- Conduite
tenue par le M. le Maire de Paris,
- à
l’occasion des événements du 20 juin 1792
Tableau du Palais royal des Tuileries, assailli par les Parisiens, le 20 juin 1792
Jérôme
Pétion de Villeneuve (debout de dos avec son écharpe de maire)
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« Puisque les soupçons les plus injurieux, les calomnies les plus infâmes
m'environnent sans cesse, je dois rendre un compte vrai d'une conduite
défigurée par la malveillance et par l'intrigue. Cette conduite est
essentiellement liée à celle de la Municipalité, puisque je ne me suis
pas séparé d'elle, que nous avons marché de concert, ou pour mieux
dire, que c'est le corps entier qui a agi.
Plusieurs citoyens des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel (ou
Saint-Marceau), sont venus, le 16 Juin, au Conseil général de la
Commune, pour lui exposer qu'ils étaient dans l'intention de présenter
à l'Assemblée nationale et au Roi les pétitions relatives aux
circonstances, et de planter ensuite l'arbre de la Liberté sur la
terrasse des Feuillants en mémoire de la séance du Jeu de paume : Pour
lui demander en même temps à être autorisés à revêtir les habits et
porter les armes qu'ils avaient en 1789.
C'était, comme on voit, des individus qui désiraient marcher sans être
ralliés sous les drapeaux de la force armée, et sans être dirigés par
les chefs reconnus par la Loi. Le Conseil général prit en conséquence
l'Arrêté suivant : Considérant que la Loi proscrit tout rassemblement
armé, s'il ne fait partie de la force publique légalement requise, a
arrêté de passer à l'ordre du jour. Il ordonna que cet Arrêté serait
envoyé au directoire du Département, et communiqué au corps municipal.
Le directoire du Département m'écrivit de mardi 19 à midi, pour que MM.
les Administrateurs du Département de Police et moi, nous voulussions
bien nous rendre auprès de lui, entre deux et trois heures, pour
conférer.
Nous y fûmes ; le Directoire nous manifesta des craintes sur le
rassemblement; nous lui dîmes que nous ne savions rien de positif ; que
les intentions ne paraissaient pas malfaisantes; que d'après quelques
rapports, il était même présumable que les citoyens iraient sans armes.
Déjà j'avais écrit à un commissaire de police, (qui m'avait consulté),
que des citoyens ne pouvaient pas se rassembler en armes, sans ordres.
M. le Procureur général syndic rédigea l'arrêté que le Directoire a
fait imprimer et afficher ; chacun fit des observations sur cette
rédaction, nous fîmes les nôtres.
Cet arrêté, en dernière analyse, est une confirmation de celui pris par
le Conseil général de la Commune ; il rappelle un principe
incontestable : c'est que les citoyens ne peuvent pas se réunir en
armes sans une réquisition légale. Il défend les rassemblements
illégaux et propres à troubler la tranquillité publique. Il recommande
au Maire, à la Municipalité et au Commandant général de prendre toutes
les mesures, de faire toutes les dispositions pour contenir et réprimer
les perturbateurs du repos public.
J'écrivis sur-le-champ, une lettre très précise à M. le
Commandant-général, pour lui recommander la surveillance la plus
active, pour
doubler les postes, avoir des réserves, mettre sur pied une force
imposante, faire faire des patrouilles tant à pied qu'à cheval. Je
priai en même temps MM. les Administrateurs d'écrire aux commissaires
de police pour assurer le maintien de l'ordre, et à MM. les Commandants
de bataillon des deux faubourgs, pour vouloir bien se trouver à la
Mairie sur les neuf heures du soir.
Plusieurs personnes vinrent successivement nous avertir que les esprits
s'échauffaient, que les citoyens s'assemblaient dans leurs sections, et
qu'ils mettaient la plus grande opiniâtreté à faire leur marche en
armes. MM. les Commandants de bataillons arrivèrent sur les dix heures.
Les quatre administrateurs de la police étaient réunis avec moi ; nous
leur demandâmes dans quelle disposition ils avaient laissé les
citoyens. M. Santerre et M. Alexandre nous assurèrent que rien dans le
monde ne pourrait empêcher les gardes nationales et les citoyens de
toutes armes de marcher ; que toute représentation était absolument
inutile ; que les habitants des environs de Paris se réunissaient à
eux, qu'ils s'en faisaient une fête, et qu'ils répondaient à tout ce
qu'on pouvait leur dire : on ne doit pas agir avec nous autrement
qu'avec les autres que l'Assemblée nationale a bien reçus.
Les autres commandants de bataillon ne s'exprimèrent pas d'une manière
aussi affirmative, et nous dirent que, s'étant peu répandus, ils
n'avaient pas de connaissance positive; qu'ils apercevaient seulement
beaucoup de fermentation. Je puis interpeller ici ces commandants de
bataillon, si je ne leur ai pas tenu le langage d'un magistrat pénétré
de ses devoirs, si je ne leur ai pas dit que je les remplirais à
quelque prix que ce fût. Mais mes collègues pas rassurés sur
l'évènement affreux qui se préparait, si on était réduit à la nécessité
cruelle d'employer la force contre une multitude immense de citoyens.
Nous prîmes le parti de proposer au directoire du Département un moyen
tout à la fois simple, légal et analogue aux circonstances. Nous lui
observâmes qu'il serait sage d'autoriser les bataillons, qui désiraient
marcher, à le faire, et de ranger sous leurs drapeaux, et sous le
commandement des chefs de la garde nationale, les citoyens de toutes
armes : c'était donner une direction prudente et légitime aux citoyens
rassemblés ; c'était s'assurer que la tranquillité ne serait pas
troublée, étant sous les ordres de ceux qui doivent la maintenir.
Dans le moment, nous écrivions au Département, il nous écrivait de
prendre toutes les précautions nécessaires pour faire régner le calme,
de faire des Proclamations, etc., etc. il était alors minuit. Remarquez
que dans ce moment extrême, l'arrêté du Directoire destiné à instruire
les citoyens, n'était pas encore affiché.
M. Vigner, l'un des administrateurs de la police, se chargea lui-même
de remettre la lettre. Il trouva M. Rœderer qui approuva la mesure,
déclara qu'elle était bonne, mais dit qu'il ne voulait pas prendre sur
lui seul de l'adopter, qu'il allait assembler le Directoire pour lui en
référer. Plusieurs députés qui étaient aussi présents trouvèrent cette
mesure très sage.
M. Vigner revint à la Mairie sur les une heure et demie du matin, très
convaincu que cela ne souffrirait pas de difficulté. Il me quitta dans
cette persuasion, j'y étais également. Cependant, à tout
évènement, j'écrivis à plusieurs officiers municipaux pour se rendre à
la Mairie à sept heures du matin, afin de nous éclairer de leurs
lumières.
Sur les cinq heures, je fus anéanti, lorsqu'on me remit cette lettre du
Directoire : « Nous avons reçu, Messieurs, votre Lettre de cette
nuit.
Nous ne croyons pas pouvoir, en aucune circonstance, composer avec la
Loi que nous avons fait serment de faire exécuter; elle nous trace nos
devoirs d'une manière impérieuse, nous persistons dans notre Arrêté
d'hier concerté avec vous».
J'aperçus que le Département n’avait pas saisi notre idée ; je vis à
l'instant l'abyme où cette marche allait conduire nos concitoyens, j'en
fus écrasé de douleur, cependant je ne balançai pas, et sur le champ
j'écrivis cette Lettre aux différents commandants de bataillons. « Nous
vous prévenons de nouveau, Monsieur, que vous ne pouvez pas vous réunir
en armes ». Voici à cet égard la lettre que nous envoient ce matin les
membres du Directoire.
D'après cette lettre, Monsieur, nous augurons trop bien de votre
civisme, pour ne pas espérer que vous vous y conformerez, et que vous
éclairerez vos concitoyens. La circonstance me parut extrêmement
critique, et je fis convoquer au moment même le corps municipal. Mais
en attendant cette réunion, je sentis qu'il n'y avait pas une minute à
perdre ; je priai plusieurs officiers municipaux et des administrateurs
de police de se rendre sans aucun délai dans les faubourgs.
Dès les cinq heures du matin, les citoyens avaient commencé à se
rassembler; Invalides, Gardes Nationales, Piquiers, hommes non armés,
femmes, enfants, la foule était considérable. Les officiers municipaux
parlèrent au nom de la loi, firent toutes les instances imaginables,
représentèrent les dangers auxquels ils s'exposaient, et exposaient
leurs concitoyens. Tout fut inutile. Leurs réponses étaient les mêmes,
et se réduisaient à ces idées simples : Nous ne sommes pas une
émeute ; on sait bien que nous n'avons pas de mauvaises intentions, que
nous allons présenter des pétitions à l'Assemblée nationale et au Roi ;
la Municipalité a bien permis à des bataillons d'aller en armes à
l'Assemblée avec les autres citoyens, pourquoi nous refuserait-on ce
qu'on a accordé à d'autres ; l'Assemblée nationale les a reçus, leur a
fait l'honneur de les laisser défiler devant elle, pourquoi
n'aurions-nous pas aussi le même honneur?
Enfin la résolution de marcher ainsi était invincible. La garde
nationale de ces faubourgs était la première à manifester très
énergiquement sa volonté de partir armée ; si bien que des commandants
de bataillon furent forcés de se mettre en tête avec les drapeaux et
les canons, que l'on mit aussi en tête des commissaires de police. Nous
étions réunis en corps municipal, et les officiers qui s'étaient
transportés sur les lieux vinrent nous faire le rapport de ces faits.
Je rendis de mon côté le compte le plus scrupuleux de tout ce qui
s'était passé, de notre entretien, de notre correspondance avec le
Département.
De sorte que voilà, non pas le Maire de Paris, mais le corps municipal
saisi de l'affaire, et occupé à prendre : mesures les plus sages dans
les circonstances impérieuses et pressantes où se trouvait la chose
publique. Il n'était pas en son pouvoir, il n'était au pouvoir de qui
que ce soit d'arrêter la marche d'une foule aussi immense de citoyens.
Quel était donc le parti à prendre? Je pense, il n'y en avait qu'un
seul raisonnable, c'était de rendre cette marche régulière, de la
rendre par cela même moins tumultueuse et mieux ordonnée. Pour parvenir
à ce but, il fallait autoriser les bataillons à marcher et à rallier au
milieu d'eux, et sous le commandement des chefs, les citoyens de toutes
armes ; c'est ce que fit le corps municipal. Remarquez bien que cela ne
contrariait en aucune manière l'Arrêté pris par le Conseil général qui,
en passant à l’ordre du jour, le 16 Juin, n'avait voulu, ainsi que son
Arrêté le porte, que s'opposer à tout rassemblement armé, s'il
ne fait partie de la force publique légalement requise ; et
qu'ici la force publique était légalement requise.
Remarquez que le corps municipal avait le droit de la requérir, puisque
le Maire tout seul peut le faire. Remarquez que déjà le Corps Municipal
avait autorisé des Bataillons à marcher mêlés et confondus avec les
citoyens, également pour aller présenter des Pétitions à l'Assemblée
Nationale. Remarquez enfin que M. le Commandant général regardait cette
mesure comme si prudente, comme si nécessaire, que lui-même la
demandait; qu'il s'en est expliqué publiquement au corps municipal.
Cependant il paraît que M. Ramainvilliers a tenu secret et dans sa
poche, un arrêté qu'il était bon de faire connaître, au moins à la
garde qui était de service au Château. (note : le Palais-royal des Tuileries)
Après avoir pris cet arrêté, le corps municipal leva sa séance. Les
officiers municipaux convinrent de se répandre de tous côtés sur le
passage du cortége, afin de voir si tout se passait dans, et de se
rendre particulièrement autour de l'Assemblée Nationale et du Château.
Je restai jusqu'à deux heures et demie à la Maison Commune (note :
L’Hôtel-de-Ville). Toutes les nouvelles qui arrivaient étaient
excellentes. Le spectacle était beau; beaucoup de joie et de gaieté ;
les propriétés étaient respectées, et nulle plainte particulière. Je me
rendis à la Mairie plein de calme et de sécurité.
Plusieurs personnes vinrent encore me confirmer dans cette idée. Vous
pouvez être tranquille, me dirent-elles; tout va à merveille. Ceux qui
étaient sur les lieux en jugeaient de même. Déjà un grand nombre de ces
citoyens avait défilé paisiblement devant la porte qui communique de la
cour du Manège au jardin des Tuileries sans chercher à y entrer, quoi
que cette porte fût ouverte. Des officiers municipaux présents étaient
si convaincus que le surplus du Cortège allait suivre avec le même
ordre et la même tranquillité, que l'un (M. Cousin) dit à l'autre (M.
Mouchet) vous pouvez ôter votre écharpe, elle n'est pas nécessaire. On
ne sait par quel mouvement la file fut tout à coup rompue ; et les
citoyens entrèrent dans le jardin déjà rempli de personnes qui s'y
promenaient. Ils y défilèrent avec ordre devant la garde nationale,
placée en ligne sur la petite terrasse, et qui les saluait des armes,
le public applaudissant. La tête de cette colonne était déjà parvenue
au Carrousel, et désirait entrer par la porte royale. Plusieurs
citoyens frappaient cette porte ; M. Mouchet s'y présenta, leur dit que
le Roi était disposé à recevoir la pétition, et qu'ils eussent à nommer
vingt d'entre-eux.
C'était leur vœu, ils l'avaient manifesté avant de partir ; mais on ne
sait comment ceux qui étaient dans l'intérieur ouvrirent tout-à-coup
les portes, et à l'instant on se précipita en foule dans le château. Il
n'y eut pas le plus léger obstacle à ce mouvement inattendu, à cette
impétuosité du moment. Il n'y avait pas même de gardes dans les
appartements ; excédés de besoin et de fatigue, ils étaient allés se
rafraîchir. Les officiers municipaux présents firent tout ce qu'ils
purent pour maintenir l'ordre ; ils voulurent haranguer les citoyens,
mais il leur était impossible de se faire entendre.
Pour peu qu'on se soit trouvé dans des foules considérables, on sait
qu'il est des moments d'agitation qu'il faut laisser passer; que chacun
parle, s'incommode, murmure, et que l'empressement même de rappeler au
silence fait qu'on ne peut pas l'obtenir. Les officiers municipaux,
dans cette position, ne purent pas non plus m'instruire sur-le-champ de
ce qui se passait. Ce ne fut qu'à quatre heures et demie, qu'un
adjudant vint m'avertir que les appartements du château étaient pleins
jusqu'au comble. A l'instant même, je fis mettre les chevaux à la
voiture, et je n'achevai pas de dîner. J'étais au château un peu avant
cinq heures. Toutes les issues étaient obstruées, et j'eus de la peine
à pénétrer, quoique les citoyens fissent tous leurs efforts pour me
laisser un passage.
Dès ce moment, je m'arrêtai sur l'escalier, je conjurai le peuple de se
retirer avec ordre, avec tranquillité, mes instances furent très vives,
quelques citoyens y applaudirent, mais la foule ne diminua pas ;
peut-être au surplus était-il aussi difficile de sortir que d'entrer,
car tout était plein. On ne fait pas d'ailleurs assez souvent une
remarque, lorsque le cercle que vous avez à haranguer s'étend trop
loin, ceux qui excédent une certaine portée ne vous entendent pas, et
le fruit de vos paroles est perdu et vous ne produisez pas l'effet que
vous avez désiré. Je traversai ensuite et avec les mêmes difficultés
tous les appartements jusqu'à celui où était le Roi. Arrivé devant lui,
je lui dis ce qui est vrai, ce que je pense, c'est que sa personne
était en sûreté, et que les magistrats du peuple veilleraient jusqu'à
la mort à sa conservation.
Je le trouvai couvert du signe de la liberté et regardant ce tableau
d'un air tranquille. Des grenadiers m'exhaussèrent pour parler aux
citoyens, je le fis de la manière la plus digne et la plus analogue aux
circonstances. J'aperçus que ce discours ne fit pas une grande
impression; j'aperçus que des citoyens se parlaient d'un air peu
satisfait. Je demandai à mes voisins pourquoi; on me dit que l'on avait
demandé au Roi la révocation des veto qu'il avait apposé, et
qu'il ne s'expliquait pas clairement sur ce point.
Je repris la parole, et certes je ne cherchai pas à flatter l'opinion
de ceux qui m'entendaient. Je leur dis ce dont j'étais pénétré, c'est
qu'il n'était convenable ni juste de demander dans de semblables
circonstances la révocation des veto ; qu'on ne manquerait pas de dire
que le Roi n'était pas libre, et qu'il fallait que le Roi agît toujours
en pleine liberté. Cette vérité eut quelques applaudissements, d'autres
la reçurent avec un morne silence, presque tous cependant me
témoignaient la plus grande confiance ; mais il ne faut pas croire que
celui qui est investi de ce puissant mobile, puisse à son gré manier et
diriger les volontés. S'il heurte trop fort et à contretemps, il
éprouve des résistances invincibles, sans que pour cela on cesse
d'avoir confiance en lui.
Louis XVI buvant à la santé de
la Nation !
Je terminai par engager de tout mon pouvoir le peuple à se retirer, il
s'ébranla un peu, et il défila avec quelque lenteur; enfin
successivement le flot s'écoulait. J'étais monté sur un siége, d'où ne
pouvant pas toujours lui parler, je lui faisais de temps en temps signe
de défiler le plus promptement possible. Plusieurs officiers
municipaux me secondaient avec beaucoup de zèle, et présentaient au
peuple le signe de la loi pour le rallier et l'engager à le suivre.
Mais on remontait sans cesse par le grand escalier; je me transportai
successivement dans les appartements où je parlai, où je représentai
aux citoyens qu'ils devaient se retirer tranquillement chez eux, ne pas
souffrir qu'on pût les calomnier. Je fus cette fois écouté avec
beaucoup de faveur, je me présentai au haut de l'escalier, où je parlai
avec chaleur, avec énergie, et je ne fus pas moins bien accueilli.
Au bas de l'escalier, dans les cours, je répétai les mêmes harangues,
elles eurent du succès, et alors le défilé devint assez rapide, cela
était d'autant plus nécessaire que la nuit avançait. Il eût, sans
doute, été plus prompt encore et eût commencé de meilleure heure, s'il
y eût eu le moindre ordre. Mais on ne trouvait M. le Commandant général
nulle part, et c'étaient les Officiers Municipaux qui étaient obligés
de faire ranger les gardes nationales en haie pour ouvrir les passages.
Personne, je crois, ne peut me reprocher d'avoir manqué de zèle, et
d'avoir rempli mes devoirs avec tiédeur. Mais quand certains évènements
sont arrivés, chacun s'étudie à chercher les moyens qui auraient pu les
prévenir; chacun, à loisir, imagine des mesures et rien n'est plus
facile que de blâmer celles qui ont été prises. Si les hommes si
faciles à donner des avis, quand les choses sont passées, eussent été
consultés auparavant, ils auraient, peut-être, été plus embarrassés et
moins clairvoyants que ceux qu’ils critiques.
Souvent les combinaisons les plus sages sont déjouées par une cause qui
ne pouvait pas se prévoir. Il ne faut pas s'en prendre aux hommes de
l'empire irrésistible des choses. Quelles se fussent passées comme tout
le résumait, et sans l'incident qui a eu lieu, les moyens employés par
la Mairie auraient été loués avec enthousiasme. On cherche à improuver
aujourd’hui ces mêmes moyens, sans néanmoins pouvoir en donner aucune
bonne raison. Car enfin, que pouvait-elle faire?
Je n'ai entendu, jusqu'à présent qu'une seule réponse, je n'ai entendu
proposer qu'une seule mesure, employer la force.
Je soutiens , que ç'eût été tout à la fois, une extravagance et une
barbarie; que ç'eût été non seulement la plus cruelle, mais la plus
fausse des mesures ; qu'elle tendait non pas à faire respecter, mais à
faire avilir la loi, et à compromettre le salut public et la sûreté de
ceux mêmes qu'on voulait protéger. Où était ici la force réprimante
capable d'arrêter le torrent? Je dis qu'elle n'existait pas. Je dis
qu'elle était beaucoup moins considérable que la force qu'elle aurait
tenté de contenir. Tous les Bataillons des faubourgs Saint-Antoine et
Saint-Marceau marchaient avec leurs canons et leurs armes, ils étaient
suivis d'un grand nombre de citoyens armés, et d'une multitude de
citoyens non armés. Il fallait donc opposer gardes nationales à gardes
nationales, gardes nationales à citoyens armés, gardes nationales à des
hommes non armés, à des femmes, à des enfants.
Sur qui tirer? en quel endroit? L'idée seule de ce
carnage fait frémir,
et à qui cet affreux champ de bataille serait-il resté? Vous n'auriez
peut-être pas trouvé un canon pour répondre à ceux des Faubourgs, du
moins si l'on en juge par les dispositions que les canonniers ont
manifestées. Les trois quarts de la garde nationale auraient répugné,
se seraient refusés à faire feu sur les citoyens, attendu le motif
connu de la démarche, attendu qu'elle avait été tolérée par l'Assemblée
nationale elle-même dans des circonstances semblables; de sorte qu'on
aurait exposé la loi au plus sanglant outrage, qu'on aurait livré
Paris, et peut-être la France entière à des malheurs incalculables. Car
qui aurait pu répondre des jours des personnes les plus précieuses à la
Nation, les plus importantes à conserver? Pas un citoyen n'a reçu une
blessure au milieu de cette grande fermentation ; voilà le plus bel
éloge de la Municipalité ; rendons-en grâce à l'Etre Suprême. »
Signé, Pétion
Nota. « Voilà mon
compte. Il a été fait au
milieu des embarras, des interruptions, des fatigues de toutes espèces.
J'aurais désiré qu'il fût plus parfait, plus digne d'être présenté au
public, mais j'espère qu'il voudra bien avoir quelque indulgence. »
Source : Oeuvres
de Jérôme Pétion, tome IV, page 175 à 193
Chez Garnery, 7 rue Serpente à Paris
- L'an II de la République
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Chronologie du 20 juin au 9 août
1792
et sources complémentaires
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20
juin : A Paris, des
éléments de la Garde nationale et des faubouriens de Saint-Antoine et de Saint-Marcel se rendent et
s’emparent du Palais des Tuileries par milliers, pour y déposer une
pétition et aussi l’occasion de fêter le Serment du Jeu de Paume. Au cri
de « à bas Monsieur et Madame Veto » ils s’invitent dans les
appartements royaux. Un de leur meneur se nomme Joseph Santerre,
artisan brasseur. Il s’était déjà fait remarqué en février 1791 lors de
l’attaque du Château de Vincennes et comme membre des Jacobins dans le
sillage de Robespierre et Collot-d’Herbois. Il deviendra un personnage
important de la Commune insurrectionnelle et chef de la Garde nationale
parisienne. Autre personnage de cette journée mémorable Sulpice
Huguenin, un proche d’Hébert, il fait partie de cette galerie des quasis
inconnus ou servant de figure emblématique, voire d’obscur ou
personnage de l’ombre. Il était déjà présent lors des révoltes contre
les barrières d’octroi en juillet 1789, à la Bastille le 14 juillet. Le
revoilà à la tête du mouvement des foules ou « chefs des émeutiers »
selon le propagandiste et baron Mortimer-Ternaud et ses récits sur la
« Terreur ». Pour l’appréciation de la journée, l’on trouve le jeune
Bonaparte en séjour sur le continent et assistant aux événements et
voici son avis très nuancé (sic) : « Comment a-t-on pu laisser
entrer
cette canaille? Il fallait en balayer quatre ou cinq cents avec du
canon, et le reste courrait encore. Puis il blâma la pusillanimité des
conseillers et des défenseurs du monarque ».
Aux Palais des
Tuileries
se réédite une scène du passé, le roi se voit coiffer d’un bonnet
phrygien et trinque à la nation. Il faut remonter au Moyen Âge et à
Étienne Marcel quand ses partisans coiffèrent le futur Charles V encore
dauphin d'un bonnet, pour qu’une telle mise en
scène
se produise avec un grand du royaume. (Cliquez ici)
Le parallèle peut
sembler être une audace, car si les circonstances sont différentes, la
symbolique est forte. En ce mois de juin
1792, elle annonce une nouvelle ère politique, et communale, et le retour
des petits artisans et commerçants aux affaires, plus que l’expression
des classes pauvres ou ouvrières. Qui plus est elle sert
incontestablement les intérêts du Maire de Paris, Pétion de Villeneuve
souvent à la bonne distance des événements et futur homme fort du
régime républicain.
21 juin : A Paris « au matin, Pétion
s'étant présenté aux Tuileries,
avec Sergent et autres municipaux, il reçut une avanie; les gardes
nationaux du bataillon des Filles-Saint-Thomas l'accablèrent d'injures
et de menaces ; l'un d'eux porta la main sur Sergent, malgré son
écharpe, et le souffleta si rudement qu'il tomba à la renverse. Des
députés, Duhem et autres, ne furent guère mieux traités au jardin des
Tuileries, par des chevaliers de Saint-Louis ou des gardes
constitutionnels. Un homme y fut arrêté pour avoir crié : Vive la
nation. » (Source : Gallica-Bnf, Jules Michelet, l’Histoire de la
RF, livre IV chapitre IX). Un brève rencontre se tient entre Louis XVI et Pétion, le
monarque se déclare outragé des scènes d’hier, l’échange se conclut par
« taisez-vous ! » à l’adresse du maire, lui répondant néanmoins et
finissant (deux fois interrompu) par : « La municipalité connaît
ses
devoirs, elle n'attend pas pour les remplir qu'on les lui rappelle
».
Le premier magistrat les jours suivants lancera un appel au calme et au
respect de la constitution et du roi. La Législative réagit de son côté
vigoureusement, elle interdit toutes réunions de citoyens armés. Dans
la journée, la pétition de MM. Pierre Samuel du Pont (ou Dupont) de
Nemours (ancien député de la Constituante) et Guillaume, servant
d’appui au roi reçoit « 20.000 signatures ». Cette pétition sera
l’objet de nombreuses controverses. Elle aidera en partie à
l’établissement d’une liste de « suspects » après le 10 août et servira
l’objet des comptes politiques à régler dans un futur proche. Cependant
elle n’a jamais recueilli tant de signatures, il fallait un prétexte
pouvant aider à re-dynamiser la position des Feuillants très affaiblis
politiquement, le premier de ses signataires est un entrepreneur et
c’est un proche de Lafayette. Dupont finira ses jours aux États-Unis,
comme négociateur ou diplomate, il sera à l’origine de l’acte de vente
de la Louisiane en 1803 par le 1er consul Bonaparte. C’est son fils qui
fondera la « DuPont de Nemours and Company », restant aujourd’hui une
importante multinationale étasunienne, qui fit à l’origine richesse
dans les poudres.
22 juin : A Marseille, M. Mireur des « Amis de la Constitution » de
Montpellier venu préparer la mobilisation pour le front entonne les
couplets de Rouget de Lisle le « chant de guerre sur le Rhin ».
L’hymne
devenant le chant des soldats présents de la région et sur la route de
la capitale, le titre de la Marseillaise, l’hymne national sera ainsi
incarné par les troupes venues de Marseille reprenant des refrains
devenus à la mode. (A noter, l’admirable interprétation de la
Marseillaise, le 14 juillet 1989 sur la place de la Concorde de Jessye
Norman lors des célébrations du bicentenaire de la Révolution). A
Paris, Louis XVI fait une proclamation aux Français où il fait
référence « aux factieux » et aux événements survenus le 20 : « Le roi
n'a opposé aux menaces et aux insultes des factieux que sa conscience
et son amour du bien public. Le roi ignore quel sera le terme où ils
voudront s'arrêter mais il a besoin de dire à la nation française que
la violence à quelque excès qu'on la veuille porter, ne lui arrachera
jamais un consentement à tout ce qu'il croit contraire à l'intérêt
public ». De son côté, le Maire de Paris appelle au désarmement et
conclu par « Montrez-vous digne de la liberté, et souvenez-vous que les
peuples les plus libres sont les plus esclaves de leurs lois ».
24 et 25 juin : A Paris, la section des Quinze-Vingt envoie
une délégation à l'Assemblée. Son mandataire, M. Gonchon,
déclare : « On ne cesse de calomnier les citoyens du faubourg
Saint-Antoine. Nous conjurons l'Assemblée nationale de rendre aux vrais
amis de la liberté la justice qu'ils méritent ». Le lendemain, la
section des Gobelins déclare : « Au lieu de s'étonner de notre
rassemblement, on devait s'étonner de ne point voir encore le glaive de
la haute Cour nationale tomber sur la tête des coupables ».
26 juin : A l’Assemblée, il est ordonné, à toutes les
communes du pays la construction d’un autel consacré à la patrie. Au
club des Cordeliers, rue Dauphine, son président Hébert se réjouit de
l’arrivée de Brest de citoyens « pour concourir à la liberté avec
leurs
frères de Paris », et envoie une députation à leur rencontre, le
courrier est signé par le Président et le Secrétaire, M. Machaut. A
noter qu’il reste peu d’éléments de ce club pour l’année 1792, à la
fois en perte de vitesse et en raison de la disparition de bon nombre
de documents qui s’y afféraient. De plus, ce sont les sections qui vont en
juillet être légitimées et tenir ce que l’on nomme le haut du pavé!
28 juin : Lafayette arrive à Paris pour dénoncer à l'Assemblée «
l'anarchie et l'impunité des factieux » (...) « Les
violences commises le 20 juin aux Tuileries ont excité l'indignation
et les alarmes de tous les bons citoyens, particulièrement de
l'armée. Dans celle que je commande, tous les officiers,
sous-officiers et soldats ne font qu'un.... J'ai pris avec mes braves
compagnons d'armes l'engagement d'exprimer seul un sentiment commun....
Il est temps de garantir la Constitution des atteintes de tous les
partis ; il est temps d'assurer la liberté de l'Assemblée nationale,
celle du roi.... Je supplie l'Assemblée d'ordonner que les
instigateurs des délits et des violences commises le 20 juin aux
Tuileries, seront poursuivis et punis comme criminels de lèse-nation,
de détruire une secte qui envahit la souveraineté nationale.... et de
donner à l'armée l'assurance que la Constitution ne recevra aucune
atteinte à l'intérieur, tandis que les braves Français prodiguent
leur sang pour la défense des frontières. » Il tentera de
mobiliser la
garde nationale contre le club des Jacobins. Mais à la chambre des députés, la section
des Tuileries appelle au « licenciement de l'état-major fayettiste de
la garde nationale ». Aux Jacobins, le soir, Brissot monte à la
tribune
pour dénoncer le général, il s’engage à prouver à l’Assemblée sa
culpabilité pour haute trahison. Robespierre prend la parole après et
conclu par : « J'ajoute néanmoins qu'il faut que l'assemblée
nationale
et avec elle tous les vrais amis de la liberté avertisse tout le peuple
français il faut que les députés patriotes, que chaque citoyen mettent
au jour ce qu'il sait sur Lafayette et alors avant d'être jugé par la
haute cour nationale, il sera condamné dans l'opinion publique. »
30 juin : A Paris, l’effigie de Lafayette est brûlée à proximité du
Palais-royal des Tuileries. Le général, soulevant l’agacement et l’hostilité
de la Cour et des Jacobins des deux camps, retourne à son casernement
dans l’Est de la France.
VII – le mois de juillet 1792
1er juillet : A l'Assemblée, la pétition des « 20.000 » (du 21 juin),
est à l’ordre du jour. La députation rassemble cinq personnes dont
l’ancien élu de la Constituante, Pierre Samuel Dupont de Nemours, mais
c’est M. Guillaume, qui intervient et désigne la municipalité de Paris
comme responsable des actes du 20 juin et précise : « de porter
l'oeil
le plus sévère sur la conduite des moteurs instigateurs et chefs du
rassemblement, sur celle du maire et des officier municipaux qui ont
ordonné d'ouvrir les avenues du château et le château même...
d'ordonner que le commandant général (Santerre commandant de la garde
nationale parisienne) soit destitué de ses fonctions comme ayant exposé
la sûreté du roi et compromis l'honneur de la garde nationale ».
Puis :
« Une nombreuse députation des citoyens actifs de la section
de
la Croix-Rouge est admise à la barre.
L’orateur de la députation
s'exprime ainsi :
0
Législateurs,
« L'horizon politique de la France se couvre de nuages,
la foudre gronde, elle est prête à éclater ; le silence du désespoir
occupe les amis de la liberté : le peuple entier, à demi levé, n'attend
plus que le signal de ses représentants ; la souveraineté nationale
vient d'être audacieusement outragée. Un général quitte son poste,
abandonne lâchement son armée, qu'il livre à la merci des ennemis. Il
vient à Paris : qu'y faire? Déclarer la guerre aux factieux ; mais
qu'est-ce que Lafayette, sinon le chef d'une faction qui voudrait
détruire la Constitution par la Constitution même? (Applaudissements à
gauche) Quelle sera la peine réservée à l'homme assez téméraire pour
oser faire présager le dictateur et imposer des lois aux représentants
de la nation? Comment a-t-il pu croire qu'un peuple assez fort pour
résister au despotisme courbera sa tête sous le protectorat!
Législateurs, cette barre a été souillée par la présence d'un chef
rebelle. (Nouveaux applaudissements à gauche.) Les citoyens de la
section de la Croix-Rouge la purifient aujourd'hui, en jurant, en
présence de l'Assemblée nationale, une haine éternelle à tous les
factieux, quels que soient leur nombre et leur rang, à tous les
protecteurs. Hommes libres, nous ne voulons que l'empire de la liberté
et des lois; nous vous demandons un grand exemple de sévérité, pour
effrayer les conspirateurs; frappez un grand coup ; déclarez que la
patrie est en danger, et aussitôt les dangers cessent, et la patrie est
sauvée. »
Applaudissements
à gauche et dans les tribunes, murmures à
droite.
Source :
Bib. de Stanford, Archives Parlementaires, au 1er juillet 1792
|
2 juillet : De Marseille, les premiers soldats fédérés de la région
Midi dit les « Marseillais » (500 hommes) démarrent leur marche vers la
capitale et pour 4 semaines de route. A la Législative, il est pris un
décret cassant et annulant « les statuts des fédérations faites à
Sainte-Anne et à la Basse-Terre (en Guadeloupe), et plusieurs
arrêtés
de l'assemblée coloniale. L'assemblée nationale, après avoir entendu
son comité des colonies, considérant combien il importe à la
tranquillité des Isles-du-Vent de mettre à exécution, dans les
colonies, le décret du 28 mars dernier ; Considérant que les
commissaires civils chargés de la faire exécuter, sont sur le point de
s'embarquer; que le retard des vaisseaux qui doivent les porter, des
gouverneurs et des troupes qui doivent les accompagner, augmente
considérablement les dépenses de cette expédition ; que l'approche de
l'équinoxe presse leur départ de France, décrète qu'il y a urgence.
»
(Suivi d’un série de décisions organisant l’annulation du décret local
et le départ des commissaires)
3 et 5 juillet : A l’Assemblée, Vergniaud député de la Gironde lance à
Louis XVI un dernier avertissement : « Vous n’êtes plus rien pour
cette
Constitution que vous avez si indignement violée, pour ce peuple que
vous avez si lâchement trahi ! » A Paris, la section du
Théâtre-Français appelle « le glaive de la loi sur la tête de
Lafayette
». Le lendemain à la Législative et en examen jusqu’au 11 du mois,
il
est pris un décret « relatif à la distribution aux bataillons
de
gardes nationales des exemplaires de l'instruction sur leurs exercices
». Il est stipulé au titre II que : « Les directoires de
département enverront au ministre de l'intérieur, quinze jours après la
publication du présent décret, l'état des bataillons de gardes
nationales organisés conformément à la loi du 14 octobre 1791. » Le
surlendemain à la chambre des députés, « après avoir entendu le
rapport
de son comité colonial, considérant combien il importe à la
tranquillité et à la prospérité de l'île de Cayenne et de la Guyane
française, de presser dans cette colonie l'organisation d'une assemblée
coloniale, d'après les bases établies par le décret du 24 mars
dernier, décrète qu'il y a urgence. » un autre décret est pris pour
les
secours et la répartition aux département d’une somme de 2,35 millions
de livres destinées, « par la loi du 22 janvier 1792, à subvenir
aux
besoins des départements qui ont éprouvé des pertes considérables, à
aider ceux qui ont entrepris des travaux d'une utilité générale, et à
soulager les indigents, décrète qu'il y a urgence. » (suivi de la
liste
de répartition des sommes allouées).
6 juillet : La Prusse de Frédéric-Guillaume II rallie
l’empereur
Austro Hongrois (et les princes d’Allemagne) et entre en guerre avec la
France. A Paris, Le maire Pétion de Villeneuve et le Procureur
Syndic
de la Commune, et M. Manuel sont suspendus de leurs fonctions par
l'administration départementale. La raison affichée est de n’avoir
pas
contenue les foules du 20 juin. Les frictions font jours entre la ville
de Paris et le département sous contrôle de Pierre Louis Roederer, (ci-contre)
Procureur Syndic depuis novembre 1791, membre des Jacobins et un
relatif
girondin. Lucille Desmoulins met au monde un petit garçon, Horace à
neuf heures du matin, rue du Théâtre-Français. (lire la
déclaration du 8 juillet).
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7 juillet : Europe (Saint empire
germanique) : François II, neveu de la
reine et futur beau-père de Napoléon, est élu empereur d'Allemagne. «
Un fanatique ennemi de la Révolution » selon Jules Michelet. A
l'Assemblée, l'évêque de Lyon et député, Adrien Lamourette, dans un
élan de réconciliation général, demande à ses collègues de s'embrasser.
Ce que l’on surnommera « le baiser Lamourette ». Ancien proche de
Mirabeau, son intervention vise au maintien de la Constitution. De son
côté Brissot, depuis quelques jours au sein de la chambre temporise
dans une atmosphère lourde de division.
8 juillet : A Paris, la section de Monconseil ou de Mauconseil demande
« un châtiment contre Lafayette ». Elle deviendra la
section du «
Bon-Conseil » et délimite le quartier Montorgueil actuel 2e et ancien 5e arrondissement. « Ce
jourd'hui 8 juillet 1792, l'an 4e de la Liberté est comparu par devant
nous, officier municipal administrateur de police, étant actuellement à
la Maison, dans le lieu des séances ordinaires du Corps municipal, les
portes ouvertes, Lucie-Simplice-Camille-Benoit DESMOULINS,
citoyen membre du conseil général de cette commune, demeurant à Paris,
rue du Théâtre français, lequel nous a dit que le 6 de ce mois, 9
heures du matin, il lui est né un fils du légitime mariage de lui
comparant avec dame Lucile-Philippe LARIDON-DUPLESSIS. » (Source : Gallica-Bnf, Bulletin de la Société de l'histoire de Paris et de l'Ile-de-France, page 29, Paris-1882)
9 juillet : Aux Jacobins, après diverses questions, Robespierre est le
premier inscrit pour intervenir sur les dangers de la patrie et les
mesures pour les faire cesser. Le résumé de La Rocambole des journaux en fait un portrait sarcastique : « Et tant parla
l’asinius, Antonius (Anthoine de Metz), Jacoquinus
(Brissot), qu'à la
fin il se tut, et Robespierrot ressassant les dits et contre dits du
chétif animal de Metz, y met pour ampliatif, que les généraux et
officiers de l'armée pourront aussi être choisis par MM. de la
ci-devant bazoche (Bazire), même parmi les perruquiers, comme
experts,
ainsi que chacun sait, à jeter de la poudre aux yeux. » (Source : Oeuvres complètes de Robespierre, page 390, tome 8, éditions PUF, Paris-1954).
10 juillet : Dans le Finistère, à Fouesnant, plus d’un millier de
paysans et à leur tête le royaliste et juge de paix du canton Alain
Nédellec se réunissent depuis plusieurs jours. En « menaçant
d'incendier les propriétés de ceux qui ne se déclaraient pas pour le
parti du Roi » De Quimper, ce même jour, 160 soldats et 15
gendarmes,
plus une pièce d’artillerie font mouvement vers ce foyer de
contestation. Une révolte ou bataille éclate et oppose les gardes
nationales aux groupes paysans en présence. Les deux versions diffèrent
sur les faits ou les lieux, mais l’on dénombre en tout 3 morts dont un
paysan et environ 6 ou 7 blessés. Il s’agit en Bretagne des prémices de
la future guerre civile et le rapport de Jean-Marie Jézéquel précise :
« C'était un spectacle bien hideux pour nous qui n'avions pas
encore vu
de pareille horreur ». (Lire, l’extrait des mémoires du
sergent-major de la garde
nationale de Quimper et commandant du détachement – Source wikipedia : Révolte_de_Fouesnant). Au Gouvernement,
c’est l’annonce de la démission des ministres Feuillants et la
formation d’un nouveau cabinet ou le dernier Conseil du roi. (Source
Wikipedia – liste de tous les ministres de Louis XVI de 1774 à 1792)
11 juillet : A la Législative, il est décrété que la patrie est
déclarée en danger! Voici le décret de la chambre des députés : « après
avoir entendu les ministres, et observé les formalités indiquées
par la loi des 4 et 5 de ce mois, a décrété l'acte du corps législatif
suivant: Des troupes nombreuses s'avancent sur nos frontières. Tous
ceux qui ont horreur de la liberté s'arment contre notre constitution.
Citoyens, la patrie est en danger. Que ceux qui vont obtenir l'honneur
de marcher les premiers pour défendre ce qu'ils ont de plus cher se
souviennent toujours qu'ils sont français et libres ; que leurs
concitoyens maintiennent dans leurs foyers la sûreté des personnes et
des propriétés ; que les magistrats du peuple veillent attentivement;
que tous, dans un courage calme, attribut de la véritable force,
attendent, pour agir, le signal de la loi, et la patrie sera sauvée ».
La question est en débat depuis le 4 et afférant à la prise de décrets
et mesures de sûreté générale, dont la réorganisation le 7 des troupes
ou « Légion du Midi ou des Américains » dont le commandement reviendra
à M. de Saint-Georges. Cette légion sera composée de troupes à pied et
de hussards (1.000 hommes) : « La loi du 31 mai dernier, relative à
la
création de cinquante-quatre compagnies et de trois légions franches,
sera exécutée, pour la nouvelle légion du Midi, en tout ce qui n'est
pas contraire à l'article I du présent décret ». Dans la Gazette
Universelle (n°196) Robespierre depuis le couvent de la rue Saint-Honoré, « vient
d'inviter
dans une adresse, approuvée par les Jacobins, les fédérés à venger le
sang répandu l'année dernière sur l'autel de la patrie ».
12 juillet : En Ardèche, les gardes nationales du département et celles du
Gard font tomber le bastion royaliste et la place forte de Jalès.
13 juillet : A Paris, Piéton retrouve sa fonction de maire au sein de
la Commune grâce à une décision de l’Assemblée. La police de son côté
découvre un passage souterrain entre l'hôtel de Brionne (où séjournent
les soldats Suisses), et les sous-sols du Palais-royal des Tuileries.
Danton déclare que les soldats fédérés dépêchés dans la capitale le
seront jusqu’à ce que le patrie ne soit plus en danger.
Légende : L'Assemblée nationale et le Roi monteront sur l'Autel de la patrie pour prêter le serment
14 juillet : A Paris, pour la troisième année consécutive, la
Fédération est fêtée au champ-de-Mars (ci-dessus dessin extrait des Révolutions
de Paris) et sans effervescences
populaires. Une journée calme en apparence, mais sous tension dans les
faubourgs et les sections parisiennes qui siégent tous les jours.
Bref aperçu de la journée 14 juillet 1792
de Germaine de Staël
« On écrivait
des départements qu'on envoyait les hommes les plus furieux à Paris,
pour célébrer le 14 juillet, et qu'ils n'y tenaient que pour massacrer
le roi et la reine. Le maire de Paris, Péthion (Jérôme Pétion de
Villeneuve), un froid fanatique (sic), poussant à l'extrême toutes les
idées nouvelles, parce qu'il était plus capable de les exagérer que de
les comprendre; Péthion, avec une niaiserie extérieure qu'on prenait
pour de la bonne foi, favorisait toutes les émeutes. Ainsi l'autorité
même se mettait du parti de l'insurrection. L'administration
départementale, en vertu d'un article constitutionnel, suspendit
Péthion de ses fonctions; les ministres du roi confirmèrent cet arrêté,
mais l'assemblée rétablit le maire dans sa place, et son ascendant
s'accrut par sa disgrâce momentanée. Un chef populaire ne peut rien
désirer de mieux qu'une persécution apparente, suivie d'un triomphe
réel.
Les Marseillais envoyés au Champ
de Mars pour célébrer le 14 juillet portaient écrit sur leurs chapeaux
déguenillés : Péthion, ou la mort ! Ils passaient devant l'espèce
d'estrade sur laquelle était la famille royale, en criant : Vive
Péthion! misérable nom que le mal même qu'il a fait n'a pu sauver de
l'obscurité! A peine quelques faibles voix faisaient entendre : Vive le
roi ! comme un dernier adieu, comme une dernière prière. »
|
15 juillet : A Bordeaux deux prêtres réfractaires sont assassinés. A la
Législative, l’on ordonne l'éloignement de la capitale de cinq
régiments. A Paris, Au Club des Cordeliers, Société des Amis des droits
de l’Homme et du citoyen, se tient le matin une réunion ou sont
décidés que primo, « qu’il y a lieu à une Convention nationale »,
les
trois points suivants, demandent la suspension du roi et de tous ses
agents et leur remplacement. Les signataires sont MM. Antoine, le Bois,
Chaumet, Dunouy, Momoro et Hébert. (Source : Les Cordeliers dans la RF, James De Cock, Tome II, page 1101 - Editions Fantasques 2002)
Pour information, ce manuscrit fut conservé grâce à un vol.
16 juillet : A la Législative, le 1er procureur syndic de la commune,
Manuel, pas encore réintégré vient présenter ses griefs reprochant aux
législateurs de « n'avoir pas puni Louis XVI sur le champ ».
Dans la
capitale une pétition dite «indivisible» des citoyens de la section
des Quatre-Nations (ou plus tard de l’Unité, correspondant
approximativement à l’actuel quartier de Saint-Germain des Près),
demandent la déchéance du roi. Les policiers annoncent l'arrivée à
l'hôtel de Brionne d'un renfort de deux cents soldats Suisses venus de
Courbevoie. Aux Jacobins, Robespierre dans le sillon de Danton, le 13,
appui sur la nécessité de la présence des fédérés à Paris, en fin de
séance il est porté Vice-président de la société jacobine.
17 juillet : A l'Assemblée, des soldats fédérés demandent à la barre la
suspension du roi. « Vous avez déclaré le danger de la patrie ; mais
ne
la mettez-vous pas en danger vous-mêmes, eu prolongeant l'impunité des
traîtres ?.... Poursuivez Lafayette, suspendez le pouvoir exécutif,
destituez les directoires des départements, renouvelez le pouvoir
judiciaire ». Formule rapportée par Jules Michelet. A Paris, la
municipalité accepte dans la garde nationale tous les citoyens armés
d'une pique.
19 juillet : A Paris, les bataillons de la garde nationale sont ramenés
de 60 districts (ancienne définition administrative), à 48 sections
afin de correspondre aux assemblées primaires ou populaires de chaque
quartier.
20 juillet : Les députés de la Gironde Vergniaud, Gensonné et Guadet
proposent une médiation au roi. L’effet sera diversement apprécié, en
premier dans le camp dit des Girondins. Le député de la Gironde,
Vergniaud était très peu apprécié par Madame Roland, et à ce stade
Jérôme Pétion était plus proche de Robespierre que des Brissotins.
Légende : Proclamation de la patrie en danger (22 juillet 1792)
22 juillet : A Paris on célèbre la
mobilisation pour « la Patrie en
danger » (la gravure ci-dessus). Il s'agit des débuts de
l'enrôlement et de la
mobilisation en région parisienne. Aux Jacobins, Robespierre prend la
défense de M. Manuel en ces termes : « puisqu'il importe à la
capitale
d'avoir pour procureur de la commune un homme courageux, et qui n'a été
puni que pour avoir développé cette énergie. Il est incroyable,
ajoute-t-il, qu'on ait divisé sa cause de celle de M. Pétion, et qu'on
ne dise pas qu'il a demandé lui-même cette division, car les décrets de
l'assemblée nationale ne tiennent point à la lettre d'un particulier.
On a dit que la division de cette cause était une injure à la
municipalité, je dis qu'elle est une injure au peuple ; car elle laisse
encore un voile sur la journée du 20 juin, et sous ce rapport la cause
du procureur de la commune est une cause nationale ; c'est un devoir
pour l'assemblée nationale de casser promptement l'arrêté de la cour et
du département ».
23 et 24 juillet : A l’Assemblée, il est décrété, la levée de la
suspension du Procureur Syndic de la Commune, M, Manuel retrouve ses
fonctions. La chambre des députés approuve l'initiative des généraux de
l'armée du Rhin ayant requis les corps administratifs et les
gardes nationales des départements sous leur commandement. Cette
prérogative sera étendue à tous les généraux chargés de la défense des
frontières. Le lendemain, M. Vergniaud demande à « ne pas
se
laisser entraîner dans des mouvements inconsidérés ».
25 juillet : A l'Assemblée, sous pression populaire, il est donné
aux sections parisiennes une place et un rôle notable dans la
mobilisation générale : « considérant qu'au moment où la patrie
est en
danger et où des mouvements d'agitation se font sentir à chaque instant
dans la capitale, il importe que les citoyens veillent tous pour
assurer l'exécution des lois et le maintien de l'ordre public décrète
qu'il y a urgence pour que les sections de Paris se tiennent et soient
permanentes jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné ».
Ce même
jour « un festin civique fut donné aux fédérés sur
l'emplacement
des ruines de la Bastille, et la même nuit, du 25 au 26, un directoire
d'insurrection s'assembla au Soleil d'or, petit cabaret voisin. Il y
avait cinq membres du comité des fédérés, de plus les deux chefs des
faubourgs, Santerre et Alexandre, trois hommes d'exécution, Fournier,
dit l'Américain, Westermann et Lazouski, le Jacobin Antoine, les
journalistes Carra et Gorsas, enfants perdus de la Gironde. Fournier
apporta un drapeau rouge, avec cette inscription dictée par Carra : Loi
martiale du peuple souverain contre la rébellion du pouvoir exécutif.
On devait s'emparer de l'Hôtel-de-Ville et des Tuileries, enlever le
Rois sans lui faire de mal, et le mettre à Vincennes. Le secret, confié
à trop de personnes, était connu de la cour. Le commandant de la garde
nationale alla trouver Pétion, et lui dit qu'il avait mis le château en
état de défense. Pétion alla, la nuit même, dissoudre les convives
attardés du festin civique, qui croyaient combattre au jour, On se
décida à attendre les fédérés de Marseille ». Dans la Capitale,
c’est
l’arrivée des Fédérés Bretons.
Mme (Claire) Lacombe
est admise à la barre de l'Assemblée
vêtue en amazone !
« Législateurs, Française, artiste et sans place, voilà ce que je suis.
Cependant, législateurs, ce qui devrait faire l'objet de mon désespoir
répand dans mon âme la joie la plus pure. Ne pouvant venir au secours
de ma patrie, que vous avez déclarée en danger, par des sacrifices
pécuniaires, je viens lui faire hommage de ma personne. Née avec le
courage d'une Romaine et la haine des tyrans, je me tiendrais heureuse
de contribuer.à leur destruction. Périsse jusqu'au dernier despote!
intrigants, vils esclaves des Néron et des Caligula, puissé-je tous
vous anéantir! et vous mères de famille que je blâmerais de quitter
vos enfants pour suivre mon exemple, tendant que je ferai mon devoir en
combattant les ennemis de la patrie, remplissez le vôtre en inculquant
à
vos enfants les sentiments que tout Français doit avoir en naissant,
l'amour de la liberté et l'horreur des despotes. Ne perdez jamais de
vue que, sans les vertus de Véturie, Rome aurait été privée du grand
Coriolan.
« Législateurs, vous avez déclaré la patrie en danger, mais ce n'est
pas assez : destituez de leurs pouvoirs ceux qui seuls ont fait naître
ce danger et ont juré la perte de la France. Pouvez-vous laisser à la
tête de nos armées ce perfide Catilina, excusable seulement aux yeux de
ceux dont il a voulu servir les infâmes projets? Que tardez-vous pour
lancer le décret d'accusation contre lui? Attendrez-vous que les
ennemis, à qui tous les jours il fait livrer nos villes, arrivent dans
le Sénat pour le détruire par la hache et le feu? Vous n'avez qu'à
garder encore quelques jours un coupable silence et bientôt vous les
verrez dans votre enceinte. Il en est encore temps, législateurs, -
élevez-vous à la hauteur qui vous appartient ; nommez des chefs à
qui nous puissions donner notre confiance ; dites un mot, un seul mot,
et les ennemis disparaîtront. »
M. le Président, répondant à Mme Lacombe : Madame, plus faite pour adoucir les tyrans
que pour les combattre, vous offrez de porter les armes pour la
liberté. L'Assemblée nationale applaudit à votre patriotisme et vous
accorde les honneurs de la séance.
Un membre : Je demande
la mention honorable et l'impression de cette adresse au procès-verbal.
(L'Assemblée ordonne la mention honorable et l'impression du discours
de, Mme Lacopibe et de la réponse du Président.)
Source : Bib. de Stanford, Archives Parlementaires, page 144, tome XLVII
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26
juillet : A Paris s’organise la formation d'un comité
insurrectionnel des fédérés. S’en suivra dans cette dynamique un Club
central des Fédérés depuis les Jacobins composé de 43 personnes pour
centraliser les informations et un Comité de 5 membres. Avec MM.
Vaugeois, grand vicaire de Blois, Debesse de la Drôme, Guillaume,
professeur à Caen et Galissot de Langres. Ils seront rejoints par
Santerre, Danton, Desmoulins, Manuel, Lazouski capitaine des canonniers
du faubourg Saint-Marceau (ou Saint-Marcel), etc. Charles Jean-Marie
Barbaroux, (futur député des bouches du Rhône, ci-contre en portrait)
lui
promettra la participation des
troupes fédérés, Pétion assurera de ne pas intervenir, les époux
Roland, Servan et en général les girondins seront dans la confidence,
selon Etienne Cabet. (Source : Gallica-Bnf, Histoire populaire de la Révolution française de
1789 à 1830, page 32) |
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27 juillet : A l’Assemblée, suite aux demandes répétées des sections,
il sera établi un bureau central de correspondance entre les
quarante-huit sections, sous la surveillance et la direction du
procureur de la Commune. Dans la capitale, les citoyens dits actifs de
la section du Théâtre Français, « Déclare que, la patrie étant
en
danger, tous les hommes français sont de fait appelés à la défendre ;
que les citoyens, vulgairement et aristocratiquement connus sous le nom
de citoyens passifs, sont des hommes français ; partant qu'ils doivent
être et qu'ils sont appelés, tant dans le service de la garde nationale
pour y porter les armes, que dans les sections et dans les assemblées
primaires, pour y délibérer : en conséquence les citoyens, qui
ci-devant composaient exclusivement la section du Théâtre Français déclarant hautement leur répugnance pour leur ancien
privilège,
appellent à eux tous les hommes français qui ont un domicile quelconque
dans l'étendue de la section, leur promettent de partager avec eux
l'exercice de la portion de souveraineté qui appartient à la section,
de les regarder comme frères, concitoyens, co-intéressés à la même
cause, et co-défenseurs nécessaires de la constitution, de la
déclaration des droits, de la liberté, de l'égalité, et de tous les
droits imprescriptibles du peuple, et de chaque individu en particulier
». Un courrier signé par Danton, président ; Anaxagoras
Chaumet et
Momoro, secrétaires. » (Source : Gallica-Bnf, Les Révolutions de Paris, n°160, feuillets
208-210)
Du
25 au 28 juillet : Depuis l’étranger, le premier manifeste dit de
Brunswick est publié, il en existera plusieurs versions, la première
apparition ou publication à Paris daterait du 28 selon Jules Michelet
et recueillant 600 faux signataires. La capitale et ses citoyens sont
mis à l’index et menacés très clairement.
Paris sous la menace des armées de Prusse
Voici ce qui est
adressé
comme mise en garde à : « La ville de Paris et tous ses
habitants sans
distinction seront tenus de se soumettre sur-le-champ et sans délai au
roi, de mettre ce prince en pleine et entière liberté, et de lui
assurer, ainsi qu'à toutes les personnes royales, l'inviolabilité et le
respect auxquels le droit de la nature et des gens oblige les sujets
envers les souverains ; leurs Majestés impériale et royale rendant
personnellement responsables de tous les événements, sur leur tête,
pour être jugés militairement, sans espoir de pardon, tous les membres
de l'Assemblée nationale, du département, du district, de la
municipalité et de la garde nationale de Paris, les juges de paix et
tous autres qu'il appartiendra, déclarant en outre, leurs dites
majestés, sur leur foi et parole d'empereur et de roi, que si le
château des Tuileries est forcé ou insulté, que s'il est fait la
moindre violence, le moindre outrage à leurs Majestés, le roi, la reine
et la famille royale, s'il n'est pas pourvu immédiatement à leur
sûreté, à leur conservation et à leur liberté, elles en tireront une
vengeance exemplaire et à jamais mémorable, en livrant la ville de
Paris à une exécution militaire et à une subversion totale, et les
révoltés coupables d'attentats aux supplices qu'ils auront mérités.
Leurs Majestés impériale et royale promettent au contraire aux
habitants de la ville de Paris d'employer leurs bons offices auprès de
sa majesté très chrétienne pour obtenir le pardon de leurs torts et de
leurs erreurs, et de prendre les mesures les plus rigoureuses pour
assurer leurs personnes et leurs biens s'ils obéissent promptement et
exactement à l'injonction ci-dessus ». En clair une mise au pas
donnée
depuis le quartier général de Coblentz (ou Coblence), et signé, (note : ce qui est
aussi faux!) par Charles-Guillaume-Ferdinand, duc de
Brunswick Lunebourg.
Pour complément
sur cet écrit de propagande : « Un examen, même
rapide,
du texte permet de distinguer au moins deux parties d'inspiration et de
style différents. La première constitue une profession de foi royaliste
et une mise en garde contre toute atteinte portée au pouvoir du roi et
à la sûreté de sa famille. «Les alliés n'ont pris les armes que pour
faire cesser l'anarchie dans l'intérieur de la France...». Les
écrits
contre-révolutionnaires de l'époque procèdent d'un état d'esprit
comparable. Par contre la seconde partie qui s'adresse à « la ville
de
Paris et ses habitants» les menaces «d'une vengeance
exemplaire et à
jamais mémorable». Elle sonne comme un ultimatum implacable lancé par
les étrangers contre un peuple dont ils ignorent la situation et les
aspirations présentes. Après leur victoire les armées des coalisés
s'arrogent le droit defoudroyer les rebelles et d'anéantir à jamais la
rébellion ». de Marc Bouloiseau - Source Persée.fr
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29 juillet : Au couvent des Jacobins, après un appel à l’insurrection
de Legendre et contré par Anthoine, maire de Metz, Robespierre fait une
longue déclaration sur les maux et les ressources de l’état . Ce que
synthétise, le Journal général de France, en écrivant que
l’incorruptible « ne se contente pas d'être de cet avis et de
demander la déchéance du roi, mais il veut qu'on renouvelle aussi la
législature actuelle qui ne veut pas, dit-il, sauver la patrie. M.
Robespierre a été plus loin, dans un discours prononcé avant-hier aux
jacobins, et dont l'impression a été ordonnée, il a proposé
d'envelopper dans la proscription la législature actuelle. Ce n'est pas
lorsque le vaisseau n'est qu'à deux doigts du naufrage, qu'on doit
parler de changer son équipage. En donnant aux lois toute la vigueur
dont elles sont susceptibles, en punissant sévèrement ceux qui veulent
porter atteinte à la constitution, en développant un grand caractère de
courage et de respect pour les bons principes, on donnera à l'état une
consistance qui le rendra redoutable à quiconque oserait l'attaquer
».
(Source : Oeuvres complètes de Robespierre, discours 1791-1792, PUF -1954)
30 juillet : A Paris, c’est l’arrivée des fédérés dit marseillais, en
réalité le bataillon sera rejoint par divers corps volontaires et même
de Bretagne, des 500 partis de Marseille, ils seront en tout 5.000 à
prendre pied dans la capitale de différentes régions. Les citoyens
actifs (ou électeurs) de la section du Théâtre-Français (section de
Georges Danton) : « déclarent hautement leur répugnance pour leur
ancien privilège, appellent à eux tous les homme français qui ont un
domicile quelconque dans l'étendue de la section, leur permettant de
partager avec eux l'exercice de la portion de la souveraineté qui
appartient à la section, de les regarder comme frères, concitoyens,
co-intéressés à la même cause et co-défenseurs nécessaires de la
Constitution, de la déclaration des droits, de la liberté, de l'égalité
et de tous les droits imprescriptibles du peuple et de chaque individu
en particulier ». A l’Assemblée, l’on décide que les citoyens
passifs
pourront rejoindre la Garde nationale. Louis XVI cesse de rédiger son
journal.
31 juillet : Émission de trois cents millions d'assignats. A Paris, la
section de Mauconseil a décidé, que pour le 5 août, ne voulant
reconnaître Louis XVI en tant que roi, elle appelle
les sections du département à les rejoindre. Dans la soirée des heurts
se produisent avec les fédérés Marseillais invités à dîner du côté des champs-Élysées avec des grenadiers royalistes
VIII - Le commencement du mois d’août 1789 et fin de la royauté.
1er août : A Paris, commence à circuler le ou les manifestes dit de
Brunswick, cela provoque une très grande effervescence dans l’ensemble
de la capitale et son accueil soulève l’indignation de la chambre et
des Parisiens menacés d’extermination s’ils venaient à résister. Ce qui
fut un faux, et Brunswick servant de chiffon rouge. Cet écrit de
propagande venant des émigrés va créer les conditions d’une panique et
la peur de voir arriver les troupes ennemies dans la capitale. Quand la
mobilisation souffre d’une grande désorganisation et un état-major
composé des derniers bancs royalistes et des feuillants. A l'Assemblée, il
est légalisé l’incorporation de tous les citoyens dit passifs du pays,
et il est ordonné aux municipalités de fabriquer des piques et de les
distribuer. « Excepté aux vagabonds, gens sans aveu et personnes
notoirement reconnues pour leur incivisme ». Aux Jacobins, l’on
débat
sur la convocation d’une Convention nationale. Les citoyens
de la section de la Croix Rouge déclare être : « décidée à
faire
cesser l'odieux affront d'avoir trop longtemps partagé involontairement
avec les prétendus citoyens actifs de l'empire le cime de lèse-égalité
sociale... il faut lever cette barrière monstrueuse qui, divisant les
citoyens en deux classes, les rend pour ainsi dire étrangers les uns
aux autres quoique les dangers de la patrie les forcent de se
rapprocher, d'agir et de marcher ensemble ».
3 au 5 août : A la Législative, « Pétion, à la tête de la
Commune, se présente à la barre. Spectacle étrange, le froid, le
flegmatique Pétion, ayant derrière lui ces dogues, les Danton et les
Sergent, qui le poussaient par derrière, débitant de sa voix glacée un
brûlant appel aux armes ». (Jules Michelet, L’histoire de la
Révolution, livre VI, chapitre IX). Le maire est venu au nom de 47
sections parisiennes (sur 48) demander la destitution du roi « qui
a
séparé ses intérêts de ceux de la nation ». Le lendemain,
l'Assemblée
décrète que « tout Français qui aura fait la guerre de la liberté,
soit
dans les volontaires nationaux, soit dans les troupes de ligne, recevra
les droits de citoyen actif ». Ce même jour Pétion vient demander au
nom de quarante-sept sections, la déchéance du roi. A Paris, la section
des Quinze-Vingt fixe «le terme de la patience populaire» au
jeudi 9
août à minuit. Le 5, les sections ayant répondu favorablement à
l'invitation à celle de Mauconseil viennent demander aux députés que
Louis XVI ne soit plus roi des Français.
4 août : En Seine-et-Oise, Jean-Baptiste Delambre, astronome et
membre de l’Académie royale des sciences, termine son « premier
triangle géodésique ».
5 août : Aux Jacobins l’on débat sur un possible départ du roi, voilà
ce que la société fera suivre aux sociétés affilées concernant les
propos de Robespierre : « Le fait du départ du roi me paraît
certain,
si ce n'est pas pour aujourd'hui ce sera pour demain. Je conclus donc à
ce que deux choses étant indispensablement nécessaires ; l'une
d'empêcher que le roi ne parte, l'autre de veiller à ce qu'il ne lui
arrive aucun mal ni à aucun individu de sa famille ; il est du devoir
de tout bon citoyen, de tout vrai patriote, de toutes les autorités
constituées de veiller et de surveiller le château ». Le savant
Lavoisier, membre de l’Académie des sciences et de la Société 1789
proteste publiquement contre l’idée de destituer Louis XVI.
6 août : A Paris, la section de Henri IV rejette la pétition du 5 août
dénonçant la motion de la section de Mauconseil. La municipalité décide
que la garde du roi sera issue de tous les bataillons de la Garde
nationale. Marat demande aux Cordeliers et à toutes les Sociétés de
soutenir par une souscription « les fédérés de Marseille et autres
départements (…), il serait atroce qu’ils manquassent de tout,
après
avoir fait la guerre à leur dépens ».
7 août : A Paris, la section de la Place-Royale souhaite le
retrait de toutes les statues royales et d’édifier des pyramides
dédiées à la Liberté. La section des Gravilliers décide « que
tous les
citoyens sont en état de réquisition permanente et qu'il descendront
dans la rue dans le cas d'un rappel général ».
8 août : A l'Assemblée par 400 voix contre 200, les élus refusent
l’acte d’accusation contre Lafayette. Aux Jacobins l’on présume un
projet d’envoyer l’Assemblée à Rouen ou bien Amiens. Il s’agit de la
dernière réunion des Jacobins avant le soulèvement du 10 août.
9 août : A Paris, en soirée, la Commune insurrectionnelle est formée,
les représentants des sections s'installent à l'hôtel-de-ville. A
partir de minuit retentit le tocsin, le signal est lancé pour
l’insurrection.
à suivre…
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