L’essentialisme
politique :
Séductions et
passerelles de l’extrême droite
au sein de la société française
et des
espaces francophones
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Ce
texte avait été rédigé le 16 mars 2011, il m'a valu quelques surprises
et même une attaque de hackers contre le contenu de ce site après sa
parution en juin 2012 (sur deux autres blogs tenus par des militants
communistes). J'ai pu avoir la joie de lire certains commentaires et
même me voir attribuer une note de bas de page, du néo-conservateur et
chercheur patenté au CNRS, Pierre André Taguieff. Qui surtout n'aime
pas que l'on parle de ses liens avec la revue Krisis ou que l'on ne le
cite pas quand cela touche son domaine privatisé.
J'ai décidé de mettre cette analyse sur mon propre espace cybernétique
après moultes hésitations. Ecrire sur un tel sujet apportant son lot de
nausée et d'emmerdes, il restait à corriger deux ou trois erreurs sur
un prénom et réecrire une ligne ou s'était introduit un mot mal cité.
Chacun est libre de sa critique, cependant les enclins nationalistes et
une volonté affichée de dé-diaboliser le Front National peut
surprendre. Depuis la diffusion de cet écrit, Monsieur Taguieff trouve
ses soutiens dans une presse ultra-conservatrice. Chacun fraille avec
qui veut ! Si "chasse aux sorcières" fut menée, elle n'était pas de mon
fait.
Je n'ai pas fait du racisme et de l'antisémtisme un commerce avec de
singuliers et multiples néologismes sur la question. Toutefois et en
raison d'une actualité chaude et toujours aussi pesante dans la société
française, j'ai décidé de le publier dans sa totalité et je n'ai pas
cherché à répondre à certains détracteurs. Mon constat sur le racisme
et l'antisémitisme en France se voulait politique sur cette mélasse aux
accents fascisants ou totalitaires.
Comme du temps s'est écoulé et que le problème reste entier, autant que
ce travail de réflexion trouve sa place et en assumant pleinement des
propos sur certains ralliements idéologiques de la gauche vers
l'extrême droite la plus radicale, me limitant à certaines personnalités
publiques et ayant défrayé les chroniques ces derniers mois ou années
passées.
Lionel Mesnard, le 14 février 2015
NB : En 2005, parait sur le site amnistia.net, animé par Didier Daenincks, un dossier concernant le Réseau Voltaire : Les enquêtes interdites, un dossier et un entretien avec Gilles Alfonsi, 10 ans après : à lire ici !
Comment un réseau
d’information et de lutte anti-fasciste,de dénonciation de tous les
intégrismes, peut-il basculer au point de faire alliance avec un
négateur des chambres à gaz, au point de cautionner les pires régimes
religieux autoritaires ? Trois
ex-membres de la direction du Réseau Voltaire,qu’ils viennent de
quitter, retracent minutieusement l’histoire d’une dérive.
Par Michel Sitbon, Gilles Alfonsi et Jean-Luc Guilhem (2005)
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L’essentialisme
politique
Quand j’ai entrepris ce texte , il y a quelques mois, il était
difficilement envisageable d’en mesurer l’étendu, il restait des zones
d’ombre et de comprendre comment l’extrême droite française tentait de
jeter certains ponts en direction de groupuscules se qualifiant « à ou
de gauche ». Aujourd’hui et au vu des derniers événements, les
doutes ne sont plus, il existe bien une volonté de capter des militants
ou électeurs de l’autre camp, l’on tient selon l’assistance un discours
susceptible de faire mouche. Toutefois, le vieux vernis, le discours
anti-immigré ou anti-juif est toujours de mise. Ce n’est qu’un coup
peinture sur la façade, l’objet est de pouvoir s’accaparer un
vocabulaire étranger. Il s’agit d’une escroquerie intellectuelle, ni
plus, ni moins. Si au demeurant le contenu peut sembler cohérent, ce
n’est en fait qu’une irrationalité de plus.
Avec son élection à la tête du Front National, Marine Le Pen a pu
faire ces derniers mois faire campagne et prouver ses qualités
oratoires et un simili virage à 180 degrés sur le fonds de commerce du
discours économique ultra-libéral. Arguant que depuis plusieurs années,
elle tenait déjà ce langage, sauf que personne ou peu de monde n’a
voulu prendre en compte cette volonté de brouiller les discours. De
mettre à mal entre autres un vocabulaire issu des luttes du mouvement
ouvrier, un blabla vasouillard se nommant « anti-système ». Ne nous
trompons pas Madame Le Pen n’est pas devenue la Rosa Luxembourg du
vingt-et-unième siècle, et elle se contrefiche des masses laborieuses.
Si ce n’est que son but est de légitimer un contenu tout aussi
inégalitaire. La perfidie se camouffle dans les mots, un choix de
manipuler des opinions fragiles, et se nourrissant des excès des
espaces virtuels. Car derrière le système, il se cacherait des complots
en tout genre. Sauf que pour comprendre un ou des systèmes, il n’y a
rien de très fantasmatique à soulever. L’ordre capitaliste est le
produit d’une activité sociale, économique et politique, plus que le
fait d’individus tapis dans des sous-sols à diriger la planète. Qu’il
existe quelques allumés pensant avoir véritablement une emprise sur le
cours des choses, cela ne peut qu’interpeller sur des pathologies du
grégaire.
Rares ont été amener à dénoncer certaines passerelles. Certes, ce
furent des échanges groupusculaires, mais réelles entre les droites
extrêmes et une frange marginale de la gauche. Si la nouvelle
présidente du FN use de ce nouveau langage, on peut se demander quels
ont été les auteurs et à quelle fin ? qui sont-ils ? Et comme les
chemins mènent toujours à Rome, une petite galaxie a pris jour autour
d’une rencontre à Bruxelles en 2005 sous le nom « d’Axis for Peace »,
une drôle de réunion internationale ou si l’on peut dire fut celle de
la cour des miracles et en mélange des genres plus que douteux entre
individualités et diplomaties étrangères.
Il faut souligner l’influence qu’a pu avoir en 1989 la chute du mur de
Berlin et surtout les conflits intervenus dans les Balkans jusqu’à la
fin du XX° siècle, en Bosnie, au Kossovo et Serbie notamment. Ce fut un
point de rencontre entre ultras nationalistes des deux bords, l’une
purement d’inspiration fasciste ou réactionnaire, l’autre des restes
des stalinismes en Europe. Ce qui a pu se passer par après avec en
particulier la destruction des tours du World Trade Center en 2001,
puis, la guerre contre l’Irak n’a fait qu’accentuer cette prégnance que
le monde ne serait que le résultat de méthodes souterraines, de vérités
auxquelles nous ne pourrions accéder. Nous sommes face à une perception
paranoïaque du monde, et tout ce qui peut faire appel à la raison est
balayé. Il est difficile dans ce cas de répondre à des arguments qui
n’en sont pas. On ne peut en saisir que les liens, la sinueuse part
visant à manipuler certaines consciences. L’objectif n’est pas faire
oeuvre de morale mais de combattre des « idéologies » malsaines et
nuisibles aux équilibres de nos frêles démocraties.
La question entière reste posée, faut-il s’alerter d’un phénomène
marginal, jusqu’où et comment en dénoncer les problèmes ? Ils ne sont
pas survenus d’hier, et si l’on tente de savoir ce que la bête à encore
à nous dire d’elle-même, les fascismes européens essaient de se
dissoudre dans un bain d’ignorance. Confluences des critiques
outrancières, des peurs immatures sur l’autre, des nébuleuses
participent à la résurgence d’un fascisme coutumier du fait raciste en
prônant une inégalité au sein du genre humain. L’anti-racisme n’est pas
une conduite politique, c’est au mieux un comportement, une attitude
face à l’insondable. Il est apparu important de mettre à jour ce qu’il
en est des racismes, de cet écueil qui vise à amalgamer 7 milliards de
vivants sur ce globe, à n’être que différence ou essence d’une contrée
à une autre, comme si le fait national suffisait à faire des
populations des entités sans contradictions ou homogènes. L’on retrouve
là la prégnance du culturel, de cette absurdité à ethniciser nos
repères. C’est-à-dire et au plus simple à désincarner la citoyenneté,
quitte à s’emparer de son vocable laïque.
I – Aux sources des nouveaux racismes, ethno-différencialisme et
négationnisme ?
Nous sommes face à un difficile problème, certains chercheurs le traite
sous le nom de «nouvel antisémitisme» ou sous le terme de
«judéophobie». Bien que l’on cherche à analyser la situation actuelle
de l’antisémitisme en élaborant un vocabulaire possiblement plus
approprié, la « nouveauté » n’est pas si étrangère à ce qu’elle fut
pendant 2000 ans de persécutions et d’affabulations. Les nouveaux
antisémites y puisent allégrement leurs fondements, et ils trouvent
aujourd’hui une visibilité incomparable avec les autoroutes de
l’information pour vider leur sac d’injures et mystifications en tout
genre.
Sur la toile, il est offert à chacun de redécouvrir tout un vocabulaire
raciste. Des propos que nous pouvions supposer comme oublié : trop
souvent en lien avec les périodes les plus sombres des fascismes
européens. Hier, il était question « d’un complot juif mondial ». De
nos jours, il est fait part « d’un complot sioniste mondial ». Cette
similitude n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres termes remis à
jour. De quoi faire un lexique de ce vocabulaire renaissant et teinté
de novlangue, mais l’objet n’est pas là. On peut se demander pourquoi
ces apparentes subtilités du langage? Cependant ce vocabulaire n’a rien
de subtil, il est même à tout dire grossier et tend à se banaliser.
Pourquoi s’engager à dénoncer de tels délires verbaux, tout simplement
parce qu’en ce domaine, rien n’est anodin.
Tout pourrait concourir à un retour de l’obscurantisme, à des dérives
de plus en plus ciblées contre les juifs, mais pas seulement. On ne
peut d’un côté dénoncé le racisme anti-juif, et de l’autre ignorer les
actes ou délits commis contre les populations originaires notamment
d’Afrique du Nord et Subsaharienne. Croire qu’un racisme est sans effet
sur un autre serait absurde. L’extermination des juifs de 1941 à 1945,
a été aussi celle des tziganes, des homosexuels et déficients mentaux
ou physiques.
L’objet n’est pas de différencier les racismes, mais de trouver une
cohérence, et en quoi l’antisémitisme est la forme la plus connue et
virulente dans ses manifestations de violence. Et pourquoi, il demeure
un objet d’étude à ne pas négliger devant nous alerter sur des
nouvelles formes de propagation de thèse inégalitaire et racialiste,
c’est-à-dire organisant le genre humain, par une approche scientiste,
le plus généralement génétique et culturaliste.
L’usage du mot antisémite doit se faire avec sagesse, une précaution
utile pour ne pas tomber dans une vulgaire dénonciation. L’utiliser
c’est vouloir dénoncer une idéologie qui classifie le genre humain en «
race » et en particulier le peuple juif (malgré, une appartenance à une
entité à la fois culturelle et religieuse et non raciale). C’est à
cette forme virulente que s’attache l’antisémitisme, créer de toutes
pièces des différences qui n’ont pas lieu, et véhiculer par le biais de
l’essentialisme ou de l’ethno-différencialisme des idées nauséabondes
et dangereuses.
« L’ethno-différencialisme est un concept théorisé comme antithèse de
l’universalisme, il prône la reconnaissance de l’héritage culturel
propre à chaque peuple/ethnie par les institutions politiques, il a
pour but de rendre systématique le «droit à la différence», de
théoriser et d’identifier chaque ethnie « ethniquement pures ».
Pour les ethno-differencialistes, la ségrégation est de fait
géographique par l’histoire des différentes cultures et civilisations à
travers le monde. D’après les partisans de ce concept ils défendent
juste le respect des différences collectives, ce qui bien sur est
difficilement assimilable au racisme, au racialisme ou à une théorie de
supériorité d’une ethnie par rapport à une autre.
Cependant il met en évidence la concurrence ethnique par le retrait des
peuples sur eux-mêmes et le communautarisme laissant présager à court
ou long terme une situation conflictuelle par recherche de pureté des
racines ou d’extermination ethnique dans cette même optique (ce que
Alain Soral, proche de Dieudonné et du FN veut faire en mettant les
bases d’un « conflit racial » importé tout droit des nazis américains
». (auteur inconnu – SCALP 87)
II – Le négationnisme est de retour
La tactique est de comment démolir à la fois une mémoire et une
histoire. Elle s’articule en niant des faits, et en perpétrant de faux
documents historiques, et en faisant des victimes du nazisme un mythe.
L’on commence à expliquer que la division Das Reich en France n’a pas
été si sanguinaire dans sa fuite en avant vers le front de Normandie en
mai et juin 1944. Puis, l’on participe à la grande œuvre mensongère
consistant à contester l’existence des chambres à gaz.
Le négationnisme permet ainsi de relativiser des crimes et des
pratiques d’éliminations massives. L’on cherche ainsi à renverser les
échelles des valeurs, par exemple faire d’un néo-nazi la victime d’un
système et surtout minorer l’importance des crimes commis par les
fascismes en Europe pendant la seconde guerre mondiale. Refleurissent
de vieilles idées, et des individus, dont il est difficile de
comprendre les liens, et ce qui rassemble objectivement ce petit monde
obscur, à part de nourrir des peurs infondées et produire du complot
imaginaire.
Ces trente dernières années l’extrême droite a repris de la
vigueur dans toute l’Europe et elle est aujourd’hui présente dans de
nombreuses assemblées. Elle a su adapter ses théorisations aux temps
présents, notamment ce qui a lien avec ses conceptions racistes (pour
exemple : immigration égale chômage). Dans leur ensemble et
historiquement les extrêmes droites ont toujours organisé un type de
pensée, ou l’étranger, ou les groupes minoritaires étaient la cause ou
à la source des problèmes économiques et sociaux et la raison du déclin
de la société occidentale.
S’il n’est plus vraiment possible de décliner une supériorité de « race
», le travail entrepris par la Nouvelle Droite a été de le penser sous
l’angle de l’ethno-différencialisme, c’est-à-dire un monde organisé sur
le mode des identités régionales nationales voire continentales. Nous
sommes néanmoins loin d’une conception universelle de ce qui nous
entoure. Avec des conceptions comme l’essentialisme ou la
différenciation culturelle ou « ethnique », il est plus facile d’éviter
les mots qui fâchent. L’objet n’est pas d’en montrer la nature
profonde, la stratégie étant de brouiller les cartes et de gagner des
galons de notabilités. Si possible faire oublier les horreurs du
nazisme ou en inversant les rôles, et finasser sur la question des
lobbys, ou du « sionisme » qui pervertirait les élites.
Différencialisme ou racialisme, au final, il s’agit toujours de
contester une égalité au sein du genre humain. Par exemple l’excision,
la polygamie, c’est normal si cela se passe en Afrique, mais pas de ça
chez nous… Ce n’est pas parce que c’est une norme ailleurs que pour
autant on doit l’accepter et se replier sur de pseudo valeurs
culturelles, voire génétiques. Penser l’universel c’est pouvoir se
projeter au-delà des différences, dans l’échange et ce mouvement est
naturel du moment où il s’exprime sans référence à un ordre racial ou
culturaliste. L’égalité et la citoyenneté de tous est à ce prix.
III – L’antisémitisme, un racisme spécifique
Il est difficile face au simplisme et aux raccourcis de pouvoir
exprimer une complexité. Ce que l’on nomme antisémitisme (ou
judéophobie) est le résultat d’une réalité spécifique participant d’un
racisme particulier. Il n’existe pas une seule forme de racisme et dans
ce cas comment échapper à une hiérarchisation entre l’acte criminel et
ce qui relève du jugement de valeur. L’histoire apprend à mettre à
distance les faits, et à regarder celle des antisémitismes sur notre
continent avec attention.
Nouvel ou ancien, l’antisémite appartient à cette folie de nier une
partie de notre humanité, de son histoire et il vise à meurtrir
l’humain dans ses convictions profondes. Nous sommes face à une
approche malsaine ou le ressentiment, la jalousie, la haine de soi et
surtout des autres, et autres manifestations de rejet sont canalisées
sur un groupe humain. C’est en quoi l’antisémitisme est un racisme
mortifère. Que l’on remonte aux débuts de l’Inquisition en Espagne, des
bûchers jusqu’aux fours crématoires, l’élimination physique est
justifiée, bibles ou lois nazies en main.
Que dire à ce sujet de la France et de son histoire. Un mélange étrange
entre ce qui a pu être fait de mieux et le rôle d’un pays d’où naquit
au XIX° et XX° siècle des théorisations racialistes de gauche, puis de
droite. Il reste encore l’idée ancrée dans ce pays qu’être juif serait
de l’ordre d’une séparation en « race » du genre humain. Ce qui
n’empêcha pas dans l’imaginaire de l’immigration juive russe, polonaise
de croire en cette maxime : « Être heureux comme un juif en France » ou
« Comme dieu en France ». Ces paraboles représentaient pour des
populations ghettoïser l’espoir de trouver un pays d’accueil où l’on
pouvait exercer sa religion sans être persécuté, et même devenir un
citoyen sans distinction d’origine et à part entière.
La Révolution de 1789 ouvrit l’acquisition d’un droit plein à la
citoyenneté pour les juifs de France. Ce fut un progrès du droit et le
résultat d’une participation pleine et entière à la vie de la cité.
L’abolition de fait de toute forme discriminante était chose rare en
ces temps sur le sol européen en faveur des populations juives. Il a
fallu néanmoins plus de 15 siècles pour en arriver à une liberté et
égalité réelle en France. Jusqu’à ce que les nazis en Allemagne
engendrent la solution finale en 1941, et engagent jusqu’aux dernières
heures de la guerre l’acheminement par train des populations juives et
tziganes de toute l’Europe.
En France, sans qu’on lui en fasse la demande le régime Pétain se
subordonne et il met en œuvre un statut particulier débouchant sur une
loi anti-juive (celle du 18 octobre 1940). Une des lois les plus
strictes en Europe nazifiée, et allant au-delà des critères établis en
Allemagne nazie sur le lignage, ou jusqu’où pouvait remonter une
ascendance « juive ».
Les camps d’exterminations à eux seuls suffisent à expliquer en quoi
l’antisémitisme est un racisme propre. La nature de ce racisme à de
nombreuses origines historiques, très signifiantes concernant son
caractère meurtrier ou criminel. Tout racisme n’engendre pas
obligatoirement des violences, il se limite souvent à des préconçus et
à un ordre moral sans toutefois débouché sur une violence criminelle
systématique.
IV – Pétition pour un néo-nazi et passerelles inquiétantes
Il serait près d’un millier à avoir depuis août 2010 signé une pétition
en faveur de la libération d’un certain Vincent Reynouard
(national-socialiste) et pour l’abrogation de la loi Gayssot (1). L’on
retrouve pêle-mêle des personnalités venant des franges de
l’ultra-droite et d’autre part se réclamant de la gauche progressiste
ou radicale. Cet appel ne touche pas seulement la France, il concerne
des signataires plus largement du monde de la francophonie : Belgique,
Canada, Suisse.
Un mélange des genres que l’on peut qualifier de rarissime, mais qui
aujourd’hui a pris forme et interpelle. Si lutter contre le fascisme a
encore un sens ? Que se passe-t-il, peut-on aborder un revirement de la
gauche vers des individus et des thèses plus que sujette à caution ? On
peut, ne rien saisir de cet épiphénomène, si l’on ne cherche pas
derrière les promoteurs de cette pétition, les raisons d’une telle
fausse nécessité ? Il semblerait que la loi Gayssot porte atteinte à la
veuve et à l’orphelin, ou n’est-ce pas pour marquer une fois de plus le
terrain d’une propagande fer de lance d’un nouvel antisémitisme ?
Trois mois après son lancement, au sein de cette pétition, l’on peut
souligner la défection de Monseigneur Gaillot et de Yann Moix. Ce
dernier se voyait au côté de Robert Badinter. Ce que lui aurait soutenu
Pierre Eric Blanrue, l’un des parrains de cette initiative, ce qui
aurait été une tromperie et la raison du retrait de sa signature. Au
final, il reste des personnages plutôt fades à l’exemple de Robert
Ménard, ancien président de Reporter Sans Frontières. Cela prouve à
quel point cet homme a les idées larges, après s’être affiché des
années durant aux côtés des néo-conservateurs étasuniens. Nous
retrouvons surtout au lancement de cette pétition deux hommes, l’un
belge et scientifique, et un français, historien et auteur récemment
d’un livre sur Sarkozy et les juifs, que l’on le retrouve au sein d’un
livre dirigé par le belge Michel Collon, « Israël, parlons-en » paru
quelques mois après.
Un des deux co-signataires, Jean Bricmont est un scientifique belge, il
écrit régulièrement dans ce que l’on nomme sur Internet de manière un
peu abusive la presse alternative (2). Il n’est pas très connu du grand
public, mais il trouve une certaine audience auprès d’un public dit
altermondialiste, du moins au sein des cercles les plus en faveur des
groupes armés du Hamas et du Hezbollah. Il s’est fait connaître par
l’intermédiaire de documentaires, dont les auteurs sont très proches de
la mouvance de Dieudonné M’Balla M’Balla : les productions CLAP 36. Un
des deux co-réalisateurs, Sergio Condemi était candidat sur les listes
antisionistes pour les Européennes de juin 2009.
Jean Bricmont est ce que l’on pourrait appeler un intellectuel belge
engagé en faveur de la cause palestinienne et ses propos sont plus que
virulents contre le sionisme. Ses thèses ont régulièrement des relents
inquisiteurs. Elles sont au regard de la situation du conflit
plus que caricaturales et ses prises de positions assez grossières.
Nous avons là tout ce que le mélange de la science et de la politique
peut produire de mauvais en raccourci et travestissement de la pensée.
Si Bricmont est de gauche, il en a perdu l’usage et certains fondements
éthiques, et ne peut voir qu’un complot « anarcho-sioniste » derrière
certains écrits dénonçant ses travers. Il est l’inventeur de ce concept
absurde de « dé-sioniser » les esprits, l’on devine ainsi l’emprise que
peut avoir le sionisme sur nos consciences faibles… Si l’on dressait
une perspective avec de tels arguments, il y aurait de grandes chances
de voir fleurir des écoles de rééducation pour venir nous soulager de
ce mal, heureusement le ridicule de la chose suffit à lui seul.
Notre second parrain de l’appel est un certain Paul Eric Blanrue,
historien et collaborateur irrégulier à la revue Historia. Si l’on s’en
tient à certaines biographies existantes sur le web, l’on découvre une
adhésion au PFNE (ancien groupuscule néo-nazi), quelques participations
à une feuille de choux monarchiste lorraine, mais Blanrue précise qu’il
a pris depuis quelques années sa carte au PCF. On pourrait l’assimiler
à un Alain de Benoist, dans sa volonté de brouiller les cartes,
c’est-à-dire éviter de trop mettre en avant un passé clairement
fasciste.
P.E. Blanrue est l’une des pièces importantes d’une stratégie visant à
casser ce que l’on appel les repères gauche-droite. Il ne cache pas
dans un entretien donné en 2010 aux productions Clap 36 son ambition.
Il met sur le même plan la seconde guerre mondiale, et le conflit
israélo-palestinien… Et pense ouvertement que comme du temps de la
résistance, il faut réaliser une large alliance allant de l’extrême
gauche à l’extrême droite. On ne peut être plus clair, en mentionnant
toutefois que nous sommes plus en 1940-1945, et qu’il est bien loin
d’être une figure titulaire du parti des « 75 milles fusillés ».
L’on retrouve aussi comme pétitionnaire l’ineffable Alain Soral, se
réclamant « marxiste », mais ayant appartenu aux instances du Front
National. Sexiste reconvertit à l’antisionisme, il est comme son
compère Dieudonné un pur produit médiatique. Il n’y a pas en soit à se
poser de questions quant à leurs attaches récentes à des cercles
extrêmes droitiers, chacun peut constater que ces deux personnes n’en
sont pas à leurs premières équivoques. Le doute ne peut avoir lieu
concernant des prises de paroles et écrits que l’on retrouve à
profusion sur la toile. Ils cherchent à imposer une approche raciste
par l’« antisionisme ». Avec l’appui de la Syrie et de l’Iran, nos
phares de la pensée participent à des campagnes de désinformations et
illustrent par le soutien qu’ils accordent à Vincent Reynouard, un
basculement idéologique qui n’a rien de comique.
Le dernier signataire et qu’il vaut mieux traité en dernier est Noam
Chomsky. Que vient-il faire dans cette galère ? que penser de cet
intellectuel étasunien de renom international souhaitant imposer un
point de vue au nom de la liberté d’expression, du moins la sienne et
vue du Massachusetts ? N’est-il pas dans cette affaire le moins à même
à porter un jugement critique ? Il ne connaît rien au problème des
négationnistes, il le dit ou le fait écrire. Il a passé ces dernières
années à s’expliquer de son raté d’écriture en prenant en 1980 sa plume
pour soutenir Robert Faurisson à la demande de son ami négationniste
Serge Thion.
Certes Noam Chomsky s’est expliqué maintes fois sur le sujet, mais ne
pourrait-il pas lui aussi faire un examen critique ? C’est-à-dire qu’il
s’administre à lui-même ce qu’il développe par ailleurs sur une
certaine vision impériale du monde. A moins, qu’il ne partage le
point de vue de tous les signataires, et pense que Vincent Reynouard
est une victime, quand il est l’auteur de plusieurs délits concernant
des falsifications historiques et une appartenance à ce que l’extrême
droite à de plus radical, et contraire aux principes et lois de
nombreux européens. Si Chomsky sait, le monde entier doit évidemment en
faire de même pourrait-on penser. On ne traite pas un sujet à la lueur
du particularisme étasunien, et l’on peut avoir une position contraire,
et pensé que l’incarcération de Vincent Reynouard est un acte de
justice légitime et que la loi Gayssot est loin d’être une loi
liberticide.
V – Les temps sont-ils « rouges-bruns » ?
L’objet de ce texte n’est pas de mener une enquête sur ce que l’on
désigne sous le phénomène « rouge-brun », et sa variante verte pour
l’islamisme. Cette terminologie ne recoupe pas grand-chose, plus
exactement il s’agit d’une réalité relativement marginale. Néanmoins,
il ne faut pas prendre le ou les phénomènes à la légère, et rien
n’empêche d’observer, d’analyser les problèmes posés, et qui sait de se
préserver de certaines situations toxiques. Sans oublier que nous
traversons une crise profonde des systèmes financiers et du capitalisme
en général. Dans un tel désordre économique et social, comment ne pas
se soucier de tels basculements intellectuels et idéologiques ?
Il est manifeste que l’on trouve des convergences ici ou là, soit
quelques poignées d’individus qui ont perdu leurs ancrages à gauche et
vivant pour certains dans une quête au vedettariat. Il s’agit de
quelques tristes sires, pour certains médiatiques surfant sur la vague
putride de la négation et du racisme le plus excluant qui soit. Ils
disposent de publications et de relais sympathisants, et leur arme
favorite est la dénonciation d’individus, de groupes sociaux ou
religieux par la propagation de théories fumeuses.
Les deux groupes notamment en cause ont choisi de rejoindre les franges
les plus radicales du fascisme hexagonal. Il y a d’une part, les
militants au sein de Riposte Laïque et le trio antisioniste Dieudonné,
Soral et Meyssan. Ces derniers tentent sous une apparence de gauche et
de surcroît anticolonialiste, de faire croire qu’ils sont acteurs de la
lutte contre le système capitaliste… Dans les deux cas c’est une
rhétorique à deux sous et la question est de savoir, s’il y a lieu de
leur faire de la publicité, ou d’informer sur l’essentiel ?
Ces dernières années, à la question des « rouges-bruns » est venu se
surajouter la composante verte, c’est-à-dire islamiste. La présence
répétée du théologien Tarik Ramadan lors de rencontres avec certains
groupes de l’altermondialisme, et même comme invité du Forum Social
Européen à Paris en 2004 a soulevé des interrogations et des
indignations. Ses liens avec les fondamentalistes, son double discours
faussement universaliste ne doit pas faire oublier qu’en sa personne
s’exprime la composante des frères musulmans en Europe, un courant
égyptien islamiste dès plus radical.
Si Tarik Ramadan arrive à se faire passer ici pour un progressiste.
Quand il s’agit de la lapidation dans le monde musulman, il ne condamne
rien, et demande mollement un moratoire. Nous trouvons là un discours
essentialiste qui s’adapte aux lieux et aux auditoires. Cela n’a rien
de très universel que de vouloir découper le genre humain en tranches,
et en fonction de certaines spécificités religieuses. Néanmoins dans le
cas précis de Ramadan rien ne permet de le rattacher à des mouvances
extrêmes droitières, il faudrait dans son cas parler d’un phénomène «
rouge-vert », qui n’a rien de très écologique… mais d’un goût très
immodéré pour l’opium du peuple et du souverainisme, quitte à soutenir
des théocraties.
La seule véritable jonction que l’on a pu observer s’est produite au
début des années 2000 chez les Verts. Aussi étonnant soit-il, c’est par
l’organisation écologiste que des rapprochements vont se faire, non
seulement avec des courants islamistes, mais aussi franchement
révisionnistes. Ce petit monde sera rapidement exclu des instances
nationales et locales des Verts (2001). On retrouvera plus tard cette
composante « verte-brune » sur la liste Antisioniste de Dieudonné et
d’Alain Soral lors des élections européennes de 2009 en région Ile de
France.
Il faut avoir à l’esprit que durant les années 1990 nous allons
connaître, non seulement la 1ère guerre du Golfe, mais surtout des
guerres sur le continent qui vont opposer dans les Balkans le réveil de
certaines nationalités en réaction au régime serbe post-communiste de
Milosevic. C’est dans ce bourbier politique et suite à l’écroulement du
mur de Berlin que des militants d’un communisme très conservateur vont
tout simplement refuser ou s’opposer aux changements en cours et se
réfugier dans une approche ultra-nationaliste et en faveur d’une grande
Serbie au sein des franges les plus conservatrices des partis
communistes. Si l’on peut identifier la composante rouge, néanmoins
minoritaire, c’est dans le déni de l’écroulement du système soviétique
qu’il a pris terreau et dans un repli sur la nation.
Afin d’être au plus près de la vérité, il n’existe pas d’alliances
globales qui iraient de la gauche communiste à l’extrême droite.
Cependant de tout temps et rarement à des époques anodines, des hommes,
des femmes peuvent changer de camp, et passer du jour au lendemain de
l’autre côté de la barricade… Et le mouvement peut se faire dans les
deux sens de l’échiquier politique. Mais le problème n’est pas là et
nous nous éloignons du sujet de fond.
Pourquoi en 2011 sommes-nous toujours et encore à répondre aux mêmes
questions sur la question du racisme et de l’antisémitisme ? On ne peut
négliger ces questions, tant elles font encore débat et laissent place,
à beaucoup d’ignorance et à de nombreuses dérives. Qu’ils puissent
exister de nos jours des convergences « rouges-brunes », elles méritent
que l’on s’interroge. Il n’y a rien d’anodin à ce que des petites
chapelles à l’origine de gauche puissent mener bataille commune avec
l’ultra-droite, c’est assez révélateur d’un climat malsain et pouvant
porter à confusion.
Ce qui peut nous préoccuper avec le phénomène « rouge-brun » en 2011,
c’est en fait le passage récent de quelques groupes et individualités
se réclamant de la gauche du côté des droites extrêmes. Ce n’est pas un
mouvement de foule, mais cela n’est pas totalement sans conséquences
sur le débat public et en particulier ce que nous pouvons lire sur
Internet, via des médias de basse propagande se réclamant alternatifs,
pour comble du cynisme.
De plus, rien ne dit que ce mouvement ne prenne pas plus d’ampleur, ou
du moins que la portée négative de leur discours ne finisse pas par
devenir monnaie courante. Ce mouvement souterrain est le fait au plus
de nos deux galaxies partisanes, où s’agitent d’un côté des militants
racistes anti-arabes ou musulmans, et de l’autre des antisémites sous
couvert d’antisionisme. Ils trouvent un écho qui va bien au-delà de ce
qu’ils représentent sur les autoroutes de l’information, et se
mélangent de plus aux composantes « complotistes » existantes et très
présentes sur la toile.
VI – Un air de déjà vu…
Ce n’est pas la première fois que des individus marginaux en petit
nombre et venant de la gauche passent ainsi armes et bagages chez
l’ennemi de classe. Il faut remonter aux années 1970 pour trouver un
équivalent avec la librairie « de la vieille taupe ». L’histoire de
quelques activistes gauchistes qui rejoindront les théories qu’un
certain Pierre Guillaume rédigera. Ce même personnage publiera en 1979
un ouvrage niant l’existence des camps d’extermination dans une revue
dont le nom faisait référence à l’ancienne libraire (fermée en 1972).
L’on trouve ou découvre dans le même sillage et les mêmes années le
futur pape du négationnisme français. Robert Faurisson n’est pas
historien de formation et s’attaque tout comme Pierre Guillaume à
l’époque à un sujet peu abordé dans les médias ou les travaux
historiques, l’extermination des juifs en Europe de 1941 à 1945, ou ce
que l’on appelle la solution finale. En janvier 1979, Faurisson
rédige une lettre qu’il adresse au journal Le Monde : « Le
Problème des chambres à gaz, ou la rumeur d’Auschwitz »
Dans la même veine, en 1978, Darquier de Pellepoix, ancien commissaire
des Affaires Juives sous Vichy déclara tout de go depuis son exil chez
Franco, que les chambres à gaz étaient pour éliminer des poux : « Je
vais vous dire, moi, ce qui s’est exactement passé à Auschwitz. On a
gazé. Oui, c’est vrai. Mais on a gazé les poux. » (déclaration faite à
un journaliste de l’Express). A l’époque, la polémique fut importante,
mais les tenants de ce type de thèses restèrent marginaux et sans
réelles prises sur la société. Il existait quelques groupuscules
néo-nazis formels et informels tout au plus, dont la FANE, qui fut
dissoute par décret en Conseil des Ministres en 1980. Les déclarations
de Darquier de Pellepoix ouvriront un débat au sein de la société
française sur l’opportunité à laisser de tels propos et de telles
thèses circulées librement.
Ce qui ne fut à l’origine qu’un phénomène très parisien a finalement
perduré jusqu’à aujourd’hui en la personne de Robert Faurisson. On peut
considérer que ses outrances, ses mensonges ont pris depuis
quelques années une certaine ampleur, sans non plus croire à sa
massification. La raison est simple, l’apparition d’Internet a facilité
la circulation de textes « révisionnistes » qui jusqu’à là circulaient
dans un monde assez restreint.
Le petit monde « rouge-brun » a pu ainsi s’élargir et surtout prendre
forme et grossir sur le dos du conflit israélo-palestinien et les
attentats contre les tours jumelles du World Trade Center, du 11
septembre 2001. De plus le phénomène « révisionniste » n’est plus
seulement parisien, il trouve un écho en Belgique, en Suisse et au
Canada. Là ou le français à ses sources, nous avons notre petit lot de
conspirateur en puissance qui veille pour nous.
Le pape du conspirationnisme, Thierry Meyssan est un personnage
énigmatique. Journaliste et écrivain et co-fondateur du réseau de
presse Voltaire, il est celui par qui circule ces dernières années, les
théories les plus machiavéliques ou paranoïaques C’est un excellent
propagandiste, et le caméléon du trio qu’il compose avec Alain Soral et
Dieudonné. Si l’on s’en tient à sa biographie sur wikipedia, quel
étrange personnage. Son parcours personnel et politique à tous les
accents d’un opportunisme hors norme, ou l’art de s’adapter en toute
circonstance. C’est un des personnages clefs et central d’une histoire
qui a bien des allures de roman d’espion ou voulues pour telles, ou ce
à quoi peut ressembler de loin ou de près des intérêts diplomatiques à
l’échelle de notre monde. Un mélange des genres qui donnent un peu le
vertige.
Comment à partir des années 1990 cet homme a pu passer des Radicaux de
Gauche, puis dans les années 2000 servir de « sherpa » à Chirac, puis
devenir un commissionnaire de la Syrie et de l’Iran ? Le tout en se
faisant passé pour un altermondialiste bon teint et à la tête d’une
agence de presse alternative reconnue jusqu’en Amérique Latine et dans
les pays Arabes. On peut avoir du mal à comprendre comment en plus il
entretient de très bon rapport avec des néo-staliniens et certains
groupes de l’ultra-droite. Le ciment de cette affaire est le
nationalisme et de comment depuis la fin de l’Union Soviétique notre
monde a évolué, et à ce jeu de la girouette en géopolitique Thierry
Meyssan est un habile personnage. Il vit actuellement au Liban.
Meyssan use et s’ajuste aux discours ambiants, que l’on trouve en
abondance sur internet et relayer par différentes composantes
nationalistes rouges et brunes. Il est suffisamment habile pour que ses
informations soient en partie vraies, pour que rentre en compte l’art
du travestissement. Si 50% du discours peut avoir une cohérence, même
des fondements, le reste est un pur travail de manipulation. Il faut
saluer l’artiste, s’il doit vendre tel régime du tiers-monde peu enclin
aux libertés publiques, il vous vendra l’oppression exercée par les
Etats-Unis, et de la nécessité d’appuyer sur une stratégie
souverainiste ou multipolaire. Dans ce cas, il devient possible d’être
l’allié de gens qui vont de l’extrême gauche à l’extrême droite, comme
il l’assure dans le cadre d’un entretien qu’il a donné en 2009 à son
ami Alain Soral. L’on retrouve avec Paul Eric Blanrue la même idée
d’une convergence contre l’ennemi étasunien et sioniste, et de fait la
même déclinaison dans toute cette architecture conspirationniste.
C’est un peu comme à la foire à la ferraille, le monde de la
conspiration, à chacun sa petite paranoïa en bandoulière. Tout ce qui
nous est caché est suspect, parce que les médias ne disent pas tout,
comme si les médias avaient quelque chose à nous raconter… C’est en
soit une réinvention du café du commerce à l’échelle planétaire. C’est
cocasse, parfois drolatique, mais au final nous trouvons une
récupération politique qui elle n’a rien de dôle et pouvons finir par
nager dans le sordide de la négation et du racisme. Et le premier
vecteur de malveillance s’organise dans la transmission d’informations
erronées et de faire croire à un travail scientifique ou
journalistique, quand il s’agit tout simplement de faux ou des objets
de propagandes.
Le « conspirationnisme » a sérieusement envahi la toile et les délires
sont nombreux. Il est difficile d’en relater toutes les dimensions de
ces objets paranoïaques. Chacun peut y trouver ce qu’il veut, de la
soucoupe volante à la fin du monde en 2012, en passant par liens entre
l’affaire Dutroux et les réunions de Bildeberg, on peut se construire
son petit complot à soi et ouvrir son blog sur le mode de « on nous
cache quelque chose ». Entre les médias conventionnels ou dominants et
nos apprentis sorciers, il devient difficile de faire le tri du
vraisemblable, et la source à laquelle il est possible de se fier.
Ces groupes malintentionnés nuisent à la circulation d’une information
fiable. On peut partir d’un élément tout simple à saisir, nous vivons
une régression intellectuelle et sociale profonde, plus prosaïquement
une mutation, dont il est difficile d’en relater les vrais contours. Et
avec l’outil de communication qu’est Internet, cela ne peut que
favoriser des théories relevant d’une entreprise de manipulation
mentale.
Le but n’est pas de démentir tous le lot des inepties, la vérité est
ailleurs. Du moins si l’on pouvait s’épargner le pathologique de la
chose, et la vacuité de certains articulets haineux, très propices à
l’insinuation, à la dénonciation et à l’insulte. La décennie 2010 aura
fait naître des prises de conscience, mais aussi un retour inquiétant
de l’irrationnel dans le débat public.
L’entrée dans ce nouveau siècle est rude, les perspectives affolantes.
Et, toute personne un peu lucide est en mesure de comprendre que c’est
toute une partie du savoir qui est entrain de s’écrouler sous nos yeux,
car soumise à l’immédiat. Mais l’enjeu reste néanmoins à transmettre
des petites parts de vérité ou plus modestement tenter de comprendre.
Ne pas tomber dans la parodie et chercher à en expliquer les causes.
Il est difficile de nier la naissance de nouveaux racismes, voire
ostracismes à l’égard de minorités religieuses ou culturelles.
L’antisémitisme et le racisme et ses différentes coutures connaissent
un regain inquiétant. Ils trouvent une amplification, dans un univers
du tout consommable. Donc nous sommes un peu de l’incapacité de porter
une contradiction face à des problèmes de fond. Comment combattre ce
qui n’a pas lien avec la raison ? Et qui se nourrit dans la haine de
l’autre comme d’une banalité.
Il n’y a rien de banal et il faut chercher à comprendre comment au
final se conditionne l’information sur la toile. Comment il n’est pas
si compliqué de mettre en ligne de fausses théories, si l’on peut
vraiment utiliser le terme de théorie. Le sulfureux est triomphant,
l’info qui aguiche est victorieuse, le but est d’attirer une masse de
lecteurs perméables, et dans ce dédale à quel auteur se fier ou pas ?
VII – A qui profite le crime ?
Ces
dernières années, le Front National a entrepris une opération de
séduction en direction des électeurs de gauche. Le dernier livre de
Marine Le Pen « à contre flots » a de quoi mettre en éveille, et en
premier lieu se demander pourquoi ce titre ? Peut-être vous n’avez
jamais lu ou entendu parler du livre ou d’une édition de Lénine sous le
titre « à contre courant », cela en dit long sur la nouvelle stratégie
du Front National et d’une partie de l’extrême droite. Quand Marine
Le Pen dit que le FN, n’est ni de droite, ni de gauche, elle participe
à la confusion des esprits. Et il n’y a pas de hasard à entendre un
discours anti-système, quand ils sont fondamentalement porteurs et
agents de ce système.
Il faut pouvoir se replonger ces trente dernières années pour
comprendre certaines mutations des droites extrêmes. En 1974,
Jean-Marie Le Pen fait moins de 1% des voix aux élections
présidentielles. Son travail va consister à rassembler autour de lui,
toutes les familles politiques allant grossièrement des royalistes aux
pétainistes, en passant par les intégristes, les paganistes et les
anciens de l’Algérie et de l’Indochine française. Il faut préciser
qu’en France l’extrême droite a de très fortes identités politiques et
qu’il est difficile d’en préciser tous les courants, tant ils furent
nombreux et disparates, à l’exemple des défilés du FN chaque année, le
8 Mai à Paris.
C’est à la même époque que vont se créer des passerelles entre la
droite et l’extrême droite (Club de l’Horloge, le GRECE) permettant
ainsi de recycler de jeunes cadres de la droite la plus ultra vers une
droite respectable, que l’on retrouvera notamment au sein de l’ancienne
UDF de Valéry Giscard d’Estaing. Ce qui est probablement le plus
fondamental, il est entrepris un travail de réflexion. Il va devenir le
fonds théorique de ce que l’on appelle la Nouvelle Droite. Nous
trouvons au centre de ces thèses, un de ses théoriciens en la personne
d’Alain de Benoist (responsable de la revue Krisis).
Il faut attendre l’arrivée de la gauche au pouvoir dans les années
1980, pour que le FN remporte ses premiers succès électoraux, notamment
pour son leader dès 1983 aux élections municipales, dans le vingtième
arrondissement de Paris. JM Le Pen atteint près de 10 pour cent des
voix, et c’est en 1985 aux élections européennes que la première douche
froide commence avec un résultat à l’échelle nationale d’environ 9%.
Des résultats comparables n’avaient pas existé depuis les années 1950
et ce que l’on appela le poujadisme. Depuis le FN s’est enraciné dans
le paysage politique français, et même si en 2007 il a subi de sérieux
revers, il reste indéniablement présent et actif. Et le passage de la
couronne du père à la fille, ne doit pas nous faire oublier la menace
d’un fascisme cocardier.
De Benoist est un intellectuel que l’on peut qualifier de brillant,
mais quoi que l’on veuille, il est une des figures emblématiques des
droites extrêmes. Depuis longtemps, il n’a pas hésité à établir des
contacts auprès d’intellectuels de gauche, et feindre de ne pas vêtir
les vieux habits des fascistes français.
Pourtant quand on connaît ce que peut être l’essentialisme comme
vecteur idéologique entre Alain de Benoist et Marine Le Pen, il y a à
craindre d’une perception que l’on se forge uniquement si l’on regarde
notre monde d’après un ordre raciste et culturaliste. Et surtout, cela
ne remet en rien une lecture politique différente des réalités et une
opposition entre ce qu’est la gauche ou la droite. Les questions
sociales et économiques sont normalement au centre des analyses à
gauche, et certainement pas en des référents raciaux, voire ethniques.
VIII – Au nom de la liberté d’expression peut-on tout dire?
Cette question n’est pas anodine et l’on souhaiterait pouvoir y
répondre par un oui. Certains n’hésitent pas à citer à ce sujet
Voltaire : « Je désapprouve ce que vous dites, mais je défendrai à la
mort votre droit à le dire ». Pourtant, ce qui semblerait être une
évidence ne l’est pas. La question est de savoir si l’on peut tout
dire, tout écrire et justement ce n’est pas le cas.
L’idée d’une liberté d’expression totale est souvent une réflexion
philosophique, voire utile à l’expression artistique, mais, on en
oublie le plus souvent la question du droit. Une société démocratique
s’appui sur des règles civiles, et pour que la liberté d’expression
soit respectueuse de l’expression du plus grand nombre, elle doit par
le droit définir la liberté commune et si besoin est y mettre des
interdits.
Une société sans interdits n’a jamais existé et n’a aucune raison de
voir le jour, pire, elle serait tout sauf un état de droit. Si certains
pays en Europe ont choisi d’avoir en matière de racisme, ou
d’antisémitisme des législations rigoureuses. Cela n’est pas le fait du
hasard. Le continent européen a connu une histoire douloureuse, et quoi
que certaines expressions veuillent, certaines idées nuisent aux débats
publics en propageant des idées de haine et de violence.
Nous sommes dans un contexte spécifique et difficile, ou il faut parler
d’une banalisation des propos et idées racistes, et le premier des
relais trouve place au sein des autoroutes de l’information. À
l’origine lancé par le gouvernement, le fameux débat sur l’identité
française a permis la levée de certains tabous et que se répande
notamment sur la toile des propos affichant clairement une haine des
musulmans et des juifs de France, et d’ailleurs.
Le dernier fait en date, ou des ministres, un président de la
République, des médias finissent par amalgamer les populations nomades
de souche française (ou gens du voyage) aux Roumains d’origine Rom,
parachève le caractère discriminatoire, qu’il y a à désigner à la
vindicte de faux coupables, qui dans l’imagerie nationale renvoie « aux
voleurs de poule » et autres phantasmes.
Le pouvoir s’attaquant à un des groupes les plus discriminés en Europe
ne fait que réveiller les haines souterraines de nos compatriotes. La
manœuvre n’a que pour but de glaner quelques voix ou militants zélés.
Certes, nous sommes loin de ce qui se passa dans les années 1930. Mais
sur le fond et à force de désigner un groupe ou de tenter de les
opposer on permet que s’expriment ouvertement des opinions plus que
condamnables. Et nous ne sommes pas en reste sur la gauche de
l’échiquier, quand certains maires socialistes trouvent pour seul
remède d’expulser, sans comprendre les racines de l’exclusion des
populations Rom de l’Est européen.
Il serait peut-être temps de poser l’ensemble des problèmes et de se
poser la question de la présence en France de groupes dits minoritaires
et de comment à gauche comme à droite, l’on trouve des raccourcis plus
que surprenant. Ils s’expriment en général sur le mode de la
généralité, la désignation d’un groupe où tout serait homogène. Il faut
pour cela faire attention au langage. Un musulman serait ceci, un juif
cela, mais on se pose rarement la question de tous les individus dans
cette masse, de leurs droits en tant que citoyens.
Quoi que l’on fasse, l’individu n’est pas uniforme et sans pour cela
faire appel à des marges. Car chaque individu qui compose une minorité
n’est pas obligatoirement appelé à ressembler aux clichés, aux
stéréotypes courants, du moins il se conjugue parfaitement à l’idée que
nous nous pouvons nous faire d’une République « une et indivisible ».
Qu’ils se nomment Farid, Luc, ou David ou Yasmina, Jeanne, ou Salomé,
ce petit monde vit dans un même et seul pays, et ils se ressemblent
pour beaucoup. Les maniaques qui sont à la recherche de différences
culturelles se mettent le doigt dans l’œil.
La jeunesse française est bien plus homogène qu’on ne le croit.
L’identité est quelque chose de très complexe et d’intime, les réalités
font que les choix de modes de vie sont dans l’ensemble plus basés sur
des critères personnels que collectifs. Nous souffrons surtout des
conséquences d’un individualisme qui met en compétition les individus
entre eux. Une femme ou un homme ne peut pas se construire sans repère
collectif, sans lois communes. Sinon ça n’a qu’un seul nom et cela
s’appelle la barbarie.
Il y a plutôt à se poser la question, pourquoi des minorités politiques
pour certaines groupusculaires tentent d’imposer un regard souvent
erroné de notre société. Pourquoi ils ont tout intérêt à appuyer là ou
ça fait mal ? D’en rajouter pour que la machine à fabriquer du
spectacle les porte au-devant de la scène.
IX – La question de l’antisémitisme à gauche ?
En dehors du travail récent de l’historien de gauche Michel Dreyfus
(3), il faut reconnaître que le sujet été peu abordé ou mal compris. Le
but n’est pas de crier au loup et lancer l’anathème sur l’ensemble de
la gauche française, voire européenne. Il y a en ce domaine à se méfier
aussi des généralités. Et, justement pour ne pas tomber dans ce piège,
il faut pouvoir en comprendre les causes et les origines de
l’antisémitisme à gauche.
La référence première en général se situe avec l’affaire Dreyfus, mais
les racines de l’antisémitisme à gauche sont bien plus anciennes au
sein de mouvement ouvrier, et ont perduré via certains groupuscules.
L’objet n’est pas de chercher dans notre histoire passée des faits et
les comparer avec ceux d’aujourd’hui. Il faut écarter donc tout
parallèle historique, mais constater de nouvelles formes ou courants
politiques au sein de la gauche renouant avec cette tradition : le
socialisme des imbéciles.
Marx a connut de son vivant des attaques très claires sur ses origines,
notamment de la part de Bakounine. Paradoxe pour Marx, il a connu tout
au long de sa vie quelques campagnes infamantes, pour un homme qui se
réclamait athée, dont le père avait choisi de se convertir au
protestantisme. Il se voyait ramené via la figure religieuse à celui du
« juif culturel » ou imaginaire, et le renvoyait à une mélasse
identitaire qui ne le concernait pas. Si l’on cherche à comprendre à
quoi peut ressembler un juif culturel, c’est tout simplement le visage
de tout à chacun ramené à ses origines, et qui dans certaines
circonstances historiques est amené à prendre conscience qu’il est «
juif » au regard des autres.
Il existe un antisémitisme meurtrier connu sous sa forme la plus
virulente, qui est lié à l’histoire des extrêmes droites et des
fascismes en Europe, et qui a conduit au plus grave crime contre
l’Humanité du vingtième siècle, c’est-à-dire la Shoah. Mais n’objecte
t-on pas un peu trop facilement l’existence d’un antisémitisme de
l’autre bord de l’échiquier politique. Il y a comme une évidence,
pourquoi dans ce cas ne pas prendre le problème à bras le corps et
l’aborder de face ?
L’antisémitisme en France et à gauche n’a pas eu de fait un caractère
criminel, mais il est relativement présent et ancré par l’idée du juif
lié à l’argent et aux pouvoirs. Avec le conflit israélo-palestinien, il
existe plus que des malentendus pour ne pas dire de gros malaises. Et
ils ont commencé dès 2003 dans les manifestations contre la guerre en
Irak.
Que l’on condamne les exactions du gouvernement israélien, rien de plus
normal. L’état d’Israël est à l’égal de toutes les nations de ce bas
monde. Ses politiques sont non seulement critiquables, mais
condamnables. Mais quelles sont les raisons qui poussent certains à ne
regarder que partiellement la vérité, à chercher un bouc émissaire tout
désigné ? C’est dans ce type de situation que nous pouvons nous
interroger sur l’antisémitisme à gauche, tout comme nous devons le
faire pour toute forme racisme.
Doit-on faire silence quand il y a un mélange des genres et quelques
passerelles, entre des groupuscules gauchistes ou néo-staliniens et
néo-fascistes et intégristes religieux ? Ces ensembles groupusculaires
se rejoignent le plus généralement autour de la cause palestinienne, et
appellent ni plus ni moins à la destruction de l’Etat d’Israël, et
lâchent à tour de bras leurs haines des « sionistes ». Il y a de quoi
tout de même être troublé quand ils propagent des informations
outrancières et malveillantes. Certes, ils ne représentent pas
grand-chose, mais ils polluent le débat public, notamment celui qui a
lieu dans l’espace francophone.
Le but de ce texte n’est pas d’orienter vers un de ces sites pour
lesquels aucune publicité ne vaut et surtout gratuite. Il n’est pas la
peine d’en faire de faux martyres d’une cause détournée. De plus, les
médias alternatifs rigoureux ne sont pas légions depuis le 11 septembre
2001. Le récit d’un sionisme à l’origine de tous les maux de notre
société et du complot maçonnique à chaque coin de rue a pris une
dimension inquiétante. On a vu aussi fleurir une presse dite de gauche,
ou laïque, de lourds accents nationalistes et affichant un rejet
manifeste des musulmans, et n’hésitant pas à fustiger ceux qui pensent
autrement, au lieu de déconstruire des modes de pensée à rebroussent
chemin et en lien avec les temps présents.
Il
y a un moment, ou il importe de casser la chaîne et de tenir à
distance les agités du moment. Il existe à gauche un discours malsain,
qui vise à tout réduire. Et il se trouve aussi bien au sein du Parti
Socialiste qu’aux extrêmes. Le mirage selon lequel la gauche serait de
nature anti-raciste n’a jamais été chose gagnée. Quand ce n’est pas
l’antisémite bon teint qui s’exprime, sous couvert de non-dits et de
sous-entendus. Il est aussi de bon ton de stigmatiser. Trop de noirs ou
d'arabes et ordre donné de filmer les « blancos » (cibles en espganol)
pour masquer les failles de la mixité. (Correction 2015 - Ndr).
Le racisme trouve ainsi de nouveaux canaux, de nouvelles oppositions à
mettre en scène. Le racisme est un mal universel, tout comme sa
déclinaison antisémite. Cela repose le plus souvent sur une
méconnaissance des réalités, et de ce qui fait notre réel. Le racisme
se construit sur des fantasmagories qui attribuent à tels ou tels
groupes des différences, une manière de se comporter ou de penser.
Comme si un comportement, qui plus est individuel pouvait être
comparable à une masse que l’on voudrait uniforme, et qui ne l’est pas
et dans aucun lieu du monde.
X – La France dans son ensemble n’est pas raciste
Tous nous avons un libre-arbitre et notre propre mode de pensée et
d’analyse. La France dans son ensemble n’est pas raciste, mais à gauche
il reste du chemin à parcourir pour dépasser ce qui devrait être une
chimère. Que peut-on construire de solide, et sur un mode altère et
sans limiter chaque femme ou homme à son plus commun dénominateur.
Au nom de la liberté d’expression, il faudrait permettre que se
répandent toutes les idées, il y a à ce sujet plus qu’un doute. Si la
loi ne vient pas justement ouvrir des droits à l’expression de tous, au
nom de cette liberté, il ne peut autoriser ce qui est contraire à la
Loi. Si le racisme tout comme l’antisémitisme ne trouvait pas des lois
pour les condamner, il y aurait fort à craindre des relents nauséabonds
courants et violents.
Qu’un ministre qui est plus est de l’intérieur soit en instance pour un
procès pour une dérive raciste est symptomatique d’un malaise. Ou le
bouc émissaire – qu’il soit musulman, noir, juif, ou tzigane a toujours
quelque chose à se reprocher, car non conformes. Nous sommes face à
quelque chose qui est de l’ordre de l’instinctuel, ce n’est pas l’homme
qui parle, c’est l’ignorant qui s’exprime. Il ne vise qu’à opposer le
genre humain, à nous faire croire que Joseph, Mohamed, ou Elise
n’appartiennent pas vraiment à un ensemble social et républicain
commun, qu’il soit d’ici ou né ailleurs.
Nous avons connu ces derniers temps des redites en matière de dérapage
de mots, pour exprimer ce qu’au fond pensent une masse d’individus
lambdas. Par temps d’augmentation de la pauvreté et qui plus est la
progression d’un sous-prolétariat, il existe un terreau fertile pour
opposer les classes laborieuses entre elles. Et quand on ne dispose pas
d’arguments solides, on se replie sur un identitaire clos au lieu d’en
dénoncer les malentendus.
Quand on veut réveiller l’instinct contre la raison, on récolte
rarement une pensée la plus raisonnable qui soit. Il reste dans ce cas
à faire de la pédagogie, à être vigilant sur les racismes, les
intégrismes et éviter d’agir au côté de gens qui n’en ont rien à faire
de la complexité humaine. S’il existe un bel enseignement de la
Révolution française, c’est de ne pas distinguer un homme en raison de
son origine et quelle qu’elle soit, mais d’en faire un citoyen à part
égal.
Français et étrangers en France sont liés à un pacte commun qui
s’appelle la citoyenneté. Quand nous devrions aller dans ce sens,
malheureusement certaines forces poussent à culturaliser un discours
politique qui n’a pas lieu d’être. Il faut apprendre à bien distinguer
les peuples de leurs gouvernants et leurs coutumes propres. Et, ne pas
chercher un ennemi pulsionnel, surtout ne pas se faire avoir par
certains non-dits ou doubles discours. Un citoyen c’est une personne en
éveille et qui utilise la critique comme un outil d’analyse et non
comme une fin en soit.
XI – Internet et l’information face au racisme
Il en va de comprendre comment fonctionne notre société de
l’information. Dans cette bouillie informelle que représente
aujourd’hui l’Internet, nous prenons de plein fouet une certaine rareté
de l’information. Au plus court, on peut s’interroger sur comment ces
mêmes informations sont véhiculées. Pourquoi elles se ressemblent,
comment se fait-il qu’un outil si prédisposé à mettre en ligne de la
littérature soit en ce domaine d’une si grande pauvreté. Il faut faire
court, vendeur, en clair racoler le lecteur par des unes vides de sens.
La peur, ou ce qui se joue de nos peurs rapporte aux grands groupes de
presse, ou du moins elle exerce sur tout à chacun une prise.
Un besoin obsédant de se servir du fait d’actualité comme s’il
s’agissait d’un fait quasi biblique… Il n’en est rien, l’actualité
illustre au combien elle brouille nos esprits, car au préalable il est
pensé et décidé ce qui est bon ou mauvais pour le lecteur, pire encore
pour l’objet télévisuel. De plus, il faut que l’info soit courte et que
l’on capte l’attention plus que la réflexion, et si possible vendre des
encarts publicitaires.
Cette logique financière nous orientant vers un type d’opinion n’est
pas le fait d’un consentement, mais d’une ignorance partielle des
citoyens sur la concentration de l’information en très peu de mains. Et
notamment sur le peu de prise en compte de savoirs scientifiques, et ce
qui est existant à travers les si mal-aimées et peu comprises sciences
humaines.
Le racisme part de cette idée, qu’il y aurait au sein du genre humain «
des races ». « Races » que l’on subordonne en général à la couleur de
peau, mais qui ont surtout à voir avec la pigmentation de notre peau
(la mélanine) et rien d’autre. La race est un critère pseudo biologique
qui a pour but de faire d’un groupe un groupe homogène sur le plan de
ressemblances physiques et culturelles.
Sauf que d’un point de vue biologique, il n’en est rien, la race
intervient plutôt comme un processus d’appauvrissement des gènes. À
l’exemple de ce qui est fait avec les animaux domestiques depuis
quelques milliers d’années, et dans le cas de l’espèce humaine en de
très rares circonstances ou quand elle est soumise à une très forte
consanguinité et sur de longues générations, et sur un groupe réduit
d’individus. La race s’apparente plus à une dégénérescence biologique
qu’à un facteur de culture et d’ouverture.
En soit le racisme est une peur de l’autre et dans certains cas une
haine inconsciente de soi. L’imaginaire ainsi construit des récits qui
ont pour but de sécuriser, de donner des limites à son entendement, de
croire que l’on est différent, quand les différences sont d’une autre
nature.
On ne diffère pas par couleur de peau et encore moins par la religion
ou la culture, on y attribue de fausses valeurs qui ont pour objectif
de maintenir des frontières, des états, des polices et des armées qui
dans l’ensemble se moquent bien de leurs concitoyens. Le vrai danger se
trouve dans l’intolérance, ce besoin d’attiser les haines et à des fins
politiques et quel que soit le groupe minoritaire visé. C’est en
abordant de manière saine la question du racisme et de l’antisémitisme
que l’on peut en faire un sujet hors des amalgames, des particularités,
des raccourcis de la pensée.
XII – La loi Gayssot n’est pas liberticide
Vincent Reynouard est un triste personnage, il ne mérite pas une
attention particulière, pourtant il est l’objet d’un soutien assez
appuyé chez quelques croisés de la liberté d’expression. Mais qui est
donc ce Monsieur Reynouard, si ce n’est qu’un négationniste, qui ne
cache pas ses penchants pour le national-socialisme. Un personnage
fade, en recherche de publicité et trouvant un appui allant au-delà de
l’extrême droite traditionnelle.
Ce qui peut étonner, c’est pourquoi la loi Gayssot pose-t-elle
problèmes à des (pseudo) protecteurs de nos libertés, pourquoi cette
loi spécifique est-elle l’objet d’une attaque particulière, et pouvant
fédérer des individus de tous les bords ? Car derrière la demande
de libération du militant extrême droitier, l’objet est de faire
abroger cette loi, dont le seul but est de nous protéger de certaines
dérives idéologiques.
Pour rappel, la loi Gayssot condamne au nom de la loi française no
90-615 du 13 juillet 1990, toute idée « tendant à réprimer tout propos
raciste, antisémite ou xénophobe ». En raison, des articles de cette
même loi (notamment en matière de presse) tout appel ou publication à
la négation de l’extermination des Juifs durant la seconde guerre
mondiale relève des tribunaux. Il s’agit d’un délit passible de fortes
amendes ainsi que d’emprisonnement.
On ne peut pas dire que cette loi a été particulièrement répressive,
car depuis son entrée en vigueur, elle n’a concerné en matière
d’incarcération que quelques quidams à l’exemple de Roger Garaudy et
encore à titre de récidive, tout comme son alter-égo Vincent Reynouard.
Le plus souvent la loi Gayssot a été l’objet de peines légères, le plus
souvent d’amendes, mais rien ne pouvant ressembler à un vent de
répression sur la liberté d’expression.
Il semble que ce ne soit pas l’avis de Noam Chomsky (linguiste et
professeur à l’université du IMC du Massachussets). Ce dernier a signé
une pétition début septembre demandant à la fois l’abrogation de la loi
Gayssot, ainsi que la libération du révisionniste Reynouard au nom de
la liberté d’expression.
« J’apprends que Vincent Reynouard a été condamné, et mis
en prison au nom de la loi Gayssot et qu’une pétition circule pour
protester contre ces mesures (…) Je ne connais rien à propos de M.
Reynouard, mais je considère la loi Gayssot comme complètement
illégitime et en contradiction avec les principes d’une société libre
tels qu’ils ont été compris depuis les Lumières (…) Cette loi a pour
effet d’accorder à l’État le droit de déterminer la vérité historique
et de punir ceux qui s’écartent de ses décrets, ce qui est un principe
qui nous rappelle les jours les plus sombres du stalinisme et du
nazisme ».
Noam Chomsky n’en est pas à son premier imbroglio, il s’était retrouvé
rédacteur au début des années 1980 d’une préface d’un livre du bien
connu révisionniste Robert Faurisson par le biais de son ami Serge
Thion, connu lui aussi pour son adhésion aux thèses négationnistes et
qui fut exclu du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique)
pour ces mêmes raisons. Chomsky avait à l’époque contesté les faits,
cette fois il signe et contresigne : « je souhaite exprimer mon soutien
à la pétition contre l’application de cette loi (la loi Gayssot) dans
le cas de Monsieur Reynouard ou dans tout autre cas ».
Ce débat n’a rien de nouveau. Il avait de son temps posé quelques
problèmes. Pierre Vidal Naquet avait tenté d’y répondre en 1981 dans un
texte qui mérite d’être lu (4). Le problème n’est pas d’accusé Chomsky
d’antisémitisme, mais de lui demander de ne pas penser comme un citoyen
des Etats-Unis, mais plus au regard du vieux continent européen et de
ses lois. Connaît-il les décisions de la Cour Européenne des Droits de
l’Homme concernant le négationnisme ? Roger Garaudy s’était plaint à la
Cour de sa condamnation pénale par un tribunal français pour
négationnisme. Il invoqua l’art. 10 de la charte européenne, liberté
d’expression. La Cour rejeta sa demande, en voici son résumé :
« Quant aux condamnations de M. Garaudy pour contestation de crimes
contre l’humanité, la Cour se réfère à l’article 17 (interdiction de
l’abus de droit), qui a pour but d’empêcher les individus de tirer de
la Convention un droit leur permettant de se livrer à une activité ou
d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés
reconnus dans la Convention. Ainsi, personne ne peut se prévaloir de la
Convention pour se livrer à des actes contraires à ses dispositions.
Après avoir analysé l’ouvrage litigieux, la Cour considère, comme les
juridictions nationales l’ont démontré, que le requérant a fait siennes
les thèses négationnistes et a remis en cause systématiquement les
crimes contre l’humanité commis par les nazis envers la communauté
juive. Or, selon la Cour, il ne fait aucun doute que contester la
réalité de faits historiques clairement établis, tels que l’Holocauste,
ne relève pas d’un travail de recherche historique s’apparentant à une
quête de la vérité. Une telle démarche a en fait pour objectif de
réhabiliter le régime national-socialiste, et, par voie de conséquence,
d’accuser de falsification de l’histoire les victimes elles-mêmes.
La contestation de crimes contre l’humanité apparaît donc comme l’une
des formes les plus aiguës de diffamation raciale envers les juifs et
d’incitation à la haine à leur égard. La négation ou la révision de
faits historiques de ce type remettent en cause les valeurs qui fondent
la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et sont de nature à
troubler gravement l’ordre public. De tels actes sont incompatibles
avec la démocratie et les droits de l’homme, et leurs auteurs visent
incontestablement des objectifs du type de ceux prohibés par l’article
17 de la Convention.
La Cour considère que l’ouvrage du requérant ayant, dans son ensemble,
un caractère négationniste marqué, il va à l’encontre des valeurs
fondamentales de la Convention, à savoir la justice et la paix. Elle
conclut que le requérant tente de détourner l’article 10 de la
Convention de sa vocation en utilisant son droit à la liberté
d’expression à des fins contraires à la Convention. Par conséquent, la
Cour estime que le requérant ne peut se prévaloir des dispositions de
l’article 10, et déclare son grief incompatible avec la Convention. »
(arrêt Garaudy de 2003).
XIII – Les mondes virtuels et vases communicantes
Comment ne pas traiter ce sujet, s’il n’était pas en fait, l’auteur, du
moins le conducteur de ce texte. Tout a commencé par une recherche des
liens entre blogues et sites que l’on trouve sur le web : de la
prolifération et de l’extension d’un même discours ou du moins homogène
d’un espace à l’autre, et un goût immodéré de la vérité révélée. Suite
à un rapport du MRAP sur la prose extrême droitière en 2010 à la
connaissance de tous, l’on découvrait, une multitude et des mélanges de
genres équivoques. Un socle commun s’en dégageait en la défense de
valeurs soit anti-juives ou anti-musulmanes. Peu de place à une analyse
équilibrée, le bouc émissaire de nos maux est toujours au centre du
discours raciste.
C’est en cet ordre du monde, à bien des égards magiques, que des hommes
et des femmes nous trompent sur leurs intentions, mais pas sur la
nature de leurs écrits. On peut s’interroger de même de comment
certaines luttes politiques se fédèrent dans la haine. Il se serait à
l’exemple de la littérature de faire une liste, de la mettre à la vue
du public. La pratique de la délation, de la stigmatisation des
différences est un mal particulier. Et nous devons faire face à des
pratiques qui n’avaient pas vu le jour depuis vraiment les années 1930,
mais qui refleurissent sans que cela ne dérange bon nombre d’esprits.
Au passage, il incombe de dé-diaboliser le FN et ses chefs, comme si
l’extrême droite d’aujourd’hui n’avait aucun lien avec la circulation
d’opinions fascistes.
Ce qui est étrange c’est comment des personnes qui avaient été amener à
combattre le FN en sont venus à passer avec armes et bagages avec leurs
ennemis d’hier. Les fortes préoccupations que portent les questions de
la paix dans le monde ont porté toute une génération après 1914-1918 à
choisir le camp pacifiste. C’est ainsi que d’anciens socialistes et
communistes choisissent plutôt la collaboration que la guerre, vingt
ans après. Il n’existe pas de liens de génération ou de redite
historique, mais une approche assez enfantine ou instinctuel de
l’ennemi, et souvent à contrario de ce que peut supposer se battre pour
la paix.
Internet est un médium démocratique qui permet l’expression de tout et
son contraire. L’objectif n’est pas de censurer, d’interdire, il est
surtout de rappeler que le racisme est un délit. Que ce délit n’est pas
sans conséquence, et il peut avoir des accents morbides. Faire le tour
de ce petit monde brunâtre comporte le risque de belle nausée, et de
quoi se méfier de ces journalistes qui se proclament indépendants quand
ils sont le réceptacle ou une courroie de transmission de courants
d’opinions.
De l’objet virtuel, l’on en oublierait que cet outil est relativement
récent, mais il est venu bousculer la bonne vieille imprimerie de
Gutenberg. Il importe peu de savoir si cela est utile ou pas, c’est un
outil complémentaire au livre, à la feuille de papier et qui recouvre
toutes les questions de l’image et du son. Un bel outil de propagande
ou il est permis à tout à chacun de délivrer un avis passager, ceci ne
permettant pas d’en faire d’abord un outil pédagogique et de
transmissions des savoirs. La question du racisme et de l’antisémitisme
va au-delà de l’indignation, s’y concentre bon nombre de nos maux.
Raison de plus de ne pas abdiquer devant un ordre de choses, pour
penser une complétude humaine contre Vents et marées…
Notes :
(1) Le Monde, le blog des droites extrêmes : Cliquez ici !
(2) Article 11 Le Grand soir : analyse des dérives droitières d’un site
alter : Cliquez ici !
(3) « L’antisémitisme à gauche » de Michel Dreyfus – Histoire d’un
paradoxe, de 1830 à nos jours : Cliquez ici !
(4) Texte de Pierre Vidal Naquet : Cliquez ici !
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