères ont été donnés pour qu'ils soient soutenus de toutes les forces de la commune, et qu'on a pris les mesures les plus fermes pour s'opposer d'une manière efficace aux introductions frauduleuses qui se font aux barrières de Paris, ainsi qu'à la vente et au commerce des marchandises prohibées, pour dissiper les attroupements, et punir, suivant la rigueur des lois, ceux qui essaieraient de troubler l'ordre et la tranquillité. »

Signé , Bailly, Maire ; Du Port du Tertre , Lieutenant de Maire ;
Duclosey ; Failet ; Manuel ; le Scène des Maisons, Conseillers-Administrateurs ;
Boullemer de la Martinière, Procureur-Syndic.


Source : Gallica-Bnf, 8 pages

7 mars : Vosges, il est proclamé un Pacte fédératif des milices.

8 m
ars : Les colonies sont déclarées faisant partie de « l'Empire français » et leurs mandants autorisés à faire connaître leurs vœux sur la constitution, la législation et l'administration leur convenant, notamment au "parti esclavagiste ou colonial" déjà présent et actif au sein de la Constituante. Antoine Barnave, riche propriétaire à Saint-Domingue (en portrait) est le porte-parole des colons et il fait admettre le maintien de l'esclavage dans les colonies. Mais donne l'égalité de droit entre tous les citoyens libres.


9 mars : La fortune personnelle du roi est déclarée propriété nationale.

Mercredi 10 mars : A Paris, à la Société des amis de la Constitution, au couvent des Jacobins, Jacques de Peysonnel prononce un Discours sur l'Europe, cet ancien Consul à Smyrne et en Crimée, et écrivain, déclare que : « Des nuages épais s'élèvent de toutes parts ; et couvrent depuis quelque temps l'horizon de l'Europe. La guerre entre les trois Empires, les succès des Autrichiens et des Russes, dans leur seconde campagne contre les Turcs, l'insurrection du Brabant, et surtout, l'état languissant de l'Empereur Joseph II, les ont accumulés ; la mort de ce monarque va faire, sortir de leur sein des tempêtes et des orages, dans lesquels plusieurs puissances de l'Europe pourront se trouver envelopées ; la sûreté et le repos de la France peuvent être compromis, mon zèle a déjà depuis un an, donné l'éveil à la natIon ; par la publication de mon dernier ouvrage. Il est temps que je renouvelle mes efforts pour fixer son attention sur un objet pour lequel il serait infiniment dangereux qu'elle marquât une plus longue insouciance. » (Source : Gallica-Bnf, 24 pages)

11 mars :  Extrait du procès-verbal de division du département des Landes, qui est son acte de création, et selon le décret du 15/02 de l'Assemblée nationale. (Source : Archives des Landes)

12 et 13 mars : A la Constituante, M. Jacques Necker, ministre des finances présente son rapport sur l'établissement d'un bureau de trésorerie. (Source : Persée.fr, 2 pages) Le lendemain, à la séance du soir, le député Castellane présente un projet de loi sur les lettres de cachet. Le premier article ordonne la mise en liberté dans le délai de six semaines de toutes les personnes détenues sans jugement préalable. L'abbé Maury prend la parole pour combattre cet article du projet, et demande le maintien des lettres de cachet. Robespierre réplique :

« En me bornant au premier article soumis à votre discussion, j'observe que c'est sur le sort des personnes qui ne sont accusées d'aucun crime que nous avons à prononcer. Nous ne favoriserons pas, sans doute, ces actes de despotisme ; des législateurs n'ont autre chose à faire que d'anéantir ces abus. Comment les anéantir s'ils laissent gémir ceux qui sont dans l'oppression? En vertu de quoi ont-ils été privés de leur liberté? En vertu d'un acte illégal. Ne serait-ce pas consacrer cet acte illégal que d'ordonner des délais? Si quelque chose peut nous affecter, c'est le regret de siéger depuis dix mois, sans avoir encore prononcé la liberté de ces malheureux, victimes d'un pouvoir arbitraire. L'assemblée sera, sans doute, étonnée de voir que, lorsqu'il est question de la cause de l'innocence, on lui parle sans cesse, non pas de ces infortunés détenus, souvent pour leurs vertus, pour avoir laissé échapper quelques preuves d'énergie et de patriotisme ; mais qu'on fixe son attention sur des hommes emprisonnés à la sollicitation des familles. Vous n'avez pas, sans doute, oublié cette maxime : Il vaut mieux faire grâce à cent coupables, que punir un seul innocent. Je propose pour amendement au premier article que tous ceux qui seront détenus seront mis en liberté le jour même de la publication du présent décret , et que dans huit jours votre décret sera publié. »

14 mars : A  Avignon, suite à des troubles survenus en février, une municipalité est élue et décide d'adopter la Constitution française.

15 au 17 mars : A l'Assemblée sont abolies toutes les distinctions honorifiques. Il est décidé d’un nouveau décret sur le rachat des droits féodaux. Le lendemain, c’est la suppression des lettres de cachet. Cette mesure met fin au système d’exception qui prévalait jusqu’alors et donnait droit à enfermer n’importe quel quidam sans instruction d’un procès. Ce qui aurait pu être la première mesure  après la chute de la Bastille va donner lieu à des lenteurs qui sont de la responsabilité de « Monsieur Veto » (le roi). Le troisième jour, il est décidé la vente des biens ecclésiastiques pour servir d'hypothèque et de remboursement aux assignats.

18 mars : En Belgique, les partisans de Vonck favorables à une révolution sont défaits, ils sont obligés de s'exiler en France. Les réfugiés belges ou du Brabant créeront leur propre club affilié au club des Jacobins de Paris (et participeront à l’effervescence générale). Concernant la Société des amis de la Constitution, un membre M. Anarchasis Cloots fait une motion sur l'exercice des cultes et fini par cette phrase prophétique en concluant par :
« Je me résume, et ce résumé sera court ; le voici : Français ! gardez votre tête sur vos épaules. (sic) » Signé, Cloots du Val-de-Grâce, Baron en Allemagne, citoyen en France.

19 mars : A la Chambre des députés, l'archevêque d'Aix, Raymond de Boisgelin présente deux brochures qu'il a reçu de la Société de la Révolution, sise à Londres en hommage à l'Assemblée. ​La Cour prend le deuil, pour deux mois, à l’occasion de la mort de l’Empereur Joseph II.

20 mars : A Paris, les Maires et officiers municipaux auront une marque distinctive sur leurs habits. Un décret les obligera à porter une écharpe aux trois couleurs blanches, rouges et bleues lorsqu'ils seront en fonction.

21 mars : A la Constituante, il est voté définitivement la suppression de la gabelle et autres droits relatifs à la vente du sel.

22 mars : A Montlhéry éclate lors du marché une révolte contre le prix du blé et du seigle, la maréchaussée est mise en échec et doit prendre la fuite devant la population. Plusieurs jours après un meneur, un certain Hetvin est arrêté.

23 et 24 mars : A l'Assemblée, le député Barnave prend la parole au nom du comité colonial et donne lecture des instructions pour les colonies pour accompagner le décret du 8 de ce mois. L'objet est de pouvoir recueillir les voeux des assemblées coloniales en appelant à leurs convocations, si celles-ci ne sont se sont pas encore réunies. Le jour suivant, il est décrété que « l’ordre judiciaire sera reconstitué dans son entier ».

25 mars : A Saint-Domingue, se rassemblent pour la première fois à Saint-Marc les élus des trois provinces du Nord, de l'Ouest et du Sud.

26 mars : Pétition à la commune de Paris, par les maîtres paveurs de la ville, fauxbourgs et banlieue ;
« En considération de l'étendue immense de la Capitale, nous nous croyons fondés à demander, Messieurs que l'entretien du pavé des Rues, Ponts, Quais, Ports, Boulevards, Domaines de la Ville, Banlieue et autres dépendances du Département de Paris soit divisé entre nous aux mêmes clauses, prix et charges imposés aujourd'hui aux deux privilégiés sous, l'offre de partager entre-nous la totalité par égales portions autant qu'il sera possible et de nous soumettre à toutes les formalités requises ; soit pour l'exactitude des travaux, fait pour leur réception. » (Source : Gallica-Bnf, 15 pages)

27 mars : A Aix, M. le maire ordonne que dans les 5 jours qui suivront son annonce, il devra être pris comme mesure de Police, par tous les boulangers de la ville, la cuisson d'un seul pain, au poids d'une livre et six onces, sous peine d'une amende de 300 livres. (Source : Bibliothèque numérique Méjanne)

28 mars : Dans la capitale, à l'Assemblée lors d'un nouveau débat sur les colonies, l'abbé Grégoire
déclare : « Je craignais que l'article 4 (proposé le 8 mars par Barnave, rapporteur du Comité colonial) ne laissât quelque louche sur un objet important ; mais MM. les députés des colonies m'annoncent qu'ils entendent ne pas priver les gens de couleur de l'éligibilité, et je renonce à la parole, à condition qu'ils renonceront à l'aristocratie de la couleur. » Au final, un courrier de l'assemblée provinciale du Nord est lu devant la chambre des élus, puis le décret du 8 mars sur les colonies est ratifié par le roi. (Source, Persée.fr, Décret concernant les colonies, suivi d'une instruction pour les îles de Saint-Domingue, la Tortue, la Gonave et l'île à Vaches)

29 mars : A Rome, le pape Pie VI condamne la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

30 mars : Opinion prononcée de Charles Chabroud, membre de l'Assemblée nationale, sur quelques questions relatives à l'ordre judiciaire. (Source : Gallica-Bnf, 30 pages) « Je conclus que la Constitution ne doit rien excepter de la compétence des Tribunaux ordinaires. D'après ces observations, je fais la motion qu'avant de passer l'examen d'aucun détail, il soit décrété :

1°. Que la justice sera administrée par des jurés des juges d'assises.
2°. Que le Roi n'interviendra point dans la nomination des juges.
3°. Que le Peuple n'aura aucune part à la nomination des procureurs du Roi.
̃4°. Que les juges seront élus périodiquement par le Peuple.
5°. Qu'il n'y aura pas de degrés de juridiction.
6°. Que les juges seront rendus propres à connaître de toutes les matières. »


31 mars : Robespierre est élu président du club des Jacobins pour le mois d'avril.

IV – Le mois d’avril 1790

Jeudi 1er avril : Jour du Jeudi-Saint, les époux royaux se sont rendus
pour la messe à la chapelle du chateau des Tuileries. Publication du Livre rouge, où sont consignées les pensions accordées par le roi.

2 avril : François-Noël (alias Gracchus) Babeuf rédige un pétition pour la suppression de tous les impôts féodaux. Le marquis de Sade est libéré de la maison de Charenton. A l'Assemblée, le comité de mendicité composé jusqu'à présent de 4 membres, dont le duc de Liancourt, le comité est rejoint par 8 autres membres, dont les évêques de Rodez et d'Oléron et M. Guillotin.

3 avril : A l'Assemblée, l’on décrète que le commerce avec l'Inde est autorisé à tous les Français. Pasquale Paoli arrive dans la capitale.

4 avril : Fêtes de Pâques, en fin de matinée, les époux royaux accompagnés de Madame (leur fille aînée) et de Me Elisabeth (soeur du roi) sont allés à la grande-messe dans l’église de Saint-Germain de l’Auxerrois.

5 avril : En Bretagne, il éclate une émeute contre-révolutionnaire à Vannes.

6 avril : Nîmes, c'est la première journée de troubles et début de confrontation entre chrétiens : catholiques et protestants.

7 avril : A Paris, Louis XVI
sanctionne par lettres patentes un décret du 23 janvier dernier, qui impose à tous les citoyens un logement des Gens de guerre. En cas de conflit armé, tous les citoyens sans exception peuvent être amenés à fournir un logement aux militaires jusqu'à un nouvel ordre des choses.

8 avril : Près de Dole (Jura), des paysans sont mitraillés au village de Souvent : quatorze tués. A Paris,
en compagnie du marquis de Lafayette, Pasquale Paoli est présenté à Louis XVI.

9 avril : A l'Assemblée, les dettes du clergé sont déclarées dettes nationales.

11 avril : Au Maroc, le sultan Mohammed ben Abdallah (ou Mohamed III) décède après 32 ans de règne.

11-12 avril : En Guadeloupe, dans la région de Capesterre, Goyave, et Petit-Bourg, se prépare une conjuration qui implique les Marrons des montagnes de Basse-Terre. Découverte, elle donnera lieu à un procès où de lourdes peines sont prononcées contre 33 instigateurs.

12 avril :
Dans la capitale, c'est l'ouverture du premier Théâtre des Variétés, ou sa première appellation le Théâtre Variété-Montansier, situé sous les arcades du Palais Royal. Après des tergiversations de M. Bailly et de la Commune pour délivrer une autorisation, demandée en 1789 au moment du rachat des locaux, se voit finalement accordée par le Conseil général « sous la poussée de l'opinion publique » à Mlle Montansier (1730-1820), née Marguerite Brunet à Bayonne, comédienne, propriétaire et directrice. L'espace sera agrandi plusieurs mois après pour accueillir une plus grande troupe, et puis rebaptisé le 22 novembre 1793 : Théâtre de la Montagne. Et il trouvera  en 1807 son emplacement actuel (7, bld Montmartre). (Préface des Mémoires de Mlle Flore, actrice des Variétés, Henri d'Alméras)


Le 13 et
14 avril :A Paris, l'abbé Maury est hué et menacé par le Peuple est escorté par un régiment de la Garde nationale (ci-dessus, gravure de J.F. Janinet). A la Constituante, il est déclaré un attachement au culte apostolique, catholique et romain, qui « ne saurait être mis en doute ». Le lendemain, il est approuvé que la nation prendra à sa charge les frais du culte catholique. Le député Pétion de Villeneuve fait publier son discours sur la traite des noirs, où il se prononce contre l'esclavage (environ 80 feuillets). Il est édité par les imprimeries du Patriote Français, à l'ancienne place du Théâtre Italien, se situant sur la rive droite. (Source Gallica-Bnf)

15 avril :
Martinique, Extrait des délibérations de l'Assemblée générale, avec l'adresse de l'Assemblée générale aux grenadiers, chasseurs et fusiliers du régiment, pour réponse à une députation de Grenadiers qui s'est sentie calomniée : « L'Assemblée mettra sous les yeux de M. le Général votre juste réclamation. » (Source : Gallica-Bnf, 3 pages)

16 avril : A l'Assemblée, les députés débattent sur les assignats.

17 avril : Etats-Unis, à Philadelphie décède à l'âge de 84 ans d'un des pères fondateurs de la nouvelle nation républicaine, Benjamin Franklin. C'est Mirabeau à la tribune de l'Assemblée qui annoncera sa disparition au pays d'ici quelques semaines... Il est décrété à cette occasion 3 jours de deuil national. Franklin avait été à partir de 1776 un temps ambassadeur ou ministre officieux dans la capitale, et avait noué des contacts avec des homologues scientifiques français, dont un certain Marat.

18 au 20 avril : En France, Se produisent des manifestations de prêtres et de fidèles réclamant le maintien des ordres monastiques et du catholicisme comme religion d'Etat.

20 avril : A Nîmes, l'agitation recommence, où l'action des agents du comte d'Artois s'intensifie.

21 avril : Paris, en fin de matinée, les époux royaux se rendent à la manufacture des Gobelins,
faubourg Saint-Marcel, ils sont accueillis par le chef du district, M. Thorillon.

22 avril : A Brest, suite à la publication d'un nouveau code pénal de la marine par l'Assemblée, celui-ci est considéré trop sévère par les marins et ils se révoltent.
A l'Assemblée, une loi précise que la dîme cesse d'être perçue à compter du 1er janvier 1791, et Pasquale Paoli se présente avec une délégation d'élus de Bastia devant les députés.

23 et 24 avril : La municipalité de Dieppe a écrit au duc d'Hamourt, le gouverneur, et aux municipalités de Rouen, Le Havre, Yvetot, Saint-Valery, pour les prévenir des difficultés du pays de Caux et demande secours. Face à la montée du désordre, le lendemain, se tient une réunion avec plusieurs municipalités environnantes, il est constaté des violences et il est décidé de rédiger une adresse à l'Assemblée nationale pour lui présenter cette situation, et trouver protection contre les pillards.

25 avril : A Paris, Camille Desmoulins, auteur de la France libre, et du Discours de la Lanterne aux Parisiens fait une intervention au sein du couvent des Jacobins. Dans son journal, Révolutions de France et de Brabant, a peu près le même jour, dans son numéro 21 (qui n'est pas daté). Desmoulins dresse un bilan pas vraiment élogieux de M. Neker et dit à son sujet avec fougue :

« Le sieur Necker n'a pas craint de déclarer au comité des pensions que le roi trouvait mauvais que l'Assemblée nationale eut fait imprimer le livre rouge (*). Trouvait mauvais! oh! nous trouvons bien plus mauvais qu'un Genevois parle en termes si peu mesurés à l’Assemblée nationale ; qu'il parle ainsi au souverain, au nom de celui qui n'est que le premier sujet de la nation. Oui, je le répète, le premier sujet de la nation. Trouvait mauvais! quelle insulte! la colère m'étouffe!... Nous trouvons bien plus mauvais, que toi et tes pareils, ayez dilapidé, sous le règne de Louis l'économe, en dépenses clandestines, et telles que vous avez osé les porter en compte, 135 millions! et c'est en si peu de temps! Tu ne sais donc pas que nous avons eu en France douze contrôleurs ou directeurs-généraux, ou surintendants des finances, qui ont été pendus et exposés à Montfaucon, et qui, entre eux douze, n'avaient pas volé la douzième partie de ces 135 millions? Le voilà donc cet homme si pur, si probe, si candide, bien dûment convaincu d'être le receleur, au moins le complice de tant de brigandage. Le voilà pris la main dans la poche, non pas d'un seul homme, mais de 25 millions d'hommes, et qui mériterait d'être pendu 25 millions de fois»

(*) : Le Livre rouge, était nommé ainsi en raison de la couleur du document de compte, qui servait de récapitulatif aux dépenses discrètes ou plus ou moins secrètes du monarque. (Source : Gallica-Bnf, n°21, pages 335 à 337)

26 avril : Dans la capitale, à la Société des Amis de la Constitution, Maximilien Robespierre reçoit Pasquale Paoli. Le comité de mendicité de l'Assemblée décide de la visite de commissaires dans les hôpitaux.

27 avril :
A Paris, c'est le jour de la fondation de la Société des Amis des droits de l'homme et du citoyen ou « club des Cordeliers », dans l'église du même nom et le lieu où la nouvelle société prend place, à ne pas confondre avec le district. A l'origine de sa création l'on trouve MM. Danton, Camille Desmoulins, Fabre d'Églantine, Marat, Hébert, Roux, Chaumette, Ronsin, Chabot, et Santerre. Au club des Jacobins, rue St.-Honoré, c'est le député laboureur, le Père Gérard qui intervient et termine en soumettant : « à votre jugement, Messieurs, et pour ma part je conclus à ce que l'Assemblée décrète : 1° Qu'il faut laisser notre bon roi absolument libre ; 2° Lui rendre toute l'autorité due à sa place ; 3° Garder la religion de nos pères; elle en Araut bien une autre ; 4° Accepter les 400 millions que le clergé a offerts à l'État, pour empêcher la banqueroute qui se fera si nous ne prenons ce moyen ; 5° Restituer à la noblesse ses droits utiles et honorifiques, à l'exception de la servitude personnelle et des privilèges aux impositions ; 6° Statuer sur tout ce que nous a proposé le roi le 23 juin dernier ; ça m'a paru assez raisonnable ; Et enfin nous en aller chacun chez nous planter des fèves plutôt que de manger le fromage. Je dépose ma motion sur le bureau. » (Source Gallica-Bnf, La Société des Jacobins, tome 1, F.A. Aulard - Identifiant : ark:/12148/bpt6k5604265q)

28 au 29 avril : A la Constituante, un décret réglemente la chasse, le jour suivant, il est décidé la libre circulation des grains. (Source : Criminocorpus) M. Pierre-Jacques Vieillard, député du bailliage de Coutances, intervient pour parler des désordres qui seraient survenus à Dieppe et dans la région normande : « Douze cents mendiants, tous armés et confédérés, se présentent chaque jour dans les fermes ; ils ont forcé les municipalités de taxer les grains à bas prix, d'en faire la recherche chez les laboureurs, et en ont ainsi empêché la circulation intérieure; ils ont mis des têtes à prix, et menacent de la fatale lanterne. Les marchés ne sont presque point approvisionnés. Dieppe et ses environs se voient exposés à toutes les horreurs de la famine ; dans huit jours peut-être ils n'auront plus de grains. » et sont décrétées des mesures pour rétablir l'ordre public. Robespierre intervient à son tour et déclare : « Ce qui me donne des inquiétudes et des soupçons, c'est que je vois, dans l'adresse de la municipalité de Dieppe, un style qui n'est pas celui de la douleur, et la manière dont est conçue sa demande semble tendre à faire donner au pouvoir exécutif une extension de force qui pourrait être funeste à la liberté publique. Je ne puis, à la vérité, me dissimuler que le pays manque de subsistances ; mais, avant d'employer les moyens violents, ne serait-il pas convenable de s'assurer si les faits contenus dans l'adresse sont parfaitement exacts? » Finalement l'Assemblée penche en faveur de l'intervention, les élus reconnaissent ainsi la situation comme attentatoire à la liberté publique et vote en faveur du décret de M. Vieillard.

30 avril : A l'Assemblée sont institués les jurés dans les tribunaux.

V – Le mois de mai 1790


Samedi 1er mai : A Nîmes, des bagarres éclatent aux cris de « Vive le roi, vive la croix, vive la nation ». A Paris, le savant Jean-Baptiste Lamarck est nommé pensionnaire de l'Académie royale de sciences.

2 mai : Lettres patentes du Roi sont paraphées, sur un décret de l'Assemblée nationale de M. Target (rapporteur) du 30 avril dernier, concernant les conditions requises pour être réputé Français, et admis à l'exercice des droits de citoyen actif :

« Tous ceux qui, nés hors du royaume, de parens étrangers, sont établis en France, seront réputés Français, & admis, en prêtant le serment civique , à l'exercice des droits de citoyens actifs, après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s'ils ont en outre, ou acquis des immeubles, ou épousé une Française, ou formé un établissement de commerce, ou reçu dans quelques villes des lettres de bourgeoisie, nonobstant tous règlements contraires auxquels il est dérogé ; sans néanmoins qu'on puisse induire des présentes qu'aucune élection faite doive être recommencée, et sans que par les dites présentes nous entendions rien préjuger sur la question des Juifs, qui a été et demeure ajournée. »

3 mai : A Toulon, il n'y a plus d'argent pour payer les ouvriers de l'Arsenal, il est question de licencier, une émeute s'engage. Le nouveau commandant de la marine Glandevès-Castellet échappe de justesse à la mort grâce à l'intervention de la garde nationale.

3 au 9 mai : A la Constituante, il est approuvé un décret, complétant celui du 15 mars, sur le mode et le taux du rachat des droits seigneuriaux. Deux jours après il est décrété que les juges seront élus par le Peuple. Le 8, un décret établit l'unité ou « l’uniformité des poids et des mesures » et le lendemain, il est décidé que les domaines de la Couronne peuvent se vendre.

4 mai : La Chronique de Paris du jour (page 495) fait paraître un billet de Zalkind Hourvitz, (juif polonais) dans ses colonnes, ci-après :

A M. l'Abbé Maury, « En attendant, Monsieur la publication de votre mémoire contre les juifs, auquel vous nous défiez d'avance de répondre, je vous défie à mon tour d'accorder l'abbé Maury, intolérant et impie, qui dément la Bible en assurant que les juifs n'ont jamais été cultivateurs (1), avec l'abbé Maury, grand pensionnaire, et soi-disant grand-défenseur de la religion catholique, qui assure que sa mère nourricière est la plus tolérante de toutes les religions. Cependant les Actes de Apôtres, et d'autres feuilles qui ne sont pas moins authentiques que la Gazette de Paris, attestent votre piété et votre bonne foi : si cela est, on ne peut expliquer votre conduite, en supposant que vous ignorez les principes de votre religion. Apprenez-les donc, il se réduisent à ce qui suit : aimez votre prochain comme vous-mêm, votre patrie plus que vos bénéfices, et regadez comme frère. »

Zalkind Hourvitz, juif.

Note : (1) On sait que la loi de Moïse est pleine de préceptes sur l'agriculture ; que le patriarche Gédéon, le roi David et le prophète Elisée étaient pasteurs et cultivateurs.

5 mai : A Lyon, depuis le 27 avril la mairie de a reconnu aux ouvriers tisserands ou "en soye" le tarif exécutoire, Dans l'église St.-Jean, en ce jour, sous la présidence de Denis Monet, désignés à l'unamité par 28 sections de la ville, se réunissent 3.500 ouvriers artisans. Ils condamnent les marchands qui refusent le tarif éxécutoire et décident « de se gouverner par eux-mêmes ». Denis Monet (1750-1793) est considéré comme un précurseur du syndicalisme. (Source : Dict. Le Maitron du Mvt. ouvrier et social)

6 mai : En Angleterre, il se
produit au Parlement un schisme politique au sein des Whigs (le parti libéral en opposition aux Tories, conservateurs) : « Par sympathie pour la Révolution, Fox veut changer la politique du parti. Burke, dont Pitt accepte les théories, ne voit dans la Révolution que la violence, les excès d'une démagogie féroce et tyrannique. (...) Burke fait appel à la force, et, dans l'émouvante séance du 6 mai, rompt définitivement avec Fox. Il a pour lui la majorité des whigs et le peuple, et le courant contre-révolutionnaire auquel il a donné l'impulsion croît en intensité tous les jours. » (William Godwin, sa vie, ses oeuvres etc., Raymond Gourg, page XII, chez Félix Alcan, Paris 1908)

7,
8, et 9 mai : A la Constituante, devant le comité de mendicité le duc de Liancourt rend compte de la visite qu'il a effectué à la maison de Bicêtre (commune de Gentilly), avec ses homologues MM. Decretot, Moulinet et Thouret, où ils ont pu constater des abus de l'administration de cette maison, et la qualité et la quantité de prisonniers. Le lendemain à la séance du soir, il est fait état de l'Adresse des Dames d'Auray (département du Morbihan), ci-après.

« Nos seigneurs, désireuses de donner à la nation des preuves de notre patriotisme, nous avons, à l'exemple de nos concitoyens, formé entre nous une milice sous le titre d'Amazones nationales. Notre dessein, communique à notre municipalité, en fut vivement applaudi, et elle reçut le dix-huit de ce mois au matin notre serment d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout notre pouvoir la nouvelle Constitution de l'Etat. Le soir du même jour, nous nous réunîmes à nos concitoyens, pour prêter à la face des autels le serment civique. (...) Vous suppliant de nous permettre de continuer notre association, qui n'a d'autre but que d'exciter dans les cœurs de nos époux et de nos enfants, le désir du bien public. Heureuses et mille fois heureuses, si nos conseils et notre exemple entretiennent toujours chez eux les sentiments patriotiques dont nous sommes et ne cesserons jamais d'être pénétrées! »

Signé, Hérissé, Dargenteuil, Esnard, Billiard, Blanchard, Jamot aînée, Jamot jeune, Chrétien aînée, Chrétien jeune, Jousseaume Lasanzan, Oger aînée, Oger jeune, Bouchemin aînée, Dargenteuil aînée, Zénaïde Dargenteuil, Marie Gatlard, Gallard, Regnier jeune, Regnier aînée, Ramard, Audureau, Bouchemin jeune, Arnauld Challe-Regnier.

Source : Bib. de Stanford, Archives Parlementaires, page 434, tome XV

Puis, plus tard, M. de Liancourt déclare devant les députés présents :
« Votre comité de mendicité considère que les décrets que l'Assemblée nationale rendra sur ces questions (l'assistance publique) doivent s'harmoniser avec les autres parties de la Constitution ; qu'ils doivent tendre à faire chérir et respecter cette Constitution par tous les pauvres du royaume ; en conséquence, toute loi partielle et provisoire lui a paru plus nuisible qu'utile. » Le surlendemain, le 9, l'Assemblée déclare que les domaines de la Couronne peuvent être vendus.

10 mai : Dans le Midi, à Montauban, il est fait état de massacres, la passion religieuse s'ajoute aux querelles politiques du pays. Après Toulouse et Nîmes, Montauban connaît à son tour des violences. Le sang coule entre Catholiques et Protestants, il s'engage une bataille opposant ce jour, les gardes nationaux et chrétiens « Réformés », aux ultras du catholicisme de la municipalité monarchiste. Il y aura 5 morts et 16 blessés.


Lecture à l'Assemblée sur les heurts de Montauban

 


Le Massacre des patriotes de Montauban dessin de Jean-Louis Prieur (1790)

M. Vieillard, organe du comité des rapports : Messieurs, dans le cours de la séance on a convoqué votre comité des rapports. Des événements très malheureux rendent en ce moment nécessaire un décret provisoire. Il s'agit de la ville de Montauban. Vous vous rappelez sans doute les dissensions qui s'y étaient élevées : les troubles ont continué malgré le décret que vous avez rendu. Ces troubles sont fomentés par le fanatisme religieux : un mandement de M. l'évêque de Montauban et des prièrés publiques ordonnées ont fait fermenter toutes les têtes : on a tenu des assemblées dans lesquelles on s'est occupé des moyens d'arrêter l'exécution de vos décrets ; il y a un schisme dans la garde nationale ; on a voulu l'augmenter d'un quatrième bataillon, qui s'est trouvé composé de personnes attachées à l'ordre judiciaire et de gens flétris, soudoyés par elles. Le courrier extraordinaire, sur l'arrivée duquel nous nous sommes assemblés, n'a apporté qu'une lettre particulière de M. Peyroret datée des 10 et 11 mai. Voici son contenu :
Du 10 mai
« Depuis six heures du matin la porte du couvent des moines Cordeliers était assaillie par quatre ou cinq cents femmes. A sept heures et demie je fus à la place des Cordeliers. Elle était presque remplie de femmes qui se promenaient avec une épée à leur côté, d'autres avec des pistolets à la ceinture, en disant qu'elles ne voulaient pas laisser entrer les officiers municipaux pour faire l'inventaire des titres des moines. A huit heures arrivent les dames de Caumont-Laforce qui firent dire une messe, où ces harengères assistèrent. A neuf heures se présentent deux officiers munipaux sans être escortés. Ces femmes les prennent par le bras et leur disent que s'ils ne se retirent pas elles vont les tuer. Ils répondirent qu'ils allaient en dresser procès-verbal.

A une heure de l'après-midi toutes les femmes se réunirent et allèrent chez M. Dupuis-Montbrun et chez M. de Preissac en disant qu'elles ne les voulaient plus pour colonel et commandant de la garde nationale et qu'elles voulaient les pendre. Quelques hommes se joignirent à ces femmes. A deux heures arrive la maréchaussée avec une troupe de dragons de la garde nationale et deux officiers municipaux qui conduisirent M. Dupuis-Montbrun à l'Hôtel-de-Ville pour qu'il fût plus en sûreté. A peine sont-ils entrés, que le peuple arrive de toutes parts en disant qu'ils Voulaient immoler les dragons et enfoncer les portes ; que c'étaient des protestants ; et les nouvelles compagnies criaient cùmme des ïurieux qu'ils vou-laient des fusils pour égorger tous les protestants. A deux heures et demie un officier municipal se détache et écrit au major du régiment du Languedoc pour demander du secours. Dans cet intervalle un coup de fusil fut tiré par un dragon et blesse un homme. Le peuple armé tire sur les dragons qui étaient dans la cour de l'Hôtel-de-Ville ; ce qu'il y a de certain, c'est qu'il y a eu quatre hommes de tués, qui sont MM. Mariette de la fabrique de bas, Ruffio, Crampes du Chemin et Gartisson de Ville-Bourbon. D'autres sont blessés. Aucun catholique n'a été tué excepté Crampes du Chemin.


A trois heures l'église des Cordeliers est remplie de monde. Un homme monte en chaire et dit qu'il faut aller à l'Hôtel-de-Ville exterminer les dragons. En même temps il arrache sa cocarde nationale et la déchire. Un instant après le duc de Laforce entre dans l'église le sabreàla main en disant : « Comment, Messieurs, pouvez-vous rester ici dans l'inaction, dans le temps qu'on égorge nos frères à l'Hôtel-de-Ville? Allons, suivez-moi. Allons les venger. » « A quatre heures et demie le régiment du Languedoc arrive à l'Hôtel-de-Ville et le carnage cesse. On déshabille les dragons et la compagnie des grenadiers les conduit liés, garottés et en chemise, dans les prisons du château royal. Dans ce moment la foule entre dans l'Hôtel-de-Ville, les nouvelles compagnies s'emparent de toutes les armes, et disent à haute voix qu'elles ne veulent plus M. de Preissac pour colonel, ni de M. Dupuis-Montbrun pour commandant ; elles en nomment d'autres. A présent les aristocrates sont au comble de leurs désirs ; par gradation ils sont venus à leur but. Je passe sous silence les mauvais traitements qu'on fait essuyer aux protestants quand on les trouve dans les rues, on leur donne des coups de bâtons, des soufflets, des coups de pied. Les âmes honnêtes sont dans la plus grande consternation. Nous allons prendre des arrangements avec toutes les villes des environs, pour empêcher que ceci ne devienne plus affreux. Je ne finirais pas si je voulais vous peindre les atrocités que l'on commet, dans ce moment à l'égard des non-catholiques. »

Lettre de M. Peyroret du 11 mai

« Je suis parti de Montauban à midi : avant mon départ, il est mort un cinquième dragon, au château royal, des suites de ses blessures. Voilà cinq martyrs de la liberté que le fanatisme à immolés ou pour mieux m'exprimer l'égoïsme, l'orgueil et la cupidité qui ont mis en jeu le fanatisme. Si l'Assemblée nationale ne prend aussitôt des mesures pour faire punir les coupables qui ont fomenté ces insurrections, les ennemis de la Révolution s'encourageront à tout entreprendre et vous allez voir que le tocsin va sonner et qu'on fondra sur eux. J'ai trouvé le chemin bordé de paysans pendant deux lieues : ils me demandaient si je leur conseillais de sonner les cloches et de se rassembler au nombre de cinq ou six mille, pour aller au secours de Montauban. Je leur ai répondu que l'Assemblée nationale ne le voulait pas, qu'il fallait rester encore tranquilles : tout est en alarmes. Je vous prie de bien peser que si la loi martiale avait été publiée, rien ne serait arrivé. Ce matin les compagnies de nouvelle création, composées de la lie du peuple, allaient dans toutes les maisons des protestants pour y fouiller, en disant qu'on y avait caché des armes. Elles n'en sortaient qu'après les avoir menacés et outragés de plusieurs manières. J'ai vu entrer ces fanatiques, au nombre de vingt chez M. Marcouis, minotier, à qui ils ont enlevé ses armes. Où est donc la liberté? Si cela continue, les fortunes et l'industrie abandonneront cette malheureuse ville et l'émigration aura lieu comme à la révocation de l'édit de Nantes, dont la France se ressent encore. M. Ruffio, dont l'assassinat consterne les bons citoyens, avait une fortune de 800.000 livres et faisait vivre le peuple. Les pauvres protestants sont à demi-morts. On fit courir, hier soir à 5 heures, dans toutes les rues, pour dire à tout le monde de ne pas porter la cocarde nationale. Faites attention à la messe que firent dire les dames de Laforce ; on ne peut porter le fanatisme plus loin. »

M. Vieillard, après cette lecture, poursuit :
Voilà, Messieurs, les deux lettres qui nous donnent connaissance de cet événement malheureux. Le courrier porteur de ces lettres nous a dit que les dragons nationaux ont été conduits dans toute la ville pour faire amende honorable ; deux olficiers municipaux marchaient à la tête de ce cortège. Le comité des rapports ne vous présentera qu'un décret provisoire conçu en ces termes :

« L'Assemblée nationale décrète que son président se retirera devers le roi, pour le supplier de prendre les mesures les plus promptes et les plus efficaces pour rétablir l'ordre dans la ville de Montauban ; ordonne que la cocarde nationale soit reprise et place les non-catholiques sous la sauvegarde spéciale de la loi. L'Assemblée nationale décrète, en outre, qu'il sera pris les mesures les plus efficaces pour poursuivre et faire punir tout officier qui, par quelque négligence dans ses fonctions, aurait occasionné le trouble, et tout citoyen qui l'aurait fomenté. »

Source : Bib. de Stanford- Archives Parlementaires,
du 17 mai 1790, pages 549 et 550, tome XV



ADRESSE AUX FEMMES DE MONTAUBAN


Me Robert, ci-devant Melle Louis Félicité de Keralio, de l’Académie d’Arras (1787), et de la Société Patriotique Bretonne.
Le sang vient de couler au gré des ennemis de la constitution ; mais à l’horreur qu’inspire le crime commis à Montauban, se joint l’effroi qu’excite toujours les mouvements hors de la nature. Que le despotisme, le fanatisme, l’orgueil, l’avarice, prodiguant l’or et les promesses, arment les mains d’une multitude d’hommes sans aveu, sans famille, sans patrie, on en a souvent eu des exemples depuis la révolution. Mais qu’un sexe faible et timide (sic), dépouillant à la fois les deux sentiments qui tiennent le plus essentiellement à son être, la crainte et la pitié, arme ses mains débiles (faibles) contre les concitoyens ses amis, ses frères, ses défenseurs, qu’on voie des femmes assemblées sur une place publique, appeler les hommes au combat, provoquer les uns, exciter les autres, commander le meurtre, et en donner l’exemple! C’est ce que les siècles barbares ne nous offrent point. Non, lors de la Saint-Barthélemy, lors du massacre des Cévennes, de la révocation de l’édit de Nantes, les femmes ne portèrent point le flambeau de la guerre civile au sein de leurs foyers et ne sortirent point des temples pour se souiller du sang de leurs voisins et de leurs proches.  

Malheureuses citoyennes! quelle fureur vous aveugle? Qui prétendez-vous défendre? Serait-ce cette noblesse orgueilleuse, qui foulait aux pieds les droits de vos pères, de vos époux et de vos fils qui, leur arrachant leur subsistance, s’en nourrissait dans la débauche et l’oisiveté? Serait-ce, ce clergé, non moins avide, qui disputait à la noblesse le prix de leur sang ; ces ministres pervers, dont la main coupable signait chaque jour des impositions, des taxes nouvelles? Ces juges iniques, qui, secondant la noblesse et le clergé, rendaient journellement contre vous des arrêts de mort, de galères ou de prison? Que redemandez-vous, les armes à la main? Les droits féodaux, la gabelle, le droit de chasse, les impôts de toute nature, les juges seigneuriaux, les dîmes, le servage, la Bastille ; les galères et les prisons? Insensées, et vous croyez servir la religion! vous croyez qu’un dieu de paix vous commande le meurtre? Ces prêtres, qui, dans les tribunaux de la pénitence, et dans la chaire de vérité, vous ont réduites, entraînées au crime, se servaient de ces mêmes armes pour ordonner la Saint-Barthélemy! Par quels motifs profanaient-ils alors le nom de Dieu? Que voulaient-ils? l’or des protestants, et le maintien de leur puissance et de leurs privilèges! Que veulent-ils aujourd’hui? l’or des français, le sang du  peuple, et la restitution de ces mêmes privilèges! Ainsi, vous voulez, dans un accès de délire, fruit de leurs perfides suggestions, poignarder les défenseurs de vos foyers ; cette garde nationale, confédérée d’un bout du royaume à l’autre, pour votre salut et votre sûreté ; vous avez assassiné un citoyen, votre bienfaiteur, sa fortune, fruit de son  active industrie, avait d’abord fait vivre vos concitoyens du prix de leur travail, dont le produit était encore reversé sur les malheureux par ses mains bienfaisantes! Encore une fois, la noblesse et le clergé vous rendront-ils les bienfaits que vous vous ôtez? Ils vous le promettent, peut-être? L’ont-ils fait, lorsqu’ils jouissaient du prix de vos lueurs? 

Vos évêques, dont l’artificieuse politique parcourt aujourd’hui vos campagnes, allaient-ils auparavant porter, dans la cabane du pauvre, une obole de leur immense superflu? N’étaient-ils pas enfermés dans de riches palais, ne partageaient-ils pas vos biens avec les courtisanes de tout rang? laissaient-ils seulement à vos respectables pasteurs de quoi soulager votre misère? La religion a-t-elle changé? Ne devaient-ils pas la servir, comme ils prétendent aujourd’hui la défendre? Etait-ce dans le sein du luxe et de la prostitution qu’ils en pratiquaient la morale sublime? Est-ce par le meurtre et la guerre civile qu’ils osent la protéger? et croyez-vous qu’il leur importe que les Français aient une ou plusieurs religions? Ils vous excitent contre les protestants! Eh! si le despote d’Alger ou de Constantinople leur offrait des privilèges, des bénéfices, des dîmes, des évêchés, des femmes et des palais, demain Mahomet serait leur prophète ; nous en serions délivrés, et notre religion sainte conserverait son empire dans vos cœurs, comme dans celui de vos véritables défenseurs, de ceux qui brûlent de l’amour de votre bien-être, et que vous payez d’une si noire ingratitude.

Femmes égarées, séduites et vaincues par de damnables artifices, revenez à vous ; rentrez dans vos murs, recueillez-vous dans le sein de ce dieu de paix que vous avez méconnu. Entendez la voix de l’humanité. Frémissez d'avoir pu livrer à la guerre civile.... qui, grand dieu! vos maris, vos enfants, vos pères désolés, vos mères éplorées, vos concitoyens, vos bienfaiteurs, votre ville, la France entière. Avant de condamner le culte des protestants vos frères, commencez à connaître ce que vous prescrit le vôtre, et sachez que dieu vous commande, non seulement l’amour de toutes ses créatures, mais encore jusqu’au pardon des  offenses les plus cruelles.  
Ou bien, continuez de marcher de crime en crime, à la voix des nobles et des prêtres ; rassemblez autour de vous tous les brigands du parti que  vous servez ; allumez d’un bout de la France a  l’autre, le feu des bûchers, et le flambeau de la discorde ; accourez de ville en ville, massacrez tous vos amis, tous vos défenseurs ; que le sang et l'horreur qu’il inspire ne vous arrêtent point ; venez à leur gré porter votre rage dans le temple sacré, où vos législateurs veillent nuit et jour à votre salut, où ils négligent pour lui jusqu’au soin de leur santé et de leur vie ; immolez leur, les Robespierre, Barnave, Rabaud de Saint-Etienne, Darches, Lameth, Camus, d’Aiguillon, la Rochefoucauld, Pétion, et vos respectables pasteurs Grégoire, Dillon, Gouttes, etc. Venez ravager cette ville, où le brave peuple français a renversé la Bastille, et ramené en triomphe ce roi, qu’on a l’audace de vous représenter comme prisonnier, alors, insensées que vous êtes, quand votre rage aura détruit vos seuls amis ; quand nos braves gardes nationales seront anéanties, ceux qui vous excitent par leurs clameurs impies, au nom de la religion, craignant que votre fureur ne le tourne contre eux, appelleront pour vous massacrer à votre tour, ces  troupes allemandes et autrichiennes, qui, le 12 juillet dernier, s’apprêtaient si bien à servir leurs complots. Ils vous chargeront de chaînes, dévoreront votre subsistance, et vous gémirez des siècles avant qu’il s’élève des hommes qui osent s’exposer, et à leur vengeance, et à votre ingratitude.  

Mais que dirons-nous de ces femmes, appelées Caumont de la Force (*), qui ont ouvert, par la célébration d’une messe, cette scène sanglante? De ces femmes, ci-devant nobles, qui pouvaient s’élever au rang de citoyennes, et qui se sont déclarées traîtres à la patrie, et vouées volontairement à ce genre d’infamie. Plus coupables mille fois que ces malheureuses femmes qu’elles ont séduites, puisque l’éducation devait au moins leur tenir lieu de principes, et leur apprendre à contraindre leurs passions. Mais que dis-je, l’éducation? Depuis plusieurs années, en existait-il une en France, et ne voit-on pas dans la dépravation des mœurs, depuis quinze ans, la cause de l’horreur que témoignent pour la révolution, les femmes de la classe honorifique? il leur en coûte de voir échapper de leurs mains ces tributs honteux des trésors des publicains, et des brigands décorés qui assiégeaient le trône et dévoraient l’état. Il leur en coûte de voir naître à la liberté des hommes qui, dédaignant la mollesse et l’oisiveté, se livreront à des travaux glorieux et assidus, qui veilleront au salut, non pas des femmes dissolues, mais de leurs chastes épouses, et des enfants dont ils seront les pères. Encore une  fois, c’est la corruption des mœurs qui produit aujourd’hui l’anti-civisme des femmes, jadis nobles.

Eh! comment craindraient-elles de franchir encore, en un point, les bornes de leur sexe, elles qui ont dépouillé tout sentiment de pudeur? Comment rougiraient-elles de joindre l’hypocrisie a tant de vices, plus honteux encore. Les femmes chastes sont timides, les femmes perdues sont hardies, audacieuses, cruelles. (sic) Toujours semblables à ces bacchantes de Versailles (femmes débauchées), qui dansaient, dans la fameuse orgie du 11 juillet, au bruit des instruments de guerre, dont le son devait exciter au meurtre les soldats allemands, est-il étonnant qu’elles cherchent encore à satisfaire, par le sang, la fureur de leurs passions? Femmes coupables, femmes appelées Caumont de la Force, il vous est  permis de regretter aujourd’hui un seul des décrets de l’auguste assemblée celui qui vous arrache l’espoir d’aller ensevelir, dans les murs d’un cloître, vos noms déshonorés, votre honte et vos remords?

Caricature de Me Balbi  (1791)



Note : (*) Anne Caumont de la Force, comtesse de Balbi, est née en Dordogne en 1758, morte à Paris en 1842 ; elle serait une possible maîtresse du comte de Provence, le futur Louis XVIII.
Source : Newberry French Pamphlet Collection - 4 pages
Extrait du MERCURE National, Tome II, N°6.  

De l’Imprimerie de L. POTIER DE LILLE, Rue Favart, N°5. 


11 mai : A l'Assemblée, il est pris un décret, qui permet de verser 28 millions au Trésor Public par la Caisse d'escompte. A Montauban, le maire et les officiers municipaux font une proclamation à tous les habitants de la Cité. « Cette terre natale en a été rougie. Jour de désastre et de deuil qui a vu des frères armés contre des frères, des bras égarée la rage et le désespoir; une Ville renommée par les charmes de son séjour, devenir tout-à-coup un théâtre de discorde et de fureur! » (Source : Gallica-Bnf, 4 pages)

12 mai : Est fondée la « Société de 1789 » avec MM. Lafayette, Talleyrand, Sieyès et Bailly. Elle tient ses réunions au Palais-Royal, les propriétés du duc d'Orléans, ou l'ancien Palais du Cardinal Richelieu, Palais devenu Royal, lorsque le jeune Louis XIV y séjourna lors de la Fronde, à ne pas confondre avec la résidence du roi...

13 mai : A Paris, un ordre du département des travaux publics, prescrit au sieur Tourtille-Sangrain de n'allumer, les jours de lune, qu'un réverbère sur deux dans toutes les rues de la ville, ainsi que sur les places, les quais, les ponts et les boulevards. (Source : Gallica-Bnf,
Alexandre Tuetey, Sources manuscrites de l'histoire de Paris pendant la Rév. fr. Page VII, tome 3, Paris 1894)

14 mai :
Dans la capitale, Louis-Félicité de Keralio épouse de M. François-Joseph Robert, membre du club des Codeliers ou la Société des Amis des droits de l'homme et du citoyen fondée en avril, proche de Danton, celui-ci est le fondateur du Mercure national, etc., en toute fin de l'année 1789, qui a eu divers titres ou appellations. A l’Assemblée, il est voté la réglementation de la vente des biens nationaux et le ministre M. de Montmorin, aux Affaires étrangères a demandé des aides de secours pour la Marine, dans l'objectif de mobiliser la flotte au plus vite. En soirée, au théâtre de la Nation est joué les Amants malheureux ou le Comte de Comminges, de M. François Baculard d'Arnaud, un drame en trois actes et en vers.

15 mai : A la Constituante, à la séance du matin, Robespierre prend la parole sur la question de savoir à qui appartiendra le droit de faire la paix ou la guerre? :

« Comment prendrez-vous des mesures si vous ne connaissez pas votre droit? Vous déciderez provisoirement, au moins, que le droit de disposer du bonheur de l'empire appartient au ministre. Pouvez-vous ne pas croire que la guerre est un moyen de défendre un pouvoir arbitraire contre les nations? Il peut se présenter différents partis à prendre. Je suppose qu'au lieu de vous engager dans une guerre dont vous ne connaissez pas les motifs, vous vouliez maintenir la paix ; qu'au lieu d'accorder des subsides, d'autoriser des armements, vous croyiez devoir faire une grande démarche, et montrer une grande loyauté. Par exemple, si vous manifestiez aux nations que, suivant des principes bien différents que ceux qui ont fait le malheur des peuples, la nation française, contente d'être libre, ne veut s'engager dans aucune guerre, et veut vivre avec toutes les nations avec cette fraternité qu'avait commandée la nature. Il est de l'intérêt des nations de protéger la nation française, parce que c'est de la France que doit partir la liberté et le bonheur du monde. Si l'on reconnaissait qu'il est utile de prendre ces mesures ou toutes autres semblables, il faudrait décider si c'est la nation qui a le droit de les prendre. Il faut donc, avant d'examiner les mesures nécessaires, juger si le roi a le droit de faire la paix ou la guerre. »

Source : Bib. de Stanford, Arch. Parlementaires, page 517, tome XV.

Dimanche 16 mai : A l'Assemblée, le matin, le comte de Virieu explique la nature du pacte dit de famille, qui est un traité entre 4 puissances, que sont les royaumes de France, d'Espagne, de Naples, et le duché de Parme :

«
Il a pour objet principal de rendre les sujets respectifs citoyens entre eux ; il porte l'abolition du droit d'aubaine et l'engagement d'une défense respective... La justice d'une guerre c'est la nécessité. Si l'une des quatre puissances est attaquée, les trois autres doivent la défendre. Je suppose que le différend actuel provienne d'une faute du cabinet de Madrid, et que vous croyiez devoir abandonner l'Espagne : notre union avec l'Espagne est nécessaire pour nous opposer aux entreprises d'une puissance qui ne cessera pas d'être notre rivale. Si l'Espagne est défaite, la force de l'Angleterre sera augmentée, et nos moyens politiques de résistance diminués. En défendant l'Espagne, c'est notre vie, c'est notre richesse que vous défendez. Notre commerce maritime fait vivre quatre millions de Français, les galions d'Espagne nous apportent l'opulence... »

Source : Bib. de Stanford, Arch. Parlementaires, page 530, tome XV.

17 mai : Guadeloupe, le tribunal de Pointe-à-Pitre condamne Jean-Louis, le meneur (les captifs n'avaient pas de nom de famille), et l’un des conjurateurs est condamné
à être « pendu et étranglé jusqu’à ce que mort s’ensuive, à une potence dressée sur la place publique du bourg de la Petite-Goyave ; sa tête séparée de son corps et attachée pour y rester à toujours sur un poteau de 20 pieds (6 mètres) (...) planté sur le grand chemin, près le dit bourg, son corps jeté dans un bûcher allumé et ses cendres jetées au vent » ; et quatre autres prévenus du 11 et 12 avril sont pendus. (Source : Musée du Mémorial Acte) A Paris, à la Constituante il est fait lecture de deux lettres de M. Peyroret sur le massacre des patriotes de Montauban (Tarn-et-Garonne), à lire ci-dessus dans l'encadré.

18 mai : Reparution de L'Ami du Peuple de Marat. Ce dernier précise entre autres que depuis le 22/01, il n'y a pas eu d' autre numéro que le 125 et le précise dans le n°126 à cette date  :

« A mon retour de Londres, où j'ai séjourné quelques mois, je trouve mon Journal envahi par quatre folliculaires, qui se disputent à l'envi mon titre, mon épigraphe, mon nom, mes qualités, en s'accablant d'injures dégoûtantes, chaque matin. Nouveaux Sosies, chacun prétend être le vrai ; et telle est l'assurance de leur ton, qu'à la lecture de leur barbouillage, je me tâte souvent le pouls, pour m'assurer si je ne rêve pas. Quoi qu'il en soit, depuis le 22 janvier, jour à jamais mémorable dans les fastes de la révolution, jour également signalé par l'audace avec laquelle le ministre des finances entreprit d'enchaîner les écrivains patriotiques en m’immolant ; par la lâche complaisance avec laquelle le chef de la municipalité, le commandant de la garde parisienne, le châtelet, se prêtèrent à ses vues criminelles ; par le zèle avec lequel les bons citoyens s'opposèrent à cet attentat, j'ai gardé un triste silence ; et de tant d’écrits , dont on me fait le père, il n'est sorti de ma plume que mon Appel à la Nation, ma Lettre sur l'Ordre Judiciaire, et ma seconde Dénonciation contre M. Necker. Dès-lors, combien de fois n’ai-je pas déploré la perfidie des ennemis de la liberté, qui m'avaient ôté les moyens de servir la patrie ! Combien de fois n’ai-je pas désiré que quelque homme estimable, aussi zélé, mais plus habile que moi, continuât l’Ami du Peuple. L'entreprise n’était pas sans attraits. A peine les scellés furent-ils sur mon imprimerie, que plusieurs intrigants, non moins inepte ses qu'effrontés, bien sûrs que je n'irai pas leur intenter procès, profitèrent de la vogue de ma feuille, pour en faire une spéculation de lucre. »

19 mai : A Paris, Gracchus Babeuf est emprisonné suite à ses prises de position et actions à Roye, dans le département de la Somme, pour avoir selon ses propres mots « colérer le Peuple
» et organiser une pétition.

20 mai : A peu  près à cette date, le journaliste Stanislas Fréron sous le pseudonyme de Martel (ci-contre) lance un nouveau périodique : L'Orateur du peuple. (Source : archives du Calvados) Personnage trouble, auteur de malversations financières, à la fois proche de Marat, ainsi que l'ennemi de Robespierre et des derniers jacobins (montagnard puis thermidorien aux côtés de Barras). Fréron décédera en 1802 à Saint-Domingue de la fièvre jaune lors de l'expédition coloniale et punitive du général Leclerc. En Picardie, à Chauny le jeune Saint-Just prononce son premier discours. A l'Assemblée, le duc de Liancourt remet un rapport sur l'hôpital des Petites-Maisons (rue st-Denis) et de la Trinité (rue de Sèvres).


21 mai : Dans la matinée, sur l'île de la Cité, l'Hôtel-Dieu reçoit la visite MM. Guillotin et de l'évêque de Rodez pour le comité de mendicité. A l’Assemblée, une loi organique est décidée pour les municipalités avec un décret établissant la municipalité de Paris sur des principes identiques à la loi municipale, et les 60 districts sont remplacés par 48 sections (carte ci-dessous), ou les nouvelles circonscriptions administratives. Où se calqueront les sections révolutionnaires parisiennes.



Atlas Général, Histoire et Géographie, Paris pendant la Révolution 1790-1795 (Vidal Lablache)

22 mai : A la constituante, il est déclaré que « le droit de la paix et de la guerre appartient à la Nation.
»

Dimanche 23 mai : Pentecôte, les époux royaux, le dauphin, Madame et Me Elisabeth se sont rendus à l'office de la chapelle du château des Tuileries prononcé par l'évêque de Senlis, Monseigneur de Roquelaure.

24 mai :
Maine-et-Loire, l'assemblée départementale choisie la ville d'Angers comme chef-lieu du département. (Source : Service municipal d'archives de la ville d'Angers)

25 et 27 mai : Sur l'île Bourbon (La Réunion), se tient la première Assemblée générale, 134 députés titulaires et 55 suppléants se rassemblent à Saint-Denis. Le surlendemain, à l'unanimité l'assemblée se déclare,
« permanente, inviolable et ne pouvant être dissoute que par un décret de l'Assemblée nationale, sanctionnée par le Roi. »

26 mai : J.P. Marat dans L'Ami du Peuple (n°114) sur la question de la guerre :

« Au surplus, je le répète, la nation n’a aucune raison d’épouser la querelle des Espagnols ; le pacte de famille ne la regarde plus, depuis quelle elle a reconquis la souveraineté : il peut bien encore intéresser le roi comme, chef de la maison de Bourbon ; mais c’est une affaire purement de famille , dont la prudence exigeait qu’il évitât aujourd’hui d'entretenir la nation. Et puis, pourquoi voudrions-nous nous brouiller avec les Anglais, qui nous veulent tant de bien, qui font des vœux pour nos succès, et qui désirent s’allier avec nous comme avec leurs frères. Ils arment, nous dit-on ; la sagesse veut que nous armions de même ; dites quelle elle ordonne que nous restions tranquilles : qu’avons-nous à craindre aujourd'hui des peuples de la terre, dont nous avons fait vœu de respecter les droits et la liberté? La France fut-elle jamais aussi formidable? Elle a sur pied des millions de citoyens armés ; qu’ils s’exercent au maniement des armes, et la terreur du nom Français contiendra seule nos ennemis. »
Source : Gallica-Bnf, page 7

28 mai : Le port de la cocarde tricolore est rendu obligatoire pour les officiers et se voit interdit la cocarde blanche. Sanctionné ce même jour à l’Assemblée : « La loi qui autorise la municipalité de Paris à faire évacuer le couvent des Récollets du faubourg Saint-Laurent, et celui des Dominicains de la rue Saint- Jacques, pour y établir des dépôts de mendicité ou ateliers de charité ». (Nouvelle loi ou collection des décrets – édité chez Devaux en 1792)

29 mai
: A
l'Assemblée générale des Représentants de la commune de Paris est approuvé le Rapport de M. de Bourge au Comité de constitution, concernant l'affaire des Juifs, fait par M. Brissot de Warville : « Les Représentant de la commune de Paris, réfléchissant qu'il importe, à la veille de la formation de la nouvelle Municipalité de Paris, de ne laisser aucun doute sur les droits de citoyens actifs des Juifs, croit devoir recommander, à l'attention la plus sérieuse de MM. du Comité de Constitution de l'Assemblée nationale, cet ouvrage où les droits de tous les Juifs du Royaume sont prouvés avec la dernière évidence. » (Source : Gallica-Bnf)

 

Camp fédératif de Lyon, le 30 mai


30 mai : A Lyon est fêté la Fédération (estampe ci-dessus). A la Constituante, il est décrété « l'extinction de la mendicité » (Note : Vaste programme et vœux pieux). Parallèlement à Paris seront ouverts de nouveaux ateliers de secours à 20 sols par jour (anciennement de charité). Au couvent des Jacobins, George Danton franchi le porche de la rue Sain-Honoré et intervient pour la première fois après Alexandre de Lameth sur les "soldats jaunes" (Source : Danton, de Serge Bianchi, Ed. Ellipses 2021). De même, M. Etienne Polverel, ancien Syndic des Etats de Navarre, membre de la Société des amis de la Constitution donne son opinion sur le mode de responsabilité des agents du pouvoir exécutif. Il sera envoyé à Saint-Domingue en 1792, désigné avec deux autres commissaires par l'Assemblée.

31 mai : A la Constituante, la constitution civile du clergé est à l'ordre du jour, deux députés expriment notamment leurs opinions respectives au sujet d'un décret proposé par le comité ecclésiastique, avec deux interventions fournies, une de M. Camus député du Tiers de la Haute-Loire et l'autre du curé de Roanne, Jean-Claude Goullard, député du clergé du bailliage du Forez, etc..

Ps : C'est aussi ce même mois qu'à Paris le chansonnier des sans-culottes Ladré écrit ça ira ! (rédacteur des paroles), la musique connue est l'adaption d'une musique en vogue : le Carillon National de M. Bécourt, que Marie-Antoinette pianotait sur son clavecin... Mais ne fait pas son apparition avant juillet, dans cette tonalité musicale.

à suivre ...


Suite sur la Révolution française
L'année 1790, seconde partie

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