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Bloc-notes politique et social,
 numéro 1 (année 2014)

Sommaire de la page :

1- Que vive la sixième République, laïque et universelle !

2 - Jean Jaurès, la guerre, les deux gauches et le capital ?
3 - La guerre de 1914-1918 vue par Paul-Louis et Léon Blum
4 - Face aux fossoyeurs de la gauche, les alternatives existent !
5 - L’ancien est mort et ce qu’il y a de nouveau est encore à naître?
6 - Au pays des faux débats : Enfants « Rois » ou enfants objets ?
7 - De l'avantage d'être "bien né"?
8 - Malaise en France et dans une Europe sans tête…


Que vive la sixième République,
 
laïque et universelle !


« Un homme, quels que soient ses services passés, son prestige, ne tient pas lieu d'État à lui tout seul, tout comme le sens de la formule, le style, l'appel à la grandeur ne tiennent pas lieu de politique. Un État moderne, efficace, comme la clé de voûte des institutions, réduisant le Président, comme sous les Républiques parlementaires à une fonction de représentation et de désignation du Premier ministre. »  Pierre Mendès France

Plus de 400 sans domiciles morts en 2013 dans l’hexagone, il devient impossible de sortir aujourd’hui dans nos grandes villes sans être confronté au fil des années à une misère grandissante. Ce constat social ne demande aucun diplôme en sociologie et nous sommes nombreux à sentir le malaise sans pouvoir y répondre. L’aspect psychologique des choses et du vivant n’est pas pour autant à écarter, une question qu’il ne faut pas confondre avec des portraits psychologisants dont le but est d’affaiblir un potentiel adversaire en le dénigrant sur des aspects personnels ou erronés. Il faudrait pouvoir dresser un bilan clinique et social de la pauvreté en France et de poser les questions économiques à la hauteur des enjeux humains et non au service d’une mécanique aliénante.

Il est difficile comprendre ce que peut vouloir dire « fédérer le peuple » au lieu de rassembler la gauche ou le camp du progrès social et politique, mais cela fait longtemps que je ne bats plus pour une ligne, voire une virgule. Qui plus est l’intervention du député européen sur Europe 1 au club de la presse du dimanche 24 août 2014 répond à cette interrogation (écouter ici : http://www.dailymotion.com). Pour le reste, je suis en accord sur le fond avec la longue et forte intervention de Jean-Luc Mélenchon à Grenoble ce même dimanche. Il faut à certain moment prendre des positions claires, voire tranchées. Si voulez découvrir son intervention de clôture de l’université d’été du PG, regarder la vidéo à la fin de ce billet….

Je n’irai plus voter ce qui est certain pour une politique économique sortant des schémas d’une plus équitable redistribution des revenus et le compte n’y est pas, les inégalités progressent sans discontinuité depuis 2002 et ce aujourd’hui pour une dizaine de millions d’individus, un français sur 6 vivant dans la précarité ou la pauvreté. Je pense aussi que la concentration des pouvoirs, - qu’ils soient politiques ou économiques ont atteint des sommets et que  conserver ce système présidentialiste - est l’assurance d’un train de vie très confortable pour une minorité, et un échec patent de la démocratie française.

Il existe de très
fortes, voire d’énormes probabilités, que je ne vote pas pour un candidat estampillé Ps en 2017, et comme je n’ai pas envie de voter pour un homme, mais pour des idées, et convaincu de la nécessité depuis longtemps d’un changement profond des institutions  de la cinquième. Je choisirai sans hésiter de voter pour la mise en place d’une constituante, dès le premier tour, du moins pour celui ou celle qui sera en mesure d’ouvrir, enfin, de nouvelles perspectives démocratiques, sociales et à contresens du productivisme et sa logique concurrentielle.

En raison de l’état de délabrement des institutions, d’un trop plein manifeste du pouvoir césarien, être en accord avec Jean-Luc Mélenchon peut sembler louche. Nous avons eu droit ces derniers jours à un florilège d’interventions ubuesques, politiques et médiatiques, en faire le détail n’a pas vraiment un grand intérêt, sauf à dénoncer ce qui relève à la fois du délire et de l’impossibilité pour certains journalistes Tv et presse d’avoir un sou d’analyse, sauf à redire interminablement les mêmes choses et additionner des inepties. Quand la dénonciation prend le pas sur l’information, le trouble est grand et c’est une insulte au plus grand nombre, car ce n’est pas la raison qui parle, c’est un « chien de garde » qui s’agite… rien de plus.

En tout état des lieux, cela n’a rien à voir avec de l’information au sens commun du terme, c’est-à-dire un contenu explicatif vous permettant de faire sa propre opinion. Il s’agit en réalité d’un show permanent, à l’exemple du dernier remaniement ministériel. Vous avez dû entendre au moins une fois parler du « storytelling » (1) sans y porter une grande attention, pourtant cette pratique de la communication politique fonctionne et a trouvé son aboutissement le plus pathétique, ce lundi et mardi 25 et 26 août 2014 :  accouchant dans  la douleur un nouvel exécutif, dans une vision de plus en plus limitée ou repliée de la chose publique.

Ce qui pouvait encore comporter quelques épines au pays des roses a été mis hors de nuire. Ne cherchez pas la moindre inflexion, il est préférable de casser le thermomètre, que de comprendre l’impasse économique, sociale et écologique, auxquels les locataires de l’Hôtel Matignon et de l’Elysée semblent sourds.  Alors comment déjoué et saturé l’attention des médias, pour faire en sorte que pendant au moins 48 heures, l’on évite ce qui fâche ou de s’étendre sur le désastre intellectuel et politique des gouvernements successifs, et plus quant à l’agonie de la cinquième République.

Car si l’économique compte, pour autant ce n’est qu’un aspect comptable des choses et si des urgences priment, il existe plus qu’un décalage avec la réalité des faits et les besoins réels de la masse de nos concitoyens. A vouloir nous faire croire que le budget d’un pays se règle de la même manière que le cabas d’une honnête ménagère, ce type d’ineptie colportée en particulier par les médias de masse, n’est qu’un maigre exemple d’amalgames et d’éléments anecdotiques, face à cet ensemble souvent incohérent des commentaires télévisés et ce qui pourrait être une analyse politique.

Je n’aime pas et je n’ai jamais aimé les institutions de la cinquième République, je ne suis pas favorable à un régime présidentialiste, qui plus est le nôtre n’a pas vraiment de contre-pouvoirs, ce qui n’est pas le cas outre-atlantique et aux Etats-Unis en particulier. Cette question institutionnelle nous concerne tous. Si j’ai un avis assez tranché sur la question, après de longues années de réflexion sur ce sujet, il vaut pour un avis et un seul et il est temps que les citoyens de ce pays se prononcent, se mobilisent et fassent valoir leur souveraineté au sens plein.

Et si Jean-Luc Mélenchon avait raison ?


Dans les cafouillis de ces derniers jours, il faudrait une longue liste des pleurnicheries et si certains y perdent leurs illusions, il serait temps qu’ils s’interrogent sur la décomposition actuelle à gauche et de leurs responsabilités dans cette mélasse intellectuelle. Le questionnement posé ce week-end par Jean-Luc Mélenchon semble prévaloir, me semble-t-il à toutes les autres interventions de circonstances, nos politiques ont ils peur du peuple ? Et comme ce dernier pense et à raison en faisant appel à notre intelligence, oui 2017 sera l’occasion de se prononcer pour la fin de ce régime et qui sait et à ce rythme avant l’échéance prévue.

J’apporte de fait ma petite voix pour une sixième République, mon soutien à toutes les initiatives pouvant insuffler un peu de souffle, d’oxygène dans une république en piteux état. Ceci n’est pas un ralliement à un homme, mais à une idée, c’est-à-dire agir et penser collectivement pour une autre organisation de notre société. Et ceci n’est pas un sujet pour spécialiste, il s’agit du contrat nous liant, toutes et tous à la France républicaine et au rôle que notre pays pourrait tenir dans le monde. Rien de moins et rien de plus important que de venir échanger sur d’autres modes de fonctionnement, ou il serait possible de concilier des pouvoirs horizontaux et verticaux. En l’état, seuls prédominent les pouvoirs agissant d’un sommet sur une base et au mieux sous le contrôle d’un Parlement et d’une majorité portant sur des délibérations et faisant office de loi.

La crise du régime n’est pas nouvelle, elle est née de ce qu’appelait François Mitterrand un coup d’état permanent, écrivait-il justement en 1965. L’homme qui a tenu, les mots les plus durs au sujet des institutions de la cinquième est certainement, Pierre Mendès France. Tout comme aujourd’hui, le député Mélenchon pose la question d’un régime usé jusqu’à la corde et d’un sujet le dépassant très largement à titre personnel. Ses ambitions propres, celles-ci mises de côté, quelles voies faut-il faire entendre et valoir ? Comment provoquer le déclic, ou comment redonner goût à des ambitions communes et au service d’une communauté humaine qui a bougrement besoin de sens!

Je n’apprécie pas toujours les élans rhétoriques visant à expliquer que la politique, c’est prendre des coups. Ceux qui les reçoivent, les coups de la vie… n’en font pas part, c’est un peu toute la différence entre un être en souffrance et celui ou celle qui combat la racine du mal être et qui se trouve dans une dynamique. Cela a pour nom l’empathie, à ne pas confondre avec la sympathie, dont le sens d’origine est de souffrir avec ou pour l’autre.

Des désaccords, nous en avons tous, écrire peut servir non pas à trouver l’ultime synthèse qui nous réconcilierait tous à gauche ? Cela n’est plus possible. Il est temps de savoir ce que veulent les Français et doit-on insister tous ceux, résidents ou vivants ici ! Oui faire de la politique « c’est prendre des coups » et en matière de sport de combat, les domaines de la vie le sont tous, mais ce sont toujours les plus fragiles qui en paient le prix le plus fort. Mais il y a aussi d’autres manières de penser le collectif et d’agir pour le bien commun. Cette perspective de rupture au moins est claire, il reste dans ce cas à fédérer les esprits libres. Pour que chacun(e) puisse s’organiser et contribuer à l’édifice commun et selon ses moyens d’agir.

Le défi est colossal, l’enjeu est de permettre une clarification qui n’est plus du ressort du monarque ou le fait du Prince, mais de tous. Ce que probablement les médias n’auront pas voulu entendre de la bouche de Jean-Luc Mélenchon, c’est que nous sommes, quoi que nous voulions dans l’incapacité de rembourser la dette. Face aux défis du futur, nous avons les moyens d’y répondre, et socialisme et écologie politique n’ont rien d’étranger, oui en effet, il est temps de parler du fond et faire avancer les idées de progrès et pas des synthèses closes par avance, voire absurdes, dans le genre : une pincée d’offre et deux doigts de demande, les urgences sont ailleurs.

Pour clore ce billet qui ne s’étendra pas sur Valls I ou II et autres vacuités de l’actualité, j’ai été touché par l’ancienne ministre de la culture, se rappelant qui l’avait élu... Au-delà des seules émotions, le constat politique du député européen du Parti de gauche n’est pas récent et en bien des points, il a su revivifier le discours et offrir des perspectives non orthodoxes. Chacun est libre de faire le tri, l’objet n’est pas de faire la promotion d’untel ou autre aspirant au pouvoir.

Et à bon entendeur, salut fraternel !


Billet de Lionel Mesnard, 28 août 2014

Note :

(1) Le storytelling ou conte de faits ou mise en récit est une méthode utilisée en communication fondée sur une structure narrative du discours qui s'apparente à celle des contes, des récits. Littéralement : Raconter une histoire. (source wikipédia)


Intervention de JL Mélenchon à Grenoble



Source : Pour une insurrection civique, Parti de gauche, le 24/08/2014


   Jean Jaurès, la guerre,
les deux gauches et le capital?

Le 31 juillet 2014, centième anniversaire de l’assassinat de Jean Jaurès à Paris au café du croissant et année de l’entrée en guerre contre l’Allemagne et ses alliés (le 2 août), le premier conflit ayant entraîné des nations de tous les continents pour ce qui fut en Europe et au-delà une boucherie infâme. Le nombre des morts pour la France sera de 1,4 millions dont 75.000 venant de l’empire colonial. Le conflit fera neuf à dix millions de morts minimum entre les
deux coalitions guerrières (la triple alliance et la triple entente), le chiffre total, si l’on tient compte de l’ensemble de ses foyers ou des champs de batailles à travers le monde jusqu’en 1918 fut à peu près du double. Ce sera le premier conflit motorisé et chimique de l’Histoire, et les conséquences ne se totalisent pas seulement en morts, mais en son nombre de victimes considérables et dont beaucoup resteront handicapées à vie (cf. les gueules cassées) ou détruites psychologiquement.

Pas une ville ou village de France, sans un monument rappelant cette mémoire tragique, restée enfouie, voire bannie de l’histoire officielle ou autocensurée (1), faut-il préciser. Les historiens n’ont pu véritablement commencer leurs travaux de recherche qu’à partir de l’ouverture des archives nationales en 1984 (70 ans après selon la loi en vigueur). De mes propres souvenirs d’enfance de personnes parties sur le front, je garde le sentiment d’hommes remarquables, mais je tiens à souligner que jamais, ils ne faisaient évocation de la guerre de 14-18. Pas une plainte ou de haine émanant de leurs propos, un regard franc s’en dégageait et un humour dont j’ai conservé quelques traits et souvenirs heureux.

En dehors de l’aspect projectif, presque toutes les familles françaises ou allemandes furent touchées, un oncle par ci, un cousin par là, pour les décédés au « champ d’honneur », un grand-père gazé ou ayant perdu une jambe, la vue, tous les registres de l’horreur et des circonstances les plus douloureuses qui soient entre deux peuples frères. Face à ce qui a été une boucherie ou des officiers généraux qui seraient aujourd’hui désignés et possiblement condamnés comme des criminels de guerre, certains ont comme Foch des statues équestres et une place aux Invalides. Cent ans pour réhabiliter, les fusillés et condamnés injustement au peloton d’exécution pour leur refus de combattre ou simplement pour avoir manifester leurs réticences à aller au combat en toute circonstance, quand pendant des décennies, le silence de ces non quantifiables blessures se sont tues.

Jaurès est mort pour ses convictions anti-guerre, le fondateur du journal l’Humanité (en 1904), celui qui participa à l’unification des partis du socialisme (création de la SFIO en 1905), est aujourd’hui commémoré et sera le sujet, il n’y a pas à en douter de diverses interprétations historiques et politiques. Il n’existe aucune raison de faire parler les morts et toute logique d’appropriation est une logique propagandiste. Jean Jaurès suffit à lui-même et face à cette récupération quasi totale et de toute part, il n’a pas d’équivalent de nos jours. Je n’ai pas la prétention de connaître sur le bout des doigts l’action militante et l’œuvre de cet homme politique de la troisième République, mais il ne m’a pas échappé qu’il était difficile de ne pas lui reconnaître un engagement et une conviction ferme, et notamment d’avoir ouvert la page d’un socialisme d’inspiration très franco-français et que l’on peut qualifier de modéré. Jaurès était un réformiste sachant allié des convictions révolutionnaires, il appartenait à l’aile droite de la SFIO, face à Jules Guesdes, l’aile gauche, révolutionnaire "pure et dure...", celui-ci et d’autres rejoignirent l’union sacrée (2). 

Face aux « boches, fridolins, fritz, … » , le langage haineux qui nommait « l’ennemi » par un martelage des esprits, se faisait même au sein, si ce n’est dès l’école publique pour la défense de la « patrie ». La génération de Jaurès, née au milieu du dix-neuvième siècle, l’engagement politique à gauche et pour le socialisme ne correspondait pas vraiment à des plans de carrière. Une génération marquée par la guerre de 1870 avec la Prusse et ce qui s’en suivit sous la Commune de Paris, c’est-à-dire, une mise au banc des aspirations d’égalité et de fraternité entre les travailleurs. Pour ce qui est de Jaurès sa prise de position est claire et il manifestera son refus à l’égard de la guerre au Maroc notamment lors d’une de ses interventions à l’Assemblée nationale en 1908 (3).

C’était un autre monde celui d’avant 1914, il faut en convenir, et tout ce qui va découler de la guerre de 1914-1918, de ce qui se passera par après en Europe et plus largement, mieux vaut ne pas omettre, nous sommes encore du temps des grandes puissances impériales et coloniales européennes. Mais il faut saisir, que dans l’histoire contemporaine, il existe un avant et un après 1914-1918. Cette guerre va marquer entre autres, l’entrée massive des femmes occidentales sur le marché du travail et en particulier pour l’industrie d’armement, et ce pour les pays les plus impliqués comme la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne. Quand les poilus partiront au front, ils sont sûrs que ce sera pour seulement quelques semaines, sans se douter de ce qu’ils les attendra. Sur le plan politique, en France comme de l’autre côté du Rhin, les contradictions ne manquent pas dans le camp du progrès et de la deuxième internationale socialiste. La cassure après 1918 va voir naître une forte activité des mouvements pacifistes en son sein et la naissance de l’internationale communiste (la troisième).

Le débat réforme ou révolution a fait rage pendant ces années, et il n’est pas sûr que ce soit, vue de France, la meilleure lecture de l’opposition entre révolutionnaires et réformistes pouvant mettre en lumière toute la richesse et la diversité du mouvement ouvrier européen.  Et en particulier, les échanges et contradictions en Allemagne entre Eduard Bernstein et Rosa Luxembourg, sans oublier Karl Kautsky, la troisième grande figure politique et intellectuelle de la sociale démocratie allemande. Kautsky représentait l’aile centriste, il se rallia aussi à l’unité gouvernementale de son pays pendant le 1er conflit mondial et Rosa « la rouge » passa une grande partie de la guerre en prison pour ses opinions anti-guerre et qui agira plus largement pour une jonction des ouvriers des deux camps adverses. Eduard Bernstein, ancien secrétaire de Friedrich Engels, fut un grand réviseur de la pensée  marxiste outre-Rhin, il se plaçait de fait à l’aile droite du SPD. Il fut membre de la même internationale que Jaurès, la deuxième, qui se scindera après la révolution Russe de 1917 (18° congrès de la SFIO de Tours de 1920). Lui comme Jaurès s’opposèrent à la guerre, Bernstein n’entra dans aucune coalition ou ministère (à approfondir …).

L’histoire est rarement carrée ou tranchée, comme elle est parfois expliquée de manière caricaturale, et en cette année 2014, il serait inconvenant, de ne pas mettre en parallèle les débats et l’histoire des différentes entités ou nations européennes et ne pas rester dans un cadre trop hexagonal, voire stricto occidental. La France sera de même en guerre avec son vieil allié en orient, la Turquie, qui elle sera du côté de l’Allemagne et étendra le conflit hors du seul continent européen, ou aux limites de la Russie. La dimension mondiale prend ainsi forme dans un conflit entraînant par ricochet toute une série de causes ou raisons sociales et politiques et même le premier génocide du 20ème siècle  contre les Arméniens (1,5 million de morts).Il est difficile de donner en quelques mots ou lignes, l’implication des pays colonisés participants de force plus que de gré à un conflit lointain. Des humains expédiés sur le front et auxquels l’Empire français avait affublé du statut d’« indigène » (africains du Nord et de l’Ouest et « indochinois »). Cet ensemble et cette charnière que représente 1914 est essentiel pour comprendre que les cocoricos ne sont pas de mise, et que les héritages ne sont pas toujours faciles à porter.

La commémoration en ce jour du 31 juillet 2014 a pris les allures de règlements de compte et cela donne un état de la gauche française socialiste et communiste, qui à cette époque faisaient une et une même famille politique. De nos jours, les débats sont d’une autre nature, souvent creux à la sauce actuelle, pour ne pas dire dérisoire. Voilà qu’en ce jour du 31 juillet 2014, a été interpellé le premier secrétaire du Ps, J.C. Cambadélis, en apparence sur des anciennes et vieilles fractures entre communistes et socialistes. L’objet est plus sur le tournant politique qui s’opère en France et sous la présidence de François Hollande depuis octobre 2013. Le faux virage social-démocrate est une acceptation du capitalisme, dans ce qu’il a de plus inapte socialement et potentiellement propice à une cassure avec un centre gauche ne distinguant plus vraiment sa main droite, de sa main gauche, et qui fini par tourner au gré du vent. Et depuis les Européennes de juin 2014, « le trop, c’est trop » est manifeste, sans parler de l’allocution surréaliste du 14 juillet comme écho du palais de l’Elysée.

Le phénomène n’est pas récent et il convient de préciser que le glissement à droite et le repli identitaire de la société française et aussi européenne est arrivée à la limite du supportable et je ne sais s’il doit soulever des inquiétudes, des craintes, quand il en est de faire face à un basculement et une régression intellectuelle, qui ne dit pas son nom. L’enjeu est avant tout politique, même si les repères deviennent de plus en plus rares ou cohérents. Il faut surtout noter que nous changeons comme en 1914 de temps et que s’il existe une analogie à faire, elle est de cet ordre. Comme personne n’est devin, comment dans ce cas construire de nouvelles perspectives communes ? Car l’objet est de construire, pas de participer à une entreprise de démolition, ni d’engager des « chasses aux sorcières », les chimères sont d’un intérêt très limité. 

Au plus court, c’est l’affaire de tous ceux qui à gauche pensent qu’une autre politique est non seulement possible et le seul moyen de remettre du sens dans une société déboussolée, et concernant une gauche, des gauches orphelines, qui dans ce bric-à-brac tentent de se ressourcer et de bien prendre le pouls de notre temps. Là où certains ont pu constater - que du centre gauche à la droite la plus conservatrice, - s’en suit le même mécanisme, une course-poursuite identitaire et nationaliste, à la vas-y que je te pousse, à être plus français que français... Il y a comme quelque chose de nauséeux. Je l’écris sans aucun complexe. Je sais d’où je viens et mon patronyme ne fait aucun doute sur ses origines, bien d’ici. Pourtant, je ne regarde pas notre monde à la seule lueur de mon origine locale. Je connais le foisonnement, de ce qui découle de l’autre, de « l’étrange étranger » et si je ne me sens pas appartenir à un ensemble rigide et excluant, c’est que l’identité est un tout autre objet, une question propre à tout chacun(e), et sûrement pas quelque chose de figé et d’éternel, le collectif est ailleurs.

Oui, nous avons besoin d’analyses, notamment sociales, mais aussi économique, historiques et bien plus, pour comprendre la complexité en jeu. Oui, la science peut aider le politique à redonner à une certaine idée du progrès social et humain, sinon le syndrome du « déclin » se réalisera et nous retournerons à cet idéal français de l’ordre patriarcal et du sauveur suprême, et qui sait d’ici quelques décades un retour à la charrue et du « pain noir ». La Rome antique à force de se contempler son nombril et à crier au déclin a fini par disparaître ou se recroqueviller sur des peurs infondées, il a fallu toutefois deux ou trois cents ans pour que la prophétie ou le délire se réalise.

Comme le dit très justement le professeur Boris Cyrulnik « Si on ne sait pas qui on est, on est ravi qu'une dictature vous prenne en charge », et dans le domaine des idées, si l’on ne sait pas ou l’on va, il en va de même. Je tiens néanmoins à partager l’idée que l’hégémonie réactionnaire ou néo-conservatrice est à son comble, et derrière ces discours violents dans le rejet de tout ce qui n’est pas conforme ou dans leurs normes, ils se reflètent une bourgeoisie grande et petite, décadente et perverse. Elle n’est pas strictement nationale, car si tous les mouvements internationalistes du socialisme n’ont pas su ou pu remplir la fonction de rassemblement des tous les prolétaires de cette planète. La bourgeoisie, elle, qu’elle soit nationale ou mondialisée use toujours des mêmes armes, le chômage de masse et/ou la baisse des revenus et le niveau concentration des richesses n’a jamais été aussi alarmant, comme le souligne Thomas Piketty dans son dernier ouvrage sur le capital, mettant même en péril ce néocapitalisme qu’ils chérissent tant. (lire l’introduction de son livre ici !)

L’intérêt commun, c’est autre chose et ne peut que se fossiliser si la conduite est aux mains d’une minorité de possédants, qui n’ont que pour but d’accumuler et de retirer au politique son rôle de rééquilibrage des richesses. C’est au fil du temps, que nous avançons et reculons, soit au profit d’une meilleure répartition des richesses ou d’une augmentation des inégalités. Nous sommes clairement dans une voie descendante, et pas seulement à l’échelle de la France, et à contresens du choc financier mondial de 2008, qui aurait dû revitaliser le rôle de l’Etat dans la conduite des affaires économiques, plutôt que d’abonder dans le sens des sirènes patronales et d’une économie incontrôlée. Où, il faut en plus renflouer la « banque du monopoly », tout en accumulant des dettes pour les générations futures, qui ne sont pas le fait des peuples, mais des politiques conduites par nos différents gouvernants « occidentaux » et qui ont conduit et conduiront inévitablement à de nouvelles catastrophes boursières ou systémiques.

Pour ce qui est du terme peuple, tout comme la notion de nation ou de patrie, j’en comprends et partage sa signification et son héritage provenant des grandes heures de la première République, après, je puis avoir des doutes, si elle n’est que l’expression de la bourgeoisie triomphante et de ses notables. Il suffit d’observer les changements, qu’ils soient révolutionnaires ou démocratiques, le plus souvent, hors décolonisation, la haute administration ou la bureaucratie étatique survit en général à tous les cataclysmes sociaux et économiques. Rouages économiques et politiques sont infiniment liés et comment faire pour en changer la donne, quand les véritables énergies sont gâchées au profit d’une mécanique au service de cette identité nationaliste crasseuse, avec ses accents pétainistes au goût du terroir et au son du clocher !

Je ne crois plus à un modèle organisationnel capable de répondre à la construction d’un édifice commun. Car il y a toujours la tentation de faire le monde à son image et pas en tenant compte des réalités, des faits. Les grandes abstractions servent ou camouflent  souvent un grand vide de la pensée, l’activité neuronale a surtout pour effet d’en faire une stratégie politique d’évitement et de promotion d’un égotisme démesuré. La politique est une chose trop sérieuse pour l’abandonner à sa seule dimension libidinale ou à minima névrotique, quand elle ne s’amuse pas avec les paradoxes de la paranoïa.

La dimension collective est à revisiter, du moins à redynamiser dans sa dimension solidaire et d’ouverture aux problématiques de ce monde. Nous sommes passés en une ou deux générations, de 3 à aujourd’hui sept milliards d’individus ici-bas, les moyens de communication en dix ou vingt ans ont été bouleversés, et ce qui fit hier l’équilibre difficile du monde n’est plus depuis 1989. Depuis et à intervalle régulier, l’hyperpuissance militaire étasunienne a surtout laissé derrière elle une stratégie dès plus que chaotique, de la guerre dans les Balkans, en passant par l’Irak ou l’Afghanistan, ces mêmes terroristes, qu’aujourd’hui dénonce et combat, prétendument au nom de l’ordre du monde et pour la démocratie. Les Etats-Unis les avaient pour la plupart en amont financés, comme Bin Laden, quand ce n’est pas armé au nom de lutte d’hier contre le communisme, et surtout contre les démocrates ou laïques de ces mêmes pays, hier et toujours aujourd’hui.

Pour conclure ce billet sur Jaurès, la guerre, le capital et les deux gauches, je vous invite vivement à lire Madeleine Rébérioux sur Jaurès et sur cette période de l’histoire du mouvement socialiste européen, qu’elle connaissait et raconta si bien. Cette grande historienne du mouvement social sera probablement la grande oubliée de cette journée du 31 juillet 2014, on répare comme on peut les oublis et surtout si vous voulez lire Jean Jaurès dans le texte, vous trouverez sur le site de la Bibliothèque Nationale de France (Galllica.fr) un certain nombre d’ouvrages qu’il rédigea (gratuits et téléchargeables). Je n’ai pas d’idées précises ou fermées, préconçues à l’égard de Jaurès, à quelques dérapages verbaux et à resituer dans son temps et ses raisons, il incarne un autre monde, mais son combat social et sa capacité de synthèse nous laisse quelque chose à méditer tranquillement en cet été sur une voie médiane et véritablement au service du prolétariat et peu importe les frontières ou dogmes en cours.

Sur la guerre, car manifestement l’époque contemporaine depuis le 19ème siècle et avec l’organisation et le fonctionnement du capitalisme à l’échelle mondiale et au profit des puissances militaires ne s’est pas arrêtée et produit sans relâche son lot de cadavre, de charniers, et notamment de victimes civiles innocentes. Si je suis pacifique, je ne crois pas à un pacifisme bêlant et propice à des unions politiques troubles. Ce sont les circonstances qui vous guident à prendre tel ou tel chemin ou direction. Parfois et surtout face à l’intolérable, c’est-à-dire les totalitarismes et absolutismes de toutes natures ou obédiences, pour se défendre, il faut prendre dans l’urgence un fusil, mais cette nécessité est à relativiser et à prendre selon les circonstances historiques.

Oui nous pouvons nous réjouir de la paix en Europe, quoi qu’elle soit un peu défaillante du côté de l’Ukraine, pas très loin au Proche orient, dans la guerre honteuse menée à Gaza, et à cela vous pouvez rajouter au moins une vingtaine de conflits latents ou actifs sur la planète, ou en attente d’une issue de paix comme en Colombie. Comme l’écrivait Prévert, « quelle connerie la guerre », surtout celle menée depuis longtemps contre les forces vives et productives du monde entier et sans respect de la nature humaine et du vivant et que l’on nomme la « guerre économique ». Qui a surtout et pour but de maintenir les richesses pour quelques possédants et gratteurs de jeton au sein des conseils d’administration des multinationales. C’est toujours ce même ordre cynique qui est en œuvre depuis notamment 1973, un capitalisme dérégulé et inégalitaire et il n’a fait que s’accroître sous l’impulsion de la machinerie néocapitaliste. Et il ne peut qu’être facteur des guerres futures et la raison des guerres actuelles.

Post-scriptum :
deux films à voir absolument de Bertrand Tavernier sur la guerre de 1914-1918, « La vie et rien d’autre » et « Capitaine Conan ». Un travail de fiction critique remarquable.


Billet de Lionel Mesnard, 3 août 2014

Notes :

1) Au cinéma, « Les sentiers de la gloire » le film de Stanley Kubrick (…) ne fut pas interdit en France... car ayant provoqué de sérieux incidents en Belgique, le distributeur United Artists préféra ne pas le présenter à la censure ! (MAIS, faut-il noter) L'armée française n'aurait pas vu d'un bon œil l'arrive d'un film qui la mettait gravement en cause au moment où l'union nationale était requise. Elle avait capitulé quatre ans plus tôt à Dien Bien Phu et la situation algérienne prenait une ampleur qui nécessitait l'intervention militaire et l'envoi de conscrits. (source du ciné club de Caen). Sa diffusion télé n’a été possible qu’en 1974 et encore sous la pression de l’opinion.

2) L'Union sacrée est le nom donné au mouvement de rapprochement politique qui a soudé les Français de toutes tendances (politiques ou religieuses) lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Le terme fut utilisé pour la première fois à la Chambre des députés le 4 août 1914, par le Président de la République, Raymond Poincaré, dans son message aux Assemblées.

Cela fut le cas immédiatement car l’ensemble des organisations syndicales et politiques de gauches, essentiellement la CGT et la SFIO, se rallièrent au gouvernement. Un mouvement analogue se produisit chez l'ensemble des belligérants comme en Angleterre, en Russie ou en Allemagne, lorsque le Parti socialiste d'Allemagne, le SPD, votera l’entrée en guerre en août 1914, lançant le mouvement qui prit le nom de Burgfrieden. (Source de wikipédia).


3) La politique de la France au Maroc, extraits de l’intervention de Jean Jaurès avec les réactions des bancs de l’assemblée.


Jean Jaurès : (…) Lorsque Montaigne, dès le XVI° siècle, déplorait les atrocités commises aux Indes, ce n'est pas les cruautés de la France qu'il déplorait; et, au XVII° siècle, lorsque le noble écrivain qui s'appelait Guez de Balzac écrivait :

Chaque pièce d'or rapportée des Indes représente la vie d'un Indien et l'âme d'un chrétien, ce n'était pas sur la France seule, mais sur toute l'Europe colonisatrice que portait cette terrible parole. Et aujourd'hui, sur l'Angleterre pèse le dur souvenir de ces camps de concentration ou, pendant la guerre transvaalienne (ou du Transval), étaient rassemblés, torturés les femmes et les enfants de ceux qui combattaient pour l'indépendance de leur pays. (Très bien! très bien! à l'extrême gauche.)

Contre les crimes coloniaux de l'Allemagne, crimes récents, parce que ses colonies sont récentes, les députés catholiques et les députés socialistes protestaient ces jours derniers encore. Et le Congo belge a offert certains spécimens d'exploitation des indigènes qui nous permettent de dire que nous ne sommes pas les seuls à porter en celte question de lourdes responsabilités.

M. EDOUARD VAILLANT : La politique coloniale est partout criminelle.

M. JAURÈS : Si nul dans le monde n'a le droit d'abuser contre nous des fautes par nous commises, si nul dans le monde n'a le droit de se dresser contre nous en accusateur, c'est nous, Français de France qui, pour notre propre honneur, lorsqu'un attentat a été commis au nom de notre pays, devons chercher la vérité, la dire, la proclamer pour réparer, s'il se peut, les attentats commis contre l'humanité. (Applaudissements à l’extrême-gauche.)

Lorsque j'ai lu, il y a quelques jours, dans le journal le Matin (Mouvements divers) le long télégramme de son correspondant lui racontant qu'un rassemblement de Marocains, qui n'était pas un camp, qui n'était pas une armée, qui était un grand village nomade, un rassemblement d'hommes, d'enfants et de femmes, lorsque j'ai lu dans ce journal que ce rassemblement, qui n'a même pas essayé de se défendre, a été surpris, enveloppé par notre artillerie, foudroyé, et que nul être humain n'a échappé...

M. LE MINISTRE DE LA GUERRE : C'est complètement inexact.

M. EDOUARD VAILLANT : Cela est d'ailleurs dans les habitudes coloniales. (Bruits.)

Source BNF : Lire ou télécharger ici !

A l’Ouest rien de nouveau (en anglais)


Paul Baumer, le narrateur de à l’Ouest rien de nouveau, se bat sur le front pendant la 1re Guerre Mondiale. Soldat allemand, il a devance l’appel pour se mettre au service de son pays. Dans cet extrait il vient de poignarder un soldat français qui avait cherché refuge dans le trou d’obus dans lequel il se terre. Il s’adresse à cet homme en train d’agoniser.

« A présent je m’aperçois pour la première fois que tu es un homme comme moi. J’ai pensé à tes grenades, à ta baïllonnette et à tes armes ; maintenant c’est ta femme que je vois, ainsi que ton visage et ce qu’il y a en nous de commun. Pardonne-moi camarade. Nous voyons les choses toujours trop tard. Pourquoi ne nous dit-on pas sans cesse que vous êtes, vous aussi, de pauvres chiens comme nous, que vos mères se tourmentent comme les nôtres et que nous avons tous la même peur de la mort, la même façon de mourir et les mêmes souffrances. Pardonne-moi, camarade ; comment as-tu pu être mon ennemi ? Si nous jetions ces armes et cet uniforme tu pourrais être mon frère, tout comme Kat et Albert. Prends vingt ans de ma vie, camarade, et lêve-toi... Prends-en davantage, car je ne sais pas ce que, dersormais, j’en ferais encore. »

Erich-Maria Remarque (1898-1970), À l’Ouest rien de nouveau, 1929. (Titre original : Im Westen nichts Neues).


 Source : Académie de Limoges


La GUERRE

DE 1914-1918 (*)

Cette guerre, qui fut à peu près mondiale, éclata fin juillet 1914. Elle se termina en 1918. L'armistice entre l'Allemagne et la France fut conclu, le 11 novembre 1918, dans un wagon-salon, en gare de Rethondes (Oise). Les traités de paix, qui consacrèrent la défaite des Empires Centraux, furent conclu entre la France et l’Allemagne, le 28 juin 1919, à Versailles ; entre la France et l'Autriche, le 10 septembre 1919, à Saint-Germain-en-Laye ; entre la France et la Bulgarie, le 27 septembre 1919, à  Neuilly-sur-Seine ; entre la France et la Hongrie, le 4 juillet 1920. à Trianon (Versailles) ; entre la France et la Turquie, le 10 août 1920, à Sèvres (Seine). 

Deux textes, l’un du publiciste et militant de gauche Paul Louis, l’autre est de Léon Blum sur la question de la « grande guerre »


 
   I - La grande guerre a mis tous les peuples aux prises, ou peu s'en faut ; les grandes puissances y ont impliqué les petites, lorsque les petites ne s'y sont pas jetées d'elles-mêmes, et les populations, coloniales ont dû fournir au recrutement comme celles d'Europe. Les puissances sont intervenues non pas avec une fraction de leurs forces, mais avec toutes leurs forces. Dans les conflagrations du passé, aucun spectacle analogue ne s'était présenté. Les armées étaient infiniment plus faibles ; à côté des hommes qui combattaient, d'autres hommes, en bien plus grand nombre continuaient à pourvoir au travail normal ; l'industrie, le commerce, la navigation gardaient presque partout, sinon partout, leur aspect ordinaire, si bien qu'aucun rouage n'était brisé, ni faussé, et que l'activité générale ne subissait que le moindre dommage.

Cette fois, tout a été subordonné à la guerre. Les gouvernements ont mis en ligne des effectifs décuples ou vingtuples de ceux d'autrefois, et derrière ces effectifs, toute la nation, ou à peu près, était au service des combattants. La guerre était l'unique pensée ; il n'y avait plus de domaine pour le travail, pour la production, pour les échanges, sinon celui que traçaient les nécessités de la guerre. L'univers n'était qu'une place assiégée Si l'on cherche, dans un pays quelconque, une portion quelconque de la nation qui n'ait éprouvé ou recueilli les conséquences de la lutte armée, - soit qu'elle s'exposât à la mort, soit qu'elle souffrît dans sa sécurité et sa subsistance, soit qu’elle s'enrichît par les moyens qu'offrent les périodes exceptionnelles, - on ne la trouverait pas. Même pendant l'époque chaotique des invasions barbares, des coins de terre étaient demeurés à l'abri, des villes ou des agglomérations rurales avaient poursuivi leur vie. Ici personne n'est resté à l'écart, et ce qui prouve précisément que le monde avait conquis une manière d'homogénéité, qu'une interdépendance s'était créée entre ses différentes parties, que l'économie s'était internationalisée, c'est que nul n'a joui de l'immunité, ou, pour mieux dire, que l'existence de chacun a été ébranlée et transformée.

Toutes les ressources économiques avaient été confisquées pour les besoins des batailles. Les fabrications, qui n'étaient point réclamées par les états-majors, étaient complètement désertées ou réduites au minimum. C'était pour alimenter le front que l'on extrayait la houille et le fer, que l'on achetait le cuivre et les métaux secondaires aux pays producteurs, que les hauts fourneaux embrasaient l'atmosphère, que les trains circulaient sur les voies, que les steamers sillonnaient les mers. L'agriculture avait été en grande partie abandonnée, puisque les travailleurs ruraux étaient sous les armes, et les surfaces cultivées tombaient partout à la moitié ou au tiers de leur superficie coutumière. Les industries de luxe, qui jouent un si grand rôle dans la prospérité de certains Etats, étaient languissantes, faute de matières premières, et faute de personnel ; les restrictions sans nombre pesaient surtout ce qui constitue, à l'époque où nous sommes, le trafic intérieur et extérieur.

L'ensemble des forces vives était capté ainsi, et son fonctionnement réglementé ; en quelques mois, l'outillage économique avait été détourné de ses fins normales pour être adapté à des fins nouvelles. Jamais semblable commotion n'avait été imprimée à l'appareil de l'industrialisme, et c'était à l'heure où cet appareil touchait à un maximum de complication, de délicatesse, de précision, de puissance, qu'il était brutalement arraché à sa tâche méthodique, qu'on lui imposait la plus violente des épreuves.
 
La guerre a dévoré des millions d'hommes ; elle a détruit des millions de producteurs et de consommateurs. Combien exactement ? On l'ignore. Même le chiffre des morts n'a jamais été fixé avec sûreté, et les statistiques officielles ne sauraient emporter une pleine créance ; mais à côté de cet anéantissement total, il y a eu les amoindrissements de forces économiques, puisque nous sommes ici dans le domaine économique. Les mutilés, les grands blessés, les malades, qui ont contracté dans les tranchées des affections incurables ou débilitantes, représentent une énorme réduction des énergies, et dans chaque nation c'est la catégorie la plus active en tous les ordres d'idées, parce qu'elle était très jeune et qu'elle avait cependant déjà acquis une valeur professionnelle, qui a été fauchée. On n'a nullement établi la vérité des faits, lorsqu'on a évalué à 5 ou 7 % le coefficient des pertes numériques de l'industrie et de l'agriculture.

Si 5 ou 7 % des ouvriers urbains ou des travailleurs ruraux ont été supprimés ou diminués dans leur capacité de labeur, le déchet pour la collectivité a été double ou triple; la puissance économique de cette collectivité à même été atteinte dans une mesure tout à fait disproportionnée à ce pourcentage, parce que ce sont les ouvriers urbains ou les travailleurs ruraux les plus solides, les plus utiles à la production, qui ont été frappés.  On se rend compte ainsi de l'incalculable perturbation qui s'est manifestée. La guerre, si l'on additionne les morts et les mutilés, les invalides de toute espèce, a absorbé un contingent humain égal à celui d'une nation de premier rang. Imaginons qu'un écroulement de la surface terrestre ensevelisse dans les profondeurs la France, ou l'Italie, ou l'Angleterre, ou un bon tiers de l'Amérique, l'équilibre économique, les relations d'échange seraient déjà singulièrement bouleversées, mais ici ce contingent aboli se distribue entre la plupart, des peuples, grands et petits, et dans chaque peuple c'est la fraction qui représentait l'élite productive qui a été supprimée. Les enfants, les vieillards, les femmes étaient ménagés ; c'est sur les adultes hommes que le cyclone s'est abattu.

Combien d'années, il faudra pour reconstituer cette masse de producteurs et de consommateurs ? Mais la guerre a détruit, avec des effectifs compacts, une somme énorme de richesses. Cette somme, il est malaisé, sinon impossible de la chiffrer. Non seulement des villes ont été réduites en poussière avec tout ce qu'elles contenaient, non seulement sur des surfaces immenses la terre a été stérilisée et ne pourra retrouver sa fécondité qu'au bout d'un nombre indéterminé d'années, mais encore des centaines de milliards ont été gaspillés, et durant de longs mois le travail de millions d'êtres humains, appliqué à la destruction pure et simple, n'a engendré aucun revenu. C'est-à-dire que les ressources de chaque pays étaient dévorées sans qu'elles pussent se renouveler, et que le grossissement normal et régulier des fortunes publiques - ce grossissement d'où résulte l'épargne, et sur lequel reposait le développement du capitalisme a été remplacé par des réductions systématiques.

On peut dire, sans doute, que certaines contrées ont fait exception et se sont enrichies dans la mesure où s'appauvrissait la masse des autres, et les Etats-Unis, la Hollande, les royaumes Scandinaves spécialement - ont offert, durant la guerre même, le spectacle d'une prospérité sans exemple ; mais dans le marché internationalisé du monde moderne. Il est impossible à un Etat de s'isoler et de se soustraire aux souffrances ou aux inquiétudes des autres Etats.

L'Amérique, la Hollande, la Suisse, la Suède ont eu beau accumuler l'or qui leur venait des pays belligérants : la détresse de ces pays belligérants les a finalement atteintes par répercussion, et elles ont subi, comme en 1921 et en 1922, de terribles chômages, une paralysie d'activité, une diminution des profits capitalistes, qui s'expliquaient clairement par la crise financière et industrielle des puissances de l'Entente, de l'Allemagne, de l'Autriche et des autres contrées démembrées de l'empire habsbourgeois. C'est ainsi que les anéantissements de richesses, qui ont été, avec les destructions d'hommes, le résultat le plus direct et le plus concret de la guerre, ont universalisé leurs effets.

De Paul-Louis. « Le Déclin de la Société bourgeoise », année1923

    II -  (…) Vous l'avez remarqué sans doute : je suis arrivé au terme de ces quelques pages sans vous parler de l'événement formidable dont nous nous dégageons à peine et dont l'ombre pèse encore sur nous. Je n'ai tiré de la guerre que des arguments accessoires ; je n'y ai fait que de rares et indirectes allusions. J'aurais pu y puiser, au contraire, les moyens essentiels de ma preuve. Il m'eût été facile de vous montrer qu'entre le capitalisme et la guerre, il existe comme un rapport de connexion nécessaire, que ces deux puissances de mal naissent l'une de l'autre et ne disparaîtront que l'une avec l'autre. Poursuivant l'analyse, j'aurais pu vous faire saisir, dans le déroulement même de la guerre, l'opposition croissante des intérêts capitalistes avec l'intérêt commun, la nécessité croissante des méthodes d'organisation collective. J'aurais pu vous montrer l'incapacité du capitalisme à résoudre les problèmes écrasants que la guerre lui a légués.

Son impuissance éclate à tous les yeux. Nous le voyons plier peu à peu sous le poids des charges qu'il a lui-même accumulées. Nul ne peut plus douter qu'en laissant déclencher cette guerre, il ait signé, à plus ou moins long terme, son arrêt de déchéance et de mort... Mais je ne suis pas entré dans ces développements que semblaient pourtant imposer les circonstances. Je vous ai parlé comme je l'aurais fait avant la guerre. C'est à dessein.

La guerre a projeté comme un éclairage brutal et soudain sur les vices essentiels de la société bourgeoise. Elle a déchiré soudain le voile sur la réalité des choses. Mais cette réalité préexistait à la guerre, et c'est pourquoi nous étions socialistes avant la guerre. Nous ne voulons pas faire de vous des socialistes de pur sentiment. Il nous faut autre chose qu'une commotion de révolte contre le spectacle affreux que le genre humain vient de subir. Il nous faut votre adhésion réfléchie, totale. Aussi, me suis-je appliqué à vous montrer, non pas les arguments actuels du socialisme, mais ses raisons fondamentales, celles qui n'étaient pas moins vraies aujourd'hui qu'hier et qui resteront vraies demain, jusqu'à la transformation inévitable.

Ce qui est exact, c'est que la guerre aura hâté singulièrement le moment où les idées maîtresses du socialisme doivent s'incorporer à la conscience universelle... N'est-ce pas étrange? L'humanité ne s'élève que lentement au niveau de certaines idées, si claires cependant, si impérieuses, qu'il semblait qu'elles dussent s'imposer aussitôt à toute raison. Les quelques races dont nous connaissons l'histoire ont développé les germes d'une richesse et d'une perfection telles que rien de plus grand ne paraîtra jamais sous le ciel. Et, cependant, que de vérités sont devenues essentielles, élémentaires pour nous, que ces grands hommes n'avaient jamais aperçues ! Un Platon n'a même pas soupçonné la barbarie, l'effroyable iniquité du droit de conquête et de l'esclavage. Un Rabelais, un Pascal n'ont même pas entrevu les principes moraux et politiques que la Révolution française a publiés dans le monde et que la raison humaine ne discutera plus. Si la question s'était posée devant eux, ils l'eussent résolue comme nous. Mais elle ne se posait pas ; elle ne pouvait pas se poser encore... Puis il semble soudain qu'à un moment déterminé de l'histoire, l'intelligence des hommes acquière comme un sens nouveau.

Il en est ainsi du socialisme. Nulle vérité plus évidente dès qu'on l'a une fois conçue. Le seul étonnement, c'est qu'on puisse la contester et qu'on ait pu la méconnaître, c'est que tant de grands esprits aient pu passer à côté d'elle sans l'entrevoir, comme jadis îles navigateurs, sans s'en rendre compte, passaient à côté de continents inconnus. Mais, aujourd'hui, nous avons touché la terre nouvelle. La guerre aura devancé l'heure où, pour tous les hommes, pour tous ceux, du moins qui ne refusent pas obstinément d'ouvrir les yeux, le monde apparaîtra sous un aspect imprévu, s'illuminera d'une lueur inconnue et inévitable.

Ce jour-là, l'humanité ne comprendra plus comment elle a pu entretenir autour d'elle, des siècles durant, tant de mensonges et d'erreurs absurdes. Laissez-moi user encore d'une comparaison. Il y a deux cents ans, les chirurgiens ont pratiqué pour la première fois l'opération de la cataracte, et rendu la vue à des aveugles-nés. On a pu comparer alors l'idée qu'ils se faisaient du monde dans leur nuit, et celle que leur fournissait la vue restituée. Ils avaient cru se représenter, par ouï-dire, à travers leurs sensations incomplètes, ce qu'est exactement la lumière, ce qu'est une fleur, ce qu'est un visage humain. Mais, au contraire, ils ne se représentaient rien d'exact. Ils avaient vécu dans un monde d'illusions étranges et mensongères, qui ne s'étaient dissipées pour eux qu'avec les ténèbres qui les entouraient. Ils ne saisissaient la réalité du monde qu'une fois, la taie arrachée de leurs yeux. Le socialisme, une fois conçu, produit en nous la même révolution spirituelle. C'est la taie arrachée de notre intelligence. Pour la première fois, la réalité de l'univers social nous apparaît, et nous nous rendons compte que, jusqu'alors, nous avions vécu dans le préjugé, dans la routine absurde, dans le mensonge, dans la nuit. (...)

Léon Blum, extraits de « Pour être Socialiste », 1921, pages 29-31.


(*)  Source et notes du grand dictionnaire socialiste de Compère Morel –  année1924


Face aux fossoyeurs de la gauche,
les alternatives existent !

 

Ces 15 derniers jours ont donné lieu à une certaine agitation, après la baffe des élections européennes, le gouvernement persévère, sans saisir le malaise social et non content de susciter une approbation à gauche, Manuel Valls et Jean Christophe Cambadélis jouent la dramatisation et en même temps la montre. Le Parti Socialiste est train de devenir un grand champ de mines, faire état de « sécession », c’est reconnaître une brèche, ou un gros raté à l’allumage et pas des moindre.

De leurs côtés, quelques âmes courageuses socialistes se sont levées contre cette opération de démolition ou de liquidation, mais beaucoup au Ps rempilent comme d’habitude. Néanmoins en dehors du PS se sont créées des passerelles, ça cause entre « Verts, Rouges et Roses dissidents » et peu à peu se dessine une volonté d’en découdre et qui sait d’être porteur d’un projet de société solidaire.

Le tournant économique opéré par François Hollande en octobre 2013 n’a rien de très « social-démocrate », ni de nouveau, c’est un virage à droite très conforme. Tout comme il a pu s’opérer au sein du parti travailliste et au gouvernement avec Tony Blair en Grande-Bretagne à la fin des années 1990. Et le coup de massue s’annonce encore plus terrible dans les mois à venir du côté de la rue de Solférino, les lézardes internes ne peuvent que continuer à grandir, la question est de savoir jusqu’où sera-t-il possible de combler le fossé idéologique ?

 Les mots ont un sens, et les électeurs ont bien compris, que « emballage pour emballage », certains pouvaient se rabattre sur un identitaire compulsif et un communautarisme, qui ne dit pas son nom : le chauvinisme. A force de répéter les mêmes mots, et surtout les mêmes idées et au final les mêmes politiques, la confusion est totale.

Le patriotisme crié à tue tête, l’année des cent ans de la première guerre mondiale donne une idée de ce que l’idéologie identitaire comme part d’irrationnelle peut provoquer, notamment si l’on s’interroge sur la mort de 9 millions de personnes en Europe au profit des intérêts de ce que l’on appelait le « grand capital » dans le monde ouvrier d’antan. 

En juin 2014, tout semble se jouer sur le terrain de la peur, un monde incertain, mais surtout surjoué par certains acteurs ou professionnels de la politique. Il faut faire peuple, cela tourne parfois au ridicule, à l’exagération mal venue, au mauvais goût n’échappant à personne. L’objet n’est pas d’opposer, mais de faire grandir les consciences et le débat sur les identités nationales est toujours glissant, voire le prélude à des temps brunâtres en Europe.

Face à ce qui est une nouvelle opposition de classe et de conscience, les masques tombent et la grande bourgeoisie française n’a pas vraiment envie de voir ses assises quelque peu renié et cette manne de 50 milliards au « grand capital » est indécente. Seul un élan citoyen massif serait en mesure de lui signifier une fin de non-recevoir.

Avec cet argent, il y aurait de quoi financer de multiples besoins sociaux et économiques, à quand un plan de lutte conséquent contre la misère ou l’appauvrissement des foyers, par exemple ? Elle est là l’urgence, dix millions de pauvre et de précaires dans ce pays, n’est-ce pas un peu trop !

Si les temps sont effectivement « pré-révolutionnaire », rien n’annonce pour autant un changement de ce type. Mais faire croire, qu’il n’y aurait qu’une seule voie réformiste dans ce pays ou ailleurs, cela est un mensonge. Ce pays n’a pas les ambitions qu’il mérite, là est le constat cruel. Et face aux discours brunâtres et identitaires, le mot solidarité à encore du sens.

1 - "Refonder le Parti Socialiste", quelle drôle d’idée ?

« Un nouveau parti socialiste » et un congrès mais pas avant 2015 sont les propos récents ou du week end du 14 et 15 juin 2014 à retenir de J.C. Cambadélis, premier secrétaire du PS. Selon lui, si l’égalité était le thème porteur des Français (déclaration sur France 24). Aujourd’hui, il en va de l’identité…, tout en donnant mollement raison à Sarkozy et ses saillies xénophobes. Néanmoins a surgit l’idée d’une identité Socialiste, cela va de soit, il vaut mieux le préciser ! C’est les termes « carte d’identité », qui seront surtout à retenir, à quand la délivrance d’un matricule de socialisme ?

Refonder sur du sable, la belle affaire, quand il n’y a plus rien sur quoi reposer, quitte à lancer de grands mots, à tirer sa dernière salve, le stratège en chef fait appel à des « Etats Généraux » du socialisme, rien de moins. Tout sarcasme sur l’entendu mérite une petite précision. Quand il est mené une politique économique de droite ou néo-libérale, il est difficile de ne pas l’associer à une politique de même.

« Oui, la gauche peut mourir. Elle n’a jamais été aussi faible dans l’histoire de la V° Ré́publique : moins d’un tiers des voix aux Européennes. » et il n’existe pas d’alternative déclare de son côté le Premier Ministre, Manuel Valls, sur un ton martial, bien apeurant sur la crise, pas seulement économique et sociale, avec sa petite dose identitaire et culturaliste, devant les instances nationales du PS. (lire son intervention ici !)

Fermez le banc et gare à la « sécession » dit à voix haute de son côté Cambadélis, cité par le le 1er ministre dans son discours, en d’autre temps, on aurait usé du mot fraction, mais cela pourrait réveiller de vieilles histoires du passé.  S’il vous plait, tout le monde sur le doigt de la couture, c’est ainsi que le débat démocratique se voudrait et d’une seule émanation, du seul choix d’un homme fut-il président de la République ? Il y aurait de quoi disserter sur un tel sujet, mais devant de telles affirmations, un tel néant discursif, l’on apprend, que rien ne changera.

Alors refondons, c’est bientôt l’été, il sera bien temps à la rentrée septembre d’avoir finit d’anesthésier les dupes, les indécis, … Vite, il faut remettre de l’ordre, comme tout pendant obsessionnel de tout homme d’appareil, et messieurs J.C Cambadélis et M. Valls savent d’où ils viennent. Cette petite musique n’est pas nouvelle. Une belle répartition des rôles datant de l’UNEF-ID et la MNEF, de quoi s’interroger sur des plans de carrière, mais pas vraiment sur l’avenir du socialisme en France.

Pauvre « identité socialiste », qui au passage n’a jamais été unique, sauf en URSS. Il vaudrait mieux parler d’identités socialistes, elles sont au pluriel, et le virement blairiste n’est pas en soit une surprise, ce sont les suites et les pratiques qui en donneront la tonalité. Les changements élyséens épousent parfaitement une stratégie nouvelle, son but est de vider le PS de son contenu critique et intellectuel. Du moins ce qu’il en reste.

Aujourd’hui s’impose de fait une politique d’inspiration libre-échangiste et sans même une délibération interne, voire un congrès qui formalise ce passage à droite toute, quand un cap à gauche est plus que nécessaire. L’appareil, la bureaucratie rampante serre les rangs. Je ne sais comment il est encore possible de co-exister avec une telle volonté de rompre avec l’héritage socialiste ?

Je ne sais si la gauche peut mourir, mais ce que je présume, c’est que le Parti Socialiste de Jaurès et Blum est en train de se suicider à petit feu. Il ne s’agit pas d’un débat entre modernes et anciens, il est question d’une ligne politique et celle-ci n’a rien à voir avec la modernité, elle épouse les temps présents et s’y plie honteusement.
 

2 - Pour des assises de la transformation sociale et écologique !

Samedi 7 juin 2014 s’était tenu le lancement du club des socialistes affligés à Paris (1), cette rencontre avait rassemblé différentes composantes de la gauche réformiste (Ps, Pc, Verts, Front de Gauche, citoyens non encartés ou non affiliés, il manquait seulement à ce rendez-vous Nouvelle Donne). Ce fut l’occasion de tirer quelques constats sur les politiques sociales et économiques de la présidence de François Hollande, et entendre différentes analyses de la situation après l’échec retentissant des Européennes du mois de mai.

L’objectif affiché des « Socialistes affligés » n’est pas de créer une énième composante politique ou mouvement. Il se veut un espace de dialogue et d’échange entre tous ceux se référant à une conception ou une idée du socialisme. Ses déclinaisons sont nombreuses, il ne suffit pas d’être membre du Ps, pour se réclamer d’une idéologie dépassant le seul cadre d’un parti parfois lointain de ses origines fondatrices et populaires.

Certaines urgences et impasses font appel à une démarche transversale, à mettre de côté les différents pour passer à une nouvelle étape s’imposant comme une nécessité. Ce besoin ne se fait pas ressentir depuis hier, l’idée d’une refondation n’est pas en soit une nouveauté et qui dit refondation pousse à réaffirmer certaines bases, et qui sait retrouver un ressourcement intellectuel et militant.

Il ne faut pas faire d’illusion sur comment fonctionne notre monde politique dans sa logique pyramidale. Si refondation s’engageait, il ne faudrait pas oublié le monde associatif et syndical, le tiers secteur sur qui repose des réalités sociales et économiques compatibles avec les défis futurs (éducation populaire, savoirs, partages, socialisation des moyens, …) . Sans de tels relais, lieux d’expérimentations et d’interpellation publique, toutes initiatives et inventivités politiques seraient un peu vaines.

Sommes-nous devant les prémisses d’une recomposition à gauche, telle est la question ? Face à une situation annonçant le pire, il n’est jamais trop tard pour se réveiller, parce que, ce qui se profile à l’horizon de 2017 pour les présidentielles et les législatives semble déjà joué, pour  ne pas dire plier. (regarder la  vidéo,  après en note 2)

Sera-t-il possible d’inverser le cours de la politique de François Hollande ? S’il existe encore des naïfs, ses choix ne font plus l’ombre d’un doute et il est en rupture avec l’héritage socialiste. On ne peut à la fois jouer sur deux façades, le discours du Bourget de 2012 où F. Hollande voulait s’attaquer à la finance et l’autre en 2014 en se référant au sacro-saint dogme d’un capitalisme bénissant  le « veau d’or » de l’offre.

 Face à ce qui est une course-poursuite, commence une démarche  citoyenne, s’inscrivant dans l’humanisme, l’écologie politique, et la question sociale, le tout ouvert sur l’échange et s’appuyant sur au moins 3 principes clairs :

- Agir contre l’austérité néo-libérale dominante et proposer d’autres choix à gauche.

- La volonté de remettre sur ses pieds en France le camp progressiste.

- Permettre à toutes les identités socialistes et démocratiques, les idées émancipatrices de s’affirmer en tant quelles.

Une politique de transformation sociale et écologique est non seulement possible et le seul rempart devant cette Bérézina intellectuelle et électorale annoncée. Ne laissons pas aux mains d’une infime minorité notre devenir collectif, débattons sans concession, et ouvrons les portes et les fenêtres en grand pour que s’engage les derniers temps d’une République, la Cinquième qui est à bout de souffle.

Pour reprendre, une séquence du film de Mathieu Kasssovitz « La haine », « le plus dur ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage ». Car soyons lucides, le discrédit est général et il n’y a rien à attendre d’un Manuel Valls promoteur zélé d’une politique, que même Sarkozy n’avait pas rêvé.

Quand la technostructure pèse à ce point et que les gouvernements se ressemblent, au point de ne plus savoir qui est le plus « à droite », c’est aux citoyens de gauche et aux socialistes de se réapproprier l’outil politique et de faire entendre une voix discordante et une alternative au modèle politique et économique dominant existant.

Oui, il existe des alternatives socialistes et écologistes, d’autres approches des réalités et elles ne peuvent se construire que sur un discours critique affirmé, contre de mécanismes visant à paupériser les masses et déstructuré les derniers ressorts mobilisateurs du mouvement social. Mais le temps couve à l’orage social et l’enjeu n’est pas une participation fictive, mais active des citoyens pour faire face aux vrais problèmes que ce siècle soulève.


Billet de Lionel Mesnard, le 17 juin 2014

Notes :

(1) La Télé Libre, un article  expliquant la démarche du Club des « socialistes affligés ».



L’ancien est mort et ce qu’il y a
de nouveau
est encore à naître?



Le soir du dimanche 25 juin 2014 des élections européennes, la gauche française dans son ensemble a subit un de ses pires résultats, il s’agit d’une défaite historique et à analyser en que telle. Les forces des gauches rassemblant environ 32% des votes avec une abstention de 58%, même après les pires claques de la fin de l’ère Mitterrand, un tel niveau n’avait jamais été atteint.

Désertion des jeunes à hauteur de 73% pour les moins de 35 ans, seuls les plus de 60 ans sont rendus aux urnes pour 60% d’entre eux. Manifestement, la fracture est générationnelle, mais pas seulement, elle est aussi et surtout sociale. Pour les précaires (bas revenus et chômeurs) et les ouvriers, ce sont environ deux tiers de ces catégories, qui se sont abstenus. Ce qui devrait être le cœur même de la gauche boude et pour de bon.

Le terme désorienté ce serait plus juste, car l’abstention est soit une forme de repli, soit une situation d’attente, de colère, de ce que je ne sais quoi ? Il est difficile de tirer des conclusions d’un silence et c’est tout le problème à résoudre. Une équation à une ou plusieurs inconnues, il semblerait. En réalité, il faut que ça cause et que la parole se libère.

Le 21 avril 2002 et l’élimination de Lionel Jospin avait marqué les esprits, ce résultat aujourd’hui ferait presque bonne figure en comparaison. En pourcentage de voix obtenues, c’est pire que les législatives de 1993 où la gauche parlementaire s’était retrouvée à la portion congrue : une cinquantaine de députés pour le PS et une vingtaine pour le PCF face à un hémicycle « bleu horizon » soudé derrière l’homme des rentes et des noyaux durs de l’économie française, Edouard Balladur.

Il faut remonter à l’élection présidentielle de 1969 pour trouver quelque chose d’à peu près comparable, les 28% pour Duclos (Pcf) et Deferre (Sfio) du premier tour, ou comble du symbole à l’élection législative du mois de juillet 1871, pour trouver une telle onde de choc ou un désastre de même amplitude. De quoi rester perplexe et attentif.

Il y a à peine quelques semaines la claque des municipales n’était pas minime, la deuxième secousse des Européennes est révélatrice d’une panne de sens et de l’absence d’un projet politique cohérent et de plus en faveur des travailleurs de ce pays et au-delà des frontières. Et le sujet vaut pour toutes les forces de progrès ou républicaines, certes la gauche est en danger mais pas seulement.

Vouloir charger la bourrique « sociale-démocrate » n’a pas un grand intérêt, à force d’agir toujours en contre ou à vouloir trouver un bouc émissaire idéologique tout désigné, cela ne clarifie rien en ce qui concerne le devenir d’un pays se réfugiant dans le silence. Plus navrant quand il se met à voter pour des ennemis de classe, mais pour cela faut-il qu’il puisse exister une conscience commune des défis à affronter. En l’état, j’en doute fortement.

Il serait bien d’en finir avec le mythe social-démocrate en France, car à l’exception de la région Nord et du Pas-de-Calais, la sociale démocratie n’a jamais vraiment existé en France. Et le seul politique qui pouvait s’en réclamer ou l’incarner est mort l’an dernier. Désolé mais à part Pierre Mauroy, qui d’autre(s) ?

Pour souvenir d’une université d’été avec ce dernier en septembre 1986, il constatait (déjà…), que lui l’homme du congrès de Metz (en 1979 où il avait alliance avec le courant de Michel Rocard), le « droitier » du parti s’était fait passé sur sa droite par tout le monde… De mémoire, Mauroy est celui qui appliqua sans compromission les 90 mesures des 110 mesures du programme de 1981, sachant porter les aléas d’une gauche unifiée, qui avait été absente pendant 21 ans aux manettes du pouvoir.

Je ne vais pas recenser les mesures, les difficultés, les retournements sémantiques de Mitterrand, les crises de diva de Jacques Delors et plus tard les états d’âme de Jean-Pierre Chevénement, sans oublier les jeunes loups de l'UNEF-ID se recyclant du trotskisme à une trompeuse sociale démocratie à la française, comme l'incarne Jean-Chritsophe Cambadélis. Ce serait trop long à raconter, mais vaut son pesant de surprise et de la complexité à retrouver une dynamique de gauche et à gauche dans les méandres des pouvoirs.

Il ne faudrait pas tout mélanger et ne pas participer de la confusion, le projet historique de la sociale démocratie s’est basée en des principes porteurs comme des syndicats puissants, des partis de mêmes et d’accepter le mode de représentation et certaines logiques du compromis. En France, c’est tout le contraire qui s’est déroulé, des partis faibles et des syndicats disparates et maigrichons. Ne faisant que surajouter de la grogne à de la grogne, soit au final, rien, ne permettant un véritable dialogue social et de renforcer l’état redistributeur.

Depuis au moins 30 ans, 0,5% des Français sont membres d’un parti politique et en 2014, moins de 7% cotisent à un syndicat. Sans rapport de force, sans participation du plus grand nombre, le phénomène est non seulement pas récent, mais une des raisons de l’échec actuel. Plus 40 ans de crises économiques, ça laisse des traces et au moins un cinquième de la population active condamnée à la précarité, chacun construisant son petit escabeau social… comme il le peut.

Au mieux, il faut remonter au Front Populaire, pour que le mouvement ouvrier est une base solide pour se faire entendre en France. Autant le dire nous sommes à gauche  assis sur un château de sable, lui-même fondé sur des sables mouvants. En dehors des habilités stratégiques de gens pas vraiment de gauche comme Mitterrand et Hollande, la question sociale, de qui et pourquoi nous luttons, est aux abonné-e-s absents depuis belle lurette.

Je ne réfute à personne de faire une critique de la sociale démocratie, mais attention au prisme réducteur, ce serait idiot que la critique n’ait pas lieu, mais en d’autres termes, pas dans l’illusoire des temps présents vue à la moulinette des médias de la presse dominante ou de militants grincheux ou post-modern...

Je crois, qu’il est temps que tout le monde balaye un peu devant sa porte et pose l’objet de la critique un peu plus loin. Mais pas si loin que ça, car il s’agit d’ouvrir les portes et les fenêtres, en faveur d’une mobilisation allant au-delà du partisan et de la chapelle de pensée.

Tout est à reconstruire et dans l’urgence, et personne n’a de solutions miracles, il faut mettre fin à certaines croyances. C’est un enjeu collectif, citoyen qui se dresse et je ne crois pas qu’en attaquant tel individu ou bien joué les personnages fort en gueule, nous avancerons.

Le problème est politique et nous concerne tous, car l‘Etat, c’est nous !


Pas ce simulacre, cette farce qui se joue chaque jour sous les ors de la cinquième République. Cela n’a que trop duré et je ne me ferais pas avoir une seconde fois. Hier sous « Tonton » les réflexes UDSR ou de la SFIO, le troisième voie de nouveau, j’ai déjà donné, et pas vraiment dupe de ce qui reste des décombres de l’altermondialisme hexagonal, non plus. La cooptation des gens surs sclérose et mieux vaut s’en tenir à distance. La liberté de penser est à ce prix.

Ma seule conseillère en l’état pourrait être
Flora Tristan, avec ses flots de colères ou de joies, tout cela manque de souffle, d’humanité, et si je me réfère à sa personne, c’est qu’il ne suffit pas de donner le pouvoir à des menteurs, parfois des escrocs, mais de donner vie à un futur commun et si besoin mettre ses dernières forces pour faire entendre raison.

La gauche fonctionne sur deux jambes, l’une est réformiste et l’autre est révolutionnaire, et cela n’a rien de neuf, là aussi, sauf que c’est le camp réformiste qui est en panne ou en retard. Et si l’objet finalement était double ou réversible, c’est un peu toute la question de fond, ou comment mettre en avant ce qui nous rassemble ?  Ce qui nous divise ne sert que la raison des plus forts et pas les intérêts du plus grand nombre, ceux des étudiants et des salariés.

Nous crevons de nos divisions et le problème ne se résoudra pas dans la future synthèse du congrès du PS, mais qui sait dans une convergence des mouvements sociaux et politiques en des objectifs clairs, précis et si possible vers une unité en mouvement contre un ennemi commun, l’accumulation capitalistique et son système néo-libéral et pour un programme de transformation sociale et écologique.

L’enjeu n’est pas uniquement national, ni seulement européen et la mondialisation est à l’origine de la constitution d’un idée fondamentale, "les travailleurs n’ont pas de frontières", et pourtant aujourd’hui seul l’objet de consommation peut véritablement circuler et la plus-value se fait toujours en faveur des pays les plus riches. Et ce pourquoi, les générations passées ont lutté s’effiloche depuis de trop longues années, et jamais la précarité de la jeunesse a été aussi forte et les inégalités aussi prégnantes et récurrentes. 40.000 chômeurs de plus pour avril 2014, ça suffit de payer les pots cassés d'un système pervers, le vivant n'a pas de prix.

Il est temps de faire revivre le projet Socialiste, de redonner sens, savoir écouter, comprendre et ne pas avoir peur des contradictions et des critiques, il est temps que la parole s’exprime et si l’envie vous prend, pensez assez large pour ne pas perdre à nouveau dans des batailles d’appareil, de faux débats, l’urgence est ailleurs que dans l’absurde d’un monde replié sur lui-même, un monde fort clos. Malade.

L’absurde ce fut il y a cent ans la première guerre mondiale, ne l’oublions jamais ! Qu’ont gagné les travailleurs depuis de toutes ces divisions ? Nous avons une mémoire et une histoire commune à gauche, la France c’est aussi une résonance universelle, si besoin cherchons de nouveaux contours. La langue, c’est aussi celles des affects, mais attention à ne pas se réfugier dans des fantasmes, la paranoïa environnante. Le pathos est lourd et mortifère, prenons garde.

Et oui le monde change, et nous devons continuer à le penser, à contresens des conservatismes identitaires ambiants, la mission n’est pas simple, parfois désespérée. Résister, c’est créé et chacun se réinvente le monde comme il peut. Un nouvel imaginaire social et politique est appelé à vivre, les luttes ne font que commencer et il est difficile de dépeindre un futur enjoué.

La solution est à la fois individuelle et collective, repenser nos modes d’organisations, permettre au plus grand nombre d’apporter sa pierre à l’édifice, tel est l’enjeu d’une citoyenneté responsable. Et concernant, l’onde de choc électoral, elle ne fait que commencer, avec une fin annoncée du Ps attrape-tout et l’agonie ou erreurs sans fin du Pc à la sauce cubaine ou post soviétique, les divisions syndicales et le malaise général, l’extrême droite et les aigris de la droite dure, comme on pourrait dire en bas de la barre HLM : la gauche est actuellement en slip…

Ni corpus, ni réel contenu, c’est plus qu’affligeant, c’est exaspérant.

Réveillons-nous !


Note : Je vous renvoie vivement à l'enquête IPSOS sur l'abstention au Européennes de 2014 et à certains textes qui peuvent circuler sur Mediapart.


Billet de Lionel Mesnard le 30 mai 2014



Au pays des faux débats :
Enfants « Rois »
ou enfants objets ?


 

Bien qu’il existe dans 34 pays dans le monde (dont 18 dans l'UE) des lois protégeant les mineurs concernant les châtiments corporels, bien que le Conseil de l’Europe demande l’application de mesures allant dans ce sens et avant sanction (lire la note, ci-après ce billet), il n’en sera rien dans la « patrie » native des droits de l’Homme. Il semble préférable de conforter une opinion dans le mauvais sens du poil, qui rejetterait à 80%, sondages à l’appui, le fait que l’état puisse sanctionner, ce qui n’a que pour nom : la maltraitance physique contre les mineurs.

Je ne sais s’il faut parler de reculade… En attendant, la réalité des maltraitances physiques n’est toujours pas à l’ordre du jour. S’il est question d’une femme décédant sous les coups d'un conjoint tous les 3 jours, au titre de l’insupportable. L’enfant à la fois mineur et victime, lui succombera dans une proportion allant du simple au double, voire au triple, sans que cela n’éveille plus l’attention, sachant qu’enfants et ados réunis ne représentent qu’environ 20% de la population française, tout sexe confondu.

Lisant la presse virtuelle, je me suis aussi attardé à lire les commentaires. Certains mots, comme « laxiste, autorité, obéissance », dans ce cas sont des termes très récurrents et dont le premier peut prêter à sourire, du laxisme au « lax-hâtif », il n’y a qu’un pas… N’est-il pas question de « fessée » comme raccourci journalistique ? Bienvenue au monde des projections et fantasmes en tout genre…

Car si ce pour ce genre de mots jetés à la va vite des émotions et donnant à en deviner la part inconsciente, ce n’est que le reflet sinistre et dérisoire que la sévérité impose, quand le surmoi persévère en quelque sorte, et cela n’a rien à voir avec la question de l’autorité, mais bien avec un problème d’autoritarisme. Notamment certains types de violence bien connues et identifiées par les juges pour mineurs. (Le blog de Jean-Pierre Rosenczveig, lire ici : http://jprosen.blog.lemonde.fr)

En clair et sans ambages « parents violents », vous pouvez continuer le plus naturellement possible à détruire votre progéniture. Malgré certaines études et analyses : une étude récente canadienne et différents apports en sciences humaines, voire ce qu’en pense une partie du corps enseignant, éducatif ou social, et sans oublier en bout de course le personnel hospitalier et psychiatrique en particulier, mettre une claque ou une fessée resterait un acte insignifiant ?

Si le phénomène devient une méthode éducative avec un caractère répétitif, oui il y a de très forts facteurs, que l’enfant soit plus tard un agent de cette violence enfouie ou réprimée, qu’il retournera soit contre lui ou à l’égard de la collectivité.

 Cela aurait pu être un simple amendement de sagesse dans la loi famille. Une avancée qui ne coûtait rien , sauf à faire de la loi, valeur d’autorité. L’erreur est grave et se retourne surtout un soutien indirect aux parents maltraitants, la reconnaissance d’une barbarie ordinaire, si coutumière  et celle-ci sans barrières sociales.

Le but n’est pas de faire culpabiliser les familles qui peuvent à un moment de leur vie avoir une attitude violente avec un plus petit, un être par excellence non mature et en formation, la  question est de savoir qui est adulte et ce qu’autorité et responsabilité incombent.

Dans la majorité des cas, les parents, ils ou elles sont quand la claque est donnée les premiers à culpabiliser et à ne jamais recommencer, ce qui est un comportement sain. Et d’autres non pas besoin d’agir de la sorte, être adulte c’est vouloir agir sur les causes, ne pas partir sur des terrains mouvants, une question de respect mutuel et pas si mal sur la base d’un amour altruiste, un enrichissement facteur d’épanouissement.

Le plus ennuyeux sont ceux qui persévèrent et viennent offrir leurs petits fantasmes en prime et sous l’anonymat d’Internet avec des commentaires servant à étaler leurs petites haines. Et dans un réel extrême, l’enfant se voit ramener à un statut d’objet, la brutalité n’en est que plus forte. La violence physique, c’est pour le petit d’homme, à la fois un traumatisme à revivre, si la violence physique est manifeste et elle est en général aussi verbale, les mots accompagnant toujours le geste.

Je pense qu’Alice Miller aurait pris sa plume pour dénoncer les mécanismes de la violence intrafamiliale, premier vecteur de violence en France et dans le monde, hors conflits guerriers. Quoi que les premières victimes des hommes en arme soient toujours les femmes et les enfants, un sujet évoqué de son vivant par le professeur Alexandre Minkowski (ancien professeur et médecin) et problèmes que connaissent bien les ONG et fondations pour l’enfance travaillant sur ce type de question.

Difficile de voir autre chose qu’une légitimité de la violence contre les mineurs, mieux encore c’est une reconnaissance de l’enfant comme objet familial, et non comme sujet de droit à part entière. Car la question véritable n’est pas autour d’un faux débat sur « l’enfant Roi », mais plus exactement d’une relation ou l’enfant devient le souffre-douleur.

Il n’existe pas un cas type d’enfant souffre douleur et rien n’est plus difficile que pour des éducateurs et assistants sociaux confrontés à des foyers violents et en total déséquilibre, de ne pas pouvoir faire appel à une législation fiable, car en l’état, c’est la loi qui mérite une correction !

Il est même souhaitable que des associations ou ONG saisissent la Cour Européenne de Justice sur un tel problème, c’est un enjeu de droit et les enfants et les adolescents sont souvent sans recours pour se protéger des maltraitances physiques et morales. Ce qui en revient à dire, en France, faute de pas grand-chose, mollesse gouvernementale cédant une fois de plus à la démagogie ambiante autorise un parent à faire ce qu’il veut de sa « chose ». Terrifiant, non ?

C’est plus que dommage, il serait nécessaire qu’un débat public donne lieu à un peu moins de légèreté. Attention, ceci n’est pas qu’un simple sujet sociétal de plus. Cela fait partie d’un ensemble acceptant des dérives injustifiables par l’absence d’un simple cadre juridique,  et je vous passe les florilèges sécuritaires, qui n’ont qu’un seul but, faire peur. Vouloir une société plus apaisée, cela demande des prises de conscience un peu plus élevées, pas à faire passer du réchauffé, de l’amendement bouche trou que l’on retire au gré des circonstances (?).

Depuis la fin des années 1980, la Suède a fait de l’enfant, un sujet de droit et cette société ne s’en porte pas plus mal que les autres, semble-t-il. Dix ans après suite à un rejet tout aussi massif dans l’opinion publique, il n’existait plus que 10% de cette même opinion s’affirmant contre dans les années 1990. Il y a donc en la matière encore tout un travail de sensibilisation à faire en France pour faire évoluer les mentalités.

L’enfant n’appartient à personne, ni à sa famille, ni à l’état, les moins de 18 ans disposent de droits spécifiques et à caractère universel, n’étant ni objet, ni bien. Seul prévaut dans ce cas la reconnaissance du petit d’Homme par des droits, tout à fait légitimes et visant à sa protection physique et mentale, le retard en France est évident en ce domaine, c’est ce que qu’il faut souligner.

Comme, le chante, Jacques Higelin « Alertez les bébés ! »  


    Billet de Lionel Mesnard du 21 mai 2014


Note : Résumé du résumé du Conseil de l’Europe

Le programme transversal du Conseil de l'Europe « Construire une Europe pour et avec les enfants » a été lancé en 2006, conformément au mandat adopté lors du Troisième Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement du Conseil de l'Europe (Varsovie 2005).

La stratégie sur les droits de l'enfant 2012-2015 offre une vision du rôle et de l'action du Conseil de l'Europe dans ce domaine, tenant compte des progrès accomplis au cours des deux cycles d'activités précédents (le dernier étant la stratégie de Stockholm), des besoins exprimés par les gouvernements et des enjeux identifiés par la communauté internationale. Cette stratégie est le fruit de consultations approfondies avec les gouvernements, des parlementaires, des organisations internationales de premier plan et des représentants de la société civile. Elle s'appuie également sur l'analyse d'enquêtes et de consultations menées auprès des enfants.

En jouant un rôle de catalyseur dans l'application de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant en Europe, l’objectif principal du Programme « Construire une Europe pour et avec les enfants » en 2012-2015 sera de veiller à la mise en œuvre effective des normes existantes concernant les droits des enfants. A cette fin, il fournira des orientations politiques et un soutien aux Etats membres dans la mise en œuvre des normes des Nations Unies et du Conseil de l'Europe, promouvra une approche holistique (définition de l'adjectif : Qui relève de l'holisme, qui s'intéresse à son objet comme constituant un tout) et intégrée des droits de l'enfant, et établira des mesures visant à faire face aux enjeux nouveaux et existants dans ce domaine.

Le programme poursuivra quatre objectifs stratégiques : 

1. promouvoir des services et systèmes adaptés aux enfants ;

2. supprimer toutes les formes de violence à l'encontre des enfants ;

3. garantir les droits de l'enfant en situation de vulnérabilité ;

4. encourager la participation des enfants.

Lire la suite ici : Conseil de l'Europe




       De l'avantage d'être "bien né"?


Si l’exécutif de la France et sa superstructure technocratique avaient deux sous d’idée et d'analyse de l'état de la crise, nous le saurions. Je n’ai pas encore lu le livre de Bourdieu sur « La noblesse d’état – Grandes écoles et esprit de corps », il importe que je puisse confronter prochainement ma petite idée sur le sujet et ce que le sociologue en dit.

Il y a beaucoup à dire sur l’existence d’un monde très feutré, loin de la plèbe criarde…, jamais lointaine d’un Palais de l’Etat et ce qui fait un système de reproduction des élites, qui mériterait une description précise de ce phénomène, très français, dans une continuité historique, celle de la centralisation des pouvoirs.

La question se pose depuis longtemps, c’est-à-dire au moins depuis 1958, où comment dépeindre notre fonctionnement républicano-monarchiste et son organisation sociale ?

225 ans après 1789, la République sociale est encore à naître, le fait d’être « bien né », c’est-à-dire dans le bon milieu social déterminera pour bonne part votre futur. Et ceux qui s’extraient « de la masse » sont amenés sur le plan psychique à quelques conflits internes que décrit avec intelligence Vincent de Gaulejac (psycho-sociologue) dans  « Névrose de classe » (1).

Le parcours d’un fils d’ouvrier communiste est un des exemples du livre, notamment pour comprendre comment celui-ci va devenir énarque, ce que cela implique comme coupures avec le milieu d’origine ?

Au demeurant, et comme il est dit un peu rapidement, l’ascenseur social en France n’a jamais vraiment fonctionné ou existé. Si en 1968 un peu plus de 10% des enfants d’ouvriers allaient à l’université, les chiffres en pourcentage ont plutôt baissé depuis, mais la massification entreprise des campus a fait passer le nombre d’étudiants de 200.000 à deux millions, donc mathématiquement, il existe environ 10 fois plus d’enfants des milieux les plus défavorisés suivant un cursus universitaire qu’en 1968.

Sauf qu’entend-on, aujourd’hui, par ouvrier sociologiquement parlant et sachant que le nombre des ouvriers est aussi en diminution et que la sociologie globale du pays a connu des évolutions notables, et qu’au titre des plus recalés, les enfants des petits artisans et petits commerçants ne sont pas mieux lotis, pas plus que les franges les plus précarisées du salariat : manœuvres, agents d’entretien, …, en d’autres temps le terme sous prolétariat était de mise. De plus, les classifications sociales, ne sont plus exactement les mêmes, hier les CSP, aujourd’hui les PCS(2).

Que peut-on en dire ou pouvant décrire le phénomène au plus vif?

De la chance d’être « bien né » et son contraire

Il faudrait parler de lignes frontières, d’espaces séparant les « bien nés » des autres, suivre des cheminements, des vies et des parcours sociaux très différents pour se rendre compte de la nature des inégalités réelles et comment elles se répartissent géographiquement. Au plus court, si vous naissez plutôt dans les quartiers ouest parisiens de la bourgeoisie française, vous disposez par ailleurs des meilleurs établissements scolaires (publics et privés) de la maternelle aux grandes écoles.

Il existe comme un triangle, ou selon un périmètre assez restreint à quelques arrondissements, il est possible d’offrir à ses enfants toutes les chances de réussir, mais à la condition d’appartenir à la haute bourgeoisie, ou de préférence y résider et de disposer du réseau adéquat.

De l’école Alsacienne, où il vaut mieux inscrire l’enfant bien avant sa naissance, à Sciences Po, même si cette dernière a fait évoluer sa sociologie à la marge. C’est un des itinéraires possibles de la voie royale, qui fera de votre bambin un de ces sujets « élites » que la République et son système institutionnel aiment tant.

De fait les futurs « élus » entrent dans un système de reproduction social dès la naissance et seront les plus à même de toucher un jour les cimes du pouvoir. Cette logique est proprement confondante et bien réelle. Combien d’ouvriers, de manœuvres sur 897 parlementaires français ? Un ou deux, pour les premiers en 2014, aucun pour les derniers et pour au moins un tiers de la représentation sociale du pays.

 Si par ailleurs, vous naissez au mauvais endroit, du côté de Corbeil-Essonne ou de la ville d’Evry et selon les quartiers, hors résidentielles ou pavillonnaires et petits notables locaux, les paramètres sociaux sont tout autre. Et les enfants qui s’en « sortent » ou qui pourront envisager de gravir les échelons, ils le feront en quittant le lieu, le monde social dont ils sont issus. Ces barrières sociales et géographiques, le père Delorme l’avait parfaitement décrit, il y a maintenant quelques années et suite à la marche pour les égalités de 1983.

D’expérience professionnelle et sachant le parcours des enfants des quartiers périphériques, il y a de quoi être consterné par le gâchis social et être stupéfait par l’incroyable intelligence et humanité qui y règne et loin, voire très loin des récits décrits dans la presse ou les télévisions sensationnelles. Derrière deux trois trafiquants ou petits mafieux par quartier et quelques crétins suiveurs, il existe dans leur très grande majorité des milliers de familles paisibles ou confrontés à 40 ans de crise économique.

Seul ressort en général le petit détail qui fait choc à la une, et nous voilà dans des projections abjectes transformant la réalité. Et puis dépeindre un monde sans excès ne cadre pas avec le climat général ou il est préférable de rendre hystérique ou paranoïaque le fameux récepteur, au lieu de le prendre pour un sujet pensant.

Quand certains illuminés de la plume en sont à passer pour la première fois de leur vie, à pied, le périphérique routier de Paris, on comprend mieux ce que le mot périphérique peut évoquer comme dissonance sociale. Certains journalistes ont même besoin de pisteurs dans certaines zones urbaines, c’est vrai qu’à 30 kilomètres à vol d’oiseau du boulevard Saint-Germain, le casque colonial est de toujours de mise…

L’offensive est politique et sur le terrain des idées et en dépeignant les réalités crues. Pour ce qui est de la littérature actuelle, hors le roman noir et quelques auteurs hirsutes, à l’exemple de Mordillat, à quoi bon se préoccuper de ces gens du quotidien, de leurs préoccupations toute aussi nobles que l’aristocratie républicaine que nous entretenons, mais la voix des sans voix est peu audible.

Les réalités, le réel que l’on se prend dans la gueule, n’a pas ce côté très propret de la bourgeoisie du 6 ou 7ème arrondissement de Paris, c’est-à-dire, le reflet d’un mode pervers respectant à la lettre les institutions monarcho-républicaines de la Cinquième. Mon fils sera énarque ou fera HEC, point barre, quelle misère intellectuelle et mollesse de la bourgeoisie triomphante et de la foi néo-libérale.

Si le terme prolétariat a encore un sens, il est celui de vendre sa force de travail contre un salaire, et nous ne sommes pas si loin des structures aliénantes de la bourgeoisie industrielle avec ses « chiens de garde », de la maîtrise et des ingénieurs, quand il était de bon de faire Mines et Chaussés ou d’être du côté du patron.

A l’inverse, le fonctionnaire « trieur de pavé » (si, si, cela existe…) , quoi que faisant un travail méritant, ne laissera pas grande trace dans l’histoire officielle. Ceci est une boutade… et ce contre exemple n’est que pour souligner, que si les relations au travail ont évolué dans le "management", la structure n’a pas profondément varié, soit se vendre ou virer rentier est la clef de la réussite ? Du moins sociale, pour le reste le Charme discret de la bourgeoisie à d'autres parfums...

Sur le fond sans explication basée sur les questions de dominance, je connais l’apport de Laborit, de Pierre Legendre dans une certaine mesure, mais je connais mal la sociologie parce que je ne suis pas sociologue. L’apport de Pierre Bourdieu ou le fait sociologique est confronté au fait mental, j’ai peur, qu’il ne fasse que renforcer mes acquis et pousser plus loin mes hypothèses. S’il n’y avait que la sociologie comme sport de combat, ce serait merveilleux.


C’est tout le domaine des idées qui est à revisiter d’urgence, lire, relire et j’en passe.


Billet de Lionel Mesnard, le 19 mai 2014


Note :

(1) La Névrose de classe
de Vincent de Gaulejac (Sociologue clinicien) le livre est paru en 1987. Son site : cliquez ici : http://www.vincentdegaulejac.com

Dans nos sociétés modernes éclatées, où l’individu n’a plus de statut déterminé, le déplacement social à multiples visages – promotion et régression sociales, changement de métier et de lieu – influence de façon certaine la personnalité des gens, confrontés à des ruptures et à des conflits difficiles à assumer. Lorsque ces conflits font échos à des conflits plus personnels, ce  » mal de vivre  » deviendra une névrose, que l’auteur désigne comme  » névrose de classe « .

Démarche qui permet de clarifier les rôles respectifs des facteurs psycho-sexuels, des facteurs sociaux et familiaux.  » Des  » histoires de vie  » explicitent le propos, ainsi que des références à des personnages littéraires :  » La place  » d’Annie Ernaux, le  » Fils de la Servante  » d’August Strindberg ou encore  » Antoine Bloyé  » de Paul Nizan. Pour la recherche en sciences humaines la  » Névrose de classe  » apporte un éclairage nouveau : une autre façon d’articuler les conflits psychologiques et sociologiques, dans une alliance riche en perspectives.


L’ouvrage a été traduit en espagnol en 2013, sous le titre « Neurosis de clase. Trayectoria social y conflictuos de identidad » (Del nuevo extremo).

(2) des catégories sociaux professionnelles dîtes CSP, elles sont devenu depuis professions et catégories professionnelles en 1982. Visiter le site de l’INSEE à ce sujet.


Malaise en France
et dans une Europe sans tête…


 

De la société dépressive au malaise de société, les maux de la France de cette deuxième décennie du 21° siècle prennent des accents régressifs. On pourrait penser que les Français se réveillent chaque matin avec un grand mal de tête ou de mauvaise humeur, pourquoi le pessimisme ambiant est-il si tenace et finalement révélateur d’une certaine lucidité?

La question n’est pas de venir gonfler les rangs des prophètes du déclin, ils en sont les artisans ou les agents patentés, mais d’avoir une approche consciente sur notre monde et ne se limitant pas aux frontières de l’hexagone. Non seulement le chemin de l’intégration européenne est escarpé, elle est surtout en l’état en panne et n’a fini que par mettre en compétition ou en concurrence tous les pays et implicitement les citoyens de l’Union Européenne.

Union Européenne : que faire d’un canard sans tête ou d’un nain politique?


En l’état, l’Europe politique n’existe pas et le pouvoir politique existant réside, non point en son Parlement, mais au sein du Conseil des Ministres des 28 membres de l’Union et la Commission, son organe technocratique. Le retard pris pour des institutions démocratiques solides et représentatives des aspirations communes des salariés continentaux est un échec. Le grand rêve de Victor Hugo « des Etats-Unis d’Europe » à tourner au cauchemar et pas vraiment en conformité avec les aspirations de l’écrivain, ou de ceux qui ont cru oeuvrer au fédéralisme et à une solidarité plus forte.

Nous en sommes loin, faute de construction citoyenne et à la faveur d’un marché triomphant, où la spéculation et l’accumulation du capital fonctionnent comme d’un cancer sur le dos des peuples du monde entier. L’explosion des bulles financières toxiques de 2008, ou plus exactement la crise du système bancaire a non seulement démontré, que le capitalisme sans régulation et contrôle des flux financiers provoquait depuis 1987 des crises à répétition, et le dernier coup de semonce à enfoncer nombres d’économies dans le rouge : Espagne, Italie, Portugal, Grèce, Irlande, ….

Les conséquences directes ont touché depuis des millions de personnes provoquant une explosion de la précarité, une baisse du pouvoir d’achat et un chômage de masse, et même un retour des migrations européennes.

Les dégâts sociaux sont gigantesques et la croissance aux abonnés absents et les risques d’une déflation renforceront la règle d’un chacun pour soi, soit la perspective d’un éclatement à court ou moyen terme de l’Europe, si rien ne vient arrêter cette logique folle. Pas de quoi sauter au ciel et crier à l’enthousiasme. Le creusement des inégalités, les errances sociales et nationalistes n’augurent pas du meilleur. Et comme le dit un proverbe tzigane « quand tu es au fond du trou, arrêtes de creuser ».

En situation de crise extrême, car nous ne sommes, ni dans une adaptation aux défis du futur, ni dans une crise passagère et ni vers une menace des fondamentaux de la civilisation, mais bien l’annonce d’un monde en recherche de directions alternatives dans de nombreux domaines, vers espérons-le un nouvel équilibre mondial.

Toutefois, s’il est possible d’envisager un rapport de force face à des mécanismes économiques iniques, c’est tout un redéploiement du rapport que nous entretenons au travail, à la consommation qu’il faudra entreprendre et ce vers une redistribution effective des richesses entre ceux produisant cette même richesse. Et pas au profit d’une minorité et de l’enrichissement de grands groupes transnationaux, sans parler des fonds de placement.

Au-delà de la crise du capital, il en va du devenir du vivant, et plus largement de penser une autre société, de nouveaux facteurs de richesse, un enrichissement ne passant plus par un mode de consommation au final destructeur, du moins par une satisfaction très primaire de posséder, ou l’objet est bien le facteur d’un fétichisme ou d’une perversion de l’esprit. Et le fétiche en la matière, c’est de croire que les ressources terrestres sont infinies et que le capitalisme d’état ou néo-libéral pourvoira au reste.

L’enjeu est bien plus subtil, ses ressorts passent par une émancipation collective et individuelle, le socialisme et la démocratie du 21° siècle sont encore à construire, si ce n’est à inventer mais les repères actuels ne sont pas encore satisfaisants, d’où l’importance d’un pessimisme constructif, c’est toute l’économie, qui doit être repenser, et à la lueur des connaissances scientifiques actuelles. L’économie n’est pas une science, c’est au mieux un mode de régulation et de répartition.

Une économie néanmoins prévaut, celle décrite par un certain Freud, concernant les mécanismes conscients et inconscients des humains et ceci au gré des cultures de notre globe. Cela nécessite aussi de comprendre les besoins biologiques de l’humain pour maintenir sa structure corporelle en état, mais aussi comment il entretient sa relation à la culture, comment il exerce ses rapports de pouvoir ? Comme l’a expliqué le professeur Henri Laborit, l’Homme ce n’est pas seulement, un sujet répondant à ses besoins, c’est aussi et avant tout un être imaginant, notre petite marge de liberté.

Je ne sais si une réponse néo-keynésienne peut-être suffisante, l’objet est très politique et au-delà du seul enjeu économique, la question pourrait résider en quel monde ou Europe voulons-nous et sur notre capacité à mobiliser pour une autre politique ? Pour autant il m’arrive de penser qu’un nouveau New deal comme a pu l’initier Roosevelt serait une dynamique plus que nécessaire, voire de nouveaux accords de Bretton Wood, mais c’est avant tout la nature du Contrat Social unissant les citoyens qui est à redéfinir.

Nouvelle époque, nouvelles problématiques et sans équilibre entre les questions sociales, écologiques et économiques, nous courrons tout droit vers le néant, une perte de sens, une atomisation des rapports sociaux et une plus grande destruction du milieu ambiant.

A des problèmes à multiples causes, réponses de même !


La prise de conscience est à la fois individuelle et collective, il en va de transmettre des ensembles complexes, des savoirs rarement confrontés ou expliqués à tous et l’objet est bien de le faire dans une démarche d’éducation populaire. C’est-à-dire, ouvrir le cercle des connaisseurs et comprendre que les outils d’analyses s’ils sont de nature politique, ils ne peuvent se passer, non pas de l’expertise, chacun est un peu expert de quelque chose… surtout les bavards. Mais de pouvoir s’appuyer sur des travaux scientifiques et universitaires de divers horizons et apporter des éléments de réponse, au politique d’en faire la synthèse.

Sciences sociales et humaines peuvent avoir un rôle moteur dans la compréhension de notre pays, de l’Europe et plus largement sur les menaces concrètes pesant sur les générations nouvelles et à venir. Ce qui en fait aussi un enjeu intergénérationnel et de transmission au plus grand nombre. C’est un peu au final l’équation à laquelle Marx n’a pas pu répondre, même s’il a tenté toute sa vie d’y trouver une réponse, l’Homme peut-il s’émanciper ?

André Gorz est un des rares à avoir entrepris cette gigantesque aventure intellectuelle, à la fois une analyse critique de Marx et des marxistes, et surtout un travail sur le sens et la fin d’un prolétariat mythique. Sur l’aspect politique et socioéconomique, Gorz nous a laissé une réflexion féconde sur les gains de productivité, ce qui va de pair avec la réduction du temps de travail, un revenu minimum d’existence, ..., des pistes pour une autre politique, par exemple !


Billet de Lionel Mesnard du 18 mai 2014



NB : Le mal que les intellectuels (je dis bien: les intellectuels et non les artistes) ont fait, peuvent-ils le défaire ? Ma réponse est oui, mais à la condition :

1° qu’ils reconnaissent ce mal et le dénoncent ;
2° qu’ils ne mentent pas et sachent avouer ce qu’ils ignorent ;
3° qu’ils se refusent à dominer ;
4° qu’ils refusent, en toute occasion et quel que soit le prétexte, tout despotisme, même provisoire.

Sur ces bases, réunissez autant d’hommes que vous voudrez et quels que soient leurs noms, je serai parmi eux"

Albert Camus
, le 15 février 1952.


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