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Sommaire de la page 3, année
2012,
1 - Les Amérindiens résistent, mais restent
sérieusement menacés en Amérique Latine
2 - La solitude de l'Amérique Latine,
discours à Stockholm, Gabriel Garcia-Marquez
3 - Le Venezuela face aux
présidentielles 2012, Guillermo Almeyra
4 - Bilan du président Hugo Chavez, 13 ans après
en République Bolivarienne
5 - Le «problème Mapuche» du Président chilien
Sebastián Piñera et la loi HINZPETER
6 - Colombie,
quand la guerre est à ce point absurde, comment la relater ?
7 -
“Les ONDES contre LES BALLES” Radios du CAUCA en Colombie, RSF
8 - Pérou, non au projet minier Conga,
lettre au Président Humala, Hugo Blanco
9 - La
Chine propose une alliance stratégique au Mercosur, Raul
Zibechi
10 - Le MERCOSUR
suspend le Paraguay et fait un grand pas vers l’intégration !
11 - Coup d'état
institutionnel au Paraguay, Fernando Lugo démis de ses fonctions
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consulter le blog LIBRES AMéRIQUES, cliquez ici !
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Les Amérindiens
résistent,
mais restent sérieusement menacés
en Amérique Latine |
par Lionel
Mesnard, le 23 octobre 2012
Tout à chacun peut avoir pour image l’Indien et son carquois de flèche
et ce qu’il peut conditionner comme préjugés ou uniformisation du
jugement. Dans ce cas, il devient difficile de toucher à la
complexité du genre humain et de comprendre qu’un Awa, un Inuit, un
Mapuche, un Maya, un Navajo a aussi des droits et qu’il est un sujet à
part entière de ce monde et non pas un objet de curiosité.
La lutte du pot de terre contre le pot de fer
Le danger est de renvoyer des humains
à leurs appartenances ethniques, pire à des apparences primitives,
voire à être des cas d’exception (la marge), ou à n’être qu’un objet
photographique pour touriste en goguette ou un témoignage d’un passé
perdu. Tous ces groupes humains sont réels, vivent dans les mêmes temps
que vous et moi, à la différence qu’ils sont les premiers exposés aux
crises de toutes sortes, et en premier lieu économiques et sociales et
climatiques.
Environ 370 millions de personnes sur la planète appartiennent à ce que
l’on nomme les peuples originaires, natifs, premiers ou autochtones,
dont 70% pour le seul continent asiatique. Le terme « indigène » est le
plus utilisé en espagnol, mais il renvoie à d’autres histoires
coloniales et peut prêter à un amalgame historique qui n’a pas lieu.
Pareillement pour le terme « ethnie », il provient de la science du
même nom et n’a pas grand-chose à voir avec l’usage abusif dont il est
fait.
Pour le seul continent américain, les peuples originaires sont encore
majoritaires dans des pays comme la Bolivie et le Guatemala. Si dans
certains pays américains, ils ne sont plus que des groupes
minoritaires, c’est en raison du génocide colonial opéré par la
couronne espagnole au sud, plus tardivement au nord par les colons
européens.
L’idée n’est pas de défendre une position culturaliste, de jouer les
apprentis anthropologues, mais de chercher ce qui fait lien entre des
cultures antagoniques, où les voix du progrès pourraient être communes,
à la condition de partager une idée commune du progrès. Mais cela
demande aussi à entendre des populations, en dehors des représentations
classiques et à prendre en compte l’oralité, non pas comme un défaut de
« civilisation », mais comme un outil de transmission du savoir.
L’on doit aussi s’interroger sur certaines formes du pouvoir dans les
sociétés premières, sur le rôle de l’initiation au sein des
collectivités Amérindiennes ou « indigènes », sans pour cela avoir
besoin de les mimer et se parer de plumes, ni même de partager leurs
croyances.
Le problème majeur est que depuis la conquête espagnole et portugaise
au 15ème siècle, l’on retrouve depuis toujours des populations
asservies, méprisées, et soumises de nos jours à des impératifs
économiques et financiers voraces ou droits humains et rentabilité ne
font pas bon ménage.
En Colombie, 63 pour cent des amérindiens vivent dans la misère, soit
au-dessus d’une moyenne déjà importante d’un Colombien sur deux vivant
dans la pauvreté. Au chili, là où les Mapuches avoisinent 50 pour cent
de la population dans la région d’Araucanie, les paramètres économiques
et sociaux sont aussi mauvais, et met bonne dernière une région ou
règne des exploitations forestières, agricoles et minières très
juteuses en valeur ajoutée et fondée au 19ème siècle sur une
colonisation des terres par l’état chilien distribuée à quelques
familles possédantes.
Deux exemples, parmi beaucoup d’autres sur la nature de
l’oppression toujours aussi vivace que subissent les Amérindiens. Si,
des avancés au Canada et aux Etats-Unis ont pu ces dernières décennies
être constatées, les conflits opposants les états américains du centre,
du sud du continent et le Mexique aux populations autochtones, mettent
toujours en danger ces derniers.
Le mythe du « bon sauvage » ou de « l’indien » rusé ou fourbe…
Quand nous abordons le continent américain, nous partons d’entrée de
jeu sur une équivoque, avec le terme « indien ». Ce mot
très commun provient d’une erreur datant depuis que Colomb a mis les
pieds sur le sol des Antilles, ou d’après ses calculs, il devait avec
ses navires aborder les côtes de l’Inde. Il n’en fut rien, mais le
terme est resté accolé et demeure une méprise. Surtout, cela ne met pas
en relief les populations natives, qui de nord en sud sont diverses et
variées.
Ce qui a été et reste en parti un domaine, où les bonnes âmes en sont
encore à avoir pour représentation l’image du « bon Indien ou sauvage
», la question des peuples originaires ou dits « indigènes » est un
sujet très actuel. S’ils n’étaient pas entraînés dans le tourbillon de
la globalisation marchande, s’ils n’étaient pas eux-mêmes les premiers
à subir un diktat économique en tout lieu de la planète, et surtout
s’ils n’étaient pas une partie de notre monde contemporain, il y aurait
de quoi se moquer de ses représentations à cent lieu du réel et ayant
la peau dure.
Petit exemple de littérature de la fin du 19ème siècle est un récit de
l’histoire de Lautaro (1), chef Mapuche. Au 16ème siècle, il stoppa la
colonisation espagnole (regarder l'image en une). Si vous lisez ce
texte, vous aurez l’impression de retrouver un récit similaire à un
Western hollywoodien, rien que le dessin représentant le texte est à
lui seul un pastiche… « Lautaro n'attend que ce moment. A la tète des
débris de son premier corps, dont les hommes ont eut le temps de se
reconnaître, il se jette dans la mêlée avec un élan tel que toute la
ligne araucane s'enlève a sa suite et culbute les Espagnols qui
rétrogradent en toute bête vers la gorge abrupte, comptant s'y
établir... ».
Ce qui peut étonner, c’est que cette représentation perdure et peut
être pas obligatoirement là où, l’on pourrait s’y attendre. C’est à
Bogota, que je fus interloqué. Les amérindiens de Colombie ne
représentent que deux pour cent de la population. Ils vivent
majoritairement hors des grandes agglomérations urbaines.
En pleine période de noël 2008, je découvrais dans un parc de la
capitale, un groupe que nous qualifierons de folklorique (musiques,
danses et costumes), mais n’ayant aucun lien avec les populations
originaires du pays. Stupéfaction et hasard des promenades, cette
approche folklorique et festive mêlant une musique plutôt proche des
autres pays andins (Bolivie, Pérou) et des costumes d’amérindiens du
nord, n’étaient pas totalement le fait du hasard.
Mais de comment notre connaissance se limite souvent à des stéréotypes,
à des clichés ridicules. Et que cela fonctionne ! Cette représentation
de « l’indien » peut aller jusqu’à un langage méprisant, pour ne pas
dire raciste au sein de la société colombienne et ses voisins andins.
Ce qui ne veut pas dire pour autant, que tous les colombiens agissent
de la sorte, mais quand le langage imagé tient lieu à certaines
représentations communes, comme la ruse, la fourberie en des
terminologies vulgaires, voire insultantes. On comprend alors que les
stratégies de fuite ou de préservation des amérindiens face à
l’envahisseur se sont transformées dans le discours dominant à
assimiler « l’indien » comme quelque chose échappant à la norme imposée
ou admise.
Ce double paradoxe du langage et des représentations n’aide pas à
prendre l’ampleur du problème et des questions non seulement faisant
appel à la mémoire historique, et qui plus est l’application de droits
spécifiques. La loi Taubira sur la traite négrière en France reconnaît
aussi le génocide des Amérindiens, ce qui semble évident ou logique de
la part d’une ancienne élue de la Guyane française (aujourd’hui
Ministre de la Justice), où vivent quelques milliers d’originaires.
Rares ceux qui au sein de la République font références à ces français
de l’outremer, néanmoins ces dernières années certains travaux
historiques sur les populations premières ou originaires ont donné lieu
à un certain intérêt de la part des Antillais, en Guadeloupe notamment
ou s’est ouvert le musée Edgar Leclerc mettant en évidence des fouilles
archéologiques et certaines pièces datant de 500 ans avant J.C.
Sur la nature du génocide des Amérindiens, il faut avoir à l’esprit
qu’au début de la Conquête espagnole, les populations continentales
sont tout aussi nombreuses qu’en Europe, il est estimé entre 70 et 100
millions d’âmes vivant des territoires Inuit dans le Nord canadien à
l’Araucanie des Mapuches.
Si les maladies, ou infections diverses ont eu un rôle notoire dans
l’extermination des populations autochtones, les guerres, les famines,
l’esclavage ou l’exploitation des Amérindiens a donné lieu sur
plusieurs siècles à un nombre de morts qui dépasse l’entendement. Le
chiffre le plus significatif est celui de la Conquête de l’Ouest
(aux Etats-Unis) au 19ème siècle, où vivaient 10 millions d’hommes et
de femmes, qui à la fin de ce même siècle n’étaient plus que 500.000.
Autre chiffre, ce que l’on nomme « les mines du diable » en Bolivie
(les mines de Potosi) ont coûté la vie à 6 au 8 millions d’êtres
pendant la période coloniale espagnole.
Dire ou écrire que les Amérindiens ont surtout succombé essentiellement
à des épidémies est une énormité. Certes certaines maladies ont
provoqué de graves crises sanitaires, mais pas seulement. Du moins,
elles n’expliquent pas comment en un siècle, on passe à moins de dix
millions d’âmes sur l’immensité des territoires de l’Espagne.
Sur la nature de l’échange, petit aparté sur Claude Lévi-Strauss
En Colombie, il existe 82 langues originaires, pour un bon nombre en
voie d’extinction. Et dans l’ensemble du continent américain, il existe
une diversité très importante du détroit de Bering à la Terre de Feu.
L’objet n’est pas de faire un recensement des peuples et cultures
Amérindiennes, mais de bien comprendre, que s’il y a une apparenté et
des traits communs, il ne suffit pas de mettre des plumes aux
amérindiens, pour faire couleur locale… Par exemple, les bijoux des
femmes Mapuches du Chili peuvent faire
penser à ceux des femmes Kabyles.
Ce qui est manifestement plus
intéressant, c’est de pouvoir porter un œil sans a priori, et de se
questionner, non seulement sur ce qu’ils endurent encore de nos jours,
et comment nous pouvons échanger et nous enrichir mutuellement. Le
premier à être allé dans ce sens fut Claude Lévi-Strauss. Il n’est pas
certain que les anthropologues soient toujours les plus aptes à
répondre, mais dans la démarche de ce dernier, l’observation, l’échange
et la compréhension ont eu un rôle moteur dans son œuvre et ses
recherches.
Les échanges qu’a pu établir Lévi-Strauss (à une époque où les contacts
étaient encore rares en Amazonie brésilienne), et les apports en
sciences humaines de ce dernier notamment dans ce que fut le
structuralisme en anthropologie. Il est indéniable que la figure du «
bon sauvage » a pris de sérieuses rides.
Levi-Strauss constatera que le savoir du « sauvage » est loin d’être
mineur, depuis on a pu se rendre compte que dans le domaine de la
médecine, de l’astronomie, de la musique, …, nous sommes face à des
savoirs savants et une connaissance échappant pour bonne part aux
urbains « lettrés » que nous sommes. Et puis nous pouvons nous
interroger sur l’oralité comme facteur de transmission à ne pas
négliger, souvent minorer par les sociétés ou l’écrit domine.
Le plus étonnant avec Claude Lévi-Strauss, c’est que pendant qu’il
développait sa pensée structuraliste, il ait pu aussi en discuter avec
un chef amérindien du Brésil et avoir communément les mêmes fondements
théoriques. Depuis les universités ont formé pas mal
d’anthropologues et rien n’assure que ce soit toujours pour le
meilleur.
Un reportage, il y a 2 ou 3 ans sur France 3, sur la remontée du
détroit de Magellan, se pencha furtivement sur une population
amérindienne du sud du Chili. L’interviewé, une autochtone montra un
agacement certain. Comme étant d’une population très restreinte en
nombre, elle avait du coup des escouades d’anthropologues à sa porte.
On devine un sujet de thèse à la clef, quand cela tourne à un manque
d’égard et de respect du sujet à observer.
C’est pourquoi une approche par l'interculturel ne se fait pas sur un
coup de
tête et nécessite de ne pas heurter les personnes, sources de conflits
et d’incompréhensions mutuels, quand l’objet est tout autre. Et le
mouvement qui s’accentue depuis une trentaine d’année vers une
organisation des peuples originaires est bien plus souhaitable, qu’une
thèse risquant de rester dormir dans une bibliothèque universitaire.
Toutefois, il ne s’agit pas de lancer l’opprobre sur l’anthropologie en
général, parent pauvre de la recherche, mais de lier par l’échange et
la connaissance de nouveaux rapports. Et écrire à ce sujet peut y
contribuer.
Il faut se méfier des discours culturalistes visant à enfermer,
ethniciser nos repères, nous parlons d’hommes et de femmes vivant au
21ème siècle. Face au modèle dominant, l’organisation capitaliste de
notre monde, les peuples originaires sont trop souvent les premières
victimes. L’exploitation forestière, minière ou agricole donne lieu à
de nombreux conflits en Amérique Latine.
Par ailleurs, le dérèglement climatique entraîne des manques d’eau, des
sécheresses, de mauvaises cultures et bon nombre de projets de
multinationales provoquent des désastres écologiques considérables par
l’appauvrissement ou la surexploitation des sols et sous-sols.
Résistance à l’économie de l’absurde et résistances amérindiennes.
Déforestation, usage de produits toxiques pour extraire les minéraux,
produits végétaux OGM ou cultures inappropriés aux sols comme la palme
africaine ou l’eucalyptus, destruction des sources d’eau par un usage
disproportionné ou ne tenant pas compte des besoins pour chaque humain
d’accéder à une source d’eau potable, l’on retrouve souvent aux
premières loges les populations originaires, vivant le plus souvent en
dehors des grands centres urbains.
Cela pour dépendre au final, du marché mondial par la production et
l’exportation à outrance des matières Premières et être tributaire
d’une économie dévastatrice. Et dernier point pouvant illustrer cette
logique de barbares ou de voyous est dans le vol des terres où ce sont
par millions d’hectares qu’ici où là dans le monde sont usurpés à leurs
propriétaires d’origines et aux peuples autochtones.
Penser que ces problèmes de peuples « indigènes » sont lointains,
qu’ils n’ont aucune conséquence sur nos vies, ou pire qu’ils sont
incapables de sortir de leur sous-développement, c’est abdiquer face
aux réalités de notre monde. Ils ont les mêmes problèmes que vous et
moi, à une différence importante, nous sommes heureux le matin de boire
un café, un chocolat ou un thé manger une banane, un ananas, sans se
soucier de sa provenance, mais sans saisir l’enjeu alimentaire dans
l’actuelle organisation économique des marchés.
Quand des pays comme la Colombie sont amenés à exporter leurs produits
à l’exemple du café, l’on sait moins que sur le marché intérieur il
devient quasi impossible de se procurer un café de qualité. Tout est
concentré sur l’exportation et aux Colombiens de boire le restant de
seconde zone, et peu importe s’il existe une demande intérieure. Il en
va de même au Venezuela avec les fruits, ces exemples donnent à
réfléchir aussi sur l’intérêt d’avoir du raisin chilien, quand nous en
produisons en Europe.
Dernier exemple des absurdités à souligner, c’est le cas de la quinoa
(c’est un oléagineux). C’est un aliment important pour les andins et il
se voit aujourd’hui sur nos tables, quand parallèlement ses prix
montent en flèche pour les locaux et provoque une raréfaction du
produit au sein même des pays producteurs comme le Pérou. Au même titre
les agros carburants participent à l’augmentation des prix sur les
denrées alimentaires, cette économie de l’absurde, nous laissant
entrevoir une grave crise alimentaire.
Actuellement les réserves alimentaires mondiales se limitent à 45 jours
et il serait temps de revoir les règles du jeu. D’un côté, les grandes
entreprises de l’agro-alimentaire sont subventionnées par milliards, et
de l’autre, on ne permet plus à des millions de paysans de vivre
dignement, parce que l’on ne leur accorde pas des revenus réguliers et
stables. En plus, l’on opère des changements alimentaires en imposant
un modèle aseptisé de consommation.
C’est cette confrontation avec ce qui a lieu avec les racines de notre
monde, qu’il importe aujourd’hui de sortir d’une vision étroite,
d’élaborer de nouveaux échanges et de tendre si possible l’oreille à
celles et ceux qui sont les premières victimes des déséquilibres de
notre économie monde. Au jeu du plus fort, il va de soit que les plus
faibles sont les perdants. Pour autant, des résistances se construisent
jour après jour, et ce malgré des lois d’exception.
Le Chili a hérité d’une constitution datant de 1992 et du Général et
dictateur Pinochet et rien n’a changé depuis la fin de la dictature, et
cette nation va jusqu’à détenir un système électorale quasi unique en
son genre (le vote binominal). Pour leur part, les communautés
Mapuches les plus actives agissent pour que soient rendues leurs terres
(sachant que 99,8% du territoire Mapuche d’origine est aux mains des
familles des colons, ou de grandes entreprises forestières et même du
clergé chilien pour seulement 50.000 hectares).
Le bras de fer entre l‘état chilien et les communautés Mapuches a donné
lieu des emprisonnements abusifs et au titre d’une loi d’exception pour
des faits terroristes. Non seulement les autorités judiciaires ou
policières produisent des faux et en plus, les peines encourues sont
alourdies au titre de terrorisme, et l’on se retrouve à la clef avec
des condamnations de 10 ans à plus de vingt années de prison.
Les Mapuches sont connus pour une résistance qui date d’au moins les
tentatives de l’Empire Inca de mettre la main sur l’ancienne nation
Araucane. Néanmoins, une région comme l’Araucanie au Chili est
militarisée pour contrecarrer toute autonomie de droit et ne surtout
pas remettre en cause les grandes propriétés terriennes.
Ces dernières années, c’est au moins 300 prisonniers politiques
Mapuches qui ont été incarcérés pour des violences montées de toutes
pièces. Un texte de loi comme la convention 169 de l’OIT devrait
permettre une plus grande autonomie, la restitution de terres et une
obligation de consultation à tout problème pouvant toucher les peuples
originaires. L’état chilien continu à s’asseoir sur les droits
essentiels des originaires. Récemment cela donné lieu à la condamnation
de deux jeunes Mapuche par le tribunal de Temuco à onze ans ferme,
malgré des déclarations policières contradictoires.
L’usage du mot terroriste est aussi une constante en Colombie, surtout
s’il tend à désigner un adversaire politique, et permet ainsi de faire
pression sur les quidams, dans rappelons-le un pays en guerre depuis
des décennies. La peur c’est aussi une politique, quand il s’agit
d’imposer… un ordre de terreur.
Ces vingt dernières années, le conflit a été particulièrement meurtrier
dans les campagnes colombiennes. Ces dernières semaines ce sont les
Nasa-Paez qui sont élevés contre la présence de l’armée régulière et la
guérilla des FARC sur leurs territoires ancestraux. Depuis 2010, l’on
recense 256 morts par homicide chez les amérindiens de Colombie et le
déplacement de 10.000 personnes en raison du conflit armé.
Paradoxe, la constitution colombienne de 1991 reconnaît des droits
propres ou particuliers en plus de la Convention 169 et pourtant rien
n’a vraiment changé en ce domaine. Bien que minoritaires, les
amérindiens et en particulier dans le département du Cauca ont aussi de
solide base de résistance et d’organisation.
Une première, un débat s’est enfin ouvert entre l’état les
représentants du CRIC (Conseil Représentatif des Indigènes du Cauca).
Le président Santos s’est donné deux mois de réflexion pour répondre
aux attentes de paix exprimés. Qui sait une petite lueur d’espoir… Mais
tant que les armes l’emporteront, nous devrons comptabiliser les morts.
Comme c’est le cas tous les jours en Colombie.
Note :
(1) UN HÉROS MAPUCHÉ, par G. de Wailly - REVUE JOURNAL DES VOYAGES ET
DES AVENTURES DE TERRE ET DE MER, tome XXI, année 1892
(juillet-décembre), numéro 784 (Texte disponible sur le site de la BNF
: Gallica)
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Ce texte est protégé par les droits d’auteurs
et ne peut être diffuser sans
autorisation
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"La solitude de l’Amérique Latine"
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Discours à la réception du Prix
Nobel de Littérature 1982
Discours
à la réception du Prix Nobel de Littérature 1982
|
par Gabriel García Márquez, année 1982
Antonio Pigafetta, un navigateur florentin qui a accompagné Magellan
lors du premier voyage autour du monde, a écrit lors de son passage par
notre Amérique méridionale une chronique rigoureuse qui paraît
cependant une aventure de l’imagination. Il a raconté qu’il avait vu
des cochons avec le nombril dans le dos, et quelques oiseaux sans
pattes dont les femelles couvaient dans les dos du mâle, et d’autres
comme des pélicans sans langue dont les becs ressemblaient à une
cuiller. Il a raconté qu’il avait vu une créature animale avec une tête
et des oreilles de mule, un corps de chameau, des pattes de cerf et un
hennissement de cheval. Il a raconté que le premier natif qu’ils ont
trouvé en Patagonie ils l’ont mis en face d’un miroir, et que ce géant
exalté a perdu l’usage de la raison par la frayeur de sa propre image.
Ce livre bref et fascinant, dans lequel se perçoivent déjà les germes
de nos romans d’aujourd’hui, n’est pas beaucoup moins le témoignage le
plus étonnant de notre réalité de ces temps. Les Chroniqueurs de
l’Amérique nous ont légué d’autres irracontables. Eldorado, notre pays
illusoire si convoité, a figuré dans de nombreuses cartes pendant de
longues années, en changeant de lieu et de forme selon l’imagination
des cartographes. A la recherche de la fontaine de la Jeunesse
Éternelle, la mythique Alvar Núñez Cabeza de Vaca a exploré huit ans
durant le nord du Mexique, dans une expédition folle dont les membres
se sont mangés entre eux, et seuls cinq des 600 qui l’ont entreprise
sont arrivés. L’un des nombreux mystères qui n’ont jamais été élucidés,
est celui des onze mille mules chargées de cent livres d’or chacune,
qui un jour sont sortis du Cuzco pour payer le sauvetage d’Atahualpa et
qui ne sont jamais arrivées à destination. Plus tard, pendant la
colonie, se vendaient à Carthagène, quelques poules élevées dans des
terres d’alluvion, dans les gésiers desquelles se trouvaient des petits
cailloux d’or. Ce délire doré de nos fondateurs nous a poursuivis
jusqu’il y a peu. À peine au siècle passé la mission allemande chargée
d’étudier la construction d’un chemin de fer interocéanique dans
l’isthme du Panama, a conclu que le projet était viable à condition que
les rails ne fussent pas faits en fer, qui était un métal peu abondant
dans la région, mais qu’ils soient faits en or.
L’indépendance de la domination espagnole ne nous a pas mis à l’abri de
la démence. Le général Antonio López de Santana, qui a été trois fois
dictateur du Mexique, a fait enterrer avec des funérailles magnifiques
sa jambe droite qu’il avait perdue dans la dite Guerra de los Pasteles.
Le général Gabriel García Morena a gouverné l’Équateur pendant 16 ans
comme un monarque absolu, et son cadavre a été veillé vêtu de son
uniforme de gala et sa cuirasse de décorations assis dans le fauteuil
présidentiel. Le général Maximiliano Hernández Martínez, le despote
théosophe du Salvador qui a fait exterminer dans un massacre barbare 30
mille paysans, avait inventé un pendule pour vérifier si les aliments
étaient empoisonnés, et a fait couvrir d’un papier rouge l’éclairage
public pour combattre une épidémie de scarlatine. Le monument au
général Francisco Morazán, érigé sur la place la plus grande de
Tegucigalpa, est en réalité une statue du maréchal Ney achetée à Paris
dans un dépôt de sculptures usées.
Il y a onze ans, l’un des poètes insignes de notre temps, le Chilien
Pablo Neruda, a illuminé cette enceinte avec son verbe. Dans les bonnes
consciences de l’Europe, et parfois aussi dans les mauvaises, ont fait
irruption depuis ce temps-là avec plus de force que jamais les
nouvelles fantomatiques de l’Amérique Latine, cette patrie immense
d’hommes hallucinés et de femmes historiques, dont l’entêtement sans
fin se confond avec la légende. Nous n’avons pas eu un instant de
calme. Un président prometheique retranché dans son palais en flammes
est mort en se battant seul contre toute une armée, et deux
catastrophes aériennes suspectes et jamais éclaircies ont tranché la
vie d’un autre au cœur généreux, et celle d’un militaire démocrate qui
avait restauré la dignité de son peuple. Il y a eu 5 guerres et 17
coups d’État, et a surgi un dictateur luciférien qui au nom de Dieu
mène le premier ethnocide de l’Amérique Latine de notre temps. Pendant
ce temps, 20 millions d’enfants latinoaméricains mouraient avant
d’atteindre l’âge de deux ans, ce qui est plus que tous ceux qu’ils
sont nés en Europe depuis 1970. En raison de la répression il y a
presque 120 000 disparus, c’est comme si aujourd’hui on ne savait pas
où sont passés tous les habitants de la ville d’Uppsala. De nombreuses
femmes enceintes ont été arrêtées ont mis au monde dans des prisons
argentines, mais on ignore encore le destin et l’identité de ses
enfants, qui ont été donnés en adoption clandestine ou enfermés dans
des orphelinats par les autorités militaires. Pour ne pas vouloir que
les choses continuent ainsi près de 200 000 femmes et hommes sont morts
sur tout le continent, et plus de 100 000 ont péri dans trois petits
pays volontaristes de l’Amérique centrale, Nicaragua, Salvador et
Guatemala. Si c’était aux États-Unis, le chiffre proportionnel serait
d’un million 600 morts violentes en quatre ans.
Du Chili, un pays aux traditions hospitalières, a fui un million de
personnes : 12 % pour cent de sa population. L’Uruguay, une nation
minuscule de 2,5 millions d’habitants qui se considérait comme le pays
le plus civilisé du continent, a perdu dans l’exil un citoyen sur cinq.
La guerre civile au Salvador a causé presque un réfugié toutes les 20
minutes depuis 1979. Le pays qu’on pourrait faire avec tous les exilés
et émigrés forcés d’Amérique Latine, aurait une population plus
nombreuse que la Norvège.
J’ose penser, que c’est cette réalité extraordinaire, et pas seulement
son expression littéraire, qui cette année a mérité l’attention de
l’Académie Suédoise des Lettres. Une réalité qui n’est pas celle du
papier, mais qui vit avec nous et détermine chaque instant de nos
innombrables morts quotidiennes, et qui soutient une source de création
insatiable, pleine de malheur et de beauté, de laquelle ce Colombien
errant et nostalgique n’est qu’un parmi d’autres plus distingué par la
chance. Poètes et mendiants, musiciens et prophètes, guerriers et
racaille, toutes les créatures de cette réalité effrénée nous avons eu
très peu à demander à l’imagination, parce que le plus grand défi fut
pour nous l’insuffisance des ressources conventionnelles pour rendre
notre vie croyable. C’est cela, amis, le nœud de notre solitude.
Donc si ces difficultés nous engourdissent, que nous sommes de son
essence, il n’est pas difficile de comprendre que les talents
rationnels de ce côté du monde, extasiés dans la contemplation de leurs
propres cultures, sont restés sans méthode valable pour nous
interpréter. Il est compréhensible qu’ils insistent pour nous mesurer
avec le même étalon avec lequel ils se mesurent eux même, sans rappeler
que les épreuves de la vie ne sont pas égaux pour tous, et que la
recherche de l’identité propre est si ardue et sanglante pour nous
qu’elle le fut pour eux. L’interprétation de notre réalité avec des
schémas étrangers contribue seulement à nous rendre de plus en plus
méconnus, de moins en moins libres, de plus en plus solitaires.
Peut-être l’Europe vénérable serait plus compréhensive si elle essayait
de nous voir à travers son propre passé. Si elle se rappelait que
Londres a eu besoin 300 ans pour construire sa première muraille et de
300 autres pour avoir un évêque, que Rome s’est débattu dans les
ténèbres de l’incertitude pendant 20 siècles avant qu’un roi étrusque
ne l’implantât dans l’histoire, et qu’encore au XVIe siècle les suisses
pacifiques d’aujourd’hui, qui nous enchantent avec leurs fromages doux
et leurs montres impavides, ensanglantèrent l’ Europe comme soldats de
fortune. Encore à l’apogée de la Renaissance, 12 000 lansquenets à la
solde des armées impériales pillèrent et dévastèrent Rome, et tuèrent à
coups de couteau huit mille de ses habitants.
Je ne cherche pas à incarner les illusions de Tonio Kröger, dont les
rêves d’union entre un nord chaste et un sud passionné exaltaient
Thomas Mann il y a 53 ans dans ce lieu. Mais je crois que les Européens
d’esprit éclairant, ceux qui luttent aussi ici pour une grande patrie
plus humaine et plus juste, pourraient mieux nous aider s’ils
révisaient à fond leur manière de nous voir. La solidarité avec nos
rêves ne nous fera pas sentir moins seuls, tant que cela ne se
concrétise avec des actes de soutien légitime aux peuples qui assument
l’illusion d’avoir une vie propre dans la répartition du monde.
L’Amérique Latine ne veut pas ni n’a de quoi être un fou sans arbitre,
ni n’a rien de chimérique dans le fait que ses desseins d’indépendance
et d’originalité deviennent une aspiration occidentale. Cependant, les
progrès de la navigation qui ont réduit tant de distances entre nos
Amériques et l’Europe, semblent avoir augmenté en revanche notre
distance culturelle. Pourquoi l’originalité qu’on nous admet sans
réserves dans la littérature nous est refusée avec toute sorte de
suspicions dans nos si difficiles tentatives de changement social ?
Pourquoi penser que la justice sociale que les Européens d’avant garde
essaient d’imposer dans leurs pays ne peut pas aussi être un objectif
latinoaméricain avec des méthodes distinctes dans des conditions
différentes ? Non : la violence et la douleur démesurées de notre
histoire sont le résultat d’injustices séculières et d’amertumes
innombrables, et non un complot ourdi à 3 000 lieues de notre maison.
Mais nombre de dirigeants et penseurs européens l’ont cru, avec
l’infantilisme des grands-parents qui ont oublié les folies fructueuses
de leur jeunesse, comme si n’était possible un autre destin que de
vivre à la merci des deux grands propriétaires du monde. Telle est,
amis, l’ampleur de notre solitude.
Cependant, face à l’oppression, au pillage et à l’abandon, notre
réponse est la vie. Ni les déluges ni les pestes, ni les famines ni les
cataclysmes, ni même les guerres éternelles à travers des siècles et
des siècles n’ont réussi à réduire l’avantage tenace de la vie sur la
mort. Un avantage qui augmente et s’accélère : chaque année il y a 74
millions de naissances de plus que de décès, une quantité de vivants
nouveaux comme pour augmenter sept fois chaque année la population de
New York. La majorité d’ entre eux naissent dans des pays avec moins de
ressources, et parmi ceux-ci, bien sûr, ceux d’Amérique Latine. En
revanche, les pays les plus prospères ont réussi à accumuler assez de
pouvoir de destruction comme pour anéantir cent fois non seulement tous
les êtres humains qui ont existé jusqu’à aujourd’hui, mais la totalité
des êtres vivants qui sont passés par cette planète d’infortune.
Un jour comme celui d’aujourd’hui, mon maître William Faulkner a dit
dans ce lieu : « Je me refuse à admettre la fin de l’homme ». Je ne me
sentirais pas digne d’occuper cet endroit qui fut le sien si je n’avais
pas pleine conscience de ce que pour la première fois depuis les
origines de l’humanité, la catastrophe colossale qu’il se refusait à
admettre il y a 32 ans est maintenant rien plus qu’une simple
possibilité scientifique. Devant cette réalité saisissante qui à
travers tout le temps humain a du paraître une utopie, les inventeurs
de fables que tous nous croyons nous nous sentons le droit de croire
que n’est pas encore trop tard pour entreprendre la création de
l’utopie contraire. Une nouvelle et triomphante utopie de la vie, où
personne ne peut décider pour les autres jusqu’à la forme de mourir, où
vraiment soit vrai l’amour et soit possible le bonheur, et où les
lignées condamnées à cent ans de solitude ont enfin et pour toujours
une deuxième chance sur la terre.
à Stockholm en
Suède, le 10 décembre 1982
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Le Venezuela face aux présidentielles de 2012
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par Guillermo Almeyra, le 2 septembre
2012
Bien sûr, gagner les prochaines élections et conserver la présidence de
la République mais aussi la majorité à l’assemblée est évidemment la
principale condition pour continuer le processus bolivarien. Chávez
doit gagner – et il le fera – pour porter un nouveau coup à la droite
affaiblie et à la pression des États-Unis qui reprendra une fois la
bataille électorale étasunienne terminée, que gagne Barack Obama ou,
avec encore plus de raison, si gagne le caverneux Mitt Romney.
Mais la droite, qui dispose de l’appui de plus d’un tiers de
l’électorat, n’est pas composée seulement par des oligarques et des
fascistes. De vastes pans de la classe moyenne et même des ouvriers
voteront aussi pour elle parce qu’ils sont mécontents à cause de
l’insécurité, la corruption dans l’appareil étatique, l’imposition de
candidats au sein PSUV (qui manque d’indépendance et qui est un
instrument bureaucratique gouvernemental) et de l’aspect vertical dans
l’adoption de toutes les décisions. Ces ouvriers et gens de la classe
moyenne pauvres ne sont pas des contre-révolutionnaires ni des agents
de l’impérialisme, comme leurs candidats et principaux dirigeants, mais
ils sont conservateurs et néolibéraux, et donc le processus bolivarien,
au lieu de les mettre dans le même sac que ceux qui travaillent pour
revenir au passé, devrait essayer de les gagner à sa cause ou de les
neutraliser, pour les séparer de ceux qui aujourd’hui les conduisent à
la catastrophe.
Ceux qui votent pour Chávez ne sont pas, en même temps, aveugles devant
les problèmes dérivés de la corruption, du verticalisme, de la
bureaucratie, de la conduite militaire d’un processus qui exige, en
revanche, la plus vaste participation décisive de la population, la
pleine discussion des diverses options possibles pour les grands
problèmes, le contrôle populaire des travaux et des institutions. Parmi
eux il y a des centaines de milliers qui se sont mobilisés, ont fait
les grèves qui ont été réprimées et s’opposent à la forme d’élection
des candidats, souvent autoritaires et des bureaucrates, et à
l’asphyxie de la démocratie de base, mais, cependant – pour une
maturité politique, – ils voteront Chávez contre la droite nationale et
internationale sans se laisser tromper par la propagande
pseudo-gauchiste des loups déguisés en agneau qui suivent Cardiles.
Les élections devraient être l’occasion de favoriser leur auto
organisation et leur politisation, parce que la base du chavisme est la
garantie de préservation du processus bolivarien, de même qu’elle fut
la force qui a battue dans les rues les putschistes par sa mobilisation
quand le coup d’Etat a viré Chavez.
Au lieu de présenter une candidature indépendante et antichaviste,
comme celle d’Orlando Chirino , syndicaliste combattif, séparant les
socialistes des chavistes, la gauche révolutionnaire aurait dû
travailler aux côtés des chavistes partisans du socialisme pour
renforcer l’auto organisation des travailleurs et, quand la droite
aurait été battue, présenter bataille dans de meilleures conditions
contre le verticalisme et les bureaucrates et technocrates qui
attendent la disparition de Hugo Chávez pour contrôler l’appareil
étatique. Parce que les grandes batailles se livreront après octobre.
D’un côté, parce que l’échec électoral de la droite lui laisse
seulement le chemin du coup d’Etat (qu’elle ne peut pas faire
aujourd’hui) ou de l’assassinat de Chávez et l’oblige à courtiser la
droite bureaucratique chaviste pour le postchavisme. En effet, l’autre
possibilité – une invasion depuis la Colombie – est restée jusqu’à
maintenant écartée ou reléguée par le triomphe de la diplomatie cubaine
et vénézuélienne qui a pacifié la frontière colombienne-vénézuélienne,
après avoir ouvert le chemin pour la paix entre le gouvernement de
Bogotá et les FARC et l’ELN, ce qui sert comme prétexte aux militaires
de droite colombiens et aux États-Unis pour toutes les provocations et,
en même temps, on encourage le retour sur leurs terres de centaines de
milliers de paysans déplacés, qui s’affronteront aux paramilitaires et
aux narcos.
D’un autre côté, parce que Chavez, par son décisionisme n’a pas permis
le développement d’une équipe révolutionnaire qui peut le remplacer, et
au contraire, il a donné du pouvoir aux conservateurs et aux gens de
droite qu’il considère loyale à sa personne, comme Diosdado Cabello et
d’autres. Le bonapartisme ouvre toujours le chemin à la transition
bureaucratique vers la contre-révolution ; c’est pourquoi, pour éviter
ce danger, la victoire électorale devra donner les bases pour que le
peuple vénézuélien crée et développe son propre pouvoir de base face à
ceux qui veulent seulement l’avoir comme masse de manœuvre et le
remplacer.
Les élections sont un mélange entre un processus démocratique et légal
de résolution des conflits, une lutte aigue de classes déguisée et à
moitié pleine, et une bataille au sein même du processus bolivarien
entre une caste bureaucratico-technocratique qui prend appui dans le
gouvernement, Hugo Chavez qui agit d’une manière bonapartiste et,
enfin, la pression populaire pour construire des éléments de pouvoir
populaire. L’évolution du prix mondial du pétrole, qui détermine les
marges dont dispose le gouvernement de Chavez et l’évolution de la
santé du commandant lui même, sont deux éléments incontrôlables et qui
continueront d’avoir un grand poids dans l’évolution du processus
bolivarien après les élections d’octobre. Parce que si le prix du
pétrole tombait à cause d’une moindre consommation mondiale due à la
crise, la bataille pour la distribution des revenus entre les
différentes classes et secteurs va s’aiguiser et, si la maladie du
président s’intensifiait en 2013, la lutte pour le remplacer mettrait à
l’ordre du jour une alliance entre la droite chaviste et le secteur le
plus négociateur de l’opposition pour contrôler le pouvoir dans une
espèce de coup d’État non sanglant et bureaucratique. C’est pourquoi il
est fondamental d’utiliser les élections pour semer des idées
socialistes, pour augmenter la politisation et la conscience des
travailleurs et du peuple, construire un pouvoir populaire en luttant
pour le triomphe de Chavez mais sans se subordonner au chavisme
bureaucratisé.
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Bilan du président
Hugo Chavez,
13 ans après en République Bolivarienne |
par Lionel Mesnard, le 18 août 2012
Il est utile en présentation de ce texte de préciser que le but n’est
pas de faire un bilan exhaustif de la présidence vénézuélienne. L’objet
n’est pas d’appuyer une politique qui est avant tout du ressort des
Vénézuéliens. Sans haine ou violence, on peut comprendre, que si nous
pouvions envisager un modèle étatique parfait, nous pourrions enterrer
en trois coups de pioche, la question du dépérissement de l’état et de
l’émancipation humaine. Mais sur le fond nous en sommes loin, les
urgences sociales étaient d’abord de remplir les ventres et les esprits.
Hugo Chavez est soit adulé ou détesté, il est rarement l’objet d’un
point de vue équilibré, ou plus exactement une analyse critique pouvant
laisser place à ce en quoi son arrivée au pouvoir a eu de positif et de
négatif. Cette idée au demeurant sympathique selon laquelle les
journalistes sont objectifs, il n’est pas difficile d’affirmer
l’inverse à la lecture de ce qui a pu s’écrire dans la presse
francophone sur le chavisme ces dix dernières années.
L’objectivité dans le domaine politique est un leurre, chaque camp
argumentant contre l’autre. Les positions s’en tiennent en général à
des positions offensives ou défensives, très souvent caricaturales. Le
Pour ou contre domine, quand il serait intéressant, de se pencher sur
les forces et les faiblesses du régime bolivarien.
Si l’objectivité à tout d’un vœu pieu, la critique est plus à même de
servir une approche plus sincère, sans avoir la prétention d’incarner
la vérité, mais plutôt de cerner certains problèmes de fond. La
question n’est pas vraiment de savoir si Hugo Chavez est un bon ou un
mauvais président, mais plutôt de savoir ce qu’il a fait ou n’a pas
fait ; de pouvoir tirer un bilan des années écoulées, ceci depuis le 6
décembre1998.
Oui ou non, des progrès sociaux et économiques ont-ils eu lieu ? Dans
un pays où depuis des lustres, les politiques publiques sont
défaillantes. La question est aussi de savoir d’où vient le Venezuela
et pourquoi Chavez a fait irruption sur la scène publique en 1992,
jusqu’à devenir une personnalité connue mondialement ?
Si l’on ne fait pas l’effort de comprendre ce qu’a pu connaître au
vingtième siècle le Venezuela, il y a de fortes chances d’en tirer des
conclusions hâtives et sévères, et pour piège d’objecter les réalités
difficiles du passé de ce pays. Si le Venezuela et contrairement à
d’autres nations latino-américaines n’a pas connu de dictature depuis
1957. Toutefois il a connu de très graves crises économiques à partir
des années 1980 et même une guérilla active au début des années 1970.
Cette nation a été comme bien d’autres un enjeu entre l’ancien bloc
soviétique et les Etats-Unis. Et quoi que veuille le président
vénézuélien, même en fronçant le sourcil, il se retrouve en parti
satellisé et à la remorque des pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde,
Chine et Afrique du sud).
1 - Hugo Chavez et la société du spectacle…
Hugo Chavez se représentera donc pour un nouveau mandat de 6 ans comme
président de la République vénézuélienne en octobre prochain
(initialement prévu en décembre). Une occasion de faire un bilan depuis
son investiture en février 1999, ou il n’a fait que susciter des approches
contradictoires : ses partisans le tenant comme un demi-dieu et ses
opposants pour le représentant du diable sur terre. Dans les deux cas,
nous nous éloignons, non pas du personnage haut en couleur que la
presse nous présente, mais de son rôle dans ce qu’il dénomme la
révolution bolivarienne.
Nous disposons aujourd’hui d’un certain recul, quasiment treize ans à
la tête des institutions de son pays et un bilan dans son ensemble
respectable, mais ou l’inflation de mesures n’a pas vraiment touché à
l’édifice capitaliste. Il en va de ce que l’on peut entendre par
Socialisme, mais son idée de la transition, ou du passage au socialisme
ressemble plus à un républicanisme social qu’à autre chose. La marque
d’une radicalité tant affichée est un jeu pour et avec les organes de
presse. Une des grandes qualités de Chavez réside en sa connaissance du
monde médiatique et son goût de la mise en scène.
Il n’y a pas à reprendre cet exécrable proverbe « qui aime bien châtie
bien ». Mais si l’on a pu avoir la chance de le découvrir un peu ou par
le biais de ses apparitions télévisées ; l’homme est chaleureux,
extraverti. Il une capacité à tenir en haleine son auditoire comme nul
autre. Il existe un élément que peu d’hommes politiques savent faire,
mais qui est un atout indéniable, c’est sa capacité à vous faire
partager l’instant présent comme un moment historique. Si vous avez des
convictions de gauche, et même avec des doutes, il y a de grandes
chances d’être pris dans l’enthousiasme du discours.
S’il n’a pas su transformer certains aspects inégalitaires de la
société vénézuélienne, il s’en tire haut la main par rapport à ses
prédécesseurs, notamment ceux se réclamant de la gauche
«sociale-démocrate». Les ADECOS (1) ont depuis quasiment disparus de la
scène politique. Il faut réaliser que le Venezuela n’est pas qu’une
bulle médiatique, mais surtout un pays, avec une histoire plus que
difficile et très loin de nos normes, ou ne serait-ce que du point de
vue d’un Argentin ou d’un Chilien.
Pensez cette nation dans les mêmes termes que les nôtres, c’est
l’assurance de se tromper. Oui, il y a un Chavez énervant, qui peu
parfois étonné et agacé dans ses prises de position. Il a nourri le
pire comme le meilleur, en référence à ses alliés au sein de l’ONU et
son objectif d’intégration régionale.
C’est assez compliqué de relater un monde ou la pensée « magique »
tient autant de place que la pensée dite rationnelle. Ce paradoxe peut
prêter à sourire, mais il n’a rien de drolatique, et si le phénomène
irrationnel est moins perceptible chez nous, il n’en est pas pour
autant totalement absent.
Faire d’un homme l’incarnation d’un pays entraîne inévitablement à
inventer des histoires à dormir debout, et au Venezuela les croyances
ont un rôle à ne pas négliger. Elles régissent l’imaginaire collectif,
et Hugo Chavez apparaissant à la mi-avril 2002 un crucifix à la main,
peu de temps après l’échec du coup d’état (le 11 avril 2002) fut un
tournant alimentant au sein des classes populaires, la légende.
D’autres pourraient parler d’une adhésion des milieux les plus
déshérités pour des raisons exclusivement sociales et économiques, ce
qui a été une réalité et la sortie progressive, d’une misère qui
atteignait 70 à 80 % de la population en 1989 (aujourd’hui 30 %). Pour
autant le rapport des Vénézuéliens au mirage consumériste ou ce que
Marx appelait le fétichisme de la marchandise n’a pas évolué, et dans
une économie où la rente pétrolière prédomine, il semble normal que
ceux qui n’ont pas eu accès à cette illusion veuillent aussi y accéder.
Hugo Chavez atteint et semblant guéri d’un cancer recueille encore un
soutien massif, il se situe à 53 ou 58 % dans les sondages et son
opposant à la présidentielle Henrique Capriles étant à six ou plus de
dix points derrière. Et c’est justement à travers de ce prisme que l’on
voit bien comment Chavez su jouer de sa maladie. Il a suffi qu’il
prenne de la distance avec la vie des médias, pour qu’il soit encore
plus que présent dans les esprits.
Son absence a nourri toutes les rumeurs, pendant que s’organisaient
dans tout le pays les comités pour les élections à venir. Néanmoins ses
problèmes de santé sont sérieux et un certain manque d’information sur
le sujet alimentent des doutes et son lot d’affabulation. Il va de soit
que c’est une bagarre qu’il mène contre la maladie. Cela a tout d’une
figure christique de l’homme qui peut mourir à la tâche. Le Pater
Nostra qui dans toute son essence se sacrifie pour ses ouailles, et
quoi que nous pensions, ça marche à plein tube… au Venezuela.
Toutefois, Peut-on envisager moins de petites chroniques haineuses,
d’assertions sur la «dictature chaviste», ou ce qui l’apparentait à
un populisme souvent réducteur ? Il y a peu de chance que cela change.
Il en est ainsi depuis l’arrivée du président Chavez au pouvoir. Ses
partisans sont convaincus qu’il est le meilleur, ses opposants pensent
le contraire. Normal. Les clivages sur la personne de Chavez sont
nombreux, et ce qui peut s’apparenter, à un pour et un contre,
n’explique pas vraiment pourquoi il est une figure de ce nouveau
siècle. Ce que l’on peut lire à son sujet ne facilite pas un
bilan serein ou équilibré de son action.
L’objet en soit n’est pas d’en tirer un satisfecit ou une critique à
boulets rouges. L’idolâtrie ou le rejet n’aident en rien à comprendre
ce qui a pu se passer de 1999 à 2012 sous la gouverne d’Hugo Chavez
Frias au Venezuela. Qu’on le veuille ou non, son nom est entré dans
l’histoire, il aura marqué la décennie 2000 – 2010 comme nul autre. Il
n’est pas exempt de critiques, de plus, il faut pouvoir distinguer ce
qu’il a pu faire en interne et ses prises de positions à
l’international. Les contradictions chez Hugo Chavez sont nombreuses et
ses penchants autocratiques brouillent un peu la réalité des faits.
Chavez a exercé un pouvoir très personnel tout au long des mandats,
mais il l’a toujours fait dans le respect des lois de son pays. Mais
gouverner un pays par décret, et disposer d’une Chambre des Députés
d’une lenteur assez déconcertante et sans réel moyen de faire appliquer
les lois, tant l’outil public est sclérosé par le véritable mal de ce
pays : la corruption. Il existe un véritable déséquilibre entre un
pouvoir pyramidal centré autour de la seule personnalité du chef, et ce
qui a été mis en oeuvre comme pouvoir participatif, plus transversal
mais dépendant du pouvoir central.
Si, Hugo Chavez a parlé maintes fois de Simon Bolivar et s’en est
inspiré, il a probablement contribué à être inaudible au-delà des
mondes latinos américains. Cela ne pouvant contribuer qu’à faire des
anachronismes et ne pas restituer le fond des problèmes, est-ce que les
Vénézuéliens vivent mieux, qu’avant son arrivée à la présidence ?
Si Chavez a pu provoquer certaines bonnes âmes et pour des raisons
multiples, il aurait fallu comprendre pourquoi au Venezuela, il a connu
jusqu’à présent un tel succès, et connaît une telle influence en
Amérique Latine, et au-delà ? S’il a pu glaner un certain succès
d’estime, ou du moins se maintenir au pouvoir, c’est avec l’appui de la
population souvent la plus humble. On pourrait même croire qu’il est
sorti d’une pochette-surprise, tant il a porté haut des espoirs enfouis
et jusqu’à son arrivée au pouvoir des acquis sociaux et économiques
quasi impossibles ou envisageables.
2 - Un peu d’Histoire… pour mieux comprendre
Pour cela, il faut regarder en arrière et ce qui se produisit avec les
révoltes de la famine en 1989 dans tout le pays. Et souligner en gras
le rôle du gouvernement « social-démocrate » de Carlos Andres-Perez
dans la répression qui s’en suivit jusqu’en 1991 dans les quartiers
populaires (environ 3.000 morts et de nombreux cas de tortures). 70 à
80% de la population vivait dans une misère crasse, quant à l’autre
bout de la chaîne une seule famille détenait à elle seule 15% de la
richesse du pays.
Finalement au fil de ces années, il s’est construit une épopée Chavez,
soit comme l’incarnation du mal absolu, soit du bien total. Il va de
soit que Chavez, homme politique de son état n’a pas à être analysé de
la sorte, et le bien et le mal en politique est une approche souvent
morale et quelque peu caricaturale ou désuète. Ce qui importe, ce sont
les résultats sociaux et économiques et l’évolution de la société
vénézuélienne de ces dernières années. Avec un léger trait d’humour
noir, on pourrait affirmer que le bilan est « globalement positif »…
Il serait un peu simpliste de penser en lieu et place d’une nation,
notamment si l’on ne prend pas en compte les réalités d’une société
très antagonique sur le plan social. Et dans cette architecture Hugo
Chavez a permis que se lèvent certains carcans. Il a libéré une parole
jusqu’à là muette. Parce que fondamentalement la question est de
savoir d’où vient la société vénézuélienne ? Plus exactement ce qu’a
subi cette société au XIX° et XX° siècle comme pesanteurs et
inégalités.
Si l’on prend en compte à lui seul le siècle dernier, on peut avoir du
mal à comprendre les barrières sociales et intellectuelles. Il y a lieu
de saisir le rôle du pétrole dans une société de quelques millions
d’individus (3 millions en 1926), qui ne va qu’accentuer les
déséquilibres entre très riches et très pauvres. En passant d’un modèle
principalement latifundiste, le pays bascule d’une économie agricole à
une économie de la rente pétrolière. Sans qu’il soit vraiment possible
une industrialisation et dans ce domaine faut-il disposer d’une élite,
ou plus exactement de gens diplômés et expérimentés.
Au début du vingtième siècle, Juan Vicente Gomez, dictateur de son état
était un analphabète détestant tout ce qui pouvait se référer à la
culture notamment écrite. Il n’hésitera pas à faire détruire les
archives présidentielles et a procédé a des autodafés publics. En 1945,
le pays forme quelques dizaines d’universitaires par an, ou les études
de droit sont dominantes, laissant peu de place à d’autres domaines,
sauf à la médecine et aux études théologiques. En plus, cette société
est ossifiée dans un rapport social ou domine des relations quasi
féodales ou racistes. Comme dans beaucoup pays latino-américains,
l’église catholique romaine impose sa morale et voit d’un mauvais œil
toute remise en cause de l’ordre établi.
Il faudra attendre les années 1960 pour voir enfin un service public de
l’éducation se construire, c’est sous la mandature de Rómulo
Betancourt que sont engagés certaines grandes réformes et s’améliora
les conditions de vie au Venezuela. Mais si le passage à la démocratie
sera dans un premier temps une dynamique positive, l’on touchera
néanmoins à certaines limites, voire impasses notamment concernant la
redistribution des terres.
Il sera bien entrepris une réforme sur les terres par une
redistribution aux petits exploitants, elle se traduira au final comme
un échec et touchera peu la structure des grandes propriétés et du
foncier au Venezuela. Sur le plan politique, ce que l’on dénomme l’acte
de « Punto Fijo » en 1959 va permettre la construction d’un système
bipartisan ou domine les chrétiens-démocrates du COPEI et les «
sociaux-démocrates » d’Alliance Démocratique.
Si l’argent du pétrole va permettre au début des années 1970 un essor,
c’est en raison de l’envolée des prix, et c’est à cette époque que
Carlos Andres Perez dit CAP devient Président pour la première fois et
nationalise les pétroles vénézuéliens (PDVSA). Il laissera le pays à la
fin de son mandat exsangue. Ses projets vont ruiner et endettés le
Venezuela et l’on devine les conséquences sur les populations les plus
pauvres. Ce même CAP suivra en 1989 les injonctions du FMI, en 1993 il
sera démis de son mandat pour enrichissement personnel, il finira par
prendre l’exil et décédera en 2010 en Floride.
En 1992, se produiront deux tentatives coup d’état, l’une en février,
l’autre en octobre. Le lieutenant-colonel Chavez participera à la
première tentative du complot visant à déchoir CAP de ses fonctions.
Chavez fit partie d’une fraction de l’armée qui n’acceptait pas un
régime corrompu, et la gestion du pays par le président Carlos Andres
Perez. En charge de transmissions mobiles, le jeune officier va se
trouver immobilisé sous un pont à Caracas, ne comprenant pas vraiment
pourquoi, rien ne passe...
Chavez prouvera une certaine impréparation à l’événement, mais grâce à
une courte intervention télévisée, il va devenir populaire, un recours.
Avec son acte de reddition à la télévision d’environ 30 secondes, il
marquera les esprits. S’il va connaître la prison, c’est aussi sa
popularité qui va croître, au point que le successeur
chrétien-démocrate de CAP, Rafael Caldera fini par l’amnistié peu après
son élection, lui et ses comparses en 1994, c’est-à-dire les membres du
MBR-200 (Mouvement Bolivarien Révolutionnaire).
Chavez créera le Mouvement pour la Cinquième République et gagnera sans
surprise en décembre 1999 les élections présidentielles. Rapidement Il
engagera une assemblée constituante et mettra à l’approbation des
électeurs une Cinquième République Bolivarienne. Il reçoit l’agrément
de 70% des consultés et remet en jeu son mandat présidentiel dans la
même foulée, pour un nouveau mandat. À son accession au pouvoir comme
président, Hugo Chavez est encore assez lointain des thèses actuelles.
Sur l’échiquier politique mondial, il se reconnaît dans la troisième
voie de Blair et Clinton.
3 - Hugo Chavez
Président élu du Venezuela
En décembre 1999 se produisent de très fortes inondations dans l’Etat
de Vargas, l’on sort des décombres près de 50.000 morts et
d’innombrables réfugiés. Cette tragédie met en lumière la question des
sols et surtout l’organisation urbaine du pays. Les principales
victimes sont issues des milieux défavorisés et la question du
relogement y sera centrale. Ce qui aurait pu apparaître comme une
évidence, le relogement des familles va faire face à une lourdeur
bureaucratique certaine. Et une des grandes failles du régime,
c’est de n’avoir pas pris en compte la dimension urbaine, qui pour
évidence rassemble 93% de la population.
Selon certaines statistiques, le Venezuela à l’arrivée de Chavez se
place comme le 8° pays le plus corrompu du monde. La ville de Caracas
était classée comme la troisième ville la plus dangereuse d’Amérique du
Sud, les quartiers populaires faisaient face aux urgences du quotidien.
La
misère y était très forte et les conditions de vie étaient plus que
difficiles.
« En 1999 au début du gouvernement bolivarien, la société vénézuélienne
ne reconnaît qu’une seule forme d’organisation sociale : le
capitalisme. Presque toutes les relations humaines sont marquées par
des arguments mercantiles. La classe politique jouissait d’une grande
impopularité et d’un grand manque de confiance après quarante ans de
pillage. Le moral des professionnels, techniciens ou travailleurs et
travailleuses, se détériorait progressivement à chaque malade mal
soigné, à chaque famille frappée par la misère, à chaque enfant
déscolarisé, à chaque personne âgée laissée pour compte, à chaque fois
que quelqu’un avait un besoin impossible à satisfaire faute d’argent.
(…) Du volontarisme des premières années qui procurait de l’aide de
façon peu planifiée, on est passé à la résolution des problèmes de
manière intégrale, structurelle. Ce fait montre les signes d’une
maturation politique du processus. De plus, le pays a commencé à
changer. Le temps du processus constituant (1999) a réveillé la ferveur
nationale pour débattre de son destin. La participation a commencé à
prendre sa place et la courte expérience gouvernementale a commencé à
porter ses fruits par la maturation des cadres de la révolution. »(1)
Nul doute qu’Hugo Chavez ait construit une stratégie, et tout comme bon
stratège a su épouser un temps certaines attentes pour mieux sans
défaire. Le Chavez très consensuel des deux premières années va muter
vers des approches plus radicales, du moins il abandonnera le terreau
d’origine pour engager une révolution citoyenne. C’est sur la nature de
la révolution que nous pouvons nous interroger sur ses portées ou ses
erreurs.
L’idée d’un processus participatif des citoyens va se trouver
consolider face à une opposition hétéroclite et jusqu’au-boutiste. Dans
un premier temps s’élaboreront des projets autogérés au sein des
quartiers populaires, là ou les besoins urgents se faisaient sentir, et
surtout là où la population s’organisa face à la désertion des services
publics.
« Sous le gouvernement de Chavez - bien que le pays ait continué à
s'appauvrir - cette tendance s'est retournée au cours de la dernière
période. En conséquence, le pays a fait des progrès significatifs dans
la récupération du contrôle sur sa richesse naturelle la plus
importante. (…) Ces conclusions ont été tout à fait confirmées par les
événements que le pays a vécu en avril 2002. Le coup d'état manqué
laisse en arrière une situation très fluide et le destin final de la
politique pétrolière n'est pas résolu. Alí Rodríguez Araque, qui était
alors Secrétaire Général de l'OPEP, a accepté d'assumer la Présidence
de PDVSA en tant que candidat d'un consensus politique (…). Le
gouvernement Chávez devra délimiter les trois rôles de l'Etat, sous
leurs aspects politiques et institutionnels: son rôle souverainiste,
son rôle de propriétaire des richesses naturelles et enfin en tant
qu'unique actionnaire de PDVSA. Parallèlement, il faudra définir un
nouveau rôle pour le secteur privé, national et étranger. » (2)
Avec l’élection de G. Walter Bush en décembre 2000 s’engage un tournant
dans les relations diplomatiques. Il est clair que Chavez va devenir la
cible des milieux les plus conservateurs et réactionnaires aux
Etats-Unis et aussi en Espagne sous la gouverne de Juan Manuel Aznar.
Du moment où il va vouloir mettre la main sur les revenus pétrolier et
gazier et revoir les contrats, il va prendre de plein fouet non
seulement les critiques les plus violentes, mais surtout la volonté de
le faire tomber en interne.
Hugo Chavez va devenir l’homme à abattre. sans qu’il eût même prononcé
le mot socialisme. Étonnement, il va résister face à de gigantesques
manifestations et à une grève qui entraînera le patronat et la centrale
syndicale CTV (Confédération des travailleurs du Venezuela) à bloquer
l’activité du pays.
Il restera de la période 2001 à 2003, une opposition très virulente,
les tenants de l’ancienne 4e République ne voulaient pas voir
disparaître certains de leurs privilèges, et ils ne voulaient surtout
pas que l’on touche aux raisons de la misère. Mais Chavez et son équipe
vont se maintenir, si ce n’est renforcer l’aide aux quartiers et
villages défavorisés. La demande y sera forte, elles vont devenir
connues sous le nom des Missions (éducatives et éducatives, sociales et
économiques, et sanitaires).
Fait étonnant et qui marquera, c’est la place que vont prendre
progressivement jouer les médias, le président vénézuélien va y
apporter une grande importance. Ce qui est indéniable c’est le
rôle des télévisions privées dans la participation au coup d’état du 11
avril 2002, ce n’est pas en soit une première que des journaux, radios
ou télévisions en Amérique Latine prennent position en faveur de la
destitution d’un président légitimement élu.
La Société Interaméricaine de Presse est un concentré de groupements
puissants, plutôt conservateurs et proches des oligarchies locales, et
qui fait un peu la pluie et le beau temps en matière de diffusion de
l’information outre-atlantique. Mais pas seulement, si l’on prend en
compte le rôle d’un journal comme El Mercurio au Chili, qui servit de
lien entre les chrétiens-démocrates chiliens et vénézuéliens, et
appuiera le coup d’Etat au Chili en 1973 (Source : Le journal
vénézuélien Ultimas Noticias, année 2006).
À partir du coup d’état de 2002, il est évident qu’un tournant social
et politique s’engagea. La mobilisation populaire a mis un arrêt à
quelques fantoches qui s’étaient accaparés le pouvoir, elle sera
essentielle dans les changements futurs.
4 – Hugo Chavez
candidat éternel ?
Les accents dogmatiques sembleraient irriter Chavez, il s’est en 2011
attaqué au sectarisme ou à certains délires de ses partisans. On ne
peut que constater un tournant souhaitable, en particulier dépasser une
ligne interclassiste et par la même une redéfinition du contrat social.
Son appel aux classes moyennes et au secteur privé n’a rien eu de très
surprenant. Mais par ailleurs, les envolées lyriques du grand frère
Adam Chavez laissent un certain froid dans le dos quand au respect de
l’état de droit et de la démocratie.
C’est à partir d’une base sociale plus élargie que Chavez avait
gagné autrefois, et la perte de certains alliés de gauche ont fait du
PSUV (Parti Socialiste Unifié du Venezuela), un outil de campagne
puissant et pouvant toucher plus de quarante pour cent des
électeurs. Mais qui risquerait à l’échéance 2012 des
présidentielles ne pas être suffisant pour construire un nouveau
mandat et disposer des voix nécessaires à sa réélection.
Le patenté « dictateur » est aussi obligé d’observer certaines règles
qui organisent nos démocraties, comme la démocratie vénézuélienne. Et
il doit repartir à la reconquête d’une base plus élargie et qui plus
est plus représentative. On n’aide pas un pays à lutter contre la
pauvreté, le manque d’écoles pour ensuite constater un poids non
négligeable des classes intermédiaires, ce que l’on peut qualifier de
petites classes moyennes.
Chavez n’a pas su fédérer l’ensemble du salariat, la misère a
véritablement diminué et de manière massive, mais il n’a pas su
s’agréger toutes les forces vives du pays. Et s’il décide de combattre
certaines caricatures en expliquant qu’il n’a pour vœux de tout
privatiser, et comme il l’a fait jusqu’à présent avec le but de
contrôler les leviers-clefs de l’économie. L’on peut être stupéfait de
croire que certains vénézuéliens puissent imaginer une économie à la «
Cubaine », surtout quand celle-ci entrain de changer et de s’ouvrir au
système privé.
Il s’agit d’un débat passionnant sur le rôle de l’état, la place de
l’individu et du collectif. Le tout privatisé et le tout étatique ont
produit leurs lots de désastre, et malgré tout les cris d’orfraie que
l’on a pu entendre sur le Venezuela, nous sommes loin d’une économie à
la Soviet. Il est à noter une très grande faiblesse de l’impôt sur le
revenu, et comme il est important de le souligner le Venezuela est un
pays qui à quelques mécanismes prêts ne diverge pas vraiment des règles
du capitalisme mondial.
On pourrait plaisanter sur le fait que Chavez se « social démocratise
», sauf qu’il a tourné le dos à sa gauche « sociale-démocrate ». Les
partis Podemos et Patria Para Todos qui avaient participé à la
construction d’une nouvelle République Bolivarienne, « révolutionnaire
» si besoin était, n’appartiennent plus à la majorité chaviste.
Il y aurait beaucoup à dire sur ce terme de révolutionnaire ou de
social-démocrate. Mieux vaut se préoccuper de ce qui fait urgence au
Venezuela. Et certaines mesures en faveur de la construction de
logements neufs et les questions urbaines sont des indices. Il reste du
travail et une politique d’ampleur à mener, visant à l’amélioration
qualitative des conditions de vie de tous les Vénézuéliens.
Il semblerait que le temps est au réalisme et qu’à force de se prendre
le réel de pleine face, il serait peut-être temps de faire un bilan
équilibré sur la personne du président vénézuélien. Il a fait, ou du
moins lui et les siens ont permis de sortir de l’apathie une bonne part
de la population. Contrairement à notre morosité ambiante en Europe,
les indices de confiance en l’avenir au Venezuela se porte bien et
montre un optimisme marqué.
Il va de soit que tout ceci change radicalement des années 1980 et
1990. Il faut surtout remarquer l’effort fourni dans le domaine
scolaire, pour simplement comprendre que plus les Vénézuéliens seront
instruits (autrefois plus que souffrants en ce domaine), plus il sera
possible à la population de prendre son avenir en main et lutter contre
les inégalités et certains abus du pouvoir.
5 - Hugo Chavez chantre du socialisme du XXI° siècle ?
Contre toute attente et à l’encontre du discours dominant, Hugo Chavez
est un radical-socialiste qui s’ignore et qui au final ne sait plus ou
il en est de son puzzle idéologique. Si, à l’international, le
président est à classifier comme ayant des accents autoritaires
ou autocratiques, en interne il a su poser certaines bases
républicaines en matière de redistribution sociale, mais il a plutôt
échoué dans sa réforme de l’état et le mise en œuvre de services
publics fonctionnels.
Si la stratégie de contournement a fonctionné en l’existence des
missions sociales, médicales, éducatives et culturelles. L’état
protecteur ou providence lui reste toujours aussi fragile. Il est
indéniable qu’en 10 ans, le travail éducatif et l’accès à la formation
ont été largement favorisés, du jamais vu en matière de construction et
d’ouvertures d’universités (7 entre 2002 et 2006). Mais 10 ans face à
tant de décennies de retard, cette courte période ne comblera pas
certains fossés sociaux et économiques, et l’on doit imputer à la
corruption un rôle non négligeable.
Toutefois il ne serait pas juste d’imputer cette réalité seulement à la
présidence de Chavez. La corruption est presque un sport national,
surtout si vous montez dans les hautes sphères politiques ou
économiques du pays. Ce qui relève d’un véritable problème, et qui est
loin d’être un problème mineur. La corruption ronge le pays depuis fort
longtemps, et l’on pourrait s’amuser à faire un parallèle avec Simon
Bolivar qui s’attaqua en son temps en prônant la mort pour qui
détournait un peso.
Non, Chavez n’a pu nettoyer les écuries d’Augias, car cette réalité est
chronique et touche toutes les sphères de la société. Face à un
problème qui touche la justice, la police, ou ce qui ressemble de loin
ou de près à une bureaucratie, des pratiques illégales prédominent
encore dans la vie quotidienne. Et la famille du président Chavez a su
en profiter, en se fondant dans une nouvelle nomenclature du pays, ce
que l’on dénomme la bourgeoisie bolivarienne.
La présidence de Chavez a su apporter une impulsion dans un pays qui
était amorphe, pour autant il n’a pas su jusqu’à présent prévoir un
après. Il se voit toujours président jusqu’en 2031, et c’est vieux
slogan qu’il nous ressert. La question reste de savoir s’il sera réélu
en 2012 ? Ou va-t-il pouvoir encore se maintenir sur deux décennies,
c’est un peu toute la question ?
Il va lui falloir rassembler un camp pas très homogène, et Chavez est
le seul à pouvoir y répondre. On a beau, penser à quelques ministres
méritants, mais il n’y a pas vraiment de relève, et il est difficile de
s’asseoir sur un héritage ou la présidentialisation à outrance se fait
en défaveur des masses.
L’enjeu est-il vraiment de savoir si Chavez va être réélu ou bien
quelles politiques seront menées pour les années à venir ; quels
objectifs et comment les atteindre? Il faut aussi pouvoir disposer
d’outils de contrôle concernant l’avancée des réformes et leurs
mises en œuvres. Et c’est une des grandes défaillances, le Venezuela
manque d’expertises et l’on mesure mal si les missions sont un acquis
ou un grand sparadrap sur des services publics défaillants ?
Il n’a pas su maîtriser l’inflation et le Venezuela a dû faire face en
imprimant du papier-monnaie, le passage au bolivar fort n’a été qu’un
nuage de fumé, les prix n’ont cessé de grimper, même si les salaires
ont été réévalué et notamment le salaire minimum et le temps de travail
réduit (de 44 à 40 heures). L’économie solidaire et sociale n’a pas pu
supplanter l’économie marchande (ce qui n’a rien de surprenant), et il
y aurait à redire sur le fonctionnement social des coopératives.
Le mal fondamental de ce pays est son organisation mono productive
autour du pétrole et des hydrocarbures. Et là aussi en ce domaine, les
avancés sont encore timides, notamment concernant le développement
d’une agriculture pouvant répondre à la demande interne. Un pays qui
reste dépendant à 80% de son alimentation, il y a un défi restant à
accomplir, et déterminant pour son avenir. Il est sympathique de
dénoncer les «Yankees», mais quand on dispose de Coca-Cola comme
principal importateur d’eau en bouteille, il reste du travail sur la
planche.
Si Chavez a prononcé un très beau discours sur l’échec des négociations
de Copenhague sur le climat, il ne faudrait pas oublier qu’il est le
président d’une nation qui en Amérique Latine contribue pour bonne part
au réchauffement du sous-continent. Pour diverses raisons, la
consommation énergétique des Vénézuéliens n’a rien à envier aux pays de
l’hémisphère nord.
6 - A quelques semaines du scrutin ?
La future élection au mois d’octobre 2012 au Venezuela est l’occasion
de tirer un bilan des années Chavez. Rarement un homme a joué et usé ou
rusé de la bipolarité des points de vue. Vu comme le sauveur suprême
auprès de ses partisans, ou comme un monstre pour ses opposants, il est
difficile d’échapper aux écrits de la propagande ou de la
contre-propagande. Et les camps adverses sont très prolifiques dans ce
domaine.
Nos références, notre connaissance de l’histoire du continent européen
en ses courants socialistes sont inappropriées pour saisir le décalage
entre les deux continents. Le discours de Chavez que cela plaise ou non
est un mixage idéologique, parfois indigeste, et il incombe de le
restituer dans une dimension historique et politique, latine et
américaine ; plus en rapport à une histoire des nationalismes et des
outrances du pouvoir en Amérique Latine. Mais n’en déplaise à ses
détracteurs, Chavez n’est pas un dictateur, c’est un autocrate bien
assis sur un trône de président, pour reprendre un terme plus
classique, un «caudillo» mais élu démocratiquement.
Quand à ce point un homme peut épouser ou incarner l’âme
«révolutionnaire» de Caracas à Buenos-Aires, mieux vaut le voir avec le
spectre de Juan Manuel Peron, que celui d’Ernesto Che Guevarra. Il
appartient encore moins à une appartenance communiste ou
internationaliste, sauf si l’on prend pour cadre la décomposition de la
révolution cubaine. De la rhétorique, beaucoup de bavardage télévisuel,
mais le verbe ne suffit pas à expliquer les manques, les failles du
régime bolivarien et ses accointances avec les pires régimes de ce bas
monde.
Oui indéniablement, cela va mieux socialement au Venezuela. Il faut
arriver à distinguer Chavez en interne dont le bilan est
respectable, du sulfureux qu’il traîne régulièrement à vouloir tenir
une posture anti étasunienne systématique. Il a toutefois accordé sa
préférence à Barak Obama pour la présidentielle de novembre 2012, et
bien qu’il ait menacé plusieurs fois de couper le robinet pétrolier
avec les Etats-Unis, il ne l’a jamais fait et ne le fera jamais. Chavez
n’est pas suicidaire, il sait jouer des discours.
Le Mouvement de l’Unité Démocratique (MDU) est une alliance
hétéroclite allant de Bandera Rosa, (un groupuscule d’extrême gauche) à
des groupements franchement droitiers comme ceux de Justicia Primera ou
du COPEI (parti chrétien-démocrate). Il est donc possible de ne pas
tenir compte des restes du COPEI et d’Alliance Démocratique
(«sociaux-démocrates»), s’ils représentaient 90 pour cent des voix, ils
récoltent
au mieux 10 pour cent des suffrages et ne pèsent plus grand chose sur
le plan national.
Avec Chavez, le paysage politique s’est recomposé en pour et contre, et
il est laissé assez peu de place à la critique. Du moins ce qui a pu
être des vœux n’a pas laissé place à l’essentiel du côté chaviste, la
pluralité. De l’autre versant, en 2006, nous avions Manuel Rosales
comme prétendant, aujourd’hui Henrique Capriles porte étendard du MDU,
et cela ne change rien à la donne. L’opposition se donne une nouvelle
apparence, mais sur le fond il est impossible qu’elle est avec un
candidat aux dents blanches, la capacité de faire diversion. Rien en
l’état n’est joué et il peut devenir le prochain président.
A souligner, dans le vide béant, de ce qui peut toucher au Venezuela,
il n’existe pas une mais des approches critiques à gauche. Libertaires
ou anarchistes, autogestionnaires, trotskystes, membres du PCV,
syndicalistes, universitaires et intellectuels critiques, Etc. Ils ne
sont à ne pas confondre avec le MDU (4) ou le PSUV. Sauf qu’ils ne sont
pas vraiment connus de ce côté de l’Atlantique. De plus, ils ne
disposent pas des mêmes moyens de communication, mais il est possible,
si on le souhaite, d’échapper un tant soit peu, à la propagande de
l’état Bolivarien. Elle est très active et uniforme sur Internet et la
sphère francophone.
Puisse-t-il qu’un peu d’analyse s’empare de ce
débat présidentiel sur le Venezuela, au temps de Chavez !
Notes :
(1) Les ADECOS sont les partisans ou membres de l’Alliance
Démocratique, membre de la deuxième internationale socialiste.
(2) d’Haiman El Troudi, ingénieur, écrivain, planificateur, chercheur
et enseignant, a occupé diverses charges dans le gouvernement
révolutionnaire vénézuélien
(3) Le pétrole subverti http://www.mps-bfs.ch/Ecran/vene14.htm
(4) en version originale, Mesa de la Unidad Democratica (MDU)
Ce texte est protégé par les droits
d’auteurs
et ne peut être diffuser sans
autorisation
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Répression en
Aracaunie et loi HINZPETER :
Le «problème Mapuche»
du Président chilien Sebastián Piñera |
par
Lionel Mesnard, le 3 août 2012
1/ Violences
policières dans la région d’Araucanie
Depuis l’adoption du projet de loi Hinzpeter au Chili, ou projet de loi
78, début juillet 2012, la répression des mouvements sociaux et
notamment Mapuche s’accentue. En effet si cette loi vise à criminaliser
de prime abord les mouvements étudiants, des répercutions seront
inévitables, sur les luttes menées par les Mapuches, ou pour n’importe
quel syndicaliste comme représentant social et lors de ses activités
revendicatives.
Actuellement à Santiago depuis 8 jours des femmes Mapuches sont
présentes au sein du bâtiment de l’Unicef, notamment en charge de
l’enfance. Cette occupation est survenue suite à ce qui s’est déroulé à
Temuco (région d’Araucanie) le 23 juillet, où trois mineurs ont été
blessés lors de heurts violents.
Les femmes demandent à l’Unicef de solliciter auprès du gouvernement le
retrait des forces policières des communautés Mapuches en Araucanie.
Depuis que trois enfants ont été blessés, par des tirs de chevrotine
provenant des carabiniers, le 23 juillet passé. Benjamín Vicuña, acteur
argentin et ambassadeur pour l’Unicef est venu sur place avec des
membres de la CODEPU (1). « Nous sommes ici pour écouter, prendre la
mesure et dire qu’en mon nom ou celui de l’Unicef, nous sommes
préoccupés par la violence dans la région (de l’Araucanie). Par
ailleurs, l’Unicef a jusqu’à présent désapprouvé cette occupation, mais
n’a pas fait appel à une expulsion.
En quelques jours dans la capitale de l’Araucanie, les manifestations
organisées par des communautés Mapuches ont toutes donné lieu à des
arrestations brutales, un mapuche de 70 ans a fini à l’hôpital dans un
état préoccupant (le 30 juillet). En trois actions ou manifestations,
dont l’occupation d’un séminaire à Temuco, l’on a dénombré 27
arrestations de militants Mapuches et plusieurs blessés parmi les
manifestants.
Cet usage abusif de la force n’a rien de surprenant, le président
Sébastián Piñera, ce même mois de juillet a décidé de renforcer les
moyens et le nombre de policiers en Araucanie, et ce sous les
applaudissements ou l’approbation des propriétaires terriens et
notables locaux, ou ce que, peut produire de conservatisme comme appui
à des méthodes toujours plus violentes. Le clergé local par
l’intermédiaire de l’évêque de Temuco, Monseigneur Manuel Camilo Vial a
déclaré, que ni l’argent, ni des carabiniers (policiers)
supplémentaires aideraient à régler les difficultés avec les
Mapuches (29 juillet). Peu de jours avant quatre prêtres chiliens
demandaient (via la presse pontificale) que s’ouvre un dialogue avec
les communautés Mapuches.
« Le mardi 24 juillet, le président Sébastián Piñera a convoqué les
autorités policières et le procureur de la
Nation, à un sommet sur la sécurité, ce qu’il a dénommé «le
problème mapuche».
Dans cette instance a été décidé d’augmenter la dotations des
carabiniers et de la police d’enquête (PDI) dans la région de
l’Auraucanie, ou seront envoyés une plus grande quantité de véhicules
et instruments répressifs (…). À notre jugement, c'est une réponse
immorale et irraisonnable aux demandes légitimes de restitution de
terres ancestrales qui ont été usurpés au peuple Araucan (Mapuche). Les
actions de récupération de terres dans lesquelles des groupes impliqués
d'Araucan ont été vus sont une réaction devant l'abus des entreprises
privées et l'échec des politiques de dialogue avec les représentants de
l'État chilien, après des promesses multiples inaccomplies et non
respectueuses des droits fondamentaux. » (Source CODEPU)
2/ La loi
HINZPETER, tout manifestant aura la tête tranchée…
Le vote intervenu à la chambre des députés, début juillet 2012,
approuvant la loi Hinzpeter a provoqué une levée de bouclier de
la part des associations et ONG. Si cette loi était appliquée, il y
aurait des atteintes graves aux droits de tout chilien, qui pouvant
encourir 3 ans de prison, pour le simple fait de manifester
pacifiquement.
Quelques exemples du texte de la
Hinzpeter visant à la limitation du droit de manifester, les situations
(ci-après) ou pourraient s’ensuivre une condamnation pénale :
« Paralyser ou interrompre quelque service public que ce soit, comme
les services hospitaliers ou d’urgence, et ceux de l’électricité, des
combustiles, de l’eau potable, des communications ou des transports. »
« Envahir, occuper ou piller les habitations, les bureaux, les
établissements commerciaux, industriels, d'enseignement, religieux et
autres, qu'ils soient privés, ou municipaux. »
« Empêcher ou gêner la libre circulation des personnes ou des
véhicules sur les ponts, dans les rues, sur les chemins, ou autres
biens similaires d’usage public. »
« Ceux qui auront incité, promu ou organisé les désordres ou
autres actes de force ou de violence qui touchent la réalisation d'un
des faits signalés au premier point [paralyser ou interrompre un
service public, donc], à partir du moment où ils les auront prévus, se
verront appliquer une peine de [541 jours à 3 ans de prison]. »
« Les protestations étudiantes ont suscité de la part du gouvernement
un nouveau projet de loi basé sur la terreur, appelé “Loi Hinzpeter”,
qui vise à criminaliser le mouvement étudiant. Cette loi menace tous
les mouvements sociaux au Chili. » (Extrait de la déclaration de la
CONFédération des Etudiants CHiliens). Face à la volonté politique et
sécuritaire affichée du Président Chilien, il en va d’une mobilisation
contre des atteintes à la liberté d’expression au Chili.
Aussi et au vu des déclarations et épreuves de forces intervenues
récemment contre des manifestants mapuches à Ercilla ou à Temuco
(Araucanie), il ne peut que s’exprimer, une fois de plus, une forte
réprobation de la violence de l’Etat chilien à l’encontre du mouvement
social Mapuche.
Nous ne pouvons qu’être inquiet de ces bruissements de bruits de botte,
au pays où l’on fêtait encore un homme comme Pinochet (en juin 2012 à
Santiago). Cela en dit long sur une transition démocratique (de 20
ans...) qui s’essouffle, car reprenant les pires aspects de l’ultra
droite chilienne et pouvant faire craindre une accentuation de la
répression contre tout ce qui n’est pas aux ordres du pouvoir.
Note :
(1) CODEPU http://www.codepu.cl
: Corporación de Promoción y Defensa de los Derechos del Pueblo
Ce texte est protégé par les droits
d’auteurs
et ne peut être diffuser sans
autorisation
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Alerte au Cauca en
Colombie,
quand la guerre est à ce point absurde,
comment la relater ? |
Par Lionel Mesnard, le 22 juillet 2012
Que se passe-t-il dans le département du Cauca en Colombie ?
C’est toute la question que l’on peut se poser sur les aspects
conflictuels de ce pays. Le Cauca est un révélateur de ce qui ne
fonctionne pas, et ne pouvant pas fonctionner. Tant que la guerre
agira. L’absurde est le propre de la guerre, c’est ce que nous pouvons
comprendre suite à ce qui s’est déroulé en juillet 2012 en Colombie
dans le Cauca. D’un côté des hommes en arme activant au nom des
raisons de l’état colombien et ne faisant pas mieux que les
paramilitaires de
tous les bords, alors qu’ils devraient normalement être un rempart
contre les bandes criminelles. Sauf que bien souvent l’armée nationale
participe directement ou indirectement à la violence exercée sur les
populations civiles
du cru. Les troupes du ministère de la défense déployées ainsi ne
sont en fait qu’un problème de plus, là où elles auraient pu être une
solution évidente pour toutes personnes vivant dans un Etat de droit.
L’armée colombienne n’a démontré en rien son efficacité depuis des
lustres et en premier lieu dans son secours aux Colombiens, à part
rajouter du chaos au chaos. Cet état de fait conduit à la mort
régulière de civils ne demandant qu’une chose, vivre en paix et pas
sous
la mitraille. De l’autre côté de la barricade, face aux bandes armées
et aux ratés successifs du pouvoir colombien, les premiers concernés,
les habitants du Cauca, quand ils voient leurs gamins enrôler dans la
guérilla, ou quand la drogue devient la route de l’enrichissement,
(surtout des pontes paramilitaires). Alors faute de ne pouvoir
véritablement cultiver son lopin de terre et d’envisager un
développement plus harmonieux, des hommes et des femmes du Cauca, pour
certains vivant depuis
toujours de leurs sols n’arrivent pas à faire valoir leurs droits les
plus essentiels.
Si nous assimilions la France à la Colombie, il faudrait imaginer des
villes en état de siège, Paris bunkerisé et quelques départements
ruraux à feu et à sang et des familles paysannes déambulant de région
en région. Parce que ne pouvant plus vivre dans leurs villages ou leurs
hameaux, car devant fuir devant les violences de la guerre. Un exode
ayant conduit 4 à 5 millions de colombiens depuis vingt ans à
abandonner souvent leurs seuls biens, quand ce n’est pas de laisser sur
place quelques parents morts ou quelques survivants.
Le face à face
sécuritaire d’Alvaro Uribe et de Juan Manuel Santos
Quand, le 6 juillet 2012, par tribune de presse, l’ancien président
Alvaro Velez déclarait, rien de moins que « la guerre » à l’actuel
Président Juan Manuel Santos, rien ne présumait dans les colonnes de
nos journaux d’une telle activité du conflit se déroulant dans le
département du Cauca au sud-ouest de la Colombie. Et rares étaient ceux
qui faisaient part d’une nouvelle mobilisation des populations
originaires à l’exemple de ce qui a pu se dérouler déjà en 2008 (1)
sous l’égide du CRIC (Conseil Représentatif des Indigènes du
Cauca). Cette fois-ci, c’est la deuxième communauté amérindienne du
pays, la population Nasa-Paez. qui manifeste son trop plein dans la
région ou localité de Turibio (au nord-est du département du Cauca),
Hasard des discours ou révélateur du climat politique au sein de la
droite colombienne, Alvaro Uribe est venu surenchérir sur l’usage de la
force et user de son art de la provocation et du cynisme. « Alvaro
Uribe estime que Santos a abandonné sa politique de « sécurité
démocratique » et ainsi mis en danger la vie des Colombiens. Il lui
reproche aussi de n’avoir rien fait pour tenter de protéger ses proches
des foudres de la justice, notamment Andres Felipe Arias, alias
Uribito. C’est bien au lancement d’un nouveau mouvement d’opposition à
Santos qu’Uribe a procédé, annonçant une candidature à la
présidentielle pour 2014 de l’un de ses proches, la constitution lui
interdisant de se présenter lui-même (…). » (Source du blog Regards
Latinos de Patrick Bèle).
Du coup, Juan Manuel Santos, bien que n’ayant pas abdiqué pour autant,
celui-ci ayant continué à renforcer les affrontements armés contre les
FARC depuis le début de l’année, notamment dans le nord-est du pays
dans le département de l’Arauca (frontalier du Venezuela) et d’autres
lieux du pays. L’actuel occupant du Palais présidentiel ne pouvait pas,
ne rien faire, face à des propos visant à invalider sa politique de
sécurité militaire. Le 11 juillet, le président Santos accompagnés de
ses ministres et d’un dispositif médiatique important se rend à Toribio
pour y tenir un conseil de son gouvernement et présenter les
acquis économiques et « sociaux » de son action depuis 2 ans, pour date
anniversaire de sa prise de fonction.
Toribio,
centre de la Colombie pour quelques heures
Toribio en rouge sur la carte
Toribio est une localité de 26.000 habitants perchés dans la Cordillère
des Andes et au nord-est du département du Cauca, et qui va être du 11
juillet au 19 juillet 2012 un centre de tensions de différentes
natures, mais pas le seul lieu dans le département à connaître une
forte intensité guerrière. Le président colombien arrivera avec son
équipée par hélicoptères, sans que pour cela ne cesse vraiment les
affrontements avec les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie
(FARC). Ce ne fut rien d’autre qu’un petit coup d’éclat entre quelques
balles présumées perdues entre les rotatives. Néanmoins, le président a
pu faire bonne figure devant un public, certes heureux de le voir, mais
ne pouvant pas comprendre à quoi rimait ce spectacle. Juan Manuel
Santos voulu rencontrer les représentants du CRIC, ils refusèrent
l’invitation. Il du se limiter à une petite assistance de rock star
avant de tenir discours devant ses ministres caméra à l’appui. Et
apparemment, il ne se doutera pas que sa présence allait mettre en
avant les déséquilibres prégnants du département du Cauca .
Le 13 juillet, le CIRC porte assistance à 1500 personnes déplacés à El
Mango au sud du département du Cauca. « Selon l'équipe du CICR qui a
procédé à l'évaluation des infrastructures civiles après les
affrontements, 74 maisons ont été gravement endommagées et sont
inhabitables. Beaucoup d'autres ont subi des dommages structurels, mais
peuvent être réparées. L'école et deux salles communautaires ont
également été endommagées durant les affrontements. » En tout, le
Comité international de la Croix-Rouge (CICR) va recenser le
déplacement de 6.450 personnes en 10 jours dans le Cauca, en raison des
affrontements entre militaires et guérilleros.
Le département du Cauca est depuis trop longtemps un lieu
d’affrontement militaire, où s’oppose l’armée nationale, les milices ou
paramilitaires d’extrêmes droites et les FARC. Se trouve au milieu la
population civile et notamment les Afro-colombiens et les Amérindiens.
Depuis des années, ces derniers essaient de faire respecter les
principes à la fois de la constitution et leurs droits normalement
alloués par la loi colombienne. Le 14 juillet, une centaine
d'amérindiens Nasa-Paez rejoignent le sommet des Torres, au-dessus de
Toribio, au lieu dit, El Berlin ou se tient un fortin militaire.
La résistance
indigène dans le Cauca
En s’en prenant à la force publique, les autorités Nasa et aussi le
CRIC vont pouvoir ainsi exprimer leur exaspération en demandant aux
militaires de l’armée nationale de quitter les lieux. Une idée qu’ils
expliquent à qui veut les entendre depuis un an. Six hommes en uniforme
seront délogés de leurs postes à El Berlin. Il en est de même pour les
FARC prenant la région de Toribio pour cible de nouveau et depuis
plusieurs mois. Suite à diverses actions des Nasa du 14 juillet au 18
juillet, l’on dénombrera 4 militaires des FARC et 30 soldats retenus de
l’armée nationale par la seule force des poignés par les populations
résistantes du coin. Suite à ces actes de résistance quatre
manifestants, trois amérindiens et un métis ont été assignés le 20
juillet devant la justice pour lien avec les FARC. Ce malgré la
protestation d’un chef Nasa condamnant cet amalgame, quand sur les
quelques jours d’échauffourées, il sera dénombré zéro blessé parmi les
forces de l’ordre.
Ce que les Amérindiens de Colombie veulent faire entendre, dont 3.000
d’entre eux se sont mobilisés et ont manifesté durant ces jours
derniers, c’est qu’ils ne veulent plus d’armes sur leurs territoires.
Symboliquement les armes saisies sont enterrées et mélangées à du sel
pour qu’elles ne fassent plus usages. « Les Indiens (Nasa) exigent le
départ de ceux qu’ils désignent dans leur langue comme « les hommes
portant le fer ». Depuis le début de cette année, le village de Toribio
a été visé une quinzaine de fois par les explosifs des FARC, 2.500
personnes ont fui les combats le week-end dernier dans la région.»
(Source du journal la Croix). Il est rarement fait mentions des
amérindiens Nasa-Paez. Ils rassemblent une population de 120.000
personnes dans le Cauca. En 2005, la communauté des Nasa-Paez avaient
eu à faire avec les FARC, et elle s’était retrouvé entre deux feux
suite à la venue de militaires envoyés par Bogota, tout en manifestant
de leur côté avec des drapeaux blancs pour la paix. Depuis ils ont
toujours cherché à mettre à distance les armes préférant leur bâton de
parole ou d’autorité (2).
Le prix du sang et des larmes
Finalement, une fois de plus les populations locales payent le prix du
sang, à signaler deux morts dont un jeune manifestant de vingt ans et
il a été a recensé 32 blessés au sein des populations autochtones,
notamment avec les forces spéciales de l’ESMAD, et en moins de 3
semaines près de 9000 personnes ont dû se déplacer en raison de
l’intensification du conflit. Sur le terrain des voix se sont élevées
pour demander le retrait de toutes les forces militaires, notamment le
CRIC (Conseil Représentatif des Indigènes du Cauca). Qui a tout
mis en œuvre pour qu’un dialogue soit enfin ouvert et en dehors de tout
artifice médiatique. Le constat est que si l’on veut la paix, il serait
peut-être temps de faire taire toutes les armes. Sinon le massacre
continuera silencieusement son œuvre et loin du regard des médias et de
l’état central. Quand en Colombie, ils n’agissent pas pour brouiller
les cartes et servir une propagande assez classique.
Au titre des exactions, les populations originaires du Cauca subissent
à la fois les FARC, les paramilitaires d’extrêmes droites et l’armée
nationale, car plus on concentre de forces et plus les violences
augmentent, sans parler des effets du trafic de drogue (source de
financement de tous les paramilitaires). Quand les locaux se
mobilisent, c’est-à-dire le plus généralement des petits paysans, ils
le font les mains nues ou avec des bâtons (de parole), ce qui aux
dires des autorités nationales ressemble à des actes terroristes. Et
cet argument de terrorisme renvoyé à leur face est une vieille
ritournelle, que le pouvoir a abusé jusqu’à la corde, pour vouloir
faire passer de modestes paysans pour une bande de terroristes en
puissance. Or, il n’en est rien, surtout quand on tente d’amalgamer des
mouvements de résistances pacifiques et sociaux à la guérilla des FARC.
En 2008 les manifestations pacifiques parties du Cauca et à l’appel du
CRIC et de son porte-parole Madame Aida Quilcue avaient été la cause au
sein des manifestants de nombreux blessés par armes à feu et
d’une bonne dizaine de morts ayant succombés à des impacts divers
comme des grenades, des balles, ou objets catapultés avec de la
grenaille et provenant des membres de la bien connue ESMAD. Toutefois
s’organisa une Minga d’un type spécifique, consistant à ressembler les
forces vives du Cauca, tous mouvements sociaux confondus. Plusieurs
milliers de personnes se rendirent du Cauca à Bogota sur le chemin de
la parole et ainsi manifester les souffrances des populations indigènes
colombiennes. Il s’en était suivi peu de temps après l’assassinat de
l’époux d’Aida Quilcue, porte-parole du CRIC, en des raisons
criminelles qui jusqu’à présent n’ont pas été élucidées.
La Colombie dans
la tourmente
« À ces phénomènes subtils, clefs dans la solution d'une guerre de tant
d'années, peu d'attention est prêtée aux stratégies militaires ou
concernant l'investissement appliqué au pied de la lettre (…). La
meilleure preuve de cela est le voyage présidentiel : malgré ses
annonces, Juan Manuel Santos n'a pas réussi à dialoguer avec les
indigènes. Il n'est pas le premier président de passage. En attendant
cela ne change pas, la guerre sans fin du Cauca va continuer. » (Source
la conclusion de l’édito sur « la Guerre sans fin dans le Cauca »
par l’hebdomadaire colombien SEMANA). Entre les intérêts d’un
état qui ne pensent qu’investissements pour bonne part financiers au
détriment des vivants, et des bandes armées rompues à toutes les
manipulations agissant autour du trafic de drogue, comment est-il
possible de faire entendre des voix franchement divergentes ? Qui plus
est des paroles de paix ?
C’est toute la problématique que posent les mouvements sociaux
Amérindiens en Colombie, bien qu’ils soient minoritaires à l’échelle du
pays, et considérés comme la dernière roue du carrosse à bien des
égards, quand on ne parle pas d’ignares ou d’attardés mentaux. Le CRIC
est une organisation sociale importante, de plus elle nous évite
l’analyse incontournable de la politique en Colombie sous le feu des
camps adverses en présence. Les seuls dangers notables pour l’existence
de tous en Colombie sont les hommes en arme. Une occasion d’écrire et
faire part aussi des communautés de paix qui résistant sans arme sur le
territoire colombien font de leur possible pour éloigner le tir des
canons. Et l’occasion d’informer sur les conséquences que le conflit a
en plusieurs points du pays.
Nous débutions l’année 2012 sur des augures de paix (3), nous voilà de
nouveau confronté à la triste réalité colombienne. A noter que quelques
de plumes francophones ont permis de mieux comprendre ce qui se passe
là-bas ces derniers temps, peu à peu certains journalistes prennent
conscience, que la guerre fait appel à un traitement propre, ce qui
n’est pas vraiment le cas de la presse française ou francophone pour la
Colombie, qui souvent use de l’AFP, sans mettre en relief les vrais
problèmes, pour ne pas dire le sordide de la chose. Les déclarations du
journaliste français Roméo Langlois (31 mai 2012) à la fin de sa
capture aux mains des FARC déclarait à la presse colombienne que, le
plus en danger n’était pas lui, mais ce qu’il allait advenir des civils
colombiens à ses côtés, montrant aux caméras le visage de ceux qui
l’accueillerent à sa libération avec le souriant visage de ce pays. Et
vous êtes invités à lire le témoignage d’une journaliste Belge, après
les notes de bas de page.
Un bal macabre sans fin ?
C’est ouvert le 20 juillet ce qui ressemble à un début de dialogue
entre l’état central et les représentants autochtones du Cauca. Enfin,
même si Juan Manuel Santos a rappelé qu’il ne bougerait en aucun cas
les positions
de ses troupes, le dialogue est toujours la meilleure des thérapies en
temps de guerre. « L'objectif est de "porter la voix du mouvement
indigène auprès du gouvernement", afin d'envisager une table ronde avec
le gouvernement la semaine prochaine, a indiqué à la presse Feliciano
Valencia, l'un des chefs indiens. Ce dialogue s'effectue notamment en
présence du coordinateur de l'ONU en Colombie, Bruno Moro, qui se
trouve depuis mercredi dans le Cauca, a précisé à l'AFP un porte-parole
de l'institution internationale. Les militants indigènes ont notamment
fixé comme condition au gouvernement qu'il renonce à toute poursuite
contre les manifestants. » (Agence France Presse)
Ce bras de fer qui se joue entre Bogota et les paysans amérindiens,
noirs et métis du Cauca est une affaire à prendre avec sérieux.
Bogota connaît les capacités de mobilisations du CRIC et à tout intérêt
à construire un dialogue. Ce sont les lois du pays qui l’imposent,
et ce de manière constitutionnelle depuis 1991. Si le président Santos
tient à se démarquer de son prédécesseur, lui voilà une occasion de
montrer que le temps d’Alvaro Uribe est bien fini, et que le seul bruit
de ses casseroles devrait amener l'ancien président à se faire tout
petit et discret.
Une fois de plus, la paix est dans l’esprit du plus grand nombre en
Colombie, mais les agités de la gâchette et de la peur vont continuer à
sévir. Et, rien vraiment ne prépare à clore ce bal très macabre,
ou le décompte des victimes est sans fin comme la guerre.
Notes :
(1) Deux Vidéos sur Pantuana TV
sur le Cauca et la Minga de 2008.
(2) Le bâton de Parole ou d’autorité est un objet rituel des
amérindiens en Colombie, il signifie que celui qui le prend à quelque
chose à dire et demandant écoute, attention et respect. Il invite à
préparer son intervention, à faire l’effort de conscientisation, de
clarification. Il n’autorise pas à parler sur l’autre, il autorise
seulement à parler de soi dans le registre du témoignage d’une idée,
d’un ressenti, d’un fait, d’un sentiment, ou d’une croyance
(3) Lire sur ce
site l'article "Une perpective de Paix en Colombie
(et le paramilitarisme d'extrême droite) ?" de 2012.
(4) « Témoignage de Laurence Mazure », correspondante pour La Libre.be
(Belgique)., ci-après
Ce texte est protégé par les droits d’auteurs
et ne peut être diffuser sans
autorisation
L’urgente nécessité de couvrir la guerre en
Colombie
par Laurence Mazure, juin 2012
« Il faut
espérer qu’il y ait des journalistes qui aillent aussi avec
la guérilla pour montrer un peu ce que les combattants ont à dire,
parce que ce conflit-là n’est pas couvert" : ces paroles de Roméo
Langlois, prononcées le 30 mai au moment de sa libération après 32
jours passés aux mains des FARC, nous rappellent ce qui devrait être la
base normale de notre travail. Or ce n’est pas le cas, comme j’ai pu le
constater au cours des dernières années, en tant que correspondante de
La Libre en Colombie.
Déjà, il faut rappeler que ce conflit armé qui ravage depuis plusieurs
décennies la Colombie et déstabilise sa région, ne se réduit pas aux
seules forces de sécurité gouvernementales d’un côté, et aux FARC de
l’autre. Les armées paramilitaires et aujourd’hui néo-paramilitaires,
les groupes mafieux dédiés au contrôle de la chaîne de production et de
vente de la drogue (cocaïne, mais aussi héroïne, avec l’explosion des
cultures de pavots), les alliances ad hoc des uns avec les autres, y
compris dans le cas des forces de sécurité, les stratégies de survie de
populations rurales abandonnées de l’Etat et utilisées par tous les
acteurs du conflit, multiplient les visages d’une guerre dont il est
impossible de parler en termes simplistes, comme le voudrait le
traitement rapide et "people" qui tend à prédominer dans l’information.
La couverture des actions de guerre qui se déroulent journellement dans
le pays requiert de pouvoir passer d’un groupe à l’autre. Mais le degré
de stigmatisation des très rares journalistes comme Jorge Enrique
Botero, qui ont couvert le conflit à partir des rangs de la guérilla,
est difficilement imaginable : menaces de mort, insultes et absence
totale de solidarité de la part des journalistes des grands médias
locaux proches de l’establishment qui, le plus souvent, ne traitent le
conflit qu’à partir du discours officiel du gouvernement et de l’armée.
Ceux qui remettent en question ce point de vue unilatéral sont
assimilés à la guérilla : la suspicion est jetée sur eux au travers de
la sempiternelle question "qu’est-ce que vous faisiez là ?", alors que
le terrain est là où notre métier exige que nous nous trouvions. Le
lynchage médiatique de Langlois par les tweets de l’ex-président Uribe,
les insultes et propos haineux à son égard par les lecteurs des plus
grands quotidiens colombiens, encore en ligne aujourd’hui, témoignent
d’une hostilité bien organisée qui n’a pas alarmé les modérateurs des
publications concernées.
L’autre
approche du conflit porte sur les violations des droits humains
et des conventions de Genève. Là aussi, le travail se fait en se
rendant sur l’incontournable terrain pour parler avec les familles des
victimes de disparitions forcées, exécutions sommaires, tortures, ainsi
que les personnes sujettes au déplacement forcé. Hollman Morris est un
journaliste colombien qui a assumé cette approche, et ce, au prix de
menaces de mort et persécutions contre lui et sa famille, émanant,
entre autres, des services secrets colombiens (1). Cette situation
vient d’une scission profonde : d’un côté, les grands groupes
médiatiques et des journalistes, locaux et parfois étrangers, qui
reprennent le discours officiel et passent sous silence tout ce qui ne
s’inscrit pas dans cette vision. De l’autre, les nombreux médias
communautaires et alternatifs qui, dans les villes comme dans les zones
rurales, sont ceux qui connaissent le mieux le conflit économique,
social et armé, et aident les journalistes indépendants, locaux ou
étrangers, à accéder à ce fameux terrain.
En Colombie, que ce soit auprès des victimes, avec les troupes
régulières, ou celles de la guérilla, l’exigence de notre travail de
journaliste reste la même : rendre visible ce que la guerre cherche à
maintenir dans l’ombre.
(1) La Libre a suivi les différentes tentatives de censure et
judiciarisation exercées contre ce journaliste au cours des années
2009/2010 durant le mandat de l’ex-président Uribe. »
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“LES ONDES CONTRE LES
BALLES” :
LES RADIOS INDIGÈNES DU CAUCA en Colombie
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par Reporters Sans
Frontières, le 10 AOÛT 2012
Après celles de 2004 et 2008, la troisième Minga – mobilisation - des
peuples indigènes de Colombie est convoquée ce 10 août 2012 sous le mot
d’ordre : “Pour la défense de la Terre Mère, 520 ans de résistance”.
Reporters sans frontières a choisi cette date pour rendre publics le
compte-rendu et le film de la mission conduite dans le département du
Cauca à la fin du mois de juillet dernier par la correspondante
colombienne de l’organisation, Fabiola León Posada, et le
documentariste italien Simone Bruno.
Reçue une première fois, en 2010, par les représentants des radios
communautaires affiliées au Conseil régional indigène du Cauca (CRIC),
Reporters sans frontières a voulu manifester une vigilance particulière
vis-à-vis de ces dernières, alors que les combats entre l’armée et la
guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie ont repris en
intensité depuis juillet dernier.
Vecteurs cruciaux de cohésion d’une population et de transmission d’une
culture, les radios communautaires constituent également un gage contre
l’isolement de populations prises dans les feux croisés d’un
interminable conflit armé, et stigmatisées des deux côtés de la ligne
de front. Deux de ces radios – Voces de Nuestra Tierra à Jambaló et
Nasa Estéreo à Toribío – ont dû récemment suspendre leurs activités. La
première a vu son antenne détruite, le 3 juillet. Ses journalistes et
animateurs nous ont apporté leur témoignage au cours de la mission.
Loin d’être des victimes “collatérales” des belligérants, les
populations indigènes en sont des cibles désignées. La menace vient
tout autant d’une armée qui les soupçonne de “collusions avec la
guérilla”, que de la guérilla qui voient en elles des “collaborateurs
de l’État”. Ce climat s’est encore alourdi avec les nouveaux
avertissements de groupes paramilitaires, les Aigles Noirs et les
Rastrojos, qui ont promis, le 28 juillet dernier, un vaste “nettoyage
social” [sic] dans la région du Nord Cauca. Ces mercenaires de la
terreur pourraient être les auteurs de l’assassinat sous les yeux de sa
famille, le 14 octobre 2010, du leader communautaire et homme de radio
Rodolfo Maya Aricape, crime resté impuni à ce jour.
Dans le contexte de recrudescence des affrontements constatés dans le
département du Cauca et affectant directement l’espace de communication
des populations indigènes, Reporters sans frontières continue de
réclamer :
Une aide publique et internationale - à laquelle elle compte prendre
part dans la mesure de ses moyens - à la reconstruction des médias
communautaires affectés par les combats.
La sécurisation des espaces de communication et de rassemblement dont
doivent disposer les communautés.
Le cessez-le-feu et la protection des populations civiles à l’écart des
combats.
Résumé du rapport
Dans son rapport (version intégrale à lire en espagnol), Reporters sans
frontières revient sur les manœuvres d’intimidation, attentats et
sabotages qui ont particulièrement affecté le milieu des radios
communautaires. Ce document tente également de restituer le processus
de consolidation des réseaux de communication indigènes de cette
région, à mesure que le conflit armé y a gagné en intensité.
C’est en 1971 qu’est institué le CRIC, autour duquel se fédèrent
différentes instances représentant les peuples Nasa, Misak, Yanacona,
Totoró, Kokonuco et certains groupes paysans. La population indigène du
département est aujourd’hui estimée à plus de 250 000 personnes
réparties entre 77 communautés locales nommées resguardos. L’essor des
radios communautaires prend racine avec le projet Nasa, initié en 1980
par le prêtre indigène Alvaro Ulcué, assassiné le 10 novembre 1984
selon toute vraisemblance par des agents de l’État. Le projet
s’articule autour de quatre thèmes centraux : l’autonomie territoriale,
l’exercice d’un gouvernement local, la consolidation de l’identité, le
vide de gouvernement national. Plusieurs initiatives locales, portant
sur les domaines de la santé, de l’environnement, de la famille, de la
spiritualité ou encore de l’éducation (qui inclut elle-même la
communication) voient alors le jour dans le sillage du projet Nasa
C’est à cette même époque que la guérilla, depuis longtemps présente,
remporte une offensive à Toribío. Malgré la résolution de Vitoncó, en
1985, réclamant la démilitarisation des territoires indigènes, cet
épisode marque le déclenchement d’une violence sans issue dans le
département du Cauca, qui prend encore de l’ampleur dans les années
2000 avec l’implantation des blocs paramilitaires “Calima”,
“Farallones” et “Liberté”, issus des Autodéfenses unies de Colombie
(AUC).
Malgré le danger devenu permanent, les interruptions d’activité, les
confiscations régulières d’équipement et les difficultés économiques,
les radios communautaires deviennent avec le temps le lieu stratégique
de mobilisation dans les resguardos. Comme nous l’expliquent leurs
représentants rencontrés lors de la mission, elles accompagnent et
relaient tous les “plans de vie des communautés, donnent de l’écho aux
mingas locales - dont celles des femmes ou des jeunes – et constituent
un support indispensable d’expression collective lors des assemblées
communautaires. Les antennes indigènes du Cauca n’en continuent pas
moins de porter des revendications politiques de longue date et de
longue haleine qui expliquent qu’elles représentent, pour les
belligérants, des cibles militaires prioritaires.
Les affrontements armés du mois de juillet ont ramené au premier plan
le mot d’ordre d’autonomie régionale. Les communautés l’ont notamment
manifesté lorsque leur garde indigène est parvenue à déloger des
soldats en faction sur le Cerro Berlín, à Toribío, le 17 juillet. La
confrontation a fait 22 blessés. Mais la préoccupation des populations
indigènes porte également sur la couverture donnée à l’événement par
les principaux médias du pays. Condamnant un traitement biaisé et
défavorable aux communautés, le CRIC a adressé, le 26 juillet, une
lettre ouverte à dix-sept directeurs de chaînes, radios ou publications
d’audience nationale. Le courrier attend sa réponse. Comme l’offre de
dialogue auprès du gouvernement.
Source
: Reporters Sans Frontières http://fr.rsf.org/
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Pérou : « Non au projet minier Conga
! »
& Lettre au Président Humala
|
par Hugo Blanco,
le 5 juillet 2012
La campagne « Non au projet minier
Conga ! » a été lancée en France à l’issue de la réunion-débat « Conga
no va ! - Agua si, oro no ! » réalisée le 10 février 2012 à la Maison
de l’Amérique Latine à Paris. Les associations organisatrices de la
réunion – Casa de Santa Fe en Paris, Tierra y Libertad, Colectivo de
Peruanos en Francia et France Amérique Latine.
L’entreprise minière Yanacocha dont les propriétaires majoritaires sont
NEWMONT MINNING et BUENAVENTURA prévoit avec son projet CONGA la
destruction de 5 lacs de la zone alto-andine de CONGA située à plus de
3500 mètres d’altitude dans le département de Cajamarca au nord du
Pérou. Deux des lacs seront vidés pour extraire l’or et deux seront
vidés pour être utilisés comme réservoir des déchets miniers. Cela va
affecter l’écosystème fragile de bofedales, zone de pâturages humides
qui absorbent l’eau et nourrissent les nappes phréatiques et sont
sources de dizaines de rivières qui irriguent les riches vallées de
Cajamarca. En effet, Cajamarca est le premier département producteur de
lait du pays. En plus, l’eau sera polluée par les déchets miniers pour
la consommation humaine et du bétail.
Yanacocha a déjà un lourd passif dans la région de Cajamarca et le
projet Conga ne fait que menacer une fois de plus les populations de
Cajamarca. En 2000, du mercure (tombé d’un camion) a été déversé sur
une longueur de 40 km, en polluant le village de Choropampa : ses
habitants continuent aujourd’hui encore à mourir des conséquences de
l’absorption du minerai.
Le peuple de Cajamarca s’est soulevé en novembre dernier contre le
projet et la réponse du gouvernement a été de promulguer l’état
d’urgence. Du jamais vu depuis 30 ans ! Des paysans ont été blessés et
l’un d’eux reste paralysé à vie.
Sous la pression, le gouvernement a levé l’état d’urgence mais veut
faire passer son projet en faisant appel. Des ordonnances provinciale
et régionale ont déclaré non viables les Mines Conga, nous demandons le
respect de ces ordonnances par le gouvernement de Ollanta Humala et de
son premier ministre Valdez (NDR - Valdez n'est plus 1er Ministre), son
homme fort.
Nous réclamons un processus de zonification écologique et économique
régional. Nous dénonçons la répression et la criminalisation de la
protestation sociale qui prétend taire les justes réclamations de nos
peuples et nie la persécution dont font l’objet les dirigeants et
défenseurs de l’environnement qui, en risquant leurs vies, défendent
nos eaux. Sous la pression, le gouvernement a levé l’état d’urgence
mais veut faire passer son projet en faisant appel à des « experts
étrangers » qui devraient rendre le projet « viable ». Et ce malgré la
glorieuse Marcha del Agua du 1er au 10 février 2012 où des milliers de
Péruviens ont manifesté leur rejet dudit projet.
L’eau est un
droit de l’homme fondamental
La législation actuelle de l’Etat péruvien ne reconnaît pas l’eau
potable et son traitement comme un droit de l’homme. Le Congrès de la
République doit modifier la Constitution en vue de permettre que l’eau
potable et son assainissement soient reconnus comme un droit de l’homme
fondamental comme stipulé par la résolution de l’ONU du 28 juillet 2010
et que l’approvisionnement de l’eau ne soit pas privatisé.
Interdiction de l’activité minière à base de cyanure et de mercure
Le cyanure est une des substances toxiques les plus dangereuses au
monde et c’est pour cette raison que dans de nombreux pays son usage a
été interdit ou très strictement encadré. En revanche au Pérou, le
cyanure est la principale substance utilisée par le secteur minier
aurifère qui se vend comme une industrie « responsable ». Les crimes
écologiques liés à l’emploi de cyanure et de mercure dans l’activité
minière doivent cesser une fois pour toutes !
Monsieur le Président de la République du Pérou,
Par la présente, je m’adresse à vous pour vous manifester ma plus
grande préoccupation en ce qui concerne les évènements autour du projet
CONGA et à la réponse militarisée que vous avez donnée à la population
de Cajamarca qui s’oppose à ce projet.
Pendant votre campagne électorale, Monsieur le Président, vous aviez
affirmé vouloir respecter le droit à l’eau de la population de
Cajamarca avec votre appel « Eau oui, or non ». Mais, après votre
élection, vous avez changé d’opinion pour « nous voulons l’or et l’eau
» . Avec tous mes respects, je voudrais vous faire part de deux
réflexions à ce sujet.
En premier lieu, qui sont représentés par le « nous voulons » ?
Certainement pas la population de Cajamarca et tous les Péruviens
réunis lors de la Marche pour l’Eau ce mois de février contre le projet
CONGA. Vous avez certainement fait référence aux actionnaires et aux
propriétaires de l’entreprise YANACOCHA et à tous ceux qui bénéficient
de l’exploitation de l’or à Cajamarca ainsi que les politiciens et
médias qui en profitent.
Imposer par la force au peuple ce qu’il ne veut pas c’est ne pas
respecter la démocratie et vous, Monsieur Ollanta Humala, vous avez été
élu démocratiquement avec la promesse de réviser les concessions
minières. L’accomplissement de votre programme gouvernemental est ce
qui octroie la légitimité à votre mandat.
Croyez-vous vraiment que dans l’exploitation minière il est possible
d’avoir l’eau et l’or?
L’expérience démontre que le seul résultat de cette combinaison, c’est
OR ET EAU POLLUÉE.
Prétendre financer votre programme d’inclusion sociale avec les revenus
issus de l’exploitation minière est ignorer les conséquences
irréversibles qu’elle provoque : un seul exemple suffit pour illustrer
la pollution de l’eau, de l’air, des sols, des dommages causés à la
biodiversité, des atteintes à l’environnement, et des maladies
provoquées par l’utilisation de produits hautement toxiques comme le
cyanure et le mercure, c’est le malheur arrivé à Choropampa en 2000. La
population de Choropampa continue de mourir des conséquences de cette
pollution.
Tout Cajamarca a manifesté son désaccord et le gouvernement régional a
même émis une ordonnance 036 déclarant le projet non viable. Même votre
nouveau EIA, ordonné juste pour faire diversion, qui ne respecte
nullement l’application de l’article 169 de l’OIT souscrit par votre
gouvernement, ne pourra faire fléchir la population de Cajamarca dans
son désir du droit à l’eau.
Je vous demande :
– de respecter l’ordonnance régionale 036 qui exprime la volonté du
peuple qui vous a élu ;
– de mettre fin à la répression et à la militarisation de la région de
Cajamarca ;
– de mettre fin au projet CONGA.
Enfin, je vous demande de respecter la vie. Partout dans le monde, des
personnes comme moi restons en alerte et élevons nos voix pour la
défense de l’eau.
Source : Presse toi à gauche
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La
Chine propose une alliance
stratégique au Mercosur
Un dragon dans l’arrière cour
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par Raúl Zibechi
(*), le 4 juillet 2012
La crise politique au Paraguay et ses répercussions sur la région ont
relégué la visite du Premier ministre chinois, Wen Jiabao et la
démission du principal poste du Mercosur, à un plan second du
calendrier des informations. La Chine a montré qu’elle est disposée à
jouer vraiment y compris dans la principale zone d’influence des
États-Unis.
Les polémiques à la suite du coup d’Etat au Paraguay, la suspension de
ce pays au sein du Mercosur et l’entrée du Venezuela dans celui-ci,
n’arrivent pas à dissimuler les difficultés du bloc, touché par les
conséquences de la crise mondiale et par l’ascension de la Chine comme
puissance globale. L’alliance est paralysée parce que ce qui convient
aux uns nuit aux autres.
Expression des difficultés, la démission de l’ambassadeur Samuel
Pinheiro Guimarães, Haut Représentant Général du Mercosur, lors du
récent sommet de Mendoza. Dans sa lettre d’adieu il trace une analyse
lucide de la réalité actuelle du bloc.
Il souligne que la crise économique en Europe et aux États-Unis et
l’ascension de la Chine génèrent un énorme flux de capitaux vers le sud
qui « érode les liens commerciaux intra-Mercosur, qui sont le principal
ciment du processus d’intégration ». La désindustrialisation,
souligne-t-il, est l’une des pires conséquences et doit être affrontée
en utilisant les ressources de l’exportation de matières pemières.
Une expansion
graduelle
Dans l’un des paragraphes les plus polémiques, Pinheiro assure que
l’Unasur « ne peut pas être la pierre angulaire de la construction du
bloc économique de l’Amérique du Sud » parce que le Chili, la Colombie
et le Pérou ont signé des traités de libre-échange avec les États-Unis
ce qui empêche la construction de politiques régionales de promotion du
développement.
C’est pourquoi il croit que le bloc régional doit être formé « à partir
de l’expansion graduelle du Mercosur », en incluant le Venezuela,
l’Équateur, la Bolivie, le Suriname et la Guyana. Les derniers devront
disposer de conditions spéciales d’admission à cause de leur faible
niveau de développement et l’intérêt politique qu’ils ont pour la
région.
Pour avancer, dit l’ambassadeur, le bloc doit augmenter d’une façon
significative la coordination politique et la coopération économique. «
La caractéristique centrale du Mercosur sont les asymétries » qui
provoquent des tensions politiques. Il parie sur un fort développement
des ressources du Fonds pour la Convergence Structurelle pour favoriser
les plus petits, qui dispose aujourd’hui d’à peine 100 millions de
dollars par an.
Sans doute le moment le plus lumineux de sa lettre est-il le paragraphe
34 : « Dans un monde multipolaire, en crise, avec de grands changements
de pouvoir, il n’est de l’intérêt d’aucun bloc ou d’aucune grande
puissance la constitution ou le renforcement d’un nouveau bloc d’
États, spécialement s’ils sont périphériques. Toute grande puissance
considère plus convenable de négocier des accords avec les États
isolés, spécialement si ce sont des pays sous-développés, plus faibles
économiques et politiquement ».
Seuls les membres du Mercosur s’intéressent à ce bloc. Cependant, quand
il fut créé en 1991 il n’a pas été conçu comme un organisme pour
appuyer le développement mais comme une union douanière pour promouvoir
le libre-échange. La proposition de Pinheiro est qu’il devienne capable
d’encourager un développement régional harmonieux et équilibré, en
éliminant les asymétries et en construisant une législation commune de
manière graduelle.
Ce virage est nécessaire parce que les réponses des pays industrialisés
à la crise sont « une vraie suspension, dans la pratique, des accords
de l’OMC négociés à l’époque de l’hégémonie de la pensée néolibérale ».
Si le Mercosur ne donne pas le pas, « il pourra survivre mais toujours
d’une manière claudicante et il ne se transformera pas en bloc de pays
capable de défendre et de promouvoir ses intérêts dans ce nouveau monde
qui surgira des crises que nous vivons ». Le diagnostic fait par l’un
des intellectuels les plus remarquables du Brésil pointe que le monde
est entré dans une période de protectionnisme croissant, d’où la
nécessité de former des blocs avec un fort commerce intérieur.
La Chine s’anime
Wen Jiabao, Premier ministre chinois, visitait la région quand s’est
produit le coup d’Etat au Paraguay. Le moment fort de sa visite au
Brésil, en Uruguay et en Argentine, fut la vidéoconférence qu’il a
tenue depuis Buenos Aires lundi 25 juin avec Dilma Rousseff, Cristina
Fernández et José Mujica.
Selon l’agence chinoise Xinhua le Premier ministre a fait trois
propositions : renforcer la confiance mutuelle et la communication
stratégique avec le Mercosur, doubler le commerce pour 2016 en le
portant à 200 milliards de dollars, en plus des investissements et de
la coopération financière et technologique, et de promouvoir les
relations bilatérales dans le domaine de l’éducation et la culture
(Xinghua, le 25 juin 2012).
La proposition de Wen Jiabao fut interprétée par ses interlocuteurs
comme ce qu’elle est réellement : une vaste alliance stratégique qui
inclut aussi un traité de libre-échange Chine-Mercosur. À souligner
qu’on a profité que le Paraguay était suspendu du Mercosur, puisqu’il
n’a pas de relations avec la Chine. Deux jours après il a fait une
conférence importante devant la CEPAL, à Santiago du Chili.
Sa proposition dirigée vers l’Amérique Latine et les Caraïbes revient «
à combattre le protectionnisme », « approfondir la coopération
stratégique » et ouvrir de nouveaux marchés avec l’objectif que le
commerce bilatéral « dépasse les 400 milliards de dollars dans les cinq
années à venir » (Xinghua, le 26 juin 2012). Il a proposé la création
d’un fond de coopération auquel la Chine fera un apport initial de 5
milliards de dollars et une ligne de crédit de 10 milliards de la
banque de Développement de la Chine pour la construction
d’infrastructures.
De plus, il a proposé une vaste coopération agricole et établir un
mécanisme de réserve alimentaire d’urgence de 500 000 tonnes destinée à
des contingences naturelles et à l’aide alimentaire, y compris
l’installation de centres de recherche et de développement en sciences
et technologies agricoles.
L’offre chinoise semble tentante dans un moment où le Mercosur traverse
d’énormes difficultés. La CEPAL a élaboré un document intitulé «
Dialogue et coopération face aux nouveaux défis globaux » où il analyse
les possibilités qui sont ouvertes à la région devant l’ascension
chinoise. Alicia Bárcenas, secrétaire exécutive de CEPAL, a souligné
lors de l’introduction que la région est face à une occasion historique
de faire un saut en infrastructure, innovation et les ressources
humaines, c’est-à-dire de « traduire la rente des ressources naturelles
dans des formes variées de capital humain, physique et institutionnel ».
Pour sauter ce pas il faut attirer l’investissement direct de la Chine
qui lui permet de diversifier les exportations. Des 40 alinéas
qu’inclut le document, l’un devrait être spécialement soigné par les
pays d’Amérique du Sud : vers 2030 deux tiers de la population de
classe moyenne vivra dans la région Asie-Pacifique face à 21 %
seulement en Europe et en Amérique du Nord.
En conséquence, la classe moyenne asiatique se transformera en « un
marché clef pour les aliments, les confections de plus grande qualité,
le tourisme, les médicaments, les services médicaux, Commerce du détail
et articles de luxe », ce qui permettra que l’Amérique Latine se
diversifie dans ses exportations et apporte sa valeur ajoutée. Et
d’ajouter que l’internationalisation du renminbi [Cette devise, aussi
appelée « yuan renminbi » (« renminbi » signifiant « monnaie du peuple
» en chinois), est abrégée en RMB. Le yuan est la devise nationale de
la République populaire de Chine.] peut faire du bien à la région
puisque la Chine est devenue son deuxième associé commercial.
Pour un agenda
régional
Dans les conclusions on souligne que l’ascension de la Chine permet à
la région sudaméricaine de prolonger le cycle favorable de termes
d’échange qui existe depuis 2003. « Si on ne profite pas bien du
moment, on pourrait accentuer le processus de ralentissement des
exportations, en établissant les modalités renouvelées du lien centre –
périphérie ».
La CEPAL pointe la nécessité d’établir un « agenda régional ordonné de
priorités », qui dépasse les initiatives unilatérales. C’est-à-dire que
ce qui est décisif, ce qu’elle dénomme comme le « défi interne ». Sur
ce point décisif, l’analyse de Samuel Pinheiro et de la CEPAL
coïncident pleinement. Cependant, la guerre commerciale entre les
membres du Mercosur continue d’être un facteur de déstabilisation.
Les divisions connaissent une escalade de l’économie jusqu’à la
politique. L’admission du Venezuela décidée au sommet de Mendoza
provoque des réactions opposées. C’est le type de problèmes auquel fait
allusion Pinheiro : un manque de confiance mutuelle, dépourvu de vision
stratégique, une prédominance des questions locales au dessus des
règles générales et du court terme sur la longueur, l’incapacité de
comprendre les changements globaux. En d’autres mots, c’est la
prédominance de la « petite politique ». Ce qui est en jeu est trop
important et pas tous semblent le comprendre.
(*) Raúl Zibechi est un journaliste uruguayen, enseignant et chercheur
dans
le Multiversidad Franciscana d’Amérique Latine, et le conseiller de
plusieurs organismes sociaux.
Source : Traduction d'Estelle et Carlos Debiasi
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Le MERCOSUR suspend
le Paraguay
et fait un grand pas vers l’intégration du cône sud |
par Lionel
Mesnard, le 30 juin 2012
La décision n’a pas tardé et tombe comme une condamnation franche du
coup d’état «institutionnel» qui s’est produit lors de la destitution
de Fernando Lugo la semaine dernière (1). En contrepartie, et ce n’est
pas le fait du hasard la mise au placard des institutionnels ou
diplomates Paraguayens ouvre la porte au Venezuela, et l’on ne peut que
s’en réjouir, et espérons-le calmer les plumes vipérines ou stériles,
qui voudraient faire passer le régime bolivarien pour une dictature,
sans en saisir sa complexité et ses contradictions.
L’entrée du Venezuela comme membre à part entière est un grand pas vers
l’intégration sociale, économique et politique du cône sud. Mais ce qui
reste à construire va nécessiter une forte dynamique et au profit d’une
meilleure redistribution économique et sociale, mais aussi de
construire la troisième puissance économique mondiale après les
Etats-Unis et l’Europe. C’est un rêve à la « Simon Bolivar », mais qui
n’a rien de très romantique.
Pour précisions, il existe plusieurs institutions ou d’accords
interétatiques subcontinentaux. L’UNASUR (L'Union des nations
sud-américaines), L’ALBA (L’alliance Bolivarienne des Amériques), Le
CELAC depuis peu (la Communauté des États latino-américains et des
Caraïbes), plus le Mercosur (Le Marché commun du Sud) dont certains de
ses aspects ont pas mal de liens avec ce que fut le Marché Commun
Européen. Ces quatre institutions cadrent bien avec le devenir d’une
intégration régionale qui peut s’avérer prometteuse. Mais on peut
parler d’un trop plein institutionnel pouvant embrouiller un peu les
cartes et nuire à l’unité et aux rapprochements des peuples en une
marche commune. Et si barrières il y aura elles seront surtout
étatiques et en raison de querelles anciennes.
L’on voit bien que se dessine en Amérique du Sud deux lignes
économiques et politiques, l’une se tournant vers le marché pacifique,
à l’exemple de l’accord économique récent entre le Pérou, le Mexique,
la Colombie et le Chili (l’Alliance Pacifique). Mais ne changeant en
rien la donne ou le capitalisme sauvage domine. Le néo-libéralisme
continu son champ de dévastation écologique et social avec l’appui des
multinationales et des oligarchies locales. Faire la liste des conflits
sociaux miniers ou agricoles en Amérique du Sud et Centrale, ce sujet
reviendrait à écrire un texte sans fin, pas un pays n’est épargné, en
clair le pillage continu.
De l’autre versant se dessine une union économique et politique, le
MERCOSUR ou la ou les gauches dominent, et, à tout loisir maintenant
d’intégrer d’autres nations latino-américaines. Et surtout de ne pas
oublier sa construction politique, à moins qu’à moyen terme, cela ne se
heurte à des impasses comme nous le connaissons en Europe. Mais les
membres du MERCOSUR ne sont pas exemptés de critiques. Les méthodes ne
sont pas toujours reluisantes et elles ressemblent pour beaucoup à
l'organisation mondiale économique dominante.
Grande ombre au tableau, qu’est devenue la CAN ?
La Communauté Andine des Nations est un organisme interrégional entre
l’Europe et les pays de la Cordillère des Andes ? Le machin s’est
réduit comme une peau de chagrin, le Chili puis le Venezuela ont quitté
les instances de la CAN, et pour mise à mort l’Equateur et la Bolivie
n’ont pas voulu de cet accord de libre échange commercial néo-libéral,
et que s’apprête à signer l’UE avec la Colombie et le Pérou
prochainement. Et dont certaines associations en France ont maintes
fois dénoncé ces contrats tronqués et contraires à certains droits
fondamentaux, et en plus en deçà des normes internationales. (2)
Il faut souligner concernant ces accords peu cités ou peu connu du
grand
public, ce que peut engendrer d’inquiétant une signature entre l’Union
Européenne et la Colombie et le Pérou, d’une part, et d’autre part, un
accord du même tonneau avec l’Amérique Centrale. Ces accords devraient
aboutir dans les mois à venir et n’ils n’interpellent pas grand monde,
pourtant i y a de sérieuses raisons d'avoir des doutes… (3)
Nous allons faire entrés un peu plus dans nos économies des circuits
mafieux puissants, mais il semble que peu de gens sont conscients du
problème. Faire entrée la Colombie de la sorte est un pari risqué, pour
ne pas dire douteux, quand on sait la part importante des économies
souterraines via ce pays. Il serait plus urgent en la matière de
favoriser un accord de paix entre les camps armés en Colombie, plutôt
que de
joueur aux apprentis sorciers. Et aussi de prendre en compte l’échec
des politiques menées contre les trafics de drogue. Vastes enjeux.
Vous l’aurez compris, il reste encore un long chemin à accomplir pour
une intégration économique et politique du cône sud. Et ce qui a pu se
passer au Paraguay est un révélateur. Deux coups d’état à trois ans
d’intervalle, au Honduras puis au Paraguay, ils peuvent paraître
anodins dans l’histoire d’un sous-continent qui a vécu tout ce que, le
colonialisme, puis le fascisme d’inspiration européenne a pu faire
naître comme souffrances et misères.
Retour et ratés de l’Histoire…
Seulement, il en va maintenant d’un nouveau cheminement historique et
il faut le souhaiter des démocraties fortes et respectueuses des droits
de tous et des plus faibles en particulier. Il faut dire non à des
régimes ou des constitutions que l’on interprète comme une sentence, et
pour seul but de faire chuter un homme ou un début de progrès.
La multinationale Monsanto de l’agro-buisness aurait un rôle dans la
chute du président Lugo. Ce serait l’un des aspects souterrains ou
sombres de cette destitution. Un petit rappel du genre ou la
multinationale ITT a servi d’intermédiaire financier aux coups
sanglants portés à la démocratie chilienne en 1973. Et l’on retrouve ce
même genre de paradoxes dans le coup d’état militaire porté contre
Manuel Zelaya en juin 2009.
A croire que la vie est une éternelle répétition. Sauf que l’économie
qualifiée de durable et la préservation du patrimoine écologique, sont
en l’état de belles paroles. Quand une transnationale fait atchoum,
l’on voit les conséquences. Au lieu de regarder le monde à travers une
simple lecture nationale des choses, il serait temps de regarder les
réalités en face.
Penser le monde est à ce prix, et toute réponse dogmatique en ce
domaine est une menace. Il n’y a pas à donner un lourd satisfecit à
Chavez ou à Lula, ils se sont plutôt assigné un minimum d’exigence,
mais rien de quoi faire bondir ou de croire en une révolution du
possible. L’un et l’autre n’auront pas fait grand chose face à la
tourmente écologique qui traversent leurs états.
L’Europe, elle n’ayant pas encore fait sa véritable intégration sociale
et politique est encore un nain politique. Il ne faudrait croire que
les entreprises françaises, espagnoles, allemandes, ou anglaises n’ont
pas de responsabilités outre-atlantique, cette espèce prédatrice en
contre lien avec l’émancipation des masses met en périls des régions
entières de nord en sud du continent américain.
Quid des
changements possibles ?
La vaste problématique du fameux socialisme du vingtième serait de
transformer ou de réformer les outils économiques, mais cela mériterait
de repenser l’économie, de l’adapter à nos besoins, non à une demande.
Le qualitatif ne pèse pas lourd face au quantitatif, c’est en ce
domaine des idées qu’une révolution reste à faire. Quand on en arrive à
seulement 45 jours à l’échelle du monde de réserve alimentaire, tout
induit à penser que des changements doivent se faire au plus vite. Le
capitalisme néo-libéral est destructeur, c’est une machine à tuer.
Il est facile au nom de l’anti-impérialisme de dénoncer pour seul
responsable les Etats-Unis, mais le Canada, l’Europe, « demain » la
Chine, qu’on le veuille ou non, ils ne participent pas à un
développement plus harmonieux, plus en lien avec les besoins locaux des
sud américains et je ne mentionnerais pas les Africains... Mais nous
pouvons prendre conscience que si tout devait se limiter à des
ensembles économiques, demain nous paierions une dette que les futures
générations devront payer à prix fort, que l’on soit au nord ou du sud
de l’hémisphère.
Une critique du système économique, le capitalisme, ne se limite pas à
une simple dénonciation de l’Empire ou de l’impérialisme.
L’impérialisme est une continuité dans l’histoire de notre humanité.
Cela n’a rien de nouveau, sauf à prendre en considération une nouvelle
étape, avec de nouveaux acteurs comme l’Inde, ou surtout la montée en
puissance des pays asiatiques, sans parler du Japon qui reste un acteur
économique non négligeable. Il y a toutefois à douter sérieusement d’un
monde multipolaire, dont les accents ressemblent à un désordre de plus,
dont certaines facettes, notamment l’Iran et la Syrie font craindre de
nouveaux conflits guerriers.
L’on explique que les Français sont les plus démoralisés au monde, ils
peuvent avoir leurs raisons. Un excès de pessimisme est souvent plus
lucide que de croire qu’un homme seul puisse tout régler. Mais quand la
démocratie est assassinée comme au Honduras, l’on est amené à découvrir
des chiffres alarmants. Depuis 2009 les atteintes aux droits de l’Homme
ont littéralement explosé. Pour exemple, une des universités de la
capitale a connu un nombre important d’assassinats d’étudiants pour des
raisons politiques ou syndicales (un peu plus de 70 meurtres sur un
seul campus en 2010). Beaucoup de journalistes ont eu mailles à partir
avec les autorités et Reporters Sans Frontières a dénoncé le meurtre de
plusieurs membres de la presse hondurienne depuis le coup de force (37
assassinats depuis 2009).
Les mesures qui ont été prises à l’encontre du Paraguay ne sont pas
assorties d’un blocus économique comme l’a dit avec enthousiasme le
Président Uruguayen José Mujico. Le but n’est pas de faire en plus
payer la note aux Paraguayens et l’on ne peut qu’apprécier ce geste des
membres du MERCOSUR. Hugo Chavez n’a pas caché sa joie, cela fait
quelques années que son pays avait demandé son adhésion pleine et
entière. C’est en route et l’on doit saluer ce pas important pour le
cône sud.
Notes :
(1) Lire l’article «Coup d’état institutionnel au Paraguay » à
lire ci-après.
(2) Vidéos de Pantuana Tv, Accords commerciaux UE et Amérique Latine :
http://www.dailymotion.com/video/xjjt0d_accords-commerciaux-europe-amerique-latine_news
et entretien avec le Sénateur Robledo (Gauches alternatives - PDA –
Colombie) :
http://www.dailymotion.com/video/x99cgs_entretien-avec-le-senateur-robledo_news
(3) Lire sur ce site, la page consacrée aux activités criminelles
transnationales :
http://lionel.mesnard.free.fr/le%20site/Mafias-Monde.html
Ce texte est protégé par les droits
d’auteurs
et ne peut être diffuser sans autorisation
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Coup d’état institutionnel au Paraguay
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Par Lionel Mesnard, le 24 juin 2012
Le président du Paraguay Lugo a été destitué de ses fonctions et il a
été amené à partir au plus vite de son poste et de sa résidence. Une
décision prise au terme de débats à minima devant les assemblées et en
particulier le Sénat, dans sa majorité hostile au président déchu. Le
président Fernando Lugo a été élu en 2008 avec 40 % des voix (1). Il
mit fin à 61 ans de domination du Parti Colorado, son élection
fut accueillie à l’époque comme un espoir. Le Paraguay fait rarement
l’objet d’une information, pourtant ce pays connaît un contexte social
et politique depuis longtemps difficile. Ce pays se classe dans les
pays en Amérique Latine comme ayant une part importante de sa
population dans la pauvreté. Des dizaines d’années sous le joug d’un
pouvoir militarisé ont façonné un pays en prise à des inégalités
lourdes, et comme partout ailleurs ou les trusts et les grands
propriétaires terriens dominent, les luttes et les résistances sociales
sont en proie à de nombreuses persécutions.
S’il n’est plus de bon ton de renverser un pouvoir politique
démocratiquement élu en Amérique Latine, néanmoins il devient «
constitutionnel » de renverser un président, légitimant ainsi le coup
d’état institutionnel. Le dernier en date à avoir connu un coup d’état
a été Hugo Chavez, le 11 avril 2002, comme un classique
latino-américain du genre. Nous sommes entrés ou plus exactement nous
faisons face à une apparente nouveauté. A première vue, il n’y a pas de
lien direct, mais le sort de l’ancien président Hondurien Manuel Zelaya
destitué le 28 juin 2009 (2) est dans un esprit similaire au Paraguay
avec ce qui est arrivé au président Fernando Lugo en cette fin du mois
de juin 2012. Sous l’apparente légitimité, l’on découvre souvent des
raisons économiques et des choix politiques qui en disent long sur les
intentions véritables. Le renversement du président Lugo pourrait passé
inaperçu au fil des informations internationales, justement il y a
matière à réflexion et à faire part de l’indigne.
Dans les deux cas, en juin 2009 ou juin 2012, c’est au nom des
institutions que l’on autorise le renversement d’un élu encombrant.
Certes en l’état, le départ précipité de Fernando Lugo s’est fait dans
des formes plus civiles, mais au final, on balaie d’un trait de plume
un président légitime et à rebrousse poil avec son ancienne majorité
politique. Manuel Zelaya, élu du centre droit a payé son choix pour une
intégration régionale hors des critères de Washington et de mieux
répartir les richesses dans son pays, et l’élu de gauche, Fernando Lugo
à son tour est l’objet d’une mesure, dont on peut douter de la
légitimité et qui s’apparente bien à un coup d’état. Cinq heures de
débat clef en main pour voter la destitution, cela fait un peu maigre
comme débat démocratique. « Le départ de M. Lugo ne s'apparente pas à
un processus mûrement réfléchi, a fait valoir Adam Isacson, expert du
centre de recherches Washington Office, spécialisé dans les affaires de
l'Amérique latine. Selon lui, cela démontre plutôt qu'on peut expulser
un président pour la simple raison que sa personne ou ses décisions ne
sont pas populaires. » (Radio Canada)
Le « nouveau président » paraguayen, Frederico Franco est sous le
coup de réactions très virulentes ou hostiles de ses voisins, et le
Brésil en tête n’a pas hésité à rappeler son ambassadeur. Si le Panama
émet des doutes, le Nicaragua, le Venezuela, la Bolivie, le Pérou,
l’Uruguay, le Chili et l’Argentine, ces pays condamnent fermement, seul
le Canada apporte son soutien du bout des lèvres et demande que tout
cela se fasse calmement… Ce qui pourrait pendre au nez du
Paraguay semble être son exclusion du MERCOSUR comme l’a précisé la
diplomatie Brésilienne, parce que n’étant pas en conformité avec les
usuels de la démocratie et conforme aux principes légaux du MERCOSUR.
En l’état le Parti Libéral du Paraguay qui a précipité la fin du mandat
de Fernando Lugo, risque de s’être tiré une balle dans le pied. Lugo
devait normalement ne pas se représenter en 2013 au terme de son
mandat. Pourquoi cette précipitation, qui va mettre en émoi la région ?
Il n’y avait aucune urgence et ce qui a pu servir de raison ne tient
pas la route. « Le procès en destitution de M. Lugo a été en partie
motivé par une tentative de la police d'évincer environ 150 paysans
sans terre d'une réserve forestière de 2000 hectares appartenant à un
politicien du parti Colorado (opposition). La confrontation entre la
police et les paysans a fait 17 morts la semaine dernière, soit six
policiers et 11 paysans. Les opposants politiques de M. Lugo lui ont
attribué la responsabilité de cette opération qui a mal tourné. Le
président était aussi jugé sur quatre autres accusations. Il était
accusé d'avoir autorisé des partis de gauche à organiser une réunion
politique dans une base militaire en 2009, d'avoir permis à 3000
squatteurs d'envahir illégalement une ferme de soya appartenant à des
Brésiliens, d'avoir échoué à arrêter les membres de l'Armée du peuple
paraguayen, un groupe de guérilla, et d'avoir signé un protocole
international sans l'avoir soumis au Congrès pour approbation. » (3)
« L'Union européenne s'est pour sa part contentée d'exprimer sa
"préoccupation" et a appelé au respect de "la volonté démocratique". »
(Agence France-Presse). Il reste à savoir ce que peut sous-entendre «
la volonté démocratique » ? Et comment vont réagir les diplomaties
européennes ? Même le Figaro fait état d’un coup d’état, le Brésil lui
laisse la porte ouverte au dialogue. Le prochain sommet du MERCOSUR qui
est prévu jeudi 28 et vendredi 29 juin à Mendoza (Argentine), «
constituera un premier test diplomatique pour les nouvelles autorités
paraguayennes. Le marché commun du cône sud-américain compte parmi ses
membres le Paraguay, l'Uruguay, le Brésil et l'Argentine. » (4). Qui
tous ont condamné la mascarade et la présidente Argentine la première.
Difficile de prévoir, si la somme des indignations sera utile aux
habitants du Paraguay ? Un élu ou représentant qui tenait compte de la
colère populaire a été écarté du pouvoir, c’est étrange, vous ne
trouvez-vous pas ? Une occasion aussi de parler de ce petit pays de
l’autre rive ou manifestement il y a beaucoup à apprendre sur les
moeurs locales…
A suivre !
Notes :
(1) Lugo, "l'évêque des pauvres", président du Paraguay :
http://www.france24.com/fr/20080421-lugo-leveque-pauvres-president-paraguay-paraguay
(2) La Commission interaméricaine des droits de l'homme a dénoncé le 21
août 2009 un «usage disproportionné» de la force par le gouvernement
de facto, ainsi que des arrestations arbitraires (entre 3 500 et 4 000
personnes, dans un pays d'environ huit millions d'habitants), l'usage
arbitraire du couvre-feu, des traitements inhumains et dégradants, de
mauvaises conditions de détention ainsi que la mort de 4 personnes et
les blessures infligées à d'autres. (wikipedia.org)
(3) Radio Canada International
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/International/2012/06/23/004
(4) Agence France
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