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Sommaire de la page,

1 -  Le spectre de la guerre et révoltes populaires contre la vie chère & Sur la crise des denrées coloniales à Paris

2 - Maximilien Robespierre sur la guerre ou la paix?  extraits du 2 janvier 1792


3 - Sur La nécessité de la guerre, Jacques-Pierre Brissot du 20 janvier 1792

4 - Louis-Marie Prudhomme et Les Révolutions de Paris & la crise du sucre


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Le spectre de la guerre

illustration du Peuple mangeur de roi avec légende :
Statue colossale
du journal des Révolutions de Paris
pour être placée
sur les points les plus éminents de nos frontières


et révoltes populaires contre la vie chère

Quand Henri Guillemin dit haut et fort que la guerre n’est qu’en raison de la conjoncture économique et des caisses vides du royaume, il est difficilement récusable, mais une phrase d’Albert Mathiez vient remettre les choses à leur juste valeur : « La guerre fut jusqu’à un certain point économique ». Le premier trimestre de l’année 1792 débutait sur les chapeaux de roue, non seulement se profilait la guerre, mais de plus les prix des denrées explosaient, les salaires baissèrent, comprimés par la mise en oeuvre des assignats en petites coupures, les foyers de révoltes s'avéraient très nombreux et les émeutes dans les colonies étaient loin d’être éteintes.

Se surajoutèrent les crises politiques, jusqu’à un rapprochement entre Brissot et ses amis avec la Cour, avec la nomination à des portefeuilles clefs des ministres qui ne pouvaient être ni députés ou d’anciens mandants, selon la loi en vigueur. Dans la presse comme au couvent des Jacobins, les événements qui allaient intervenir furent plutôt absents ou sous-traités. Le décalage entre Paris et les régions s’affichaient au grand jour, le climat général restait tendu et Louis XVI faisait mine de prendre un nouveau parti pour échapper de nouveau aux colères. Un choix judicieux et malicieux, et par ailleurs, il mettait à jour un monde défendant la constitution monarchique et ses affres. Quand dans peu de mois la première République sera proclamée et engagera la rédaction de nouveaux textes. Jusqu'en 1799, ce sont 10.000 lois et décrets qui ont été pris, dont certains textes n'eurent aucune incidence ou furent difficilement applicables, ce qui renouait avec les législations du passé.

Il y avait de quoi se douter que cette année serait chargée, sa densité est étonnante, difficile de porter une analyse minutieuse et précise en tout point, si l’on ne cherche pas mois après mois, ce qui fait résonance. Il a été fait appel à des sources difficilement contestables et a appelé à de nombreuses vérifications. Notamment dans l’usage des noms, sources d’erreurs nombreuses en raison d’orthographies différentes et d’homonymies trompeuses. Si cela reste un travail détaillé pour sa partie chronologique - à un bémol près - elle ne rend pas suffisamment compte de ce qui se déroule en Province, et demanderait à changer l’angle de perception, qui pour point de départ reste la capitale et ses activités sociales, économiques et politiques.

Cependant et plus que jamais la question de l’étranger se portait au-devant de la scène, de quoi relativiser l’aspect franco-français de la Révolution, la Pologne coincée entre les trois ogres (autrichien, allemand et russe), vivait les derniers mois de sa révolution à la "Française". Après la Belgique en son nord, ou plus exactement le pays Brabant où se mélangeait aussi les Pays-Bas en son sud a vu sa révolution déjà étouffée. Pour autant la flamme n’était pas éteinte, et le mouvement a bien eu un caractère européen. D’ici quelques mois, cette propagation révolutionnaire servira de poudre à enflammer les Caraïbes ou les grandes et petites Antilles.

La situation intérieure depuis 1789 était à la limite du chaos ou toujours au bord de l’explosion sociale. Ce que le droit donne est aussi ce qu’il peut reprendre, et l’année 1791 est marquée par une insatisfaction plutôt générale face à certains reculs et divisions nées après le 17 juillet. A ce sujet, la loi martiale revint sans cesse sous le tapis dans les débats portés par la bourgeoisie jacobine, très légaliste? Oui, en partie, parce que les différents constats étaient sans appels et comme l’expliqua Brissot en janvier 1792, la nouvelle législature avait prêté serment et il osait
encore croire, que Lafayette ou bien le roi en acceptaient les règles, alors que tout démontrait le contraire. Mais à ce stade, personne ne savait ou presque les relations entretenues par le couple royal et son entourage avec les puissances étrangères.

L’autre versant et minoritaire à la chambre, les Jacobins versus brissotins jouèrent la règle commune et évitaient de parler de république et se ramasser les foudres des élus Feuillants ou de faire peur aux élus du marais. La menace d’une guerre formulée par Brissot l’an denier avait ouvert la voie d’un chemin sans retour. Et les Feuillants ne pouvaient deviner que se tramait leur mort politique à court terme, et la fin des fins de l’ancien régime. Et à dire, ou lancer des vivats pour la constitution chez les Jacobins, cela servit aussi de paratonnerre à leurs expressions publiques. Seuls les Cordeliers presque clandestins s’affichèrent clairement républicains, ou les premiers à en poser les bases dans les sections parisiennes. L’activité des sections et des clubs ou sociétés populaires dans la capitale allait en cette année ne faire plus qu’un. Toutefois, l'unaminité en politique est rare, et au titre des dits "Girondins" ou assimilés, Nicolas Condorcet en reprenant la constitution dans le texte à la fin de l'année 1791 se prononça contre la guerre, et il a été considéré comme un des premiers républicains français avec le journaliste Desmoulins. Condorcet rappelait les termes et son sens, et qu'au seul cas des frontières menacées par une puissance étrangère le recours à la guerre était possible.

Robespierre sur l’évocation de la république resta très prudent, voire muet sur le sujet. Bien que la population s’agitait à réclamer des prix justes et sans prises de bénéfices des agioteurs, nous parlons d’une guerre qui à force de l’évoquer et d’en user comme d’un effet de tribune, allait éclater en avril. Un objet que l’on dressait à la tête des diplomaties hostiles à toute revendication d’égalité allait finir pas se concrétiser. Surtout l’économie était chancelante, malade de ses dettes, la contestation sociale tourna de nouveau fin 1791 à l’orage et s'avéra puissante lors du premier trimestre avant que ne se produisit l’engagement dans un très long conflit. Ce fut un choix à l’aveugle, dans une préparation très relative ou quelque peu inégale dans la prise de conscience. Les plus hostiles furent les ministres Feuillants en charge du dossier militaire avant l’arrivée du ministre M. Servan, le 9 mai. Robespierre mis en minorité aux Jacobins sur l’idée d’une défense passive changea son fusil d’épaule, et se rallia peu à peu, mais lentement et des réticences à l’idée d’une mobilisation générale.

L’année 1792 commençait par deux conjonctures fortes, l’une purement politique et se déroula dans les clubs ou sociétés populaires sur fallait-il engagé un conflit armé? l’autre en regard d’une situation financière se dégradant depuis septembre 1791 poussa aux révoltes dans le pays. Le spectre de la faim, des salaires faibles ou soumis à l’inflation, plus l’augmentation des vivres étaient de retour comme en 1789. A l’Assemblée de bric et de broc, l’on essaya de préserver certains chantiers ou travaux de construction, la libéralisation économique ne fut pas pourvoyeuse d’emplois et les finances baissaient tout comme la valeur de la monnaie chuta, les indicateurs
étaient au rouge vif.

C’est l’année de tous les tournants, qu’il soit individuel, politique ou au sein de la population, les discours se durcirent, sauf au sein des dits "Girondins". La tendance de Jacques Pierre Brissot (ci-contre en portrait) chercha jusqu’au bout à négocier avec le roi, à trouver un compromis et se compromettait par ailleurs aux yeux des plus contestataires et désireux d’en finir avec la monarchie. Mais on ne peut pas dire, que les "Girondins" étaient tous à l’unisson, et le ton fut plutôt à la radicalisation, si l’on prend le cas de Condorcet au cours de l’année, tout comme les époux Roland. De plus, Pétion de Villeneuve se démarquait et en janvier il était plus proche de Robespierre que de son ami Brissot, du moins il servit de filtre et de temporisateur, et a eu surtout la gestion de la première commune de France.

Les phénomènes de flux et de reflux des opinions à l’égard du roi allait atteindre un seuil critique, le rejet dans la capitale fut sans égard pour ce pouvoir aux abois. Il faut pour cela pouvoir distinguer deux sujets : En premier - la question de la guerre. Elle fut âprement débattue au sein des Jacobins et faisait ricochet sur l’assemblée Législative et ses décisions.  En second - La question de la vie chère et à nouveau de fortes contestations populaires à Paris et sans effusion de sang, mais aussi dans l’hexagone, les colères éclataient en nombre, en particulier sur les bassins fluviaux et transporteurs de grains, mais pas seulement. Un département comme le Cantal ou la région du Quercy connurent au printemps 1792 des situations similaires à celle de 1789 avec des pillages de châteaux. Dans le Sud-est, Marseille fédérait les jacobins et les sociétés populaires régionales, et cette cité se porta aussi à l’avant-garde du mouvement révolutionnaire. L’on se mobilisa d’abord pour regagner du terrain sur les royalistes dans le Gard ou l’Ardèche. Chaque région a eu ses particularités et ses luttes intestines.

L’offensive contre cette frénésie guerrière fut menée par Maximilien Robespierre de décembre 1791 à la mi-février, 12 discours sur le sujet sur cette courte période. Il revint inlassablement dans ses interventions sur le sujet. Pas un discours n’échappait à des apports complémentaires et dans le cadre d’une stratégie concurrente à la ligne de Brissot. Il en vint à proposer l’armement de la population, il opina pour une mobilisation des citoyens de tout sexe avant tout engagement guerrier. Un principe de « bon sens » ; quand par ailleurs il dénonçait à tour de bras les intrigues et intrigants royaux ou du gouvernement. Qui envoyèrent, en la personne du ministre Valdec de Lessart (ou Delessart) aux Affaires étranges, au mois de décembre 1791 discuter avec les autorités anglaises, Charles-Maurice Talleyrand de Périgord, qui disposait à Londres d'un lieu de résidence. Et ces pourparlers visaient à créer les conditions d'une union avec les britanniques face aux puissances belliqueuses de l'Est européen, qui au final ne déboucha sur rien, malgré plusieurs semaines de négociations.

La position offensive et dominante de Brissot à l’Assemblée sur les bancs de gauche, tout comme au sein des « Amis de la Constitution, séante aux Jacobins », se démarquait des Feuillants, ce qui dénotait un débat pas toujours franc et restant dans des termes en apparence courtois. Car si, il existait une division face à la question d’un conflit militaire offensif, tous s’accordaient pour un temps qu’il n’y ait pas la guerre, ou qu’il était préférable de l’organiser comme le précisa, le président des séances du club parisien dès le début janvier, en la personne de Robespierre. Le tout en accord avec Collot-d’Herbois, Billaud-Varenne et Desmoulins, et avec Danton un court temps. Avant qu’il ne rejoignit les brissotins dans l’espoir d’une place de ministre, négocié par l’entremise de Camille Desmoulins auprès de la Cour. Celle-ci craignait les émois populaires et cherchait à gagner du temps. Les voltes faces furent nombreux et les stratégies divergentes, il était impossible de parler d’unité politique, ni même de cohérence dans aucune tendance, le tout s’adapta selon les ambitions à géométrie variable.

Cette spirale et course folle vers une fin possible de la Révolution dans un échec menaçait tout l’édifice et les premiers acquis en droit étaient de l’ordre du possible. L’armée vit ses derniers pans d’officiers légitimistes courir pour la défense des frontières, puis se rallier à l’ennemi, ou une fois le roi déchu. Toute l’organisation défensive du pays reposait sur des sables mouvants et comme nul ne connaissaient les vraies intentions de Louis XVI, le piège de la guerre aurait dû servir à lui rendre son pouvoir perdu. Il signa sans rechigner la déclaration, même avec l’avis défavorable de ses ministres Feuillants en charge des questions militaires, tout en appelant l’Autriche et la Prusse à sa rescousse.

La préoccupation de s’armer pour résister aux traîtres ou envahisseurs venait comme élément avant-coureur dans la société civile. Ce ne fut pas Robespierre qui l’initia, il ne fit qu’appuyer là ou cela faisait mal. L’indignation trouva sa source pour fait, que le pays puisse vendre des armes à l’étranger. Les manufactures tournaient à plein, sans fournir la moindre défense à ses populations. Les piques comme arme de défense a été une demande venue de la base citoyenne, cette base sociale n’était pas seulement clubiste, elle fut bien plus remuante ou insaisissable et en rapport avec le réel, et les discours pouvaient sembler lointains des préoccupations communes, ou de ce que l’on nomma le Peuple. C’est une donnée sociologique encore trop abstraite pour n’y voir qu’un seul élan, sauf à en gommer la multiplicité des approches. Et il est impossible de le traduire par des tendances, pouvant se faire ou se défaire au gré des conjonctures : le reflet de groupes ou cercles politiques fluctuants, plus ou moins opportunistes et surtout en des petits comités. Tous corrompus, non, mais il suffisait d’un fruit gâté dans le même panier pour transmettre les éléments d’un pourrissement général. Girondins comme Montagnards eurent leurs vertueux et des moins vertueux, et les entraînèrent les uns et les autres dans leurs chutes réciproques et futures.

En janvier, l'augmentation des prix de l’ordre de 30% enclenchait de nouveau des révoltes paysannes et urbaines. N’oublions pas que les salaires étaient bloqués et de plus on spéculait sur les réserves. L’accaparement des biens ou de ce qu’il faut pour vivre ne concordait pas avec ce régime pas vraiment libre de concurrence. Des prix fixés autour de bruits ou rumeurs ou ce que d’autres nomment de nos jours la confiance des marchés. Les assignats à l’étranger perdaient jusqu’à 60% de leur valeur et l’on continua, tout en brûlant une partie des titres d’hier à mettre encore plus de liquidité à disposition. Quand ce qui a fini par manquer furent les petites liquidités. De son côté, la demande populaire devint claire, elle voulue des prix fixes et ne voulait pas de cette liberté des marchés, où les denrées de base augmentaient quand les salaires stagnaient et l’emploi faisait figure d’objet rare ou insuffisant. Le taux d’activité dans tout l’hexagone était dans l’ensemble très faible et seuls des grands chantiers permettaient d’assurer de l’ouvrage à un grand nombre.

L’année 1792 fut une année politique de décomposition et de recomposition avant que ne surviennent les deux nouvelles grandes formations à la Convention : Girondins & Montagnards. L’on sait que c’est Jacques Brissot qui lança en avril le terme de Montagne aux Jacobins. Ces deux mots ont eu un caractère générique, ils désignaient deux groupes distincts, mais escamotaient la forêt des opinions ou des positionnements. Ces deux ensembles pourtant ne reflètent pas les nuances, quand il faudrait parler de tendance. Chaque camp politique disposa de plusieurs sensibilités, comme pareillement chez les Feuillants ou les légitimistes, ou fidèles à un ordre monarchique. Cet aspect très politique des choses ne simplifie pas la lecture ou la compréhension de la Révolution. Et n’aide pas vraiment à construire un récit, puisque nous touchons à des questions fonctionnelles.

Depuis le 18 juillet 1791 et le départ des amis de Lafayette pour les salles du couvent des Feuillants, les clubs Jacobins furent à l’origine de cette distinction entre les dits montagnards et girondins, mais la réalité sociale et politique ne fonctionnait pas dans cet ordre binaire. Chaque composante, si elle se situa à gauche de l’Assemblée, à la Législative les élus entraient plus dans un ordre social connu ou compréhensible, ou sans rapport entre la première chambre et la Constituante. Avec une droite royaliste et plus, et une gauche républicaine et moins (tous n’étant pas pour un renversement du roi), sauf que les républicains ont tous eu une conception propre et pas toujours en accord les uns entre les autres, de ce que pouvait être un régime sans monarque. La question sera tranchée à la fin de l’année, toute étape institutionnelle à sa nature propre.

L’Assemblée législative qui dura à peine 10 mois n’était pas encore représentative de toutes les sensibilités. Couthon a été un proche de Robespierre et siégea à se côtés. L’homme fort de la gauche parlementaire fut Brissot, élu de l’Eure et Loir et originaire de la région de Chartres, comme son ami Pétion de Villeneuve, devenu en novembre 1791, le nouvel édile de la capitale. Il exista une part idéaliste, voire naïve chez Jacques Brissot à croire que Lafayette et le roi étaient contrôlables, Jérôme Pétion, moins politique allait agir comme un pragmatique. Et il deviendra véritablement girondin, seulement quand il sera à la présidence de la Convention. Avant que le "girondisme" ne prenne forme, il est question de brissotins au Parlement mono-caméral (une seule chambre) et pour la salle des débats du couvent des Jacobins. Ses partisans allaient devenir majoritaire sur la question de la guerre, qui trouva plutôt un accueil favorable dans la population, peu consciente des orages à venir? La crédibilité du roi ne pesait plus très lourd à Paris, mais pas seulement, ce courant d’opinion se trouva assez partagé, et il était plus question de la prochaine fuite, que de savoir s’il y avait lieu de conserver un vieil ordre usé? La tentative qui visa à redorer les blasons de la Cour fut un piège que s’empressa d’ouvrir Louis XVI.

En début d’année, rien n’était joué et l’affrontement sur la question de la guerre était en route depuis décembre 1791 et tourna en une minoration des propos de  Robespierre et quelques manœuvres pour les déformer. L’homme d’Arras, s’il trouvait aux Jacobins quelques alliés et devait faire face à des débats houleux, il s’adapta et ne chercha pas la scission et fit des concessions, voire des retournements assez surprenants et se calquait sur des positions venues des Cordeliers, mais pas avant juillet 1792 et avec un certain décalage. Comme si le mouvement le devançait, plus qu’il n’a pu le stimuler ou le contenir?

Texte de Lionel Mesnard



Sur la crise des denrées coloniales de janvier 1792




Entreprise de fabrication  du sucre au XVIIIe siècle en Europe

La section des Gobelins devant l'Assemblée législative :

Le 23 janvier, elle accueillit une députation des citoyens et citoyennes de la section des Gobelins qui protestèrent avec violence contre les «accapareurs»:
« Représentants d’un peuple qui veut être libre, vivement alarmés des dangers énormes qu’entraînent les accaparements de toute espèce, les citoyens de la section des Gobelins, défenseurs de la liberté et exacts observateurs de la loi, viennent avec confiance dénoncer, dans votre sein, la cause effrayante du nouveau fléau qui nous menace de tous côtés, surtout dans la capitale et qui frappe plus particulièrement les indigents.

Cette masse précieuse de citoyens, digne de votre sollicitude paternelle, n’a-t-elle fait tant de sacrifices que pour voir sa subsistance dévorée par des traîtres? Ne serait-elle armée que pour protéger de vils accapareurs qui appellent la force publique pour défendre leurs brigandages? Qu’ils ne viennent pas nous dire que la dévastation de nos îles est la seule cause de disette des denrées coloniales. C’est leur agiotage insatiable qui renferme les trésors de l’abondance, pour ne nous montrer que les squelettes hideux de la disette.

Ce fantôme alarmant disparaîtra à vos yeux si vous faites ouvrir ces magasins immenses et clandestins établis en cette ville, dans les églises, les jeux de paume et autres lieux publics, à Saint-Denis, au Pecq, à Saint-Germain et autres villes avoisinant la capitale. Étendez vos regards paternels jusqu’au Havre, Rouen et Orléans, et vous acquerrez la certitude réelle que nous avons tous, que nos magasins renferment au moins pour quatre années de provisions de toutes espèces. Si vous différez de vous en assurer, vous devez craindre une disette réelle, et les transports journaliers de ces denrées aux pays qui nous les ont expédiées nous offrent maintenant l’idée monstrueuse du retour des eaux à leur source.

Nous entendons ces vils accapareurs et leurs infâmes capitalistes nous objecter que la loi constitutionnelle de l’État établit la liberté du commerce. Peut-il exister une loi destructive de la loi fondamentale qui dit, article 4 des Droits de l’Homme : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui », et article 6 : « La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à autrui? ».

Or, nous vous le demandons, législateurs, nos représentants, n’est-ce pas nuire à autrui d’accaparer les denrées de première nécessité pour ne les vendre qu’au prix de l’or? (Applaudissements dans les tribunes.) Et n’est-ce pas une chose criminelle et nuisible à la société de consentir à un emploi désastreux des remboursements faits mal à propos et injustement appliqués?

Quel scandale en effet de voir ces anciens magistrats de l’Assemblée constituante (Cette allusion à l’ancien député feuillant Dandré, qui avait de vastes magasins de denrées coloniales, est applaudie un peu par l’Assemblée et beaucoup par les tribunes), un de nos anciens représentants, coopérateur de la loi que nous venons invoquer, se déclarer sans pudeur aujourd’hui le chef des accapareurs et retenir la liberté du commerce dans les serres de ses misérables associés!

La suppression des entrées promettait un avenir heureux, elle nous découvrait la terre promise ; nous comptions y toucher : une tempête, soulevée par l’égoïsme et la cupidité, semble nous en écarter ; vous la dissiperez. Voilà le motif de nos réclamations. La fermeté des mesures que vous avez déjà prises contre les ennemis du dehors ne permet pas de douter que vous saurez distinguer et punir ceux du dedans. Nous vous les dénonçons comme les seuls que nous ayons à craindre!

Les citoyens de la section des Gobelins ne se sont pas, ainsi qu’on l’a dit dans cette assemblée, fait délivrer à un bas prix le sucre resserré dans une des propriétés nationales de son arrondissement. On a indiscrètement calomnié une section qui s’est fait un devoir sacré et saint d’obéir à la loi et de la maintenir. (Vifs applaudissements.)

Nous demandons que la municipalité soit autorisée par vos ordres à vouloir bien surveiller les magasins afin qu’ils ne puissent être enlevés et employés d’une manière coupable, et qu’ils puissent au moins soulager la peuple qui souffre assez depuis très longtemps par la cherté horrible où sont tous les comestibles de première nécessité. » (Applaudissements.)

Source :  
Histoire Socialiste , tome 2, la Législaltive, sous la direction de Jean-Jaurès. (Wikisource)


Extraits du discours de Maximilien Robespierre
sur la guerre ou la paix ?


Reproduction N&B - Maxilien Robespierre - Archives du  Pas-de-Calais
Prononcé à la Société des Amis de la Constitution (séante aux Jacobins), le 2 janvier 1792, l'an quatrième de la Révolution »

« Ferons-nous la guerre, ou ferons-nous la paix?
Attaquerons-nous nos ennemis, ou les attendrons-nous dans nos foyers? Je crois que cet énoncé ne présente pas la question sous tour, ses rapports et dans toute son étendue. Quel parti la nation et ses représentant doivent-ils prendre dans les circonstances où nous sommes, à l'égard de nos ennemis intérieurs et extérieurs? Voilà le véritable point de vue sous lequel on doit l'envisager, si on veut l'embrasser toute entière, et la discuter avec toute l'exactitude qu'elle exige. Ce qui importe, par-dessus tout, quel que puisse être le fruit de nos efforts, c'est d'éclairer la nation sur ses véritables intérêts et sur ceux de ses ennemis; c'est de ne pas ôter à la liberté sa dernière ressource, en donnant le change à l'esprit public dans ces circonstances critiques. Je tâcherai de remplir cet objet en répondant principalement à l'opinion de M. Brissot.

Si des traits généraux, si la peinture brillante et prophétique des succès d'une guerre terminée par les embrassements fraternels de tous les peuples de l'Europe sont des raisons suffisantes pour décider une question aussi sérieuse, je conviendrai que M. Brissot l'a parfaitement résolue ; mais son discours m'a paru présenter un vice qui n'est rien dans un discours académique, et qui est de quelque importance dans la plus grande de toutes les discussions politiques ; c'est qu'il a sans cesse évité le point fondamental de la question, pour élever à côté tout son système sur une base absolument ruineuse.

Certes, j'aime tout autant que M. Brissot une guerre entreprise pour étendre le règne de la liberté, et je pourrais me livrer aussi au plaisir d'en raconter d'avance toutes les merveilles. Si j'étais maître des destinées de la France, si je pouvais, à mon gré, diriger ses forces et ses ressources, j'aurais envoyé, dès longtemps, une armée en Brabant, j'aurais secouru les Liégeois et brisé les fers des Bataves ; ces expéditions sont fort de mon goût. Je n'aurais point, il est vrai, déclaré la guerre à des sujets rebelles, je leur aurais ôté jusqu'à la volonté de se rassembler; je n'aurais pas permis à des ennemis plus formidables et plus près de nous de les protéger et de nous susciter au-dedans des dangers plus sérieux. (Note : Il s'agit des rassemblements d'émigrés dans l'Evèché de Trêves. Le 14 décembre, le roi vint annoncer à l'Assemblée qu'il consentait à sommer l'Electeur de disperser ces rassemblements). » (…)

« Vous blâmez le ministre Montmorin qui a cédé sa place, pour attirer la confiance sur le ministre Lessart qui s'est chargé de son rôle! A Dieu ne plaise que je perde des moments précieux à instituer un parallèle entre ces deux illustres défenseurs des droits du peuple! Vous avez expédié deux certificats de patriotisme à deux autres ministres, pour la raison qu'ils avaient été tirés de la classe des plébéiens (Note : Cahier de Gerville, ministre de l'Intérieur, et Tarbé, ministre des Contributions et revenus publics.) et moi, je le dis franchement, la présomption la plus raisonnable, à mon avis, est que, dans les circonstances où nous sommes, des plébéiens n'auraient point été appelés au ministère, s'ils n'avaient été jugés dignes d'être nobles. Je m'étonne que la confiance d'un représentant du peuple porte sur un ministre que le peuple de la capitale a craint de voir arriver à une place municipale ; je m'étonne de vous voir recommander à la bienveillance publique le ministre de la justice (Note : Duport du Tertre.), qui a paralysé la cour provisoire d'Orléans, en se dispensant de lui envoyer les principales procédures; le ministre qui a calomnié grossièrement, à la face de l'assemblée nationale, les sociétés patriotiques de l'état, pour provoquer leur destruction; le ministre qui, récemment encore, vient de demander à l'assemblée actuelle la suspension de l'établissement des nouveaux tribunaux criminels, sous le prétexte que la nation n était pas mûre pour les jurés, sous le prétexte - qui le croirait ! - que l'hiver est une saison trop rude pour réaliser cette institution, déclarée partie essentielle de notre constitution par l'acte constitutionnel, réclamée par les principes éternels de la justice, et par la tyrannie insupportable du système barbare qui pèse encore sur le patriotisme et sur l'humanité; ce ministre, oppresseur du peuple avignonnais, entouré de tous les intrigants que vous avez vous-même dénoncés dans vos écrits, et ennemi déclaré de tous les patriotes invariablement attachés à la cause publique. Vous avez encore pris sous votre sauvegarde le ministre actuel de la guerre. Ah! de grâce, épargnez-nous la peine de discuter la conduite, les relations et le personnel de tant d'individus, lorsqu'il ne doit être question que des principes et de la patrie. Ce n'est pas assez d'entreprendre l'apologie des ministres, vous voulez encore les isoler des vues et de la société de ceux qui sont notoirement leurs conseils et leurs coopérateurs. » (…)

« D'abord, apprenez que je ne suis point le défenseur du peuple; jamais je n'ai prétendu à ce titre fastueux; je suis du peuple, je n'ai jamais été que cela, je ne veux être que cela; je méprise quiconque a la prétention d'être quelque chose de plus. S'il faut dire plus, j'avouerai que je n'ai jamais compris pourquoi on donnait des noms pompeux à la fidélité constante de ceux qui n'ont point trahi sa cause ; serait-ce un moyen de ménager une excuse à ceux qui l'abandonnent, en présentant la conduite contraire comme un effort d'héroïsme et de vertu? Non, ce n'est rien de tout cela; ce n'est que le résultat naturel du caractère de tout homme qui n'est point dégradé. L'amour de la justice, de l'humanité, de la liberté est une passion comme une autre; quand elle est dominante, on lui sacrifie tout; quand on a ouvert son âme à des passions d'une autre espèce, comme à la soif de l'or ou des honneurs, on leur immole tout, et la gloire, et la justice, et l'humanité, et le peuple et la patrie. » (…)

« Croyez-vous que le dessein de la cour soit d'ébranler le trône de Léopold et ceux de tous les rois qui, dans leurs réponses à ses messages, lui témoignent un attachement exclusif, elle qui ne cesse de vous prêcher le respect pour les gouvernements étrangers, elle qui a troublé par ses menées la révolution de Brabant (Note : Voir la séance de l’Assemblée  du 28 juillet 1790). Elle interdit aux troupes autrichiennes le passage sur le territoire français, mais les laissa occuper l'évêché de Bâle. D'autre part, elle refusa de communiquer avec les Etats Généraux de Belgique.), elle qui vient de désigner à la nation, comme le sauveur de la patrie, comme le héros de la liberté, le général qui, dans l'assemblée constituante, s'était déclaré hautement contre la cause des Brabançons? (Note : Lafayette). Cette réflexion me fait naître une autre idée; elle me rappelle un fait qui prouve peut-être à quels pièges les représentants du peuple sont exposés. Peut-être est-il étonnant que dans le temps où on parlait de guerre contre des princes allemands, pour dissiper des émigrants français, on se soit hâté de rassurer, par un décret, le chef du corps germanique, contre la crainte de voir se rassembler sur nos frontières les Brabançons, qui viennent chercher un asile parmi nous (Note : Décret du 21 décembre 1791). » (…)

« Il résulte de ce que j'ai dit plus haut, qu'il pourrait arriver que l'intention de ceux qui demandent et qui conduiraient la guerre ne fût pas de la rendre fatale aux ennemis de notre révolution, et aux amis du pouvoir absolu des rois : n'importe, vous vous chargez vous-même de la conquête de l'Allemagne, d'abord; vous promenez notre armée triomphante chez tous les peuples voisins; vous établissez partout des municipalités, des directoires, des assemblées nationales, et vous vous écriez vous-même que cette pensée est sublime, comme si le destin des empires se réglait par des figures de rhétorique. Nos généraux, conduits par vous, ne sont plus que les missionnaires de la constitution ; notre camp qu'une école de droit public ; les satellites des monarques étrangers, loin de mettre aucun obstacle à l'exécution de ce projet, volent au-devant de nous, non pour nous repousser, mais pour nous écouter. » (…)

« L'exemple de l'Amérique, que vous avez cité, aurait-il suffi pour briser nos fers, si le temps et le concours des plus heureuses circonstances n'avaient amené insensiblement cette révolution? La déclaration des droits n'est point la lumière du soleil qui éclaire au même instant tous les hommes; ce n'est point la foudre qui frappe en même temps tous les trônes. Il est plus facile de l'écrire sur le papier ou de la graver sur l'airain, que de rétablir dans le cœur des hommes ses sacrés caractères effacés par l'ignorance, par les passions et par le despotisme. Que dis-je? N'est-elle pas tous les jours méconnue, foulée aux pieds, ignorée même parmi vous qui l'avez promulguée? L'égalité des droits est-elle ailleurs que dans les principes de notre charte constitutionnelle? Le despotisme, l'aristocratie ressuscitée sous des formes nouvelles, ne relève-t-elle pas sa tête hideuse? N'opprime-t-elle pas encore la faiblesse, la vertu, l'innocence, au nom des lois et de la liberté même? La constitution, que l'on dit fille de la déclaration des droits, ressemble-t-elle si fort à sa mère? Que dis-je? Cette vierge, jadis rayonnante d'une beauté céleste, est-elle encore semblable à elle-même? N'est-elle pas sortie meurtrie et souillée des mains impures de cette coalition qui trouble et tyrannise aujourd'hui la France, et à qui, il ne manque, pour consommer ses funestes projets, que l'adoption des mesures perfides que je combats en ce moment ? Comment donc pouvez-vous croire qu'elle opérera, dans Je moment même que nos ennemis intérieurs auront marqué pour la guerre, les prodiges qu'elle n'a pu encore opérer parmi nous ? » (…)

« Le vrai moyen de témoigner son respect pour le peuple n'est point de l'endormir en lui vantant sa force et sa liberté, c'est de le défendre, c'est de le prémunir contre ses propres défauts; car le peuple même en a. Le peuple est là, est dans ce sens un mot très dangereux. Personne ne nous a donné une plus juste idée du peuple que Rousseau, parce que personne ne l'a plus aimé. « Le peuple veut toujours le bien, mais il ne le voit pas toujours ». Pour compléter la théorie des principes des gouvernements, il suffirait d'ajouter : les mandataires du peuple voient souvent le bien; mais ils ne le veulent pas toujours. Le peuple veut le bien, parce que le bien public est son intérêt, parce que les bonnes lois sont sa sauvegarde : ses mandataires ne le veulent pas toujours, parce qu'ils veulent tourner l'autorité qu'il leur confie au profit de leur orgueil. Lisez ce que Rousseau a écrit du gouvernement représentatif, et vous jugerez si le peuple peut dormir impunément. Le peuple cependant sent plus vivement, et voit mieux tout ce qui tient aux premiers principes de la justice et de l'humanité que la plupart de ceux qui se séparent de lui ; et mon bon sens à cet égard est souvent supérieur à l'esprit des habiles gens; mais il n'a pas la même aptitude à démêler les détours de la politique artificieuse qu'ils emploient pour le tromper et pour l'asservir, et sa bonté naturelle le dispose à être la dupe des charlatans politiques. Ceux-ci le savent bien, et ils en profitent. » (…)

« Bientôt quiconque a des talents avec des vices lui appartient; il suit constamment un plan d'intrigue et de séduction; il s'attache surtout à corrompre l'opinion publique; il réveille les anciens préjugés, les anciennes habitudes qui ne sont point encore effacées; il entretient la dépravation des moeurs qui ne sont point encore régénérées; il étouffe le germe des vertus nouvelles, la horde innombrable de ses esclaves ambitieux répand partout de fausses maximes ; on ne prêche plus aux citoyens que le repos et la confiance ; le mot de liberté passe presque pour un cri de sédition; on persécute, on calomnie ses plus zélés défenseurs; on cherche à égarer, à séduire, ou à maîtriser les délégués du peuple ;    des hommes usurpent sa confiance pour vendre ses droits, et jouissent en paix du fruit de leurs forfaits. Ils auront des imitateurs qui, en les combattant, n'aspireront qu'à les remplacer. Les intrigants et les partis se pressent comme les flots de la mer. Le peuple ne reconnaît les traîtres que lorsqu'ils lui ont déjà fait assez de mal pour le braver impunément. A chaque atteinte portée à sa liberté, on l'éblouit par des prétextes spécieux, on le séduit par des actes de patriotisme illusoires, on trompe son zèle et on égare son opinion par le jeu de tous les ressorts de l'intrigue et du gouvernement, on le rassure en lui rappelant sa force et sa puissance. Le moment arrive où la division règne partout, où tous les pièges des tyrans sont tendus, où la ligue de tous les ennemis de l'égalité est entièrement formée, où les dépositaires de l'autorité publique en sont les chefs, où la portion des citoyens qui a le plus d'influence par ses lumières et par sa fortune est prête à se ranger de leur parti. » (…)

« J'ai dévoilé une partie des projets de nos ennemis; car je ne doute pas qu'ils ne recèlent encore des profondeurs que nous ne pouvons sonder; j'ai indiqué nos véritables dangers et la véritable cause de nos maux : c'est dans la nature de cette cause qu'il faut puiser le remède, c'est elle qui doit déterminer !a conduite des représentants du peuple. Il resterait bien des choses à dire sur cette matière, qui renferme tout ce qui peut intéresser la cause de la liberté; mais j'ai déjà occupé trop longtemps les moments de la société : si elle me l'ordonne, je remplirai cette tâche dans une autre séance. »

Source :
Les
Oeuvres de Robespierre, pages 74 à 92, tome VIII, Discours d’octobre 1791 à septembre 1792. L’Edition est sous la direction de Marc Bouloiseau, Georges Lefebvre et Albert Soboul et le concours du CNRS (PUF 1954 ). Le discours s’y trouve en entier et annotés par les auteurs.


Sur la nécessité de la guerre



Troisième discours - Prononcé à la société des Amis de la Constitution,
séante aux Jacobins, le 20 janvier 1792
 
Jacques-Pierre Brissot


« MESSIEURS,

CONVAINCU que la discussion engagée, tant à l'Assemblée nationale, que dans cette société, avait éclairé au plus haut degré la question de la guerre, je n'imaginais pas qu'en reproduisant les mêmes arguments, on me forcerait encore à reparaître sur l'arène. J'aurais dédaigné et les sophismes et les insinuations dans la bouche des partisans du ministère; mais c'est un patriote, c'est un frère qui demande des éclaircissements, et c’est un devoir pour moi de les donner. Je le remplirai avec cette décence convenable à tout homme qui se respecte lui-même et respecte la société devant laquelle il parle.

Je ne répéterai point ici les arguments que j'ai développés avant-hier à l'Assemblée nationale, parce que mon discours doit vous être distribué dans votre prochaine séance. Je vous dirai seulement que je m'y suis attaché à prouver deux points importants.
I°, Que l'empereur était en état d'hostilité ouverte envers la France, et qu'il était autant de notre sûreté que de notre dignité de l'attaquer, s'il ne nous donne pas une satisfaction telle qu'elle dissipe toutes nos inquiétudes.

2°, Que l'empereur avait violé constamment le traité du premier mai 1756, qu'il fallait se hâter de le rompre, puisqu'il était onéreux à la France sous tous les points de vue et que, surtout, il était impossible de conserver la liberté de la France, tant que ce traité subsistera.
Je viens maintenant aux arguments qui m'ont été faits dans cette tribune par M. Robespierre, et que je n'ai pas encore réfutés.

La question qui nous divise peut-être réduite à des termes bien simples, et je copie ceux mêmes de mon adversaire: Quel parti, a-t-il dit, devons-nous pendre dans les circonstances où nous sommes?

Pour-nous déterminer sur ce parti, il faut connaître ces circonstances. Or, nous sommes dans des circonstances hostiles, offensives ; donc il faut, je ne dis pas attaquer, mais nous défendre et comme en nous défendant, il nous convient mieux de faire du pays ennemis,. plutôt que du nôtre, le théâtre de la guerre, donc il faut sa hâter de la porter au-delà du Rhin. Osera-t-on nier ces circonstances hostiles Niera-t-on que les émigrants étaient parvenus à rassembler des forces à Worms, à Coblentz? à les armer, à les approvisionner? Niera-t-on qu'ils nous menaçaient d'une prochaine invasion? Niera-t-on que les électeurs leur prêtaient non seulement un asile, mais des secours considérables, qu'ils en tiraient encore des divers princes qui ont intérêt à entretenir le feu de la discorde au sein dé la France?

Dès lors ne devient-il pas d'une absolue nécessité que, pour faire cesser ces rassemblements, ces menaces, ces hostilités prochaines, la France déployât ses forces et menaçât à son tour d'écraser, ses imprudents voisins?  Elle a réussi, les rassemblements sont dissipés; le succès a prouvé la bonté de cette opération, et la fermeté que la France a développée dans cette opération, en étonnant l'Europe, a convaincu les peuples et les souverains, que la France n'était pas sans moyens, qu'elle n'était pas réduite à l'impuissance par l'anarchie, comme ses détracteurs le répètent partout. Mais la France ne perdrait-elle pas tout le fruit qu'elle doit attendre de ce grand développement, si elle s'arrêtait dans sa carrière, et si, après avoir effrayé les petits princes qui osaient l'insulter, elle ne prenait pas la même altitude vis-à-vis des grandes puissances qui stimulaient sourdement les électeurs?

L'empereur est à la tête. Il a montré son inimitié pour la nation française, et en refusant d'abord de dissiper les rassemblements, et en promettant des troupes aux électeurs, et surtout en excitant, en concluant une ligue contre la France avec diverses autres puissances ; cette ligue est prouvée par ses lettres, par une circulaire, par divers traités, par les notifications qui en ont été faites à la diète de Ratisbonne. Il est dés lors en état d'hostilité contre la France.

Maintenant ne serait-il pas insensé de rester tranquille sur la défensive de laisser se former tranquillement au-dehors cette coalition couronnée, de lui laisser rassembler ses forces, pour tomber sur nous au moment qui lui conviendrait le mieux ? Je ne cesserai de répéter ce dilemme auquel on n'a pas encore répondu.

Ou l'empereur veut nous attaquer, ou il ne veut que nous effrayer. S'il veut nous attaquer, il est de la démence de ne pas le prévenir, puisqu'en le prévenant nous avons mille avantages, puisqu'en l'attendant, nous les perdons tous.

Si l'empereur veut seulement nous effrayer, c'est pour nous forcer à dissiper des sommes énormes dans des préparatifs et des armements qui nous épuisent ; c'est pour nous laisser un éternel sujet d'inquiétude, entretenir l'espoir des mécontents, et par conséquent le désordre, et par conséquent amener la banqueroute, etc.

Dans ce cas, le bon sens ne dit-il pas qu'il faut mettre fin à ce jeu ruineux, qu'une guerre ouverte serait moins dangereuse, moins coûteuse, que ces préparatifs de guerre? Donc il faut ou exiger de l'empereur une satisfaction telle que nous puissions être tranquilles, que nous puissions désarmer, ou il faut l'y forcer par les armes.

Que répond-on à ce dilemme pressant? La cour de France veut la guerre, et il faut se délier de ses vues secrètes.

- Et je dis, moi, messieurs, la cour ne veut pas la guerre. Je l'ai dit, le jour même où le roi prononçait son fameux discours du 14 décembre ; tout cet étalage ne m'a point séduit; j'ai dès lors prévu qu'au 15 janvier, il n'y aurait pas de proposition de guerre. J'ai persisté dans ma prédiction, quoi que tous les ministériels semblassent s'être donné le mot pour emboucher la trompette guerrière, et ma prédiction s'est vérifiée; car vous avez vu, messieurs , le ministre des affaires étrangères vous apporter des lettres calmantes qui annonçaient la soumission des électeurs. - Vous l'avez vu publier une proclamation qui manifeste ses craintes sur une agression imprévue. - Vous l'avez entendu, dans son dernier discours, prêcher la paix…

Nouveau stratagème! s'écrie-t-on, la cour veut toujours la guerre; mais elle change de marche, pour vous la faire mieux adopter. Mais ce stratagème serait inutile, serait même stupide ; car, si la cour veut la guerre, pourquoi le roi ne vient-il pas en faire la proposition à l'assemblée nationale?

J'ose assurer que les deux tiers de cette assemblée accueilleraient avec transport cette proposition. Comment donc, puisque la cour est sûre de faire, est sûre d'avoir la guerre quand elle le voudra, comment aurait-elle la démence de prendra une route longue, tortueuse, incertaine? Comment feindrait-elle de ne la pas vouloir, pour nous la faire vouloir, lorsque nous la voulons, lorsque le vœu général était bien prononcé? Comment dédaignerait-elle de profiter du fruit de ses manœuvres lorsque ce trait est dans ses mains. Comment en éloignerait elle le moment? Comment les membres de l'assemblée qui lui sont dévoués viendraient-ils combattre la guerre même qu'elle désire ?

Allons plus loin, et voyons si les autres actes de la cour prouvent qu'elle veut la guerre. Si le roi veut la guerre, que doit-il faire? Multiplier tous les moyens qui peuvent la rendre nécessaire.

Ainsi, puisqu'on suppose qu'il est de concert avec les réfugiés de Coblentz, avec les électeurs, avec l'empereur, comment ne les a-t-il pas prié secrètement de ne pas dissiper les rassemblements, de continuer les exercices militaires, de vexer les Français, d'insulter leur territoire? Par quelle démence allie-t-il ces contradictions? Il veut la guerre, il est de concert avec les électeurs! et ces électeurs dissipent les rassemblements, chassent les émigrés, donnent satisfaction à la France y et ôtent tout prétexte de guerre au roi, qui la veut ; de concert avec eux! Il veut la guerre, et l'empereur, son beau-frère, son soutien secret, qui doit la vouloir avec lui, la faire pour lui , qu~ devrait profiter de tous les prétextes pour la faire déclarer, hâter les préparatifs, faire marcher ses, troupes; cet empereur force les électeurs à dissiper les rassemblements, laisse ses troupes dans l'inaction, ne fait aucun mouvement, va de lui-même au-devant de la paix ! N'existe t-il pas une contradiction évidente entre la volonté de la guerre, qu'on prête au roi, et ses actions ? N'est-il pas ici un mystère qu'il est impossible de résoudre dans, le système de mon adversaire?

Au contraire, tout ce mystère s'explique aisément dans le mien : Ni la cour de France, ni l’empereur, ne veulent la guerre, ils ont voulu seulement nous effrayer. Ils ont dû, pour nous effrayer, nous la proposer avec éclat ; ils ont dû la proposer, pour exciter des défiances dans l'esprit des patriotes éclairés ; ils ont dû la proposer, pour se populariser parmi les troupes. Ils doivent aujourd'hui changer de langage, parce qu'ils sont prêts d'être pris au mot; ils doivent- en changer, parce que la guerre ne leur convient point ; et c'est ce, qu'il est facile de démontrer.

Léopold ne doit pas la vouloir ; dix volcans sont allumés sous ses pas ; une étincelle peut, les embraser tous à la fois. La cour de France elle-même doit redouter l'issue de cette guerre; c'est le triomphe de l'aristocratie et de Léopold qui lui convient. Et ce triomphe est incertain ; elle voit que les armées de Léopold sont insuffisantes pour ses propres besoins que ses finances sont délabrées ; que sa volonté est chancelante; elle sait que les princes confédérés n'ont ni la puissance, ni les moyens, ni la bonne foi nécessaires pour assurer le succès de cette coalition commencée. La cour sait qu'elle a un appui certain dans Léopold ; mais elle sait aussi qu'il est impossible de calculer les effets de la guerre, les effets d'un embrasement universel. Elle voit en frémissant qu'au premier coup de canon, le Brabant peut s'ébranler et renverser sont ancien régime, elle sait que Vienne mécontente peut profiter de ce moment pour manifester son mécontentement ; et qui répond à notre cour que le trône de Léopold n'en sera pas renversé?

Qui lui répond que l'audace des troupes françaises s'arrêtera à son gré? Qui lui répond que les Français ne franchiront pas les bornes qu'elle leur posera? Qui lui répond que, quand les Français le respecteraient, les étrangers n'osassent pas l'outrepasser? Quand Louis XVI assembla les notables, prévoyait-il la chute de la Bastille? Quel est donc le mortel auquel il est donné de pouvoir lire dans l'avenir, et marquer à la révolution le temps et le pays où elle doit s'arrêter?

Les volcans sont préparés partout ; encore une fois il ne faut qu’une étincelle pour l'explosion universelle. Ce n’est pas au patriotisme à en craindre les suites y elle ne menace que les trônes. Les cours de l'Europe ne voient que trop bien les suites de la révolution Française ; elles voient bien que les rois sont mûrs, et leur politique doit être de retarder le moment où le fruit doit tomber. Or la guerre accélérerait ce moment, ils doivent donc l'éviter. Mais en même temps qu'ils sont forcés de l'éviter, ils doivent affecter de ne pas la craindre ; ils doivent affecter des hauteurs avec la France, chercher à la tracasser, semer la discorde dans son sein, l'épouvanter au-dehors par des ligues impossibles à réaliser ; et ils savent bien cette impossibilité; mais qu'importe? S'ils ont excité la terreur, ils auront réussi ; leur espoir a été déçu.

Cette manœuvre a été sans succès, et pourquoi? Parce que les rois ont mal jugé la France et l'esprit de la liberté. Ils ont cru, d'après des journaux aristocratiques (et ils ne lisent que ceux-là), d'après les récits mensongers de vils flatteurs, que la France était sans soldats, sans argent, sans moyens, et ils l'ont insultée avec éclat ; ils ont cru que la France était dirigée par une poignée de factieux, et cette poignée est composée de 25 millions d'hommes ; ils ont cru que l'amour de la liberté n'était qu’un vain mot, qu'il céderait à la crainte, et ils ont insulté à cet esprit de liberté.

Repoussés avec fermeté, les voilà forcés de. rétrograder, forcés de rendre hommage à votre indépendance , d'obéir à vos réquisitions. Que voyez-vous dans cette conduite? Ineptie et châtiment à côté de l'insolence ; fermeté et succès à côté de la justice. Je vous l'ai déjà dit, messieurs, qu'importe à une grande nation les petits calculs de quelques individus P., que lui importe de savoir ce; qu'ils veulent ou ce qu'ils ne veulent pas ; de connaître tous les fils des intrigues qui agitent leurs cabinets, toutes les passions des scélérats ou des femmes corrompues qui les dirigent ? Une grande nation ne doit avoir sous les yeux que deux grands objets, les principes et la force.

Cependant je dois résoudre une objection qui m'a été faite.

Si les cours de France et de Vienne, m'a-t-on dit, ne veulent pas la guerre à présent, c'est qu'elles ne sont pas préparées ; elles ne la veulent que pour le printemps. - J'y consens ; mais qu'en conclure? Qu’il faut la faire à présent. Nous sommes sûrs du succès, en attaquant les premiers; tous les avantages nous attendent sur le terrain ennemi ; tous les désastres nous suivront dans nos foyers : aussi, messieurs, tout,ce qu'on peut dire sur cette question, peut se réduire à ce triple point de vue : - ou l'Empereur veut la guerre, ou il ne la veut qu'au printemps , ou il ne la veut pas du tout.

S'il la veut, il faut le prévenir ; s'il ne la veut qu'au printemps prochain, il faut encore hâter de le prévenir i s'il ne la veut pas du tout, il faut le forcer, en la lui déclarant, à nous donner toutes les satisfactions qui peuvent dissiper nos inquiétudes, et nous mettre à portée de terminer cette guerre de préparatifs. Donc, dans tous les cas, la guerre est nécessaire.

On voit maintenant que nous ne sommes pas libres de vouloir ou de ne pas vouloir la guerre. Elle n'est pas offensive de notre part, car nous sommes attaqués ; notre sûreté est en danger, si la ligue se réalise; et si elle ne se réalise pas, elle nous cause des inquiétudes dispendieuses. On a prétendu qu'il valait mieux avoir cette guerre au-dedans de la France qu'au-dehors. C'est dire qu’il vaut mieux avoir chez soi le feu, la peste, et tous les maux possibles, que de les prévenir, et de les repousser chez ses ennemis ; c'est oublier ce qu'on doit à ses concitoyens des frontières, sur la tête desquels on appelle toutes ces calamités.

On a dit qu'on voulait bien la guerre, mais la guerre du peuple, et non pas la guerre des armées soldées. Cette idée est grande, mais est-elle exécutable, est-elle salutaire au peuple? C'est dire qu'on veut arracher tout le peuple à ses foyers, à ses affaires ; c'est dire qu'on a partout des moyens pour l'alimenter et l'armer ; c'est dire qu'on a besoin de cette croisade innombrable de millions d'hommes pour repousser quelques milliers d'hommes ; c'est dire qu'avec une foule d'hommes courageux, mais qui n'ont pas l'habitude des armes, qui n'ont pas de chefs expérimentés, on est plus sûr du succès qu'avec des troupes disciplinées, armées, habituées à la fatigue ; c'est, en un mot, envoyer le peuple à la boucherie. J'ai comme tout autre, admiré l'apostrophe de M. Robespierre ; mais je lui dirai, d'après lui-même, que le destin des empires ne se règle pas d'après des figures de rhétorique.

Le pouvoir exécutif, chargé de diriger la guerre, épouvante: on voudrait l’avoir hors de ses mains. Certes, les craintes qu'on a du pouvoir exécutif sont en général bien fondées ; elles tiennent, à sa nature, à sa formation. Le peuple n'a point de prise sur le ministère, et c'est un vrai crime dans ceux qui ont révisé la constitution d'avoir ôté au peuple son influence à cet égard ; ils ont, dans cette partie , semé l'anarchie , semé les défiances. Cependant cette constitution est jurée , il faut lui obéir: elle met dans la main du roi la direction de l'armée ; elle doit y rester , mais en la surveillant, mais en éclairant tous ses faits. Il faut donc que l'armée soit organisée suivant les décrets, se conforme à la discipline décrétée, obéisse aux généraux nommés par le roi. Il faut, ou marcher ainsi, ou briser la constitution.

On a dit et répété que la guerre mettrait dans la main du pouvoir exécutif de grandes forces, qu'il pourrait en abuser. Et j'ai déjà répondu qu'on insultait à nos soldats, à nos volontaires nationaux. J'ai répondu que la cour pourrait séduire quelques généraux, quelques officiers, mais qu'elle ne séduirait pas les soldats, nos gardes nationales. J'ai cité Bouillé, désertant seul, Arnold, désertant seul. J'ai dit que les grandes trahisons étaient désormais impossibles, et j'aime à croire que les terreurs de M. Robespierre seraient désavouées dans nos camps.

On a dit qu'on voulait cantonner et camper les soldats pour les ramener plus facilement à l’idolâtrie pour le chef suprême de l'armée. Et ces camps sont formés depuis longtemps, et cette idolâtrie ne se manifeste point, et ceux qui ont visité les camps savent que le soldat aime la liberté, la révolution par dessus tout. Et ceux qui connaissent l'effet rapide des progrès de la raison, l'influence des papiers et de l'opinion publique qui s'éclaire chaque jour, voient que cette idolâtrie pour un homme touche bientôt à son terme.

On nous a dit qu'il valait mieux, au lieu de s'occuper de guerre, remettre l'ordre dans l'intérieur, éclairer les finances, etc. etc. Et tous ces lieux communs étaient et sont encore aujourd'hui précisés par le ministère. Il nous a aussi observé avant-hier, que la guerre la plus heureuse entraînait les plus grandes calamités. Il est très singulier de voir aujourd'hui M. Robespierre, marchant sur la même ligne que le ministère, soutenir cependant qu'il est en sens inverse, et prétendre que ceux-là seuls le soutiennent qui le combattent.

Comme M. de Lessart, il nous dit : ce que répondrez-vous au pouvoir exécutif quand il vous dira, quand il vous prouvera, par des actes authentiques, que les princes ont dissipé les rassemblements. Quel prétexte légitime vous reste-t-il pour faire la guerre? Certes, nous n'accuserons pas, malgré ces rapprochements, M. Robespierre d'être de concert avec le ministère; mais qu'il veuille bien croire au moins que ce concert n'existe pas entre ce ministre et ceux qui le combattent ouvertement, qui dénoncent avec vigueur les vices et les abus de son administration. Cette idée me ramène à quelques insinuations sur la pureté de mes intentions, qui déparent les discours de M. Robespierre. Elles lui sont étrangères, j'aime à le croire ; car je l'ai vu, j'ai connu son âme, et la méchanceté n'en approcha jamais. S'il existe des poisons déguisés dans ses discours, je ne les attribuerai qu'aux suggestions d'hommes contre lesquels il n'est pas assez armé de défiance.

M. Robespierre, se flatte de pouvoir prononcer avec liberté sur les ministres, parce qu'il ne spécule ni pour lui, ni pour ses amis. Et moi aussi, je puis prononcer librement ; car non seulement je ne spécule point sur le ministère, mais j'ai renoncé même à toute espèce de commerce avec les hommes que j'avais connus avant leur élévation au ministère. Si, au milieu des confidences de l'amitié, j'ai pu quelquefois laisser entrevoir le vœu que je formais de voir élever au ministère des patriotes éclairés, ce vœu est-il donc un crime si grand, qu'il fallut violer les épanchements de l'amitié, et le dénoncer avec éclat? Devons-nous donc être condamnés à n'avoir jamais que des ministres ignorants ou corrompus? Veut-on donc condamner le gouvernement à une inaction éternelle, et le peuple français à sa ruine? Car tel est le point où nous mènent ceux qui ne veulent pas voir élever des patriotes au ministère. Quoi ! si la cour balançait entre un Jacobin et un modéré, ce serait un crime que de désirer de voir pencher la balance pour notre frère, et surtout pour un homme qui a rendu les plus grands services à la cause de la liberté!

Un patriote élevé au ministère, ou soutient la cause du peuple, ou la trahit ; s'il la soutient, il contribue à la prospérité publique; s'il la trahit, l'opinion publique n'est-elle pas là pour le dénoncer?

M. Robespierre me reproche encore d'avoir expédié des brevets de patriotisme à deux ministres. Il m'a mal lu ; j'ai dit qu'un ministère plébéien devait se combiner avec les patriotes pour écraser les aristocrates et avec les modérés, pour écraser les patriotes. Quel brevet de patriotisme! Partant de cette supposition, il s'écrie : comme les routes du patriotisme sont devenues, pour M, Brissot, douces et riantes!

Libelles, menaces, poignards, et ce qui est plus douloureux encore, attaques obliques, de l'amitié surprise, voilà les fleurs qui ornent la route que je parcours. L'insinuation est l'arme des méchants ; elle ne convient donc point à un patriote. Si j'ai dévié des principes , si je suis coupable, que M. Robespierre articule un fait positif ; je l’en somme lui et tous ceux qui m'entendent. J'ai ma conscience pour moi; elle seule m'a soutenu dans tous les combats que j'essuie depuis quelque temps; mais je l'avoue, cette consolation m'abandonne, en me voyant, non pas ouvertement déchiré, mais effleuré avec un air de mystère, par un homme qui a droit à l'estime publique. Il ne cesse depuis quelque temps de vous annoncer la révélation de grandes, conspirations.

Qu'il ose enfin soulever le voile ; qu'il éclaire de grands jours ces noirs complots; qu'il ose dire si j'y trempe, me voilà prêt à répondre ; qu'il cesse enfin de faire errer le glaive des dénonciations sur un homme qui comme lui, à le droit de se dire : integer vitae scelerisque purus (L’homme dont la vie est pure tiré d’une ode d’Horiace). Oui, messieurs, cette tête est comme la sienne l'exécration des partisans de la tyrannie ; elle doit tomber avec la liberté, car les tyrans, ne pardonnent point aux hommes à principes, parce que ces hommes sont invariables… Mais je rougis de me traîner si longtemps sur des dénonciations.

Cependant je dois dire un mot du crime capital qui me parait avoir le plus violemment excité la haine de mes adversaires ; c'est de ne pas déchirer chaque jour et le roi et ses ministres, et les généraux, et surtout M. Lafayette, Messieurs, la dénonciation m'a toujours paru une arme trop précieuse pour la prostituer à chaque minute. Les sauveurs des ministres sont précisément leurs éternels dénonciateurs ou ceux qui les dénoncent sans preuves.

Faits importants, preuves irrésistibles, voilà ce que j'ai toujours cru essentiel de réunir en dénonçant les ministres. Depuis mon entrée à la législature, j'ai prononcé huit discours; qu'on m'en cite un seul où je n'aie pas énergiquement démasqué les intrigues, les abus, les divers ministres! A-t-on depuis détruit un seul fait? Qu'on lise ma dénonciation sur les colonies ; et les colons et leurs protecteurs les ministres ont-ils osé répliquer? C’est ainsi messieurs, qu’on honore, qu'on rend utiles les dénonciations. Ah ! défions-nous de ces hommes emportés, qui ne parlent que de poignards, de sang, de gibets, et pour les moindres fautes : ceux-la décrient et desservent le peuple, et fortifient la cause des ministres.

Voulez-vous connaître les signes auxquels on doit distinguer, parmi ces déclamateurs, les vrais amis du peuple de ses ennemis? De l'énergie, et point de fureurs; de la surveillance, et point de calomnie; des faits, et point d'hypothèse; des preuves, et non des soupçons; du caractère surtout, c'est-à-dire une forte persévérance dans un parti dicté par la raison seule; et ce mot vous apprendra à vous défier de ces hommes qui parcourent rapidement les extrêmes, brisent les statues qu'ils ont élevées, déchirent aujourd'hui ce qu'ils ont encensé la veille. Le vrai patriotisme n'a point cette légèreté ni ces inconséquences.

C'est d'après ces principes que j'ai dirigé ma conduite à l'égard de M. Lafayette. Je le voyais une fois tous les mois avant la St.-Barthélemy du 17 juillet; je le voyais, et, c'était pour soutenir en lui quelques souffles de la liberté, et c’était pour l'empêcher de se livrer aux séductions d'hommes qui avaient juré notre ruine. Le ciel m'est témoin que jamais je n'eus d'autres intentions; que jamais aucune vue intéressée ne flétrit mes démarches. Je l'ai vu surtout au moment où un événement inespéré pouvait imprimer à la constitution française un grand caractère qui lui manquait, le seul qui en aurait corrigé tous les défauts. Je croyais Lafayette assez grand pour s'élever à la hauteur de sa destinée, et assez fort pour nous élever à la nôtre. Il me le promit, il me trompa. J'ai rompu publiquement avec lui, et depuis je ne l’ai pat revu.

Lorsque quelque acte public l'a ramené au tribunal de l'opinion publique, je l'ai traité avec la justice qu'on doit à tout étranger ; il l'était, il le sera toujours pour moi. Depuis, il s'est retiré dans la solitude ; pourquoi aurais-je eu l’inhumanité de l'y poursuivre, le persécuter, alors qu'il n'était plus qu'un homme privé ? Il en sort, il est nommé; je ne fais qu'un voeu, c’est pour qu'il efface, par une conduite patriotique les taches qui ensanglantent sa vie politique. Est-ce donc là un voeu criminel? Il est vrai, j'avoue cette faute, je n'ai point envoyé dans son camp des brochures contre lui, je n'arme point ses soldats de poignards contre lui, je ne les excite point à la désobéissance. Les soldats sont nos frères, sont patriotes ; reposons-nous sur eux. Si Lafayette est traître, il sera bientôt démasqué et puni ; s'il sert bien sa patrie, n'est-ce pas un crime national que d'exciter ses, soldats à lui désobéir?

En voilà sans doute assez, messieurs, pour vous éclairer sur ma conduite et sur mes démarches, sur les principes qui me dirigent. Ce ne sont point des mots, ce sont des faits, écrits partout, répétés dans tous mes écrits, et dans ma conduite depuis quatre ans. Si je me suis trompé dans la question de la guerre, c'est au moins dans la droiture de mon âme ; j'aurai alors payé un tribut à la fragilité humaine ; mais je déclare qu’avant d'exposer mon opinion, j'ai pris toute.la précaution pour me garantir de l'erreur. J'ai étudié les meilleurs ouvrages, suivi les évènements avec constance. et je me rassure eu voyant que  les hommes, les plus célèbres, que les meilleurs patriotes partagent mon opinion; Si M. Robespierre ne tremble pas d'être presque seul de la sienne, comment serais-je timide en m'appuyant sur des colonnes aussi bien éprouvées ?

Les évènements arrivent à mon secours, les électeurs ont plié; l'empereur pliera, j'ose le prédire; donc on aura bien fait de déployer une , grande force pour le soumettre à reconnaître nos droits , et pour ôter cet appui aux mécontents. L'empereur pliera, et nous soumettrons de même tous ces vains potentats qui ont osé nous braver parce que nous étions désunis; et alors la prospérité accompagnant la paix, nous portera à ce degré d'élévation où tout peuple libre doit arriver infailliblement.

Maintenant, messieurs, je me suis expliqué, mon âme est satisfaite; elle ne conserve ni haine ni même de ressentiment. Je n'ai pu persévérer à haïr même les scélérats qui m'ont le plus déchiré ; comment haïrais-je un patriote que j'estime, qui n'est qu'égaré par des impulsions étrangères, et qui, j'aime à le croire, va s’empresser de terminer un combat scandaleux, et funeste à la cause de la liberté.

La société a arrêté l'impression de ce discours ; dans sa séance du 20 janvier 1792. Antonnelle, député à l'Assemblée nationale et président; Broussonnet et Albitte, députés; Boisguyon, Bancal, Al. Méchin et Rousseau, secrétaires.
»

Source : Troisième discours de J.-P. Brissot Sur le nécessité de la guerre - Gallica-BNF


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Louis-Marie Prudhomme,
et « les Révolutions de Paris »



& extraits de l'hebdomadaire du 21 au 28 janvier 1792
Journaliste et rédacteur en chef dans un périodique considéré comme l’un des titres de presse les plus radicaux de la première révolution et de la seconde pour l’année 1792, Louis Marie Prud’homme d’abord favorable a été plus tard un des contributeurs de la légende noire avec ses mémoires publiés en 1797. Néanmoins il faut le classer dans la catégorie des « patriotes » sincères, bien que ce registre soit assez flou pour y mettre toutes les parties en présence, des royalistes aux républicains. Son apport sur le comportement des Parisiens dans la crise du sucre et du café de la fin janvier 1792, qu’Albert Mathiez estima à une semaine sans pouvoir l’authentifier totalement, s’il y a bien eu pillage des entrepôts, il ne fut recensé aucun mort. Et l’on découvrait une facette des relations entre la population et les soldats relativement complices ou ces derniers comprenaient la grogne populaire et savaient y faire. Suivi de l’intervention du nouveau maire de Paris, le climat s’apaisa un temps.

Le cumule des tensions de 1790 et 1791 contre le camp des « démocrates » face aux mesures impopulaires imposa à la population de se taire et une censure des mots sous la menace de la loi martiale, trouvait à nouveau source avec cet événement sur plusieurs journées, et penser que l’économique tout comme les lois eurent peu de place dans les esprits, c’était faire fausse route. De quoi s’étonner du peu de place accordé à cette plume, non pas pour ses qualités littéraires, mais pour sa manière d’interpréter des faits, dont on présume sa présence sur les lieux ou ayant recueilli des témoignages. Prudhomme n’a pas été exempt des violences qui se produisirent en septembre, mais il participa de l’outrance des colères, et il ne fut pas le seul à y plonger. L’historien n’est pas juge et encore moins partie, même si les opinions sont vivaces, elles ne peuvent entrer que dans un cadre analytique. De plus ce mouvement concerna toutes les catégories de la population et l’on trouvait là une unité entre artisans et ouvriers qui ne fit aucun doute.

De la difficulté de pouvoir dire que tel personnage n’est pas à prendre en considération, les opinions peuvent changer, la facilité de vouloir mettre les uns et les autres dans des cases en oublierait le caractère très aléatoire des parcours de vie. Un élément des mythes, déjà constaté sur d’autres périodes historiques plus récentes, les « sans cases », ils sont souvent les plus nombreux et déroutants. Cela évite de chercher les pures et les impures, mais d’approcher mieux la vérité historique avec une somme de considération suffisamment large pour ne pas l’enfermer à son tour dans un préjugé idéologique.

Note de Lionel Mesnard


De par le peuple :
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Deux millions de sucre à vendre,
à 30 sous la livre (*)


Extraits de l'hebdomadaire du 21 au 28 janvier 1792, n°133
« Car il faut être de bon compte, est-il juste qu'une population laborieuse et indigente de 600 mille âmes le prive d'un comestible quelconque, parce qu'il plaira à une douzaine d'individus vindicatifs ou rapaces de fermer leurs magasins, ou de centupler leurs bénéfices? Et puisque ces propriétaires le mettant fans façon au-dessus des régies de l'honnêteté et des principes de l'humanité, peut-on avoir le courage de faire un crime au peuple de se placer un moment au-dessus des lois impuissantes de la société civile ? Quand un loup s’est glissé le long, d'une claie où sont parqués des moutons, le berger et le chien doivent-ils donc respecter dans la personne de ce loup le droit que tous les êtres ont de le fixer sur tel point du sol qui n'est point occupé avant eux? Le chien commence par étrangler le loup, si celui-ci persiste à guetter le moment de surprendre l'agneau imprudent ou sa mère, et le berger ne s'avise pas de dire au chien : pourquoi chasser ce loup ou lui faire du mal? La terre lui appartient comme à notre troupeau : quand nos moutons changeront de pâturages, s'il en étrangle quelques-uns, à la bonne heure ; mais jusque-là, il faut le laisser tranquille ; d'ailleurs, sa présence contient notre bétail et l'empêche de trop manger et de se donner une dysenterie. » (…)

  On veut nous donner de l'occupation dans nos propres foyers, et rompre cette unité qui jusqu’à présent, malgré quelques nuages, a régné entre les citoyens armés et ceux qui ne le sont pas; on cherche à nous rendre suspects    ceux de nos magistrats en qui nous avons le plus de confiance ; on désire amener le maire de Paris à la nécessité d'une proclamation de la loi martiale. Attendons-nous à voir succéder de nouveaux accaparements de bled à ceux de sucre et autres comestibles.  Le peuple lésé dans ses plus chers intérêts, et poussé à bout, on voudrait bien fournir au roi un nouveau prétexte pour fuir une cité où les droits d'asile et de propriété sont impunément violés.

Plusieurs jours avant l'incendie des prisons de la Force, l'inquiétude du peuple s'était déjà manifesté sur les accaparements du sucre ; il s'est permis quelques voies de fait,répréhensibles sans doute ; mais il faut être juste ; ces excès ne lui sont pas naturels. D'obscurs scélérats, lâchés au milieu de lui, l'aigrissent dans toutes les places publiques, en lui exagérant ses maux. On commence par gagner les femmes. Dès le samedi, plusieurs d'elles insultèrent quelques corps de garde ; elles y avouèrent que des gens, à elles inconnus, leur avaient monté la tête. Dimanche, vers la brune, il y eut, au faubourg Saint-Germain, de petits rassemblements d'hommes, la plupart armés d'un bâton ferré ; ils disparurent assez vite, à la vue des patrouilles. Le faubourg Saint-Marceau (ou Saint-Marcel) fit quelques mouvements qui n'eurent point de suite. La présence du maire leur fit bientôt convertir des murmures vagues en une adresse au corps municipal, et une pétition à l’assemblée législative.

Le peuple d'abord n'en voulait qu'aux dépôts de sucre venus à fa connaissance ; mais les accapareurs ayant profité de la nuit pour vider les lieux, la multitude le porta chez les épiciers les mieux approvisionnés. Le faubourg et la rue Saint-Antoine se remplirent de monde, visiblement mélangé d'individus suspects ; mais la majorité était de bonne foi. Les rues Saint-Martin et des Lombards parurent les principaux foyers de ce que les ennemis de l’ordre qualifièrent d'émeute populaire ; partout où la garde nationale et la gendarmerie montrait de la fermeté et de la douceur tout ensemble, il n'y eut point de voies de fait. Le peuple se paya les bonnes raisons qu'on lui administra, autrement qu'au bout des baïonnettes ; mais il résista aux menaces et aux gestes hostiles ; il donna à ce sujet une leçon un peu sotte au commissaire de la section des Gravilliers, et par contrecoup au commandant de bataillon de Saint-Nicolas-des-Champs.

Le commissaire voyant un rassemblement, réclama la loi ; mais en même temps il ordonna à la troupe de volontaires, dont il était accompagné de charger et faire feu. Les citoyens soldats n’en firent rien et la foule se dissipa; mais le commissaire ayant été reconnu le lendemain, rue du Cimetière Saint-Nicolas, on s'empara de sa personne; et déjà la corde fatale lui était jetée sur le cou, quand, par un heureux concours de circonstances, le commandant du bataillon de la Trinité, à la tête d un détachement, accourut au bruit, et arriva assez tôt pour lui sauver la vie; mais le peuple était tellement ulcéré de la conduite prévôtale du commissaire, qu'il s'en prit au commandant lui-même. Il lui arracha son hausse-col, le saisit de son épée, la brisa devant lui, lui déchira l'uniforme national, et enfin le traîna dans le ruisseau. Les grenadiers qu'il commandait le ramenèrent chez lui, sans avoir pu lui sauver ce châtiment populaire. Avis à tous les officiers municipaux et militaires, qui auraient la prétention, de singer Bouillé devant Metz, Lafayette et Bailly au champ de Mars.

Dans le faubourg Saint-Antoine, une patrouille se conduisit bien généreusement. Menacée de mauvais traitements, elle quitta les armes, et repoussa, à force égale, les citoyens trompés qui lui faisaient résistance. On ne manquera pas de saisir cette nouvelle occasion de calomnier le peuple de Paris; on ne manquera pas de publier qu'il outragea tout à la fois la justice et l'humanité, qu'il porta l’effroi chez plusieurs épiciers, plus que lui victimes des accapareurs : déjà même les plus riches d'entre ces négociants ont pris entre eux un arrêté injurieux pour le peuple, pour les magistrats et pour la garde nationale ; ils s'engagent à se rendre solidaires pour réparer les dommages que le pillage aura pu causer dans leurs boutiques, comme pour insinuer qu'il n'existe plus à Paris de lois, ni de force capables de protéger les propriétés (1). »

Notes de l’auteur :

(*) Au mois de novembre 1539, François Premier rendit une ordonnance contre les accaparements, dont voici le texte : « Seront appréhendées au corps les personnes des monopoleurs, accapareurs de marchandises, et leurs biens et denrées confisqués et vendus sur la place publique, au profit de l'état ». Charles Quint mit cette loi en vigueur dans toute la Flandre, en 1548 à l'époque de la renaissance du commerce.

(1) Nous adoptons volontiers la définition du comte de Lauraguais : « La propriété est la possession légitime d’un bien acquis légitimement… (…) celles qui méritent le plus d’exciter l’indignation publique, sont les richesses accaparées ».

La municipalité de Paris, aux citoyens



Plan routier de Paris et de ses faubourgs par M. Jean Lattre - 1792

Du mardi 24 janvier 1792, an quatrième de la liberté,

« Citoyens! on vous égare ; on veut vous entraîner à votre perte. Depuis longtemps les ennemis de notre liberté cherchent à occasionner un grand bouleversement ; ils se croient arrivés à leur but ; ils seront trompés dans leur attente. Ralliez-vous, serrez-vous, et regardez de sang-froid le piège qui vous est tendu.

Le sucre s'est élevé subitement à un prix excessif. Le peuple souffre de sa cherté, et nous en gémissons ; il cherche un remède à ses maux, et il croit le trouver dans des demandes tumultueuses ; il s'assemble en foule autour des magasins qui recèlent des marchandises dont il a besoin ; il veut en fixer lui-même le prix. Tous ces attroupements partiels occasionnent une fermentation générale ; les mauvais citoyens se glissent dans ces groupes, échauffent les esprits? commandent le pillage, et veulent ainsi déshonorer le peuple, pour qu'on ait le prétexte de le calomnier, et de sévir contre lui.

À quoi peuvent conduire ces désordres? A la disette et au renchérissement de toutes les denrées. Croyez-vous que tant qu'ils dureront ces désordres, celui qui a des marchandises au-dehors, ose les faire entrer à Paris ? Non ; la crainte du pillage et de la dilapidation l’arrêtera.

Que peut obtenir le peuple par la violence? Un approvisionnement momentané, et à bas prix; mais une fois cet approvisionnement consommé, il manquera de ce qui lui est essentiellement nécessaire, on le paiera au poids de l’or; et si les malveillants portaient le peuple à former de pareilles demandes pour toutes espèces de denrées, une disette générale affamerait Paris.

Citoyens, ouvrez les yeux, voyez l'abîme où l’on vous plonge ; gardez-vous de porter les coups les plus funestes à cette constitution que vous avez créée, que vous avez jurée, et qui doit assurer votre bonheur. »

Suite sur la Révolution française
L'année 1792, deuxième partie

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