Cliquer sur l'image ci-dessus pour revenir à la page d'acceuil !

Sommaire du bloc-notes n°3,

1 - 40% des Français pour l'autoritarisme ?
2 - La décomposition sociale est en route !
3
- Deux billets pour le prix d'une seul : Les guerres du capital et stop au feu !
4 - Attention aux incendiaires : à la recherche du sens
5 - De l’état d’urgence aux pleins pouvoirs ?
6 - Génération sacrifiée et géopolitiques à intérêts variables !
7 - Vaincre la peur! "L'agressivité compétitive", entretien avec Henri Laborit et autres sources



Quarante pour cent des Français
pour l'autoritarisme ?


S’il a été expliqué maintes fois à tort, que les nazis étaient parvenus au pouvoir dans le cadre d’un vote démocratique en 1933, faut-il préciser en faisant alliance avec le camp conservateur, puis en éliminant ces derniers par un coup de force. Le parti nazi se situait à 40 pour cent des votants et sans cette alliance, il n’aurait pu accéder à la Chancellerie. La demande actuelle en France d’un gouvernement autoritaire est du même ordre, si l’on se réfère à un sondage récent. Toutefois à prendre avec des pincettes, les « plutôt pas d’accord », les formulations dénotent de grosses ambiguïtés, la question étant de savoir comment peut-on être en accord (un peu, beaucoup, …) avec une telle idée ? Les « pas du tout d’accord » ne représentant que 30% des sondés de l’Ifop, un panel de 1013 personnes interrogées adjointe à une question « faut-il un gouvernement technocratique? », là c’est 67% approuvant une mesure au demeurant anti-démocratique. Si elle venait à tomber toute crue du ciel et n’était déjà presque un fait acquis, je n’ai jamais connu des ministres aussi peu politiques, absents sauf pour la technique ou comme spécialiste de la micro chirurgie sociale. 

Si le journal éditeur et ayant passé la commande de ce sondage « Atlantico » est de droite, contrairement à « Valeurs Actuelles » on peut le lire sans trop grande nausée certains articles. Le Figaro sur le même sujet y met quelques précautions en stipulant que les Français seraient tentés par un gouvernement autoritaire, quand l’objet est l’attrait… A regarder de plus près, ce n’est pas très encourageant et devrait interpellé plus d’un. Seule note positive les électeurs de 2012 de Jean-Luc Mélenchon sont celles et ceux rejetant le plus un gouvernement autoritaire à 47%, par un « pas du tout d’accord », les électeurs de Hollande à 42%. Par appartenance partisane, cela monte jusqu’à 51% au Ps, comme il va de soit le rejet est plus fort à gauche, l’extrême gauche n’étant pas prise en compte. De toute façon je suis sceptique sur la formulation trop large pour bien cerner cette demande et sur le nombre des questionnés, le tout laissant plus que des doutes sur sa possible fiabilité. Mais révélateur du malaise ambiant, et concernant un gouvernement autoritaire, en raison des mesures d’urgence, les voilà servis par un gouvernement « socialiste » compatible !



Extrait du tableau IFOP - source site Atlantico - déc. 2015


L’idée d’un gouvernement démocratique à tous les échelons de pouvoir ne semble pas se poser, il serait plus utile et combatif, s’il existait un soutien populaire, plus en mesure de mobiliser face aux calamités présentes et futures. Je suis désolé pour tous ceux qui posent une attente sur la COP 21, mais le climat politique d’un pays pèse plus lourd sur le futur qu’un accord interplanétaire qui restera, s’il trouve signature à mettre en œuvre… Au regard de ce qu’a pu faire la communauté internationale en Haïti et les milliards qui devaient reconstruire le pays, quelques années après le tremblement de terre, la misère y est toujours aussi prégnante. De toute façon avec ce système économique c’est un échec assuré et il ne va pas désarmer la course au profit et aux ressources, seul point positif on prend plus en compte le facteur mafieux, mais nous sommes très loin de sa fin. Les pays de l’Est européen les plus imbriqués dans les mécanismes de l’économie souterraine : Biélorussie, Ukraine, Russie, notamment, ces nations posent un vrai problème et le petit état mafieux séparatiste de la Transnitrie (région est de la Moldavie) est l’oublié des cartes. Pour cause, si l’on veut combattre cette hydre à têtes multiples il faudrait faire une grosse purge des systèmes financiers et imposer des règles d’airain à l’échelle internationale.

Revenons à l’enjeu démocratique, complètement écarté de cette campagne, il aurait pu être au centre des interrogations, mais n’a pas vraiment eu lieu et nous avons eu droit au spectacle habituel en version dramatisée. Comme il ne s’agit plus de savoir pourquoi nous votons, et que les programmes sont à la hauteur de cette grande œuvre de recentralisation, cela promet de grands débats dans les conseils régionaux sur le nombre de caméras de surveillance à poser. Il pose surtout au regard de ceux qui seront élus de s’intéresser aux mécanismes de reproduction ou de comment les cumulards ou recasés seront toujours aussi nombreux. Nos démocraties, locales, nationales sont en piteux état, et avec le vote assuré de deux tiers des plus de 65 ans contre un petit tiers de moins de vingt-cinq ans, je ne sais comment on peut construire un avenir. Je ne fais pas pour autant des grands âges des boucs émissaires tout trouvés, et le non vote des plus jeunes n’est pas récent, mais plutôt une constante. Il devrait cependant interpeller, car il est bien de rappeler les devoirs, mais la cassure générationnelle est patente.

Contrairement aux décadents et replis plus qu’affirmés de la société française, les potentialités de la France demeurent importantes, mais à ce rythme de désintégration sociale, ce refus d’une communauté ouverte pousseront les plus habiles à aller voir ailleurs. Pas pour des questions d’impôts ou de paperasse, il n’y a nulle raison de sombrer dans ce suicide collectif ou nationaliste. De manière un peu perfide, Jacques Attali correspondrait dans le journal en ligne et diffuseur du sondage au « gouvernement technocratique ». Si ce dernier se présente, ou que son programme puisse se réaliser, il lui faudrait une majorité pour conduire un tel projet. Il pourrait avoir le profil d’un président, certaines idées (et elles sont nombreuses) sont à retenir et à mettre en débat. Sur l’importance de l’arc atlantique et du débouchée sur les mers dont nous disposons, la place de la francophonie et ses locuteurs dans le monde, de la nécessité d’une intégration de l’Europe, et d’aller vers des institutions planétaires, commençant par une réforme de l’ONU, oui à la condition d’une prise de conscience de l’enjeu démocratique, dois-je rajouter. Tout est en apparence possible, concernant les esprits nous sommes plutôt à reculons.

L’idée qui était de bâtir 50 grandes villes nouvelles, ou plutôt de revoir l’aménagement de 50 centre urbains  aux normes les plus exigeantes est une des possibilités à retenir, et dans le domaine de la recherche et l’éducation investir plus, offrir à tous une formation tout au long de la vie, et pourquoi pas un statut d’intermittent pour tous. Ces propositions doivent être débattues de manière sereine. Mais que de doutes en des temps si régressifs de parler avenir, quand la majorité a le guidon braqué sur le passé. Si la démocratie n’est plus un principe actif comme l’entend ce sondage, avec toute la bonne volonté du monde, les idées les plus louables ne sont pas prêtes de se faire entendre.

Surtout quand il faut tout revoir du sol au plafond et qu’avec des si, il y a longtemps qu’on aurait mis Paris sous une cloche de verre. En vérité l’adage est un peu différent, cette grande tartine de l’avenir que manie avec intelligence Attali, ces propositions sont l’oeuvre d’un intellectuel, pas d’un politique. Si la tentation est grande de se présenter au poste suprême, il en connaît les arcanes, j’en devine les chausses trappes. Le logiciel sur la forme à tout simplement omis de repenser sur le fond cet état centralisé, ce qui pour un libéral affirmé représente une contradiction de taille. Nos capacités sont dans une mobilisation citoyenne et en matière d’idées, nous ne sommes pas en manque, mais hors des réflexions des médias de l’effroi.

Pour l’ouverture sur le monde marin et les technologies du futur, le député Mélenchon n’est pas si lointain et au sein du monde écologiste, on peut trouver des approches similaires ou complémentaires. L’éco-socialisme a même été validé par le PS, il faudrait bâtir sur des bouts de consensus, pour créer une dynamique. L’objet de taille est la question de la relation au travail, et si, il existe un domaine à repenser, et qui ne peut plus se faire à coup de réformettes, il reste le sujet crucial. Les peurs accumulées : chômage et guerres ont de quoi immobiliser les énergies de toutes sortes. Et il est indéniable que la progression du FN est un vrai danger et pas seulement pour la France. La somme des frustrations, des colères n’ouvrent pas à des débats et à un assentiment général. Sauf à croire en de vieilles recettes, penser qu’un étranger sur le sol de France n’a que pour solution l’assimilation des années 1930, ce n’est pas en criant à tue tête la Marseillaise et en gueulant comme des putois que la patrie est en danger, que nous nous en sortirons indemnes.

A ce petit jeu une bonne partie de la réaction ira s’allier avec ses ennemis d’hier, et le combat des chefs au sein des droites va finir en pugilat avant que ne se profile la nuit des longs couteaux. Quand Guy Bedos joua le rôle ( de la Résistible Ascencion) d’Arturo Ui dans la pièce de Brecht, lors d’une entrevue accordée, il rappela comment la droite la plus conservatrice bascula en faveur d’une alliance avec les nazis et aux vues de ce qu’il jouait sur scène. Il rajouta qu’il voyait là un équivalent avec les Le Pen, Jean-Marie, Marine ou Marion (son premier prénom civil) dans la prise du pouvoir. La stratégie bien que très grossière, appuyer là où cela fait mal, vise à légitimer un parti avec un compte ouvert à Moscou, et dont les fantômes noirâtres (les gros bras) ressurgissent sous une forme rouge et brune. Nous en sommes plus à « nostalgiques de tous les pays unissez-vous », le salariat en est devenu lointain et pourtant il est le centre névralgique de la démagogie. Le népotisme en Argentine, avec les Peron a conduit ce pays à la faillite, quand la politique devient une affaire de famille ou le fait d’un seul individu aux pouvoirs totaux, il y a comme en digestion un devenir mal en point.

Donc l’objet aujourd’hui n’est plus de se réveiller, mais de lutter et pas au service des rentiers et gros possédants, mais de ce qui constituait la force de ce pays dans ses vœux d’égalité. Des projets, des idées, oui s’ils peuvent aboutir se concrétiser aussi hors du système marchand, ce qui est du ressort des biens communs, de la propriété collective, du partage des savoirs et la mise en valeur des patrimoines, d’une société sans hydrocarbure ou sans armes, il faudra attendre et convaincre et non vaincre. Tant que les dogmes l’emporteront sur les besoins collectifs et une citoyenneté accrue, nous ne sortirons pas de ce dédale, victoire de la binarité quand les causes sont multifactorielles, sans charpente intellectuelle et compréhension lucide du passé, la prochaine étape sera sociale et démocratique ou ne sera pas.


Billet de Lionel Mesnard, le 11 décembre 2015



La décomposition sociale est en route :
souriez vous êtes filmés !


Les résultats sont tombés, la progression de la réaction est indiscutable et il est devenu compliqué de trouver un espoir dans le camp progressiste, car il n’y a pas d’espace susceptible d’ouvrir des perspectives. Nos appareils politiques tournent sur eux-mêmes et en dehors des ambitions personnelles, du nombril des uns ou des autres, il n’y a rien de très nouveau. J’ai manifesté ma petite colère et quitte à passer un extrémiste de gauche, autant l’assumer. Le petit résultat de Lutte Ouvrière n’est pas une surprise, mais au moins, je n’ai pas vendu mon âme, même si je dois reconnaître, que Paris, sur le plan électoral dispose d’un micro climat, nous évitant la file des haineux au bureau de vote.

Mais comme le ridicule ne tue pas, à l’exemple de la mise en place de vigiles à l’entrée de certaines écoles. Sait-on demandé un instant comment un individu pourrait stopper des types lourdement armés ou ceinturés d’explosifs ? Le délire sécuritaire rend certains petits maires d’arrondissement à la limite de l’idiotie. Les services de police sont tellement absorbés à courir dans tous les sens, les parisiens ne finissent que par entendre des sons stridents, mais même pas un seul plancton à l’entrée, passons. Car pendant que les élections se déroulent, l’état d’urgence continue de frapper, la ville de Nantes semblant servir de ballon d’essai à l’épuration du moment. Et jusqu’à peu, je ne savais pas que les écolos étaient des terroristes potentiels !

Leur siège national étant à deux pas de mon domicile, je dois m’attendre à un nid d’anciens punks, qui en sous-sol prépare je ne sais quelle mixture explosive. Rassurez-vous Mme Cosse porte bien son nom et un stagiaire de la police aura grande chance de la rattraper sur un cent mètres, à moins qu’elle ne soit recrutée comme aspirante à la protection d’un bureau de vote dimanche prochain, sa carrure dissuasive en effraiera plus d’un. Pendant que je rédige, les calculettes et la répartition des postes va permettre les conditions d’une unité de façade à gauche et de quoi écoeurer encore un peu plus l’électorat volatile et surtout populaire.

Les résultats ne sont pas surprenants et ce que l’on nommait le plafond de verre a volé une fois de plus en éclats. L’abstention ne varie guère, et si lecture il y a à faire des scores obtenus, c’est qu’il faut diviser par deux les pourcentages, et que le parti majoritaire dans ce pays est l’abstention.  La seule satisfaction est de voir que la droite unie va elle aussi se prendre une bonne claque et baisser ses ambitions, le second tour sera le calque d’un tripartisme : gauche – droite – et extrême droite. Se jouant sur la capacité de rassembler. Normalement à ce petit jeu, il existe en général un petit sursaut à gauche et le Ps (la main qui nourrie) et ses alliés suivistes devraient sauvegarder plus que ce que l’on aurait pu s’attendre, ou bien limité à la Bretagne et à l’immense région Aquitaine, Charentes, Limousin et etc.

Les grands oubliés comme d’habitude, les régions non hexagonales sont les moins touchées par la peste brunâtre, rien d’étonnant la douce France n’est pas ici. Bien sûr, rien n’est jamais vraiment gagné, sauf que six régions peuvent basculer et que le Ps grand seigneur sacrifiant ses deux plus fortes implantations politiques, nous verrons ce que donne cette stratégie, qui n’est en réalité qu’un déni supplémentaire de la démocratie.
 
Je m’explique. Autant je pense depuis longtemps qu’il aurait fallu dissoudre le FN, comment un parti reçu à l’Elysée et ayant droit de se présenter aux scrutins depuis 1974 ne pourrait-il pas en tant que première force politique du pays ne pas diriger des exécutifs régionaux ? C’est à mon avis le meilleur moyen de nourrir la frustration, ce qui ne fera pas grandir les haineux, bien au contraire, on nourrit encore plus le fonds de commerce paranoïaque, sans aborder les enjeux d’une société en perdition. De plus à force de tout changer sans concertation effective le grand bazar régional français ne pèse pas lourd et a été au passage re-centralisé, tout en faisant croire à l’allégement d’un dispositif, où l’on est venu rajouter une strate supplémentaire avec les métropoles, nouveau nid de bureaucrate en puissance ou de supers notables locaux.

Dans un pays où l’on n’apprend pas le droit et l’organisation de nos différents échelons politiques de responsabilités à l’école ; du moins, pas avant l’université, il faudrait pouvoir se poser la question de savoir : c’est quoi un citoyen ? Si j’utilise ce terme ce n’est pas par conviction républicaine, mais parce qu’il sert de dénominateur commun, nous mettant tous sur le même plan d’égalité. Sauf que dans la réalité allez demander à tout à chacun, ce qu’il en sait du fonctionnement d’un Etat reposant sur plus de 80.000 lois et décrets, sachant que tout citoyen est censé savoir ce qu’il en est ou peut advenir, ceci est impossible. Surtout si cette complexité du droit se limite aux juristes ou Hommes de loi, il existe un gros décalage entre la société civile instruite, mais absolument hors d’un savoir essentiel, comment être un citoyen au sens plein, si son existence est à ce point minorer.

Je puis tout à fait comprendre que sans formation et même empreint des plus grandes critiques faire de la politique n’est pas une chose aisée et pousse à dire ou penser des bêtises. La question fondamentale est de savoir que si la situation est grave, nous finissons par n’en plus toucher l’essentiel, résidant en cet art de vivre un destin commun. Faut-il pouvoir se reconnaître et l’envie de s’absoudre de cette mélasse étant si forte que le combat contre des moulins à vent est un bon pour les vieux Quichotte de la révolution prolétarienne. Voter LO était un acte surréaliste, ou bien un excès de jeunesse, comme l’envie de lancer un pavé dans la marre.

Les présidentielles vont absorber les familles politiques pour les mois à venir. Je n’ai jamais eu un grand attrait pour les chefs et je déteste cette élection monarchique, pas plus que je n’ai grand goût pour les notables et leurs assemblées locales. En attendant qu’une autre gauche face surface, j’ai de la marge, peut être un jour se pointera, non pas un homme miracle, mais un corpus intellectuel un peu plus solide et compréhensible pour le plus grand nombre.

J’irai de nouveau faire mon devoir dimanche prochain, poliment, Bartolone va rassembler « les pleureuses », et me concernant je vais retourner à mes travaux de recherche, bien plus intéressant que de faire face à des moralistes de petits rangs. C’est mon vieux fond protestant, genre chieur rigoriste qui refuse de rester passif devant ce spectacle joué par avance, où ne seront retenus que les mêmes acteurs, les grands artisans de notre décomposition sociale et sous le poids des égoïsmes politicards.

En parallèle, au Venezuela des élections parlementaires se sont tenues ce 6 décembre, où la gauche tiers mondaine continue à réciter ses chapelets stalinistes, regarder VTV (la ocho)  ou Télésur, m’aura permis de découvrir la victoire de la droite après 17 ans d’une révolution trahie. Ce fut donc une soirée électorale assez calamiteuse et qui ne donne pas le meilleur des influx en ce début de semaine. Cependant, il y a longtemps que les illusions sont tombées, sur ces deux rives atlantiques, et qu’entre une décomposition staliniste et sociale quelque chose (libérale ou démocrate), en l’état, c’est tout aussi pathétique. (petit rajoût : Pour connaître la composition de la nouvelle assemblée : il faut aller sur le site du Conseil National Electoral du Venezuela, il donne les résultats complets)

Billet de Lionel Mesnard, le 7 décembre 2015

Autre rajoût du jour : Un article à lire en complément de Jérôme Daquin, journaliste, "Qui est Charlie ? Le scrutin du 6 décembre 2015 donne raison à Emmanuel Todd". Même si je ne partage pas la même idée sur la question de l'euro, pour le reste son analyse sociale est très juste, d'autant plus qu'il a lu le livre d'Emmanuel Todd et peut apporter une critique sérieuse. Aussi cela confirme que notre pays a quelques difficultés avec ses universitaires, Gilles Képel a donné à ce sujet, le 14-11 une très bonne entrevue et de quoi se gratter la tête sur la compétence de nos crânes d'oeufs ou technocrates. 


Deux billets pour le prix d'un seul !




Non aux guerres du capital
et voter pour l’intérêt général des salariés et précaires !

Sur le plan intellectuel et politique, la gauche depuis le 13 novembre, elle a fait : Pschitt! comme une sorte de "canada dry" (boisson à bulle), qui n'a ni de goût, ni de contenu social, économique et écologique. Face à la victoire probable du FN, dans au moins 3 régions (nouvelle découpe), et en raison de l’abandon en rase campagne des forces réformistes et de progrès, face à la mécanique la plus huilée de tous les temps, c’est-à-dire : les guerres du capital !

Seule une mobilisation sociale et l’expression dimanche 3 décembre d’un vote de révolte, et de défense des intérêts du plus grand nombre est en mesure de limiter cette course infernale aux profits et intérêts particuliers. Mettre un arrêt serait un bien grand mot face à de vieux réflexes, la bourgeoise française serre les rangs et n’hésitera pas à continuer à sacrifier les plus faibles pour ses intérêts et valeurs trébuchantes.

Leur morale n’a d’entendement que pour la fabrication d’armes et le contrôle des ressources naturelles. Le reste n’a ni diplomatie ou vision à long terme, un homme et même si je ne partage pas ses opinions, Dominique de Villepin a exprimé une vérité forte, nous mettons la main dans un engrenage, il entraînera le corps social en entier dans une boucherie permanente.

La réactivation des vieux réflexes impérialistes, et les appétits des bourgeoisies en présence : étatistes ou oligarchiques et djihadistes (Les rapports de classe de l’islam politique avec le Capital et avec les classes sociales), ces logiques nous mènerons à des catastrophes, car les intérêts de ces minorités ne sont pas ceux de l’immense majorité des travailleurs et populations menacées. Qu’ils soient Européens par des menaces terroristes, ils sont surtout Syriens Irakiens, Kurdes, Turques, Iraniens, Afghans, etc. meurtris dans la guerre et les persécutions. Sans oublier les Arméniens au milieu d’un conflit entre la Russie impériale et le voile  expansionniste (Pan) Turque et la toile d’araignée de l’Etat Islamique se confondant avec toutes les factions mafieuses et militaires qui vont du Nigeria au Pakistan.

Faire fi de cette complexité et croire que l’on va recoller les morceaux avec quelques prophéties républicaines ne changera en rien la donne. Comme mon dernier droit est de pouvoir mettre un bulletin dans l’urne. Pour la première fois de ma vie,  je vais voter pour Lutte Ouvrière. Car s’il faut manifester un vote et avoir le courage d’aller jusqu’au bout des contradictions, je préfère voter pour des gens honnêtes et défendant des opinions sans ambiguïtés racistes ou de classe, sachant que les travailleurs n’ont pas de frontières, hors celles qu’imposent les bourgeoisies nationales.

Plutôt un vote de classe que de résignation, il est plus que temps, que les salariés et précaires défendent leurs propres intérêts et ne succombent de nouveau pas aux tentations et sirènes nationalistes. Contre la démagogie presque générale et sans équivoque, j’irai voter Nathalie Arthaud et les candidat-e-s au premier tour de LO, en l’état, je verrais au soir du résultat du premier tour la nature de mon vote au second, mais je n’irai pas mélanger ma voix aux listes confusionnelles. Je n’y peux rien, mais la gauche hors quelques courageux est morte le 19-11 ou se trouve sous coma artificiel, ce constat n’est pas difficile à tirer, en attendant la nécessité de mettre à bas cet édifice constitutionnel de la Cinquième (roue du carrosse monarchique).

Primo la Révolution française n’est pas un bloc, en second lieu, elle n’est pas finie,
troisièmement, il est temps de réactiver les luttes sociales et les résistances aux oppressions économiques ! Surtout n’est pas Robespierre qui veut… Beaucoup de nos élus de la gogoche (Pcf et leurs copains stalinistes du Fdg ; Ensemble ; Nouvelle Donne, MRC : même soupe même combat…), en l’état, ils portent le masque de Danton, ils ramperont demain manger dans les mains qui les nourries. (Et pour EELV- Les verts, est-il besion de tirer sur une ambulance? - rajoût du 5-12)

A ce rythme, l’état d’urgence sera permanent et le retour de la censure une perspective, la liberté et la justice, ça ne se négocie pas et ne se paie pas à coup de poste de bureaucrate. Il est temps de manifester une colère digne et froide et de voter pour la gauche, cette fois-ci révolutionnaire, l’autre n’est plus, l’aile réformiste est à rebâtir.

Bienvenue, dans la traversée du désert intellectuel et politique !


Billet de Lionel Mesnard, 4 décembre 2015

Stop au feu : la démocratie en danger !

 


Ce qu’il y a de révoltant se trouve dans cette capacité à envoyer des hommes à la guerre pour des intérêts qui ne sont pas les leurs, tout le manège politico-médiatique survenu a provoqué des élans guerriers d’une rare inconséquence, même lors de la guerre du Golfe en 1991, nous n’avions pas connu autant d’élus désireux d’en découdre avec l’ennemi. Les élus et candidats des droites ultras et autres capitulards Ps en tenue de camouflage, donneraient envie de les envoyer ou de les parachuter dans la banlieue de Damas, Bachar El-Assad ne s’en remettrait pas… Nous aussi, nous avons nos « dahes », nos fouteurs de pagaille, les voilà tout désigné pour partir au front ! S’ils pouvaient tous se massacrer entre eux, nos assoiffés du pouvoir et du fric, ça pousserait à relire Boris Vian, ou simplement reprendre chantonnant les couplets de « la java des bombes atomiques » avec entrain…

En raison des circonstances, il faudra s’en tenir à Monsieur le Président, je vous fais une lettre:

(…) On m'a volé mon âme, Et tout mon cher passé.
Demain de bon matin Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes, J'irai sur les chemins.
Je mendierai ma vie Sur les routes de France, De Bretagne en Provence
Et je crierai aux gens:
«Refusez d'obéir, Refusez de la faire, N'allez pas à la guerre, Refusez de partir.»
S'il faut donner son sang, Allez donner le vôtre,
Vous êtes bon apôtre Monsieur le Président.

Si vous me poursuivez, Prévenez vos gendarmes Que je n'aurai pas d'armes
Et qu'ils pourront tirer.


Que certains aient vu une atteinte aux droits de l’Homme, comment les déjuger et trouver plus précis, pour comprendre que la France est retombée dans sa vieille empreinte provincialiste, paradoxe d’un pays hautement centralisé, ou le devenir politique du pays se joue sur quelques arrondissements parisiens. J’ai découvert, il y a peu de temps, que les droits de l’Homme avaient été mis entre parenthèse, c’est-à-dire sans application légale en France de 1795 à 1946, ou non-inscrits dans les textes constitutionnels. Sans commentaires.

Le 13 novembre 2015 et ses suites laisseront une trace indélébile, il n’en est plus temps à écouler des larmes, mais d’être lucide. Nous avons basculé dans un état policier avec l’approbation de 99% de parlementaires, allant de ce qui n’est plus vraiment la gauche à l’extrême droite. Dans ce grand désert et pourtant n’étant pas vraiment révolutionnaire au sens brut du terme, me voilà convaincu que le camp réformiste vient de se suicider. Il importe de faire le tri dans ce qu’a pu dire Jean Luc Mélenchon, difficile de saisir les élans étatistes et d’un autre côté un positionnement courageux. Néanmoins, le député européen est soumis comme tout à chacun à la nouveauté des circonstances et à cette violence d’état - le tout promotionné par Gattaz !

Nous entrons dans une période sombre, de nouveau une « république » bonapartiste. Je tiens à souligner une très forte intervention d’Olivier Besancenot ou simplement internationaliste pointant les problèmes d’ailleurs et les nôtres (Intervention visible ici en vidéo, 20 minutes). A ce même meeting un militant Kurde à apporter un témoignage venant un peu bousculer nos minces connaissances de la résistance de ce peuple et populations héroïques, et pose à se calmer avec l’état décadent, en clair l’état nation à plus que des limites, les travailleurs n’ont pas besoin de s’enferrer dans des frontières, leurs luttes sont toujours communes. (Meeting “Vos guerres, nos morts”  intervention de  Yekbun, militant du congrès démocratique kurde)

Les votes sont encore très incertains, sauf pour le FN visant à minima trois régions, quatre étant possibles. Nous pourrons avoir une idée un premier aperçu de ce qui reste, - de cette V° république maudite - par son spectre autoritariste et maintenant, portée par la démocratie en berne. Il faut se préparer à un nouveau séisme et ne pas oublier de voter, mais pour qui ? Il y a de forte probabilité, que la majorité se réfugie dans l’abstention, en particulier chez les plus jeunes, les employés non qualifiés, les ouvriers et les sans emplois. Comme d’habitude, il sera plus facile d’en faire des électeurs fachos… et de dénoncer les pauvres comme des irresponsables.

L’état d’urgence renvoie à de trop mauvais souvenirs et pas si lointains avec le préfet de Police de Paris Maurice Papon en octobre 1961 (200 algériens morts minimum) et la Seine aux couleurs rouge sang selon le souvenir de certains manifestants. Puis les suites de  la traque des gamins de Clichy-sous-Bois en 2005 (Zyed et Bouna), qui préfigurait d’un trop plein social et de la logique périphérique d’exclusion en oeuvre depuis 40 ans. La République sans démocratie, sans un exercice plein des contre-pouvoirs (déjà faibles pour les citoyens) est redevenue un régime autoritaire, plus, dans cette forme se construit un état policier, pas à pas. Et dans les périodes confuses, attention aux petites listes souverainistes « rouges et brunes » (sur une profession de foi on peut lire : "qui montent malgré le silence des médias" et des amitiés avec Soral et l’ultra droite et la "gauche" des errances totalitaires).

La préfecture de la Gironde confondant délits d’opinion et djihadisme en dit long sur d’autres dérives à venir. Drôle de hasard, qui était préfet de police de la Gironde en 1945, puis préfét de police de la Seine en 1961 ? Comment croire que les Parlements joueront leur rôle de contrôle: avec quels moyens? Ne pouvant déjà pas faire le suivi de leurs propres lois, nos élus nationaux vont pouvoir suivre au quotidien les milles et unes bavures, que cela va provoquer ou engendrer ? j’ai à minima au quotidien une info sur une dérive policière ces derniers jours, mais pas le temps de constituer une carte Google. Non seulement, c’est une dérive, mais de toutes les institutions, et s’il y a à se questionner sur l’Etat, en l’état, ce n’est plus nous.

Nous, vous revoilà un Peuple mineur et impuissant !


Je ne l’écris pas avec joie, je n’en tire aucun bénéfice, je m’aventure dans un domaine où la radicalité, n’est pas seulement d’aller à la racine des problèmes, mais de se retrouver dépassé par la radicalité des temps. Je n’utiliserais pas le terme de résistance  au sens propre pour la France, il existe une telle passivité face au modèle consumériste et de tels écarts d’inégalités, que chacun défend son bout de viande. Car si l’on veut être honnête, les idéaux passés aux moules du post-modernisme ne parlent en rien à la majorité des quidams, les analogies historiques souvent incongrues - n’expliquent pas plus les raisons profondes. Ce qui était nommé « conscience de classe » trouvait racine et sens au sein du prolétariat ou du salariat, s’il pouvait au moins survivre une conscience et une compréhension des enjeux globaux.

Pas plus que nous devons céder aux menaces de fous furieux, il n’y a pas à assassiner le peu de démocratie nous restant. La « France » des mauvais jours s’est de nouveau dévoilée, il est temps de la combattre avec nos seules armes : les mots !

Billet de Lionel Mesnard, 4 décembre 2015
 

Attention aux incendiaires :
à la recherche du sens, de l’émotion

pour rependre les chemins de la raison
J’ai essayé de faire travailler un peu ma mémoire ces derniers temps en raison de cette vague d’émotion, qui a bien des aspects sympathiques, mais qui ne dit pas grand-chose sur l’état de la société française, non pas sur son opinion publique, il est possible de tout lui faire dire, mais ce qui a pu être conduit comme politiques depuis le 13 novembre, nous conduisant à une impasse. Je ne sais si la phrase est authentiquement de Benjamin Franklin, mais elle résume bien le problème : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de sa liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre et finit par perdre les deux. »  Suite à un courrier qui m’est parvenu, suite à ce que j’ai pu écrire, l’ennui d’un billet est d’être toujours synthétique, faut-il rajouter des précisions sur un sujet sensible, et que pouvons-nous comprendre ? Mais je ne peux tirer des compléments qu’avec le temps et mon but n’est pas une course à l’info, mais de prendre en note quelques sujets choisis de l’actualité chaude en matière politique et sociale.

On peut aimer écrire, mais c’est toujours sous la contrainte que je le fais et face à un sujet brûlant, d’une complexité dont il est difficile de poser les contours. Alors se pointe plein de questions en suspension, et demande à réfléchir à son organisation. En matière de hiérarchisation, ces derniers temps les propos de la troisième génération des Le Pen, la Marion d’une union Maréchal… a toute l’empreinte de la vieille extrême droite et n’oubliant pas de rassembler la meute de ses amis allant du GUD aux identitaires, la « race » des seigneurs est de retour et le tout à la lumière des intégristes catholiques et une entrevue dans le journal très connoté politiquement : « Présent », affirmant la supériorité des catholiques sur qui vous pouvez deviner.

Depuis le 13 novembre, un certain nombre d’attaques ont touché des militants de gauche à Paris comme en France, à nouveau des lieux de cultes ont été profanés ou carrément en des dérives ou règlement de compte contre des « musulmans » et sous le triste nom de « ratonnades », du côté de Lyon. Que fait la police ? (2 articles à lire dans l'Humanité en plus à lire, récits en Seine-Saint-Denis) Sinon, elle a ramassé dimanche une cinquantaine de manifestants « gauchistes » pour les adresser aux nouvelles forces préfectorales en action. L’ordre règne ou presque, les patriotes d’opérettes exultent.

Comme son papy, la Marion sait jouer des mots, et il est plus facile de taper sur Judith Butler, universitaire étasunienne présente lors des événements dans les colonnes du journal « Challenge » (« Ces pleureuses de gauche qui ciblent Hollande le liberticide »). Elle serait devenue d’un seul mouvement le fer de lance de la gauche radicale, paraît-il. Faudrait-il qu’elle soit connue et qu’on ne la confonde avec Naomi Klein, et que les fantasmes d’un journaliste n’en cache pas moins ses proximités avec le monde patronal, sa fiche Wikipédia est un régal : Maurice Sazfran. Du coup nous en retiendrons une conclusion de Judith Butler (son titre : "Une liberté attaquée par l'ennemi et restreinte par l'Etat") dans une prise de position parue dans Libération, le 19 novembre : « Il semble que la peur et la colère puissent conduire à se jeter violemment dans les bras d’un Etat policier. Je suppose que c’est la raison pour laquelle je préfère ceux qui se trouvent dans l’impasse. Cela signifie qu’il leur faudra du temps pour y voir clair. Il est difficile de réfléchir quand on est accablé. »

C’est justement au moment où il aurait fallu une pause, calmer les esprits, que les incendiaires agissent en toute tranquillité, entre ceux qui ont du mal à émerger et les envies plus que naturelles dans ce genre de circonstance de braver la mort. Quand le pulsionnel est maître, il ne peut servir de base pour raisonner, pour autant ne faut-il pas le nier ! Nous avons été par deux fois sous le choc de la monstruosité et du déchaînement de violence depuis janvier dans l’Est parisien, et si je venais à tracer une carte des attentats, ma situation géographique me placerait dans l’œil du cyclone. Le besoin d’écrire ou d’exprimer dans un premier temps sa douleur est importante, elle doit peu à peu se mettre au service d’une large réflexion, à commencer par ce qu’est un traumatisme de guerre et ce qu’il peut engendrer comme altération dans la vie quotidienne.

Sur ce site (en forme de blog) ou en fonction de certaines recherches effectuées antérieurement aux attentats, je vous renvoie aux pages sur la question Psy et en particulier à Boris Cyrulnik. Et en ce qui concerne le traumatisme de guerre, il fut utile à Freud et ses proches dans une nouvelle étape de la psychanalyse. Ce que l’on nomme la « deuxième topique » freudienne est venue tirer enseignement de la guerre de 1914-1918 et ce qu’on le prenait pour de la simulation chez les soldats frappés par des troubles handicapants ou invalidants. Sous le regard et l’attention de quelques psychiatres ou neurologues, l’on va pouvoir mesurer l’impact psychique et le rôle non négligeable du système nerveux.

Ces derniers temps en Colombie des articles (suite à des études) ont été publiés pour une population qui connaît depuis tant de décennies le phénomène « terroriste » - et - ce que suppose un état de guerre comme conséquence intrapsychique, notamment sur la plasticité du cerveau et de comment le retour à la paix fait appel à de nouveaux réflexes. Nous sommes encore loin de ce qu’ont pu vivre les Colombiens, les Congolais, pis encore les Rwandais. Néanmoins, quand le pulsionnel rentre en jeu, les contraires s’opposent, heureusement l’envie de vivre domine et les aspérités et insignifiances du quotidien prennent moins de place. Toutefois être soumis directement à ce type de fureur, peut être à l’origine de psychoses ou de lourdes névroses, il existe un stade de violence, où corps et esprit peuvent perdre tout repère, comme un éclatement de la personnalité. J’ai gardé à ce sujet quelques témoignages et le récit de deux psychologues de Bogota, sur comment opère les paramilitaires dans les zones rurales. Je n’entrerai pas les détails morbides, je vous renvoie vers à cet article du blog Libres Amériques, (Chronique sur  la « folie », après une extermination) il y retrace le comportement et la vie d’un homme dans un parc avec ses pigeons pour amis, et ce qu’il est advenu de lui après une tuerie...



Il faudrait pouvoir poser un constat où 24 nations sont engagées, il importe de nommer cet état des choses, et notamment tout ce langage propagandiste (1). Ensuite, quelle lecture des cartes géopolitiques des pays non pas uniquement arabes, mais aussi turques et persans, un ensemble ayant une forte population musulmane allant sur le continent asiatique d’ouest en est, du Liban au Pakistan et en remontant jusqu’au Caucase, au nord, sans omettre les états d'asie centrale qui sont sortis de l’ex. Union soviétique. De même, sur les 25.000 étrangers ayant rejoints les rangs de la mouvance mafieuse et terroriste, les piétons de Daech, « les dahes », en arabe les semeurs de zizanie, les plus nombreux sont d’origines russes. Avant toute possibilité de faire un examen sérieux et de comment aujourd’hui de Bamako aux zones tribales du Pakistan a pris greffe ce fanatisme et cet usage morbide de la violence : « le terrorisme ». En l’état comment nommer ce qui a pour but de semer la terreur, sans tomber dans les minimalismes des circonstances.

A part, les images d’Epinal renvoyant aux invasions Huns, à Sainte Geneviève s’élevant contre Attila au cinquième siècle, une pure légende. Puis les attaques Normandes, il est difficile historiquement d’identifier des bandes armées ne cherchant que rançon pillage et conquête territoriale. De plus il s’agit de religions polythéistes, assez lointaines ou présentes bien avant l’islam, ou bien il faut revenir au phénomène d’extension du monde arabe au VII et VIIIème siècle de notre « ère chrétienne » et quelques longues années de résistances des Berbères en Afrique du Nord. Mais entre les Normands et les Arabes de ces temps, l’idée qu’ont certains de la civilisation donne une idée d’une situation évidemment sans rapport avec la nôtre et qui plus est entre une Europe quelque peu arriérée, voire primaire face à la naissance d’une grande civilisation. Pour surprenant et que j’avais oublié, au cinquième siècle, il existait déjà à Paris une petite communauté de marchands syriens. « L’orient », et sa présence dans ce qui n’est pas encore la France, a été un ensemble très riche en mythe et légende, mais certains noms de famille bien de chez nous peuvent s’attitrer d’avoir des ancêtres « arabes et andalous et musulmans » (Maurice, ou comme Jeanne Moreau, …). Même les nom ont un sens… Pour ceux à qui cela a pu échapper l’Islam était source de lumière bien avant les nôtres …

Sans la jonction des savoirs au Moyen-âge et qui plus est sans les travaux et apports d’érudits musulmans et juifs, notre culture gréco-latine ne serait plus, ou n’aurait pu renaître sous les termes d’humanités ou bien à la faveur des pensées humanistes, tout comme la médecine et une série de science, à commencer par les mathématiques et les chiffres que nous utilisons. Donc quand la famille du menhir breton ne savait pas lire ou ne disposait pas d’une écriture propre, ou venant d’un héritage probablement gallo-romain, le basin méditerranéen était déjà un phare de la civilisation. J’avoue que ma connaissance des ethnies bretonnes est assez limitée, comme son langage, et comment s’y retrouver avec une ethnie à deux langues… mais cela peut permettre de hiérarchiser et de ficher si besoin. Nous aurons toujours des croquignoles en délire sociologique pour le faire, pauvres sciences humaines.

Je vous propose surtout de lire, ce début d’analyse « marxiste » ou un entretien avec Nicolas Dessaux QU’EST-CE QUE L’ETAT ISLAMIQUE ? Vous n'êtes dans l'obligation d'en patager les références ouvrières et communistes pour autant.  Il permet de comprendre ce qui se passe sur le plan géopolitique depuis plusieurs années et de mieux cerner ce qui s’y déroule. Et sinon un très beau témoignage d’une jeune auteure, Sarah Roubato ressemblante à notre monde de l'est parisien et aussi aux victimes du 13 novembre, tout ce cosmopolitisme, cible de la commune bêtise et des assassins ou criminels suicidaires francophones, faut-il souligner et à distinguer (voir le complémenr d'info du 26-11 à ce sujet).
"Lettre à ma génération : moi je n'irai pas qu'en terrasse"

Une petite note d'espoir, à lire absolument ! Et pour rapeller que les premiers combattant-e-s de la Révolution française ont été surtout  des femmes et aussi en moindre nombre des étrangers...


Billet de Lionel Mesnard, le 24 novembre 2015.


PS : De quoi un peu rire, quand il s’agit de tout savoir sur un objet que l’on commence à peine à identifier ou tout comme cette anecdote de Guillaume Durand sur Claude Lévi-Strauss. Il le prévint de pas lui demander, d’expliquer en dix minutes pour la télé ce qu’est le structuralisme. Ceci est un bloc-notes pour rappel !

Note et complément d'information :

 (1) Qui est Daech ou Daesh (acronyme arabe et anglais) ?


Les autorités françaises, fer de lance dans la guerre contre l'organisation de l'État islamique, ont officiellement adopté l’acronyme "Daech" pour désigner l’EI dans leurs discours officiels. Une décision qui n'a rien d'anodin. (…)

"Daech" : La plupart des journalistes et des observateurs pensent que le mot "Daech" est un banal acronyme arabe pour désigner l’EI (al-Daoula Al-[i]slamiya fi al-Erak wal-Cham), sauf que c’est faux. À quelques rares exceptions connues - Hamas palestinien (Harakat Al-Mouquaouam Al-[i]Slamiya) - les organisations et groupes politiques ont peu recours aux acronymes dans le monde arabe. L'"État Islamique en Irak et au Levant" (EIIL), ancêtre de l’EI, a d’ailleurs d’emblée rejeté l’acronyme "Daech",  lancé peu après sa création en avril 2013, par des médias qui lui sont hostiles dont al-Arabiya et plusieurs autres chaînes d’information iraniennes et libanaises. Cette dénomination a fait rapidement des adeptes dans les rangs de ceux qui se battent contre l’EI en Syrie, du côté des rebelles comme du côté du régime de Bachar al-Assad. Le but était justement d’occulter les mots "État" et "Islamique", pour minimiser l’influence de l’organisation au sein des populations de la région et empêcher toute adhésion à son idéologie.

Le choix du mot "Daech" :  L’expression, considérée comme "péjorative" par l’organisation terroriste, n’existe pas en tant que telle dans la langue arabe. Mais d’autres mots, proches phonétiquement, existent. À l’instar de "Daes" - celui qui écrase avec son pied - ou de "Dahes" - celui qui sème la discorde ou la zizanie. "Dahes" fait aussi référence à de célèbres batailles de l’histoire du monde arabe, les batailles de Dahes wal Ghabra, entre 608 et 650 ap. J.-C. Elles opposèrent entre elles des tribus arabes dans la période pré- islamique, Jahilya - ignorance en arabe - qui finirent par s’unir "grâce à l’islam". "Daech" renvoie donc inévitablement à une image et à des concepts très négatifs pour l’EI. Son usage qui se faisait souvent de manière anodine, prend tout son sens en tant qu’ "élément de langage" depuis que les autorités françaises l’ont adopté. Une prise de position politique sans plus aucune ambiguïté…
(Source France 24 – année 2014)


Complément d'info du 26-11-2015 :

Une excellente analyse sur le phénomène générationnel dans son versant ultra minoritaire et nihiliste en France et ailleurs.  Par Olivier Roy (*) journal le Monde page idées : « Le djihadisme est une révolte générationnelle et nihiliste »

 (*) Olivier Roy est professeur à l’Institut universitaire européen de Florence (Italie), où il dirige le Programme méditerranéen. Politologue, spécialiste de l’islam, il est notamment l’auteur de La Sainte Ignorance (Seuil, 2008), En quête de l’Orient perdu (Seuil,‎ 2014) et de La Peur de l’islam (Ed. de l’Aube/Le Monde, 92 pages, 11 euros), recueil de ses principales interventions dans Le Monde du 11 septembre 2001 à janvier 2014.

De l’état d’urgence...
 

     ... aux pleins pouvoirs ?
Je tiens à apporter mon soutien à la prise de position contre la prolongation de l’état d’urgence, de six élus, trois socialistes et trois écologistes sur 577 députés, le 19 novembre 2015. Ils étaient à peu près le même nombre en janvier 1991 pour refuser la guerre contre l’Irak. Ils étaient dix fois plus en juin 1940 à ne pas voter les pleins pouvoirs à Pétain… Cette nouvelle défaite de la démocratie et de l’état de droit est à marquer d’une pierre noire comme une débandade généralisée, et comme le dit très bien le professeur Cyrulnik :  « Si on ne sait pas qui on est, on est ravi qu'une dictature vous prenne en charge ». Et à force d’avoir tué la gauche dans ses fondements égalitaires sous Mitterrand, comme sous Hollande, il ne reste plus qu’à coller aux basques de l’extrême droite et de ses amis. Une belle unité nationale à laquelle personne ne croît, mais dont les petits Bonaparte tenteront d’en tirer les marrons électoraux du feu.

C’est toute la difficulté de la lutte du bien contre le mal, il faut d’abord pouvoir définir deux termes dont la signification est avant tout religieuse ou morale, c’est-à-dire philosophique. Son application politique est par avance douteuse, je ne nie pas la perception, l’entendu, ceci est ancré en chacun de nous-même, sauf qu’à l’usage, la première des morales, c’est de l’appliquer à soi, et en ce qui concerne la morale « des autres », mon idée n’est pas très éloignée de ce que Léo Ferré a pu mettre en musique à ce sujet. « N'oubliez jamais que ce qu'il y a d'encombrant dans la morale, c'est que c'est toujours la morale des autres ». La question de la liberté est à ce prix, de pouvoir asseoir ses propres exigences et jugements au prix de l’erreur, sans avoir besoin de se référer à une facilité de l’esprit, ou à ce que l’on peut vous faire croire comme la substance, alors qu’il ne s’agit que de la défense d’un ordre de la société et non de philosopher.

La philosophie devrait être cet exercice de palabres offert à tous et venant fleurir nos échanges dans la vie quotidienne, elle devrait nous nourrir tout comme la poésie, mais ce n’est pas le cas dans nos mondes modernes totalement dessécher et vider trop souvent de son sens altère. De la rencontre, de l’autre comme une perspective d’enrichissement mutuel, la distance et le culte du moi sont triomphants. Le bien, le mal ou le bonheur, je peux vous l’envelopper sous toutes les formes, le contenu que vous ou que nous souhaitons y entendre est une très belle illusion. Non point que je récuse les philosophes, plutôt stoïcien, je préfère la pratique des idées et  affronter le réel sans complaisance, quand cela devient un savoir, il y a le risque d’en faire une norme. L’usage de la critique reste une arme neuve et bien déroutante pour un petit bureaucrate apeuré ou suffisant.

Donc l’exercice moral est périlleux et les contradictions sont toujours sous-jacentes. Donc faute de vouloir vous vendre une vérité, je me contente de mon à peu près, mêlant âme, raison et courage dans l’adversité. Pas simple de savoir que la majorité d’aujourd’hui se cache la face, et d’être en désaccord avec tous ces persifflements moraux qui ne mènent qu’au néant, aux valeurs sonnant comme une caisse enregistreuse. Le réveil sera brutal, pourvu qu’il ne soit pas trop tard. Pour ce que j’ai pu rencontrer dans les appareils bureaucratiques et encore récemment, l’exigence morale est limitée, le commun des mortels ne peut que prendre ses jambes à son cou. L’expression de la colère n’en prend que plus de force, elle ne se mélange pas aux coquins et renégats. Il faudrait pouvoir le dénoncer, mais je n’ai pas l’âme d’un chevalier blanc, et la liste comme arme de délation, ça sent aussi mauvais qu’un apparatchik à recaser sur une liste régionale.

Ce vote a été un vote du courage contre la résignation générale (1). Plus de 80% des Français soutiendraient cette mesure qui repousse de trois mois l’état policier, qui a été institué le 19 novembre, cette décision prise dans la panique est la démonstration de l’impuissance d’un exécutif et de comment on se joue des peurs collectives. Comme l’affirme le député courageux Pouria Amirshahi, le nombre de textes votés ces derniers années auraient du normalement répondre à prévenir cette catastrophe, onze lois sécuritaires n’ont pu empêcher un nouveau massacre et l’état d’urgence n’y changera rien. Quelle étape faudra-t-il franchir la prochaine fois? L’article 16 de cette constitution qui donnera en 2017 à Marine Le Pen les pleins pouvoirs?

Pour méditer sur des questions de philosophie politique, voilà ce qu’a pu penser Maximilien Robespierre et qu’il a voulu rajouter à la constitution, de l’an I (24 juin 1793), pour précision ces 4 articles ne seront pas retenus par la Convention :

« 1. Les hommes de tous les pays sont frères et les différents peuples doivent s'entraider, selon leur pouvoir, comme les citoyens du même État.
« 2. Celui qui opprime une Nation se déclare l'ennemi de toutes.
« 3. Ceux qui font la guerre à un peuple pour arrêter les progrès de la liberté et anéantir les droits de l'homme doivent être poursuivis par tous, non comme des ennemis ordinaires, mais comme des assassins et des brigands rebelles.
« 4. Les rois, les aristocrates, les tyrans, quels qu'ils soient, sont des esclaves révoltés contre le souverain de la terre, qui est le genre humain, et contre le législateur de l'univers, qui est la nature. » (…)

Et je finirai par ce qu’en dit un grand historien de la Révolution française, Albert Mathiez, marxiste atypique et pourfendeur des légendes noires et dorées.  « (…) Robespierre a condamné, sans  appel cette diplomatie secrète, qui est la source empoisonnée de tous les impérialismes et de toutes les barbaries, cette diplomatie secrète qui est le suprême recours des intrigants, des incapables, des empiriques qui disposent souverainement du sang et de l'or des peuples. Ici, comme partout, Robespierre a mis d'accord ses actes avec ses paroles. » (2)


Billet de Lionel Mesnard, le 21 novembre 2015


PS : Ne dit-on pas aussi « qu’un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre » ? (W. Churchill)

Notes :

1) Pouria Amirshahi, Gérard Sebaoun, Barbara Romagnan, Fanélie Carrey-Conte, Sergio Coronado, Isabelle Attard et Noël Mamère .

(2) « Robespierre Terroriste » par Albert Mathiez, aux éditions la Renaissance du livre (1921).


Génération sacrifiée

et géopolitiques à intérêts variables !
La coalition mafieuse composée de mercenaires ne brandit le Coran que pour satisfaire son négoce et son expansion. Nous sommes face à un groupe armé de trafiquants se nommant soit Daech ou l’état islamique, et son appartenance religieuse un beau trompe l’œil. Cette armée barbouze ou paramilitaire rassemblerait environ 50.000 individus, elle est née de la désintégration de l’armée de Saddam Hussein intervenue à partir de 2003, mais elle se compose de plusieurs milliers d’étrangers sans rapport premier avec les populations irakiennes ou syriennes et provenant du monde entier. Et tout ce petit monde a pu se développer dans une région qui d'est en ouest, ou de l’Afghanistan à l’Irak la contrebande est depuis longtemps liée à certains trafics (opium, or, armes, …), et ces dernières années au pétrole. Parce que si nous avons peu d’éléments sur les têtes pensantes et politiques de cette nébuleuse, il y a de quoi s’interroger ? ou comment trouver les moyens de combattre ce qui ressemble fort à une faction politique et mafieuse et non une armée régulière. S’ils terrorisent et abondamment, à Paris, deux fois en dix mois, et pas seulement ici, la folie meurtrière ne peut que nourrir leur cause et faire du désordre et de la peur leur force. Et si nous payons chèrement cette épreuve, de nouveau à qui profite ici le crime ? Sous le coup de l’émotion, les hyènes politiques sont aux aguets, pas besoin de les nommer. Ils et elles feront tout pour participer au désordre et s’en nourrir. Un moment qui appelait à être digne et responsable, ils déraillent conjointement avec tous ces médias de l’info en continue, bis repetita ! Nos réactionnaires de service n’ont rien appris du mois de janvier et à moins d’un mois des élections, les 13 parts du gâteau national, va les rendre hystériques. La machine à la surenchère tourner à plein.

Revenons-en à notre nébuleuse mafieuse qui a revendiqué cette horreur, qui s’est déroulée à peine à un kilomètre à vol d’oiseau de mon domicile. J’ai pris bien soin de m’éloigner de l’info le plus possible, et en ce domaine, il y aurait quelques tartes à la crème bien méritées à livrer dans les studios de BFM et I-télé. Ce que l’on pourrait attendre d’un média, c’est plutôt d’apaiser que d’attiser les peurs souterraines. D’expliquer les tenants et les aboutissants locaux ou régionaux, de pouvoir suivre l’actualité internationale, sachant qu’il était programmé une rencontre le 15 novembre des diplomaties impliquées face à cette situation de cette guerre généralisée sur au moins deux pays mitoyens. Rien ou presque, tant le minimalisme l’emporte, et plein de doutes sur l’intelligence de certains animateurs, à ne savoir provoquer que de l’a peu près. Ils en oublient toute responsabilité laissant des propos d’invités sidérants tenus à l’antenne, en des circonstances dramatiques pour des centaines de familles frappées et un pays en émoi. Plus un ressenti très lourd dans la capitale samedi et dimanche d’un rare silence et le calme régnant. Il y aurait de quoi faire un long plaidoyer contre les armes, le fric et le pouvoir. Le même sentiment de jouissance et de puissance animant aussi bien les idiots de la lucarne que les tarés qui manipulent leurs bombes humaines. C’est le dieu fric et pouvoir qui s’exprime, pas celui d’une foi sincère dont chacun est maître et dépositaire en son âme et conscience.

Je reste très réservé sur cette procédure exceptionnelle qui n’a fait l’objet d’aucune approbation des Parlements français. Nous voilà en « état d’urgence », élargissant les pouvoirs de police et par la seule autorité d’un seul homme, là aussi rien de très neuf et les bombardements survenus une semaine plutôt sur une des sources d’hydrocarbure de la mouvance barbouze, semble la réponse des intéressés. Je n’entrerai pas dans une longue analyse de la diplomatie française, il est bien de dénoncer l’impérialisme allemand, faut-il ne pas oublier nos propres responsabilités comme vendeur d’armes et acteur régional. L’histoire coloniale et la présence de la France est loin d’être neutre, et à l’égard de la Syrie et de l’Irak, deux anciens états estampillés hier laïques, laissent quelques nœuds dans nos relations intergouvernementales. Pour Damas, il fut un ancien protectorat colonial français rarement rappelé, puis plus tard sous le joug de la famille El-Assad avec qui s’entretinrent des relations d’une rare cordialité, peu soucieuse des droits de l’homme et de la présence d’anciens dignitaires nazis sur son sol. Nous avons historiquement, qui plus est avec le Liban, ce que l’on nomme une politique « arabe » et depuis des lustres, ne pouvant qu’assister impuissant aux guerres de la région. Par ailleurs, le commerce et les trafics ont assis de belles fortunes. Tout comme ces gouvernements dictatoriaux qui devinrent tardivement les bêtes à abattre et avec la grande réussite que nous connaissons pour notre part en Libye. Et ceci n’est qu’un bref résumé d’une situation géopolitique, qui n’a pas été du seul ressort des potentats locaux.

La question de cette hypocrisie de circonstance et de nos relations pas vraiment brillantes au proche et Moyen-Orient, qui plus l’allié des généraux Egyptiens et des financeurs originaux du merdier local et religieux (les pays du Golfe), il y a de quoi présumer qu’une politique de paix n’est pas prête de naître, pas plus dans le respect des convictions et des fondamentaux de la démocratie. En l’état comment ne pas y voir une très belle renaissance des vieux empires militaires, Poutine ne voulant pas sacrifier sa dernière base en méditerranée n’a pu que venir porter secours à ce qui reste de l’état syrien, car si cette armée prenait le même chemin, que son voisin irakien, la situation ne pourrait que provoquer un embrasement encore plus large et élargir la zone échappant aux lois. Mais prudence, en temps de guerre, la propagande domine et donne peu place à des informations objectives ou analysables en tant que telles. En plus combattre un ennemi qui a les mêmes caractéristiques que les grands groupes ou systèmes mafieux existants devraient participer d’un grand nettoyage de nos systèmes financiers complices indirects de ces tueries régulières, car Paris ne fut qu’une cible momentanée et l’addition des victimes se chiffre par des milliers de morts chaque année et le lieu importe peu. Les premiers au balcon sont toujours les populations civiles et la sécurité de millions de syriens, d’irakiens, de kurdes compte tout autant que la nôtre. Faut-il en avoir conscience ou en avoir une.

Après ce constat, tout le monde peut en convenir, il y a forte raison de se sentir non pas coupable, mais de peser fortement ce qu’induit une politique de guerre pour mobiliser les énergies. Car preuve par l’absurde, ce ne sont pas les bonnes volontés qui manquent et qui pourraient enrayer cette spirale ou le mal se nourrit du mal. L’idée d’une « garde nationale » a été évoquée par quelques républicains soucieux de l’intérêt général, oui mais avec 6 millions de personnes sans activité ou travail, la protection des populations civiles est un champ d’exploration, de là à remettre l’uniforme, je reste perplexe. Mais mobiliser pour les réfugiés, les migrants de toute nature, offrir à plein de jeunes et moins de jeunes de monter des projets citoyens en France et à l’international pour des conduites de paix et de protection des populations en danger, ça aurait plus de gueule, que de déverser des bombes dont le coût ferait le bonheur de celles et ceux vivant dans la mouise la plus totale. A cultiver la mort, il faut s’attendre en retour à la voir pousser chez nous, à prendre les pires des solutions vous, nous en connaissons le résultat de janvier et novembre : 150 mort et près de 400 blessés. Cette politique impérialiste à plusieurs bandes comme au billard, face aux attaques subies des populations locales notre solidarité, nos intelligences pourraient agir en d’autres termes. Je ne conteste pas qu’il faille se battre contre cette menace permanente, mais la fosse à purin est telle que pour la vider, et pour combattre ce pulsionnel de mort, il faut regarder de face les problèmes sociaux et économiques et arrêter les fantasmagories essentialistes ou guerrières.

Le 13 novembre a été le théâtre d’un jeu obscur, d’une génération sacrifiée sur l’autel des communautés d’intérêts divers, plus que spirituels. Le temps d’une résistance citoyenne à toutes les formes d’oppression notamment économiques devrait être la morale de ce massacre et de comment peu à peu nos fausses libéralités alimentent ces armées mercenaires. Sans parler du chaos apporté par la famille Bush, Clinton et consort et leur volonté d’imposer la démocratie par la force  à partir des années 1990. Sans comprendre les processus complexes de la démocratie et toujours longs à se mettre en œuvre, Washington, Londres, Paris, Moscou sont toujours très à l’écoute de leurs lobbies militaires et financiers. Pour une fois l’Allemagne en ce domaine est un nain politique comme l’Europe. Comble du cynisme, là où il existe des poches de résistances incarnées par des démocrates ou des hommes résistant à l’oppression de ces états évanouis ou dictatoriaux, aider à la création d’un état Kurde et son armée laïque serait une bien meilleure riposte. Une république Kurde bien plus utile, qu’une garde nationale dans un pays, faut-il rappeler, qui n’est pas en état de siège et rien n’assiège nos frontières, mais vivons dans un simulacre ou une parodie des puissants.

Je ne suis pas au demeurant un pacifiste et face à des atteintes inqualifiables, notre arsenal juridique et constitutionnel posent de sérieuses questions, l’état d’urgence est normalement limité à 12 jours, et le fait d’une ordonnance de 1955 datant de la guerre d’Algérie. L’état en soit est déjà suffisamment fort, et prendre une telle mesure peut se concevoir un temps, sauf à montrer les faiblesses de notre état de droit. Une défense civile et de protection des populations est à envisager, mais sous quelle forme et dans quel cadre juridique, telle est la question !

Billet de Lionel Mesnard, le 17 novembre 2015



« L'agressivité compétitive »


Vous trouverez ci-après un entretien que j'ai pu découvrir sur le site "Eloge de la suite" de Bruno Dubuc, qu'il a lancé l'an dernier à l'occasion du centenaire de la naissance du docteur Laborit. N'ayant pas eu le temps de rédiger un texte à cette occasion, je vais tenter dans le cadre de sa cent-unième année, de compléter la page le concernant de quelques éléments sonores et écrits, dont l'article suivant sous format Pdf. Vous trouverez ainsi les cinq émissions de Radio Libertaire et des éléments biographiques, que j'ignorais jusqu'alors sur Henri Laborit.

Bonnes lectures !

Lionel Mesnard, le 15 mars 2015
ENTRETIEN AVEC HENRI LABORIT
par Hélène Barrère

Extrait du n°2 de la revue « Itinérances », parue en novembre 1986.
Dans le cadre d’un dossier intitulé « Vaincre la peur ».


Dans cet article contradictoire, le professeur Laborit nous expose ses doutes quant à la finalité de l'être humain. Apparaissent ainsi les hésitations d'un savant "athée" qui conçoit le cosmos dans sa complexité, mais bute sur les concepts métaphysiques.

· Vous avez écrit que pour vous, vie sociale et agressivité étaient synonymes?

Il y a différentes formes d'agressivité. Mais chez l'Homme, il n'y en a qu'une, c'est l'agressivité compétitive. Que vous soyez homme ou animal, quand vous rencontrez quelque chose qui est dangereux pour le maintien de votre structure, de votre bien-être, de votre équilibre biologique, vous fuyez ou vous luttez. Quand l'homme ne peut pas fuir - soit qu'il est acculé par l'agresseur ou quand on a mis dans son crâne depuis sa naissance, pour la défense du groupe social, pour certaines valeurs qui sont celles du groupe social, pour être conforme à ce que l’on lui a appris -, il devient agressif.

La seule agressivité, c'est celle de compétition, c'est-à-dire entre les individus, les groupes sociaux, les états, les groupes d'états. Parce que l'un veut être plus grand que l'autre, plus fort. Surtout par compétition marchande, parce qu'il faut écouler des produits. Regardez "l'entreprise"... on allume la radio, la TV et on n'entend que "l'entreprise"... moi, je veux bien... faire des marchandises... mais on a autre chose à faire sur la planète. L'agressivité est un apprentissage social pour respecter les valeurs qui maintiennent une structure hiérarchique.

· Si l’homme occidental veut échapper à cette violence sociale, en a-t-il les moyens ?


Ce n'est pas à moi de vous dire comment il peut le faire. Moi, je constate comment fonctionne un cerveau d'homme en situation sociale. Je vois comment cela s'est établi depuis le début du néolithique, et... je ne serai pas là pour voir comment cela va se terminer. De toute façon, cela ne va pas continuer longtemps comme cela. Il faudra trouver un autre type de comportement... place à l'innovation. Tant qu'il y aura une compétition marchande, je ne vois pas très bien comment on peut s'en tirer.

· Pour vous, ce sont vraiment les valeurs marchandes qui amènent la violence ?


Oui... cette valeur marchande, elle est basée... ne serait-ce que sur la publicité... On vous explique comment être heureux. Si vous n'avez pas le dernier moulin à café, vous ne pouvez pas être heureux. Alors, si vous n'avez pas le statut social qui vous permet d'acheter le dernier moulin à café, vous le volez. C'est de la délinquance... ce n'est pas le crime de sang... mais la loi parle des "crimes contre les biens et les personnes''... on est criminel dans les deux cas.

· Revenons à vos travaux. Y a-t-il une évolution du public dans la connaissance des mécanismes...

Je n'en vois pas... Si, quelques personnes ont lu mes livres... je reçois tous les jours des lettres de gens, simples d'ailleurs, tenez... il y a des prisonniers qui lisent mes livres... ce gars-là... je prends cet exemple parce que j'ai passé la journée à répondre. Il y a deux ans, un prisonnier m'a écrit pour que je lui envoie un bouquin et j'ai reçu trois jours après le paquet que je lui avais envoyé avec dessus le tampon du vaguemestre : interdit. Bon. Tant pis. Et puis il y en a eu un autre qui m'a écrit pour me demander l’Eloge de la fuite. Je lui ai envoyé et il m'est revenu avec, encore, le tampon du vaguemestre. Alors comme je connais Badinter qui était alors Garde des Sceaux, je lui téléphone... je lui explique le cas que c'était la deuxième fois qu'on me renvoyait le paquet. "Vous faites bien de me le dire... je viens de permettre la lecture de toute littérature, quelle qu'elle soit... j'ai donné des ordres, mais voyez comme c'est difficile de se faire entendre."

La démocratie, c'est une dictature. La dictature de 51% d'individus sur 49% d'autres. Je ne pense pas que le public évolue. Il reste enfermé dans ses apprentissages. C'est très difficile de se débarrasser de ses apprentissages quand on n'a pas eu la chance d'avoir mon métier, qui permet de remettre tout en question, depuis la molécule jusqu'aux relations sociales... Alors je donne des aperçus très schématiques dans des livres... ces livres ne sont jamais des best-sellers... des Prix Goncourt... finalement, ils touchent relativement peu de gens.

· Certaines personnes pensent que la violence peut être déclenchée par la peur. Qu'en pensez-vous ?

La peur n'est pas l'anxiété.

· Comment définissez-vous la peur ?

La peur est ce qui aboutit à la lutte, ou à la fuite. La peur c'est l'action d'un événement qui se produit et que l'expérience vous a permis de juger comme dangereux. Pour laquelle vous savez qu'il n'y a que deux positions possibles, fuir ou lutter. Si vous fuyez, vous n'êtes pas agressif, mais vous n'êtes pas viril. Notre socio-culture ne comprend pas. Il faut être courageux, même si vous y laissez votre peau. Evidemment, c'est la société, le groupe social qui en profite. La peur débouche sur une agressivité défensive. Ce que vous avez appris, c'est que l'événement qui se produit est dangereux. Il débouche donc sur la peur. Alors là, vous pouvez devenir agressif.

· On peut considérer la peur comme un instinct devant l'inconnu ?


Non. Un enfant qui vient de naître n'a pas peur parce qu'il n'a pas d'expérience... il n'a encore rien appris... il n'a pas programmé ses neurones... Mais ce n'est pas cela qui fait l'agressivité la plus courante : c'est l’inhibition de l'action. Quand vous avez une pulsion à agir, une envie fondamentale, boire, manger, copuler... si elle se trouve interdite dans la forme où vous voulez l'exprimer à un moment donné, interdite par la socio-culture, si les conditions qui vous sont imposées ne vous plaisent pas alors vous êtes malheureux et vous pouvez devenir agressif. Lorsque l'inhibition de l'action vient du fait que vous êtes en déficit informationnel, c'est-à-dire que vous ne savez pas, que vous n'avez pas l’expérience, ou encore que vous avez trop d'informations, vous ne pouvez pas agir, parce que vous ne savez pas si ce que vous allez faire pourra être utile ou nocif. Il y a d'autres mécanismes aussi liés à l'information, à trop d'informations que vous ne classez pas par niveaux d'organisation.

· Faites-vous une différence entre la peur et l'anxiété ?


La peur, c'est quand un événement survient dont vous avez l'expérience. L'anxiété, c'est l'inhibition de l'action : c'est quand vous ne pouvez pas agir. Il y a des moments où il y a un "ras le bol". D'ailleurs, en général, l'inhibition n'est pas rentable. Il y a une agressivité autorisée : c'est le suicide, parce que tout le monde s'en fout. Un homme de plus ou de moins sur la terre... Alors vous pouvez tourner votre agressivité vers vous-même... c'est la dernière parole que vous prononcez à l'environnement social en lui disant "merde"... bon... en dehors de ça, vous n'avez pas tellement de moyens... vous avez la fuite dans l'imaginaire, la créativité et puis la psychose.

· Pensez-vous que les procédés chimiques soient l'unique solution pour juguler cette anxiété ?

Non. Je ne pense pas. Personnellement, je ne pense pas que l'avenir de l'homme passe par la pharmacologie. Evidemment, j'ai fait des drogues parce que j'étais dans un monde marchand. Mais ce qui me fait plaisir, c'est d'essayer de me comprendre et de comprendre les autres.

· Les sociologues qui se réfèrent à la biologie sont assez rares...

Il y a quelques sociologues qui commencent à se dire "tiens, tiens, tiens...". Etant dans un monde de boutiquiers, je me suis dit en 1958 la seule façon de faire ce que je veux, c'est d'avoir mon autonomie économique. S'ils veulent des pilules pour les vendre, on va leur trouver des pilules... qu'ils nous versent des royalties et dix-sept personnes travaillent sans avoir de « merci » à dire à personne. Il y a eu des moments difficiles... mais maintenant, momentanément, on a l'appareillage qu'on veut.

Voyez, c'est une façon de ne pas devenir agressif. Mais je ne pense pas que la pharmacologie (nous, ça nous aide non pas seulement pour les royalties, mais parce que quand vous avez imaginé un mécanisme, on n'est jamais très sûr que la construction soit la bonne. Alors si j'imagine une molécule qui a une forme spatiale qui doit agir au niveau des membranes et qu'elle agit effectivement comme ça, cela montre que le mécanisme mis en évidence était vrai. Pour nous, c'est un outil... et en plus, si elle ne fonctionne pas comme on l'attend, cela nous amène sur d'autres voies... pourquoi? etc. C'est en cela que la pharmacologie est intéressante.

Pendant des années on m'a dit : « vous êtes à l'origine des psychotropes, de la chlorpromazine, et puis d'autres après... vous devez vous sentir une certaine responsabilité... » J'ai répondu: je ne m'en sens pas du tout de responsabilité...! 95% des américains prennent des psychotropes. S'ils n'en prenaient pas, vous n'auriez pas suffisamment de prisons pour vos délinquants, de cimetières pour vos suicidés, et de maisons pour vos fous. Et puis je me suis dit, les années passant, que s'il n'y avait pas eu les psychotropes, il y aurait peut être eu des révolutions et que quelque chose aurait pu changer. Le gars qui fait des roulements à billes et qui est déprimé, on lui prescrit un peu de Valium et il recommence à faire ses roulements à billes... rien n'est changé, et la société se continue... évolue vers « le meilleur des mondes » d'Aldous Huxley.

· Je vais vous poser des questions plus personnelles. Vos travaux de biologiste des comportements vous ganisation donc, la structure globale d'un individu est ce que j'appelle l’information-structure.

Je distingue l'information que j'ai appelée circulante, et qui fait que chaque niveau d'organisation dépend du niveau qui l'englobe et informe le niveau qui est au-dessous de lui. Alors ce sont les hormones, les messagères chimiques qui portent l'information à un tissu, à un organe, qui vont trouver des récepteurs sur des cellules qui ont une forme spatiale adaptée à la leur, ce qui fait que toute hormone n'agira pas sur tous les tissus mais sur un certain tissu ayant les récepteurs capables d'intercepter le message.

L'information circulante se rapproche de l'information telle que nous la connaissons : quand nous envoyons un télégramme de Paris à Marseille, nous mettons des lettres les unes à côté des autres, ces lettres forment des mots, les mots des phrases. Cela, c'est la matière. Transmettre ce message, c'est utiliser l'énergie électrique, celle du facteur, l'énergie optique... Ce message signifiant est porteur d'une sémantique, c'est-à-dire que si je mets ces lettres au hasard, j'utiliserai la même énergie pour transmettre, il y aura la masse, mais il ne voudra rien dire.

Il faut transmettre ce message avec un certain code, le mettre en forme. Il faut qu'à la réception, il y ait quelqu'un qui utilise ce même code, de façon à "l'informer". Un message n'a de valeur que si j'ai un modèle dans mes neurones, un modèle de n'importe quoi, par exemple de ma tante qui arrivera au train de 8 h 28. C'est un modèle que j'ai dans mon crâne : la tante, le train, l'heure... je l'envoie à mon correspondant qui devra chercher ma tante Suzanne, et il faut qu'il parle la même langue. Si je parle en chinois, il ne comprendra pas. J'agis donc sur, grâce à un message, à une information circulante, qui est toujours une mise en forme.

· Parmi les niveaux d'organisation dont vous parlez, en voyez-vous un ou plusieurs qui dépassent l’homme ?


Je n'en vois pas un. Il y en a sans doute, mais je ne suis pas mystique, je le regrette d'ailleurs. Nous savons que nous vivons dans un espace qui est fou, il y a n espaces, le temps n'existe pas non plus. Nous savons que la matière, c'est de l'énergie... l'énergie, qu'est-ce que c'est ? on n'en sait rien ! quelque chose qui se concrétise sous forme d'atomes, de particules... alors ces niveaux d'organisation commencent à la physique quantique... puis par niveaux d'organisation dans le biologique. Il y a une organisation sociale... spirituelle.

· Y a-t-il un niveau d'organisation qui soit celui de l'Esprit ?


Esprit, je ne veux pas prononcer ce mot-là.

· Et au-delà de l'homme, des sociétés humaines - cela intéresse la revue Itinérances - y a-t-il quelque chose à votre avis ?


Je n'en sais rien... Il y a peut-être une conscience universelle... c'est pas mon boulot. Je n'y participe pas, tout comme ma cellule hépatique ne participe pas à mon discours... Que les mystiques rencontrent l'Absolu moi je veux bien... mais il faut vraiment qu'ils le rencontrent sans représentation... plus d'images... rien... Ce qui m'ennuie, c'est que le mystique, c'est encore un corps humain, et qu'il faut qu'il se nourrisse, ce corps humain fait de matière, d'énergie, information-structure, information circulante. L'approche scientifique ne peut pas nier ce qu'elle ne connaît pas.

A chaque fois que les sociétés se sont trouvées en état de souffrance, elles se sont jetées sur les mythes, les religions, les morales étatiques. Le besoin qu'ont actuellement les gens qui sont complètement paumés, qui n'ont pas la connaissance de niveaux d'organisation qui leur éviteraient pas mal d'erreurs... ils sont dans une bouillie épouvantable, moralo-psychologico-politico-économico. Alors, ils s'orientent vers la psychanalyse, Katmandou, les doctrines hindoues... ils tombent dans le spiritualisme... Mais c'est de la tripe banale, la plus triviale... qui essaie de ne pas avoir de coliques et trouver un fonctionnement correct... ce type de spiritualité ne m'intéresse pas du tout... Elle est plus intéressante chez les grands physiciens actuels, qui se rendent compte qu'ils arrivent au bout de la matière et qui se disent qu'il y a autre chose... mais ils ne vont pas plus loin, eux non plus... ils disent qu'il y a autre chose.

· Il y a quand même des gens qui sont bien dans leur peau et qui sont plutôt mystiques, non?

Je ne sais pas s'ils sont tellement bien dans leur peau... les vrais mystiques, ils s'isolent dans le désert. Sinon, il faut beaucoup composer... et le mysticisme en prend un grand coup!

· Vous pensez qu'un mystique ne peut vivre qu'en dehors de la société?


Je ne pense rien... absolument rien.

· Je vous sors un peu de votre spécialité, là.,.


Ma spécialité, c'est tout ! J'aime comprendre et comprendre les autres. Mais avec ce que je sais, je ne peux pas répondre... c'est tout !

· Quelle est votre position face à la mort ?

Cela ne me plairait pas, tant que mes tripes dont je parlais tout à l'heure fonctionnent à peu près correctement... tant que ma libido est satisfaite... mais la mort, pour moi, n'existe pas parce que ce qui va mourir, ce sont les autres que j'ai engrammé dans mon système nerveux, dans un point unique de l'espace-temps, parce que je suis unique, comme vous, vous êtes unique aussi. J'ai vraiment le sentiment que nous sommes sur des rails.., et que ce qui meurt avec nous c'est un codage, le codage de nos neurones qui s'est fait de la façon dont notre environnement a bien voulu qu'ils soient codés.

Alors peut-être y a-t-il quelque chose qui reste... ce qui est sorti de notre imaginaire... j'ai l'habitude de dire que le type qui a trouvé la noria pour faire monter l'eau... personne ne le connaît, il n'était pas à l'Académie française... mais on utilise encore la noria et ce type-là est encore parmi nous. Par ce qu'il a trouvé, créé! Maintenant, à l'inverse et à l'absurde, un enfant mort-né est aussi immortel, parce qu'il a transformé ses parents, qui eux-mêmes ont transformé leur environnement etc., donc, tout événement laisse une trace.

· Tout agit sur tout, quoi !

Oui. Seulement je ne vois pas où se situe la mort. Si, moi, je sais que je vais mourir, mais je ne pense pas que cela sera intéressant.

· Vous pensez que c'est votre corps qui va mourir, mais pensez-vous qu'il y a quelque chose d'autre ?

Alors ça, je n'en sais rien ! Je ne vois pas pourquoi il resterait quelque chose qui ne soit pas lié à mes molécules ! Possible, mais je n'en sais rien... Est-ce que c'est indispensable ? Est-ce que je ne peux vivre ou mourir que si je crois que je vais être éternel ? Eternel en quoi ? L'éternité n'aura sans doute rien à voir avec ce que je suis ! Alors puisque je ne connais pas, j'attends, je verrais bien.

· Vous pensez qu'il y a une énergie vitale ?


Non. Il y a de l'A.T.P. oui, il y a la consommation d'une énergie solaire par des organismes vivants, des plantes vertes.

· Mettons la vie de côté. Y a-t-il une énergie au départ de tout ?

Oui, et alors, l'énergie n'est pas matière ! Elle se matérialise, et quand cette matière disparaît.

· Quand votre matière, votre corps, disparaîtra, il y aura toujours cette énergie...


Elle va être tellement divisée... entre les électrons, les molécules, qu'est-ce qui va en rester ? Bien sûr, j'appartiens à l'énergie cosmique, l'ensemble cosmique... Quand on voit ce qui peut se dégager comme énergie d'une étoile naine... Quand je serais crevé, qu'est-ce que peut faire mon énergie ? Elle n’est intéressante, justement, que parce qu'elle est organisée... si elle se désorganise, elle va retourner à l'énergie cosmique, une parcelle de l'énergie cosmique... alors! Ça c'est du raisonnement logique, d'ailleurs!

· Les religions ont appelé cette énergie Dieu, Allah...

Parce que l'homme a toujours été anxieux de se trouver plongé dans un monde auquel il ne comprenait rien, et que c'était une fuite... une façon de tourner la question... je ne suis pas croyant.

· Imaginons que vous soyez angoissé...


Nous sommes tous angoissés par la mort ! L'angoisse existentielle nous permet de créer, d'ailleurs. C'est le stimulus créateur, parce que les autres stimulus compétitifs vous amènent à vous élever dans l'échelle hiérarchique, P.D.G. ou Premier ministre, en dehors de cela ils ne sont pas très créateurs.

· Quelle est la part, dans l'homme, du corps, du psychisme, du sacré ?


Tout ça des mots ! Je ne peux plus vivre avec des mots ! Les mots ne signifient plus rien pour moi... j'essaie de faire comprendre... justement, vous parliez d'énergie... oui, cette énergie qui se décompose en matière... il y a des tas de choses qu'on connaît, alors comment voulez-vous que maintenant je vous parle d'Esprit, de Sacré.

· Mais vous parlez beaucoup de créativité, d'imaginaire...


Ce ne sont pas des mots, pour moi, ce sont des mécanismes ! Je sais comment fonctionne mon imaginaire, sinon je ne trouverais pas ! C'est un mécanisme que je peux même influencer avec quelques microgrammes des molécules que nous avons trouvées ! c'est un mécanisme précis. La mémoire n'est pas un mot, l'imaginaire n'est pas un mot, l'affectivité, les pulsions,l'amour, le bonheur ne sont pas des mots, mais des mécanismes ! Vous continuez à me parler avec des mots ! Tant que vous n'aurez pas fait l'effort de comprendre ces mécanismes, on ne peut pas s'entendre !

Vous êtes à un autre niveau d'organisation, et vous vous contentez de faire 'bla-bla-bla"... alors, avec ça on crée des mondes. C'est agréable, d'ailleurs! Cela évite de faire un ulcère d'estomac : on est marxiste, ou psychanalyste, on résout tous les problèmes, de plus-value, de lutte des classes, ou le complexe d'Œdipc, ou de castration, on est chrétien orthodoxe et on croit qu'il y a la Vierge Marie et le petit Jésus.

Alors si ça évite à mes contemporains d'avoir des maladies infectieuses, si ça leur permet de vivre et d'agir, d'accord ! On ne peut pas dire quand même que cela nous ait mené à un monde parfaitement cohérent... tous ces mythes, ces religions, ces spiritualités. Aimez-vous les uns les autres en commençant par vous-même... c'était pas bête de dire "en commençant par vous-même". Qu'est-ce que ça a donné ? Rien ! Rien ! des mots... avec ça, on tue, on génocide, on inquisitionne.

· Alors, qu 'est ce qui vous semble important ?


La rose...

· Vous ne vous en tirerez pas avec une pirouette !


Ce qui me semble important, c'est moi. Ce qui vous semble important, c'est vous ! Et si vous me disiez "mes enfants, mon mari, ma famille", je n'y croirais pas ! Ce qui est important pour moi, c'est moi, me connaître... comprendre... je suis un homme, cela m'amène à comprendre comment fonctionnent les autres. Pas trop leur faire de mal, parce qu'ils sont plus nombreux que moi et ils ne me louperaient pas... mais à refuser qu'ils m'imposent quoi que ce soit et qu'ils me tuent trop précocement, quoi !

Alors, ou bien vous foutez le camp dans une île du Pacifique Sud où vous vivez à poil, avec une avec une nana agréable à contempler, en vous baignant dans le lagon... mais dans ce cas, je ne répondrais pas à mon plaisir qui est de me comprendre... il me faut un appareillage complexe... il me faut des amis qui travaillent eux-mêmes à se comprendre du point de vue chimique, neurophysiologique etc. Pour moi, ce qui est important, c'est connaître, parce que quand on ne connaît pas, on fait bla bla bla. Il faut se faire un monde imaginaire. Nous vivons dans un monde de petits boutiquiers, de marchands, de recherche de dominance.

Alors, surtout, ne pas suivre les carottes qui vous sont tendues... les décorations... les récompenses. A partir de ce moment-là, on n'a de merci à dire à personne ! On m'a collé la Légion d'Honneur, mais je ne l'ai pas demandée, hein! J'ai refusé les autres décorations après... elles ne m'intéressent pas. L'important, c'est d'être en dehors de tout cela, du monde, et de ce qui intéresse les autres... tout ce pour quoi ils sont méchants et agressifs ! Je n'ai pas besoin de grand-chose... ma retraite d'officier de marine. J'ai un bateau entretenu par la Marine, aux moindres frais, sinon je ne pourrais pas me le payer ! Je n'ai pas besoin d'objets... je n'ai pas besoin de grand-chose pour vivre. J'ai besoin de papier, de crayons, de livres, et j'ai besoin de remettre en question toutes les affirmations que ma socio-culture essaie de m'imposer.

Mais j'aime mieux trouver qu'enseigner... on me dit souvent « Monsieur le Professeur » ! J'ai répondu à un Grand Echiquier de Jacques Chancel, il y a quelques années, "appelez-moi Docteur". Je préfère trouver ce que les autres enseignent plutôt qu'enseigner ce que les autres trouvent. Professeur... Alain Resnais aussi, dans son film, a voulu m'appeler Professeur... Etre professeur, c'est enseigner. A ce moment-là, on ne peut rien trouver ! Puisqu'on ne peut pas enseigner l'erreur, on enseigne la Vérité ! Alors, la Vérité, puisque vous l'avez, comment voulez-vous trouver autre chose.

· Vous vous définissez comme chercheur ?

Comme dilettante... chercheur, oui, comme tout homme devrait être essentiellement chercheur de lui-même. C'est le rôle fondamental d'un individu humain. Et puis ça comble tellement... ça apporte tellement de joie que finalement, le reste.

· Vous dites quand même que les relations humaines ont beaucoup d'importance pour vous...    Vos amis, votre environnement dans lequel vous vous sentez bien, ça compte pour vous, non ? Votre relation avec les autres...


Ce n'est pas l'aspect positif qui compte mais l'aspect négatif. C'est-à-dire que j'apprécie quand je n'ai pas à m'engueuler avec eux, ni à émettre une opinion contraire à la leur parce que ce qu'il me disent ne me convient pas, et ils n'ont pas à émettre une opinion contraire à la mienne, parce que mon opinion ne leur convient pas. C'est en cela que les relations humaines que j'aie eues, les plus riches que j'aie jamais eues, restent celles par le livre... Des quantités d'individus ont écrit des livres qui m'ont énormément apporté... et je ne les ai jamais vus.

La relation humaine ne passe pas simplement par le serrement de mains... elle se fait aussi dans un bouquin. J'ai eu des amis d'enfance, parce que justement chez les amis d'enfance, la concurrence n'existe pas... puis elle ne s'est pas établie par la suite... alors j'en ai quatre, que je vois toujours d'ailleurs... et après, j'ai trouvé uniquement des concurrents, je n'ai pas trouvé d'amis. Il fallait que je sois le premier au concours, ou sinon c'étaient eux qui me tenaient la tête sous l'eau... comme au water-polo. Dès que vous rencontrez un homme c'est toujours pour vous exploiter... et vous n'y pouvez rien ! J'ai été confiant pendant des années, surtout dans le milieu maritime... c'était assez limité... Tout le monde était payé à la fin du mois de la même façon... dès que je suis rentré dans cette vie civile, j'ai trouvé des compétitions pour la dominance... alors si vous ne voulez pas être domine, fauché, il faut être à part.

Ici nous sommes dans un cadre hospitalier, bien sûr, on paie notre loyer, électricité, chauffage, tout, je suis locataire, nous avons une association de 1901, comme l'Institut Pasteur d'ailleurs! Nous vivons par nos propres moyens, si bien que j'exploite le goût du bien de la société pour me faire plaisir et faire plaisir aux gens avec lesquels je travaille, alors ça demande un peu d'imagination, bien sûr, mais cela permet d'avoir son autonomie économique. Et dans ce monde de marchands, c'est la seule façon qui vous permette d'avoir la seule liberté possible à l'homme, c'est-à-dire l'imaginaire.

· Vous êtes un peu marginal ?

Pas qu'un peu... je m'en flatte d'ailleurs.

· On sent très bien que vous ne voulez pas entrer dans cette société, cette socio-culture dont vous parlez...

Je l'exploite, je n'ai aucune crainte de le dire. Elle vous fait crever, alors je préfère mourir le plus tard possible... je m'arrêterai de travailler quand les gens avec lesquels je travaille - je n'ai jamais dit "mes collaborateurs !" - me diront : "Ecoutez, j'ai l'impression que vous devriez prendre des vacances, vous devriez vous reposer à la campagne.'' Je comprendrai... je dirais bon, je commence une petite maladie d'Alzeimer ou une sclérose cérébrale. Jusque-là je crée... ça m'amuse.

· Maintenant, travailler, c'est votre plaisir ?


Cela fait bien longtemps que c'est mon plaisir sans cela je ne ferais vraiment aucun effort, au contraire, je ferais plutôt un effort pour me retenir de travailler! Alors, voilà! Ce que je crois important, pour moi, c'est moi.


Source article et photo : Blog "Eloge de la suite" de Bruno Dubuc
http://www.elogedelasuite.net


Cet espace d'expression citoyen n'appartient à aucune organisation politique, ou entreprise commerciale. Le contenu est sous la responsabilité de son créateur, en tant que rédacteur.

Les articles et textes de Lionel Mesnard sont sous la mention tous droits réservés
Ils ne peuvent faire l'objet d'une reproduction sans autorisation


Les autres articles ou vidéos sont
sous licence Creative Commons 3.0 FR
http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/deed.fr

Adresses et courriers  :
http://lionel.mesnard.free.fr

Courrier électronique   lionel.mesnard(AT)free.fr 

Archives des vidéos en ligne :
http://www.dailymotion.com/pantuana

Toutes les ARCHIVES de 2002 à 2015

Archives sur l'Amérique Latine de 2005 à 2013 :
Textes, sons, vidéos sur l'Amérique Latine

Archives sur la question "Psy" :
Textes sur "La Question Psy"?

Archives Histoire de Paris et d'ailleurs :
Textes, vidéos, histoires urbaines de Paris et d'ailleurs

Archives sur la Violence et l'Éducation :

                Dernières modifications : juillet - août   2015