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Sommaire du
bloc-notes n°2 - année 2017
1 - Guadeloupe, mars et mai 1967?
2 - Le Venezuela fait appel à nous tous! par Mme Luisa Ortega Diaz
3 - Nicolas Maduro, la triste fin du chavisme et appel à la solidarité!
4 - Venezuela : L'assemblée constituante du président
Maduro? par Edgardo Lander
5 - Des prisons pour mineur-e-s saturées, appel syndical et
d'associations des droits humains
6 - La grande arnaque jupitérienne et la démocratie en péril?
7 - La Politique - sur l’Esclavage par Aristote
Guadeloupe, mars et mai 1967,
50 ans et plus de crimes d’Etat(s) mis sous silence?
J’ai découvert
très tardivement ce qui se produisit en Guadeloupe à la fin mai 1967.
Voilà deux ou trois ans que je connais le sujet, je dois reconnaître
qu’en raison de faits troublants et demandant une enquête sérieuse et
approfondie, je resterai concis car ces événements me touche
indirectement. Pour ne pas vouloir rajouter du non-dit à du non-dit sur
un fait très secondaire, j’ai préféré retenir des documents et des
témoignages digne de foi, non sous le coup de l’émotion, et avec
quelques sources rassemblées donner des éléments substantiels ou
historiques.
Cela pose aussi la question d’un sujet de plus de cinquante ans d’âge, et
s’il n’existe pas grand-chose dans la presse hexagonale, un travail de
mémoire et commémoratif a été effectué principalement du côté des
Antilles en cette année 2017. Cependant vous trouverez en bas de page
le rapport de l’année dernière de Benjamin Stora, historien. Ce dernier
a fait un document détaillé afférant à diverses répressions dans les
départements ou territoires d’outremers, et en particulier ce qui se
déroula en Guadeloupe en mai 1967, mais pas seulement. Pour resituer
les faits, il s’agit d’une opération politico-militaire qui tourna en
bain de sang. S’il fut question de huit morts officiellement annoncés,
le chiffre réel avoisinerait une centaine de tués.
Des fortes similitudes avec ce qui se passa à Paris en octobre 1961. Sans le travail de l’historien Jean-Luc Einaudi
(La bataille de Paris – 17 octobre 1961) et deux archivistes de la
Mairie de Paris, l’événement sanglant sous les ordres du préfet Papon
et sous le gouvernement de Michel Debré, du ministre de l’intérieur
Roger Frey, et la présidence du vieux Charles aurait pu passer pour un
fait négligeable ou oublié.
Le sujet des massacres intervenus en Guadeloupe en 1967 n’est qu’un
maillon des répressions ou des stigmates coloniaux qui se déroulèrent
dans l’ensemble des outremers au sein de cette lente agonie coloniale
des décennies 1950 et 1960, repeinte sous les couleurs de la
départementalisation. L’on découvre ainsi un préfet, M. Belote, sous la
gouverne de Georges Pompidou, premier Ministre. Ce préfet était déjà
présent lors de la fameuse Bataille d’Alger en 1957. C’est aussi un
film qui fut longtemps interdit de diffusion en France. M. Belote a été
l’acteur de cet énième événement, en Guadeloupe, un fruit de l’école
française spécialisée dans la mise au pas des oppositions
politiques?
Il est difficile de ne pas faire lien avec l’Amérique latine au service
des pires régimes de Santiago du Chili à la Colombie (décennies
1960-1970), la fameuse chasse à «l’ennemi de l’intérieur»? De
l’ancienne Indochine, en passant par l’Algérie, ces guerres ont été à
l’origine des stratégies et des pratiques de maintien de l’ordre
menés par des officiers et officiels français, appelés «nettoyages»,
qui firent écoles en pratique d’élimination et de torture des opposants
civils : en Argentine, au Brésil, en Uruguay, au Paraguay, etc.
Je vous renvoie, à ce que j’ai pu faire sur ce site (archives Amérique
latine), sur Pantuana TV sur le plan ou l’opération dit Condor.
Pour la Guadeloupe un court extrait du rapport de Benjamin Stora (2016) :
« À
ce jour, les travaux consacrés à Mai 1967 n’ont pas été en mesure
de citer précisément ni le lieu ni le contenu exact de la
déclaration de Georges Lemoine. Journalistes, historiens, militants,
hommes politiques ou simples citoyens (sur des forums Internet)
reprennent et diffusent pourtant ce chiffre. Certains prétendent que
le ministre se serait exprimé à la radio, d’autres à la
télévision, voire au Parlement, à Paris. Sous la plume d’Henri
BANGOU, ce nombre de 87 passe à 67 lors d’une intervention de Georges
Lemoine à l’Assemblée nationale, ce que la consultation des Journaux
officiels des débats à l’Assemblée nationale contredit. Jean-Pierre
SAINTON et Raymond GAMA écrivent, quant à eux, que ce chiffre de 87
morts a été rapporté lors du journal radiodiffusé de 13h sur les
antennes de Radio France Outre-mer (RFO) Guadeloupe par le journaliste
guadeloupéen Jean-Claude LEFORT, aujourd’hui décédé, sur la base
d’une déclaration de Georges Lemoine. Mais s’agit-il d’une
déclaration officielle, c’est-à-dire d’un discours public en
présence de la presse, d’une déclaration sur les ondes d’une radio ou
d’une télévision, ou bien d’une déclaration en privé reprise et
diffusée avec son accord ou à son insu ? » (page 70)
(...) «Les
travaux de la commission n’ont donc pas permis d’établir un bilan
humain incontestable des victimes des événements de mai 1967.
Officiellement, l’État a dénombré huit morts mais ce chiffre est
très contesté. Dans ce type d’affaires, l’établissement d’un bilan
humain incontestable suppose de dresser une liste nominative des
victimes. Or, en l’espèce, nombreux sont ceux qui avancent que des
familles auraient elles-mêmes directement récupéré des corps sans
prendre le risque de les déclarer par peur de représailles. Il
appartiendrait donc aux éventuelles familles qui seraient concernées
de se manifester, faute de quoi la connaissance ne pourrait pas
progresser sur ce point. Un parallèle peut être fait avec la
répression de la manifestation des Algériens du 17 octobre 1961 à
Paris et en région parisienne. Pour arriver à un nombre crédible de
morts (énoncé entre trois et 200), il a fallu, établir des listes
nominatives de victimes.» (page 72).
sur les mémoires et les histoires comparées Antilles-Algérie
Regards sur l'histoire : autour de la question coloniale
Les intervenants principaux :
Jean-Pierre Sainton, historien et animateur du débat avec questions du public.
& Benjamin Stora, historien, professeur des universités à Paris XIII,
spécialiste de la guerre d'Algérie et de la question coloniale.
Mars 1967: «Dis bonjour au nègre!»… dont s’occupera le Bumidom
Le 20 mars 1967, Srnsky, un Européen, propriétaire d’un grand magasin
de chaussures à Basse-Terre (Guadeloupe), voulant interdire à Raphaël
Balzinc, un vieux Guadeloupéen infirme, cordonnier ambulant, de passer
sur le trottoir qui borde sa devanture, lâche sur lui son berger
allemand. Srnsky excite le chien en s’écriant:
«Dis bonjour au nègre!» Balzinc, renversé et
mordu, est secouru par la foule, tandis que Srnsky, du haut de son
balcon, nargue et invective à qui mieux mieux les passants et même les
policiers guadeloupéens qui sont accourus. Il s’ensuit une colère qui
aboutit au sac du magasin.
Srnsky, dont la grosse voiture est jetée à la mer, réussit à s’enfuir à
temps. Le préfet de la Guadeloupe, Pierre Bollotte, ancien directeur de
cabinet du préfet d’Alger (après la fameuse bataille d’Alger qui a
donné lieu à la pratique systématique de la torture et des exécutions
sommaires) feint de condamner l’acte raciste de Srnsky, mais veut
profiter des événements pour démanteler le mouvement autonomiste (GONG)
né de la déception des Guadeloupéens. Malgré la départementalisation de
1946, ils ont conscience, du fait du racisme et des incroyables
injustices sociales qui les frappent, de n’être pas assimilés et d’être
traités en indigènes. La seule réponse qui a été donnée à leurs
problèmes, c’est l’exil par le Bumidom.» (1)
Note :
(1) Le Bumidom (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer)
est un organisme créé par Michel Debré en 1963, en période de chômage
lié à la crise de l’industrie sucrière aux Antilles, pour favoriser
l’émigration des Afro-descendants des départements d’outre-mer vers la
France. Ce système a fonctionné jusqu’en 1981. (...) Le Bumidom a
occasionné de manière directe la venue en France, notamment en région
parisienne, de 70.000 personnes nées outre-mer auxquelles
l’administration faisait miroiter une vie meilleure et qui n’obtinrent
que des emplois médiocres, dont la déportation de 1630 enfants
Réunionnais dans le département de la Creuse.
Mai 1967: «lorsque les Nègres auront faim ils reprendront le travail»
Par Raymond Gama, mai 2017 (*)
Les 25 et 26 mai 1967, dans les rues de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), à
l’occasion d’une grève des ouvriers du bâtiment, qui réclamaient 2,5%
d’augmentation de salaire, les quartiers de la ville sont jetés dans
l’effroi, les larmes et le sang.
Le 23 mars 1967, des ouvriers des chantiers Ghisoni-Zanella, dans les
faubourgs de Pointe-à-Pitre, cessent le travail, c’est la grève: ils
réclament un meilleur salaire, le paiement des heures supplémentaires,
de meilleures conditions de travail… A la suite de ce mouvement, les
syndicats (CGTG, Fraternité ouvrière, CFDT…) prennent le relais par
l’intermédiaire de la commission paritaire qui se réunit en avril afin
d’examiner les revendications des ouvriers. Plusieurs réunions ont lieu.
Un rendez-vous est pris pour le 26 mai
Le mercredi 24 mai, des dizaines d’ouvriers défilent dans les rues de
la ville en criant des slogans relatifs à la satisfaction de leurs
revendications et soutiennent activement la délégation syndicale qui
doit rencontrer la direction du patronat, le vendredi 26, à la Chambre
de commerce. Cette mobilisation de masse se poursuit sous la forme de
débrayages de chantiers tout autour de la ville, le 25 et surtout le 26
au matin. A la zone de Jarry (première tranche des chantiers EDF…),
dans la matinée du 26 mai, où ils interviennent, ils sont l’objet d’une
répression violente des CRS. S’il y a de nombreux blessés, certains
d’entre eux rejoignent les manifestants assemblés devant la Chambre de
commerce bien avant le début des négociations, qui débutent vers 9
heures. «Ils nous ont tiré dessus!» leur disent-ils.
Toutefois, la commission poursuit ses travaux. Vers 13 heures, un
responsable syndical sort de l’immeuble et explique à la foule des
ouvriers grossie de passants (étudiants, jeunes chômeurs, etc.) que le
chef des patrons, M. Brizard, ne veut rien lâcher. Il a dit d’ailleurs
que «lorsque les Nègres auront faim ils reprendront le travail»! Ces
mots d’une violence symbolique extrême résonnent sur les parois des
maisons de la rue Léonard comme sur les hommes assemblés telle une
provocation plus qu’insultante, tout simplement méprisante. A la
chaleur ambiante de cette fin de matinée, s’ajoute alors l’énervement
des plus jeunes parmi les nombreux manifestants, qui veulent voir «qui
est ce M. Brizard».
Vers 14h30, un peloton de CRS s’approche de la Chambre de commerce,
alors qu’un autre est resté posté sur la place de la Victoire, en
protection de la sous-préfecture. Le chef fait le va-et-vient entre les
deux groupes. C’est à ce moment que débutent les heurts entre CRS et
manifestants. Après environ une heure de combat, le préfet installé non
loin, à la sous-préfecture, donne l’ordre de «faire usage de toutes les
armes»! Les blessés de part et d’autre sont déjà nombreux, car aux gaz
lacrymogènes et aux coups de crosse des premières réactions de CRS, ont
succédé déjà des tirs à balle réelle avant même que le préfet en ait
donné l’ordre.
A posteriori, donc, le préfet couvre l’action de terrain des forces qui
œuvrent depuis une bonne heure dans l’espace compris entre la rue
Léonard, la darse [bassin rectangulaire pour l’accostage des cargos],
la place de la Victoire et la rue Bébian…
En face, les manifestants opposent des conques de lambis (coquillages
très acérés), des bouteilles et de rares pierres. Vers 15h30, une
nouvelle détonation sourde fend l’air et une balle atteint mortellement
Jacques Nestor, un jeune de 24 ans, militant du Groupe d’organisation
nationale de la Guadeloupe (GONG), bien connu dans les quartiers
populaires de la ville.
C’est le premier mort de cette journée de grève. La nouvelle de ce
décès provoque l’émotion chez les manifestants, mais aussi chez les
jeunes, et une explosion de colère s’ensuit, enflammant d’autres
quartiers. Cela s’explique d’autant plus que, sur la place de la
Victoire elle-même et aux abords immédiats, entre 16h30 et 17h30, deux
autres jeunes vies vont être fauchées: d’abord, celle de Georges
Zadigue-Gougougnan, à peine âgé de 16 ans, le crâne ouvert; ensuite,
celle de Harry Pincemaille, âgé d’environ 19 ans, que des passants
ramassent encore en vie avant qu’il n’expire à l’hôpital.
Entre crise sociale et fraudes électorales
A partir de 18 heures, les affrontements se répandent, par les artères
principales de la ville, dans les faubourgs, particulièrement ceux de
Légitimus et Vieux-Bourg-Abymes… cour Montbruno, où sont tués d’abord
Taret, puis son ami Landre.
Lors de la veillée, mitraillés, ceux des Guadeloupéens qui ne meurent
pas sur place sont emmenés par camion à la cour de la sous-préfecture
ou dans les locaux de la gendarmerie, ou encore parqués sur un terrain
vague, au nord-est de la ville. Ce sont de véritables centres de
torture, selon les Guadeloupéens qui en sont sortis et qui ont accepté
de témoigner…
Il n’y a pas qu’une seule raison à cette tuerie de masse. Une crise
sociale a éclaté au lendemain du cyclone Inès, qui a ravagé l’archipel.
Sur le plan politique, les élections législatives des 5 et 12 mars 1967
ont donné des résultats plus que discutables. Dans la troisième
circonscription, la fraude manifeste orchestrée par les autorités
préfectorales a eu raison de la volonté des petites gens de faire élire
la communiste Gerty Archimède. De tout cela, les autorités
préfectorales mettront, elles, l’accent sur la responsabilité du Gong
par l’affirmation de son mot d’ordre d’«indépendance nationale de la
Guadeloupe». Un agent de la DST [Direction de surveillance du
territoire; en 2008 la DST a fusionné avec les Renseignements généraux
pour donner «naissance» à la Direction générale de la Sécurité
intérieure – DGSI] a démenti depuis cette responsabilité du GONG. (26
mai 2017)
(*) Raymond Gama et Pierre Sainton ont publié un ouvrage, offrant un
bilan – effectué avec le bénéfice du recul de cette période – en 1985.
Il est intitué: Mé 1967. Pierre Sainton, qui jouait un rôle
significatif dans le GONG, a publié un livre émouvant intitulé Vie et
Survie d’un fils de Guadeloupe (Ed. Nestor, 2008).
Vidéos sur le site Manioc sur l'année 1967 en Guadeloupe :
1- les événements des 20 et 21 Mars à Basse-Terre : Regarder ici !
Description : (durée :
1h28 - année 2017) Jean-Pierre Sainton est professeur d'histoire
contemporaine à l'Université des Antilles. Agé de 12 ans en 1967, il a
traversé certains des faits de la période et connu plusieurs acteurs
des événements. Il est aussi le fils d'un des principaux fondateurs du
GONG qui fut parmi les 18 détenus et inculpés Guadeloupéens au Procès
de Paris de février 1968. Aussi, il a longtemps porté cette période,
d'abord en faisant partie de la première génération de jeunes militants
issus de 1967, puis passeur de mémoire, et historien.
2 - les événements des 26 et 27 Mai à Pointe-à-Pitre: Regarder ici !
Description : (durée :
1h47 - année 2017) 67 est l'épilogue tragique de contradictions qui se
nouent bien en amont. En 1962, le leader autonomiste guadeloupéen
Albert Béville (alias Paul Niger) et le député guyanais Justin Catayée
disparaissent dans un curieux accident d'avion à Basse-Terre. Dans la
nuit du 23 au 24 mars, une bombe explose à Pointe-à-Pitre. La DST lance
une enquête en direction du GONG (Groupe d'organisation nationale de la Guadeloupe) et
des milieux autonomistes radicaux. Le climat se dégrade jusqu'au 26
mai. Ce jour-là, à 15h30, un militant indépendantiste est atteint d'une
balle dans le ventre. Jacques Nestor est le premier mort d'une
répression qui en fera sans doute plus d'une dizaine en trois jours, un
an avant un autre mois de mai qui n'en comptera aucun. Il faut les
grèves de 2009 pour que, en métropole, mé (ou mai) 67 soit simplement
évoqué.
3 - le Rapport de Benjamin Stora (100 pages avec index) :
Dans le cade de la Commission d’information et de recherche
historique sur les événements de décembre 1959 en Martinique, de
juin 1962 en Guadeloupe et en Guyane, et de mai 1967 en Guadeloupe
remis à Madame la ministre des Outre-mer - le 30 octobre 2016
Le Venezuela fait appel à nous tous !
Par Madame LUISA ORTEGA DlAZ (*), le 20 septembre 2017
Depuis
plusieurs jours se sont engagées des discussions sous les auspices de
M. José Luis Zapatero, ancien Premier ministre de l’Espagne et le
président de la République Dominicaine, M. Danilo Medina pour trouver
un accord de pacification et d’échanges entre l’opposition et le
gouvernement vénézuélien, avec l’assentiment du président, M. Nicolas
Maduro (le 13 septembre). A ce sujet, sur son compte Twitter,
Mme Luisa Ortega a publié, ci-après, une lettre demandant la prise en
compte de tous les acteurs de la société civile vénézuélienne dans ce
processus de concertation.
D’autre part, le 18 septembre à l’ONU au siège de New York, les présidents
de la Colombie, du Pérou et du Panama ont souhaité coordonner leurs
actions avec le président des Etats-Unis d’Amérique, M. Donald Trump
pour « un retour de la démocratie » au Venezuela, cette possible
ingérence ne pourrait qu’envenimer une situation déjà très délicate en
interne et ne tenant pas compte des discussions en cours en externe et
suivie par l’Union Européenne.
Par ailleurs, le Parlement depuis Bruxelles a lancé récemment une
invitation à Madame Ortega pour aller au-devant des élus européens,
jusqu’à présent aucune date n’a été communiquée ou précisée.
(Notes de LM)
Ma position face au dialogue ?
Au sujet du début d’un nouveau processus de dialogue entre les délégués
du gouvernement et l’opposition vénézuélienne en République
Dominicaine, je me permets de m’adresser à tous les Vénézuéliens
préoccupés du destin de notre pays aimé. L’ampleur de la crise sans
précédents nous affligeant exige de tous un effort pour que sa
résolution puisse revêtir la plus grande légitimité et transparence. De
cela dépend à ce que les possibles accords soient acceptés par une
ample majorité de la population vénézuélienne.
L'absence de dialogue avec les grands secteurs représentatifs du vécu
et des inquiétudes de la grande majorité des Vénézuéliens devrait être
un motif de réflexion.
Dans ce scénario :
- Qui représente les victimes des violations des droits humains?
- Qui représente les parents des pour manque de médicaments ou des soins médicaux insuffisants?
- Qui représente les victimes de l'OLP (**)?
- Qui est la voix des enseignants, des syndicalistes, des travailleurs,
des universitaires, des paysans, des mères et des pères victimes de
violences criminelles?
- Qui représente les communautés déplacées et affectées par les crimes
environnementaux des mégaprojets pétroliers et miniers extractifs qui
menacent notre biodiversité?
Qui parlera pour eux?
Dans un tel cas, il s'impose d'ouvrir l'ensemble de la participation
aux acteurs politiques transcendant la polarisation, ainsi que les
acteurs sociaux contribuant à ce processus et, de cette façon, pour que
des mesures soient prises pour donner plus de légitimité et de
transparence au dialogue. La société vénézuélienne ne se réduit pas à
deux pôles en conflit, sinon à une multiplicité d'acteurs qui ont
beaucoup à apporter et qui de jour en jour, en dépit des difficultés
sont déterminés pour construire un meilleur pays.
De même, il paraît impératif que l'agenda de ces nouveaux
rapprochements soit à la connaissance du public pour renforcer la
confiance dans la société et éviter les accords depuis des cercles
isolés de la population.
D'autre part, c'est une préoccupation importante pour la population,
les défenseurs des droits humains, les secteurs universitaires et ma
propre personne n'ont pas été jusqu'à présent intégrés dans le
calendrier des thèmes proposés, en réponse d'une affaire d'une telle
importance comme la reconstruction d'un Système de justice, qui soit
véritablement indépendant, transparent et efficace, de sorte que le
pouvoir judiciaire et d'autres instances du système pénal soient au
service de l'ensemble de la nation.
Pendant les événements liés à l'aggravation de la crise vénézuélienne,
la persécution pénale a été utilisée comme arme pour faire taire toute
pensée divergente. Pour cette raison, s'impose la nécessité d'une
profonde réflexion sur le destin que le système de justice aura, dont
l'usage actuel est orienté pour servir le gouvernement à matérialiser
ses besoins.
Tout
processus de dialogue demandant une paix durable au Venezuela devrait
reposer sur l'application légitime et transparente de la justice, qui
contribue à soulager les blessures de ceux qui ont été touchés par ces
crimes. Il ne peut se reconstruire un pays sans en premier fonder les
bases d'une vraie justice.
Il est également préoccupant que l'un des acteurs du dialogue ait
l'intention d'imposer le calendrier du débat, ce qui mettrait en péril
le succès de ce processus qui vient d'être annoncé publiquement.
Prétendre, par exemple, légitimer l'actuelle Assemblée constituante,
dont l'illégitimité est à l'origine, laisserait intacte la violation de
l'ordre constitutionnel et républicain que nous nous sommes donnés en
1999 avec la Constitution bolivarienne. Il est urgent de retrouver le
cours normal des institutions démocratiques respectant les principes
universels de l'éthique public et de la morale administrative pour
l'exercice de la plus haute investiture dans le pays.
Un processus de dialogue ne peut dispenser aucun des acteurs
participants de leurs responsabilités face à l'aggravation de la
confrontation et polarisation idéologique, politique et
institutionnelle ayant conduit à la mort de plus d'une centaine de
Vénézuéliens ; ainsi que des indicateurs sociaux alarmants, de la crise
alimentaire, de la santé, du travail et de l'insécurité, ce qui nous a
amené à la situation grave que traverse le pays, déjà reconnue par la
communauté internationale devant la détresse des Vénézuéliens qui ont
vu leur qualité de vie diminuée tous les jours.
Finalement, je crois que nous devrions orienter ce processus vers la
résolution des vrais problèmes touchant les Vénézuéliens. Seulement de
cette manière nous avancerons vers une véritable paix et le
rétablissement des principes démocratiques devant régir le destin du
Venezuela. Le succès de cette nouvelle tentative dépendra de la volonté
des acteurs responsables de la conduite du cadre politique et
institutionnel du pays pour inclure tous les secteurs de la vie
nationale, ainsi comme le suivi impartial que les organismes
internationaux réalisent et les gouvernements le favorisant.
Notes :
(*) Procureure Générale de la République Bolivarienne du Venezuela
(Mme Ortega a été destituée le 5 août par l’Assemblée constituante par acclamation, et elle a été
remplacée depuis par M. William Saab).
(**) L’OLP, « l’organisation de libération du peuple » au Venezuela est
un plan gouvernemental visant à combattre les délits sensibles sur tout
le territoire et rassemblant des forces spéciales et opératives depuis
juillet 2015, des forces issues de différents corps de la police et de
la garde nationale en lien avec la lutte antidrogue, contre l’extorsion
de fonds, les enlèvements et le paramilitarisme, notamment
Colombien.
Traduction de Lionel Mesnard, le 23/09/2017
Extraits de l'entretien avec Dominique de Villepin
«Chaque peuple a la responsabilité de construire la paix»
Par Marc de Miramon
Humanité Dimanche : Comment
la France peut-elle peser dans la crise politique qui secoue le
Venezuela, dans une région qui ne fait pas partie de ses zones
d'influence traditionnelles?
Dominique de Villepin :
D'abord, il faut mesurer à quel point la situation du peuple
vénézuélien s’est dégradée au cours des dernières années :
le système sanitaire, social et médical s’est effondré, au risque de
créer un Etat failli. Le Venezuela connaît aujourd’hui une dérive
autoritaire préoccupante, marquée notamment par une répression très
violente des manifestations, la mort de plus de 120 personnes et un
dévoiement des institutions. A l’heure actuelle, le risque est double :
celui du coup d’état militaire ou du basculement dans la guerre civile
d’un pays en proie aux radicalisations idéologiques.
Comment la communauté
internationale peut-elle réagir? Il ne peut y avoir d'autre alternative
que la recherche d'un compromis entre la majorité et l'opposition.
Outre la médiation entamée sous l'égide de la République Dominicaine et
les démarches menées par les pays latino-américains qui ont la
confiance de l'opposition, il y a Cuba, qui exerce de facto une
influence forte au Venezuela. Et puis il y a quelques pays européens
qui ont des leviers pour agir : l'Espagne, le Portugal, la Grèce, mais
aussi l'Italie et la France. Si le président de la République a reçu
récemment le chef de l'opposition à Paris et a qualifié le régime de
Nicolas Maduro de dictature, le ministre des Affaires étrangères a dans
le même temps reçu son homologue vénézuélien : la voix de
la France compte dans cette région. Le plus urgent selon moi, c'est de
prendre en compte la situation humanitaire de ce pays et d’éviter les
interférences des Etats-Unis. Pour avoir vécu là-bas, je sais à quel
point l'ombre américaine pèse sur la psychologie et les mentalités au
Venezuela.
Nicolas Maduro, la triste fin du chavisme
et appel à la solidarité internationale !
Photo de 2014 avec Mme Ortega, N. Maduro (au centre) et D. Cabello
Par Lionel Mesnard, le 1er septembre 2017
Bienvenue chez
Ubu roi! pourrait résumer ou illustrer un pouvoir autoritaire dans ses
aspects les plus loufoques. Sauf qu’il ne s’agit pas d’une pièce de
théâtre et que tout cela n’est pas une fiction. Comme a pu le dire
récemment, le 18 août 2017, la destituée de la Procurature Générale,
Madame Luisa Ortega Diaz, le Venezuela traverse une des pires périodes
de son histoire, et tragiques, le tout au pluriel, parce que tous les
indicateurs économiques, sociaux et politiques sont au rouge et sans
forme de trivialité. Nicolas Maduro ou le madurisme s’avère un pouvoir
par décret et ostentation, une pensée magique, le triste spectacle d’un
nouveau potentat staliniste dans la Caraïbe provoque en France des
controverses d’un intérêt mineur et les bonnes sources d’informations
ne sont pas si nombreuses.
L’économie vénézuélienne est sous la coupe de l’inflation, il est prévu
entre 650 et 1700% pour l’année 2017 (selon les sources) et la dette de
100 milliards de dollars pourrait ouvrir la porte au Fonds Monétaire
International, rien de très prometteur si ce n’est un nouveau remède
qui frapperait de nouveau les plus faibles comme en 1989. Pareillement
l’outil productif va au plus mal et de nombreux diplômés ont quitté le
pays depuis longtemps. Si les classes les plus aisées avaient pour
partie sous Chavez mis les voiles vers la Floride ou Saint-Domingue, le
phénomène s’est accentué à d’autres strates ou franges de la société,
il était déjà question de plus d’un million de Vénézuéliens à
l’étranger en 2013. Selon Carlos Navarro, syndicaliste vénézuélien de
l’ASI (1) les classes moyennes ont disparu, lui-même enseignant au
cours du change, il touche 6 euros par mois pour 15 heures de cours par
semaine à l’université en 2017. Le Produit Intérieur Brut ou PIB,
depuis 2014 est chaque année à la baisse et pour la seule année 2016 il
est question d’une chute de 8 à 10%, en trois ans plus de 15% du PIB
est parti en fumée.
Avec la crise alimentaire et inévitablement sanitaire, il a été ces
derniers mois constatés des migrations importantes vers la Colombie.
Quand le pays se dépeuple de ceux qui dérangent le pouvoir en place,
l’on retrouve les mêmes files (las colas), que connurent les pays de
l’Est européen sous l’empire soviétique, et une partie de la population
est confrontée à des disettes, ou bien se voit dans l’impossibilité
d’accéder à 80% des biens de consommation courants, dont les
médicaments, les hôpitaux publics servant de mouroir. L’état sanitaire
des hôpitaux psychiatriques et des prisons servent d’écho à une
situation plus qu’alarmante, mais cela échappe, ou passe pour inaperçu,
sauf au regard photographique d’une Vénézuélienne (site de Mederith Kohut). Par
ailleurs, toute aide d’ONG, parce qu’étrangère est sous le fait d’être
suspect d’ingérence dans les affaires intérieures, et servirait selon
les autorités à ternir l’image du pays, face aux urgences sanitaires
tout soutien a été rejeté par le gouvernement et il est impossible
d’acheminer par ce biais une aide alimentaire et surtout en produits
pharmaceutiques.
L’héritage chaviste parti en fumée, le madurisme son acte de décès
Le chavisme est bien mort, tout comme ce qui est devenu un mythe, son
héritier utilise son image tout en l’enterrant à gros coup de
pelleteuse, tout ce qui avait permis de redistribuer la rente
pétrolière s’est effondré. Le peuple vénézuélien, lui végète et survit
comme il peut. Et la constitution qu’Hugo Chavez Frias avait fait
adopter par 70% des votants a été détournée au profit d’un petit groupe
d’individu gravitant dans les hautes sphères au gré des coups de sang
de celui gouvernant isolé dans sa bulle ou tour d’argent. Depuis
quelques mois, lieu par excellence de l’accueil du Peuple, le Palais
présidentiel de Miraflorès à Caracas est devenu une véritable
forteresse, les accès se comptant au compte-goutte. Mais on y danse, et
s’amuse entre parades et actions répressives des milices ou gardes
nationales.
A l’échelle de notre monde, Maduro rejoint les grands fadas du moment,
tout n’est que discours, gesticulation. A l’épreuve des faits, beaucoup
de moulinets, de bras s’agitant, le mot peuple à toutes les sauces,
quitte à appliquer des méthodes dignes des pires caudillos, le nouveau
phare du « marxisme-léninisme » tropical fait sombrer un pays qui n’en
avait pas besoin dans le chaos et la terreur. Triste sort d’une
révolution ayant tous les traits d’une gabegie, le petit plus ou
l’enfer est certainement les connexions avec le monde des narcotrafics,
encore faudrait-il pouvoir faire justice, plus de 20.000 dossiers de
corruption ayant été l’objet d’une absence de procédure, selon Madame
Ortega Diaz.
Il existe au sujet des narcotrafics une impressionnante propagande
d’état renvoyant le bébé au voisin colombien, toutes responsabilités
internes évacuées et pourtant, il apparaît que beaucoup de Vénézuéliens
ont plus que des soupçons, et que la justice puisse agir. Le Venezuela
depuis au moins depuis les années 2000 est devenue une plaque tournante
de la coca raffinée et sert entre autres à faire passer les cargaisons
par la Caraïbe en direction de la Floride ou via l’Afrique pour
l’Europe. Des circuits qui ne font pas de doutes, ils sont connus des
spécialistes, l’ennui dans un système mafieux à cette échelle et
concernant plusieurs pays andins, et il est presque impossible de
suivre un monde par excellence secret ou souterrain. Qui dans chaque
pays concerné utilise tous les moyens pour soudoyer les élites locales,
tout en s’appuyant sur des groupes paramilitaires ou à l’intérieur de
l’appareil d’état sur les forces armées et les polices, voire services
secrets sous Uribe-Velez (l’ex. DAS dissoute sous la présidence de Juan
Manuel Santos).
Au
moins 10% du produit national brut ou PNB vénézuélien ou colombien
passant en perte et fracas en raison de connexions mafieuses ne se
limitant pas aux seules drogues et touchant à toute nature de trafic,
dont le pétrole moins cher au Venezuela. Pour les journalistes
enquêtant sur de tel sujet, je ne retiendrais que les investigateurs
Mexicains tombant comme des mouches, reprenant la palme des tués ou des
journalistes Colombiens assassinés par des sicaires, des années 1990 et
2000. S’il n’est pas simple d’établir une responsabilité, dans la
situation difficile de la société vénézuélienne, penser que l’appareil
étatique n’est pas concerné relève d’un aveuglement certain. Toutefois
sans des preuves matérielles et loin d’avoir une justice efficiente et
impartiale, il y a de quoi attendre des organismes internationaux des
missions d’information et il serait consternant de ne pas diligenter
une commission d’enquête internationale. Mais encore le gouvernement
Maduro bloque toute présence des organismes intenationaux et même
l’ONU, le 30 août, un premier rapport met l’accent sur une situation de
plus en plus violente du 1er avril au 31 juillet. (2) Et la CES ou
Confédération européenne des syndicats a été saisie sur les répressions
syndicales et atteintes aux droits humains.
Le cas de Madame Luisa Ortega, magistrate et chaviste ?
Luisa Ortega Diaz était la Procureure générale de la république
bolivarienne du Venezuela jusqu’à sa destitution par la nouvelle
assemblée dite Constituante, le 5 août 2017. Elle était à ce poste
depuis 2008, l’année de la prise de ses fonctions et reconduite en 2014
par l’actuel président, Nicolas Maduro. Suivant attentivement ce qui se
passe au Venezuela depuis plusieurs mois (et quelques années au
compteur avant 2013), là où il fallait, il y a encore huit mois
constater une absence d’information, ou selon des canaux locaux,
l’emballement médiatique est de retour. Pour le meilleur, rien de moins
sûr, mais pour en faire un objet de propagande, l’on se bouscule au
balcon… Certaines parodies partisanes très révélatrices de
l’incompétence et de la mauvaise foi.
Le phénomène n’a rien de très nouveau, faut-il pouvoir trier et éviter
les déchets nombreux. Toutefois la violence au Venezuela fait des
journalistes des cibles, ou l’objet de menaces et d’attaques physiques
des forces de l’ordre, comme il était constatable, lors de la journée
du dimanche 30 juillet sur différentes antennes de télévisions. 49
médias depuis janvier 2017 ont été interdits. Certes d’oppositions ou
étrangers et principalement dans les quartiers les plus huppés de la
capitale, cependant une violence palpable, et aussi le fait de petits
groupes agitateurs cagoulés et loin de faire masse, que l’on nomme sous
le nom de «Garimbas». Une agitation servant au gouvernement de Maduro
pour serrer un peu plus les boulons et répandre son terrorisme d’Etat.
Luisa Ortega en ce mois d’août a fui en Colombie se sentant menacée,
elle et sa famille, mais aussi des proches ou des juristes ont pris la
poudre d’escampette, dont son conjoint, German Ferrer député (3),
jusqu’à peu membre du Parti Socialiste Unitaire du Venezuela (Psuv) et
ancien du Parti Communiste (Pcv). Il avait été en 2004 et 2005 un
des membres du cabinet de la présidence de la république et a été un
des fondateurs du Psuv en 2006, réélu en 2015 à l’Assemblée nationale
ou douze années de mandats. Il se voit actuellement poursuivi par une
affaire touchant aux hydrocarbures de l’Orénoque (partie Amazonienne du
Venezuela) sorte de contre-feu politique au nouveau scandale du siècle.
Face aux accusations portées par Luisa Ortega sur le scandale touchant
directement Maduro et des ministres dans l’affaire Odebrecht, un
entrepreneur brésilien, ce dernier aurait payé pour ses ouvrages 300
milliards de dollars à Maduro et son entourage. Dont cent millions
seraient arrivés dans les poches de Diosdado Cabello, un des hommes
forts du régime, parce que militaire et ancien du MBR-200 (Mouvement
bolivarien révolutionnaire à l’origine d’un des deux coups d’état de
l’année 1992).
Hors de l’accusation portée contre German Ferrer, cette région devrait
connaître quelques gros grabuges, 10% du territoire amazonien du pays
être livré à un mégaprojet dans la récupération des bitumes lourds ou
pétroles et extrêmement polluant, pour petite parenthèse (4). En raison
de l’état de l’outil productif et de la situation générale, ce projet
reste en l’état difficilement réalisable vue la situation économique et
politique, mais demeurera et autant le faire savoir !
Quand le dogmatisme aveugle, il n’y a pas grand-chose à faire, sauf à
remarquer le relativisme qui ferait du Venezuela une citadelle
assiégée. Ce nouvel échec du capitalisme d’état, au nom du socialisme,
permet aux derniers stalinistes de se transformer en victimes, à
quelques vieux gauchos de l’encrier d’asseoir leurs certitudes. La
vieille ritournelle du complot et son corollaire paranoïaque agit à
merveille, le couple Cia/Etats-Unis suffit à lui seul à hystériser et
trouver les parallèles historiques sans fondements. Il faut bien
s’amuser à se faire peur, car le sort de la population vénézuélienne
est le cadet de leur souci, tant que les dogmes et les certitudes sont
là, même le doute n’a pas lieu.
Au Venezuela, il ne peut être que constaté une situation bloquée sur
fond de tensions internes et externes, me poussant une nouvelle fois à
écrire. Comme tout pays, le Venezuela n’échappe pas aux mécanismes
d’une tension internationale pour partie inédite. Et va au rythme d’une
crise sans précédent dans ses frontières, où la plupart des biens les
plus essentiels ont disparu des surfaces commerciales ou alimentaires,
privées, ou d’états comme les Mercal ou magasins impulsés par Chavez
pour les plus démunis vers 2005, ou la population ne pouvant se payer
les produits du marché courant.
En 2017, les combines ou les trafics, et le rationnement mettent en
prise des millions de vénézuéliens qui n’ont pas demandé à être privé
de médicaments usuels et vitaux, ou de ce qui compose leurs rations
quotidiennes ou repas, où l’on constate une chute inquiétante des
besoins caloriques par habitants. Se voir ainsi réduites à la portion
la plus congrue et condamnée à la disette, les carences alimentaires
progressant à grands pas dans une certaine indifférence. Une situation
sanitaire et humanitaire qui devrait alerter les opinions publiques
mondiales et procéder d’une assistance d’urgence. La mobilisation et
l’organisation de la solidarité un objectif premier.
Non pas que le politique soit dérisoire, quoi que pas vraiment à la
hauteur des enjeux, s’il existe de nombreux problèmes afférant aux
droits de l’Homme, l’exigence serait d’éviter les fausses querelles et
de favoriser aussi bien une issue politique, c’est-à-dire démocratique,
qu’humaine, et celle-ci ne peut attendre. Si une personne m’avait
raconté, il y a peu d’années, que la Colombie serait confrontée à des
vagues migrantes venant du Venezuela, j’aurais probablement souri sur
une telle improbabilité. L’objet de ce présent article n’étant pas de
remettre en cause l’élection de Nicolas Maduro de 2013. Mais de
s’interroger sur comment en quelques années, les oppositions les plus
virulentes ont pu revenir aux anciennes méthodes de déstabilisation
connues déjà en 2003 lors la grève générale? Dans les heurts intervenus
ces derniers mois, les deux camps ont subit des attaques et il ne peut
que provoquer des tentations de guerre civile, même si tout donne à
croire que Maduro a repris le dessus, il n’y a pas besoin de chercher à
Washington des têtes brûlées, avec des millions d’armes en circulation,
tous les ingrédients demeurent.
Juste après la tentative de coup d’état du 11 au 13 avril 2002, ce
mouvement d’inspiration patronal avait abouti à une paralysie
économique du pays et fut l’objet de vives tensions entre pro et
anti-chaviste dans la population. Cependant il faut distinguer les
présidences du défunt Chavez, de son suivant et héritier, les hic sont
pour bonne part dans une constitution taillée pour l’ancien président.
Certes, comme il est possible de le lire pour accuser Hugo Chavez de
tous les crimes de la terre et du ciel; sauf que la méthode de Maduro
n’est pas vraiment conforme à son idéal démocratique. Même s’il est
possible de reconnaître une dérive autocratique à partir de 2007,
Chavez n’était pas sorti des clous des droits de l’Homme, et a toujours
su négocier en coulisse, et même reconnaître ses erreurs en public et
accepter la défaite, quand il proposa une vision socialiste des
institutions en 2009. Un souci d’équilibre, de nuance, qui poussent
d’autres à écrire l’histoire d’un fantôme ou d’un fantasme (fantôme en
espagnol).
Comme Bolivar son mentor, Chavez a labouré la mer, comme l’écrivit
Marquez, et le peuple vénézuélien se voit aujourd’hui dépourvu dans un
pays en pleine errance et toujours avec les plus grandes réserves de
pétrole du monde. Source à l’origine de la désintégration de son propre
système agricole au début du vingtième siècle. Une agriculture plus que
défaillante, depuis des décennies et qui aurait pu répondre aux besoins
internes actuels, si l’enjeu agricole et alimentaire n’avait pas été un
échec de tous les pouvoirs depuis des lustres. Un système mono
productif et une rente financière aux aléas des crises ou chutes des
prix depuis les années 1980, dont la responsabilité est surtout dans un
système d’imposition, où la plus value est très faiblement taxée, comme
quoi le « socialisme » vénézuélien est à cet égard bien plus ouvert à
la donne capitalistique que nombre de nations européennes pour ses taux
d’imposition. Et le système de contrôle des changes favorisa un marché
noir de la monnaie nationale et une des sources des difficultés
nombreuses et pour certaines jamais résolues.
Le fil et les mécanismes de la parano ?
Il est préférable d’éviter les équivalences ou comparaisons entre
l’Europe et l’Amérique du Sud, les disparités nord-sud n’ont pas pour
autant été éliminées et le niveau de vie reste assez lointain, en
dehors d’une minorité aisée et peu représentative des forces vives. Le
Venezuela vit au rythme du temps des vaches maigres et je crains que
les volontés populaires affichées ne soient qu’un spectacle de
pantomime, l’expression de peur cachée ou provoquée. Quand il fait
faim, les paroxysmes et concurrences pour la survie sont aussi un moyen
d’asseoir un pouvoir sous l’emprise de la peur. Chacun sauvant sa peau
comme il peut…
Le stratagème d’attaques extérieures, la CIA comme au temps de Nixon,
c’est assez improbable, mais ça marche chez les orthodoxes et
dogmatiques. Le Venezuela sous la forme d’un nouveau Chili et Maduro
dans le costume d’Allende en 1973 rassurent les vieux dinosaures. Une vieille armée de réserve marxisante qu’il n’y a pas
lieu de soutenir, tout comme les messages apocalyptiques de la
Maison-Blanche et le tout sur un discours paranoïaque pour souder les
troupes depuis le fortin de Miraflorès. En matière de spectacle, ils
sont forts ces Américains du sud et du nord, et la question est de
savoir, qui pourrait faire entendre un peu de raison à Nicolas Maduro
et ses sbires? Tout en échappant au scénario du nouvel oncle Sam à la
mèche délirante?
La Chine finance beaucoup, et a condamné toute idée d’intervention
étrangère, la Russie, fournisseur du gros de l’armement mettra sa patte
si besoin était et a déjà annoncé qu’il n’était pas question
d’interventions étrangères à caractère militaires. La France avait elle
aussi condamné par son nouvel ambassadeur M. Romain Nadal sis à Caracas
toutes formes d’intrusion dans les affaires politiques nationales et
visait les Etats-Unis. Avec ou sans soutien, l’opposition la plus
revancharde est capable de tous les scénarios pour pousser aux
affrontements. C’est en interne que la situation a quelque chose
d’inextricable et qui laisse douter quant à une issue pacifique et un
retour de la démocratie.
Le terme d’impasse pourrait être utilisé, mais plutôt que de choisir
cette voie barrée ou propre aux discours propagandistes des deux bords,
de la MUD (ou Table de l’Unité Démocratique) ou du madurisme ambiant,
la question serait de sortir d’une situation du tout venant, où les
premiers à payer la note sont les Vénézuéliens. Le terme de blocage est
plus en adéquation, faisant écho face à une situation politique plus
que tendue depuis plusieurs mois et années. Notamment depuis que,
Nicolas Maduro en toute violation d’au moins un article de la
constitution de la cinquième république dite bolivarienne appela à
l’élection d’une nouvelle assemblée, qualifiée de Constituante. Il
aurait fallu l’accord des deux tiers de l’Assemblée pour y recourir.
Une constituante comme tour de passe-passe, sachant qu’il n’y a pas de
bicamérisme (ou pas de Sénat) et que l’objectif était de se débarrasser
au nom du chavisme de ce qui aurait dû constituer un gouvernement de
co-existence ou de cohabitation en France, une particularité difficile
à comprendre et dès plus contradictoire pour un observateur étranger.
Une constituante aurait pu siéger, si elle n’avait pas eut pour but
d’éliminer les forces d’oppositions majoritaires depuis 2015, ayant
donné lieu à de multiples ambassades dont celle du Vatican et
tentatives de dialogues relevant d’une mission impossible. Tant les
antagonismes se sont creusés et depuis règne une chape de plomb. Devant
cette décision, à part la Bolivie et le Nicaragua, et Cuba, qui sait
l’Equateur sans l’affirmer, toutes les nations sud et centroaméricaines
n’ont pas reconnu le scrutin du 30 juillet, pas plus qu’il n’y avait à
valider le référendum des opposants du MUD, tout aussi
anti-constitutionnel et sans validation possible au regard du droit
international. Pour un pays qui s’est coupé de la plus haute
juridiction politique en la matière, l’Organisation des Etats
Américains et ses tribunaux (autonomnes) en charge des droits de l’Homme (la
CIDH Cour interaméricaine des Droits Humains) n’a pas aidé à chercher
des conciliations et permet au Venezuela d’échapper à tout contrôle. Le
Mercosur a lui aussi pris ses distances et n’a pas reconnu la nouvelle
assemblée.
Juste après la crise liée au renouvellement des billets de banque en
décembre 2016. En raison de l’effondrement de la monnaie, le président
Maduro avait procédé à de nombreux réajustements politiques, un peu
comme un jeu de chaise musicale, un nouveau vice-président en janvier,
des attributions allant changer au fil des semaines jusqu’à l’élection
pas très licite de la nouvelle Assemblée Constituante composée de 545
membres élus, le 30 juillet.
Sur le plan social, la mise en place d’un carnet de rationnement semble
la solution requise pour les autorités maduristes. Plus 15 millions de
Vénézuéliens disposent depuis peu d’une carte de crédit, sous forme
d’une pièce administrative ou pour voter et en âge de le pouvoir. Une
campagne de « Carnetizacion » a été organisée, un néologisme pour
désigner une carte de rationnement nouveau genre, ou le droit à des
allocations en un seul guichet dans un dédale de mission, venue à
l’origine suppléer les manques et ratés des services publics de la IV°
république. La carte plastique miracle a donné lieu à des inscriptions
et mise en fiche dont les données peuvent avoir quelques incidences
dans la partition politique qui s’est engagée. De toute façon, même le
fournisseur britannique du vote électronique a lui aussi émis de fortes
réserves quant au nombre de votants pour la Constituante et
possibilités de malversations au regard d’un produit manufacturé à
l’origine par son entreprise et 41% ne fait pas une majorité comparable
à celle de 1999.
Un vrai bourbier politique qui favorise les positions les plus
extrêmes. Trouver les chemins d’une concorde demanderait des
concessions de toute part. Pour sortir le Venezuela de son marasme
faut-il pouvoir disposer d’un accord visant d’abord à remplir les
pharmacies et les ventres. Quels pays pourraient concourir à cette
épineuse problématique ? L’attitude, prudente et réservée du Quai
d’Orsay peut laisser la porte ouverte à une diplomatie, le seul sas de
décompression existant, et nous ne manquons pas en France d’aliments et
médicaments, il serait envisageable de le faire en échange
d’hydrocarbures, et disposons en ce domaine quelques intérêts sur
place. Faute d’argent ou de papier-monnaie à environ 1000% et des
brouettes d’inflation passées et malgré les augmentations pour
rattraper la différence est un phénomène se mordant la queue, et Maduro
a refusé jusqu’à présent toute aide humanitaire ou envoie de cargos
d’ONG avec des provisions d’urgence. Maintenant reste à savoir si la
France et aussi l’Europe Unie vont participer à des négociations et
comment d’ici du vieux continent, il est possible d’apporter toutes les
aides utiles à la population, quitte à se servir du troc.
Rien n’est jamais inextricable, et ce défi n’est pas impossible. Je
pourrais avoir le sentiment de revenir du temps où il fallait être dans
le camp de l’Ouest ou de l’Est, je n’ai jamais appartenu à cette vision
réductrice des choses et une victime sous un régime dit de gauche ou de
droite reste une victime. De plus la complexité vénézuélienne demande à
rester mesuré, le poids de l’armée et pas des révoltes de seconde main
est une des clefs du problème, et les rivalités internes à tous les
camps. Et ce sont toujours les civils qui paient les pots cassés au
sens large. Le madurisme a suppléé le chavisme, ce n’est pas le premier
mouvement révolutionnaire qui s’effondre, pour l’instant sous une forme
d’opéra du crépuscule staliniste aux airs de salsa. Les donneurs de
leçon ne seront pas les payeurs et les réalités sont effrayantes, de
quoi se sentir responsable et pas dupe des endoctrinements, ou choix
de trouver ici en France des boucs émissaires.
C’est tout bonnement une considération internationaliste, et pas un
objet alibi que j’ai tenté de dépeindre aux prises d’une actualité
redondante, qui n’a fait qu’enfler en cette période estivale. Au lieu
de rajouter des polémiques inutiles, il est question de trouver des
solutions et ne pas pousser une région du monde à plus d’embrasement.
La seule responsabilité politique est dans les mains de la présidence
de la République française et de ses homologues continentaux. A titre
individuel et à huit mille kilomètres de distance, nous ne pouvons pas
faire grand-chose, ni véritable moyen de faire entendre la voix d’un
apaisement. Pour de multiples raisons et au-delà d’une vieille union
entre nos pays respectifs, le temps des responsabilités historiques
n’est pas venue, l’agir est au présent et ne se conjugue pas à
l’imparfait.
Une histoire douloureuse et ignorée
Cela fait des années que le Venezuela est l’objet de campagnes de
presse aux airs de fausses nouvelles, amalgames et manipulations à la
clef, donc rien de très nouveau sous le soleil de Caracas. Qui plus est
depuis la France, les connaisseurs ne se bousculent pas au portillon,
pas beaucoup de gens à citer pouvant expliquer la situation de manière
équilibrée, ou bien sortir du pour ou contre, cette approche classique
et binaire sur le régime en place. Le Venezuela comme tout comme pays
dans le monde à sa part de complexité et une histoire ignorée de
relations avec la France datant l’émergence des nouvelles républiques
latino-américaines au début du XIX° siècle.
La démocratie n’est apparue qu’après une période de transition de vingt
ans en janvier 1958 avec le pacte de Punto Fijo et un système politique
bipartisan, excepté deux années de 1945 à 1947 qui avait été un
préambule et une brève expérience avec à sa tête des intellectuels
progressistes, suivirent dix années d’une nouvelle dictature militaire.
L’organisation démocratique de ses institutions débuta véritablement
avec la IV° république avec le président Romulo Bétancourt. De 1945 à
1975, le sort des Vénézuéliens toutes classes sociales confondues évolua au rythme
d’une économie fleurissante, une meilleure redistribution des richesses
et une monnaie le Bolivar, qui n’avait pas besoin de s’appeler fort
représentait à l’époque une monnaie refuge, comme le franc Suisse. Les
années phares de cette redistribution de la manne pétrolière n’a duré
véritablement que les premières années accompagnée d’une loi sur les
grandes propriétés foncières visant à mettre fin à la domination des
grandes propriétés agricoles (le Latifundisme), et s’avérer être un
échec complet et ne changeant pas la donne. Toutefois se mit en place
tout un réseau scolaire public qui faisait défaut depuis toujours, à
l’exemple du ministre de l’économie, en 1958, il était le seul diplômé
en ce domaine du pays et encore après avoir suivi un cursus aux
Etats-Unis.
Je n’entrerai pas dans les détails sur l’histoire du pétrole,
simplement pour remarquer qu’avant de devenir un des plus gros
producteur de la planète en hydrocarbures, le Venezuela était un
producteur de produit agricole, dont une forte production de cacao et
l’un des meilleurs du monde pour les amateurs. Il faut aussi tenir
compte d’un facteur non négligeable, la démographie qui en un siècle va
passer de trois à trente millions d’habitants. Ceci pour une surface ou
un territoire de presque deux fois la taille de la France ; environ
910.000 km2 hors réclamations sur les frontières et les Guyanes
(anciennement britanniques). 93% des Vénézuéliens sont des citadins, et
l’agriculture reste une grosse épine dans le pied d’un pays devenu
importateur de presque tout, jusqu’aux eaux en bouteille sous la marque
coca-cola… A part de rares produits andins comme le fromage, cette
nation qui devrait en la matière être autonome comme ses voisins
brésiliens ou colombiens, le Venezuela souffre d’un manque chronique de
productions locales et rien n’a pu inverser cette réalité, pareillement
que sous Bétancourt, sous Chavez les réformes ont plutôt échoué et en
raison de la situation actuelle, la question est de comment aider et
soutenir des projets favorisant la sortie des mondes carbonés ?
J’ai tenté de défendre ce point de vue sans grande réussite depuis
plusieurs années, le climat actuel et les commentaires d’une presse
avide de sensation et sous le coup de mentons de nos tribuns nationaux.
Pourtant en France nous disposons de la technicité et des outils pour
former même en terre tropicale des agriculteurs et ingénieurs, et nous
pourrions y jouer un rôle novateur et faîtes de collaborations à
envisager avec une nation pas si lointaine… Un avis qui grandirait un
débat cynique, fait d’invectives et du mépris total pour une population
en danger. Si rien n’était fait par voie diplomatique, les secousses à
venir bien plus dévastatrices et le Venezuela est sur « la voie d’une
dictature » comme a pu le préciser Madame Luisa Ortega. Les nuances ont
leur importance et plus vite les Vénézuéliens retourneront aux urnes,
plus loin le spectre d’une dictature se profilera et rien ne dit que
Nicolas Maduro en serait la figure de proue. Dans son vocabulaire,
l’ancienne Procureure générale et même si de nombreux magistrats
vénézuéliens ont dû prendre la fuite ou l’exil, avant de lâcher les
grands mots, il serait préférable de penser aux répercutions en
interne. Chaque mot compte et l’exercice fait appel au calme et
de ne pas tout confondre.
N’étant ni partisan du nouveau Président français, ni de son opposant
officiel, M. Mélenchon, tout débat entre ces deux hommes est le
bienvenu ! Mais beaucoup repose en des échanges qu’un citoyen sans
grand moyen autre que d’écrire sur un pays que j’aime, je n’ai pas
envie à huit mille kilomètres à relever toutes les souffrances, trop
nombreuses et injustifiables, et plutôt que de jouer les Cassandre,
j’appelle à un peu de clairvoyance et de ne pas faire du Venezuela un
ring de nos envolées et parfois délires paranoïaques, comme une probable
invasion étasunienne.
Conclusion
De la farine de blé, de maîs, du lait, des produits carnés,
…, plus toute la pharmacopée possible à faire suivre demanderait de
gros navires et une saisine de l’Onu, pour au plus vite rendre leur
dignité à tout un peuple. Qui à ce rythme se prend une fois de plus une
crise économique et sociale, insupportable. Plus des factions ou
milices armées au service d’une terreur mettant sous coupe réglée une
population qui n’en a pas besoin et a suffisamment subit.
Pour finir, n’ayant pas le temps de traduire un texte en espagnol d’une
cinquantaine de pages d’Edgardo Lander, sociologue (5), vous pouvez
cependant consulter son analyse sur les années Chavez et les questions
actuelles, depuis la mise en oeuvre d’une Constituante maduriste ne
respectant pas les propres clauses de la Cinquième République
bolivarienne. Je vous renvoie à d’autres sources (en espagnol et en
anglais) et informations complémentaires.
Notes et informations complémentaires :
(1) Carlos Navarro du syndicat ASI Venezuela était présent en juin à
Paris et l’invité de la CFDT pour témoigner de la situation. Ci-dessous
l’audio de la Conférence en présence du secrétaire général, Laurent
Berger, et d’autres intervenants comme Mme Garrigos pour Amnesty
International, et questions du public (durée :1h50).
(2) Lire après en complément
sur cette même page la communication de l’ONU à Genève du 30 août 2017
et son rapport alarmant sur les droits humains.
(3) Germán Ferrer, elguerrillero perseguido por la revolución chavista
(le guerriero poursuivi par la révolution chaviste), journal El tiempo,
août 2017. Il est dressé un portrait biographique de cet ancien
militant révolutionnaire pro-cubain. Il a été notamment incarcéré à
Caracas dans l’ancienne prison militaire de San Carlos dans
les années 1970.
(4)
Projet miniers et luttes sur l’Orénoque, partie amazonienne du
Venezuela, ce document en espanol est une contribution pour
l'annulation du décret concernant l'Arco Minero del Orinoco : à lire ici !
sur les manifestations intervenues du 1er avril au 31 juillet 2017
LES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME INDIQUENT
QUE LES AUTORITÉS CHERCHENT À MATER LES VOIX CRITIQUES
Office des Nations Unies depuis Genève, le 30 août 2017
Les violations massives des droits de l’homme et
des abus graves de ces droits commis au Venezuela dans le cadre de
manifestations hostiles au gouvernement trahissent «l’existence d’une
volonté politique de réprimer des voix critiques et d’instiller la peur
parmi la population, afin de mettre un terme aux protestations», selon
un rapport (*) du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de
l’homme.
«Le recours généralisé et systématique à une force excessive pendant
les manifestations, et la détention arbitraire de manifestants et
d’opposants politiques présumés, indiquent qu’il ne s’agit pas d’actes
isolés et illégaux de la part de quelques officiers», déclare le
rapport.
Le rapport invite le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à
envisager de prendre des mesures afin d’empêcher que la situation des
droits de l’homme au Venezuela, qui siège actuellement au Conseil, ne
se détériore encore plus.
L’analyse menée par le Haut-Commissariat indique que sur les 124 décès
liés au mouvement de contestation et sur lesquels le ministère public
enquêtait en date du 31 juillet, 46 pouvaient être imputés aux forces
de sécurité et 27 aux colectivos, les groupes armés pro-gouvernement.
Pour les 51 morts restants, aucune responsabilité n’a pu encore être
établie.
Pendant la période couverte par le rapport, à savoir du 1er avril au 31
juillet, le ministère public a ouvert une enquête sur au moins 1.958
cas de blessures encourues dans le contexte des manifestations.
L’examen de ces blessures réalisé dans le rapport indique une
intensification progressive de l’utilisation de la force. Si, début
avril, la majorité des blessures relevaient de l’inhalation de gaz
lacrymogènes, en juillet le personnel médical soignaient des blessures
par balles.
«La réaction des autorités vénézuéliennes aux récentes protestations
s’est faite aux dépens des droits et des libertés des citoyens, a
déclaré le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M.
Zeid Ra’ad Al Hussein. Le gouvernement doit garantir qu’une enquête
rapide, indépendante et efficace sera menée sur les violations des
droits de l’homme dont les forces de sécurité se seraient rendues
coupables et sur les graves abus commis par les colectivos ou des
manifestants violents. Cela implique que les enquêtes ouvertes par le
ministère public pendant la période couverte par le rapport se
poursuivent et soient scrupuleusement et visiblement impartiales»,
a-t-il ajouté.
«Le droit de rassemblement pacifique a été systématiquement violé, et
un grand nombre de manifestants et de personnes identifiées comme des
opposants politiques ont été détenus. Le rapport fait également état de
graves violations du droit à un procès équitable et de traitements
dégradants assimilables dans certains cas à de la torture», a annoncé
M. Zeid.
D’après les estimations fiables d’une ONG locale, plus de 5.000
personnes ont été détenus depuis le 1er avril, et plus de 1.000 étaient
encore détenues en date du 31 juillet. Au moins 609 civils arrêtés dans
le contexte des manifestations ont été déférés devant des tribunaux
militaires. Le rapport invite le gouvernement vénézuélien à mettre un
terme aux détentions arbitraires et au recours aux tribunaux militaires
pour juger des civils.
Des groupes organisés de manifestants anti-gouvernement de manière
informel ont eux aussi versé dans la violence, utilisant des armes
improvisées allant du lance-pierres aux cocktails Molotov et mortiers
artisanaux. Au moins quatre personnes auraient été tuées par des
groupes ou individus hostiles au pouvoir en place et, selon le
gouvernement, neuf membres des forces de sécurité avaient été tués au
31 juillet. Le rapport appelle les partis d’opposition à condamner tous
les actes de violence, en particulier ceux commis par des groupes
violentes de manifestants.
Le rapport documente des attaques menées par les forces de sécurité
contre les journalistes et les travailleurs des médias afin de les
empêcher de couvrir les manifestations. «Des manifestants et des
journalistes ont été qualifiés d’ennemis ou de terroristes par les
autorités, des mots qui n’ont rien fait pour atténuer le climat de
violence et de polarisation, voire qui y ont contribué», a dénoncé le
Haut-Commissaire.
S’il reconnaît que le nombre de manifestations, d’arrestations et de
décès a diminué depuis le 1er août, M. Zeid s’est dit préoccupé par les
récentes mesures prises par les autorités pour criminaliser les leaders
de l’opposition politique par le biais de la Commission de vérité, de
justice et de paix.
«La Commission, établie récemment par l’Assemblée constituante, ne
remplit pas les critères fondamentaux de transparence et
d’impartialité, indispensables pour mener des enquêtes indépendantes et
non motivées par des considérations politiques sur les violations des
droits de l’homme et les abus commis», a-t-il commenté.
Le Haut-Commissaire a averti que la crise économique et sociale
persistante et les tensions politiques croissantes risquent d’ aggraver
la situation du Venezuela.
«J’encourage le gouvernement vénézuélien à suivre les recommandations
formulées dans le rapport et à se servir des conclusions de celui-ci
comme lignes directrices pour la recherche de la vérité et de la
justice pour les victimes de violations et d’abus. Je réitère mon appel
au gouvernement à renoncer à toute mesure susceptible d’aggraver les
tensions politiques et invite toutes les parties à poursuivre un vrai
dialogue afin de mettre un terme à la crise», a conclu M. Zeid.
(*) Le gouvernement vénézuélien n’ayant pas répondu aux demandes
d’accès au terrain, une équipe d’enquêteurs a mené des investigations à
distance sur les violations des droits de l’homme entre le 6 juin et le
31 juillet. Le rapport se base sur l’analyse faite par ces enquêteurs
des informations qu’ils ont collectées, notamment à travers 135
entretiens avec des victimes et membres de leur famille, des témoins,
des organisations de la société civile, des journalistes, des avocats,
des docteurs, des urgentistes et des représentants du ministère public.
Images des violences par Human RIghts Watch
cette vidéo est déconseillée aux personnes sensibles ou mineures
L'assemblée constituante
du président Maduro?
par Edgardo Lander (*), le
4 aout 2017 - Traduction de Cathy Ferré
Le décès de
Chávez en 2013 et la chute des prix du pétrole peu de temps après ont
correspondu à l’effondrement de deux piliers fondamentaux du processus
bolivarien, qui entra alors dans une crise profonde. La
crise structurelle due à l’épuisement du modèle pétrolier rentier qui
s’était imposé depuis le début des années 1980 et qui avait semblé
s’effacer au cours de la première décennie de ce siècle, surgit à
nouveau avec une vigueur renouvelée.
Maduro, qui ne jouit pas des capacités de leader de Chávez, gagne les
élections présidentielles de 2013 avec une différence de moins de 2%
des voix. En 2015, l’opposition remporte les législatives par une très
large majorité, et obtient ainsi les 2/3 des sièges, majorité «
qualifiée » permettant de nommer les membres du Tribunal Suprême
de Justice (TSJ) et du Conseil National Électoral (CNE). Le
gouvernement de Maduro reconnait rapidement qu’il a perdu la majorité
de l’appui populaire mais constate également qu’il ne peut pas se
maintenir au pouvoir s’il respecte les limites imposées par la
Constitution. Il commence alors à prendre une série de décisions qui,
de fait, l’éloignent peu à peu du cadre de la Constitution
Bolivarienne: le référendum révocatoire, qui avait été considéré comme
une des plus importantes conquêtes de la démocratie participative, n’a
pas lieu; les élections de gouverneurs, qui auraient dû se tenir en
décembre 2016, sont reportées; les membres du TSJ et du CNE sont nommés
de manière non conforme à la Constitution (lire après le texte les articles de convocation d'une nouvelle Constituanteau sein de la Constitution vénézuélienne); enfin, ignorant pour la
première fois les résultats d’une élection populaire, le gouvernement
dépossède l’Assemblée Nationale de ses attributions constitutionnelles
qu’il répartit entre le pouvoir exécutif et le TSJ. À partir de février
2016, le président Maduro gouverne en s’appuyant sur les pouvoirs qu’il
s’auto-attribue, en lien avec l’état d’urgence, sans attendre
l’aval de l’Assemblée Nationale, pourtant nécessaire
constitutionnellement et pour une période nettement supérieure au
maximum permis par la Constitution.
C’est dans ces conditions que se déroule d’avril à juillet une
forte offensive contre le gouvernement, de la part de l’opposition qui
réalise conjointement des mobilisations pacifiques massives dans les
villes principales du pays, des activités violentes, la destruction
d’installations publiques d’éducation, de santé et de transport, ainsi
que des actes terroristes et des opérations menées pas des groupes
paramilitaires qui bénéficient d’un appui extérieur. Le gouvernement
répond par une répression indiscriminée, complétée par les actions de
collectifs civils armés qui attaquent violemment les mobilisations de
l’opposition. Il en résulte une escalade de violence qui se solde par
plus de 120 morts, des centaines de blessés et de détenus dont beaucoup
sont directement jugés par des tribunaux militaires.
Voilà le contexte dans lequel le président Maduro annonce le 1er mai la
convocation d’une Assemblée Nationale Constituante (ANC). Une ANC,
c’est en principe un acte démocratique, le début d’un processus
participatif au cours duquel les secteurs les plus larges et les plus
divers de la société peuvent délibérer, négocier, s’accorder sur des
critères et des normes de base permettant d’avancer vers le modèle de
société souhaité. C’est ainsi que s’était déroulée la Constituante
convoquée au moyen d’un référendum national, pendant les premiers
mois du gouvernement de Chávez, en 1999. Cette belle
expérience n’a rien de commun avec la convocation réalisée par le
président Maduro.
Certes, la Constitution n’est pas complètement explicite sur ce sujet
mais elle établit une nette différence entre “prendre
l’initiative” de la convocation, ce que peut faire le président, et
“convoquer”, ce qui est une attribution exclusive du peuple souverain
(article 347). Cela implique qu’il aurait fallu réaliser un référendum
consultatif pour décider de la convocation, comme cela s’est fait
en 1999. Il est évident que cela ne s’est pas passé ainsi en 2017 parce
que le gouvernement ne bénéficiait pas de l’appui électoral nécessaire
pour remporter cette consultation. Un autre problème résulte du
découpage électoral absolument arbitraire et anti-démocratique, élaboré
pour convertir la minorité actuelle de soutien au
gouvernement en majorité écrasante à l’ANC. Les formes sous
lesquelles avaient été réalisées les élections antérieures ont été
modifiées : un double régime de représentation, territorial et
sectoriel a été créé. Au sein du découpage territorial,
lesmunicipalités rurales, moins peuplées, ont bénéficié d’une
extraordinaire sur-représentation, en comparaison avec les
municipalités urbaines qui concentrent la majeure partie de la
population et où le rejet du gouvernement est plus important. Le
principe constitutionnel de la représentation proportionnelle a donc
été violé expressément et intentionnellement.
La définition de la participation sectorielle a aussi posé problème. Il
avait en effet été décidé que des constituants seraient élus pour
représenter chacun des sept secteurs de la population. Environ cinq
millions de citoyens ont été exclus de ce droit de vote par secteur, ce
qui a créé une différence entre les citoyens de premièrecatégorie dotés
du droit de voter deux fois et les citoyens de deuxième catégorie qui
n’avaient droit qu’à un seul vote.
Selon la Constitution, le vote n’est pas obligatoire. Pourtant des
porte-paroles du gouvernement, en commençant par le président lui-même,
ont lancé des menaces sur les graves risques courus par ceux qui ne
participeraient pas au vote. Des listes d’employés publics, de
travailleurs des entreprises d’État et de bénéficiaires des programmes
sociaux ont été utilisées pour les prévenir qu’ils perdraient leur
emploi et leurs avantages s’ils ne votaient pas. Maintenant que les
élections sont passées, on assiste à une multiplication de plaintes
contre l’application effective de ces sanctions.
À l’occasion de ces élections, le CNE a abandonné les principaux
mécanismes de contrôle qui avaient fait du système électoral
vénézuélien un modèle detransparence et de fiabilité. Les différentes
auditions exigées par les normes électorales n’ont pas toutes été
réalisées.. L’encre indélébile destinée à garantir que chaque électeur
ne vote qu’une fois n’a pas été utilisée. Le papier des registres
électoraux a de fait été éliminé. Ces registres étaient tenus avec la
participation des différents groupes politiques pour confirmer leur
exactitude. Quand le CNE a décidé au dernier moment que les électeurs
pourraient voter dans n’importe que centre électoral, y compris en
dehors de leur municipalité, c’en était terminé de cet instrument vital
de contrôle et de transparence du processus électoral !
En conséquence de la convocation inconstitutionnelle de l’ANC et des
délais très serrés établis pour le dépôt des candidatures, seuls ont
participé en tant que candidats, électeurs et assesseurs, les
partisans du gouvernement. Tout cela a pratiquement transformé les
élections du 30 juillet en des élections internes au PSUV sans témoins
extérieurs.
De fait, les médias n’ont pas pu couvrir la journée électorale car les
journalistes ne pouvaient pas s’approcher à moins de 500 mètres des
centres de vote, ce qui a fait de ces élections un processus absolument
pas public. Le président de Smartmatic, l’entreprise qui a fourni
la base technologique de tous les processus électoraux entièrement
automatisés réalisés depuis 2004, a déclaré qu’il ne pouvait pas
garantir la véracité des résultats présentés par le CNE, car ceux-ci
avaient été manipulés et que le nombre total d’électeurs avait
eté augmenté d’au moins un million.
Il n’y a aucune raison de faire confiance aux résultats annoncés par le
CNE. Celui-ci a déclaré une participation de 8.089.320
électeurs,
chiffre hautement suspect, pour ne pas dire plus. Ce chiffre ne
correspond pas du tout à ce qu’indiquaient, sans aucune exception, les
principales enquêtes d’opinion qui s’étaient dérouléesdans le pays
avant les élections et qui prévoyaient des niveaux de participation
très inferieurs ; il n’est pas non plus cohérent avec les sondages de
sortie de bureau de vote. Ces résultats ont provoqué un profond
malaise parmi des secteurs de base du chavisme et certains de ses
alliés au sein du Pôle Patriotique. Il est clair que les candidatures
ont été déterminées de manière à assurer que le nouveau pouvoir
constituant soit une fidèle expression du pouvoir constitué, en
garantissant l’élection de tous les hauts dirigeants du PSUV, ainsi que
de tous les ministres et gouverneurs qui ont renoncé à leurs charges
pour se présenter à ces élections.
Les graves problèmes affrontés aujourd’hui par le pays ne sont pas
d’ordre juridico-normatif. Ce n’est pas au moyen de modifications
constitutionnelles que se résoudront la sévère crise humanitaire
au niveau de l’alimentation et de la santé, la profonde récession, la
détérioration de l’appareil productif ou l’existence d’une dette
externe qu’il est impossible de payer. On peut encore moins espérer
qu’une Constituante qui, au bas mot, n’a pas obtenu le soutien de
58,47% de l’électorat, puisse servir d’instrument de dialogue et de
paix.
Lors de ces élections, il s’est produit un démantèlement du système
électoral que de grands efforts avaient permis de construire depuis
2004. Dans un pays si polarisé, qui souffre d’une telle violence,
ce démantèlement est grave. Il nous prive d’un pilier nécessaire à la
possibilité d’une cohabitation démocratique. Nous n’avons plus
d’arbitre de confiance. Il ne s’agit plus de savoir si des élections se
réaliseront ou pas, il faut aussi s’interroger sur le but des
processus électoraux si le supposé arbitre neutre, de toute évidence, a
cessé de l’être. Que se passera-t-il dans le pays si cela mène à la
clôture totale de toute option électorale? Cela signifiera-t-il que
s‘installeront la violence, le terrorisme paramilitaire et la
répression d’État comme seules manières de gérer nos inévitables
différences?
À partir du vendredi 4 aout, au moment où s’installe la nouvelle
Assemblée Constituante, le pays entre dans une période de grande
incertitude. Les porte-paroles du gouvernement ont annoncé que cette
assemblée est plénipotentiaire et supra-constitutionnelle et
qu’elle pourra, par exemple, intervenir directement au niveau du
Procureur General de la République et remplacer l’Assemblée Nationale
actuelle, dont la validité est prévue jusqu’en janvier 2021. Que,
prochainement, on consulte ou non la population sur la nouvelle
Constitution qui sera élaborée, il est clair que le gouvernement en est
venu à désavouer, par voie de faits, la Constitution de 1999.
(*) Edgardo Lander est enseignant et sociologue,
membre de la Plateforme Citoyenne de Défense de la Constitution du
Venezuela. Il a été un des principaux organisateurs du Forum Social
Mondial de 2006 à Caracas.
Constitution de la République
Bolivarienne du Venezuela de 1999
Au Titre IX de la réforme constitutionnelle
Chapitre III de l’Assemblée Nationale Constituante (*)
Article 347. Le Peuple du Venezuela est le dépositaire du Pouvoir
Constituant originel. Dans l’exercice de ce pouvoir, il peut convoquer
une Assemblée Nationale Constituante dans le but de transformer l’Etat,
créer un nouvel ordonnancement juridique et rédiger une nouvelle
Constitution.
Article 348. L’initiative de convocation de l’Assemblée Nationale
Constituante peut être prise par le Président ou la Présidente de la
République en Conseil des Ministres, l’Assemblée Nationale, après accord des deux tiers de sa composante.
Les Conseils municipaux, siégeant, après le vote des deux tiers, ou
quinze pour cent des électeurs ou électrices inscrits sur le registre
électoral.
Article 349. Le Président ou la Présidente de la République ne peut
soulever d’objections en ce qui concerne la nouvelle Constitution. Les
pouvoirs constitués ne peuvent en aucune manière empêcher les décisions
de l’Assemblée Nationale Constituante. Aux fins de la promulgation de
la nouvelle Constitution, celle -ci sera publiée au Journal Officiel de
la République du Venezuela ou dans celui de l’Assemblée Nationale
Constituante.
Article 350. Le peuple du Venezuela, fidèle à sa tradition
républicaine, à sa lutte pour l’indépendance, la paix et la liberté, ne
reconnaîtra aucun régime, législation ou autorité contrariant les
valeurs, principes et garanties démocratiques ou portant atteinte aux
droits humains.
NB : Du Titre IX, les chapitres I, II, et III, n’ont subi aucune modification depuis 1999.
Signataires CGT, FSU, Syndicat
de la magistrature, SAF, LDH, OIP
Au 1er juin 2017,
851 mineur.e.s étaient détenu.e.s en France. Un seuil qui n’avait plus
été atteint depuis 15 ans Le nombre de mineur.e.s détenu.e.s suit
depuis octobre 2016 une courbe de croissance exponentielle
particulièrement inquiétante (+16,2%). Cette hausse est par ailleurs
marquée par un recours de plus en plus fréquent à la détention
provisoire, et par des condamnations à des peines de plus en plus
longues.
Les effets destructeurs de l’incarcération, désormais connus et
largement documentés, sont décuplés pour les jeunes : fragilisation
des liens familiaux, isolement sensoriel, augmentation de l’angoisse,
exacerbation de la violence et des tensions, socialisation dans un
milieu criminogène... Mener un travail éducatif individualisé dans un
environnement où le collectif est omniprésent, entravé par des
contraintes pénitentiaires, s’avère extrêmement difficile.
Le taux de récidive suite à une détention en est la preuve : le taux de
recondamnation des mineur.e.s dans les cinq ans suivant la détention
est de l’ordre de 70 % – plus élevé encore que chez les majeurs (63%).
Afin de réguler cet afflux de détenu.e.s, l'administration
pénitentiaire organise des transferts d'un lieu de détention à l'autre,
éloignant parfois encore davantage l'adolescent.e du lieu de vie de ses
parents ou/et de son service éducatif de référence.
Dans de nombreux quartiers et établissements pénitentiaires pour
mineur.e.s, cette situation contraint des jeunes à partager leur
cellule. Et ce, alors que le principe de l’encellulement individuel a
été réaffirmé par la loi pénitentiaire du 29 novembre 2009 et a fait
l’objet de recommandations régulières du Contrôleur général des lieux
de privation de liberté. L’article R. 57-9-12 du code de procédure
pénale ne permet par ailleurs des dérogations pour les mineur.e.s qu’à
titre exceptionnel, pour motif médical ou en raison de leur
personnalité.
Le nouveau ministère de la Justice doit se saisir de cette situation
en urgence. Il doit donner à la Protection judiciaire de la jeunesse
des moyens supplémentaires conséquents pour développer les structures
éducatives ouvertes permettant de lutter contre l'incarcération :
foyers éducatifs, services d'insertion, milieux ouverts. Et remettre en
cause les dispositions sécuritaires qui engendrent cette
sur-incarcération dans une réforme courageuse de la justice des enfants
et des adolescent.e.s.
Insérer, accompagner, soutenir, éduquer devront être les mots
constitutifs de ce projet !
Paris, le 22 juin 2017
Pages à consulter sur l'éducation et la violence :Cliquez ici !
La
grande arnaque jupitérienne
et la démocratie en péril ?
Représentation de
Bellonaet Janus
C’est fini pour
la farce électorale 2017, mais tout recommence avec les mêmes, les
révolutions de palais ont toujours ce chic de changer les masques, mais
pas les appartenances et de reprendre l’héritage. La tuyauterie a
effectivement été changée, mais l’aspect plombé n’a guère changé. La
sociologie de l’hémicycle et les néo-capitalistes du clan Macron ou le
groupe des inféodés, plus celui de l’autocrate Bayrou à tout
d’une illusion d’optique. La droite est de retour et le magicien d’Oz
derrière son théâtre d’ombre s’amuse de se voir si grand devant son
miroir grossissant.
Oui, les dieux se contrefoutent de nos difficultés, seul le faste et la
poudre d’escampette, les honneurs, les prestiges, l’emportement,
l’emballement des minets de l’info, le sinistre spectacle du Barbier de
l’Express et de ses doublures télévisuelles ont fait le travail de
leurs maîtres sur les écrans. Point besoin de citer les chaînes
hurlantes et débats tronqués entre experts du capital, l’exaspération a
touché des sommets et la gauche politique s’est tuée. Tout est à
reconstruire et à ce rythme au moins 10 ans de césarisme comme ligne
d’horizon. Face à ce qui était un objet politique trouble, je
n’envisageais pas un tel comportement moutonnier. Il faudra du temps
pour analyser les mécanismes mis en route pour nous envoyer à ce qui
ressemble à une foire d’empoigne et de démagogie. J’ai quelques
aiguillons sur comment cette farce électorale s’est produite,
m’interrogeant sur la démocratie menacée par une élite financière ?
Le piège à gogo a fonctionné à merveille, c’est fou comme l’illusion et
le marché du rêve ont triomphé, le produit miracle et sa marche des
nantis a fait de la France un pays de mouton bon à tondre. Il n’y aura
même pas eu à se déplacer au second tour des législatives,
personnellement j’avais le choix entre un râtelier aux dents d’acier,
parachuté depuis Chalon et une avocate d’affaire. Ce qui était une
députée Ps inexistante et un alibi de la diversité, tous les deux
membres du même fonds de commerce, et le produit des courants droitiers
du Psfio, du moins avant la grande opération commerciale et le soutien
presque unanime de la presse et de ses concentrés capitalistiques
à l’OPA des milieux financiers sur les élections nationales.
Du jamais vu ou presque?
Il ne s’agit nullement d’un nouveau monde en préfiguration, mais ce qui
peut exister de plus vulgaire, le degré néant de la politique. Recruter
les députés par CV et par cooptation, cela n’a rien de démocratique
mais le fait d’un Soviet Suprême, ou ne concourre pas seulement
les affidés du nouveau Bonaparte, c’est aussi une aubaine pour le
sans-culottisme ambiant, tous les terrains propices à la démagogie et à
la superficialité du pouvoir d’une même classe ou caste de gens. Ce
n’est pas exactement un dix-neuf Brumaire, cela ressemble plus à la
victoire de décembre 1848, de Louis Napoléon, sur un air de débauche
des richesses au profit d’une minorité et la mise sous coupe réglée du
prolétariat français. Tout indique la voie de l’exil, dans un monde
rabougri et rongé par ses concurrences despotiques. Mais pour aller où
?
Au déroulé des neuf mois écoulés, ce fut un beau suicide collectif à
gauche et une retape sur les valeurs et manipulations des peurs les
plus délirantes, pendant que d’autres ont su jouer avec habilité une
partie d’échec avec deux ou trois coups d’avance, la stratégie a
suppléé le contenu. A s’appuyer sur le virtuel, l’engagement en un
clic, rien n’a vraiment bougé, la parodie a été la plus forte, et
donnant le sentiment de ne pas vivre dans un pays démocratique. La
seule chose qui ne meurt pas dans cette affaire, ce sont les idées, et
comment en pleine objection de conscience s’opposer à ce dictat des
élites du fric, ou de l’oseille, n’est pas en soit une nouvelle, mais
un constat.
Mais qui en contre point, cette réalité fruit de toutes les bassesses
montre toutes ses faiblesses, et prépare sa corde pour se pendre. La
seule bonne nouvelle, une baisse vertigineuse des haineux, mais en
contrepartie elle laisse place aux bourgeoisies dégénérées, pas de quoi
s’enflammer ou sauter de joie. Avoir le choix entre l’ex. UMP/PS, la
honte nationale et l’insoumission des apparences, nous sommes avec
trois variantes de populisme et du nationalisme ambiant. Un grand
fourre-tout idéologique dont le seul but est de maintenir des clans
dans les allées du pouvoir ou d’accéder à la dernière marche.
Je veux bien prendre en compte que tout n’est pas mathématique et que
l’électorat des deux candidats de gauche, Hamon et Mélenchon, ne
pouvait s’additionner, toutefois je préfère certains perdants à des
manœuvriers qui ne font guère dans la dentelle. Les coups portés à
l’unité, les rétropédalages sur la gauche et le socialisme en fin de
campagne, des cacahuètes pour amuser la galerie et asseoir quelques
trublions professionnels. Monsieur Corbière va pouvoir libérer son HLM,
et une famille moins aisée en profitée ?
Il serait peut-être temps de faire cause commune et arrêter de se
tromper d’adversaire. Comme il ne sera jamais vérifié que le retrait de
l’un ou de l’autre aurait permis un second tour. Il s’est joué une
opération similaire visant à exclure Bernie Sanders du processus
électoral étasunien, Trump a été élu et nous avons hérités d’un
équivalent, ou de ce qui peut se produire quand l’argent et vie
politique se mélange.
Une redite presque éternelle du coup d’état permanent, avec au 1er tour
51 pour cent d’abstention pour l’Assemblée nationale, ce n’est qu’un
avant-goût d’un pouvoir auto légitimé, sans base sociale et des partis
s’en allant en quenouille. Oui, une page est tournée, et celle qui
s’ouvre n’augure rien de bon, à part la victoire des valets ou idiots
utiles du capital. Le salariat, c’est-à-dire nous ou 80% de la
population, cette masse devenue inerte a perdu sa conscience de classe
et va en payer les conséquences à prix fort. Et comme la mémoire est
une chose inégalement partagée, nous vous voilà collectivement dans un
grand bond en arrière social et politique.
Un petit exemple, la supercherie de M. Hulot, l’ancien agent sponsorisé
par x. multinationales dont TF1 et C°, nourrit au grain de l’Elysée
depuis Chirac relève d’entre gens de même aisance. Le climat sert à
endormir les bonnes consciences, quand ce n’est que poudre et canons et
de leurs contrats qui l’emporteront. On a touché le nirvana, la
moralité n’a rien de politique et l’aristocratie d’état a démontré
comment le rouleau compresseur tourne toujours en sa faveur. Le pouvoir
par le haut et aux prises des institutions de la cinquième, l’idée même
de faire de la politique est un objet volé à toute idée de citoyenneté.
Si, vous ne faîtes pas des courbettes et crier pas au génie de la
tribune, qu’il est ou elle est la plus belle, libre à vous de vous en
remettre à des clans. Entre les sectes, les petits arrangements
particuliers et masques du pouvoir, il manquera le tour de vis, si
propre aux régimes aux abois. La décomposition en moins d’un mois est
en marche.
Mon pays me fait honte, c’est un sentiment étrange, ne plus avoir que
l’impression d’appartenir à un décorum en carton-pâte. Le niveau des
égoïsmes et les réflexes de mépris des classes salariées et démunies de
ce pays, suscite même à droite un rejet de l’oligarchie financière,
sauf que c’est toute l’armature étatique qui ne fonctionne plus au
service des biens communs. Quand il y avait une bonne partie des
opinions publiques qui s’interrogeait sur l’usure de nos institutions
centralistes et se voulant démocratiques, nous sommes repartis pour
cinq ans dans
cette galère. Le fait de l’élite au sens large, élus et hauts
fonctionnaires s’auto-reproduisant et empêchant tout accès au peuple
souverain à la conduite des affaires. Il n’y a plus qu’à constater et
espérer un sursaut des consciences libres. Sous le boisseau d’un
système pyramidal, il n’existe aucune marge, seul le fait du Prince
domine, c’est un problème sans solution ou sans fin…
Pourquoi un tel gâchis et d’occasions ratées?
Soit des mois à supporter cette grande arnaque intellectuelle et
politique Même s’il y avait à craindre le pire, une telle vacuité
ne sont que les suites de ce système politique si détesté, mais si bien
conforté dans ce qu’il a de plus pervers et d’insignifiant. Belle
illusion, la magie est reine et sur des airs de Marengo dans la Cours
Napoléon du Louvre et promenades au Touquet, nous avons tout le parfum
et ingrédient de cet obscur objet du désir, si cher à Luis Bunuel.
Pourquoi voter si les Français ont besoin d’un roi ou de vieux vassaux
crasseux pour servir de bouffon à la cour?
C’est ici que commence le temps de la reconquête de nos pouvoirs perdus
et idées à regagner, le nettoyage des écuries d’Augias restant toujours
d’actualité, et face à la défaite des gauches incapables de s’unir, il
faut maintenant reconstruire pas à pas, non pas un édifice politicard
mais un corpus commun. De cette gauche démocratique sociale et
écologiste sur les rotules présume d’une belle traversée du tunnel et
nous devons apporter à nos grands chefs déplumés le choix de cette
dérision s’étant rejouée d’élection en élection depuis 2014, la
mascarade n’a que trop duré. L’abstention plus les pleins pouvoirs à la
bourse de Paris et aux mains du Medef, la saignée sera conséquente et
la précarité une norme. Chapeau à l’illusionniste Macron, cet homme est
capable de tout vendre, cette opération contre-révolutionnaire est un
succès. Mais combien de temps et à quel prix pour les nouveaux damnés
de la terre?
Après le roi auprès de sa belle au bois dormant, les coups de
communications de Jupiter au teint bio auprès des mortels aux bouffées
consuméristes, le show continue et ne dit rien des souffrances
actuelles. Faire pleurer sur la misère, cela rapporte à un 1,5 euro par
bulletin et par an, la combattre c’est autre chose et pas l’assurance
d’un siège auprès d’une Assemblée composée de notables new-look, les
temps sont aux anglicismes les plus grossiers, comment s’en priver.
Cette régression générale qui n’est pas en soit une nouvelle, caviar
pour les uns et les fins de marché ou produits pourris pour les autres,
sous couvert d’outrance à l’identitaire et au sécuritaire, vos
richesses sont bien partagées et profits de la seule valeur qui sonne
et trébuche dans les mêmes poches.
Les nouvelles soumissions qui se profilent pour nous mortels est à
l’image d’un vieux monde, la référence latine à un dieu détourné de
l’Olympe consacre cette logique d’ordre et de repliement d’une classe
sur elle-même. Et si cette victoire du moment n’était qu’une victoire à
la Pyrrhus? appelant à redoubler d’effort face à la victoire du
centralisme néo-jacobin, la transversalité, le partage des savoirs,
certaines formes de nomadisme ouvre des perspectives d’un genre
nouveau. Mais pour faire vivre cette imagination à la base d’un
renouveau politique et citoyen, il faut se défaire des tribuns et
prête-noms et me semble-t-il disposer de nos propres médias citoyens, à
minima, le moyen de faire circuler tous les projets associant nos
propres forces et capacités à sortir de cette imposture quasi
journalière.
Le monde doré des trente glorieuses (1945-1975) est bien mort, les
défis sont devenu d’une autre nature, la France a vécu si longtemps
dans une telle opacité, seul l’exercice d’une critique rigoureuse et
respectueuse des configurations continentales peut redonner du souffle,
nous éloigner de ces commémorations douteuses et électorales à
Oradour-sur-glane. La cité martyre, où un de mes parents y a laissé la
vie devant un peloton d’exécution. Pourquoi tant d’énergie funeste,
d’équivoques, pour qui allait s’abstenir rejoindre le camp des « nazis
»? Une pure indécence quand jamais et sondage à l’appui, le FN n’était
en mesure de l’emporter, et je n’assimile pas les Lepen à une extrême
droite germanisante et militarisée, mais à celui de son terreau
national et composé surtout de lâches ne sortant les chemises brunes
que
s’ils se sentent en mesure de s’appuyer sur un peuple étranglé.
Quand on veut combattre la «bête», on n’utilise pas les mêmes
procédés de manipulation des mémoires et des opinions. C’est plus
proche des affects de l’extrême droite que du masque du bon monarque.
Nous n’en sommes plus à l’exaspération et à la trivialité de la
chose, voire les chantres de l’anti-système garder le grappin sur le
système économique et politique, c’est une forfanterie, même un enfant
de dix ans est en mesure de le comprendre la farce qui s’est jouée.
S’amuser de la mémoire collective ou attiser les replis sur la
communauté est devenu un argument publicitaire, des désignations de
bouc
émissaire. «Bilal Hamon» a connu les vieux procédés de délations, il
est tellement facile de tirer à vue sur une communauté religieuse, ces
couleurs illustratives de ce nouveau monde est à la
hauteur de son ignorance, des secousses du monde réel à venir.
La bataille des idées et celle d’une société est à réinventer par
nous-même, ce n’est pas qu’un doux rêve, la dernière utopie en vogue,
le défi s’impose en tant que tel. La victoire d’une génération de
Rastignac, ou traîtres en tout genre vont être des distinctions après
les chasses royales… Mais pourquoi s’accommoder devant tant
d’insignifiant? La dignité est de mise devant cette vaste désolation
démocratique, le sursaut social le seul horizon devant cette somnolence
ou indolence de nos petits et grands bourgeois en quête de trône. Rien
que du très électoral à se mettre sous le coude, des plots à asseoir
dans un cénacle, une autre volonté de faire face à l’avenir doit
jaillir. En bon rousseauiste, j’aimerais m’appuyer sur un être, bon par
nature, s’il n’était pas une entité corrompue par la bassesse d’une
classe donnée et ses mirages de méritocratie.
M. Bayrou, le si vertueux républicain, ferait-il revivre toutes ses
histoires délicates du temps où il était au sein de l’UDF et du CDS,
comment cette dernière organisation avait-elle finie? Mal et dans mille
et une affaires,
c’est aujourd’hui un comble un ministre des Sceaux qui donne son avis
et aide ses amis du Modem, c’est reparti de plus belle. Une loi se
voulant de moralité demanderait des gens, un peu plus moraux pour faire
avaler les pilules sur un petit monde lointain de ces quartiers du
nord-est parisiens montrés du doigt par quelques imposteurs de la
rive gauche et quelques rombières ne comprenant pas le tissus social
des quartiers populaires. Dans lesquels depuis des décennies la
misère s’y agglutine. Mais cela n’est que la crasse de cette
bourgeoisie triomphante, rapace et cynique. Le Ferrand des bonnes
affaires, surtout dans les Mutuelles, devrait soulever quelques
enquêtes auprès de ces organismes dont une part passe dans de la
publicité pour argent évaporé dans un monde clos, et jonglant avec
plusieurs milliards d’euros par an. Le scandale de la MNEF ne fut qu’un
épisode, mais comment fonctionne cet univers ? à la presse, à la
vraie de faire son travail…
Cette crise de la démocratie va au-delà du clivage, de quelques partis
allant s’éteindre ou reprendre le flambeau? Il y a beaucoup de travail
en perspective à gauche, et certaines blessures seront difficiles à
cicatriser. Ce ne sera pas la première fois dans l’histoire des
socialistes que le problème se pose, les exigences en seront plus
fortes.
Car l’entité politique n’est plus et le socialisme subit une nouvelle
rupture, où l’avenir d’un Ps falsifié, avec sa vieille garde «SFIO» et
servant d’écuries aux rejetons serviles du capital. La Royal qui se la
pète, c’est par elle que ce saut dans le vide à commencer depuis
2007, et son alter et ex. n’a fait que trahir ou mentir comme un
arracheur de dent. Comment oublier cette volaille, tant qu’elle aura
cour. Et nous en avons pour cinq ans avec Janus, monsieur double face,
son véritable équivalent jupitérien.
L’histoire ne permet pas de prédire, elle renvoie à des faisceaux, des
liens par toujours ordonnables, que le Psfio disparaisse c’est plutôt
une bonne nouvelle pour le socialisme et ce qui nous attend dans les
décennies à venir. Etre socialiste est assez loin de cette gente qui
nous a mené à avoir un président gadget ou produit de réclame. Un mois
déjà pour imprimer tout ce qui peut dégoûter de la politique. Les béni
oui-oui du socialisme animé par la seule foi de se faire élire est
l’aspect pathétique de la chose, quand vous n’êtes pas de la bonne
extraction, et que vous pensez que l’action ne se limite pas à délivrer
des chapelets de bonnes intentions ou asseoir ces messieurs dans un
fauteuil. Cette «multitude ou populace», comme pouvait le délivrer les
auteurs réactionnaires, doit s’emparer de sa propre histoire et sortir
de ce grand enfumage des consciences.
Ce tournant historique et politique, et ce n’est pas un effet de style,
ne peut se contenter à mirer l’orgie et attendre un grand soir, à part
les révolutionnaires de salon, ou que personne ne veut. La démocratie
se porte mal et nous n’en sortirons pas par des réformettes dictées
d’en haut. La casse de l’outil de travail ou plus exactement ce qui
régissait la relation employeur employé est appelé à n’être qu’un
chiffon de papier. Ce sont, toutes les structures sociales de ce pays
qui sont à revoir mais pas au prix du seul marché, ou appel à mettre en
concurrence les hommes et femmes d’une même nation.
Cette mise en oeuvre de la servilité codifiée par le patronat est une
régression sans mesure pour les travailleurs, les chômeurs et
précaires. Si les Français ne résistent pas à ce sinistre annoncé, ce
sera un peu plus d’appel aux dons pour les soupes aux pauvres et
quelques larmes pour les sans domiciles chaque hiver passant, ou haines
à l’égard des déracinés du monde. Ce à quoi nous courrons tous, faute
de démocratie et d’un peuple conscient de l’avenir de la planète et du
vivant ! Le temps est aux despotes petits et grands, de nos forces
ranimons le combat de la démocratie et du socialisme, manger bio et
recycler sa surconsommation ne pourra y suffire... faut-il en avoir les
moyens.
Billet de
Lionel Mesnard, du 19 juin 2017
NB : Je mets aussi en ligne un texte d’Aristote (ci-après) sur
l’esclavage et surtout comment s’ordonne une pensée philosophique. Cela
pose autrement le jugement et la nature de la réflexion et ce texte
vieux de plus de 2000 ans conserve toute sa force. Très loin de nos
«philosophes» des temps présents, dénonciateurs du putride, quand ils
sont eux-mêmes la source du problème et reflet de leurs petits milieux
exigus et fermés sur leurs seules souffrances égotistes. Etre incapable
de poser un problème donné avec mesure et intelligence, et maintes
précautions, ce n’est pas dans l’air des temps. Et cela ça ne s’apprend
pas qu’à l’école, ou du moins c’est du par cœur, du rapidement rejeté à
la fin des épreuves et donne de nos jours le goût à des élites
ignorantes ou agités du nombril, méprisantes et peu soucieuses de
l’intérêt général, la démocratie qu’ils assassinent un peu plus chaque
jour.
La Politique - sur l’Esclavage (Livre I - Chapitre II)
Un jeune esclave portant
le bouclier et le casque de son maître
Par
Aristote (384-322 avant l'an 0)
Traduction
de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire (1874)
Théorie
de l’esclavage naturel. - Opinions diverses pour ou contre l’esclavage
; opinion personnelle d’Aristote ; nécessité des instruments sociaux ;
nécessité et utilité du pouvoir et de l’obéissance. — La supériorité et
l’infériorité naturelles font les maîtres et les esclaves ; l’esclavage
naturel est nécessaire, juste et utile ; le droit de la guerre ne peut
fonder l’esclavage. — Science du maître ; science de l’esclave.
1. Maintenant que nous connaissons positivement les parties diverses
dont l’État s’est formé, il faut nous occuper tout d’abord de
l’économie qui régit les familles, puisque l’État est toujours composé
de familles. Les éléments de l’économie domestique sont précisément
ceux de la famille elle-même, qui, pour être complète, doit comprendre
des esclaves et des individus libres. Mais comme, pour se rendre compte
des choses, il faut soumettre d’abord à l’examen les parties les plus
simples, et que les parties primitives et simples de la famille sont le
maître et l’esclave, l’époux et la femme, le père et les enfants, il
faudrait étudier séparément ces trois ordres d’individus, et voir ce
qu’est chacun d’eux et ce qu’il doit être.
2. On a donc à considérer, d’une part, l’autorité du maître, puis,
l’autorité conjugale ; car la langue grecque n’a pas de mot particulier
pour exprimer ce rapport de l’homme et de la femme ; et enfin, la
génération des enfants, notion à laquelle ne répond pas non plus un mot
spécial. A ces trois éléments que nous venons d’énumérer, on pourrait
bien en ajouter un quatrième, que certains auteurs confondent avec
l’administration domestique, et qui, selon d’autres, en est au moins
une branche fort importante ; nous l’étudierons aussi : c’est ce qu’on
appelle l’acquisition des biens.
Occupons-nous d’abord du maître et de l’esclave, afin de connaître à
fond les rapports nécessaires qui les unissent, et afin de voir en même
temps si nous ne pourrions pas trouver sur ce sujet des idées plus
satisfaisantes que celles qui sont reçues aujourd’hui.
3. On soutient d’une part qu’il y a une science propre au maître et
qu’elle se confond avec celle de père de famille, de magistrat et de
roi, ainsi que nous l’avons dit en débutant. D’autres, au contraire,
prétendent que le pouvoir du maître est contre nature ; que la loi
seule fait des hommes libres et des esclaves, mais que la nature ne met
aucune différence entre eux ; et même, par suite, que l’esclavage est
inique, puisque la violence l’a produit.
4. D’un autre côté, la propriété est une partie intégrante de la
famille ; et la science de la possession fait aussi partie de la
science domestique, puisque, sans les choses de première nécessité, les
hommes ne sauraient vivre, ni vivre heureux. Il s’ensuit que, comme les
autres arts, chacun dans sa sphère, ont besoin, pour accomplir leur
œuvre, d’instruments spéciaux, la science domestique doit avoir
également les siens. Or, parmi les instruments, les uns sont inanimés,
les autres vivants ; par exemple, pour le patron du navire, le
gouvernail est un instrument sans vie, et le matelot qui veille à la
proue, un instrument vivant, l’ouvrier, dans les arts, étant considéré
comme un véritable instrument. D’après le même principe, on peut dire
que la propriété n’est qu’un instrument de l’existence, la richesse une
multiplicité d’instruments, et l’esclave une propriété vivante ;
seulement, en tant qu’instrument, l’ouvrier est le premier de tous.
5. Si chaque instrument, en effet, pouvait, sur un ordre reçu, ou même
deviné, travailler de lui-même, comme les statues de Dédale, ou les
trépieds de Vulcain, « qui se rendaient seuls, dit le poète, aux
réunions des dieux » ; si les navettes tissaient toutes seules ; si
l’archet jouait tout seul de la cithare, les entrepreneurs se
passeraient d’ouvriers, et les maîtres, d’esclaves. Les instruments,
proprement dits, sont donc des instruments de production ; la propriété
au contraire est simplement d’usage. Ainsi, la navette produit quelque
chose de plus que l’usage qu’on en fait ; mais un vêtement, un lit, ne
donnent que cet usage même.
6. En outre, comme la production et l’usage diffèrent spécifiquement,
et que ces deux choses ont des instruments qui leur sont propres, il
faut bien que les instruments dont elles se servent aient entre eux une
différence analogue. La vie est l’usage, et non la production des
choses ; et l’esclave ne sert qu’à faciliter tous ces actes d’usage.
Propriété est un mot qu’il faut entendre comme on entend le mot partie
: la partie fait non seulement partie d’un tout, mais encore elle
appartient d’une manière absolue à une chose autre qu’elle-même. Et
pareillement pour la propriété : le maître est simplement le maître de
l’esclave, mais il ne tient pas essentiellement à lui ; l’esclave, au
contraire, est non seulement l’esclave du maître, mais encore il en
relève absolument.
7. Ceci montre nettement ce que l’esclave est en soi et ce qu’il peut
être. Celui qui, par une loi de nature, ne s’appartient pas à lui-même,
mais qui, tout en étant homme, appartient à un autre, celui-là est
naturellement esclave. Il est l’homme d’un autre, celui qui en tant
qu’homme devient une propriété ; et la propriété est un instrument
d’usage et tout individuel.
8. Il faut voir maintenant s’il est des hommes ainsi faits par la
nature, ou bien s’il n’en existe point ; si, pour qui que ce soit, il
est juste et utile d’être esclave, ou bien si tout esclavage est un
fait contre nature. La raison et les faits peuvent résoudre aisément
ces questions. L’autorité et l’obéissance ne sont pas seulement choses
nécessaires ; elles sont encore choses éminemment utiles. Quelques
êtres, du moment même qu’ils naissent, sont destinés, les uns à obéir,
les autres à commander, bien qu’avec des degrés et des nuances très
diverses pour les uns et pour les autres. L’autorité s’élève et
s’améliore dans la même mesure que les êtres qui l’appliquent ou
qu’elle régit. Elle vaut mieux dans les hommes que dans les animaux,
parce que la perfection de l’œuvre est toujours en raison de la
perfection des ouvriers ; et une œuvre s’accomplit partout où se
rencontrent l’autorité et l’obéissance.
9. Ces deux éléments d’obéissance et de commandement se retrouvent dans
tout ensemble, formé de plusieurs choses arrivant à un résultat commun,
qu’elles soient d’ailleurs séparées ou continues. C’est là une
condition que la nature impose à tous les êtres animés ; et l’on
pourrait même découvrir quelques traces de ce principe jusque dans les
objets sans vie : telle est, par exemple, l’harmonie dans les sons.
Mais ceci nous entraînerait peut-être trop loin de notre sujet.
10. D’abord, l’être vivant est composé d’une âme et d’un corps, faits
naturellement l’une pour commander, l’autre pour obéir. C’est là du
moins le vœu de la nature, qu’il importe de toujours étudier dans les
êtres développés suivant ses lois régulières, et non point dans les
êtres dégradés. Cette prédominance de l’âme est évidente dans l’homme
parfaitement sain d’esprit et de corps, le seul que nous devions
examiner ici. Dans les hommes corrompus ou disposés à l’être, le corps
semble parfois dominer souverainement l’âme, précisément parce que leur
développement irrégulier est tout à fait contre nature.
11. Il faut donc, je le répète, reconnaître d’abord dans l’être vivant
l’existence d’une autorité pareille tout ensemble et à celle d’un
maître et à celle d’un magistrat ; l’âme commande au corps comme un
maître à son esclave ; et la raison, à l’instinct, comme un magistrat,
comme un roi. Or,
évidemment on ne saurait nier qu’il ne soit naturel et bon pour le
corps d’obéir à l’âme ; et pour la partie sensible de notre être,
d’obéir à la raison et à la partie intelligente. L’égalité ou le
renversement du pouvoir entre ces divers éléments leur serait également
funeste à tous.
12. II en est de même entre l’homme et le reste des animaux : les
animaux privés valent naturellement mieux que les animaux sauvages ; et
c’est pour eux un grand avantage, dans l’intérêt même de leur sûreté,
d’être soumis à l’homme. D’autre part, le rapport des sexes est
analogue ; l’un est supérieur à l’autre : celui-là est fait pour
commander,et celui-ci, pour obéir.
13. C’est là aussi la loi générale qui doit nécessairement régner entre
les hommes. Quand on est inférieur à ses semblables autant que le corps
l’est à l’âme, la brute, à l’homme, et c’est la condition de tous ceux
chez qui l’emploi des forces corporelles est le seul et le meilleur
parti à tirer de leur être, on est esclave par nature. Pour ces
hommes-là, ainsi que pour les autres êtres dont nous venons de parler,
le mieux est de se soumettre à l’autorité du maître ; car il est
esclave par nature, celui qui peut se donner à un autre ; et ce qui
précisément le donne à un autre, c’est qu’il ne peut aller qu’au point
de comprendre la raison quand un autre la lui montre ; mais il ne la
possède pas par lui-même. Les autres animaux ne peuvent pas même
comprendre la raison, et ils obéissent aveuglément à leurs impressions.
14. Au reste, l’utilité des animaux privés et celle des esclaves sont à
peu près les mêmes : les uns comme les autres nous aident, par le
secours de leurs forces corporelles, à satisfaire les besoins de
l’existence. La nature même le veut, puisqu’elle fait les corps des
hommes libres différents de ceux des esclaves, donnant à ceux-ci la
vigueur nécessaire dans les gros ouvrages de la société, rendant au
contraire ceux-là incapables de courber leur droite stature à ces rudes
labeurs, et les destinant seulement aux fonctions de la vie civile, qui
se partage pour eux entre les occupations de la guerre et celles de la
paix.
15. Souvent, j’en conviens, il arrive tout le contraire ; les uns n’ont
d’hommes libres que le corps, comme les autres n’en ont que l’âme. Mais
il est certain que, si les hommes étaient toujours entre eux aussi
différents par leur apparence corporelle qu’ils le sont des images des
dieux, on conviendrait unanimement que les moins beaux doivent être les
esclaves des autres ; et si cela est vrai en parlant du corps, à plus
forte raison le serait-ce en parlant de l’âme ; mais la beauté de l’âme
est moins facile à reconnaître que la beauté corporelle.
Quoi qu’il en puisse être, il est évident que les uns sont
naturellement libres et les autres naturellement esclaves, et que, pour
ces derniers, l’esclavage est utile autant qu’il est juste.
16. Du reste, on nierait difficilement que l’opinion contraire renferme
aussi quelque vérité. L’idée d’esclavage et d’esclave peut s’entendre
de deux façons : on peut être réduit en esclavage et y demeurer par
la loi, cette loi étant une convention par laquelle celui qui est
vaincu à la guerre se reconnaît la propriété du vainqueur. Mais
bien des légistes accusent ce droit d’illégalité, comme on en accuse
souvent les orateurs politiques, parce qu’il est horrible, selon eux,
que le plus fort, par cela seul qu’il peut employer la violence, fasse
de sa victime son sujet et son esclave.
17. Ces deux opinions opposées sont soutenues également par des sages.
La cause de ce dissentiment et des motifs allégués de part et d’autre,
c’est que la vertu a droit, quand elle en a le moyen, d’user, jusqu’à
un certain point, même de la violence, et que la victoire suppose
toujours une supériorité, louable à certains égards. Il est donc
possible de croire que la force n’est jamais dénuée de mérite, et
qu’ici toute la contestation ne porte réellement que sur la notion du
droit, placé pour les uns dans la bienveillance et l’humanité,
et pour les autres dans la domination du plus fort.
Mais chacune de ces deux argumentations contraires est en soi également
faible et fausse ; car elles feraient croire toutes deux, prises
séparément, que le droit de commander en maître n’appartient pas à la
supériorité de mérite.
18. Il y a quelques gens qui, frappés de ce qu’ils croient un droit, et
une loi a bien toujours quelque apparence de droit, avancent que
l’esclavage est juste quand il résulte du fait de la guerre. Mais c’est
se contredire ; car le principe de la guerre elle-même peut être
injuste, et l’on n’appellera jamais esclave celui qui ne mérite pas de
l’être ; autrement, les hommes qui semblent les mieux nés pourraient
devenir esclaves, et même par le fait d’autres esclaves, parce qu’ils
auraient été vendus comme prisonniers de guerre. Aussi, les partisans
de cette opinion ont-ils soin d’appliquer ce nom d’esclave seulement
aux Barbares et de le répudier pour leur propre nation. Cela revient
donc à chercher ce que c’est que l’esclavage naturel ; et c’est là
précisément ce que nous nous sommes d’abord demandé.
19. Il faut, de toute nécessité, convenir que certains hommes
seraient partout esclaves, et que d’autres, ne sauraient l’être nulle
part. Il en est de même pour la noblesse : les gens dont nous
venons de parler se croient nobles, non seulement dans leur patrie,
mais en tous lieux ; à leur sens, les Barbares, au contraire, ne
peuvent être nobles que chez eux. Ils supposent donc que telle race est
d’une manière absolue libre et noble, et que telle autre ne l’est que
conditionnellement. C’est l’Hélène de Théodecte qui s’écrie :
De la
race des dieux de tous côtés issue, Qui donc du nom d’esclave
oserait me flétrir?
Cette opinion revient précisément à fonder sur la supériorité et
l’infériorité naturelle toute la différence de l’homme libre et de
l’esclave, de la noblesse et de la roture. C’est croire que de parents
distingués sortent des fils distingués, de même qu’un homme produit un
homme, et qu’un animal produit un animal. Mais il est vrai que bien
souvent la nature veut le faire sans le pouvoir.
20. On peut donc évidemment soulever cette discussion avec quelque
raison, et soutenir qu’il y a des esclaves et des hommes libres par le
fait de la nature ; on peut soutenir que cette distinction subsiste
bien réellement toutes les fois qu’il est utile pour l’un de servir en
esclave, pour l’autre de régner en maître ; on peut soutenir enfin
qu’elle est juste, et que chacun doit, suivant le vœu de la nature,
exercer ou subir le pouvoir. Par suite, l’autorité du maître sur
l’esclave est également juste et utile ; ce qui n’empêche pas que
l’abus de cette autorité ne puisse être funeste à tous deux. L’intérêt
de la partie est celui du tout ; l’intérêt du corps est celui de l’âme
; l’esclave est une partie du maître ; c’est comme une partie de son
corps, vivante, bien que séparée. Aussi entre le maître et l’esclave,
quand c’est la nature qui les a faits tous les deux, il existe un
intérêt commun, une bienveillance réciproque ; il en est tout
différemment quand c’est la loi et la force seule qui les ont faits
l’un et l’autre.
21. Ceci montre encore bien nettement que le pouvoir du maître et celui
du magistrat sont très distincts, et que, malgré ce qu’on en a dit,
toutes les autorités ne se confondent pas en une seule : l’une concerne
des hommes libres, l’autre des esclaves par nature ; l’une, et c’est
l’autorité domestique, appartient à un seul, car toute famille est
régie par un seul chef ; l’autre, celle du magistrat, ne concerne que
des hommes libres et égaux.
22. On est maître, non point parce qu’on sait commander, mais parce
qu’on a certaine nature; on est esclave ou homme libre par des
distinctions pareilles. Mais il serait possible de former les maîtres à
la science qu’ils doivent pratiquer tout aussi bien que les esclaves ;
et l’on a déjà professé une science des esclaves à Syracuse, où, pour
de l’argent, on instruisait les enfants en esclavage de tous les
détails du service domestiqué. On pourrait fort bien aussi étendre
leurs connaissances et leur apprendre certains arts, comme celui de
préparer les mets, ou tout autre du même genre, puisque tels services
sont plus estimés ou plus nécessaires que tels autres, et que, selon le
proverbe : « II y a esclave et esclave, il y a maître et maître ».
23. Tous ces apprentissages forment la science des esclaves. Savoir
employer des esclaves forme la science du maître, qui est maître bien
moins en tant qu’il possède des esclaves, qu’en tant qu’il en use. Cette
science n’est, il est vrai, ni bien étendue, ni bien haute ; elle
consiste seulement à savoir commander ce que les esclaves doivent
savoir faire. Aussi, dès qu’on peut s’épargner cet embarras, on en
laisse l’honneur à un intendant, pour se livrer à la vie politique ou à
la philosophie.
La science de l’acquisition, mais de l’acquisition naturelle et juste,
est fort différente des deux autres sciences dont nous venons de parler
; elle a tout à la fois quelque chose de la guerre et quelque chose
de
la chasse.
24. Nous ne pousserons pas plus loin ce que nous avions à dire du
maître et de l’esclave.
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