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Sommaire de la page,
1 - François Mitterrand, jeunesse et  droites extrêmes de Paris ?
2- Et extraits de deux articles de L''écho de Paris sur le jeune François Mitterrand (Photos - reproductions)

3 - "C'était François Mitterrand", par Jacques Attali (extrait)
4 - "L'Echo de Paris" années 1936 et 1937, articles et photos de François Mitterrand
5 - Bibliographie et textes à consulter, livres et films


François Mitterrand,
une jeunesse au sein
des droites extrêmes de Paris ?


Dans les locaux de "L'écho de Paris" : Conférence de Mr Bedel, au premier rang et au fond ?


Par Lionel Mesnard, le 04 août 2015

J’ai toujours gardé une grande admiration pour un résistant d'aujourd'hui disparu, un ancien instituteur normand. Il m’avait marqué au cours d’un échange, il avait fait le choix de se taire sur le passé de nombreux collaborateurs de sa région, il venait de détruire les derniers papiers qu’il avait pu conserver de la période de la seconde guerre mondiale. Il avait été ce que l’on nomme une tête de pont de la résistance dans son département. Beaucoup d’éléments écrits de la sorte ont fini au feu et échapperont aux historiens, si cela est regrettable pour l’histoire, son geste était celui d’une volonté de ne pas réveiller de vieux démons ou de tourner la page.

Avec le temps je comprends mieux sa démarche. Si je cite cet élément de mémoire au demeurant anodin, la prise en compte des réalités historiques et de fait la circulation de la mémoire n’est pas un objet simple. Né après 1945, de la fin du baby boom, l’évocation de cette période commençant avec l’État Français du maréchal Philippe Pétain à la libération du pays fut pour ma génération un sujet peu abordé, voire un tabou familial ou de société, car cette histoire a traversé à l’époque toutes les familles vivant sur le territoire national et colonial. Comme rien n’est jamais tout blanc ou tout noir, nous pouvons parler d’une période sombre de l’Histoire de France.

Il a fallu, et ce ne fut pas la première fois, qu’un historien étranger dans les années 1970 vint plus que troubler l’histoire officielle et les mythes d’une France coupée en deux, entre d’un côté les résistants et de l’autre les collabos (Robert Paxton). Mais à l’examen du nombre existant de chaque part, le nombre des impliqués ne dépassaient pas vers 1943, 200 à 250.000 personnes actives. Si l’on distingue de cela ce que l’on nommait la résistance « passive », qui a pu jouer néanmoins un rôle non négligeable. Aussi, faut-il noter, de rares manifestations ont pu rassembler à Paris jusqu’à 20.000 protestataires face à certaines mesures arbitraires de l’occupant, et divers ou des multiples faisceaux de solidarité permirent de sauver les deux tiers de la population juive d’échapper à l’extermination.

 

Affiche de Philippe Pétain

Si, les lois anti-juives promulguées en octobre 1940 sont allées au-delà des critères des nazis pour l’appartenance à une «race», qualifiée de juive. Les Juifs en France connurent un secours que d’autres n’eurent pas comme les communautés de l’Est de l’Europe, qui ont été quasi éliminées comme en Pologne, Hongrie, et d’autres  pays. Le plus délicat n’est pas de savoir si le gouvernement de Vichy s’est plié aux ordres des occupants. Mais pourquoi certaines anticipations, comme la chasse aux juifs et aux francs-maçons ressembla pour beaucoup à l’idéologie nazie dominante et imposée du moment ?

J’ai voté deux fois François Mitterrand et toujours au deuxième tour, je n’ai jamais été mitterrandiste, mais toujours étonné par son goût du secret, son habilité et ses paradoxes. Dire que tout m’éloignait politiquement, probablement. C’est bien plus tard que j’ai tenté de comprendre l’homme, sa vie et son parcours, quelques années après son décès, puis il y a peu en tombant sur ses premiers écrits journalistiques. Le personnage politique ne m’a jamais fasciné, mais difficile de penser à certaines périodes de notre histoire, sans s’interroger sur celui nommé : le sphinx ?

A partir de rapides recherches, je n’ai pas découvert une nouvelle facette de la jeunesse de l’ancien président. Mais un meilleur éclairage de ce qu’il faisait lors de ses premières années parisiennes et la nature de ses relations. Je n’avais pas lu le livre de Pierre Péan à ce sujet (Une jeunesse française - 1994), car à l’époque où sortit cet aspect peu connu de sa vie, ce n’était pas pour moi et d'autres une véritable nouvelle. Mais pendant des années ce fut un grand flou, et à mon avis une grande erreur de sa part. Il aurait fallu bien avant crever l’abcès. Un terreau de « on-dit », de faits jamais vérifiables pouvaient laisser croire à de plus grands égarements ou sympathies pour la « Révolution nationale ».

Cette polémique semblait même un peu tardive ou utile à certaines indignations de façade dans le camp socialiste (Manuel Valls et Pierre Moscovici toujours en activités), mais de tels éléments comme la décoration de la francisque attribuée au printemps 1943. Alors qu’il avait été désigné à une fonction administrative sous la férule de Pétain aux prisonniers de guerre, et autres proximités à l’extrême droite - n’étaient pas en soit une nouvelle, - et cet aspect caché n’avait pas donné jusqu’alors à de véritables recherches sur son passé. Depuis nous savons que François Mitterrand a usé de ses fonctions pour aider à la création de fausses pièces d'identité et rejoignit après un éclat public (salle Wagram à Paris) la clandestinité et la résistance, à son tour avec de faux papiers au nom de "Morland".

Le seul qui m’avait apporté un indice fut par un historien du mouvement ouvrier et sociologue qui me parla de ses relations sympathisantes avec une section parisienne, du 16ème arrondissement de l’Action française, mais à l’époque je n’avais pas fait tous les liens avec ce courant spécifique et puissant dans les années 1930, et qui au moment de la collaboration allait se diviser sur sa participation, et une partie rejoindre la résistance.

Ce silence longtemps porté hors allusion en de très rares entretiens, dont un de 1968 où le sujet fut abordé releva des non-dits et rumeurs par la suite. Une voie ouverte à la propagation de propos malveillants et à faire douter plus d’un sur son honnêteté intellectuelle et surtout son rapport souvent ambigu comme porte-voix du socialisme hexagonal. Si à la sortie du livre de Pierre Péan la stupéfaction fut grande, est-on sûr pour autant qu’elle permit de comprendre un parcours singulier, et une certaine complexité de l’époque ? rien n’est moins sûr.

Toute l’extrême-droite française n’a pas collaboré avec le régime nazi, une partie même allait participer à la libération de 1943 à 1944, dont l’énigmatique François Mitterrand et le concernant dès son retour en France de captivité. Son paradoxe ou ses contradictions, tout comme ses errements de jeunesse ne sont pas le fait du hasard, il baigna dans un milieu bourgeois prônant un régionalisme réducteur, à l’exemple d’un Alphonse Daudet ou ce que l’on nommait les auteurs régionalistes. Pareillement d’un christianisme très conservateur, il allait faire ses premiers pas politiques dans un des courants réactionnaires de son temps, du moins proche des royalistes.

Seule la figure du grand-père « radical-socialiste » caressait ou posa la note discordante. La famille Mitterrand n’était pas vraiment marquée à gauche, son austérité religieuse prédominait. Doit-on souligner que cet homme a entre 17 et 21 ans, et que son entrée en carrière se fit à Vichy plus tard, après s’être évadé de son camp de prisonnier en Allemagne en  décembre1941, où il passa 850 jours. Il a été étudiant de  septembre 1934 à son incorporation dans les troupes coloniales en 1937. Le jeune Mitterrand allait entre autres suivre ses cours de sciences politiques et des études de droit et même passé un concours, et avoir un goût très prononcé pour la littérature et la fête. Aussi faut-il préciser que l’engagement premier, est plus celle d’un mondain, que celle d’un casseur de « métèque » de petit rang.

A dix-sept ans, le bac en poche, François Mitterrand arriva à Paris à la même période que le coup force des ligues fascistes de février 1934. Il s’installa et logea au « 104 ». Nom donné à la maison ou pension des frères Maristes qui se trouvait au 104, rue de Vaugirard, 6e arrondissement (Péan y consacre un chapitre dans son livre). Il collabora à la Revue se nommant le « 104 » et du même cru politique, et cité par Pierre Péan. Là et dans la capitale le jeune François tissa des liens et des amitiés, et allait rejoindre un temps les Volontaires Nationaux du Colonel de la Roque, des sympathies se tissèrent avec l’Action Française (royalistes).

L’on présume diverses mouvances ultra nationalistes selon nos normes, et en bout de course de cette jeunesse extrême droitière des liens avec ce que l’on nommait la cagoule, d’où découle ses relations avec la famille Bettencourt (André), notamment après 1945 et surtout les parfums l’Oréal (* - le père de Liliane épouse Bettencourt, Eugène Schueller était un financeur des cagoulards, voir le documentaire de William Karel en bas de page). Tout comme ses relations avec Bousquet. Mais avec l’ancien secrétaire général de la Police de Vichy, il n’y a jamais eu de lien direct ou de rencontre avant ou pendant la seconde guerre, du moins rien n’en a apporté la preuve contraire. Et Mitterrand  a pu s’appuyer sur le fait que ce dernier avait échappé à l’épuration et avait été absout par la justice de la nouvelle République : la quatrième.

Faut-il pour autant condamné un homme à l’aune de ses premières amitiés et elles furent nombreuses, tout aussi contradictoires les unes que les autres, mais, il n’y a rien à porter comme jugements de valeur. Sauf qu’il ne passa pas inaperçu. Une malheureuse photo, qu’a su exploiter le journal Minute en son temps, et celui qui fut l’artisan et le soutien premier à la fondation de SOS Racisme, il existe un sérieux contraste.

Le malaise qui surgit en 1993 n’était pas anormal sur un passé volontairement gommé, mais qui n’était qu’un secret de polichinelle, sur l’attirance politique ou le respect de Mitterrand pour Philippe Pétain. L’homme de Verdun dont la tombe a été fleurie par ses deux prédécesseurs, n’a jamais été vraiment vantée, et cette complaisance, si elle a disparu depuis en dit long sur les  parties immergées de la mémoire nationale.



Photo de L'écho de Paris 2 février 1935 (source Gallica-Bnf)


Le cliché gênant date de sa publication dans le journal les Echos de Paris du 2 février 1935. Nous retrouvons le jeune Mitterrand manifestant « contre l’invasion étrangère des foyers étudiants » (au centre de la photo) et discutant avec la police et souriant. Ceci n’est qu’une image, et le danger serait de la sur interprétée. Toutefois, elle donne idée du climat que firent peser les ligues fascistes pendant, l’entre-deux-guerres, et comment des policiers à Paris tentèrent gentiment de disperser des jeunes gens de « bonne famille ». Un an après, en 1936, c’était l’accession au pouvoir du Front populaire et de la dissolution des ligues opérant contre la république. Mitterrand disait avoir fait sa conversion à gauche à ce moment, il y a de fortes raisons d’en douter.

Cette première image a pu embarrasser celui-ci plus tard, mais a peut-être aussi permis de faire connaître ce jeune bourgeois charentais monté à la capitale ? A partir d’éléments historiques incontestables, et pour ceux et celles voulant aller plus loin dans des recherches sur le journal les Echos de Paris. Vous trouverez une analyse sur cette publication ayant fusionnée avec un autre titre de presse et qui disparue en 1938. Surtout vous pouvez consulter sur le site de la BNF, soit l’ensemble de ce journal de 8 à 10 pages quotidiennes; publié de 1884 à 1938. Et accessible à tous !

De façon à ce qu’il n’existe aucun doute, Mitterrand n’a jamais collaboré avec le régime nazi, ni n’a manifesté d’antisémitisme, et avait pris des positions anti-allemandes dès 1938. C’est-à-dire anti-nazies. Pour autant, il a été un maréchaliste avant de devenir un héros de la résistance, sa conversion à gauche encore non réelle était improbable. A avoir laisser le doute, et de la difficulté d’être un acteur de l’histoire, on peut au moins affirmer qu’il n’a pas toujours été de gauche et même un farouche adversaire des idées de progrès. Par ailleurs, il n’est pas la seule figure historique à avoir changer de camp, le jeune Victor Hugo n’est pas né politiquement républicain et du côté de la sociale, non plus.

Les premiers écrits de François Mitterrand, hormis un texte que lui attribue son rédacteur Péan de sa « jeunesse française », dans l'écho de Paris sur le conflit Italo Ethiopien et des prises de positions contre un professeur de droit ayant soutenu le roi « du Négus » contre l’invasion de Mussolini, dont il me manque les références précises. Ce que j’ai pu découvrir des premiers écrits de ce dernier, rien n’en fait un jeune fasciste, mais un homme qui a aimé briller en société.

S’il y a à s’attarder sur des amitiés, c’est avec deux rédacteurs de ce journal, dont le responsable du service politique. C’est auprès ou à leur demande, qu’il allait rédiger des billets, puis une courte série d’articles mièvres sur le thème : Y a-t-il encore des poètes ? Surtout, il va passer ses diplômes et vivre dans le milieu estudiantin des corporations, connues pour leurs engagements extrémistes, et à l’image de la « douce France » des batailles rangées du quartier latin.

Si Mitterrand a battu le pavé en de rares occasions, il se laissa porter par les joies de son époque et les lieux festifs. Plus encore, « En janvier 1938, François a le coup de foudre pour la future Catherine Langeais. Il déploie des ruses de Sioux pour faire la conquête de la belle. La fin de cette relation passionnée, provoquée plus tard par l'éloignement dû à la guerre, le plongera dans un profond chagrin ». (Libération – Eric Dupin)

Ce qu’il est possible de découvrir sur le mondain et l’homme aux femmes est d’un intérêt mineur, sauf à comprendre comment Mitterrand évolua un court temps dans cet organe de presse. L’on pourrait presque parler d’une opération de promotion, et du jour où il devint la première fois: Président, de la section littéraire, puis du «cercle de la vie étudiante». Ce cercle trouvant pour accueil de leurs conférences les locaux du journal, L’écho de Paris. Et que fait Mitterrand, il cause littérature et poésie, dans une langue assez ampoulée et sur des considérations d’un intérêt limité, à la fois lointain et proche du personnage. Le sachant plus attiré pour la bonne littérature, plus que la photo…, ne fallait-il pas cacher ses aspects ambitieux et son intérêt pour le monde des affaires ?

Les intérêts qui entouraient le journal s’appuient sur des liens avec des milieux économiques importants, et sur une certaine idée de la « nation et de la patrie » et de son empire colonial. Ce en quoi Mitterrand a été longtemps, pour ne pas dire toujours un conservateur et un républicain ambigu. Nourrit à l’anticommunisme, agent du colonialisme jusqu’à la décolonisation et la fin de la guerre d’indépendance en Algérie, il ne changea guère sur le fond et dans sa conduite de gouvernant. Un petit faible pour les guerres et affaires africaines marquèrent ses deux septennats.

Nous nous attarderons principalement sur ses premières années et un certain Jean Delage. Qui fut rédacteur « de la vie des étudiants » au sein de L’écho de Paris. Sa parution était d’environ une fois par semaine, le samedi. Delage était membre du comité directeur du Parti Social Français (PSF). Il se trouvait sous la direction de Henri de Kerillis, directeur du service politique. Celui-ci sera élu député de Neuilly sur Seine en 1936 dans le même groupe que Georges Mandel (Indépendants Républicains), un nationaliste de l’entre-deux-guerres assez atypique. De Kerillis se rendit le 14 juin 1940 à Londres et se rangea aux côtés des Usa. Il a été l’acteur ou le négociateur du faux compromis, entre les généraux Giraud et de Gaulle, sous la houlette des Etats-Unis en Afrique du nord, encore une photographie trompeuse... et très connue.

Delage à part des écrits et son métier de journaliste au sein de cette rédaction. C’est à lui que l’on doit cette prose publiée comme rédacteur d’une moitié de page avec d’autres jeunes étudiants.  Il allait participer à faire connaître un beau jeune homme, portrait à l’appui de François Mitterrand dans ses colonnes et tribunes. Jean Delage était le responsable de la rubrique sur la vie étudiante du journal. Ils devaient avoir à peu près le même âge, ce dernier étant l’aîné de quelques années, tout au plus. De Kerillis, comme d’autres illustrèrent certains compagnons de la résistance, venue des franges les plus radicales de la droite. Quelques-uns ont refusé de se ranger du côté de l’Allemagne nazie, mais lui sans se ranger du côté de Pétain et fut condamné et déchu par «l’Etat Français».

D’autres venus de l’Action Française, ou ce qui restait d’influence du Colonel de la Roque, ont pu pour certains devenir d’admirables militants ou acteurs de la gauche française, plus tardivement. La résistance de son côté et ce fut toute la difficulté de la rassembler était composée de toutes les familles politiques. Les raisons aussi de ses fortes bisbilles et plus durant les années d’occupation. Dans le cas de Kerillis, c’était encore une autre singularité. Il n’hésita pas à écrire un « de Gaulle dictateur » en 1945. Démontrant surtout que les parcours pouvaient être multiples (à ce sujet regarder absolument le documentaire : Le chagrin et la pitié). Mitterrand devint le plus jeune ministre de la quatrième République, et il exerça de nombreux ministères, dont celui de la justice en pleine guerre en Algérie.

L’objet n’est pas de mener un procès à l’ancien président, mais de saisir toute la complexité d’un parcours personnel, qu’il faut de plus séparer de sa vie d’homme ou de père, ou de mari. Si l’on peut voir en lui un ami de la littérature, et son regret de ne pas avoir été écrivain de fiction, ni même poète. Le concernant n’avoir jamais exercé une critique sur ses origines et ses passés politiques a donné plus de lumière au faux attentat de l’observatoire dans la légende, qu’à ses responsabilités au pouvoir. Le Mitterrand politique s’adaptait à ses auditoires, et l’homme de la «rupture» est plus que discutable. Il a su construire une légende, et tout autant travestir son histoire que ne le fit André Malraux. A la différence, que l’un inventait et l’autre restait dans le mystère de la politique.

C’est toute la difficulté pour un historien, et si 2016 a marqué le centième anniversaire de la naissance et les 20 ans de la disparition de François Mitterrand. En ces temps de « revival » du nationalisme qu’il condamna, en reprenant un slogan anarchiste : «le nationalisme, c’est la guerre» en tribune du Parlement Européen. Ce ne sont pas ses convictions de gauche qui posent problèmes, mais de saisir que sa filiation, somme toute politique, ne fut pas si contradictoire avec le candidat "au clocher et au  village" de 1981 (cf. à la campagne Séguéla).

Cette peinture du pâturage ou de la « grande France » ne doit pas autant faire disparaître une certaine continuité des régimes de la cinquième République. L’histoire au risque d’un homme est de toute façon limitée, c’est face à la nature des crises sociales, économiques et qui plus est de la guerre que des personnalités, des vies se construisent en parallèles. Le monde de celui que l’on appelait « Tonton » n’est plus. Et pourtant survivent les mêmes simulacres et parodies de l’existence. Certains en sont encore à disserter sur le « corps du roi », le régime s’érige en système, et loin de nous en libérer, nous continuons à subir cette logique d’ancien régime perdurant.



Photo de l'écho de Paris , voir les liens plus bas...

En guise de conclusion, et pour revenir une dernière fois sur un sujet qui à l’époque avait fait fort peu polémique, et qui valut néanmoins la condamnation d’un ministre (Pierre Joxe), ce fut concernant l’amnistie en 1984 des anciens terroristes de l’Organisation de l'Armée Secrète (OAS). Ceux que de Gaulle avait fait traduire, généraux félons inclus et qui lui vouèrent une haine sans merci et à vie. Là aussi le soutien de Tixier Vignancourt en 1965, ancien avocat de Pétain à la libération pourrait passer pour normal au second tour de cette première présidentielle, sauf qu’une seule et même conception s’y retrouvait,  la fameuse « France éternelle ».

Si chère aux grands hommes… et assez obscur sur un passé pas si lointain. Pour un homme qui cultiva les symboles, il fallut attendre 1997 et le discours de Jacques Chirac du 16 et 17 juillet (commémoration de la grande rafle), pour que soit dit enfin, que l’Etat Français n’était pas la République. Chose qui fut impossible sous les mandats présidentiels antérieurs, Mitterrand inclus et le dernier à faire fleurir la tombe du « vainqueur » de Verdun, mais pas son initiateur.

Les survivances, les connivences, les histoires du vingtième siècle ou de l’après-guerre de 1914-1918 sont très riches en non-dit historique. Je n’en suis plus au collectage de critiques outrancières ou des dénonciations farfelues. Mitterrand a su entretenir avec Jean-Marie Lepen, son cadet d’âge des relations relativement cordiales (et situation dont le dinosaure se vante n’est pas totalement inexacte) et l’exploitation de la menace « fasciste » par ses jeunes lieutenants ou sa jeune garde était très exagérée ; notamment au regard des relations élyséennes du sphinx et du président super-actif à cette époque du Front National. Mais, au pays des aveugles, ne dit-on pas que les borgnes sont rois?

Toutefois, Mitterrand a été un homme courageux tout au long de la seconde guerre mondiale, sans abandonner quelques convictions profondes, l’idée qu’il se faisait du pays de son enfance et ce qui pouvait refléter son milieu d’origine, une austérité des mots qui lui sera propre et familière. Vieilles règles bourgeoises et terrain de l’arrivisme, histoires grandes et petites, l’Histoire devra encore attendre un peu avant de trouver chaussure à ses pieds.

Sur les x. livres, qui ont porté sur l’histoire de François Mitterrand ou de ses relations à la politique et autre menus plaisirs de la vie doit se compter par dizaines depuis son arrivée au pouvoir en 1981. Dont 98 % des ouvrages doivent répéter à peu près la même chose, même son ancien chauffeur a su trouver éditeur. Il était déjà de son vivant objet de fiction dans un livre de Françoise Giroud. Personnage de roman à coup sûr, il a du s’amuser à laisser quelques cailloux, mais il ne faut pas se tromper sur le masque du pouvoir.

 


1er extrait photo d'un article de L'écho de Paris



2nd Extrait photo d'un article de Jean Delage
rédacteur de la rubrique étudiante de L'écho de Paris
& photo de FM président de sa section littéraire.


Source : BNF - Gallica




« C’était François Mitterrand »



Jacques Attali (*)


Année 2005 - éditions Fayard et en livre de poche


Son livre commence par cette dédicace « Merci à François Mitterrand (…) pour m’avoir appris à juger librement de tout, y compris de lui-même ». Dans cette partie du livre, il explique sa réaction à l’annonce de ses rapports avec le régime de Vichy en 1994.

Voici l’extrait :

« Et puis la foudre...

Un jour de la fin de l'été 1994, le président des Éditions Fayard, Claude Durand, m'annonça que, dans ses recherches pour un livre sur la jeunesse de François Mitterrand, Pierre Péan avait retrouvé une photo de ce dernier en compagnie du maréchal Pétain. Pierre Péan avait aussi réuni les preuves que François Mitterrand avait travaillé activement pour l'État français pendant l'année 1942 et une partie de l'année 1943. L'auteur, me dit Claude Durand, n'avait pas d'indice sérieux d'un double jeu entre Collaboration et Résistance avant l'automne 1942, sauf un contact à la Pentecôte et surtout rien de sérieux avant qu'il ne quitte Vichy, au printemps 1943. Dix-huit mois à Vichy dans l'appareil pétainiste ! Sur le coup, je refusai d'y croire et me plongeai dans l'ouvrage dans les jours précédant sa sortie en librairie. Pierre Péan racontait que, grâce à des amis évoluant dans les milieux maréchalistes, l'évadé François Mitterrand avait vite trouvé un emploi à Vichy, à la Documentation générale du directoire de la Légion des combattants. En juin 1942, il avait été chargé des rapports avec la presse au Commissariat au reclassement des prisonniers et avait travaillé sous les ordres de Maurice Pinot, qui avait rang de ministre. Aucune activité infamante, certes, mais il avait été au cœur du système collaborationniste et s'était aligné sur Laval et Pétain. Au point même que le jeudi 15 octobre 1942, à 17 heures, il avait été reçu à l'hôtel du Parc par le maréchal, qui le félicita pour son action en faveur des prisonniers. Il sollicita et reçut la francisque. Il s'éloigna ensuite du régime de Pétain et le quitta, au printemps 1943, pour organiser un réseau d'anciens prisonniers, conservant des relations étroites avec Jean-Paul Martin, directeur de cabinet de la police, lui-même principal collaborateur de René Bousquet. De Bousquet, il disait à Péan : « C'était un homme d'une carrure exceptionnelle. Je l'ai trouvé plutôt sympathique, direct, presque brutal. Je le voyais avec plaisir. » Sur la question de savoir s'il connaissait le sort que Vichy réservait aux Juifs, je tombai sur cette phrase, qui me laissa anéanti : « Je ne suivais pas la législation du moment ni les mesures prises. » Et puis ce mensonge encore sur son rôle dans la Résistance : ce n'est pas contre de Gaulle, mais au contraire à sa demande qu'il prit la tête du mouvement des prisonniers à Alger en décembre 1943.

Je n'arrivais pas à croire ce que je lisais. Tout y était si différent de ce que je croyais savoir ! De ce dont nous avions si souvent parlé ensemble ! Je téléphonai au président, que j'avais beaucoup vu après sa deuxième intervention chirurgicale de juillet, dont il sera question au chapitre suivant : « Ce n'est pas possible, lui affirmai-je, Péan s'est sûrement trompé. Il dit n'importe quoi : vous auriez passé dix-huit mois dans l'administration de Vichy ? C'est absurde!» La réponse vint, d'une voix douce et fatiguée : « Mais pas du tout. Je l'ai longuement vu avant qu'il n'écrive cela. Et ce qu'il écrit est parfaitement exact En quoi cela peut-il vous gêner ? Cette période était compliquée, je vous l'ai toujours dit. » J'ai raccroché, au bord des larmes. Je n'avais pas encore compris que son mal, très avancé, le plaçait déjà loin, très loin de tout cela ; que tout lui était devenu indifférent, y compris l'avis de ses amis les plus proches.

Une phrase me vint aussitôt à l'esprit : « J'ai été le collaborateur d'un collabo ! » Et mille autres questions m'assaillirent. Bousquet, rencontré à déjeuner avec lui dix-sept ans plus tôt, c'était donc à Vichy qu'il l'avait connu ? Dînait-il au Chantecler avec les dirigeants pétainistes? Ne s'était-il occupé que de prisonniers ? Avait-il participé à quoi que ce soit avec les Allemands ? Pour quels services rendus avait-il reçu la francisque? Comment pouvait-il prétendre qu'il ne savait pas, à Vichy, ce que les gens de l'hôtel du Parc, où il avait ses entrées, faisaient des Juifs?

J'écrivis une lettre à Pierre Péan qui résumait parfaitement mon état d'esprit de l'époque. La voici dans son intégralité : « Cher Pierre. Merci de votre livre, qui m'a anéanti. Sa rigueur, son exigence, la prudence dans le choix des mots sont admirables.

J'ai découvert un homme que je ne connaissais pas. Les confidences qu'il m'avait faites sur ces sujets (et qui sont pour l'essentiel dans Verbatim) sont si loin de la vérité, par omission, pour l'essentiel ! Pour moi, c'est comme un deuil. Un peu comme celui que j'ai vécu avec la disparition de l'Algérie française. Non que j'approuvais la colonisation. Mais c'était mon enfance qui, brusquement, cessait d'exister. Plus de lieu où se recueillir. Eh bien, là, c'est pareil : François Mitterrand est comme un décor habité par d'autres figurants. J'imagine que la France l'est aussi. Nous avons rêvé l'histoire de France avec des tas de figurants glorieux. Grâce à vous, sans passion, le travail de deuil peut commencer. »

Commença alors pour moi une période très pénible. Beaucoup, en son nom, me demandèrent de le soutenir publiquement. Je refusai. Pourquoi l'aurais-je défendu contre mes propres sentiments ? Beaucoup d'autres me suggérèrent de l'attaquer. Je ne le fis pas davantage. Puis, à la demande du Monde, je rédigeai contre lui un article assassin que je n'envoyai pas au journal, pensant qu'il devait bien avoir eu des raisons d'agir ainsi, et j'attendis qu'il me les donnât. Je lui téléphonai, lui écrivis même pour lui suggérer de s'expliquer en décrivant mieux l'ambiguïté de la période, en citant le rôle - complice - de Couve de Murville, ou celui - ignoble - de Papon, tous deux collaborant étroitement avec Vichy avant de rejoindre de Gaulle qui les accueillit les bras ouverts. Il ne le fit pas, se murant dans un silence hautain : ceux qui l'aimaient devaient le soutenir en confiance, sans lui réclamer d'explications. Beaucoup le firent. Je m'en abstins. Le silence me paraissait la seule attitude possible. »
Note complémentaire :

(*) Jacques Attali intervient dans le documentaire de William Karel, diffusé le 14 décembre 2015 sur Arte (Roches production), « que reste-t-il de nos amours ? » un portrait très incisif de l’ancien président. Dans ce même documentaire participe l’historien Eric Roussel, ce dernier a publié en septembre 2015 un livre : François Mitterrand « de l’intime au politique » (édité chez Robert Laffont).
LM - déc 2015




Contribution de François Mitterand (FM)

à L'écho de Paris

*
de novembre 1936 à mars 1937


- Année 1936

Le 21 novembre, à la page 4, « Inscrivez-vous à nos sections », le 1er billet au sein de la rubrique « vie des étudiants » de FM : Cliquez ici !

La photo de FM, suite à un article de Paul Delage, le 28 novembre : Cliquez ici !

A la rubrique « nos sections », un billet de FM sur sa section littéraire, le 19 décembre : Cliquez ici !

- Année 1937


Samedi 2 janvier, page 4, « 1937 et notre cercle » par FM : Cliquez ici !

Samedi 9 janvier, « FM président du cercle de la vie étudiante » : Cliquez ici !

Samedi 16 janvier, FM commence sa rubrique « Y a-t-il encore des poètes ? » : 
Cliquez ici !

Suite ou idem, le 30 janvier : Cliquez ici !

Le 6 février et photo ou FM semble au fond du premier rang ? (conférence de Monsieur Bedel dans les locaux de l'écho de Paris ) : Cliquez ici !

Suite ou idem, le 13 février : Cliquez ici !

Le samedi 6 mars, retour de FM sur des conclusions à sa rubrique : Cliquez ici !

Le 20 mars, FM en photo et en compagnie de M. Paul Landowsky, article signé par Jacques Bertrand :  Cliquez ici !

« 7ème banquet annuel », FM est cité comme président du cercle, article rédigé par Paul Benoist : Cliquez ici !

Source : Gallica-Bnf



Bibliographie

et textes
complémentaires...
Choix très exhaustif de livres et documents pour comprendre la période de 1939 à 1944 :

- La France de Vichy (1940-1944) par Robert Paxton (Editions du Seuil)

- Une jeunesse française - François Mitterrand (1934-1947) par Pierre Péan
- « L'Echo de Paris » et les étrangers (1921-1931), un quotidien conservateur face au développement de l'immigration, Frédérique Olivier (Document Persée.fr) : Ciquez ici !

- L'Extrême droite dans l'histoire, un documentaire  de Gilles Nadeau (2003 - France 5).

La cagoule, enquête sur une conspiration d'extrème droite, un documentaire de William Karel (Arte 1996 - durée 52 minutes)

De l'Institut François Mitterrand :


- FM, 1934-1939 : Les années de formation :
Cliquez ici !

- FM, Pendant la guerre de 1939-1945 : Cliquez ici !


 Le Chagrin ou la pitié
(durée 4h20) :


"Chronique sans complaisance d'une ville française, Clermont-Ferrand, pendant l'Occupation. " (en VOD ou en DVD)

Nomination à l'oscar 1970 du meilleur film étranger.


Prix Georges-Sadoul 1970.

Réalisé en 1969 par Marcel Ophuls


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