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Colonialisme et esclavagisme aux Antilles
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1 -
Colonialisme et esclavagisme sous la Révolution française dans l'espace
Caraïbe
2 - Création à Paris de la Société des amis des noirs, Nicolas de
Condorcet, 1788
3 - La Guadeloupe sous Victor Hugues, les paradoxes du jacobinisme aux
Antilles (vidéo avec Michel Rodigneaux)
4 - Félicité Santhonax,
Commissaire à Saint-Domingue, Louis Gabriel Michaud, 1834
5 - Délivrance de la Guadeloupe par Victor Hugues, Charles Rouvier, 1870
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Colonialisme et esclavagisme
sous la Révolution française dans l'espace Caraïbe

Lionel Mesnard, le 10 mai 2017
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«
Quand
éclate la Révolution, les antagonismes entre castes s'exaspèrent: par
tradition, les grands Blancs méprisent les petits Blancs, qui méprisent
les mulâtres, qui méprisent les Noirs affranchis, qui méprisent les
esclaves ». Charles Sédillot
Rechercher des informations sur la question de l’esclavagisme et en
retour sur le colonialisme lors de la Révolution française n’est pas
chose aisée. Dans l’historiographie francophone du XIXe siècle c’est
presque un grand désert, quand le siècle des Lumières a connu de
nombreux auteurs et au sein du clergé ses grands détracteurs. Michelet
à tout juste fait mention du 4 février 1794, les historiens ont plutôt
déserté le sujet ou fait mine de ne rien y voir. Cependant les travaux
des députés ont abordé la question des colonies régulièrement, tout au
long des années 1789 à 1793 et participés à des débats très âpres,
voire confinés au sein du comité des colonies. Sinon, l’on retrouve des
éléments épars sur ce qui pourrait être considéré comme un prolongement
de la Révolution hors de l’hexagone?
Les possessions coloniales des outremers ne participèrent pas aux Etats
Généraux et il n’y pas eu, de fait, de cahiers de doléance, pas plus
que de représentants élus ou désignés pour être présent le 5 mai 1789 à
Versailles à l’ouverture des cérémonies en présence de Louis XVI.
Cependant il est à noter l’existence d'une trentaine de cahiers qui firent une
référence à l’esclavage et à sa supppression. Début juillet, à
l’initiative de colons présents à Paris, il était demandé, à ce que les
colonies puissent avoir une représentation parlementaire, ce qui leur
fut accordé, sans avoir été élu (hors du cercle parisien) ou avoir un
mandat public émanant des îles Caraïbes. A noter que les îles de
l’Océan Indien ne seront intégrées que l’année suivante. Sur place,
l’accueil des colons américains fut plutôt favorable au changement
institutionnel, beaucoup souhaitaient le regard rivé sur les Etats-Unis
trouver leur indépendance ou autonomie commerciale, notamment dans la
partie française de Saint-Domingue.
Dès le 12 août 1789, il était voté à l’Assemblée Constituante un
article 19 : «Tout esclave reprend sa liberté en entrant dans les
terres de la domination française» : Article de la «Charte
contenant
la Constitution Française dans ses objets fondamentaux». Un presque
texte constitutionnel proposé à l'Assemblée nationale par
Charles-
François Bouche, avocat au Parlement de Paris et élu du tiers
de la sénéchaussée d'Aix. Une semaine après se constituait le club de
l’Hôtel de Massiac pour faire barrage aux idées de la Société des amis
des Noirs fondée l’an passé (lire le texte de Nicolas Condorcet sur
cette même page).
Ce
club opposé à l’abolition vint
contre balancer toute idée d’interdire l’esclavage dans «l’Empire»,
durant plus de cinq années. Si la création d’un comité colonial était
rejeté un temps fin 89, la puissance des colons et notamment ceux de
Saint-Domingue allaient tout faire pour bloquer une émancipation des
populations réduites à l’esclavage, minorées en chiffre pour échapper à
l’impôt, vieillards et enfants absents des données (soit environ
200.000
personnes rayées d’un trait de plume). Le comité colonial de
l’Assemblée ayant été mis en place en mars 1790, il changea
d’appellation fin 91 et intégra sous la Première république le
Ministère de la Marine
(Ministre M. Gaspard Monge). L’année suivante, les commissaires civils
envoyés à Saint-Domingue, et en Guadeloupe, engageaient un tournant
décisif dans cette région du monde.
Le loi du 4 avril 1792 signée par le roi et le ministre de
l’intérieur et des cultes, reconnaissait aux «libres de couleurs» ou
affranchis, la citoyenneté à part égale. Mais, il excluait toujours les
esclaves, et il ne fut pas tenu compte des libres de couleurs n’étant
pas de sang-mêlé (métis). Il s’opérera outre-atlantique une cassure
pour des raisons évidentes, les « sangs mélangés » ou affranchis
représentaient un pouvoir économique, et pouvaient être eux-mêmes
propriétaires d’esclaves. Une condition impossible pour ceux ne
disposant d’aucun lègue familial, à l’exemple de Toussaint, dit
Louverture, noir affranchi après avoir été lui-même un enfant
né au
titre de "bien meuble" ou d’un "ventre femelle" d’esclave (chez les
colons Espagnols). Des appellations évacuant toute notion de dignité,
entre animal et objet, l’humanité n’était pas de
mise pour les Africains.
Fin Janvier 1906, Anatole France lors d’un rassemblement de
protestation contre la barbarie coloniale déclara : «Les
Blancs ne communiquent avec les Noirs ou les Jaunes que pour les
asservir ou les massacrer. Les peuples que nous appelons barbares ne
nous connaissent encore que par nos crimes. Non certes, nous ne croyons
pas qu’il se commette sur cette malheureuse terre d’Afrique plus de
cruautés sous notre pavillon que sous les drapeaux des royaumes et des
empires. Mais il nous importe à nous, Français, de dénoncer avant tout
les crimes commis en notre nom». Nous sommes encore à un bon
un quart de siècle avant que des étudiants de la Guyane avec Léon
Gontran Damas ou d’Afrique de l’Ouest, des Antilles comme Aimé Césaire
(centenaire en 2013) ne vienne nourrir ses (ou leurs) réflexions sur la Négritude dans l’Etudiant noir
et construire une des plus grandes œuvres littéraire et politique du
vingtième siècle.
C’est un exercice terrifiant que de s’emparer d’un sujet dont les
controverses ne peuvent que pousser à rester alerte pour ne pas tomber
sur un os essentialiste. Il est presque impossible de ne pas aborder la
question de la peau et de ses couleurs avec l’esclavagisme, sans
affronter toute cette structuration humaine en « races », des notions
discriminantes et humiliantes, des terminologies brisant tout point de
mire commun. Appartenir à une essence, c’est accepter un identitarisme,
vivre dans un esprit de repli, plus exactement vivre dans un ordre où
chacun se voit classifier : selon des critères douteux, indistincts, le
plus souvent impropres. Cela vise à uniformiser, et souligner que le
contexte du discours d’Anatole France en 1906 est très lointain de
celui de 2017 et ne vise pas à établir de différence, mais à lutter
contre les préjugés ou raccourcis. Le but du partage des mémoires et
des contenus historiques n’est pas se référer à un épiderme, mais de
prendre en compte la multiplicité des points de vue.
Au titre de la bêtise, autant ordonner le genre humain par la taille,
ou la couleur des yeux ou la longueur des cils, à se différentier en
tout et n’importe quoi, conduit à tous les absurdes. Mais nous
touchons, vous et moi, à une question on ne peut plus fondamentale, qui
est celui de la négation. La question de l’esclavage tient ou réside à
faire d’un être, une chose, dans le cas présent ce qui tenait à devenir
un « bien meuble » au même titre qu’un chevet de lampe ou un bouton de
manchette. Toute date symbolique, soit-elle, la journée du 4 février
1794, n’est qu'une suite de la proclamation de Saint-Domingue du 29
août 1793. Une déclaration publiée en français et traduite en créole sous les ordres des
commissaires Sonthonax et Polvérel envoyer sur place et à leur propre
initiative, ou sous la pression des événements locaux, la présence
militaire des Anglais en précipita le cours.
Nos deux commissaires abolissaient pour la première fois l’esclavage
dans une colonie française, un an avant les exploits et la victoire de
Victor Hugues en Guadeloupe. La Convention votant l’abolition de
l’esclavage est à considérer comme un aboutissement de la philosophie
des Lumières et ses limites, Bonaparte y mettra fin en 1802.
L’histoire des abolitions est un sujet à forte teneur en complexité,
parce qu’elle se déroule à l’échelle de nombreux pays ou régions du
monde, ou concernant, à minima l’Europe, l’Afrique et les Amériques. Le
premier état abolitionniste fut la Pennsylvanie le 1er mars 1780, une
des treize colonies de la Nouvelle-Angleterre en rébellion, sans que
pour autant la mesure soit générale et dans ce cas graduel. En 1783, la
Constitution du Massachusetts déclarait tous les hommes libres et
égaux, cette décision de justice a été considérée comme "le signe
annonciateur de l’abolition de l'esclavage." Pour la Pennsylvanie, cet
état adopta "une politique d’émancipation graduelle, affranchissant à
leur 28ème anniversaire les enfants de tous les esclaves nés après
le le 1er novembre 1780". (source : "Voyages d'esclaves" de l'Unesco).
On peut écrire sans hésitation que la question de l’esclavagisme a été
éludé trop longtemps. Il n’est pas simple non plus de se plonger dans
de vieux grimoires reflétant tout ce qui donne à désespérer de la
condition humaine. Et la question de l’abolition touchait de derechef
les populations africaines déportées et pensées comme des marchandises.
Le niveau d’inhumanité fut à l’image des bateaux négriers, dont les
odeurs pestilentielles s’échappaient à plusieurs lieues à la ronde - de
quoi avoir une idée - des entrées dans les ports du continent américain
de ces bateaux négriers et de l’état souffrant des survivants de la
traversée. Les morts au fil de la navigation passaient par dessus le bord
sans autre forme de dernier sacrement ou respect des dépouilles. Avant
de plonger dans un monde où les maîtres disposaient d’un droit de vie
et de mort, pour un travail de force sur une plantation, la moyenne
d’existence d’un esclave n’excédait pas six ans. Difficile de faire
part de l’horreur et pourtant il reste de quoi se questionner sur cette
organisation triangulaire ou transatlantique du commerce et ses
mécanismes coloniaux?
L’objet du présent exercice est de remonter quelques fils de cette
histoire pas vraiment unidimensionnelle, dont le caractère national ne
suffit pas à comprendre sa dimension sans frontières. Dans le même
cheminement, il faut pouvoir distinguer la question de l’esclavage, du
fait colonial, même si cela est fait d’une même pâte et fruit d’une
même logique politique ou économique, le but était de tirer profit.
Cependant au sein des colonisateurs, de rares groupes de colons
bannirent l’esclavage, de rares états interdirent la traite au XVIIIe
siècle et ont inspiré les mouvements abolitionnistes européens, dont il
a pu exister de vrais liens d’un pays ou d’un continent à l’autre.
A ce
titre, les colons de la Nouvelle Angleterre, c'est-à-dire les treize colonies
britanniques d’avant 1776 étaient pour beaucoup peuplées de
protestants pourchassés en terre européenne, et pas à la seule image
des puritains du Mayflower. Un distinguo religieux conséquent dans la
colonisation et comme oppositions à la servilité et son négoce. Un
groupe protestant, les Quakers se démarquèrent et rejetèrent au nom de
leur foi
l’esclavage dès leur présence dans les colonies anglaises. Le siècle
des Lumières Américains a fourni son lot
d’abolitionniste, et de résistances à l’ordre établi. Des hommes comme
Benjamin Franklin appuyèrent l’abolition, sauf que le sujet
divisa la société
étasunienne pendant plus d’un siècle et les progrès restèrent d'une
très grande lenteur et d'une grande relativité à l'égard des
populations noires et originaires .
Ce qu’il faut avoir à l’esprit c’est que les puissances maritimes et le
poids des royaumes de l’ouest-européen transplantèrent un édifice
raciste, dont les racines sont toujours plus ou moins actives dans une
violence ciblant les afro-américains. Si l’on ne prend en compte qu’au
dix-huitième siècle, des dynasties se disputèrent une forte manne
financière et notamment dans les territoires des dits Nouveaux Mondes. Au
pluriel parce que la colonisation ne concerna pas seulement un continent,
mais tous progressivement, en particulier le jour, où Magellan
découvrit l’immensité Pacifique.
Là où il y eut le plus d’affrontements
fut probablement la Caraïbe. Il existe mille et un récits, une richesse
propre avec l’histoire de la Flibuste, ou d’avoir été les
premières îles atteintes par Colomb, il s’y est concentré de nombreuses
aventures humaines avec si l’on peut dire des géométries
variables, mais sans rapport avec la géographie des lieux. Une
complexité qui échappe dans l’historiographie d’avant les travaux
historiques de ces dernières années, car nourrit de l’esprit colonial
et un tantinet raciste, ou bien en la pseudo supériorité propre à ses
acteurs se disant civilisés, laisse place à toute forme de relativité.
Il y a de quoi reprendre son souffle, face à tant de réalités restant à
faire connaître, ou soi-même appréhender.
Décret N° 2262 du 4 février 1794
La
CONVENTION NATIONALE, le 16 Pluviose, an second de la République
Française, une & indivisible, déclare :
« La
Convention
Nationale déclare que l'esclavage des Nègres dans toutes les Colonies
est aboli ; en conséquence elle décrète que les hommes, sans
distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens
Français, & jouiront de tous les droits assurés par la
constitution. Elle renvoie au comité de salut public, pour lui faire
incessamment un rapport sur les mesures à prendre pour assurer
l'exécution du présent décret ». (Visé par les inspecteurs. Signé
Auger, Cordier & S.E. Monnel).
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Antériorité historique et politique au décret d'abolition
Les
témoignages en positif ou négatif au sujet de la question coloniale
sont nombreux, la critique prévalant à une histoire toujours vive,
renvoyant à des volontés de minimiser le rôle des lois et de
l’oppression, comment ne pas entrer en matière : le dit Code Noir ou
«Edit du Roy» fut publié en 1685 entre le mois de mars et août, et
connaîtra un seconde version sous Louis XV en 1724. Il prévaut à
l’égard de ce grand espace maritime séparant trois continents et trois
histoires communes, et concerna notamment la traite négrière. Plus de
14 millions de femmes et d’hommes de tout âge seront acheminés par
convois réguliers des navires. Déportés ou transplantés de force par
les puissances maritimes européennes allaient se concurrencer pendant
quatre siècles pour la conquête dudit Nouveau Monde.
Diverses Compagnies européennes des Indes orientales ou occidentales renforcèrent son essence spéculative en Europe, à l’exemple de la
gouverne du surintendant John Law sous le régent Philippe d’Orléans, à
l’origine de la première banqueroute française. Des éléments
significatifs de comment 500 familles depuis la métropole ont pu
constituer les bases d’un commerce lucratif et à l’origine de
l’esclavage des Africains raflés ou achetés sur les côtes en deçà de
l’espace saharien jusqu’au pourtour de l’Océan Indien. Les cinq
puissances ayant le plus contribué à ce commerce abject furent les
royaumes d’Espagne, de France, du Royaume-Uni et du Portugal, plus la
Hollande et si l’on prend en compte tous les acteurs de l’esclavage de
Cadix à Amsterdam, en passant par la Flandre et les pays Allemands,
qui eurent quelques actions dans ce négoce sordide.
L’Abbé
Grégoire à l’Assemblé nationale, le 3 juin 1793 déclarait : «
(…) J'ai une autre demande à soumettre à votre humanité et à votre
philosophie. Il existe encore une aristocratie, celle de la peau : plus
grands que vos prédécesseurs, dont les décrets l'ont, pour ainsi dire,
consacrée, vous la ferez disparaître. J'espère bien que la Convention
nationale appliquera les principes d'égalité à nos frères des colonies,
qui ne diffèrent de nous que par la couleur; j'espère que cette
pétition déposée sur votre bureau, dont la lecture serait trop longue à
cette heure, ne restera pas enfouie, comme tant d'autres, dans un
comité, et qu'incessamment on vous fera un rapport sur lequel vous
prononcerez la liberté des noirs ». ("La Convention renvoie
l'adresse
aux comités réunis des colonies et de législation pour en faire un
rapport incessamment. - Elle décrète en outre la mention honorable des
faits, qui se sont passés en séance, au procès-verbal".) (1)
C’est ainsi que le député Henri Grégoire (ci-contre) relançait de nouveau au sein
de la Convention nationale, une exigence et une lutte que portait
depuis 1788 la fondation de la Société des amis des Noirs, dont il
fut membre. Ni Robespierre, ni Olympe de Gouges, ni Marat (*) n’en firent
partie (* lire
dans la chronologie sa position en 1791 en date du 18 mai sur
l'esclavage), même s’ils ont contribué à dénoncer ce que nous
considérons de
nos jours comme un crime contre l’Humanité.
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Le club de nature très
bourgeoise a surtout joué un rôle au sein de la Constituante
(1789-1791) et être mis en échec par Antoine Barnave, ce qui allait
advenir «le parti colonial» ou sa préfiguration au sein des
assemblées. Il faut apporter une précision importante Grégoire, ce
dernier était pour une levée graduelle de l’esclavage ou du travail
forcé, il n’était pas en soit un abolitionniste "pur et dur", le considérant comme
un absolu difficile à atteindre de son temps. Le résumé de sa vie
politique apporte quelques éclaircissements dans ses mémoires
« D’après le plan que nous avions conçu, nous
travaillâmes d’abord à éclairer l’opinion ; j’ai publié successivement
sur cette matière : Mémoire en faveur de gens de couleur et de
sang-mêlé. 1789. Lettre aux philanthropes sur les malheurs, les droits
et les réclamations des gens de couleur. 1790. Mémoires sur la colonie
de Sierra-Leone. Lettre aux citoyens de couleur et nègres libres.
Apologie de Barthélemy de Las Casas, dans les Mémoires de l’Institut.
J’ai
lu à cette société savante l’histoire de ce qu’on a fait dans les
divers siècles et les divers pays en faveur de la liberté des nègres.
Cet ouvrage assez volumineux verra le jour en Amérique, si la pensée
est enchaînée en Europe». (Mémoires de Grégoire, ancien évêque
de Blois. Contributeurs, H. Carnot et Ambroise Dupont, 1837).
Dans la même lignée, il faut se référer à Condorcet, Brissot, Pétion
comme plumes engagées pour l’abolition de la traite et un certain
Sonthonax, proche du club et contributeur dans les Révolutions de Paris
et surtout commissaire à Saint-Domingue avec MM. Polverel et
Ailhaud en 1792, pour proclamer la République. Puis en août 1793 pour
son abolition, sous le coup d’une attaque depuis la partie espagnole,
mais quelques mois avant la métropole. Sans pour autant mettre un terme
à l’esclavage des noirs dans toutes les colonies. Une réalité très
mitigée, même en Guadeloupe et à Saint-Domingue, la future Ayiti (créole haïtien), allait
avoir une place centrale dans le processus révolutionnaire à la fois
national, régional et international comme un prolongement de la
Révolution Française. Sachant qu’en 1795, les révoltes se constituèrent
jusqu’au Venezuela pour montrer la fracture qui allait s’opérer dans
l’espace Caribéen.
L’on a du mal à imaginer qu’un tiers des richesses produites l’était en
raison des colonies, quand le sucre contribua fortement à
l’enrichissement de la France, le royaume était depuis 1740 avec sa
partie ouest de Saint-Domingue le plus gros producteur au monde de
cette denrée. Mais pas pour autant la seule ressource produite,
comme le café, le tabac, l’indigo, principalement l’extraction brute
des matières premières, issus des sols ou sous-sols. Mais, le tout
dépendant déjà des fluctuations du marché ou des nécessités de la Cour,
la couleur bleue donnée par l’indigo un produit de luxe.
Aux Antilles, « l’Empire français » présent dans l’ouest de
Saint-Domingue, devenait en 1804 la république d’Haïti (ou Ayiti). Il
restait des possessions territoriales du Traité de Paris de 1763 en
Amérique : en plus de l’ouest de Saint-Domingue, la Guadeloupe, la
Martinique et la Guyane, mais aussi dans l’Océan Indien, l’île Bourbon
(la Réunion), l’île de France (Maurice) ou plus largement les
Mascareignes, et plus au nord les Seychelles, qui servit de base
corsaires à partir de 1792. Chaque entité étant dépendante de son
histoire propre et finalement peu connue au sein des récits, quand ce
n’est pas un grand roman national où tout est dilué.
Au regard de ce qui pourrait être qu’une controverse de plus, ne
pouvant que créer des cris d’orfraies chez les romanciers et
fabulateurs de l’histoire; il faut du héros à toutes les sauces,
alimenter une approche confinée et lointaine des réalités vécues. Oui
pourquoi pas, pour les seuls héros qui vaillent... Les anonymes ou la
masse ne soupesait que le poids des chaînes et les coups du fouet des
maîtres de cette veille «France éternelle». Nous concernant au moment
de la Révolution, le vécu de 800.000 personnes esclaves dans les
plantations, pour environ un peu plus de 20 millions d’êtres de même en
servitude dans l’hexagone avant 1789, le même joug ou despotisme
officiait.
Le XVIIIe siècle a connu plusieurs précurseurs ou auteurs et de fait
une littérature sur le sujet de l’esclavage comme l’abbé Maury et la
plume de Diderot dans son Histoire des deux Indes. Ce mouvement
n’était pas né sous la Révolution, Jean Jacques Rousseau en condamnait
la pratique, Voltaire y trouvait des ressources tout en le condamnant
(2). Mais ce fut en Nouvelle-Angleterre (les futurs Etats-Unis
d’Amérique), qu’une de ses colonies fit interdire l’esclavage en 1780.
Je ne peux assurer si ce fut la première fois que cela se produisait,
que des esclaves recouvraient la liberté, sauf à écrire que des noirs
dans l’Amérique Septentrionale avaient droit à une forme ou de rares
espaces d’émancipation. Toutefois très relatifs, les états voisins
étaient esclavagistes ou sans loi précise sur le sujet, et l’histoire
des déportés Africains en sol américain, d’une assez grande complexité,
si l’on prend compte ce qui était désigné comme le marronnage. Cette
absence d’uniformité débouchera presque un siècle après sur la guerre
civile entre états du sud et du nord et l’assassinat du président
Abraham Lincoln en 1865. A l’échelle continentale les trois derniers
pays à sortir de l'esclavage furent peu après Puerto-Rico en 1873,
Cuba et le
Brésil, les deux derniers cités en 1888.
Notes :
(1) Archives Parlementaires BNF-Stanford
(2) In le Contrat Social de Jean-Jacques Rousseau,
fin du chapitre IV, sur l’esclavage, sa conclusion est sans appel.
« A l'égard du
droit de conquête, il n'a d'autre fondement que la loi du plus fort. Si
la guerre ne donne point au vainqueur le droit de massacrer les peuples
vaincus, ce droit qu'il n'a pas ne peut fonder celui de les asservir.
On n'a le droit de tuer l'ennemi, que quand on ne peut le faire
esclave; le droit de le faire esclave ne vient donc pas du droit de le
tuer : c'est donc un échange inique de lui faire acheter au prix de sa
liberté sa vie, sur laquelle on n'a aucun droit. En établissant le
droit de vie et de mort sur le droit d'esclavage, et le droit
d'esclavage sur le droit de vie et de mort, n'est-il pas clair qu'on
tombe dans le cercle vicieux?
En supposant même ce terrible
droit de tout tuer, je dis qu'un esclave fait à la guerre, ou un peuple
conquis, n'est tenu à rien du tout envers son maître, qu'à lui obéir
autant qu'il y est forcé. En prenant un équivalent à sa vie, le
vainqueur ne lui en a point fait grâce : au lieu de le tuer sans fruit,
il l'a tué utilement. Loin donc qu'il ait acquis sur lui nulle autorité
jointe à la force, l'état de guerre subsiste entre eux comme
auparavant, leur relation même en est l'effet; et l'usage du droit de
la guerre ne suppose aucun traité de paix. Ils ont fait une convention;
soit : mais cette convention, loin de détruire l'état de guerre, en
suppose la continuité.
Ainsi, de
quelque sens
qu'on envisage les choses, le droit d'esclavage est nul, non seulement
parce qu'il est illégitime, mais parce qu'il est absurde et ne signifie
rien. Ces mots, esclave et droit, sont contradictoires; ils s'excluent
mutuellement. Soit d'un homme à un homme, soit d'un homme à un peuple,
ce discours sera toujours également insensé : « Je fais avec toi une
convention toute à ta charge et toute à mon profit, que j'observerai
tant qu'il me plaira, et que tu observeras tant qu'il me plaira ».
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Création à Paris
de la Société des amis des noirs

Par Nicolas de Condorcet, 1788
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Extraits du "DISCOURS sur la nécéssité d'établir à Paris une Société
pour concourir, avec celle de Londres, à l'abolition de la traite et de
l'esclavage des Nègres". Prononcé le 19 février 1788, dans une Société
de quelques amis, rassemblés à Paris, à la prière du Comité de Londres.
« La Mission honorable que nous
venons remplir ici, Meilleurs est tellement importante dans son objet
que nous nous croirions coupables de différer un seul instant à la
déposer dans les mains qui doivent en assurer le succès.
Une Société respectable s'est
formée à Londres pour faire abolir légalement l'horrible trafic des
Nègres elle invite tous les hommes, amis de leurs semblables concourir
avec elle pour accomplir partout cet œuvre de justice elle nous invite
à chercher à rassembler en France des perfonnes zélées et capables de
répandre les lumières qui doivent y préparer et déterminer cette
révolution. Pourrions-nous mieux remplir les intentions de cette
Société, qu'en nous adressant à des hommes, dont le vœu le plus ardent
est de voir réparer les erreurs, les folies, les atrocités des siècles
passés, et s'avancer le systême de paix et de fraternité qui devrait
unir tous les Peuples?
Vous devez vous rappeller à
quels faibles efforts l'Amérique libre doit l'amélioration du sort de
ses Nègres. Un seul homme presque sans appui sans fortune n'ayant
d'autre force que celle de sa volonté, entreprend de faire abolir
l'usage des Esclaves dans sa Patrie. Il va prêchant partout sa doctrine
les yeux de ses frères les Quakers s'ouvrent les premiers à la lumière.
Il est aisé de les faire ouvrir à des hommes sans vanité, sans
prétention, toujours occupés d'objets graves, et qui par la nature de
leurs principes religieux ne peuvent se proposer dans toutes leurs
démarches, que le plus grand bien de l'humanité. Ces Quakers, contre
lesquels la légéreté de l'ignorance, plus encore que la perversîté a
cru prouver des calomnies, en les répétant souvent, ces Quakers
arrêtent qu'il est injuste, inhumain, irréligieux de retenir des hommes
dans l'esclavage de commandera leur pensée, à leur volonté, de
s'emparer du fruit de leurs travaux et les fers tombent des mains de
cinquante mille Esclaves épars dans les quatre Etats du Nord de
l'Amérique. (1)
Il était plus difficile de faire
adopter une pareille doctrine dans les États du Midi. Le nombre des
Noirs y était bien plus considérable il excédait de beaucoup le nombre
des Blancs.
Il paraissait si utile aux
spéculations de la cupidité de vendre le produit des sueurs et du
travail d'Esclaves nombreux sans être obligé de les salarier, il
paraissait si commode de n'avoir qu'à commander pour courber vers la
terre tous ces Captifs, de n'avoir qu'à prodiguer les menaces et les
châtimens pour les contraindre à arracher de son sein, et malgré les
feux d'un soleil dévorant, des produétions recherchées qu'on se
persuada facilement que cet esclavage était une Loi de la nature,
qu'elle avait condamné des hommes à servir d'autres hommes comme des
animaux domestiques, que sa volonté était suffisamment attestée par la
différence des couleurs. On se persuada qu'il était impossible de faire
produire le sol de l'Amérique par une autre culture, que par celle des
Noirs esclaves. Ainsi les sophismes se joignaient à l'intérêt personnel
et à l'habitude, pour justifier cette horrible injustice.
Cependant tel est, Messieurs,
l'empire de la raison, quand elle se développe sous l'égide de la
liberté peine l'indépendance des ÉtatsUnis est consolidée, que la
question de l'esclavage des Noirs s'agite dans les États Méridionaux,
que leur cause y est embrassée, défendue avec chaleur par les meilleurs
esprits par les personnages les plus respectables. Il était en effet
difficile qu'on n'arrivât pas à ce point. De quel droit pouvoient-ils
s'obstiner à retenir dans l'esclavage d'autres hommes, ceux-là même qui
venaient de cimenter de leur sang cette vériré éternelle: tous les
hommes sont nés libres et égaux? et par quelle inconséquence
auraient-ils conservé l'usage de la servitude lorsque l'inégalité du
droit de représentation (2) et de l’assiette de leurs taxes, est fondée
sur cette opinion générale, que le produit du travail forcé est
inférieur à celui du travail libre?
Mais tel est le malheur des
institutions vicieuses et des mauvaises habitudes que même lorsqu'elles
deviennent odieuses l'appréhension du changement leur prête encore des
forces, pour porlonger leur exigence. Des craintes fondées seulement en
apparence, ont arrêté pendant longtemps la législation, prête à brider
ces chaînes forgées par la cupidité. On craignait et la conscience du
crime dont on était coupable était peut-être la vraie cause de cet
effroi on craignait que rendus à la liberté les Nègres n'en abusassent
on craignait que, si longtemps martyrs, ils ne cherchaient à se venger
de leurs bourreaux, on craignait qu'armés et nombreux ils ne
suscitassent des troubles, et même des guerres dangereuses et parmi
ceux même qui traitaient ces craintes de chimères, il en était qui
n'envisageaient que comme un malleur public, comme un grand désordre
l'union conjugale des Blancs et des Noirs que la liberté rendue à ces
derniers rendrait plus fréquente.
Sans doute il ne faut pas blâmer
la circonspection des Législateurs qui temporisent surtout lorsqu'il
est question d'amener une crise qui va décider du sort de milliers
d'hommes surtout lorsqu'on peut craindre qu'elle n'enfante des crimes
faute d'avoir préparé les esprits ulcérés par de longs ressentimens
surtout enfin, lorsque faute d'accompagner ce changement de Sages
précautions, on pourrait réduire à la misère ceux qu'on veut tirer de
la Servitude par là rendre nul le bienfait de la Iiberté et fournir un
nouveau prétexte à la tyrannie de l'intérêt personnel, et aux calomnies
contre les politiques Philosophes.
Mais en approuvant cette
prudente tentative, ayons le courage de blâmer les motifs qui la
prolongeraient ; sans égard pour le sort des Nègres, sans utilité pour
l'intérêt, sans nécessité pour la sûreté des Blancs.
Pourquoi craindre par exemple la
main de l'homme qu'on affranchit volontairement, qu'on embrase comme
son frère, qu'on fait asseoir à ses côtés à qui l'on restitue tous ses
droits, le droit surtout de se servir de sa raison pour son bonheur?
On ne connaît donc pas
l'influence prodigieuse de la liberté sur le développement de la raison
humaine, et sur l'établissement de la paix universelle On ne fait donc
pas que la raison n'a jamais fait de progrès n'arrivera jamais à son
dernier degré de perfectibilité que par la liberté que la paix
universelle n'existera jamais, que lorsque toutes les Sociétés seront
libres
Dans une Société libre l'homme
est entraîné par son intérêt personnel à développer ses facultés au
plus haut degré dans une Société libre on ne peut se gouverner que par
la raison universelle, et la raison universelle force à vouloir
essentiellement la paix et le bien de tous les hommes. En me livrant à
ces douces idées, je ne puis m'empêcher, Meilleurs, de vous faire
remarquer l'erreur où l'on tombe lorsqu'on veut éclairer les hommes au
sein de la servitude et sans la détruire. Vous entendez crier partout :
Eclairez les hommes et ils deviendront meilleurs; mais l'expérience de
tous les siècles nous dit : Rendez les hommes libres et ils deviendront
nécessairement et rapidement éclairés et ils seront nécessairement
meilleurs ». (...)
Notes de l’auteur :
(1) Il faut rendre une égale juftice à tous ceux qui, dans l'origine,
ont contribué à cette révolution. Un autre Quaker, nommé Woolman y eut
la plus grande part avec Benozet.
( 2) Le droit de représentation dans le nouveau systême fédéral des
États-Unis est fondé sur ce calcul, que le rapport du travail de
l’Esclave à celui de l'homme libre est de quatre à sept.
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La Guadeloupe sous Victor Hugues,
les paradoxes du jacobinisme aux Antilles

Lionel Mesnard, le 10 mai 2017
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« HUGUES,
Victor, envoyé par le gouvernement à la Guadeloupe, président du
tribunal révolutionnaire de Brest. Les meilleurs marins furent
sacrifiés par Victor, et notre disette d'officiers de la marine ne
vient que - par la persécution exercée contre ces braves, par les
Hugues, les Laveaux, les Santhonax, et autres anthropophages
missionnaires dans les colonies. A la Guadeloupe le proconsul Hugues
opprima les meilleurs citoyens, et menaça de l'échafaud ceux qui
n'auraient pas obéi à ses ordres tyranniques. Il vient d'être renommé
commissaire dans les colonies : cette nomination va jeter l'effroi et
la consternation dans l'âme de tous les colons, à l'aspect de leur
bourreau. (in le Dictionnaire des Jacobins vivants, dans lequel on
verra
les hauts faits de ces messieurs, 1799)
Ce court extrait n’est que pour souligner un pur message de propagande
sur lequel ne repose pour qualité historique que sa date et la nature
du discrédit porté sur Victor Hugues par les colons et les forces
contre-révolutionnaires. A part, des passionnés ou des historiens, qui
plus est des américanistes, je ne pense pas que Victor Hugues soit très
connu et pour cause. L’histoire des Antilles et des pays de la zone
Carïbéenne entre assez peu en considération, sa richesse néanmoins laisse
entrevoir de quoi nourrir de l’intérêt. Des connaissances, loin du
futile, attractives, parfois singulières, de quoi sortir des cadres
d’une carte postale représentant un cocotier et une plage… Le plus
souvent occupés par des touristes couplé de son urbanisme hôtelier aux
faux accents créoles et adaptés à une clientèle plutôt typée... Et
venant des froidures hivernales, sorte d’oiseaux migrateurs aux dates
fixes des vacances à ne pas confondre avec les flamants roses.
Passons sur cette considération moqueuse et un tantinet économique, il
est souvent des territoires que l’on omet et reliant notre humanité et
monde urbain, ce sont les ports. Ces domaines de résidence des navires
ont toujours représenté des axes de circulation et d’échanges. Lieux
par excellence des liaisons maritimes, depuis cinq millénaires, des
bâtiments de toutes les tailles sillonnent les étendues navigables. Il
faut ainsi arpenter les archipels modelant les petites Antilles, sous
l’appellation des îles « du Vent », les grandes Antilles étant les îles
« sous le vent », pour saisir que la géographie dans cet exercice a son
importance et que tout n’est pas qu’enjeu historique. Dans le cas
présent, l’urbanisation, la construction navale, quelques notions
cartographiques ou les questions de défenses sont à prendre en
considération, tout comme le peuplement d’un espace territorial. Cette
région pourrait dans le cas d’une étude approfondie avoir une dimension
linguistique, la présence de plusieurs idiomes ouvre à des contextes à
la fois nationaux et internationaux.
La colonisation au XVIIe et XVIIIe siècle impliquait la construction de
protection et constructions de forts capables de résister aux
pilonnages et assauts des troupes ennemies. On dénombre plusieurs forts
en Guadeloupe, de même en Martinique et à Haïti de facture française.
Ces enceintes fortifiées répondaient à la défense d’axe ou de points
stratégiques. Les bateaux de plus en plus volumineux en tonnage
devaient disposer d’un accès en eau profonde pour accoster, ou disposer
d’un lieu en cale sèche pour l’entretien, sinon ils devaient avoir des
coques pouvant se poser sur les bancs de sable ou bien user de chaloupes
pour rejoindre les rivages. Les marées dans les Antilles ont très peu
d’amplitude et les niveaux marins ne change guère. Comme sur le
continent, les premières villes édifiées se trouvèrent sur les rives ou
bandes côtières. Où se concentraient les populations, un phénomène global
et toujours observable à l’échelle mondiale. D’autant plus qu’il
fallait charger et son contraire, les marchandises, selon la taille des
embarcations et leurs contenus offrir une entrée à quai, là où se
groupaient les activités économiques. Il faut remarquer un détail
d’importance, la piraterie usait de petits bateaux profilés, plus
rapides que les marines militaires ou marchandes.
La Guadeloupe comptait comme population en 1789 d’environ 13.000
colons, 3.000 libres, ces deux catégories émanaient de toutes les
conditions sociales, plus 89.000 esclaves africains, soit un peu moins
de 110.000 personnes. Dans les turbulences révolutionnaires, la
population plus que majoritaire des déportés du continent africain
était réduite à la servilité et soumise aux pires traitements. Cette
masse humaine mise en esclavage a toujours représenté une menace pour
les colons, un risque potentiel de renversement des pouvoirs
aristocratiques et ses usages despotiques. L’arsenal des lois aux
mains des maîtres ou esclavagistes représentait une arme répressive, un
système coercitif sans nul égard pour la vie humaine. La loi du plus
fort imposait un ordre meurtrier et raciste.
Depuis la capitale ou des villes portuaires comme Nantes, Bordeaux, ou
bien dans la capitale, il existait le camp de colons opposé à toute
libération des esclaves. Au sein du camp abolitionniste, deux approches
coexistaient. L’une prônait la liberté immédiate, mais ne put l’obtenir
véritablement, l’autre en apparence plus timoré demandait un
échelonnement sur le temps, du travail forcé à une liberté progressive
comme l’évêque Grégoire ou les députés Brissot, Mirabeau, etc. Et
l’indemnisation des planteurs, s’il advenait un arrêt du négoce et de
la pratique esclavagiste était plus ou moins prônée ou consentie dans
chaque composante.
« On ne boit pas en Europe une seule tasse de café qui ne
renferme
quelques gouttes de sang des Africains » dixit Bernardin de
Saint-Pierre, auteur de Paul et Virginie, le café, comme le sucre, le
tabac et bien d’autres ressources vivrières. Et certains produits dits
exotiques sont toujours d’actualité, à l’exemple de la République
Dominicaine et ses travailleurs haïtiens quasi esclaves de la banane. Ces
contradictions n’étaient pas simples à faire comprendre depuis la
capitale dans les premières années de 1790 et le combat
Anti-esclavagiste s’est plutôt amarré à mettre un arrêt à la traite,
plus qu’à abolir le travail servile et ses perfidies sur le court
terme. Le but n’est pas de porter un jugement moral mais de restituer,
ce qui a pu correspondre à une stratégie pour convaincre l’opinion
publique.
En Guadeloupe comme dans toute la Caraïbe, les événements de France
provoquèrent en retour un rejet des assemblées coloniales reconnues par
Louis XVI avant 1789, mais celles-ci sont les yeux rivés sur le marché
américain. Donnant le champ libre à la Grande-Bretagne pour voler au
secours des planteurs français sous le coup de séditions puissantes,
des masses dites « nègres » à Saint-Domingue ou eux-mêmes à la Jamaïque
sous le coup de fortes tensions dès 1739 avec les Marrons, deux guerres
oubliées dont le conflit de 1795 et 1796.
L’aristocratie française des
îles à sucre des Amériques rêvait à prendre son indépendance de la
métropole et avait
pour raison la prospérité de son commerce et échanges avec les
possibles partenaires locaux, dont les anciennes colonies de
Nouvelle-Angleterre, devenues les Etats-Unis et affichant une
neutralité. Treize états s’étaient libérés de leur tutelle
métropolitaine et changeaient le cours et la place de l’ordre colonial
Européen aux Amériques encore sous une forte domination espagnole, ses
entités et propres populations très attentives aux bruissements de la
liberté et de l’égalité.
Sur le plan commercial le royaume français, ce qui dominait, et variait
peu, était l’exclusivité des marchés en interne comme en externe,
c’est-à-dire, la part presque invisible des puissances européennes dans
leurs comptes. Ce qui entre dans la plus value, la ponction du capital
et sa source d’accumulation. Cet apport permettait de disposer d’une
manne non négligeable et imputable aux profits, il assurait une part
des ressources fiscales, avec l’importation et l’export des produits et
denrées coloniales assujettis aux contrôles et taxes.
Les productions
étaient pour la plupart revendues et manufacturées depuis la France, à
l’exemple du sucre et la répartition de la plus value servant à
rétribuer les caisses de l’état et les grandes familles d’armateurs.
Les colonies ayant représenté de 1740 à la révolution un tiers des
richesses de la France. Le café, la canne à sucre, le tabac, l’indigo
firent les beaux jours des affréteurs, négociants et de l’état, et
souleva la colère parisienne en janvier 1792 quand les prix
s’envolèrent (lire
ici). Sans omettre les Africains un des maillons
juteux de ce commerce, celui-ci était en partie subventionné et poussa
Henri Grégoire député à faire supprimer les sommes affectées du budget
de la nation.
"L’Exclusif" était un mécanisme de fermeture des domaines portuaires aux
commerces étrangers, ce qui fut une des problématiques du royaume puis
de la république française, et pareillement du royaume d’Espagne et des
autres puissances impérialistes à certaine période de leur histoire,
seuls les Hollandais firent à peu près exception à la règle en raison
de leur puissante flotte marchande. Les entrepôts attenants aux ports
où étaient stockées les diverses provisions étaient soumis à des taxes
et à un contrôle des marchandises. Cela favorisa dans la Caraïbe la
contrebande ou le libre commerce des Hollandais, dont les produits de
première nécessité pouvaient être pour moitié moins onéreuse dans la
mise en concurrence des produits de base ou d’import. La grande
faiblesse française fut sa faible flotte marchande et son suivi des
politiques locales, là où les Pays-Bas excellaient et le Royaume-Uni
construisait un Empire économique et colonial concurrent.
Ce qui est le moins connu, c’est la place des « petits blancs », une
caste intermédiaire désignée en tant que tel dans une logique
pyramidale, que l’on retrouve avant la Révolution Française pour
distinguer grands, et petits, aristos et roturiers. J’ai cru longtemps
que c’était un produit de la sociologie de la seconde partie du siècle
dernier, et bien non, le terme est bien plus ancien. Il permet de
désigner un groupe social distinct de l’aristocratie, celle-ci étant
appelée les « grands blancs » avec sa charpente rigide. La noblesse,
dont certaines grandes familles se virent attitrer et posséder
des terres dans les colonies, et développer sur la base du crédit ses
propriétés.
Un processus de concessions accordées par l’état à des
consortiums maritimes, comme les compagnies de commerce transatlantique
présentes en Europe. Les cultures vivrières seront favorisées, tels les
meilleurs profits à tirer comme l’indigo, le sucre, le café pour ne
citer que des produits de luxe pour un Français de la métropole, une
consommation réservée à une élite allait devenir des biens de
consommation courante au fil du temps.
La jonction si l’on peut dire n’est pas que de dépeindre les marines de
l’époque, elles servent de transports et d’acheminement, elles
permettent d’englober les spécificités d’une région qui allait
participer de quelques tournants historiques, par l’éclosion de
nouvelles républiques. La première d’entre elles, depuis les
territoires de l’ancienne Nouvelle-Angleterre, la petite nation
étasunienne s’était constituée. Elle devenait indépendante avec l’appui
des royaumes de France et d’Espagne, à partir de 1783. Le rôle des
alliances et des mésalliances donnait depuis le XVIe siècle aux
Espagnols le caractère de « l’ennemi héréditaire » dans les mers
Caraïbes, les suites de l’indépendance des colonies anglaises poussa la
Grande-Bretagne à renforcer sa présence plus au sud du continent et
prendre à son tour le titre de l’ennemi de toujours. « Attaquons
dans ses eaux la perfide Albion », rédigea un poète républicain en 1793.

Hugues, Victor, Jean-Baptiste, l’homme aux
mille facettes
Victor Hugues ou Hughes selon les auteurs a été finalement l’objet
d’assez peu d’attentions, ou se répétant et surtout sans précisions
fiables ou toujours vérifiables, malgré une importance toute singulière
dans l’histoire politique et maritime des Caraïbes, de Port-au-Prince à
Cayenne. Bien qu’enfant, il ait pu jouer et grandir en Provence, il a
vécu la majeure partie de sa vie outremer, dont huit ans comme marin
accompli et au final avec le grade de capitaine, seul maître à bord. Il
existe peu de livres francophones à son sujet, ou centré sur son
existence et son cheminement dès plus insolite. Il a été mentionné dans
les débats de l’Assemblée nationale, sur les différentes missions qu’il
a pu mener comme agent de l’état, mais pas toutes.
Hugues a cependant
laissé des archives qui n’avaient pas été l’objet d’un intérêt poussé
pour ce personnage fort en gueule. Dont la centralité ne fait pas de
doute dans la conduite des événements à partir de 1794, mais dont les
secrets d’états ou affaires diplomatiques restent dans le fil droit de
l’espionnage et pratiques souterraines des pouvoirs constitués. «A
la
Guadeloupe Victor Hughes se livra à des excès qui sont moins connus
parce que le théâtre de ses exploits fut plus éloigné. Son patriotisme
bouillant le poussa aux résolutions extrêmes et ne connut jamais la
modération ni la pitié». Sainte-Croix de la Roncière, in les
grandes
figures coloniales, «Victor Hughes le Conventionnel», Paris, 1932.
Né à Marseille le 21 juillet 1762, il décéda à Cayenne en 1826, Victor
Hugues était issu d’une famille de négociants et d’un père marseillais,
d’une mère d’une famille bourgeoise originaire de la vile de
Saint-Etienne. D’un esprit bien trempé, ou d’esprit aventurier, sur les
conseils de ses proches, il s’embarqua à l’âge de 14 ans, il vogua en
direction de Saint-Domingue et du Mexique, de matelot, il devint
capitaine, selon de la Roncière. Plus tard Victor alla s’établir à
Haïti ou la partie ouest de Saint-Domingue auprès d’un oncle installé à
Jacmel, un frère s’y trouvait aussi. Ils furent tués en 1791 lors des
émeutes des esclaves.
« Il finit par se fixer à Saint-Domingue, y
créa
des minoteries et acquit une certaine notoriété, puisque nous l'avons
vu membre d'une grande loge maçonnique et qu'il fut nommé membre de
l'Assemblée provinciale de l'Ouest. Il amassa une belle fortune qu'il
perdit dans l'incendie et les troublés qui désolèrent l'île, les 4 mars
et 22 août 1791, à la suite de la révolte des nègres. Saint-Domingue
connut alors les plus grandes horreurs et Hughes n'oublia jamais ces
événements. Son frère, qui était son associé, fut massacré dans
la fatale journée du 22 août 1791, durant laquelle les nègres
égorgèrent leurs maîtres, incendièrent les propriétés et ravagèrent le
pays, comme plus tard à la Guadeloupe». (in V. Hughes, le
Conventionnel de Sainte Croix de la Roncière, page 101)
Jeune homme, il se consacra à faire des affaires commerciales comme ses
parents et a eu la charge d’une boulangerie, et se destina à
l’impression de publications, un goût manifeste pour la presse l’anima
et l’activité des clubs, une idée certaine de la politique. Hugues participa à l’édition de journaux, tenta de se frayer une
place en se mêlant à la bourgeoisie jacobine et à la franc-maçonnerie
locale. Il ne revint en France, qu’en 1791 jouant dit-on de ses
influences ou connaissances, avant de se voir affecter comme accusateur
public à Rochefort, puis à Brest, avant de devenir Commissaire civil en
Guadeloupe.
Le jeune Victor a passé ses dix premières années à Marseille avant de
s’embarquer sur les flots comme moussaillon, puis de 1776 à 1784 en
direction du golf du Mexique. Hugues a vécu et travaillé à partir de
1785 à Saint-Domingue. Suite à la révolte des esclaves, il retournait
ruiné en France à partir de 1791, puis y résida les deux années
suivantes. Après une tentative de départ pour Saint-Domingue avec des
bâtiments impropres à tenir les flots et en vue de destituer Santhonax,
il revenait un peu plus tard au nom de la Convention, en Guadeloupe le
2 juin 1794 jusqu’à l’année 1798.
Et on le retrouvait en Guyane de 1799
au service de Napoléon Bonaparte à 1809. Cette même année, le Portugal
depuis le Brésil s’emparait de la possession française et ce dernier
vit ses propriétés saisies par l’occupant. Un parcours surprenant, pas
simple à saisir, il est à lui seul un peu tous les éléments de
complexité touchant à la Révolution française dans sa dimension
internationale et aussi locale. Si des personnages comme Talleyrand ou
Fouché ont été des grands commis ou serviteurs de l’état, Victor Hugues
a été dans leur sillage et a tenu un rôle politique décisif dans cette
partie du monde et avoir un rôle de diplomate ou d’entremetteur.
Victor
Hugues n’avait pas connu d’ouvrage biographique depuis
Sainte-Croix de la Roncière en 1932, encore l’ouvrage se concentrait
sur sa présence en Guadeloupe en tant que Conventionnel, puis en
Guyane, ce manque est maintenant réparé et il faut saluer une somme
érudite. M. Marcel Rodrigneaux, publie ainsi un deuxième livre afférant au bassin Caraïbe, sur ce personnage très
controversé de la Révolution française, son tire : Victor Hugues,
l’ambition d’entrer dans l’histoire (1792-1826). Auteur de deux livres
ouvrant à des histoires que nous connaissons mal dans l’hexagone,
apportant un éclairage sur l’activité des colonies et le rôle de la
flibuste et surtout de la guerre de course dans cette partie du monde
(Aux éditions l'Harmattan - avril 2017).
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VICTOR HUGUES - Michel Rodigneaux
Victor Hugues connaît en Guadeloupe deux rues à son nom, l’une à
Pointe-à-Pitre, l’autre dans sa capitale administrative, Basse-Terre,
sur l’île en forme de papillon. L’archipel guadeloupéen, ne se limitant
pas à ses deux terres, la grande et la basse, selon la terminologie
employée, il existe pour proximité différents îlots dont Marie-Galante,
Les Saintes, et la Désirade. Se situant dans les petites Antilles,
c’est dans cet ensemble géographique, que se trouve aussi le
département de la Martinique, formant lui-même un chapelet îlien, relié
par les flots marins à un large ensemble de petits territoires se
déployant des îles Vierges aux côtes du Venezuela. Le terme Antilles
provient du Portugais, il signifiait les « îles avant » le bloc
continental pour les géographes du XVe siècle. Les Antilles,
elles-mêmes sont découpées en grandes et petites, elles sont attenantes
au continent américain, son bassin historique depuis 1492.
Hugues, Victor, est comme tout individu, il n’échappe pas à sa part de
complexité. Pris dans une histoire pouvant sembler lointaine, il
représente de nombreuses facettes illustratives pour un parcours aux
airs de Révolution française, mais à quelques milliers de kilomètres
des rives atlantiques de l’hexagone. La plus grande partie de sa vie
Hugues a vécu dans les Caraïbes et il décéda en Guyane auprès des siens, et
non en Gironde, comme il est possible de le lire dans certaines
biographies. Bien que né à Marseille dans une famille de négociant
établi sur la Cannebière, et lui-même investi dans les affaires
familiales tout au long de ses activités politiques en Guadeloupe, la
famille ne fut pas oubliée et profita de l’aubaine. Le processus
révolutionnaire à partir de 1792 allait le propulser aux devants d’un
destin peu ordinaire. Là où on le dénonça comme le bras armé de
Robespierre, ses sympathies affichées furent fluctuantes et plus
proches à ses débuts sur la scène politique française du radicalisme
sans-culotte de Jacques Roux ou celui de Danton, par la suite Hugues
passa entre les filets des épurations politiques comme un poisson dans
l’eau.
Si le Conventionnel Hugues a été effectivement l’objet de l’attention
d’au moins 1200 ouvrages, rares sont les auteurs a lui avoir consacré
un livre entier, il est resté longtemps dans une certaine obscurité. Ou
bien connu hors de l’hexagone en dehors d’un public limité et
connaisseur. Les apports se contredisant ou répétant ce qui tient lieu
à des formules consacrées, ou bien à ses faits d’armes... La biographie
de Monsieur Rodrigneaux est un travail de longue haleine, il vient
réparer un oubli majeur et ce qui est en l’état une méconnaissance de
l’histoire du bassin Caraïbe. Si l’ouvrage n’est pas le fruit d’un
historien, mais d’un juriste, il peut néanmoins aider à mieux
comprendre les particularités antillaises et une dimension historique
plutôt ignorée en France, sachant que seule la Guadeloupe échappa cette
fois à la présence Britannique, contrebalançant les projets des colons
ralliés au plan de domination de la région mise en oeuvre par les
représentants et forces imposantes de la couronne anglaise.
En 1793, la guerre prenait une tournure propre avec l’entrée en conflit
de la Convention contre la Grande-Bretagne, le 1er mars. Il s’engageait
une internationalisation des rapports de force. La France républicaine
attaquée dans et à ses frontières terrestres, l’était aussi sur les
mers, elle devenait une cible de premiers choix quant à ses possessions
outre-atlantique. Ses dernières colonies américaines plus que
compromises, elles avaient signé leur ralliement par un traité à
l’ennemi, les assemblées coloniales et l’aristocratie locale se
démarquant de la métropole devenue jacobine. Puis, c’est au cours de
1793 que les forces navales furent réorganisées face à la débandade de
son état-major, tous recrutés du temps de Louis XVI, mort depuis peu
(le 21 janvier).
Un tournant politique et administratif pour une marine nationale se
retrouvant sans cadres, la voilà poussée à recruter des marins plus ou
moins expérimentés, mais n’entrant plus dans le registre jusqu’alors
classique de l’officier à particule. Si le ministre Monge n’a pas
laissé grande trace de son passage, le 10 avril 93, lui succédait Jean
Dalbarade. Celui-ci préfigurait un basculement peu classique, la place
des corsaires dans la Révolution française? Et le ministre était
lui-même un ancien « chien de mer », et devant la vacance, le
recrutement se fit auprès des caboteurs des couches populaires, pouvant
venir de la pêche, de la marine marchande. Avec cet aspect clef et
finalement peu connu, l’embauche des corsaires, capitaines ou pilotes
prêts à servir aux côtés de la république, c’est-à-dire en reversant
une partie des prises obtenues. Selon les décisions de la Convention,
pour obtenir un grade d’officier et redonner mouvement à une flotte
sans gouvernail, l’on fixa à cinq ans d’ancienneté les qualifications
nécessaires pour être enrôlé dans les prémices de la marine nationale
sous la bannière et couleurs de la nouvelle république.
Autres acteurs non négligeables des circonstances, le conventionnel
Jeanbon Saint-André, ancien marin, il a été surtout membre du comité de
salut public, en charge des questions maritimes et coloniales.
Saint-André souvent en déplacement croisa notamment à Brest en 1793, le
fameux Victor Hugues, envoyé comme accusateur public et depuis quelques
mois fonctionnaire, un représentant du nouvel état républicain en
formation. Lui qui avait été un commerçant et associé comme planteur à
Saint-Domingue entrait dans l’histoire au gré des circonstances et des
intérêts, qu’il a pu en tirer ou faire profiter les caisses de la
nation. Notre aventurier des mers, bien qu’il fut impliqué dans le
travail esclavagiste, il n’a pas hésité à relever un défi que lui
confia la Convention d’abolir l’esclavage, surtout en mots et
déclarations plus qu’en actions. Ce fut un habile propagandiste, et
l’usage des presses ouvrait une diffusion des écrits multilingues de la
déclaration des droits de l’Homme et du citoyen dans la région.
En raison de sa connaissance de la géopolitique régionale des Antilles,
il fit appel à une pratique comparable à celle d’un autocrate, la
Convention impuissante n’exista point à plus de deux mois pour
acheminer les nouvelles dans un espace plus que conflictuel.
L’Assemblée ne pouvait rien contrôler ou saisir les décalages, pas
seulement horaires... Hugues a su écarter habillement toute concurrence
et imprimer son joug en toute observance des règles édictées depuis
Paris. Ce qui pourrait sembler à quelque chose de l’ordre du folklore
ou du légendaire, la flibuste comme outil ou complément d’un projet
guerrier tenait lieu d’armées mercenaires. Qu’Hugues connu tôt comme
marin et puis comme corsaire. Sa prise héroïque de la Guadeloupe en
1794 (reddition définitive le 11 décembre) vit la guerre de course se
réactiver, notamment à son profit et lui donner un rôle peu commun. La
nation française échappait de peu à une déclaration de guerre de la part
des Etats-Unis ! Des dommages qui étaient encore en négociation en
2006.
Engagé comme mousse dès ses dix ans, à quinze, Victor prit la poudre
d’escampette et rejoignit les mers antillaises des îles sous le Vent.
Il cabota ainsi plusieurs années, par la suite, il va aussi réussir à
atteindre une certaine aisance, fournisseur du roi en pain pour ses
hospices, les affaires familiales allaient fructifier dans les années 1780
jusqu’aux révoltes des esclaves intervenant en 1791. Cette même année,
à son retour en France, il n’a pas connu de difficultés pour entrer en
contact avec différents acteurs de la révolution, lui-même était un
jacobin affiché avec des convictions athéistes et franc-maçonnes. Il a
pu se faire connaître pour ses entreprises de presse à Saint-Domingue,
un des éléments de son dispositif pour faire diffuser tout ce qui
pouvait atteindre ou nuire aux intérêts britanniques. Il resta
néanmoins un personnage énigmatique, quoi qu’il fut un agent de l’état
qui remédia un temps aux failles d’une marine devant répondre de la
maîtrise des flots. Un des maillons faibles de la nouvelle république,
et qui ne fera que se désagréger sous l’Empire.
Les territoires caribéens avaient pris des accents menaçants, à la
lecture du rapport de force, la Grande-Bretagne, en bâtiments ou en
soldats était une puissance dominante, sauf que la stratégie que
déploya Hugues ne pouvait être que l’entreprise d’un ancien corsaire.
Une tactique de combat furtif et semeur de panique dans le camp
adversaire. La nature de ses exploits en Guadeloupe, dont il ne
fut pas le seul dépositaire, l’emporta sur une puissance de feu
supérieure et le soutien des forces légalistes de la ville de
Basse-Terre.
Sa force a été en sa capacité à tenir des objectifs en
bien des domaines impossibles, mais plus en axe avec l’organisation des
pouvoirs, que concernant l’application à la lettre des droits de
l’homme et du citoyen. Même s’il a cherché à en prendre les atours. Son
plan a été une victoire, elle fut applaudie à l’Assemblé nationale. La
tactique militaire ressemblait en bien des points à des opérations de
guérilla navale et terrestre, une guerre d’usure et des stratagèmes
mûrement pensés, qui lui permirent depuis la Grande-terre de tenir en
respect les armées contre-révolutionnaires. Débarquant le 2 juin 1794,
la flottille partie de l’île d’Aix avait déjà au préalable pillé deux
navires ennemis.
Il y a de quoi s’interroger sur sa première profession de
matelot, et de fait sur sa connaissance du monde marin et sur sa
discipline de fer. Un avantage pouvant avoir un caractère crucial à
cette époque. Le jeune Victor par certains aspects a eu des airs et
comportements de pirates, des contacts et des offres de service, de
quoi souligner le rôle de la flibusterie avant et pendant la Révolution
française. Notamment dans cette partie du monde, le bassin Caribéen,
mais pas seulement, ou ce qui ressemble à un réservoir de
légendes sur nombres de flibustiers oubliés de toutes origines, et même
de genre féminin, dont un bon nombre de Français. Le plus significatif
trouve sa source et un rapport avec les purges à partir de 1793,
celle-ci se produisant des les rangs de l’armée, à l’exemple de la
traîtrise de Dumouriez en Belgique. De nombreux officiers, notamment
aristocrates et gradés de la Marine, démissionnèrent, fuirent ou
passèrent à l’ennemi, ou ils furent limogés, voire guillotinés comme
l’Amiral et comte d’Estaing en avril 1794. Celui-ci avait été
gouverneur général des îles sous le Vent à Saint-Domingue de 1764 à
1766, s’y rattachait, l’île à Vache, de Gônave et la légendaire Tortue.
Avec l’avènement de la première République (septembre 1792), et un
immobilisme certain sous l’administration du ministre Gaspard Monge, on
recruta sous la férule de Jean Dalbarade dans l’administration maritime
de guerre, alors auprès de navigateurs mi-pêcheurs, mi-corsaires, comme
de nouvelles recrues et officiers ayant pour certains une très bonne
expérience des flots. Cela ne fut pas sans conséquence, où, depuis des
décennies, les pavillons européens avaient à leur appui des flottilles
mercenaires, complétant les marines étatiques, selon leur dessein ou
besoins et dressant à ce sujet des lettres de marque. Et d’un bon
rendement pour les caisses grâce aux butins soumit à l’impôt à hauteur
d’environ 20%, le restant revenant aux marins et avec la part du
capitaine contracté, soit environ 5 parts contre une, pour le marin
ordinaire, ou selon les règles établies. De plus, s’il y a bien eu des
conflits terrestres, ils pouvaient se combiner des attaques navales sur
les ports névralgiques de la Caraïbe. Un espace maritime et territorial
depuis longtemps âprement disputé, et des alliances variant au fil des
circonstances politiques et militaires.
Le 1er février 1793, la Convention avait déclaré la guerre à la
Grande-Bretagne, à partir de mars, la rupture diplomatique avec la
monarchie espagnole suivait, la France républicaine dut répondre à deux
fortes puissances navales et concurrentes dans ses colonies d’outremer.
Du poids des alliances entre puissances européennes, le commissaire
Hugues après le traité de paix avec l’Espagne en 1795, trouvait dans la
région un allié de poids et allégeait la menace face à la « perfide
Albion », qui était à l’origine le nom d’un bateau. Une guerre sans
merci avec la couronne anglaise s’engagea à partir de l’enclenchement
des hostilités, en avril 1794 la Martinique et la Guadeloupe, les deux
îles clefs des petites Antilles dépendaient des bons soins des
britanniques et cette situation de guerre s’étendit jusqu’à la
signature du traité d’Amiens en 1801, une petite parenthèse de paix qui
n’allait pas tenir très longtemps.
Victor Hughes ou Hugues est un personnage historique et de roman. Drôle
de bonhomme, monté au pinacle par les uns pour son héroïsme
républicain, monstre tyrannique pour les autres, il ressemble pour
beaucoup à son époque, toujours entre deux eaux, ou sous le coup de la
légende noire? Cependant il revêt un caractère ténébreux qui dans son
cas allie pouvoir et des heures sombres, un mélange de revanche sociale
et emprunt d’un républicanisme de circonstance. Si l’intérêt général et
l’abolition des chaînes de l’esclavage semblent avoir été les raisons
de sa venue en Guadeloupe en 1794, cela va surtout lui profiter et
asseoir un pouvoir autoritaire et corrupteur. En matière de violence
civile, il aura tous les attributs d’un tyran. Et il a su s’adapter aux changements politiques, seul domaine où il sembla avoir
fait des rondeurs, si ce n’est le contraire. Le dit Conventionnel fit surtout rentrer
dans les caisses de l’état quelques subsides utiles en temps de guerre.
« La Guadeloupe reconquise par la République, Victor Hugues en fait
une base arrière de ses offensives contre les Anglais. Il noue des
alliances avec les Indiens Caraïbes de Saint-Vincent, regagne
Sainte-Lucie, lance des corsaires à l'assaut des navires de la rivale
impériale, s'accommode de la revente des esclaves pris aux Anglais. Si
les multiples tentatives pour reprendre possession de la Martinique
n'ont pas réussi, cette « guerre de course » terrorise l'ennemi
et assure à la Guadeloupe des rentrées financières appréciées de Paris».
(source le journal l’Humanité, Me Rosa Moussaoui, 20 août 2009). Pour
le reste, il a été un animal politique froid et calculateur, Hugues
n’est pas en soit une exception, hormis des qualités de stratège qui le
firent craindre. Mais s’il a bien été un temps proche de Robespierre,
il le devait à Brissot et usa de ses relations pour gravir les échelons,
puis il servit tout aussi bien Bonaparte, consul ou empereur, enfin, il
rejoignit à la Restauration, Louis XVIII, frère cadet de l’ancien roi
guillotiné en janvier 1793. Six mois plus tard, Hugues arrivait dans
les petites Antilles et y allait tenir un rôle de premier plan, une
fois que l’autre commissaire l’accompagnant mourut sur place quelques
semaines après.
« La Convention nomma, en qualité de commissaires à la
Guadeloupe, Victor Hughes et Chrétien, qui partirent de Rochefort le 23
avril 1794, avec une division de 2 frégates, la Pique, la Thétis, d'un
brig (brick) et de 5 transports, sous le commandement du capitaine de
vaisseau de Leissègues. 1.250 hommes de troupes, que commandaient les
généraux Aubert, Cartier, Rouyer, prirent passage sur les bâtiments ».
Hugues et son équipage l’auraient appris à son arrivée à la Martinique,
son premier port d’attache depuis la France, selon M. Lacour et Charles Rouvier
(historien et marin). Ce qui semble peu probable, qu’il se soit informé
dans une île où le Royaume-Uni détenait des
positions fortes, cela entre dans le mystérieux du personnage… ou des
ombres de la légende. Un tel homme averti du danger et honnissant les
anglais est plus à envisager sur tous les fronts, favorisant l’effet de
surprise, telle a été possiblement plus sa force, et ce qui pouvait
décontenancer un adversaire si puissant ?
Le 2 juin 1794, Hugues et ses troupes débarquaient et allaient mener un
combat pendant plusieurs semaines devant l’occupant, ils purent
s’adjoindre et s’appuyer un temps sur des esclaves, des libres et «
petits blancs » jacobins. Environ 2.000 hommes en appoint et ainsi le
moyen de remporter des batailles décisives à terre, mais ne mettant pas
fin aux attaques navales ennemies. « le débarquement eut lieu à la
Pointe-aux-Salines (Près de la ville du Gosier) et l'on résolut
d'enlever d'assaut le fort Fleur-d'Épée, (…) 260 Anglais, sans compter
180 royalistes français. Mais ceux-ci croyant qu'ils auraient
facilement raison des républicains, et ayant demandé à faire sortie,
furent pris, dit-on, d'une panique véritable s'enfuirent à travers champs
».
« A la Guadeloupe, la guerre eut un caractère héroïque. Cette île,
prise d'abord par les Anglais, fut reprise ensuite par Victor Hughes,
et, comme la majorité des habitants adopta les principes de la
révolution, grâce au concours qu'on lui prêta et à la vaillance des
marins et soldats qu'il commandait, ce commissaire fit éprouver à nos
ennemis des échecs sanglants ». L’arrivée de Hugues avec son
millier de militaire avait tout d’une prouesse, et sa reconquête de la
Guadeloupe se déroula pour partie en mer, les Anglais étaient
numériquement plus nombreux et ne firent pas de cadeau avec les troupes
se réclamant de la République.
« Cet homme, devenu maître dans son île, fut un tyran cruel, ombrageux,
cynique. Il écarta ceux qui gênaient son ambition personnelle, renvoya
en France le général Pélardy, qui le paya, dit-il, d'une noire
ingratitude, et mit tous ses soins à organiser une armée de 10.000
nègres. Il se procura d'autant plus facilement des soldats et des
marins, que l'un de ses premiers actes avait été l'abolition de
l'esclavage. Afin de nuire au commerce de l'ennemi et jeter au loin la
terreur de son nom, il équipa de nombreux corsaires, aux armements
desquels il s'intéressa de ses propres deniers, comme il est prouvé
d'une manière certaine ». (…)
« Au début des hostilités, l'île de
Tabago fut prise par le major général Caylor qui, ayant débarqué avec
470 hommes, somma le colonel de Montel de mettre bas les armes. Ce
dernier ayant répondu par un refus, les ennemis marchèrent sur le fort,
dont ils se rendirent maîtres, malgré une fusillade bien nourrie qui
leur mit 18 hommes hors de combat. L'île nous fut restituée à la paix
d'Amiens. Les îles de Saint-Vincent et de la Grenade tombèrent
également au pouvoir des Anglais, peu de temps après la déclaration de
la guerre. (…) L'île de Saint-Martin fut prise par nos ennemis en 1794,
puis reprise par Victor Hughes ». (source : Charles Rouvier, à lire en bas de page)
Les 1.150 soldats et nouveaux officiers de la Révolution française
allaient faire plier un potentiel militaire bien supérieur en
station en Guadeloupe. Ils trouvèrent cependant des soutiens et des
appuis locaux avec les opposants jacobins, libres ou esclaves se
soulevant. L’assemblée coloniale et ses privilégiés ou propriétaires ne
représentaient qu’une petite partie de la population prise en tenaille
dans ses propres distinctions sociales et raciales et que l’on nommait
les « grands blancs ». L’autre visage de la Guadeloupe était composé de
« petits blancs », de petits-bourgeois, les artisans ou commerçants et
leurs ouvriers, des libres de toutes les couleurs et de son éclatante
majorité d’esclaves africains.
Des actes aux réalités, et à l’entendement des jacobins antillais,
l’apport ou la présence des noirs n’a été conçu que sous l’uniforme,
disposant ainsi de 10.000 soldats républicains sans distinctions en
1795, et en raison des prouesses, dudit républicain Hugues. Celui-ci
devenait maître de la Guadeloupe et presque seul à bord à organiser une
colonie de forbans. Son acolyte Lebas, envoyé par la Convention en
remplacement de Pierre Chrétien mort durant les combats, se plia aux
règles et ne fit aucune opposition à ce qui ressembla à un pouvoir
Consulaire avant date.

Hugues a été un administrateur conséquent et permettant de souligner
les faibles infrastructures coloniales, il fit entre autres faire la
route entre Pointe-à-Pitre devenu le «port de la Liberté» et sa
capitale en terre de bas. Par quels moyens ou subterfuges, a-t-il pu
accomplir, et prendre les destinés politiques de l’archipel
guadeloupéen et un peu plus? C’est nécessairement en déployant un
pouvoir lui ressemblant ou ne portant pas d’ombrage à ce qu’il
envisageait en ressortir comme prestige. Qu’il ait été le porteur du
décret du 4 février 1794 sur la fin de l’esclavage, si l’égalité a été
formelle, néanmoins et au titre des ses réorganisations
administratives, rien ne changea pour la très grande majorité. De leur
côté, les plus nantis accompagnés de leurs esclaves de maison ou de
case (à distinguer de la plantation), ils prenaient la fuite vers
d’autres cieux de la Caraïbe ou du continent. Le péquin africain bien
cantonné dans les plantations fut prié de se remettre au travail. En
gros le système esclavagiste n’était pas détruit ou même supprimé, le
prolétaire asservi dans son statut de « nègre » était consigné à la
production et sous un nouveau joug colonial, ouvrant la voie aux
grandes exploitations agricoles sucrières ou autres.
Le jacobinisme Antillais vivait en pleine contradiction, il était
totalement étranger à l’idée de voir la masse devenir libre des droits
qu’elles professaient par ailleurs pour tous et via ses écrits de
propagandes. Ce tout n’avait d’universel que la peur, que le
commissaire Hugues insuffla en interne comme en externe, elle pouvait
aussi opérée sur les puissants, celle qui pouvait peser sur le commerce
négriers des autres et propices aux révoltes. Mais plutôt que de
laisser cette main d’œuvre à l’oisiveté, à les instruire de leurs
droits, et leur rendre leur dignité, les principes moraux et
économiques prirent le pas. Le despote républicain structura les
espaces et relança les exploitations. Hugues remis sur pied la taxation
et l’usage de l’Exclusif, tout en activant la guerre de course ou ce
qui relevait des lettres de marque, on lui accrédite 2000 bâtiments
pillés par ses marines mercenaires.
Un changement d’échelle et une adaptation au système économique, la
Guadeloupe lointaine et coupée de la métropole, devait se passer de son
appui et trouver les ressources nécessaires à son approvisionnement et
à sa survie politique. Hugues devenait un incontournable, les prises
obtenues ou défaites navales imposées aux autres puissances neutres ou
ennemies, lui donnait des pouvoirs sans limites, qui lui firent peu de
difficultés, quand en 1798, il fut remercié. Avec le coup d’état du 18
Brumaire, il repartait en Guyane et au final rétablissait l’esclavage
sous les ordres du Consul Bonaparte. Un fidèle serviteur de cet état
aux accents impériaux. |
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En 1802, Bonaparte rétablissait l'esclavage : décret du 30 floréal an
X (20 mai 1802)
Au Nom du Peuple
Français, le premier consul, proclamait « la loi de la
République le décret suivant rendu par le corps législatif le 30
floréal an X, conformément à la proposition faite par le Gouvernement
le 27 dudit mois, communiquée au tribunal le même jour.
Article 1. Dans les colonies
restituées à la France en exécution du traité d'Amiens, du 6 germinal
an X, l'esclavage sera maintenu conformément aux lois et règlements
antérieurs à 1789.
Article 2. Il en sera de même
dans les autres colonies françaises au-delà du cap de Bonne-Espérance.
Article 3. La traite des
noirs
et leur importation dans les dîtes colonies, auront lieu, conformément
aux lois et règlements existants avant la dite époque de 1789
Article 4. Nonobstant toutes
lois antérieures, le régime des colonies est soumis, pendant dix ans,
aux règlements qui seront faits par le gouvernement.
Le 2 mai 1802, en Guadeloupe, depuis 11 navires 3.500 militaires
débarquaient sous les ordres du général Antoine Richepanse. Il avait
pour mission de réprimer une insurrection conduite par un officier de
la Révolution Louis DELGRES, ouvrant à une autre page d’histoire sur la
Guadeloupe
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Apports bibliographiques
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et notes sur Sainte-Croix de la Roncière
- Sainte-Croix de la Roncière (lire les notes) – Victor Hughes (grandes
figures coloniales), le Conventionnel, paru en 1932 à Paris, en ligne
sur le site Manioc, à lire ou à télécharger.
- Charles Rouvier (lire les notes) – Histoire des marins français sous
la République (de 1789 à 1803) – Editeur Arthus Bertrand, Paris 1868.
Chapitre «Conquête de la Guadeloupe par Victor Hugues», à partir de
la page 262 et suivantes. A lire sur le site Gallica-Bnf.
- Paul Gaffarel – professeur à la faculté des lettres de Dijon – Les
colonies françaises, chapitre II, Victor Hugues et les pirates, page
183 et suivantes, 1880. A lire sur le site Gallica-Bnf.
- Paul Gaffarel - La politique coloniale de 1789 à 1830, chapitre III,
la Guyane française, le gouvernement de Victor Hugues, page 67 et
suivantes. Chapitre IV, les Antilles françaises, mission de Victor
Hugues, page 92, bonne administration de V. Hugues, page 98. Publié en
1908 et disponible sur le site Gallica-Bnf.
- Auguste Lacour (conseiller à la cour impériale) – Histoire de la
Guadeloupe (1789-1798), tome II, livre VI, chapitres I à XIII,
Basse
Terre, 1857. A lire sur le site Manioc ou Gallica Bnf.
- Jean Benoist et Hubert Gerbeau -Victor Hugues, les Neutres et la
Révolution française aux Antilles. Un article publié dans la revue
Caribena, Cahiers d'études américanistes de la Caraïbe, Martinique, no
3, 1993, p. 13-36. A lire sur la bibliothèque de l’UQAM.
- Pérotin-Dumon Anne - Les jacobins des Antilles ou l’esprit de la
liberté dans les îles-du-Vent - Revue d'histoire moderne et
contemporaine, n°1954, 2) trimestre 1988, pages 275 à 304. A lire sur
Gallica-Bnf
- Pérotin-Dumon Anne - Révolutionnaires français et royalistes
espagnols dans les Antilles. Revue française d'histoire d'outre-mer,
tome 76, n°282-283, 1er et 2e trimestres 1989. La Révolution Française
et les colonies. Pages 125 à 158. A lire sur le site de Persée.fr
- Françoise Thésée – Un mémoire inédit de Victor Hugues sur la Guyane –
Revue française d’histoire d’outremer, tome 57, numéro 209, 4ème
trimestre 1970, page 469 à 502. A lire sur le site de Persée.fr
Notes sur Sainte-Croix de la
Roncière
Sur ce rédacteur d’ouvrages concernant la Guadeloupe et son histoire,
il existe peu d’information à son sujet, sauf des éléments sur sa
généalogie et ses activités. Nous concernant, Sainte-Croix de la
Roncière est l’auteur d’un ouvrage sur « Victor Hugues – Le
Conventionnel » édité en 1932 apportant une foule de détail sur la
présence de celui-ci en Guadeloupe à partir de 1794. Jean Baptiste
Georges Chabrou Sainte Croix, puis Collin de la Roncière, dit
Sainte-Croix de la Roncière est né en 1872 et il est décédé en 1946 à
Pointe-à-Pitre. Il fut négociant, d’abord propriétaire d’une maison de
commerce et l’agent de plusieurs maisons étrangères. Il sera le
créateur d’une banque et aura diverses activités industrielles et
deviendra président de la Chambre de Commerce de Guadeloupe. Il fit de
nombreux voyages vers New York dans les années 1910, il a été consul du
Danemark, officier du Cambodge, de Bolivar (Venezuela), de
Danebrog
(Danemark) (*), et chevalier de la Légion d’honneur en 1933, il a aussi
reçu les palmes académiques en 1932. Il est l’auteur de plusieurs
livres sur l’histoire et les personnages célèbres de Guadeloupe (**).
Tout ceci évidemment en dit beaucoup ou trop sur cet historien plutôt
conventionnel, et pouvant tordre les réalités sous couvert d’un
républicanisme de bon aloi. Il n’est pas malgré un titre et un nom
d’aristocrate, un auteur royaliste, il épouse la révolution et porte
rapidement une critique à Victor Hugues, qui va naviguer, si l’on peut
dire de régime en régime. Un auteur critique et un des rares à avoir
laisser un ouvrage sur un personnage encore peu connu
(*) Ces titres figurent dans son dossier de Légion d’honneur, qui
est à la Grande Chancellerie.
(**) Liste d’ouvrages de l’auteur : certains de
ces ouvrages sont disponibles sur les bibliothèques virtuelles Manioc ou sur Gallica-BNF
- Le Général Richepanse - La Guadeloupe de 1801 à 1810 - Préface de M.
Gratien Candace, sous secrétaire d'État aux colonies, député de la
Guadeloupe. Mayenne : impr. Floch, 1933
- Joséphine, Impératrice des Français, Reine d'Italie - Paris, 1934
- A la conquête des mers : La navigation des anciens et les
connaissances géographiques depuis la plus haute antiquité jusqu'à
Christophe Colomb - Paris - Nouvelles éditions Excelsior,1938
- Grandes figures coloniales, tome I, Victor Hughes: le conventionnel, 1932
- Grandes figures coloniales, tome
II, Le général Richepanse: la
Guadeloupe de 1801 à 1810 - Préface de M. Gratien Candace, 1932
- Dans le sillage des caravelles
de Colomb : l'île d'émeraude - Paris : La Caravelle, 1930
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Félicité Santhonax (ou Sonthonax *),

Commisssaire à Saint-Domingue
par Louis Gabriel Michaud, écrivain et imprimeur (1834)
Santhonax, Léger,
Félicité : Commissaire français à Saint-Domingue, membre du conseil des
Cinq Cents, né en 1763, à Oyonnax, département de l'Ain, étudia le
droit et fut reçu avocat à Paris. Il exerçait cette profession au
commencement de nos troubles politiques. Louis XVI l'envoya à
Saint-Domingue; de retour à Paris, il suivit avec chaleur la cause de
la révolution. Après le décret sur la liberté des nègres, la Convention
nationale l'envoya de nouveau à Saint-Domingue, où ce décret avait mis
en effervescence tous les colons (1792). Santhonax et ses deux
collègues, Polvérel et Ailhaud, voulurent employer la force pour les
contraindre d’obéir: ce fut dans, cette lutte violente que les nègres
se livrèrent à tous les excès.
Les Commissaires se hâtèrent de reconnaître solennellement deux classes
distinctes à Saint-Domingue celle des hommes libres sans distinction de
couleur, et celle des esclaves: ils ne surent pas achever le
rapprochement commencé par cette déclaration entre les deux partis
d’hommes libres : ils se séparèrent pour gouverner chacun un
département de la colonie, et ne cherchèrent plus à s‘appuyer que sur
les hommes de couleur. Alors recommença la guerre contre les noirs
révoltés. Santhonax assura la soumission du Port-au-Prince, et revint
au Cap, où il reçut un accueil triomphal. Mais le parti des
commissaires ne tarda pas à être menacé de nouveau : sur le point
d'être écrasés, ils rompirent la chaîne des noirs, et armèrent les
esclaves, auxquels Santhonax et Polvérel (Ailhaud avait donné sa
démission – Note : il avait fuit en bateau pour retourner en métropole)
promirent ensuite l’affranchissement général dans la partie française.
Cette résolution excita le soulèvement de tous les hommes libres qui
appelèrent à leur secours les Anglais de la Jamaïque, et Santhonax,
après avoir défendu avec un admirable courage la ville du
Port-au-Prince, qui tomba par trahison en leur pouvoir (1793), fit
voile pour la France, où il fut accusé d'actes révolutionnaires et de
jacobinisme. Décrété d’accusation le 16 juillet 1795, il ne parut à la
barre de la Convention qu’après le 9 thermidor (27 juillet 1794); le
parti des terroristes ayant enfin succombé, Santhonax, qui avait
toujours été chaud partisan des girondins fit aisément détruire le
décret porté contre lui.
En
1796, il fut encore envoyé à Saint-Domingue par le Directoire. Il
trouva dans cette île le nègre Toussaint Louverture, presque
tout-puissant; il fut obligé de lui céder le commandement en chef des
armées de la colonie; dès lors il n'eut plus aucune
influence.Toussaint, qui l'en aperçut, crut pouvoir lui intimer l'ordre
de retourner en France- De nouvelles accusations pesèrent sur la tète
de Santhonax : mais il parvint à imposer silence à M. de Vaublanc, son
principal accusateur, qui l'avait dénoncé au corps législatif. Après le
18 fructidor, il entra au conseil des Cinq Cents. Il parla quelquefois
sur les colonies, rendit compte de leur situation, et sortit du
conseil le 20 mai 1798. Après le 18 brumaire, il fut compris dans la
file des déportés, arrêté et enfermé à la Conciergerie. Il n'y resta
que
peu de jours, et vécut ignoré jusqu'à ce que, ayant témoigné, en 1803,
son approbation sur ce qui se passait à Saint-Domingue , il reçut
l’ordre de quitter Paris, et fut exilé à Fontainebleau. De là il passa
à Oyonnax, où il mourut en juillet 1813.
Source :
Biographie universelle de Louis Gabriel Michaud , tome XI (1834)
PS:
attention Louis Gabriel Michaud n'est pas très fiable, et ce complément
sur Sonthonax (sa véritable orthographie) apporte des élements simples et datés sur son parcours,
rien de plus. Ce qu'il a pu écrire sur Victor Hugues en 1858 est très
approximatif dans sa biographie universelle, voire faux ou sous le coup
de ses imprécisions.
Assemblée Nationale, Paris le 14 mars 1793
(Deux courriers de Félicité Sonthonax depuis Saint-Domingue)
Grangeneuve,
secrétaire, reprend la lecture des lettres, adresses et pétitions
envoyées à l'Assemblée :
14ème Lettre de Monge, ministre de la marine,
par laquelle il soumet à la Convention deux lettres du citoyen
Santhonax, commissaire civil délégué à Saint-Domingue, pour annoncer :
1° l'envoi en France de
plusieurs particuliers accusés d'avoir fomenté des troubles;
2° la fuite du maréchal de camp Montesquiou, commandant la partie du
sud de Saint-Domingue ; ces pièces sont ainsi conçues (1) :
« Cap
Français, le 11 février 1793, l'an II de la République.
« Citoyen,
A notre arrivée à
Saint-Domingue, il y existait deux factions, les royalistes et les
aristocrates de la peau : les premiers ont été frappés, dans la journée
du 19 octobre dernier au Cap; le coup a retenti dans toute la colonie,
et l'heureuse nouvelle de la République française les a fait
disparaître. Les seconds en sont devenus plus audacieux ; on ne parle
ici, et surtout au Port-au-Prince, que d'indépendance. Les malheureux
citoyens de couleur, jouets de tous les complots, seraient égorgés sans
la protection de la France et de ses mandataires.
« J'envoie à la Convention
nationale, pour y rendre compte de leur conduite, et y être jugés,
trois membres de l'Assemblée de Saint-Marc et de la seconde Assemblée
coloniale, avec le commandant de la garde nationale à cheval du Cap;
ces quatre individus sont du nombre des plus acharnés ennemis de la loi
du 4 avril. Je vous ferai passer successivement les déclarations qui
constatent leur délit.
« L'archevêque Thibault arrive
par Bordeaux avec Michel, commandant de la garde à cheval, sur le
navire l'Eclatant, capitaine Costé. D'Augy et Raboteau vont par
Marseille sur les navires la Perle et la Française, capitaines Terruce
et Garsin.
« Un incident m'a fourni
l'occasion de déporter quatre soldats du Port-au-Prince, de ce régiment
d'Artois que les factieux ont égaré, et dont ils cherchent encore
aujourd'hui à prolonger l'erreur sur le préjugé des couleurs. Envoyés
par des scélérats, ils étaient venus soulever la fidèle garnison du
Cap. Le général Rochambeau les a fait arrêter sur-le-champ, et je les
renvoie en France pour en purger la colonie.
« Cinq autres coupables dénoncés
par la voix publique, et comme les instigateurs des malheureuses
journées du commencement de décembre dernier, ont subi le même sort.
« Je suis forcé contre mon gré,
contre mon caractère, à tous ces actes de sévérité ; mais il faut que
la loi, l'égalité, l'humanité triomphent, et je m'immolerai, s'il le
faut, pour remplir ma mission. J'appelle sur ma tête la responsabilité,
si je fais mal ; mais si je suis le but de la Convention nationale, je
demande d'être soutenu, d'être encouragé dans la périlleuse carrière
que j'ai entreprise.
« Le
commissaire civil de la République française à Saint-Domingue.
Signé : Sonthonax
Copie de la seconde lettre :
« Citoyen, Je viens d'apprendre par une lettre de la municipalité des
Cayes, que M. Montesquiou, maréchal de camp commandant la partie du sud
de Saint-Domingue, était parti pour la France sur le navire la
Sainte-Anne : cet homme a quitté son poste de la manière la plus lâche,
dans un moment de danger, sans en prévenir ni les commissaires civils,
ni M. le gouverneur général provisoire. M. Ailhaud, mon collègue, en
résidence dans le sud vous donnera sans doute des renseignements
positifs sur les causes de cette fuite : quant à moi, je ne peux, les
attribuer qu'à ses opinions très prononcées en sens inverse de la
Révolution; sans doute que les opinions ne sont pas des crimes, mais
dans les conjectures Où nous sommes, elles doivent suffire pour écarter
un chef des emplois publics.
« Le commissaire national civil. Signé : Sonthonax
« Pour copies conformes aux originaux. Signé : Rajac. Un membre
demande l'impression de ces deux pièces et le renvoi au comité de
marine. La Convention décrète l'impression et le renvoi.
Note :
(*) la bonne orthographie du nom !
(1) Bibliothèque de la Chambre des Députés : Collection Portiez (de l'Oise), tome 60, n°5.
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Délivrance de la
Guadeloupe
par Victor Hugues

illustration de V. Hughes, le Conventionnel
Par Charles Rouvier,
In la revue coloniale et
maritime, n° 29, janvier 1870
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Nous avons
rendu compte, dans un de nos précédents numéros, de
l'Histoire des marins français sous la République, publiée l'année
dernière par M. le lieutenant de vaisseau Rouvier (1).
Nous
pensons être agréables à nos lecteurs en extrayant de ce livre un
chapitre dans lequel l'auteur, rectifiant une erreur commise par M.
Thiers (2) dans son Histoire de la Révolution, raconte la belle
délivrance de la Guadeloupe, en 1791, par Victor Hugues (3) qui, avec
1.200 hommes seulement de troupes régulières, réussit à chasser de la
colonie 8,000 Anglais, soutenus par une forte escadre. Il faut savoir
gré à M. Rouvier d'avoir mis en lumière ce brillant épisode de notre
histoire maritime et coloniale. Après avoir rappelé la reddition de la
colonie aux Anglais, le 21 avril 179l, M. Rouvier continue ainsi :
«Cependant la Convention nomma, en qualité de commissaires à la
Guadeloupe, Victor Hugues et Chrétien, qui partirent de Rochefort le 23
avril 1794, avec une division de 2, frégates, la Pique, la Thétis, d'un
brig (ou brick) et de 5 transports, sous le commandement du capitaine
de vaisseau de Leissègues. 1.250 hommes de troupes, que commandaient
les généraux Aubert, Cartier, Rouyer, prirent passage sur les
bâtiments. Ces commissaires étaient porteurs du décret qui supprimait
l'esclavage. Arrivés devant l'île après une heureuse traversée, ils
apprirent que les Anglais étaient maîtres de la colonie ; mais on leur
dit aussi que le gouverneur (Thomas) Dundas était mort, que la garnison avait
beaucoup souffert des maladies du pays, et ils résolurent de continuer
leur mission, de débarquer les troupes, de conquérir le pays et de s'y
maintenir, en faisant un appel général à tous les partisans de la
révolution.
Nous raconterons les exploits de cette poignée de braves,
et nous verrons se dérouler, dans les pages suivantes, les plus
émouvants épisodes de la chronique des Antilles. Avant d'approcher du
rivage, Victor Hugues et Chrétien, s'étant rendus à bord de tous les
bâtiments, passèrent l'inspection des marins et soldats, leur
communiquèrent leurs desseins, exaltèrent leur courage et leurs
sentiments patriotiques. Le 2 juin 1791, le débarquement eut lieu à la
Pointe-aux-Salines, et l'on résolut d'enlever d'assaut le fort
Fleur-d'Épée, que commandait le lieutenant-colonel Drammont et
qu'occupaient, suivant James, 260 Anglais, sans compter 180 royalistes
français. Mais ceux-ci, croyant qu'ils auraient facilement raison des
républicains, et ayant demandé à faire une sortie, furent pris, dit-on,
d'une panique véritable et s'enfuirent à travers champs. Victor Hugues
rendit compte que son collègue Chrétien, le plus estimable, le plus
honnête des hommes, se distingua, dans cette circonstance importante, à
la tête des assaillants.
Après ce désastre, dans lequel il perdit à peu près toute sa fortune,
Victor Hugues vint à Paris et se mit à la disposition du ministre de la
marine ; il fut nommé, l'année suivante, accusateur public au tribunal
de Rochefort, puis à celui de Brest.
Le sergent Dépouille entra le premier dans le fort, où il reçut
vingt-quatre coups de baïonnette dont il mourut peu de jours après; le
chef de bataillon Boudet, qui conduisait une colonne de 200 marins,
contribua puissamment à fixer la victoire. On est loin d'être d'accord
sur l'importance des forces qui se trouvèrent en présence. J'ai donné
plus haut les chiffres cités par James ; Victor Hugues avoue, de son
côté, que nous eûmes 95 tués ou blessés, que les Anglais en eurent 300
et que les royalistes étaient au nombre de 1,200, sous les ordres du
comte de la Chapelle. Il est donc difficile de démêler le vrai, et,
s'il faut faire une bonne part à l'imagination du commissaire
marseillais, on doit en faire une plus large encore au froid et partial
historien britannique. Le colonel Drammont, ayant successivement évacué
les points fortifiés de la Pointe-à-Pitre, se retira à la Basse-Terre,
nous laissant en possession de la partie la plus importante de l'île,
de 87 bâtiments chargés de diverses denrées, de magasins immenses
pleins de marchandises que les Anglais avaient confisquées. Ce n'était
pas tout d'avoir conquis ce pays, il fallait le conserver. Nous avons
dit avec quel courage se conduisit Chrétien à l'assaut du fort
Fleur-d'Épée; tous ceux qui ont écrit l'histoire de la Guadeloupe ont
honoré sa mémoire, en disant que, s'il avait vécu, son collègue n'eût
pas commis toutes les atrocités qu'il jugea nécessaires. On s'imagine à
plaisir que l'homme honnête, courageux est en même temps bon et juste.
Malheureusement, Chrétien mourut de la fièvre, et Victor Hugues resta
seul sur ce théâtre sanglant, où il allait avoir besoin de toute son
énergie, de son indomptable courage, de la haine implacable qu'il
professait contre les Anglais et les ennemis de la révolution pour
mener à bonne fin ses entreprises. Sir John Jervis ne tarda pas à se
présenter devant l'île avec son escadre, débarqua de puissants renforts
et disposa tout pour reprendre possession de la Pointe-à-Pitre. On ne
négligea rien pour lui tenir tête; Victor Hugues, qui avait été matelot
dans sa jeunesse et avait conservé de cette époque de sa vie un grand
respect pour les officiers de marine, plaça toute sa confiance dans le
capitaine de vaisseau de Leissègues, dont il avait été l'hôte, pendant
la traversée, à bord de la frégate la Thétis, et le chargea de la
défense des passes.

Ce capitaine fit entrer tous ses bâtiments dans le port de la
Pointe-à-Pitre, coula de vieilles carcasses, établit des estacades,
plaça des pièces de canon à terre, aux endroits les plus favorables,
disposa tout enfin pour se rendre inattaquable. La Thétis et la
Prévoyante furent embossées devant la pointe Saint-Jean; quatre
canonnières étaient prêtes à se porter partout où besoin serait; les
bâtiments furent à peu près désarmés; on organisa des bataillons de
marins que commandaient le capitaine de vaisseau Frémond, les officiers
Destousses, Despoges, Dubourg, Dufour; les postes les plus importants
furent donnés à Conseil, Merlet, Danet, Escubar, Beaudouin, Sénez.
Victor Hugues donna des armes à 500 nègres, qui se battirent
passablement et lui restèrent toujours dévoués. Enfin il écrivit au
comité de salut public, annonça les succès qu'il avait obtenus, et
demanda, comme renfort, l'envoi de quatre vaisseaux de guerre et de
huit bataillons. Sir John Jervis parut devant la ville le 11 juin 1791,
avec son escadre de 6 vaisseaux, 12 frégates ou corvettes, 16
transports, et débarqua au Gozier les troupes ainsi que le matériel de
siége. Nos ennemis, après avoir établi leurs batteries, bombardèrent le
fort Fleur-d'Épée, parce qu'ils n'osèrent l'attaquer. Le feu dura 15
jours, et peu après, ils réussirent, dans une attaque de nuit, à
débusquer nos soldats du morne Mascotte, sur lequel ils se
retranchèrent. Victor Hugues, désirant les chasser de ces bonnes
positions, leur fit livrer à plusieurs reprises des assauts sanglants,
sans pourtant obtenir de résultats satisfaisants. Nos pertes furent
très sensibles, puisque nous eûmes 110 hommes tués ou blessés. Dans ces
rapports, écrits avec une impitoyable sévérité, ce commissaire se
plaignit, en termes durs, des généraux qui commandaient les troupes. Il
donna des éloges mérités au chef de bataillon Boudet, « héros modeste,
dit-il, autant que brave, » et s'exprima avec mépris sur le compte d'un
général, à la pusillanimité duquel on dut de ne pas vaincre, suivant
son opinion (4). Dans ces circonstances, les soldats et les marins se
battirent avec un grand courage; les mousses eux-mêmes, marchant en
avant, se firent tuer sur les palissades de l'ennemi.
Après ces deux assauts malheureux, un armistice fut signé pour enterrer
les morts, dont on compta 800, sur lesquels il y avait, dit Victor
Hugues, 600 Anglais. La guerre du bombardement dura près d'un mois.
Toutes les maisons de la ville furent criblées par les projectiles; le
commissaire lui-même ne put descendre de celle qu'il habitait qu'à
l'aide de cordages. Dans la journée du 30 juin 1791, le feu fut surtout
violent. Ensuite, nos ennemis, le cessant tout à coup, attaquèrent nos
avant-postes et pénétrèrent dans la ville, vers 2 heures du matin.
Victor Hugues, qui avait prévu cette dernière éventualité, avait
heureusement donné des ordres pour opérer la retraite sur le morne du
Gouvernement, où des canons avaient été placés en batterie par le
capitaine de vaisseau Merlet, les lieutenants Dupont et Beaudouin.
Cependant un de nos postes fut surpris, tous les soldats égorgés. Par
bonheur, l'adjudant major Paris, arrêtant les Anglais par une terrible
décharge à bout portant de ses pièces chargées à mitraille, favorisa le
mouvement de retraite des chefs et des principales forces. L'historien
Lacour dit que la colonne qui reçut la décharge meurtrière était
conduite par un émigré, que le sergent d'artillerie Bergniol, la
laissant s'approcher à petite portée, mit le feu à la pièce et causa
d'horribles ravages. Peu après, une maison sauta, ensevelissant sous
ses débris les Anglais qui s'y étaient renfermés (5).
Victor Hugues, Leissègues, Boudet, Aubert s'étaient ralliés sur le
morne du Gouvernement, et ce dernier, ayant osé parler de capitulation,
fut immédiatement destitué par le commissaire. Ensuite, tous jurèrent
de tenir jusqu'à la dernière extrémité sur ce coin de terre, seul
endroit de l'île où flottait encore le pavillon de la République
(6). Au point du jour, les Anglais essayèrent en vain de
s'emparer du morne. Au moment où ils se décidèrent à battre en
retraite, Victor Hugues lança sur eux des colonnes commandées par
Boudet et Pélardy qui firent merveille. En même temps, les canonniers
du port s'avançant dans les rues, contribuèrent au succès en lançant
des paquets de mitraille. Nos ennemis perdirent 2.000 hommes tués,
blessés ou faits prisonniers, suivant le commissaire, et 800 d'après
James. Le soir même, démoralisés déjà par ce revers, saisis de terreur
par suite d'une fausse nouvelle que Victor Hugues répandit à dessein
(7), ils évacuèrent précipitamment, abandonnant leurs vivres, leurs
munitions, leurs effets d'équipement. Ils comptaient à cette date, le 5
juillet 1794, 112 hommes tués, 359 blessés, 72 disparus, tant dans les
troupes d'expédition que dans les équipages des bâtiments. Le général
Eyriès, un colonel, un capitaine de vaisseau, 21 autres officiers se
trouvaient au nombre des prisonniers. C'était une magnifique victoire :
un commissaire de la Convention, à la tête de 800 Français, battit
complètement 3.500 Anglais. A l'aide de ces faibles moyens, grâce à ses
talents de commandant en chef, à son énergie, à la valeur de ceux qu'il
avait l'honneur de commander, il infligea un sanglant échec à l'un des
meilleurs amiraux de l'Angleterre. Aussi orgueilleux qu'il était dur et
brutal, il se vanta, dans les lettres qu'il adressait au comité de
salut public, d'avoir fait bien plus, avec moins de ressources, que les
Bouillé, les d'Estaing, etc., etc. Il prodigua des éloges à Boudet et à
de Leissègues, lequel rend compte, dans ses rapports, de l'énergie dont
le commissaire ne cessa de donner des preuves aux moments les plus
critiques. Jervis, ayant évacué la Basse-Terre, débarqua ses troupes au
camp de Berville, confia le blocus de l’île au contre-amiral Thompson,
qui commandait une escadre de 3 vaisseaux, 5 frégates, et dirigea sa
route vers la Martinique avec le reste de ses forces navales. Cependant
les hostilités n'étaient point terminées : l'artillerie du camp de
Berville ne cessait de tirer sur la place; les batteries du morne
Saint-Jean et du morne au Savon tuaient ou blessaient journellement
quelques-uns des nôtres. Aussi, Victor Hugues, qui savait que ses
soldats étaient aguerris, disposa tout pour une grande expédition sur
laquelle il garda le secret le plus absolu.
Dans la nuit du 27 septembre 1794, 600 hommes, placés sous le
commandement du général Pélardy, embarquèrent dans des pirogues
rassemblées depuis plusieurs jours. Boudet, de son côté, se rendit par
terre au Lamentin, au moment même où les premières troupes débarquaient
au Petit-Goyave, et la surprise des Anglais fut extrême, quand ils
virent s'avancer toutes ces pirogues chargées de nos soldats qui
s'emparèrent du Petit-Bourg, du fort Bacchus, du camp de Paul. Le
général Graham, cerné de tous côtés, sommé de se rendre, nous abandonna
ses approvisionnements, ses vivres, ses munitions, laissa même entre
nos mains 500 prisonniers. On raconte que Victor Hugues avait menacé de
donner un dernier assaut sans quartier ni merci, si la capitulation
n'était pas signée. Le succès était d'autant plus merveilleux qu'on se
trouvait en présence d'une escadre anglaise, et c'est à peine si sir
John Jervis et Grey voulurent y croire. Dès lors, le contre-amiral
Thompson appareilla pour se rendre au mouillage de la Basse-Terre.
Victor Hugues triomphait encore! La fortune le servait à souhait! Mais,
malheureusement, il n'unissait pas la générosité aux qualités
remarquables dont la nature l'avait doué par ailleurs, de sorte qu'il
fut implacable dans ses vengeances : Graham, n'ayant rien stipulé pour
les royalistes qui avaient été ses partisans, ces infortunés montèrent
sur l'échafaud ou furent fusillés. 100 blancs ou mulâtres subirent la
peine capitale, 100 autres furent condamnés aux travaux forcés. Le
général anglais, qui avait eu des motifs de plainte contre ces
malheureux, auxquels il attribuait ses revers, demanda, dit-on, la
faveur d'assister à leur exécution, et le commissaire, qui, en sa
qualité d'ancien accusateur public du tribunal révolutionnaire de
Brest, avait pourtant le cœur peu accessible aux sentiments de pitié,
répondit, dit-on, en ces termes : «Mon devoir, monsieur, m'oblige à
faire couler le sang des Français, mais vous, qu'avez-vous à faire
ici?» Dans ces dernières attaques, suivant James, il y eut 13 Anglais
tués, 131 blessés.Victor Hugues renvoya, prisonniers sur paroles, 1.400
Anglais qu'il ne pouvait pas nourrir.
Il
distribua largement les récompenses : le capitaine de vaisseau de
Leissègues fut fait contre-amiral; il proposa, pour le grade de
capitaine de vaisseau, les lieutenants Merlet, Conseil, Escubar,
Bardoitz, Damel; il promut à des grades supérieurs Boudet, Pélardy,
Paris, Dumont, qui s'étaient particulièrement distingués (8); il donna
le commandement en chef au général Pélardy, après avoir, en vain,
supplié le vaillant Boudet d'accepter ces fonctions; ce dernier,
modeste autant qu'il était jeune et capable, ne voulut pas consentir à
ses propositions. Avant de terminer les hostilités, Victor Hugues
résolut d'expulser complètement les ennemis de l'île, en s'emparant de
la Basse-Terre, et le général Pélardy, qui commença le 11 octobre les
opérations, sût les mener avec une activité remarquable. Le siége du
fort Saint-Charles dura 52 jours, après lesquels les Anglais se
décidèrent à évacuer. Le capitaine de vaisseau Bowen perdit la vie, au
moment où il partait lui-même, emmenant dans son canot les derniers
soldats. Pélardy entra, vers 3 heures du matin, dans le fort, où il
trouva. 71 Canons. Victor Hugues, qui s'était rendu sur les lieux pour
presser les opérations, était présent au moment de l'évacuation, qui
eut lieu dans la nuit du 10 au 11 décembre 1794. Il ordonna de jeter à
la voirie les restes du général Dundas, enterré dans le fort, et fit
inscrire sur sa tombe la liste des crimes qu'il avait commis (note :
Thomas de son prénom, il fut gouverneur un temps court de la Guadeloupe). Nous
avons déjà dit que ce général anglais exerça sur les patriotes, à
l'époque où il gouverna l'île, les plus cruelles vengeances. Ainsi, une
escadrille, une poignée de vaillants soldats dénués de tout, séparés de
la mère patrie par l'Océan, sans réserves, sans communications, conquit
l'île après une guerre de six mois, battant et chassant 8,000 Anglais
appuyés par une escadre de 7 vaisseaux, 4 frégates! Un ancien matelot
eut la gloire de vaincre l'amiral sir John Jervis, les généraux Graham
et Grey. Ses ennemis en ont dit beaucoup de mal, mais il n'est pas
douteux qu'il eut des mérites réels, ceux d'imposer sa volonté, de
faire partager son enthousiasme, son patriotisme aux officiers
honorables qu'il avait l'honneur de commander, qui ne négligèrent rien
pour mener a bonne fin ses entreprises.
Cet homme, devenu maître de son île, fut un tyran cruel, ombrageux,
cynique. Il écarta ceux qui gênaient son ambition personnelle, renvoya
en France le général Pélardy, qui le paya, dit-il, d'une noire
ingratitude, et mit tous ses soins à organiser une armée de 10,000
nègres. Il se procura d'autant plus facilement des soldats et des
marins que l'un de ses premiers actes avait été l'abolition de
l'esclavage. Afin de nuire au commerce de l'ennemi et de jeter au loin
la terreur de son nom, il équipa de nombreux corsaires, aux armements
desquels il s'intéressa de ses propres deniers, comme il est prouvé
d'une manière certaine. Peu désintéressé par nature, désirant augmenter
sa fortune personnelle, il gagna, de cette manière, beaucoup d'argent
en qualité d'armateur et d'actionnaire, ce que ses ennemis n'ont pas
manqué de lui reprocher. L'émigration redoubla ;plusieurs nègres
libérés suivirent leurs anciens maîtres dans l'exil, et un tribunal
révolutionnaire fonctionna régulièrement. Le pays était à nous, mais il
était ruiné. La Basse-Terre avait été livrée aux flammes ; les récoltes
sur pied se perdaient; les Anglais, maîtres de la mer, empêchaient de
se procurer des vivres et des approvisionnements au-dehors. Il n'y
avait à compter que sur soi-même. Les colons des autres îles
accoururent heureusement et comblèrent les vides que l'émigration avait
produits. Tous les anciens esclaves furent mis dans l'obligation de
travailler les terres qui provenaient des confiscations et
appartenaient au domaine. Sur ces entrefaites, le capitaine de vaisseau
Duchesne-Gohet partit de Brest le 3 novembre 1791, avec une division
composée de la frégate l'Astrée, et de 6 transports qui portaient 1.500
hommes de troupe; les commissaires Le Bas et Le Goyrand prirent passage
sur la frégate. Les bâtiments arrivèrent à bon port, sauf une corvette,
qui portait 100 soldats dont les ennemis se rendirent maîtres. Les
nouveaux collègues de Victor Hugues débarquèrent le 6 janvier 1795, et
ce dernier, non content d'avoir conquis son île, résolut aussitôt de
diriger des expéditions sur Sainte-Lucie, Saint-Eustache, Saint-Martin.
Le Goyrand s'empara de Sainte-Lucie, et, quant à Le Bas, il administra
la Guadeloupe, de concert avec Victor Hugues. Tous deux organisèrent
des expéditions maritimes.
Le contre-amiral de Leissègues croisa, pendant 45 jours, à la hauteur
des Barbades, avec l'Hercule, la Concorde, le Brutus, la Thétis, et ne
revint au port qu'après avoir capturé 11 bâtiments marchands, montés
par 618 hommes, chargés de marchandises de grande valeur, relativement
aux circonstances; il y avait, entre autres choses, 87 milliers de
poudre. Le lieutenant de vaisseau Senez, qui croisa, au vent d'Antigua,
avec le Décius et la goélette la Révolution, s'empara également de 5
bâtiments. Enfin les corvettes Républicaine et Sans-Culotte, la flûte
le Marsouin remontèrent en latitude sur le parallèle de Saint-Domingue.
Après l'arrivée de la division Duchesne-Gohet, Victor Hugues resta sans
nouvelles de France pendant 22 mois. Il dirigea des expéditions sur la
Grenade et Saint-Vincent, prit possession de Saint-Eustache, de
Saint-Martin, que lui cédèrent les Hollandais, contribua à conserver
Curaçao à ces derniers, Porto-Rico à l'Espagne, se vanta même d'avoir
fourni des secours en numéraire, en approvisionnements, en hommes, à
Saint-Domingue et à la Guyane. «Mes cahiers de correspondance,
dit-il, sont une preuve authentique de tous les services que j'ai
rendus, du ton ferme et digne que je gardais toujours vis-à-vis
des amiraux, généraux, gouverneurs de l'Angleterre.» Le 1er septembre
1795, la Convention décréta que Victor Hugues avait bien mérité de la
patrie. Le 7 novembre 1795, elle avait déjà décrété que tous les colons
qui combattirent pour la République avaient également bien mérité de la
patrie. Au retour de leurs croisières, les marins se plaignirent de ne
pas recevoir leurs parts de prises. Victor Hugues les traita
sévèrement, sans vouloir écouter leurs plaintes. (9) »
Notes de Charles Rouvier :
(1) Un vol. in-8° chez A. Bertrand.
(2) M. Thiers dit que les Anglais nous restituèrent la Guadeloupe en
1803; or cette colonie nous appartenait depuis 1794, par droit de
conquête, et elle nous resta par suite d'héroïques efforts dont
l'historien de la révolution semble avoir oublié de s'occuper.
(3) Victor Hugues, né à Marseille, le 21 juin 1762, était fils d'un
boulanger (note : faux, il était dans la quincaillerie). Bien jeune encore, il s'était lancé sur l'Océan. Embarqué
d'abord comme marin, il parcourut la mer des Antilles, puis, comme
commerçant, il visita les différents ports du golfe du Mexique et finit
par se fixer à Saint-Domingue; la révolution le surprit établi à
Port-au-Prince et à la tête d'une brillante fortune. Il était membre de
l'assemblée provinciale lorsque qu’éclata l'incendie qui réduisit en
cendres la seconde ville de la Reine des Antilles. (A. Lacour, Histoire
de la Guadeloupe.)
(4) Bulletin des lois (11 septembre 1794). La Convention décréta que
les conquérants de la Guadeloupe avaient bien mérité de la patrie.
(5) Les généraux Cartier, Aubert, Rouyer moururent tous de la fièvre
jaune. La femme et les enfants du général Aubert périrent quand cette
maison sauta.
(6) Ce morne, qui s'appela dès lors le Morne-de-la-Victoire, a été
aplani et l'on y a construit une belle église
(7) Il répandit le bruit de l'arrivée d'un renfort important.
(8) Le capitaine de la Thétis, Frémond, les officiers Despoges,
Desroches, Destousses étaient morts.
(9) Brenton reconnaît que Victor Hugues montra, dans sa petite
sphère, du talent, de l'audace, de la cruauté, de l'insolence, comme on
n'en vit jamais dans une guerre barbare. Il avoue qu'il a bien battu
les Anglais.
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Notes sur l’auteur Jean-Joseph, Charles Rouvier
Charles Rouvier, historien et
lieutenant de vaisseau de la marine
impériale est l’auteur d’un livre, valant d’être lu (*) ou consulté
pour
son apport à l’histoire des Marines ; et attention, il peut être
confondu avec des homonymes, sa notice bibliographique ne permet pas
d’en savoir plus ou le confondre avec un diplomate ou un contre Amiral.
Seule source possible fonctionne avec les prénoms Jean et Joseph en
complément de son identité. Il aurait été «Elève de l'Ecole Navale sur
le "Borda" en 1844. Lieutenant de vaisseau en 1858, embarqué sur la
"Nièvre" en 1860, il est blessé lors de la prise du fortin de PEI-HO en
Chine. Capitaine de frégate en 1871», il disparaît la même année. Son
sujet « Les Marins Français sous la République » de 1789 à 1803 a été
publié en 1868. Malgré toute son empreinte coloniale et militaire,
voilà un livre permettant de donner à un territoire pas toujours pris
en compte, l’espace marin, sa particularité et sa place non négligeable
dans les relations et arcanes entre puissances impérialistes depuis le
XVIe siècle. Selon lui, « D'après un dicton fameux que l'on attribue à
Louis XIV, on peut se rendre compte de l'esprit des créoles de ces
dernières îles, à cette époque déjà lointaine, et l'on comprendra les
événements qui s'y succédèrent. On disait à Paris et aux Antilles :
«Les princes de Saint-Domingue, les messieurs de la Martinique,
les
gens de la Guadeloupe». C'est-à-dire que les premiers, riches,
fiers,
vains de leurs fortunes et de leurs titres, formaient une orgueilleuse
aristocratie; aussi jamais guerre civile ne fut plus horrible que celle
des esclaves de cette île contre leurs seigneurs et maîtres ».
(*) Histoire
des marins français sous
la République (de 1789 à 1803) – Editeur Arthus Bertrand, Paris 1868.
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d'expression citoyen n'appartient à aucune organisation politique, ou
entreprise commerciale. Le contenu est sous la
responsabilité de son créateur, en tant que rédacteur.
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