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Sommaire de la page,

1 - Europe : le no man's land démocratique
2 - Henri Laborit :  Conscience - Connaissance et ...
& Mitterrand, jeunesse et droites extrêmes à Paris?
3 - L'Allemagne contre l'Europe par Juan Torres Lopez
4 - Merkel a dilapidé le capital politique de l'Allemagne, entretien avec J. Habermas.
5 - L'Europe n'est pas une grande caserne prussienne!
6 - La république nous appelle… et la démocratie dans cette histoire ?
7 - La suprématie allemande en Europe, par Oskar Lafontaine







Europe :
le no man’s land démocratique




1 - Battre monnaie, un combat démocratique et républicain ?


Il faut remonter à Louis XI, non seulement dans l’édification de l’état nation, et pour que soit mis en circulation l’écu comme monnaie nationale. Ce roi détesté de l’église, aux facéties un peu sordide est pourtant celui qui donna à la France les bases d’un état moderne. Mieux ses influences sont d’inspirations purement républicaines. Du moins, il puisa en Italie et auprès de son banquier, Laurent de Médicis dit le Magnifique, cette construction intellectuelle et de la ville-état et République de Florence.

Quand Louis le onzième arriva au pouvoir, la moitié de l’Europe cent vingt ans auparavant a perdu près de la moitié de sa population, la guerre de cent ans a pris fin, il y a peine deux décennies. L’activité économique vers 1470 était moribonde, le pays manquait de bras, pourtant son impulsion va permettre à ce que la France devienne la première puissance européenne. Dans un premier temps, le nouveau monarque renvoie tout l’entourage ou anciens conseillers de son père et les remplace par des bourgeois, puis il fait augmenter le travail salarié relançant par la même l’activité en panne, il fait venir de la main d’œuvre étrangère (allemande) et le tout en assurant au pays sa souveraineté en faisant battre monnaie.

Si le personnage est étrange, son génie politique est rarement loué. Mais l’objet n’est pas de tresser des louanges, mais de poser quelques interrogations sur la monnaie comme outil fondamental de la souveraineté ?

Nous ne sommes pas encore sortie d’une crise économique systémique, faute de pouvoir disposer des moyens légaux, c’est-à-dire la loi donnant les moyens de combattre cette gabegie financière spéculative et aussi mafieuse. Le fait d’avoir une monnaie hors contrôle des citoyens est non-sens démocratique comme l’a stipulé Yanis Varoufakis dans son entrevue au journal, Le Monde du 22 août 2015 (*) certaines phrases de cette entrevue accompagneront ce billet). Il est difficile de ne pas partager son appel à tous les progressistes européens, et qui plus est son analyse et sa pratique de l’Eurogroupe en dit long sur le rôle tentaculaire de la Commission sise à Bruxelles.

Le petit machin technocratique de conception très française n’a aucune légitimité, mais cela fait des années que ses inspirations sont au seul service du capital et de sa volonté de tout vendre. Sorte de clone de notre système « énarchique », mais puissance 10 en matière de nuisances sociales et autres. La belle idée européenne est aujourd’hui avec cette grosse métastase, décidant du sort d’une masse à précariser ou à appauvrir pour l’enrichissement de quelques transnationales, ou fonds de pension outre-Rhin ou étasuniens, elles aussi sans contrôles citoyens, et dans la vase clos des conseils d’administration et via les paradis fiscaux.
« Il y a une déconnexion radicale entre l’aspiration des citoyens à plus de transparence, de responsabilité, de démocratie, et la réalité des règles européennes, fondées sur l’opacité, et où la démocratie est considérée comme un mot sale. (*)
Sans respect des fondamentaux démocratiques, sans contrat social, sans de véritables contre-pouvoirs, et qui est plus sans monnaie souveraine, je ne sais, s’il faut concevoir un plan B ? Mais l’idée d’articuler un programme en faveur des populations européennes sans distinction de frontière, pour une monnaie au service d’une économie prenant en compte : le vivant, comme valeur première et l’égalité comme principe de base, semble l’objectif à tenir. Le reste est du domaine du comptage de mouton, ou de l’ordre du slogan un peu vieillissant. S’il s’agit de reproduire un vieux schéma bourgeois, de reproduction élitaire, nous buterons à chaque coup sur des ambitions personnelles et des figures de style. Il faut redonner place à une expression collective, il suffirait d’aborder le contenu plutôt que de remplir l’écran ou le ressac médiatique !
« Pour ce, il me semble essentiel de créer un réseau européen de progressistes, au-delà des divisions politiques traditionnelles et des frontières, prêt à poursuivre un objectif radical : démocratiser l’euro et ses institutions. Tous ceux qui sont convaincus que rien de bon ne peut venir des technocrates de Francfort ou de Bruxelles dépolitisant la monnaie, ces hommes tentant de traiter les problèmes politiques comme s’ils se résumaient à des difficultés techniques — ce qui aboutit toujours à des solutions toxiques — doivent s’asseoir et discuter. (*)
J’éviterai de commenter les cassures internes entre militants et appareils de la gauche perdue ou en mille morceaux, c’est hautement pathétique. Il suffit de tomber sur certains articles critiques ou suivre un peu le cours de l’actualité des futures et proches élections régionales. Cela a tous les aspects d’un préau d’école, spectacle de chamailleries diverses et de comment je tire ou je retourne ma veste ! Et victoire absolue pour les entre deux chaises, les suivistes et les girouettes… Je me rassure en me disant que le problème n’est pas qu’hexagonal... Si la démocratie se limite à vouloir afficher sa binette le temps d’un scrutin, nous ne sommes pas sortis de l’impasse. La mascarade est à son comble. L’essentiel est ailleurs, ou comment mettre un arrêt au mouvement engagé vers une vassalisation rampante des états, la Grèce faisant office de laboratoire d’essai.
« Si la Grèce tente, en dépit du bon sens et des lois élémentaires de l’économie, d’appliquer ce mémorandum et les réformes qui l’accompagnent, elle courra droit au Grexit. Car ce programme est conçu pour faire sombrer notre économie. Résultat : nous ne pourrons pas tenir nos engagements, et le docteur Schäuble pourra nous pointer du doigt et couper les aides au pays. Le Grexit est très clairement l’objectif qu’il poursuit. (*)

2 - Le temps des vaches maigres ne fait que commencer !

Donc, celui que qualifie une journaliste du Monde « d’économiste trublion » et je vous passe les adjectifs creux qui lui sont accolés. Ses réponses sont non seulement d’une grande clarté et en plus il esquisse des solutions, et nous prévient, sur ce qu’envisage le docteur Schauble comme perspectives aux états nations et leurs peuples et à la France en particulier. La baisse des impôts annoncée pour 2016 est de ce registre. Cela vise à un affaiblissement de l’Etat. Plus il sera faible et impuissant à ramasser l’impôt, nous nous retrouverons comme les Grecs dans l’impossibilité de le faire car sous le diktat ultra-libéral. François Hollande est l’allié objectif de l’oligarchie financière et son relais local, au pays des cyniques, les tartuffes se bousculent. Sapin, Moscovici, Hollande ont su apparemment démontré leur inexistence politique et leur absence de dessein pour l’avenir. Quand l’objectif du ministre allemand de l’économie est bien celui-ci :
« Pour atteindre la France. L’Etat-providence français, son droit du travail, ses entreprises nationales sont la véritable cible du ministre des finances allemand. Il considère la Grèce comme un laboratoire de l’austérité, où le mémorandum est expérimenté avant d’être exporté. La crainte du Grexit vise à faire tomber les résistances françaises, ni plus ni moins. (*)
Le temps des vaches maigres n’est pas prêt de finir. Le risque d’un nouvel effondrement des bourses mondiales pointe son nez. La chute de 8% de la bourse de Shanghai, ce lundi  24 août 2015, ressemble ou se présente-t-il comme un nouveau « lundi noir » ? « Pour avoir écrit ici le 4 février dernier (…) qu’une nouvelle crise économique mondiale menaçait, et en avoir révélé les signes avant-coureurs, j’ai déclenché d’innombrables ricanements. L’analyse est encore plus vraie aujourd’hui : le monde s’approche d’une grande catastrophe économique. Et personne n’en parle. » C’est ainsi que débute le dernier article du 17 août de Jacques Attali sur son blog avec le titre : La crise, Acte 2.  J’avais aussi en ce début d’année, dans mon bloc-notes remarqué cette nouvelle grosse bulle spéculative autour de l’immobilier chinois. Depuis quelques années ce type de crise est devenu cyclique et sur un rythme moyen d’une tension par décennie.

La prochaine vague est en route et le mouvement à tendance à s’accélérer, c’est-à-dire un peu plus court dans le temps, et plus puissant d’une crise à une autre en intensité. Sans pouvoir prévoir quand ? parce que ni économiste, ni devin, néanmoins le phénomène est devenu régulier depuis 1987, suivit de 1999-2001, puis 2008. Une nouvelle crise systémique augurerait d’une récession mondiale et un ralentissement des économies avec à la clef une croissance atone, voire nulle. Jacques Attali donne quelques arguments pour comprendre, que l’année 2008, pas encore digérée et ayant poussée à l’endettement des économies occidentales, se trouve sans levier, ou pas de baisse des taux d’emprunts possibles, car déjà au plus bas, le pire est donc en perspective.

Si l’on croise en plus avec la situation politique générale, l’Europe est rongée par les oligarchies financières et ses logiques et appuis technocratiques bruxellois, poussant les citoyens et travailleurs au désarroi. Nous trouvons face à nous un « no man’s land » démocratique. Pareillement, le cynisme et la complicité de nos gouvernants face aux marées humaines fuyant la guerre est inconcevable. Ils dissertent sur les droits de l’homme quand chaque jour des milliers d’êtres crèvent à petit feu. Nous ne sommes plus au stade de politiques d’exclusions, mais face à des politiques criminelles de non-assistances à personnes en danger de mort.

Par l’absence de politiques claires, et combatives, d’une démocratie véritable à l’échelon national ou européen, le seul sursaut est dans la construction d’un grand réseau européen citoyen organisé et solidaire, pour la construction d’un programme radical au service de notre humanité souffrante. Car si à chaque crise chez nous le chômage augmente, à l’autre bout de la planète cela se solde par une augmentation de l’extrême pauvreté, soit plus d’un milliard d’individus, avec moins de un euro jour. Avec de fortes probabilités comme en 2008 de nouveau des milliards vont partir en fumée. 30 à 40.000 milliards de dollars ont ainsi volé en éclats la dernière fois, soit de quoi assurer les 750 milliards annuels pour éradiquer la pauvreté sur la planète sur plusieurs décennies. Il va falloir choisir, car ce capitalisme prédateur et destructeur est en la cause objective. Ce sera en bout de course la fin de l’humanité pour le siècle suivant et crises sur crises pour le siècle en cours.

Comme l’a dit un député socialiste dans une entretien récent, la Révolution française n’est pas  encore achevée, et l’enjeu comme je l’avais déjà stipulé reste démocratique et urgent. Sauf que, tant que l’on minimisera la problématique universelle et citoyenne à des enjeux de pouvoirs et des logiques de reproductions sociales, oui Jean Christophe Cambadélis à bien raison de penser que le risque de guerre civile se profile. Sauf que l’unité n’y suffit plus, surtout à ce jeu de dupe ou de ripolinage de la devanture. Le débat pour un progrès consenti est ouvert et il importe que le plus grand nombre se l’approprie. Je retiendrai à ce propos que dans ses dernières entrevues, Yanis Varoufakis rappelle que le problème n’est pas de savoir qui sera leader, mais ce qu’il y à faire pour construire une alternative crédible ne pliant pas devant l’inertie actuelle.

Ce n’est qu’un début continuons le débat ! Je vous renvoie à un texte programmatique de Yanis Varoufakis sur l’Europe de mars 2015 : CLIQUEZ ICI !

Billet de Lionel Mesnard, le 24-08-2015


  Henri Laborit et niveaux d’organisation :
Conscience - Connaissance
et Imagination !

Le billet de ce mois d’août 2015 est l’occasion d’écrire sur un sujet qui s’adresse à tout à chacun et concernant le fonctionnement humain. Ce texte court appuyé par les propos d’Henri Laborit répondant à des questions en apparence simples et qui furent au centre de ses réflexions (vidéo de 56 minutes après le texte). Cela méritait d’y joindre cette entrevue de 1989, soit quelques années avant sa disparition. Avec cette vidéo du Centre National d’Enseignement à Distance (le CNED de Rennes), l’on découvre ses relations régulières avec le Canada et la préparation d’un livre pour les enfants de huit ans sur le thème, c’est quoi la biologie et son rôle?

Mais, s’il y a à expliquer aux plus jeunes, faudrait-il que, le monde enseignant puisse comprendre la logique, plus que la méthode. Petit inconvénient et je ne peux être qu’en accord avec lui, la remise en cause d’une partie de ses supposés savoirs à l’ombre de ce que nous sommes, ne fait en aucun cas de nous des êtres supérieurs, et que la manière dont nous assimilons nos découvertes depuis la pierre de silex et sa mise en forme comme outil, nous agissons pareillement, par touches progressives. Et que nous en avons oublié les bienfaits de la propriété collective. Ou tout le monde est propriétaire de rien et de tout, c’est-à-dire plus responsable à l’égard du groupe et sans à avoir accumulé des biens pour sa seule satisfaction narcissique.

Petit problème mais de quoi parle-t-on ? Un directeur du CNRS ou un ouvrier à la chaîne dispose des mêmes capacités intellectuelles, sauf que les déterminismes sociaux, les outils d’apprentissages et cette fameuse transmission des savoirs n’a qu’un but, faire de nous un producteur, comme il dit de « roulement à bille ». Depuis longtemps, je m’interroge sur l’école et je ne suis pas étonné de découvrir qu’un professeur d’histoire a pu s’inspirer des travaux grand public d’Henri Laborit (1), la matière par excellence demandant des savoirs croisés ou interdisciplinaires. Ce dernier terme est un gros mot qu’il ne faut pas prononcer, sinon, c’est l’excommunication directe et comme, il n’y a rien de plus fossilisé que l’éducation nationale, je comprends que la tache en sera encore plus ardue.

Jongler avec l’infiniment petit et l’infiniment grand et la théorie des cordes, offrir cela à un gamin se serait une oeuvre de poésie et non plus un sacerdoce. Lui demander de réfléchir plutôt que de « vomir » ce qu’il a appris, nous serions peut-être moins productifs au sens matériel, mais plus riche de connaissances et capable de mener des recherches et des aventures humaines un peu moins déterministes.

Structures, niveaux d’organisations, cela peut sembler terrifiant, trop abstrait pour un non connaisseur, mais alors pourquoi un jeune non formaté est-il en mesure de le comprendre. Je ne puis que constater que depuis presque vingt années après sa disparition, le labeur reste à faire. Je pourrais aussi citer des expériences pédagogiques ayant permis à des jeunes sans formation ou bagage scolaire à intégrer avec joie des théories savantes.

Par ailleurs, je n’ai pas souvenance que l’école donne beaucoup à rechercher, pourtant ce goût ou cette curiosité chez l"enfant n’est pas un fait nouveau, mais en dehors des grilles limitées de notre modèle étatique, l’apport est très relatif. J'ai connu une poignée de très bon prof, le reste était une routine et d'un ennui profond, et m’a plutôt conduit à prendre la clef des champs… J’ai fini par mettre mon nez dans de vieux grimoires et cultiver mon goût pour les investigations. Car il a bien raison Laborit un cerveau, c’est fait pour agir et ma méthode à moi, c’est de lire et d’écrire, et le plaisir de trouver tant de documents ouvrant à tant de faits souvent ignorés de notre histoire.


Billet de Lionel Mesnard, le 4 août 2015


Note :


1 - Henri Laborit : "l’information dans le corps humain et le corps social, par Mr Claude Grenié, professeur d'histoire et co-auteur avec Henri Laborit : Une vie - derniers entretiens (1996) :


"Les travaux du biologiste Henri Laborit (1914-1995) se sont déroulés avant l’explosion des nouvelles techniques de l’information et de la communication. Cependant, le concept d’information tient une grande place dans son œuvre. N’ayant jamais eu accès à la télévision, il a multiplié les conférences en France et à l’étranger. Là encore, il a fait preuve d’une certaine originalité. Pas plus qu’il ne distinguait science fondamentale et science appliquée, il n’opposait culture scientifique et vulgarisation, mais parlait de grande diffusion" : 
Suite à lire ici !

Mme Michèle Duzert s’entretient avec Henri Laborit
en 1989 au laboratoire de Boucicaut

 


Produit et réalisé par le Centre National d’Education à Distance de Rennes

François Mitterrand, une jeunesse au sein
des droites extrêmes de Paris?
  L'écho de Paris (1936)-  source BNF- Gallica

J’ai toujours gardé de l'admiration pour un résistant aujourd’hui disparu, un ancien instituteur normand. Il m’avait marqué au cours d’un échange, il avait fait le choix de se taire sur le passé de nombreux collaborateurs de sa région, il venait de détruire les derniers papiers qu’il avait pu conserver de la période de la seconde guerre mondiale. Il avait été ce que l’on nomme une tête de pont de la résistance dans son département. Beaucoup d’éléments écrits de la sorte ont fini au feu et échapperont aux historiens, si cela est regrettable pour l’histoire, son geste était celui d’une volonté de ne pas réveiller de vieux démons ou de tourner la page. Avec le temps je comprends mieux sa démarche. (...)
Lire la suite ici !



L’article censuré par le journal El Païs :
« L'Allemagne contre l’Europe »


Juan Torres López est un économiste espagnol, membre du conseil scientifique d’ATTACQ – Espagne et membre de Podemos.

Il est très significatif qu’habituellement, il est fait part de « punition » pour se référer aux mesures qu’imposent Merkel et ses ministres aux pays les plus touchés par la crise. Ils disent à leurs compatriotes, qu’ils ont à punir notre irresponsabilité, pour que les Allemands ne paient pas notre gaspillage et nos dettes.  Mais le raisonnement est faux, puisque les irresponsables n’ont pas été les peuples que Merkel s’entête à punir, sinon les banques allemandes, qu’elle protège et celles des autres pays à qui elles prêtent, ceci oui avec irresponsabilité, pour obtenir des gains en de multiples millions.

Les grands groupes économiques européens ont obtenu d’établir un modèle d’union monétaire très imparfait et asymétrique, qui immédiatement reproduit creusant les inégalités d’origine entre les économies qui l’intégrèrent. De plus, grâce à son immense capacité d’investissement et aux grands pouvoirs de ses gouvernants, les grandes compagnies du Nord avec une grande quantité d’entreprises et incluant des pans entiers des pays périphériques, comme l’Espagne.

Ceci a provoqué de grands déficits commerciaux chez ces derniers et des excédents surtout en Allemagne et dans une moindre mesure dans les autres pays. Parallèlement les politiques des gouvernements allemands successifs  concentrèrent encore plus la rente, pour le haut de la pyramide sociale, ce qui augmenta déjà son haut niveau actuel. De 1988 à 2008, la richesse des 10% les plus riches en Allemagne est passée de 45% à 53% du total, les 40% suivants de 46 à 40%, et les plus pauvres passés de 4% à 1% (du volume total des richesses nationales). Ces circonstances ont mis à disposition des banques allemandes d’énormes quantités d’argents.

Mais au lieu de le dédier à améliorer le marché interne allemand et à la situation des plus bas niveaux de revenu, ils l'ont utilisé (environ 704 milliards d'euros jusqu'en 2009, selon la Banque Internationale de Paiements) pour financer la dette des banques irlandaises, la bulle immobilière espagnole, l'endettement des entreprises grecques ou pour spéculer. Ce qui produisit, que la dette privée dans la périphérie européenne monta en flèche, et que les banques allemandes prenaient en charge les actifs toxiques (900 milliards d'euros en 2009).

L’explosion de la crise s’est ressentie lourdement, mais ils obtinrent son insolvabilité, au lieu de se manifester comme le résultat de sa grande imprudence et irresponsabilité (à laquelle jamais Merkel ne se rapporte jamais), on le présenta comme le résultat du gaspillage et de la dette publique des pays où étaient les banques, à qui ils avaient  prêté. Les Allemands retirèrent rapidement leurs argents de ces pays, mais la dette restait dans les bilans des banques débitrices. Merkel s’est érigée comme la défenseuse des banquiers allemands et pour les aider elle mis en œuvre deux stratégies.

L’une, les sauvetages, qu’ils vendirent comme s'ils étaient en mesure de sauver les pays, mais en réalité consistant à donner de l'argent aux gouvernements en des emprunts que paient les peuples, pour le transférer aux banques nationales, pour que ces dernières se remettent dès que possible et paient de suite aux Allemands. L’autre, empêcher que la BCE se coupe de la source des attaques spéculatives contre la dette de la périphérie, pour que, après avoir monté les primes de risque des autres, elle descende le coût avec lequel se finance l'Allemagne.

Merkel, comme Hitler, a déclaré la guerre au reste de l'Europe, pour garantir maintenant son espace économique vital. Elle nous punit pour protéger ses grandes entreprises et banques et aussi pour taire à son électorat la honte d'un modèle, qui a fait que le niveau de pauvreté dans son pays est au plus haut depuis ces 20 dernières années, que 25 % de ses employés gagnent moins de 9,15 euros par heure, ou que la moitié de sa population, correspondait comme, je l’ai dit, à un misérable 1 % de toute la richesse nationale. La tragédie est l'énorme connivence entre les intérêts financiers paneuropéens qui dominent nos gouvernements, et que ceux-ci, au lieu de nous défendre avec patriotisme et dignité, nous trahissent pour agir comme simples figurations de Merkel.



"El païs a retiré de son web l'article "l'Allemagne contre l'Europe" signé par Juan Torres Lopez de son édition andalouse, parce qu''il contenait des affirmations que ce périodique considère comme inappropriées. El Païs regrette une erreur dans les tâches de supervision ayant permis la publication du texte cité. Les opinions exprimées par Torres Lopez représentent seulement l'auteur".

Note du traducteur  :
cet article n'a pas pu paraître, le 23 mars 2015 dans les colonnes du journal El Païs. Ceci en raison notamment du dernier paragraphe très cinglant et la comparaison avec le dictateur et cette phrase très provocatrice sur l'espace économique vital des fonds de pension allemands...


Traduction de Lionel Mesnard – 19 juillet 2015




Merkel a dilapidé le capital politique
de l'Allemagne



Traduction en français de l'entretien accordé au Guardian (16/07/2015) par le philosophe allemand Jürgen Habermas. La figure de proue intellectuelle de l'intégration européenne juge que les efforts des générations précédentes sont mis en péril par la ligne dure d'Angela Merkel vis-à-vis de la Grèce.


Guardian : Quelle est votre verdict sur l’accord conclu lundi?


Habermas : L’accord sur la dette grecque annoncé lundi matin est préjudiciable tant dans son résultat que par la manière dont il a été atteint. Premièrement, le résultat des négociations est fâcheux. Même si l’on devait considérer que cet étranglement était la bonne façon de mener les choses, on ne peut pas attendre que ces réformes soient mises en œuvre par un gouvernement qui de son propre aveu ne croit pas dans les termes de l’accord.

Deuxièmement, le résultat n’a pas de sens en termes économiques à cause du mélange toxique entre les réformes structurelles nécessaires de l’État et de l’économie et l’imposition de nouvelles mesures néolibérales qui vont complètement décourager une population grecque épuisée et tuer toute impulsion vers la croissance.

Troisièmement, le résultat signifie qu’un Conseil européen impuissant vient en substance de se déclarer en faillite politique : la relégation de facto d’un État membre au statut d’un protectorat contredit ouvertement les principes démocratiques de l’Union européenne.

Enfin, le résultat est scandaleux parce que forcer le gouvernement grec à accepter un fonds de privatisation économiquement discutable, et essentiellement symbolique, ne peut être compris autrement que comme un acte de punition contre un gouvernement de gauche. On peut difficilement imaginer comment on aurait pu faire plus de dégâts.

Et pourtant, c’est bien ce que le gouvernement allemand a fait lorsque le ministre des Finances Schäuble a menacé d’expulser la Grèce de l’euro, et s’est assumé sans vergogne comme le maître de discipline de l’Europe. Le gouvernement allemand a ainsi revendiqué pour la première fois une Europe sous hégémonie allemande – en tout cas, c’est la façon dont cela a été perçu dans le reste de l’Europe, et cette perception définit la réalité qui compte. Je crains que le gouvernement allemand, y compris sa faction sociale-démocrate, ait dilapidé en une nuit tout le capital politique qu’une Allemagne meilleure avait accumulé en un demi-siècle – et par « meilleure », j’entends une Allemagne caractérisée par une plus grande sensibilité politique et une mentalité post-nationale.

Guardian : Lorsque le Premier ministre grec Alexis Tsipras a convoqué un référendum le mois dernier, de nombreux politiciens européens l’ont accusé de trahison. La chancelière allemande Angela Merkel, à son tour, a été accusée de faire chanter la Grèce. D’après vous, quel côté porte davantage le chapeau de la détérioration de la situation ?

Habermas : Je ne suis pas sûr des intentions réelles d’Alexis Tsipras, mais nous devons reconnaître un simple fait : afin de permettre à la Grèce de se remettre sur ses pieds, les dettes que le FMI a jugées « hautement insoutenables » doivent être restructurées. Malgré cela, Bruxelles et Berlin ont toujours refusé au Premier ministre grec la possibilité de négocier une restructuration de la dette de la Grèce, et ce depuis le tout début. Afin de surmonter ce mur de résistance élevé par les créanciers, le Premier ministre Tsipras a finalement tenté de renforcer sa position au moyen d’un référendum – et il a obtenu davantage de soutien interne que prévu. Cette légitimation renouvelée obligeait l’autre côté soit à rechercher un compromis, soit à exploiter la situation d’urgence en Grèce, plus encore qu’auparavant, sur le mode de la punition. Nous connaissons le résultat.

Guardian : La crise actuelle de l’Europe est-elle un problème financier, un problème politique ou un problème moral ?


Habermas :
La crise actuelle peut être expliquée à la fois par des causes économiques et comme un échec politique. La crise de la dette souveraine qui a émergé de la crise bancaire avait ses racines dans les conditions sous-optimales d’une union monétaire hétérogène. Sans une politique économique et financière commune, les économies nationales des États membres pseudo-souverains continueront à dériver les unes par rapport aux autres en termes de productivité. Aucune communauté politique ne peut soutenir une telle tension dans le long terme.

Dans le même temps, en mettant l’accent sur l’évitement d’un conflit ouvert, les institutions de l’UE empêchent les initiatives politiques nécessaires à l’expansion de l’union monétaire en une union politique. Seuls les chefs de gouvernement réunis en Conseil européen sont en position d’agir, mais ce sont précisément eux qui sont incapables d’agir dans l’intérêt d’une communauté européenne commune parce qu’ils pensent principalement à leur électorat national. Nous sommes coincés dans un piège politique.

Guardian : Par le passé, Wolfgang Streeck avait déclaré que l’idéal habermassien de l’Europe était la racine de la crise actuelle, et non pas son remède: selon sa mise en garde, l’Europe ne sauverait pas la démocratie, mais l’abolirait. Au sein de la gauche européenne, beaucoup estiment que les développements actuels confirment la critique du projet européen faite par Streeck. Quelle est votre réponse à leurs craintes ?

Habermas :
Mis à part pour sa prédiction d’une disparition imminente du capitalisme, je suis globalement d’accord avec l’analyse de Wolfgang Streeck. Au fur et à mesure de la crise, l’exécutif européen a accumulé de plus en plus d’autorité. Les principales décisions sont prises par le Conseil, la Commission et la BCE – en d’autres termes, les institutions mêmes qui sont soit insuffisamment légitimées à prendre de telles décisions, soit manquent même de tout fondement démocratique. Streeck et moi partageons également le point de vue que cet évidement technocratique de la démocratie est le résultat d’un modèle néolibéral de politique de déréglementation du marché. L’équilibre entre la politique et le marché est désynchronisé, au détriment de l’État social.

Là où nous divergeons, c’est sur les conséquences à tirer de cette situation difficile. Je ne vois pas comment un retour à des États-nations qui devraient être gérés comme des grandes entreprises dans un marché mondial pourrait contrer la tendance à la dé-démocratisation et à l’accroissement des inégalités sociales – des choses que nous voyons d’ailleurs également en Grande-Bretagne. Ces tendances ne peuvent être combattues, le cas échéant, que par un changement de direction politique, provoqué par des majorités démocratiques dans un « noyau européen » plus fortement intégré. L’union monétaire doit avoir la capacité d’agir au niveau supra-national. A la lumière du processus politique chaotique provoqué par la crise en Grèce, nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer les limites de la méthode actuelle de compromis intergouvernemental.

Source : 17 juillet  2015 – traduction de  GYGDE (Mediapart)



L’Europe n’est pas
une grande caserne prussienne !




"Aujourd'hui nous avons besoin d'une chancelière de fer"

Quand un pays agit par hégémonisme et n’a que pour but d’éradiquer les plus faibles, il devient une menace pour tous les autres. La logique d’un prédateur, ou du loup au milieu de la bergerie ne peut pas fonctionner et cela ne peut pas se nommer une union. L’humiliation n’est pas une politique, c’est une agression délibérée et violente. Des limites ont été franchies, et seul un processus démocratique et européen peut y répondre.

Ce n’est pas en faisant des courbettes au gouvernement allemand, que nous nous en sortirons dans la zone euro, bien au contraire. Il faudrait afficher la même fermeté et à vouloir éjecter les autres, faire comprendre qu’à ce petit jeu du siège éjectable, c’est l’ensemble de l’édifice européen qui est en cause et menacé. A ce rythme des choses, nous aurions intérêt à nous passer des politiques « casque à pointe » ou menée à la prussienne, l’Europe n’est pas une grande caserne.

Finalement si les Grecs paient les pots cassés du système économique, ils le devront à une idéologie néfaste et destructrice, et à l’aveuglement de nos propres dirigeants à se soumettre à ce diktat. Le problème aujourd’hui n’est pas de se mettre au même niveau que nos voisins, sauf à détruire tout ce qui a été construit comme ponts d’échanges et de solidarité depuis cinquante ans. En raison des tonnes de commentaires et attaques à la fois contre le Peuple Grec et son Premier ministre Alexis Tsipras, s’il n’est vainqueur de rien, il a au moins évité le pire à l’Union. Le fameux « Grexit », dit amical, était un comble.

De quoi mettre en péril la fragile croissance mondiale, parce si la machine recommence à s’emballer, je ne suis pas sûr que nous pourrions tenir face à une deuxième crise systémique, sauf à redécouvrir les mêmes faiblesses et bulles spéculatives toujours pas purgées du choc précédent. Et ce que les systèmes financiers ont inventé depuis comme mécanismes incontrôlables et prêts à sauter.

L’idéologisation de l’économie, qui n’est pas un fait nouveau, mais qui tend à devenir l’armature ou la camisole de force du monde néo ou ultralibéral est un mal inquiétant. Ne vous référez pas au sens premier du terme, mais à cette logique mettant en concurrence individus et pays, au profit du capitalisme le plus vorace qui soit.

Je dis bien individus, car au mieux il s’agit de consommateurs. La citoyenneté conduite par les opinions publiques, c’est l’équivalent d’un expert « libéral » sur un plateau de télévision pris par une crise d’hystérie. Au final de l’exclusion, ou bien la mise à mort d’un homme légitime est préférable, que de regarder ses propres contradictions et impasses.

Tsipras aura été le plus responsable de tous, même s’il sait que cet accord ne pas fonctionner, sauf à fabriquer sans fin de la dette, c’est lui qui a évité la grosse casse, car nous mettions là un doigt dans un engrenage dangereux. La demande manifestée depuis le début est un rééchelonnement de la dette, nul n’est plus sourd que celui qui ne veut pas entendre…

Surtout que nous avons eu droit au couplet sur la responsabilité, face à un problème politique. Si Tsipras s’est révélé comme un grand politique, loin du visage dépeint du « populiste, nationaliste » et j’en passe sur la terminologie d’extrême gauche… Ô crime, il a usé de la démocratie dans le bassin même de ce mot (1), qui fait si peur aux cousins « germains » de l’alliance SPD-CDU et compagnie...

Face à ce qui représente une agression, plus un déni de démocratie, c’est une guerre déclarée, elle n’a rien d’armée, et j’ai bien peur que toutes les synthèses fassent un grand flop face à une question politique. Bizarrement, les nationalistes français tout poil confondu ont fait presque front commun avec le ministre des finances Wolfgang Shauble sur le « Grexit ». Les Rep’s (ou anciens UMP) ont défendu le saint dogme avec l’ange noir Merkel, et le brave Monsieur Hollande a trouvé la pire des synthèses, car sans dessein ou une incapacité à voir plus loin que les régionales de la fin de l’année.

Le politique n’a aucun contenu et pire, de propositions à mettre en œuvre, il subit les coups et semblent apprécier. Sauf, à nous ressortir du déjà vu comme cette idée de gouvernement économique, et le reste on le vend ou on s’assied dessus? Comment dire, il n’y a pas de fond politique, ni perspective, sauf l’enlisement des courtes vues. Sans Europe politique, nous continuerons à nous soumettre à des alchimistes, des dosages que les travailleurs européens paient en bout de course, notamment en matière de législation sociale et conditions d’existences.

Difficile d’exprimer un trop plein sans tomber dans le passionnel, quand la question est de garder raison. De cette volonté d’un euro aux apparences d’un totem d’un Euro-Marck ne peut fonctionner que si, il existe une volonté commune, et cette volonté ne peut être que l’expression de tous les peuples européens. Au lieu d’en déléguer le pouvoir, l’idée d’une constituante pour l’Europe est le seul chemin pouvant nous mener à une union véritable et durable, à la fois politique, économique et sociale.

Quitte à en revoir la dimension ou le nombre de  pays membres, mieux vaut une union fondée sur l’intégration, et se demander si une Europe gréco-latine est compatible avec le monde anglo-saxon ? sachant que Frankfort et Londres ne font plus qu’une place boursière commune. En dehors des sphères financières il semble que l’humain n’évoque plus grand-chose

Au passage, le projet devrait être aussi culturel, car le seul moyen de construire une identité commune. Les cinquante ans écoulés n’ont pas aidé à bâtir ce qui pourrait être une évidence. Aristote, Platon, Socrate, et la liste pourrait être longue, si l’on rajoute aux philosophes, les savants ou littérateurs. Dans cette manière d’agir, ce sont nos fondamentaux culturels que l’on nie. Par humour, la mythologie des bords du Rhin ce n’est pas ma came, probablement un vieux réflexe donnant non point raison à Freud, mais plus à Vladimir Jankélévitch. De quoi rester perplexe face aux mécanismes impériaux allemands actuels.

C’est face à cela qu’aurait dû répondre le brave Monsieur Hollande, c’était de dire un non catégorique à ce grand jeu de monopoly, ou les citoyens n’ont pas leur mot à dire, et ce dès la première rencontre avec les foudres du temps (mai 2012). Le couple franco-allemand est devenu un mythe. L’histoire d’un mari battu par sa femme, trop honteux de dire de ce que peut être une relation sadomasochiste. Faute de dessein ou de projets politiques, allons nous continuer à rester devant ce spectacle de grands malades?

Le show auquel nous avons assisté depuis le référendum s’est résumé en une négociation avec la pointe de l’arme tendue sur la tempe d’un partenaire : « tu signes ou je te flingue! ». Qui plus est mon sentiment est que la France a surtout servi à mettre une corde autour du cou au peuple Grec et à son mandataire. Même le FMI pense, et fait savoir, qu’il faut desserrer le nœud  de cette corde de la dette. C’est dire quelles perspectives sont offertes aux Grecs de se renflouer et de construire un état moderne avec ce traité de dupe, qui échouera comme le reste des plans précédents et pas seulement en Grèce. La potion est mortelle, le malade ne peut qu’en sortir guéri, mais mort.

Mais que pèsent quelques millions de personnes face à des armateurs sis à Luxembourg et s’extrayant des taxes locales ? et cette découpe annoncée de la richesse d’une nation pour les requins de la haute finance. C’est proprement intolérable et c’est ce barbarisme qu’il faut dénoncer, que de vouloir arracher et ternir l’honneur d’un pays lâché aux chiens.

Je ne pense que la lâcheté soit une audace, car si nous devons imposer ce régime supplémentaire d’austérité, cela cache qui sait l’intention d’en faire de même dans quelques mois en France, à moins que le ministre Macron ait encore beaucoup à légaliser de la mascarade néolibérale, qui ne sait que faire sans l’Etat et ses subsides. Les messieurs toujours plus de contraintes pour les petits et les mécanismes à détruire un état de droit à petit feu au profit de quelques possédants, ils sont devenus les ennemis de l’intérêt commun et ne s’en cachent plus.

Ah si, j’allais, oublier ! Où est la gauche dans cette affaire ? Une victoire historique ou une capitulation en rase campagne? à chacun son appréciation des choses. Pour le reste, nous sommes beaucoup à la chercher cette gauche de progrès et à la sortir de sa virtualité, elle n’existe pas encore, elle reste aussi à construire !

Billet de Lionel Mesnard – le 15 juillet 2015

Note :

1) Démocratie : « Régime politique, système de gouvernement dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple, par l'ensemble des citoyens ».



La république nous appelle…
et la démocratie dans cette histoire ?




Assez étonnante cette polémique autour d’un conseiller municipal de la nouvelle équipe de la ville de Madrid. Il a publié deux messages sur Twitter relevant de ce que l’on nomme de l’humour noir, et quand le second degré est pris à la lettre, vous vous retrouvez face à des protestations en apparence légitimes, mais dans un pays ou le judaïsme a été banni au quinzième siècle, et a en parti disparu, c’est particulièrement cocasse.

Mieux, le fameux concept de « tolérance zéro » est repris face au racisme et à l’antisémitisme. On peut se demander si parfois certains ne sont pas à côté de la plaque, ou que la réaction est disproportionnée ? un slogan faussement conceptuel aura toujours la faiblesse de faire croire que la tolérance est un outil répressif, en clair un non-sens. Dans la même tonalité, vous trouverez à la fin de ce texte relativement court suivit d'un billet d’humeur sur les indigestes de la république, faisant référence à un groupuscule d’azimutés, dont le nom
exact m’échappe volontairement.

Si l’on reprenait certaines unes de Charlie Hebdo première mouture ou des années 1970, un dessinateur comme Reiser aurait du souci à se faire. Face au kiosque, où je découvrais les couvertures chaque semaine, et aussi les couvertures auxquelles vous avez échappées était la rubrique à lire en premier, mes éclats de rire pourraient faire de moi aujourd’hui : un gros con de raciste, un « blanc de gauche ». Ce qui était facteur de légèreté et propre à une époque moins pesante est devenu après plus de 40 ans de crise presque impossible.

Non pas que l’humour noir soit devenu un tabou, mais plus difficile à exprimer, il n’est pas sûr que même l’humour juif ne soulève l’indignation de quelques ânes, tout dépend du contexte, et faire un parallèle en ce domaine avec la société espagnole, plus puriste ou dogmatique en la matière, cette course délirante à débusquer un antisémitisme qui n’est pas, faute de combattant est à la limite du surréalisme. Je n’entrerai pas sur des considérations sur les Marranes et trois siècles d’inquisition, il y a 40 ans, l’Espagne devenait à peine une démocratie. Et l’emprise de l’église catholique sur ce pays n’est pas une surprise ou une nouveauté.

Il n’y a pas besoin de passer les Pyrénées, pour se rendre compte du problème. Très longtemps, je me suis contenté d’écouter, parfois de réagir. Jusqu’à entendre les pires conneries de ce fumet toujours actif où les inconscients du maréchalisme de la vieille haine antisémite se planquent, jusque sous les masques de l’amitié ou du cercle familial. Ce qui était hier à la rigueur, limité, du ressort du non-dit de société a refait surface et s’exprime dans toutes ses outrances et plaintes concomitantes. Et ce n’est pas une question de camp ou de proximité politique, les racismes sont sans frontières et la triste chose la mieux partagée au monde. Ici comme ailleurs.

L’objet n’est pas d’aller, rechercher des poux dans la tête de Monsieur Zapata, pour une blague sur le plus dérisoire réseau social existant, quoi que... ce ne soit pas le seul. Si ce n’est aussi de lancer une campagne médiatique tout azimut, contre ce qu’ils nomment « l’extrême gauche », faute d’y voir un mouvement populaire et démocratique. Une somme de leçons que nos élus tireront ou pas. Sinon ils pourraient leur apprendre, de se voir laminer dans un futur pas très lointain. Notamment, ce qu’ils font du mandat qu’ils exercent en l’état sans liens avec leurs votants, oubliant derrière la masse des bulletins, les citoyens.

Si l’Espagne et à mon regret est une monarchie, contrairement à chez nous, c’est aussi et surtout une démocratie en mouvement, et pour les progressistes un exemple de ce qu’il reste à mettre en oeuvre pour rendre sa véritable légitimité au peuple souverain. On pourrait même s’aventurer à reprendre quelques mots du nouveau roi castillan, sur le thème « Français soyez fier de ce que vous représenter », mais que reste-t-il du progrès social et de l’émancipation du plus grand nombre?

Nous vivons dans ce que je nomme une « République spartiate », une logique pyramidale ou l’expression démocratique est limitée à un bulletin de vote. Qui pour la majorité d’entre nous se limite à voter Tartampion en espérant que celui-ci applique un programme souvent hypothétique. Pointant à la fois cette ineptie du bipartisme, voire un tripartisme depuis les Européennes de 2014. Au final, dans cet éclatement général des repères, croire que l’évolution viendra du sérail politique, il existe peu de chances qu’un Gorbatchev local vienne faire la transparence sur la structure étatique et son peu de souplesse et ses gabegies, et de surtout comment nous laissons la politique à des professionnels et sans nous soucier du fond.

Déjà près de quarante pour cent des citoyens n’ont pas d’élus, de représentants à l’Assemblée nationale, et nous n’évoquerons pas le Palais de l’embonpoint, où un sénateur équivaut à 160 kilos pour les ascenseurs, sauf à se demander où devrait se porter la cure d’austérité? Le constat posé par la journaliste Ghislaine Ottenheimer est plus que persuasif sur la déliquescence de ce régime, et correspond en bien des points à d’autres analyses sur le sujet et le fonctionnement monarchiste de notre état, se qualifiant de républicain. Et la conclusion à tirer, c’est que la V° République correspond tout à fait aux voeux du Front National et de sa présidente, et des telles institutions mises entre les mains de tels apprentis sorciers ou néo bonapartistes en puissance est ce qui nous pend au nez, dans un revival pétainiste.

Marine Le Pen figure incarnée de la nouvelle Jeanne d’Arc allant bouter les mauvais Français et tout ce qui ressemble de loin ou de près à un « Sarrazin ». L’oriflamme en avant contre l’Europe et sa monnaie, vous connaissez la chanson ! Un climat de guerre civile et un état plus que révélateurs des racismes de tous ordres, la France citoyenne est mal partie. Sans changement constitutionnel et passage à un état démocratique normal, du moins légitime, ceci est en l’état la seule sortie de secours et d’urgence.

La tentation de la pêche ou de l’abstention persiste, parce que la question n’est pas organisationnelle, mais d’une nature très politique, soit nous devenons un état moderne, soit nous périrons de notre culte du chef. Que je sache et ceci n’est pas une plaisanterie, s’il me venait à siffloter ou chanter l’International dans un film ou un spectacle, il y a encore quelques années la SACEM (société des auteurs) reversait des droits à un éditeur connu aussi pour son faible pour les chants nazis ou militaires. Cet homme était un certain Jean-Marie Le Pen, éditeur musical et un homme qui a toujours eu beaucoup d’attrait pour l’argent, sous diverses coutures. Maintes fois condamné pour des propos antisémites.

JM Le Pen n’était pourtant pas le plus virulent du lot, et les composantes brunes affirmées représentaient à l’élection de l’héritière à la tête de son parti à lui et à ses bottes, presque quarante pour cent de sa base militante, et de ses cadres. Face à ce qui pourrait sembler un ripolinage, si la devanture présente des aspects respectables, l’arrière-fond est le même et n’a guère évolué. Par certains moments, il y a de quoi se demander, si c’est l’ensemble de la société qui suit ce cours des choses, plutôt régressif sur la donne historique?

Revivre après le Bonaparte d’opérette de 2007 à 2012, et présumer pour 2017 un grand malaise, si les démagogues Marine Le Pen et Sarkozy étaient au second tour de la présidentielle? L’évocation d’un maquis ne serait plus vraiment une plaisanterie, si la dame en bleu sortait gagnante, la meute des haineux se mettrait en action. La question étant bien de nous en préserver, la solution du duo exécutif actuel qui finira en duel et représentant un intérêt mineur. Dans ce cas quel-le candidat-e sera en mesure de porter ou de représenter une nouvelle ère constitutionnelle, et qui ne soit pas un coutumier du sérail?

Sauf à définir un profil, ou le candidat d’un retour à un régime parlementaire et la mise en oeuvre d’une constituante ou s’exercera le souverain en tant que tel, et la désignation d’une assemblée mandatée par et pour le Peuple Français et en proportion des voix obtenues par une équitable répartition des sièges.  Ce dernier président de la cinquième postulerait pour une période se limitant dans le temps et ne pouvant dépasser deux ans. Un processus qui ne peut émerger que si les progressistes de tout poil font route commune et ne se trompent pas d’objectif.

Sauf à nier cette demande démocratique, qui ne se limite à une gestion pépère de cet ensemble monarchique. Nous sommes finalement très lointain du modèle culturel protestant et scandinave. Pourtant nous aurions à y gagner en rigueur et en intérêt profitant au plus grand nombre à connaître des règles strictes, quant à l’usage des deniers publiques et à mener une vraie lutte contre les corruptions s’exerçant dans ce système ou milieu fermé sur lui-même.

Nos politiques ne touchent plus pied à certaines hauteurs du pouvoir, et pourtant sur le thème sacrificiel, tout bon ordre commence par soi-même, il en reste un souhait, que s’organise une grande purge de fond en comble. Il est temps de rompre les amarres et de tourner le dos aux chapelles et postulants à la dernière marche. Et à noter que dans le nord de l’Europe, quand un élu est pris la main dans le sac ou n’a pas su tenir rigueur à son budget, il est mis hors jeu et à la trappe de la vie politique.

Cette compétition à la magistrature suprême étouffe par avance le débat public, la question de fond étant : est-il possible de redonner la parole à une masse actuellement sans voix et voie ? Comme l’évoquait, il y a peu, le député Ps, Jean Glavany, il existe des postures de congrès, et ce qui ce présente devant nous. Cette rupture entre la société civile, à la fois bernée et abusée, et les stratosphères de nos dirigeants, le mouvement ne peut venir que d’ailleurs et contrairement à l’Espagne, voire la Grèce, à nous de trouver une direction propre. Jusqu’où allons-nous continuer de nous enfoncer? à en oublier le contrat commun, le collectif, ça ne se réduit pas à un gouvernement, mais à une nation, et à l’écoute de ses mandants ou mandataires.

Si l’objet n’est pas en soit de détruire, mais construire un futur pour la France, avoir des institutions répondant aux nécessités du temps semble une évidence. Par ailleurs, on n’a jamais vu un système politique se suicider, cela ne peut aucunement venir d’un parti, sauf ceux qui feront primer les exigences collectives à la communication du système. Et ne voient aucun devenir comme sujet du roi ou du vice quelque chose, ou en attendant qu’un autre nombril se profile. Il ne suffit pas d’aimer la politique, faut-il savoir en faire un usage critique.

Le sursaut citoyen, on peut le souhaiter et ne pas le voir venir. Si l’on prend le cumul crise social et économique depuis 1973 et un chômage record depuis Balladur en 1995.  Ce dernier reste connu pour son goût de la rente et surtout de l’oligarchie financière et capitalistique ayant vu jour à la fin du premier septennat de François Mitterrand. La situation est non seulement inquiétante, et une petite crise financière n’est jamais à exclure, et si le pays est coincé entre l’enclume du capital et les marteaux du pouvoir, comment redonner intelligence à la chose publique et à ses lois, si les fondements tournent à vide ?

Ensuite, si j’ai utilisé le terme de progressiste, croire à une gauche réconciliée ou réconciliable est une équation avec beaucoup trop d’inconnu pour le moment et risquant de durer. Beaucoup passe par une redéfinition du contrat, et de pouvoir tracer des objectifs moteurs, nous ne sommes pas seulement face à un déséquilibre de la gestion d’un état peu démocratique. Mais face aussi à des questions sociales économiques et environnementales impliquant des progrès ne se limitant pas au technologique, à la technique, mais touchant à l’évolution de tous et des générations futures vers un meilleur par le partage équitable de tous les biens communs et ressources nécessaires au besoin et développement de tous.

Le discours misérabiliste du tout va mal ne peut suffire, oui les difficultés sont lourdes, vues d’ici, elles ont le résultat d’une inertie certaine de notre système politique, vues de loin cela peut sembler ridicule, mais qu’ont-ils à se plaindre ces maudits français? Il y a un côté gémissant, où chacun raconte ses petits malheurs et à quelques centaines de kilomètres se jouent chaque jour des vies humaines. Cependant pas de Kouchner et ses sacs de riz à l’horizon, quand la corne Est de l’Afrique n’est plus qu’un grand ensemble tribal (ou de zone grises) et que des personnes répondant à toutes les conventions internationales soient ainsi la proie des passeurs et des égoïsmes et aveuglements nationalistes est bien au delà de l’indignation de circonstance.

La course-poursuite dans l’Est parisien ces derniers temps aux réfugiés démontre cette vieille capacité à mettre la poussière sous le tapis, ou bien à croire que l’on peut dissoudre le problème en le repoussant plus loin. A ne pas évoquer les paradoxes, à faire des ministres de l’intérieur des clones de Brice Hortefeux, dans cette capacité à nier l’état réel du monde et de l’Afrique en particulier est du cynisme de haut vol. Vanter les mérites des policiers quand il en va d’une incapacité à accueillir et protéger les plus faibles, démontre les manques grandissants en besoins sociaux, et pas seulement à l’égard des réfugiés ou exilés de force.

N’étant tenu à aucune discipline partisane, très heureux de cette situation, j’ai au moins cette fenêtre de liberté de pouvoir écrire sans chaîne, l’observateur restant attentif et se réservant, non point de donner des bons ou mauvais points, mais de faire exercice de sa mémoire. Je ne sais si nous serons nombreux en 2017 à trouver le ou la candidate adéquate, répondant aux vœux d’une nouvelle étape démocratique. La sixième République ne peut plus attendre.


Billet de Lionel Mesnard, le 17 juin 2015


Post-scriptum :
Ce texte est suivi d’un billet d’humeur et d’un texte d’Oskar Lafontaine, responsable de Die Linke sur la même page. Ne pouvant pas tout lire et en situation pour quelques mois de lire un grand nombre d'ouvrages, et face à l’insignifiant des critiques, je tente de suivre la pauvreté de notre actualité et me limite à de très synthétiques écrits.

Les indigestes de la république
et dérives sectaires ?

Résultat des temps, chacun sa petite revendication minoritaire en bandoulière et pour seul écho de son nombril, l’idée de revendiquer pour un ensemble commun pourrait revenir à passer pour anormal, qui sait si cet état n'est pas préférable... Si la nouvelle norme est bien le reflet d’un individualisme délirant, comment composer un « nous » avec tous ces « je », le tout assimilable à « un moi et mon nombril »?

Ce ne sont pas les personnes qui sont individuellement visées, mais c’est cette foire à l’identité où beaucoup s’accrochent au discriminant pour exister médiatiquement. Il y a non seulement ceux qui veulent vous faire entrer dans des cases avec la mention « caucasien, africain, latino, …» et ceux se revendiquant « non-blanc », aller savoir si l’affirmation de Sammy Davis Junior « je suis
noir, juif,  et borgne » conserve encore de nos jours un esprit provocateur ou humoristique ? ou simplement une tendance naturelle du judéo-christianisme et pas seulement à se morfondre dans la souffrance?

Surtout comment analyser dans cette volonté discriminante et différencier ce qui est de la victimisation arbitraire, de ce qu’est une victime réelle (non fantasmée) ? Une personne ou au sein d’un groupe x. en général, les victimes sont les premières à se taire et la levée du malaise, quand il ne s’agit pas d’un traumatisme, demande du temps pour pouvoir s’exprimer. Et face à des circonstances historiques, l’enjeu des mémoires est de témoigner, pas de se complaire à larmoyer.

Si vous avez autour de vous des personnes en permanence dans la plainte ou se posant en statut de victime, pour votre propre santé mentale, prenez la fuite. Quand cela revêt des aspects politiciens, que dire de ce bazar, où dans l’expression de sa petite « communauté », il est bon de penser une victimisation feinte et utile à des fins de propag(l)ande. Une nouvelle expression du racisme, le moi « victime » devient à son tour une exclusion de tous les autres.

Méfiez-vous de tous ces prêts à penser et de ses caniveaux. Le pire est bien ce que l’on suppute du pire, moi ceci ou cela et se distinguant pour simple volonté d’imposer sa petite référence bourgeoise, l’essentialiste est ce qui vaut au purin, un tas fumier sur lequel on espère qu’une graine deviendra une fleur, mais me concernant sceptique devant le fossé… Cette rationalisation folle autour du genre humain, à le compartimenter et ne reconnaître que sien les siens, n’augure rien de paisible.

Si l’emploi répétitif et abusif de néologisme dans un texte est le résultat d’une structure paranoïaque chez un auteur. On peut s’interroger ou commence le pervers dans cette réclame à l’identitaire ? Si la plainte est continuelle, qu’elle renvoie l’autre à une identité, non voulue, un parano est au mieux un individu dans le doute, le pervers lui et sans trait d’ironie peut résulter de lourds dégâts pour les victimes de ces malades. En politique le phénomène sectaire est la porte ouverte à toutes les dérives.

Si, j’ai déjà abordé cette question face à la perversion  narcissique, l’on retrouve des traits similaires dans les groupuscules politiques de tous les bords, et face à la désertion compréhensible, mais regrettable des partis héritiers de la gauche et du mouvement ouvrier, le souci de l’autre face à l’affirmation de l’égo reste un horizon, souhaitons-le indépassable !



La suprématie allemande en Europe



Rédigé par Oskar Lafontaine, ancien ministre de l’économie et ancien représentant du SPD (Parti Social Démocrate) dans la Sarre, aujourd’hui membre de Die Linke (La Gauche) apporte un éclairage sur Madame Merkel, qu’il nomme ‘Merkaviel’, et la présente comme un pion des Etats-Unis. Il soulève une part du malaise, que les Européens peuvent ressentir et il prend la défense du dernier livre pamphlet de Jean-Luc Mélenchon sur l’Allemagne, mais surtout il est question d’un « retour de l’impérialisme allemand ». Ce mot en particulier d’impérialisme a longtemps décrit la volonté d’un pouvoir national de soumettre d’autres espaces à ses volontés ou besoins. Entre autres le rôle que joua le colonialisme dans la domination des pays du sud, le terme trouve pour définition large : « Tendance à constituer un empire; tendance d'un État à mettre d'autres États sous sa dépendance politique, économique, culturelle».

Jean-Luc Mélenchon, le fondateur du Parti de Gauche, a écrit un pamphlet intitulé « Le hareng de Bismarck ». Il est dirigé contre la suprématie allemande en Europe et la reprise par le Président français François Hollande et Manuel Valls, le chef du gouvernement, de la politique de « l'Agenda 2010 » de Gerhard Schröder. Comme cette « politique réformatrice » de Schröder n'était pas un produit de la social-démocratie mais consistait en la reprise du programme du patronat allemand par un Chancelier social-démocrate, la polémique que lance Mélenchon vise dans les faits à dénoncer la mise en place, en France, de ce programme du patronat allemand.

Son exposé est convaincant. Ce programme ne marche qu'aux dépends des autres et seulement si les autres pays européens ne l'adoptent pas non plus. Cela est si simple et si logique que l'on ne peut que se demander pourquoi la Chancelière allemande, son Ministre des Finances et son partenaire de coalition ne l'ont toujours pas compris. Tous les pays européens ne peuvent pas avoir des exportations excédentaires, c'est-à-dire produire plus que ce qu'ils consomment. Ou, encore plus simple : tous les pays ne peuvent pas détenir en même temps le record des exportations.

Pour illustrer ce qui s'est passé en France, Mélenchon raconte une visite de François Hollande à Angela Merkel en mai 2014. Le Président français reçut en présent à Stralsund un petit tonneau de harengs de Bismarck. Du reste, le Spiegel avait noté l'impair : « François Hollande pourrait tout à fait comprendre ce tonneau comme une mesquinerie de la part d'Angela Merkel. Le Chancelier prussien, qui laissa son nom en 1871 à un poissonnier du coin pour ses poissons confits, était un ennemi terrible des Français ». Porté par une fièvre toute nationale le Spiegel poursuit : « Comme aux temps de Bismarck, la France lutte contre son infériorité face à son voisin de l'Est… Et comme à l'époque, c'est un Chancelier surnommé “d'airain” qui gouverne à Berlin ».

Pour Mélenchon, Bismarck a agressé la France. Après la victoire, il fit couronner l'Empereur allemand dans la galerie des glaces de Versailles. Jusqu'à aujourd'hui, les Français n'ont pas oublié cette humiliation. Le fondateur du Parti de Gauche nomme ce hareng de Bismarck un « message sicilien ». Quand la mafia envoyait à quelqu'un un poisson cela signifiait qu'une personne avait été « envoyée chez les poissons », c'est-à-dire tuée.

Selon Mélenchon, ce sont la démocratie européenne et les valeurs fondamentales de la Révolution française, Liberté, Égalité, Fraternité qui ont été envoyés chez les poissons par la suprématie allemande.

Merkel n'a certainement pas voulu envoyer un message sicilien. Elle n'est pas si méchante ni si sournoise. Mais le fait qu'elle ait offert le même présent au Président français qu'à George W. Bush et Vladimir Poutine montre en réalité à quel point la politique et la culture françaises lui sont encore étrangères.

Lorsque Mitterrand, Thatcher et Andreotti s'opposaient à la réunification allemande c'était la suprématie de la grande Allemagne qu'ils visaient, une suprématie qui, selon eux, mettrait en danger le processus d'unité en Europe.

George Bush, le Président américain, n'avait lui rien à y redire. Au contraire, il exigeait de l'Allemagne un « partnership in leadership ». Il prônait ainsi une domination allemande en Europe, bien en accord avec la stratégie mondiale américaine.

Tant que les Allemands joueront aux vassaux de la puissance mondiale des États-Unis – il suffit ici de penser au comportement de Merkel dans le scandale de la NSA – la mise en garde de Mélenchon : « l'impérialisme allemand est de retour » ne menacera pas la seule puissance mondiale restante.

Le pamphlet de Mélenchon ne peut pas être expédié comme une critique exagérée du gouvernement allemand par un homme de gauche français. Dans la nécrologie en hommage à son collègue Ulrich Beck, le sociologue anglais Anthony Giddens écrivait : « Thomas Mann avait conclu, comme on le sait suite aux deux guerres mondiales, qu'il fallait que l'intégration européenne débouche sur une Allemagne européenne, en aucun cas sur une Europe allemande. Mais la crise de l'euro a précisément produit cette Europe allemande. Angela Merkel est de facto la Présidente de l'UE. On ne peut, pour ainsi dire, rien faire passer contre elle, la République fédérale définit les règles pour le reste de l'Union. Mais comme l'hégémonie de l'Allemagne n'a pas de légitimité immédiate, Merkel tente de la dissimuler. Elle est devenue, comme l'avance Beck, une “Merkiavel” qui cache habilement son influence de dominante – ce qui débouche finalement sur de la tromperie. Elle prétend mener le sauvetage de l'Europe mais seule est autorisée la politique passée au prisme de la pensée économique allemande.

« Nous sommes bien loin de la stabilisation de l'euro, ne serait-ce que parce que l'Allemagne n'autorise pas la condition nécessaire à cela, à savoir une intégration fiscale et économique plus grande de l'Eurozone. Au lieu de cela, on impose aux pays du Sud une politique d'austérité sans même préserver un semblant d'approbation démocratique. Le résultat en est que le centre politique s'effondre dans ces pays encore plus vite que dans d'autres.

« C'est pourquoi Beck appelait de ses vœux un nouveau contrat social pour l'Europe. Ce qui signifie en dernière instance une révolte contre la domination allemande. La politique économique devrait miser plus fortement sur des investissements, la protection sociale devrait être étendue en Europe. Les pays plus riches devraient s'engager pour ceux qui souffrent de la crise. »

Si l'on confronte les analyses de ces deux célèbres sociologues avec la phrase de Merkel : « Si l'euro meurt c'est l'Europe qui meurt », alors on voit bien toute l'ampleur de l'échec de sa politique européenne. En effet, nous sommes bien loin de la stabilisation de l'euro. Mélenchon n'oublie pas de noter combien entre-temps les Allemands se montrent arrogants en Europe. Lorsqu'on disait au moment de l'introduction de l'euro : « L'euro parle allemand », on entendait peut-être encore rassurer les citoyens allemands se souciant de la stabilité monétaire. Déjà, à l'époque, les autres pays européens n'aimaient pas cette musique. Mais lorsque Volker Kauder, président du groupe parlementaire de la CDU/CSU au Parlement allemand, dit au Congrès de la CDU à Leipzig, dix ans plus tard : « maintenant voilà qu'en Europe on parle allemand », on pouvait alors tâter à nouveau de la vieille folie des grandeurs allemande. En avril dernier, dans une réunion à Washington, Wolfgang Schäuble fustigeait le manque de volonté de réforme de l'Assemblée nationale française et disait : « la France pourrait s'estimer heureuse si quelqu'un contraignait le Parlement, mais c'est difficile, c'est comme ça la démocratie ». Le Premier Secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis reprocha au ministre allemand des Finances une « francophobie intolérable, inacceptable et contre-productive ». Le ton de l'indignation du chef de file des socialistes n'est guère différent de celui de Mélenchon : « l'Allemagne est à nouveau un danger. Le modèle qu'elle impose aux États européens est un recul pour notre civilisation ».

Il n'oublie pas de souligner que le modèle économique allemand des néo-libéraux est loin d'être aussi couronné de succès que ses propagandistes veulent nous le faire croire. Si l'on compte sur plusieurs années, la croissance française est supérieure à la croissance allemande. Cela vaut aussi pour les gains de productivité. Les plaintes de Merkel quant aux longues vacances et aux retraites précoces des Européens du Sud se heurtent à une fin de non-recevoir dénuée de toute compréhension. Mélenchon fait ainsi remarquer d'un ton railleur que ces « fainéants » de Grecs, d'Espagnols et de Portugais ont moins de vacances que ces travailleurs d'Allemands et qu'Espagnols et Portugais partent plus tard en retraite.

L'Allemagne a, nous dit notre combatif député européen, le moins de naissances et la part de la population âgée la plus haute en Europe. Et c'est ce modèle que la France devrait suivre ?

Dans la pollution de l'air et dans la production de déchets l'Allemagne est aussi en tête et empêche, sur ordre de l'industrie automobile, des niveaux d'émission de gaz d'échappement plus bas et, sur ordre de l'industrie chimique, des directives écologiques au niveau européen.

Il va de soi que Jean-Luc Mélenchon en veut particulièrement à la politique sociale allemande. Il souhaiterait éviter à tout prix en France des baisses de salaires et de retraites suivant le modèle allemand. La précarisation du travail avec des bas salaires, des contrats de travail à durée déterminée, des contrats à la pièce, du travail intérimaire et des mini-jobs ne peut servir de modèle à Paris. En France, le marché du travail n'est pas encore, et de loin, aussi bousillé qu'en Allemagne. Cela fait longtemps qu'il y a là-bas un salaire minimum, supérieur à celui du voisin de l'Est.

On peut reconnaître l'avancée de la soumission au paradigme néo-libéral en Allemagne à la réponse donnée à un sondage pour le Handelsblatt où la majorité des managers allemands exigeait un salaire minimum supérieur à ce que réclamaient la DGB et les sociaux-démocrates.

Mélenchon, pour appuyer sa critique, s'en réfère à Arnaud Montebourg, Ministre socialiste démissionnaire. En 2011, celui-ci déclarait : « Madame Merkel est elle-même en train de tuer l'euro… et c'est sur notre ruine que l'Allemagne veut faire fortune… Le moment est venu maintenant d'assumer la confrontation politique face à l'Allemagne ». Le Président socialiste de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, s'exprima de manière similaire. Bien qu'ils prétendent avoir à coeur de travailler en commun avec la France, Merkel et Schäuble ne se montrent guère impressionnés jusqu'à présent par tout ceci. Les sociaux-démocrates allemands eux non plus ne font rien pour mettre un terme à la politique austéritaire en Europe. Il est trop tentant de mettre à genoux Syriza et d'étouffer dans l'oeuf l'arrivée d'une concurrence à gauche – que l'on pense ici à Podemos en Espagne.

La discorde grandissante avec la France est dangereuse. Si la politique allemande, reportée sur le dos des voisins par du dumping social et salarial, porte Marine Le Pen au pouvoir, alors le progrès de l'unification européenne sera stoppé pour longtemps.

Die Linke aussi, seul parti à porter la voix d'une autre politique européenne au Parlement allemand, doit continuer le débat. Si Merkel et Schäuble, associés à Sigmar Gabriel, mettent à genoux Syriza ce ne sera pas seulement un lourd recul pour la démocratie européenne et l'État social européen, mais aussi pour toute la gauche politique en Europe.

Confrontés au blocage néo-libéral, Tsipras et Varoufakis cherchent une issue. Ils ont invité à Athènes l'ancien économiste en chef de la Deutsche Bank, Thomas Mayer. En 2012, il avait fait la proposition d'une monnaie parallèle à l'euro, un euro grec ou Geuro. Il y avait là l'idée que la Grèce ne peut pas s'en sortir économiquement avec un euro fort ni ne peut s'endetter à nouveau parce qu'elle n'a pas le droit d'imprimer des euros. Le bloc néo-libéral européen auquel Mélenchon joint aussi les partis sociaux-démocrates et socialistes au pouvoir fait tout pour faire échouer la gauche en Grèce. Mais les grands airs des politiciens de l'austérité ne trompent pas : le système monétaire actuel ne fonctionne pas. Leur politique a enfoncé toujours plus profond l'Europe dans la crise. Même si, comme moi, on ne pense pas que la proposition de l'ancien chef économiste de la Deutsche Bank, Thomas Mayer, soit suffisante, personne ne peut en définitive passer outre le débat sur un nouvel ordre monétaire européen. La compétitivité tant vantée des diverses économies nationales ne peut pas constamment être produite sur des baisses de salaires et de retraites et sur la destruction des conventions collectives et des protections du droit du travail. Je me demande pourquoi le gouvernement grec a encore besoin des crédits qui n'ont été introduits que pour sauver les banques. La plus grande flexibilité qui s'impose dans le système monétaire européen et qui laissera à nouveau la possibilité de dévaluer a besoin, comme cadre et comme partenaire coopérant, de la Banque Centrale Européenne.

En clair : la BCE peut sans problème diriger le cours de monnaies nationales, par exemple le cours du Geuro. On régulerait la dévaluation devenue nécessaire et on éviterait ainsi la chute tant crainte d'une monnaie faible. Bien entendu, comme l'a montré l'exemple de Chypre, des mesures de contrôle des capitaux sont inévitables. Dans la question monétaire, Mélenchon renvoie à la discussion déclenchée il y a quelques temps par l'Allemagne à propos d'un euro du Sud, sans se positionner clairement. Die Linke ne devrait pas se soustraire à une telle discussion en renvoyant comme jusqu'à présent aux exportations allemandes. Le nationalisme de l'exportation sur le dos des voisins ne peut trouver l'assentiment d'un parti de gauche. Les questions monétaires sont connues pour être difficiles et aussi bien dans le cas de l'union monétaire lors de la réunification que lors de l'introduction de l'euro, les responsables ne se sont pas couverts de gloire. Indépendamment des différents modèles mis en discussion une chose devrait être claire : l'euro ne devrait pas parler allemand mais européen.

Source : Blog de Jean Luc Mélenchon


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