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L’essentialisme politique :

Séductions et passerelles de l’extrême droite
au sein de la société française
et des espaces francophones

Ce texte avait été rédigé le 16 mars 2011, il m'a valu quelques surprises et même une attaque de hackers contre le contenu de ce site après sa parution en juin 2012 (sur deux autres blogs tenus par des militants communistes). J'ai pu avoir la joie de lire certains commentaires et même me voir attribuer une note de bas de page, du néo-conservateur et chercheur patenté au CNRS, Pierre André Taguieff. Qui surtout n'aime pas que l'on parle de ses liens avec la revue Krisis ou que l'on ne le cite pas quand cela touche son domaine privatisé.

J'ai décidé de mettre cette analyse sur mon propre espace cybernétique après moultes hésitations. Ecrire sur un tel sujet apportant son lot de nausée et d'emmerdes, il restait à corriger deux ou trois erreurs sur un prénom et réecrire une ligne ou s'était introduit un mot mal cité. Chacun est libre de sa critique, cependant les enclins nationalistes et une volonté affichée de dé-diaboliser le Front National peut surprendre. Depuis la diffusion de cet écrit, Monsieur Taguieff trouve ses soutiens dans une presse ultra-conservatrice. Chacun fraille avec qui veut ! Si "chasse aux sorcières" fut menée, elle n'était pas de mon fait.

Je n'ai pas fait du racisme et de l'antisémtisme un commerce avec de singuliers et multiples néologismes sur la question. Toutefois et en raison d'une actualité chaude et toujours aussi pesante dans la société française, j'ai décidé de le publier dans sa totalité et je n'ai pas cherché à répondre à certains détracteurs. Mon constat sur le racisme et l'antisémitisme en France se voulait politique sur cette mélasse aux accents fascisants ou totalitaires.

Comme du temps s'est écoulé et que le problème reste entier, autant que ce travail de réflexion trouve sa place et en assumant pleinement des propos sur certains ralliements idéologiques de la gauche vers l'extrême droite la plus radicale, me limitant à certaines personnalités publiques et ayant défrayé les chroniques ces derniers mois ou années passées.

Lionel Mesnard, le 14 février 2015

NB :  En 2005, parait sur le site amnistia.net, animé par Didier Daenincks, un dossier concernant le Réseau Voltaire :  Les enquêtes interdites, un dossier  et un entretien avec Gilles Alfonsi, 10 ans après : à lire ici !

Comment un réseau d’information et de lutte anti-fasciste,de dénonciation de tous les intégrismes, peut-il basculer au point de faire alliance avec un négateur des chambres à gaz, au point de cautionner les pires régimes religieux autoritaires ? Trois ex-membres de la direction du Réseau Voltaire,qu’ils viennent de quitter, retracent minutieusement l’histoire d’une dérive.
Par Michel Sitbon, Gilles Alfonsi et Jean-Luc Guilhem  (2005)
 
L’essentialisme politique

Quand j’ai entrepris ce texte , il y a quelques mois, il était difficilement envisageable d’en mesurer l’étendu, il restait des zones d’ombre et de comprendre comment l’extrême droite française tentait de jeter certains ponts en direction de groupuscules se qualifiant « à ou de gauche ».  Aujourd’hui et au vu des derniers événements, les doutes ne sont plus, il existe bien une volonté de capter des militants ou électeurs de l’autre camp, l’on tient selon l’assistance un discours susceptible de faire mouche. Toutefois, le vieux vernis, le discours anti-immigré ou anti-juif est toujours de mise. Ce n’est qu’un coup peinture sur la façade, l’objet est de pouvoir s’accaparer un vocabulaire étranger. Il s’agit d’une escroquerie intellectuelle, ni plus, ni moins. Si au demeurant le contenu peut sembler cohérent, ce n’est en fait qu’une irrationalité de plus.

Avec son élection à la tête du Front National, Marine  Le Pen a pu faire ces derniers mois faire campagne et prouver ses qualités oratoires et un simili virage à 180 degrés sur le fonds de commerce du discours économique ultra-libéral. Arguant que depuis plusieurs années, elle tenait déjà ce langage, sauf que personne ou peu de monde n’a voulu prendre en compte cette volonté de brouiller les discours. De mettre à mal entre autres un vocabulaire issu des luttes du mouvement ouvrier, un blabla vasouillard se nommant « anti-système ». Ne nous trompons pas Madame Le Pen n’est pas devenue la Rosa Luxembourg du vingt-et-unième siècle, et elle se contrefiche des masses laborieuses.

Si ce n’est que son but est de légitimer un contenu tout aussi inégalitaire. La perfidie se camouffle dans les mots, un choix de manipuler des opinions fragiles, et se nourrissant des excès des espaces virtuels. Car derrière le système, il se cacherait des complots en tout genre. Sauf que pour comprendre un ou des systèmes, il n’y a rien de très fantasmatique à soulever. L’ordre capitaliste est le produit d’une activité sociale, économique et politique, plus que le fait d’individus tapis dans des sous-sols à diriger la planète. Qu’il existe quelques allumés pensant avoir véritablement une emprise sur le cours des choses, cela ne peut qu’interpeller sur des pathologies du grégaire.

Rares ont été amener à dénoncer certaines passerelles. Certes, ce furent des échanges groupusculaires, mais réelles entre les droites extrêmes et une frange marginale de la gauche. Si la nouvelle présidente du FN use de ce nouveau langage, on peut se demander quels ont été les auteurs et à quelle fin ? qui sont-ils ? Et comme les chemins mènent toujours à Rome, une petite galaxie a pris jour autour d’une rencontre à Bruxelles en 2005 sous le nom « d’Axis for Peace », une drôle de réunion internationale ou si l’on peut dire fut celle de la cour des miracles et en mélange des genres plus que douteux entre individualités et diplomaties étrangères.

Il faut souligner l’influence qu’a pu avoir en 1989 la chute du mur de Berlin et surtout les conflits intervenus dans les Balkans jusqu’à la fin du XX° siècle, en Bosnie, au Kossovo et Serbie notamment. Ce fut un point de rencontre entre ultras nationalistes des deux bords, l’une purement d’inspiration fasciste ou réactionnaire, l’autre des restes des stalinismes en Europe. Ce qui a pu se passer par après avec en particulier la destruction des tours du World Trade Center en 2001, puis, la guerre contre l’Irak n’a fait qu’accentuer cette prégnance que le monde ne serait que le résultat de méthodes souterraines, de vérités auxquelles nous ne pourrions accéder. Nous sommes face à une perception paranoïaque du monde, et tout ce qui peut faire appel à la raison est balayé. Il est difficile dans ce cas de répondre à des arguments qui n’en sont pas. On ne peut en saisir que les liens, la sinueuse part visant à manipuler certaines consciences. L’objectif n’est pas faire oeuvre de morale mais de combattre des « idéologies » malsaines et nuisibles aux équilibres de nos frêles démocraties.

La question entière reste posée, faut-il s’alerter d’un phénomène marginal, jusqu’où et comment en dénoncer les problèmes ? Ils ne sont pas survenus d’hier, et si l’on tente de savoir ce que la bête à encore à nous dire d’elle-même, les fascismes européens essaient de se dissoudre dans un bain d’ignorance. Confluences des critiques outrancières, des peurs immatures sur l’autre, des nébuleuses participent à la résurgence d’un fascisme coutumier du fait raciste en prônant une inégalité au sein du genre humain. L’anti-racisme n’est pas une conduite politique, c’est au mieux un comportement, une attitude face à l’insondable. Il est apparu important de mettre à jour ce qu’il en est des racismes, de cet écueil qui vise à amalgamer 7 milliards de vivants sur ce globe, à n’être que différence ou essence d’une contrée à une autre, comme si le fait national suffisait à faire des populations des entités sans contradictions ou homogènes. L’on retrouve là la prégnance du culturel, de cette absurdité à ethniciser nos repères. C’est-à-dire et au plus simple à désincarner la citoyenneté, quitte à s’emparer de son vocable laïque.

I – Aux sources des nouveaux racismes, ethno-différencialisme et négationnisme ?


Nous sommes face à un difficile problème, certains chercheurs le traite sous le nom de «nouvel antisémitisme» ou sous le terme de «judéophobie». Bien que l’on cherche à analyser la situation actuelle de l’antisémitisme en élaborant un vocabulaire possiblement plus approprié, la « nouveauté » n’est pas si étrangère à ce qu’elle fut pendant 2000 ans de persécutions et d’affabulations. Les nouveaux antisémites y puisent allégrement leurs fondements, et ils trouvent aujourd’hui une visibilité incomparable avec les autoroutes de l’information pour vider leur sac d’injures et mystifications en tout genre.

Sur la toile, il est offert à chacun de redécouvrir tout un vocabulaire raciste. Des propos que nous pouvions supposer comme oublié : trop souvent en lien avec les périodes les plus sombres des fascismes européens. Hier, il était question « d’un complot juif mondial ». De nos jours, il est fait part « d’un complot sioniste mondial ». Cette similitude n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres termes remis à jour. De quoi faire un lexique de ce vocabulaire renaissant et teinté de novlangue, mais l’objet n’est pas là. On peut se demander pourquoi ces apparentes subtilités du langage? Cependant ce vocabulaire n’a rien de subtil, il est même à tout dire grossier et tend à se banaliser. Pourquoi s’engager à dénoncer de tels délires verbaux, tout simplement parce qu’en ce domaine, rien n’est anodin.

Tout pourrait concourir à un retour de l’obscurantisme, à des dérives de plus en plus ciblées contre les juifs, mais pas seulement. On ne peut d’un côté dénoncé le racisme anti-juif, et de l’autre ignorer les actes ou délits commis contre les populations originaires notamment d’Afrique du Nord et Subsaharienne. Croire qu’un racisme est sans effet sur un autre serait absurde. L’extermination des juifs de 1941 à 1945, a été aussi celle des tziganes, des homosexuels et déficients mentaux ou physiques.

L’objet n’est pas de différencier les racismes, mais de trouver une cohérence, et en quoi l’antisémitisme est la forme la plus connue et virulente dans ses manifestations de violence. Et pourquoi, il demeure un objet d’étude à ne pas négliger devant nous alerter sur des nouvelles formes de propagation de thèse inégalitaire et racialiste, c’est-à-dire organisant le genre humain, par une approche scientiste, le plus généralement génétique et culturaliste.

L’usage du mot antisémite doit se faire avec sagesse, une précaution utile pour ne pas tomber dans une vulgaire dénonciation. L’utiliser c’est vouloir dénoncer une idéologie qui classifie le genre humain en « race » et en particulier le peuple juif (malgré, une appartenance à une entité à la fois culturelle et religieuse et non raciale). C’est à cette forme virulente que s’attache l’antisémitisme, créer de toutes pièces des différences qui n’ont pas lieu, et véhiculer par le biais de l’essentialisme ou de l’ethno-différencialisme des idées nauséabondes et dangereuses.

« L’ethno-différencialisme est un concept théorisé comme antithèse de l’universalisme, il prône la reconnaissance de l’héritage culturel propre à chaque peuple/ethnie par les institutions politiques, il a pour but de rendre systématique le «droit à la différence», de théoriser et d’identifier chaque ethnie « ethniquement pures ».


Pour les ethno-differencialistes, la ségrégation est de fait géographique par l’histoire des différentes cultures et civilisations à travers le monde. D’après les partisans de ce concept ils défendent juste le respect des différences collectives, ce qui bien sur est difficilement assimilable au racisme, au racialisme ou à une théorie de supériorité d’une ethnie par rapport à une autre.

Cependant il met en évidence la concurrence ethnique par le retrait des peuples sur eux-mêmes et le communautarisme laissant présager à court ou long terme une situation conflictuelle par recherche de pureté des racines ou d’extermination ethnique dans cette même optique (ce que Alain Soral, proche de Dieudonné et du FN veut faire en mettant les bases d’un « conflit racial » importé tout droit des nazis américains ». (auteur inconnu – SCALP 87)

II – Le négationnisme est de retour

La tactique est de comment démolir à la fois une mémoire et une histoire. Elle s’articule en niant des faits, et en perpétrant de faux documents historiques, et en faisant des victimes du nazisme un mythe. L’on commence à expliquer que la division Das Reich en France n’a pas été si sanguinaire dans sa fuite en avant vers le front de Normandie en mai et juin 1944. Puis, l’on participe à la grande œuvre mensongère consistant à contester l’existence des chambres à gaz.

Le négationnisme permet ainsi de relativiser des crimes et des pratiques d’éliminations massives. L’on cherche ainsi à renverser les échelles des valeurs, par exemple faire d’un néo-nazi la victime d’un système et surtout minorer l’importance des crimes commis par les fascismes en Europe pendant la seconde guerre mondiale. Refleurissent de vieilles idées, et des individus, dont il est difficile de comprendre les liens, et ce qui rassemble objectivement ce petit monde obscur, à part de nourrir des peurs infondées et produire du complot imaginaire.

Ces trente dernières années l’extrême droite  a repris de la vigueur dans toute l’Europe et elle est aujourd’hui présente dans de nombreuses assemblées. Elle a su adapter ses théorisations aux temps présents, notamment ce qui a lien avec ses conceptions racistes (pour exemple : immigration égale chômage). Dans leur ensemble et historiquement les extrêmes droites ont toujours organisé un type de pensée, ou l’étranger, ou les groupes minoritaires étaient la cause ou à la source des problèmes économiques et sociaux et la raison du déclin de la société occidentale.

S’il n’est plus vraiment possible de décliner une supériorité de « race », le travail entrepris par la Nouvelle Droite a été de le penser sous l’angle de l’ethno-différencialisme, c’est-à-dire un monde organisé sur le mode des identités régionales nationales voire continentales. Nous sommes néanmoins loin d’une conception universelle de ce qui nous entoure. Avec des conceptions comme l’essentialisme ou la différenciation culturelle ou « ethnique », il est plus facile d’éviter les mots qui fâchent. L’objet n’est pas d’en montrer la nature profonde, la stratégie étant de brouiller les cartes et de gagner des galons de notabilités. Si possible faire oublier les horreurs du nazisme ou en inversant les rôles, et finasser sur la question des lobbys, ou du « sionisme » qui pervertirait les élites.

Différencialisme ou racialisme, au final, il s’agit toujours de contester une égalité au sein du genre humain. Par exemple l’excision, la polygamie, c’est normal si cela se passe en Afrique, mais pas de ça chez nous… Ce n’est pas parce que c’est une norme ailleurs que pour autant on doit l’accepter et se replier sur de pseudo valeurs culturelles, voire génétiques. Penser l’universel c’est pouvoir se projeter au-delà des différences, dans l’échange et ce mouvement est naturel du moment où il s’exprime sans référence à un ordre racial ou culturaliste. L’égalité et la citoyenneté de tous est à ce prix.

III – L’antisémitisme, un racisme spécifique

Il est difficile face au simplisme et aux raccourcis de pouvoir exprimer une complexité. Ce que l’on nomme antisémitisme (ou judéophobie) est le résultat d’une réalité spécifique participant d’un racisme particulier. Il n’existe pas une seule forme de racisme et dans ce cas comment échapper à une hiérarchisation entre l’acte criminel et ce qui relève du jugement de valeur. L’histoire apprend à mettre à distance les faits, et à regarder celle des antisémitismes sur notre continent avec attention.

Nouvel ou ancien, l’antisémite appartient à cette folie de nier une partie de notre humanité, de son histoire et il vise à meurtrir l’humain dans ses convictions profondes. Nous sommes face à une approche malsaine ou le ressentiment, la jalousie, la haine de soi et surtout des autres, et autres manifestations de rejet sont canalisées sur un groupe humain. C’est en quoi l’antisémitisme est un racisme mortifère. Que l’on remonte aux débuts de l’Inquisition en Espagne, des bûchers jusqu’aux fours crématoires, l’élimination physique est justifiée, bibles ou lois nazies en main.

Que dire à ce sujet de la France et de son histoire. Un mélange étrange entre ce qui a pu être fait de mieux et le rôle d’un pays d’où naquit au XIX° et XX° siècle des théorisations racialistes de gauche, puis de droite. Il reste encore l’idée ancrée dans ce pays qu’être juif serait de l’ordre d’une séparation en « race » du genre humain. Ce qui n’empêcha pas dans l’imaginaire de l’immigration juive russe, polonaise de croire en cette maxime : « Être heureux comme un juif en France » ou « Comme dieu en France ». Ces paraboles représentaient pour des populations ghettoïser l’espoir de trouver un pays d’accueil où l’on pouvait exercer sa religion sans être persécuté, et même devenir un citoyen sans distinction d’origine et à part entière.

La Révolution de 1789 ouvrit l’acquisition d’un droit plein à la citoyenneté pour les juifs de France. Ce fut un progrès du droit et le résultat d’une participation pleine et entière à la vie de la cité. L’abolition de fait de toute forme discriminante était chose rare en ces temps sur le sol européen en faveur des populations juives. Il a fallu néanmoins plus de 15 siècles pour en arriver à une liberté et égalité réelle en France. Jusqu’à ce que les nazis en Allemagne engendrent la solution finale en 1941, et engagent jusqu’aux dernières heures de la guerre l’acheminement par train des populations juives et tziganes de toute l’Europe.

En France, sans qu’on lui en fasse la demande le régime Pétain se subordonne et il met en œuvre un statut particulier débouchant sur une loi anti-juive (celle du 18 octobre 1940). Une des lois les plus strictes en Europe nazifiée, et allant au-delà des critères établis en Allemagne nazie sur le lignage, ou jusqu’où pouvait remonter une ascendance « juive ».

Les camps d’exterminations à eux seuls suffisent à expliquer en quoi l’antisémitisme est un racisme propre. La nature de ce racisme à de nombreuses origines historiques, très signifiantes concernant son caractère meurtrier ou criminel. Tout racisme n’engendre pas obligatoirement des violences, il se limite souvent à des préconçus et à un ordre moral sans toutefois débouché sur une violence criminelle systématique.

IV – Pétition pour un néo-nazi et passerelles inquiétantes

Il serait près d’un millier à avoir depuis août 2010 signé une pétition en faveur de la libération d’un certain Vincent Reynouard (national-socialiste) et pour l’abrogation de la loi Gayssot (1). L’on retrouve pêle-mêle des personnalités venant des franges de l’ultra-droite et d’autre part se réclamant de la gauche progressiste ou radicale. Cet appel ne touche pas seulement la France, il concerne des signataires plus largement du monde de la francophonie : Belgique, Canada, Suisse.

Un mélange des genres que l’on peut qualifier de rarissime, mais qui aujourd’hui a pris forme et interpelle. Si lutter contre le fascisme a encore un sens ? Que se passe-t-il, peut-on aborder un revirement de la gauche vers des individus et des thèses plus que sujette à caution ? On peut, ne rien saisir de cet épiphénomène, si l’on ne cherche pas derrière les promoteurs de cette pétition, les raisons d’une telle fausse nécessité ? Il semblerait que la loi Gayssot porte atteinte à la veuve et à l’orphelin, ou n’est-ce pas pour marquer une fois de plus le terrain d’une propagande fer de lance d’un nouvel antisémitisme ?

Trois mois après son lancement, au sein de cette pétition, l’on peut souligner la défection de Monseigneur Gaillot et de Yann Moix. Ce dernier se voyait au côté de Robert Badinter. Ce que lui aurait soutenu Pierre Eric Blanrue, l’un des parrains de cette initiative, ce qui aurait été une tromperie et la raison du retrait de sa signature. Au final, il reste des personnages plutôt fades à l’exemple de Robert Ménard, ancien président de Reporter Sans Frontières. Cela prouve à quel point cet homme a les idées larges, après s’être affiché des années durant aux côtés des néo-conservateurs étasuniens. Nous retrouvons surtout au lancement de cette pétition deux hommes, l’un belge et scientifique, et un français, historien et auteur récemment d’un livre sur Sarkozy et les juifs, que l’on le retrouve au sein d’un livre dirigé par le belge Michel Collon, « Israël, parlons-en » paru quelques mois après.

Un des deux co-signataires, Jean Bricmont est un scientifique belge, il écrit régulièrement dans ce que l’on nomme sur Internet de manière un peu abusive la presse alternative (2). Il n’est pas très connu du grand public, mais il trouve une certaine audience auprès d’un public dit altermondialiste, du moins au sein des cercles les plus en faveur des groupes armés du Hamas et du Hezbollah. Il s’est fait connaître par l’intermédiaire de documentaires, dont les auteurs sont très proches de la mouvance de Dieudonné M’Balla M’Balla : les productions CLAP 36. Un des deux co-réalisateurs, Sergio Condemi était candidat sur les listes antisionistes pour les Européennes de juin 2009.

Jean Bricmont est ce que l’on pourrait appeler un intellectuel belge engagé en faveur de la cause palestinienne et ses propos sont plus que virulents contre le sionisme. Ses thèses ont régulièrement des relents inquisiteurs. Elles sont  au regard de la situation du conflit plus que caricaturales et ses prises de positions assez grossières. Nous avons là tout ce que le mélange de la science et de la politique peut produire de mauvais en raccourci et travestissement de la pensée. Si Bricmont est de gauche, il en a perdu l’usage et certains fondements éthiques, et ne peut voir qu’un complot « anarcho-sioniste » derrière certains écrits dénonçant ses travers. Il est l’inventeur de ce concept absurde de « dé-sioniser » les esprits, l’on devine ainsi l’emprise que peut avoir le sionisme sur nos consciences faibles… Si l’on dressait une perspective avec de tels arguments, il y aurait de grandes chances de voir fleurir des écoles de rééducation pour venir nous soulager de ce mal, heureusement le ridicule de la chose suffit à lui seul.

Notre second parrain de l’appel est un certain Paul Eric Blanrue, historien et collaborateur irrégulier à la revue Historia. Si l’on s’en tient à certaines biographies existantes sur le web, l’on découvre une adhésion au PFNE (ancien groupuscule néo-nazi), quelques participations à une feuille de choux monarchiste lorraine, mais Blanrue précise qu’il a pris depuis quelques années sa carte au PCF. On pourrait l’assimiler à un Alain de Benoist, dans sa volonté de brouiller les cartes, c’est-à-dire éviter de trop mettre en avant un passé clairement fasciste.

P.E. Blanrue est l’une des pièces importantes d’une stratégie visant à casser ce que l’on appel les repères gauche-droite. Il ne cache pas dans un entretien donné en 2010 aux productions Clap 36 son ambition. Il met sur le même plan la seconde guerre mondiale, et le conflit israélo-palestinien… Et pense ouvertement que comme du temps de la résistance, il faut réaliser une large alliance allant de l’extrême gauche à l’extrême droite. On ne peut être plus clair, en mentionnant toutefois que nous sommes plus en 1940-1945, et qu’il est bien loin d’être une figure titulaire du parti des « 75 milles fusillés ».

L’on retrouve aussi comme pétitionnaire l’ineffable Alain Soral, se réclamant « marxiste », mais ayant appartenu aux instances du Front National. Sexiste reconvertit à l’antisionisme, il est comme son compère Dieudonné un pur produit médiatique. Il n’y a pas en soit à se poser de questions quant à leurs attaches récentes à des cercles extrêmes droitiers, chacun peut constater que ces deux personnes n’en sont pas à leurs premières équivoques. Le doute ne peut avoir lieu concernant des prises de paroles et écrits que l’on retrouve à profusion sur la toile. Ils cherchent à imposer une approche raciste par l’« antisionisme ». Avec l’appui de la Syrie et de l’Iran, nos phares de la pensée participent à des campagnes de désinformations et illustrent par le soutien qu’ils accordent à Vincent Reynouard, un basculement idéologique qui n’a rien de comique.

Le dernier signataire et qu’il vaut mieux traité en dernier est Noam Chomsky. Que vient-il faire dans cette galère ? que penser de cet intellectuel étasunien de renom international souhaitant imposer un point de vue au nom de la liberté d’expression, du moins la sienne et vue du Massachusetts ? N’est-il pas dans cette affaire le moins à même à porter un jugement critique ? Il ne connaît rien au problème des négationnistes, il le dit ou le fait écrire. Il a passé ces dernières années à s’expliquer de son raté d’écriture en prenant en 1980 sa plume pour soutenir Robert Faurisson à la demande de son ami négationniste Serge Thion.

Certes Noam Chomsky s’est expliqué maintes fois sur le sujet, mais ne pourrait-il pas lui aussi faire un examen critique ? C’est-à-dire qu’il s’administre à lui-même ce qu’il développe par ailleurs sur une certaine vision impériale du monde.  A moins, qu’il ne partage le point de vue de tous les signataires, et pense que Vincent Reynouard est une victime, quand il est l’auteur de plusieurs délits concernant des falsifications historiques et une appartenance à ce que l’extrême droite à de plus radical, et contraire aux principes et lois de nombreux européens. Si Chomsky sait, le monde entier doit évidemment en faire de même pourrait-on penser. On ne traite pas un sujet à la lueur du particularisme étasunien, et l’on peut avoir une position contraire, et pensé que l’incarcération de Vincent Reynouard est un acte de justice légitime et que la loi Gayssot est loin d’être une loi liberticide.

V – Les temps sont-ils « rouges-bruns » ?


L’objet de ce texte n’est pas de mener une enquête sur ce que l’on désigne sous le phénomène « rouge-brun », et sa variante verte pour l’islamisme. Cette terminologie ne recoupe pas grand-chose, plus exactement il s’agit d’une réalité relativement marginale. Néanmoins, il ne faut pas prendre le ou les  phénomènes à la légère, et rien n’empêche d’observer, d’analyser les problèmes posés, et qui sait de se préserver de certaines situations toxiques. Sans oublier que nous traversons une crise profonde des systèmes financiers et du capitalisme en général. Dans un tel désordre économique et social, comment ne pas se soucier de tels basculements intellectuels et idéologiques ?

Il est manifeste que l’on trouve des convergences ici ou là, soit quelques poignées d’individus qui ont perdu leurs ancrages à gauche et vivant pour certains dans une quête au vedettariat. Il s’agit de quelques tristes sires, pour certains médiatiques surfant sur la vague putride de la négation et du racisme le plus excluant qui soit. Ils disposent de publications et de relais sympathisants, et leur arme favorite est la dénonciation d’individus, de groupes sociaux ou religieux par la propagation de théories fumeuses.

Les deux groupes notamment en cause ont choisi de rejoindre les franges les plus radicales du fascisme hexagonal. Il y a d’une part, les militants au sein de Riposte Laïque et le trio antisioniste Dieudonné, Soral et Meyssan. Ces derniers tentent sous une apparence de gauche et de surcroît anticolonialiste, de faire croire qu’ils sont acteurs de la lutte contre le système capitaliste…  Dans les deux cas c’est une rhétorique à deux sous et la question est de savoir, s’il y a lieu de leur faire de la publicité, ou d’informer sur l’essentiel ?

Ces dernières années, à la question des « rouges-bruns » est venu se surajouter la composante verte, c’est-à-dire islamiste. La présence répétée du théologien Tarik Ramadan lors de rencontres avec certains groupes de l’altermondialisme, et même comme invité du Forum Social Européen à Paris en 2004 a soulevé des interrogations et des indignations. Ses liens avec les fondamentalistes, son double discours faussement universaliste ne doit pas faire oublier qu’en sa personne s’exprime la composante des frères musulmans en Europe, un courant égyptien islamiste dès plus radical.

Si Tarik Ramadan arrive à se faire passer ici pour un progressiste. Quand il s’agit de la lapidation dans le monde musulman, il ne condamne rien, et demande mollement un moratoire. Nous trouvons là un discours essentialiste qui s’adapte aux lieux et aux auditoires. Cela n’a rien de très universel que de vouloir découper le genre humain en tranches, et en fonction de certaines spécificités religieuses. Néanmoins dans le cas précis de Ramadan rien ne permet de le rattacher à des mouvances extrêmes droitières, il faudrait dans son cas parler d’un phénomène « rouge-vert », qui n’a rien de très écologique… mais d’un goût très immodéré pour l’opium du peuple et du souverainisme, quitte à soutenir des théocraties.

La seule véritable jonction que l’on a pu observer s’est produite au début des années 2000 chez les Verts. Aussi étonnant soit-il, c’est par l’organisation écologiste que des rapprochements vont se faire, non seulement avec des courants islamistes, mais aussi franchement révisionnistes. Ce petit monde sera rapidement exclu des instances nationales et locales des Verts (2001). On retrouvera plus tard cette composante « verte-brune » sur la liste Antisioniste de Dieudonné et d’Alain Soral lors des élections européennes de 2009 en région Ile de France.

Il faut avoir à l’esprit que durant les années 1990 nous allons connaître, non seulement la 1ère guerre du Golfe, mais surtout des guerres sur le continent qui vont opposer dans les Balkans le réveil de certaines nationalités en réaction au régime serbe post-communiste de Milosevic. C’est dans ce bourbier politique et suite à l’écroulement du mur de Berlin que des militants d’un communisme très conservateur vont tout simplement refuser ou s’opposer aux changements en cours et se réfugier dans une approche ultra-nationaliste et en faveur d’une grande Serbie au sein des franges les plus conservatrices des partis communistes. Si l’on peut identifier la composante rouge, néanmoins minoritaire, c’est dans le déni de l’écroulement du système soviétique qu’il a pris terreau et dans un repli sur la nation.

Afin d’être au plus près de la vérité, il n’existe pas d’alliances globales qui iraient de la gauche communiste à l’extrême droite. Cependant de tout temps et rarement à des époques anodines, des hommes, des femmes peuvent changer de camp, et passer du jour au lendemain de l’autre côté de la barricade… Et le mouvement peut se faire dans les deux sens de l’échiquier politique. Mais le problème n’est pas là et nous nous éloignons du sujet de fond.

Pourquoi en 2011 sommes-nous toujours et encore à répondre aux mêmes questions sur la question du racisme et de l’antisémitisme ? On ne peut négliger ces questions, tant elles font encore débat et laissent place, à beaucoup d’ignorance et à de nombreuses dérives. Qu’ils puissent exister de nos jours des convergences « rouges-brunes », elles méritent que l’on s’interroge. Il n’y a rien d’anodin à ce que des petites chapelles à l’origine de gauche puissent mener bataille commune avec l’ultra-droite, c’est assez révélateur d’un climat malsain et pouvant porter à confusion.

Ce qui peut nous préoccuper avec le phénomène « rouge-brun » en 2011, c’est en fait le passage récent de quelques groupes et individualités se réclamant de la gauche du côté des droites extrêmes. Ce n’est pas un mouvement de foule, mais cela n’est pas totalement sans conséquences sur le débat public et en particulier ce que nous pouvons lire sur Internet, via des médias de basse propagande se réclamant alternatifs, pour comble du cynisme.

De plus, rien ne dit que ce mouvement ne prenne pas plus d’ampleur, ou du moins que la portée négative de leur discours ne finisse pas par devenir monnaie courante. Ce mouvement souterrain est le fait au plus de nos deux galaxies partisanes, où s’agitent d’un côté des militants racistes anti-arabes ou musulmans, et de l’autre des antisémites sous couvert d’antisionisme. Ils trouvent un écho qui va bien au-delà de ce qu’ils représentent sur les autoroutes de l’information, et se mélangent de plus aux composantes « complotistes » existantes et très présentes sur la toile.

VI – Un air de déjà vu…

Ce n’est pas la première fois que des individus marginaux en petit nombre et venant de la gauche passent ainsi armes et bagages chez l’ennemi de classe. Il faut remonter aux années 1970 pour trouver un équivalent avec la librairie « de la vieille taupe ». L’histoire de quelques activistes gauchistes qui rejoindront les théories qu’un certain Pierre Guillaume rédigera. Ce même personnage publiera en 1979 un ouvrage niant l’existence des camps d’extermination dans une revue dont le nom faisait référence à l’ancienne libraire (fermée en 1972).

L’on trouve ou découvre dans le même sillage et les mêmes années le futur pape du négationnisme français. Robert Faurisson n’est pas historien de formation et s’attaque tout comme Pierre Guillaume à l’époque à un sujet peu abordé dans les médias ou les travaux historiques, l’extermination des juifs en Europe de 1941 à 1945, ou ce que l’on appelle la solution finale.  En janvier 1979, Faurisson rédige une  lettre qu’il adresse au journal Le Monde : « Le Problème des chambres à gaz, ou la rumeur d’Auschwitz »

Dans la même veine, en 1978, Darquier de Pellepoix, ancien commissaire des Affaires Juives sous Vichy déclara tout de go depuis son exil chez Franco, que les chambres à gaz étaient pour éliminer des poux : « Je vais vous dire, moi, ce qui s’est exactement passé à Auschwitz. On a gazé. Oui, c’est vrai. Mais on a gazé les poux. » (déclaration faite à un journaliste de l’Express). A l’époque, la polémique fut importante, mais les tenants de ce type de thèses restèrent marginaux et sans réelles prises sur la société. Il existait quelques groupuscules néo-nazis formels et informels tout au plus, dont la FANE, qui fut dissoute par décret en Conseil des Ministres en 1980. Les déclarations de Darquier de Pellepoix ouvriront un débat au sein de la société française sur l’opportunité à laisser de tels propos et de telles thèses circulées librement.

Ce qui ne fut à l’origine qu’un phénomène très parisien a finalement perduré jusqu’à aujourd’hui en la personne de Robert Faurisson. On peut considérer que ses outrances, ses mensonges ont  pris depuis quelques années une certaine ampleur, sans non plus croire à sa massification. La raison est simple, l’apparition d’Internet a facilité la circulation de textes « révisionnistes » qui jusqu’à là circulaient dans un monde assez restreint.

Le petit monde « rouge-brun » a pu ainsi s’élargir et surtout prendre forme et grossir sur le dos du conflit israélo-palestinien et les attentats contre les tours jumelles du World Trade Center, du 11 septembre 2001. De plus le phénomène « révisionniste » n’est plus seulement parisien, il trouve un écho en Belgique, en Suisse et au Canada. Là ou le français à ses sources, nous avons notre petit lot de conspirateur en puissance qui veille pour nous.

Le pape du conspirationnisme, Thierry Meyssan est un personnage énigmatique. Journaliste et écrivain et co-fondateur du réseau de presse Voltaire, il est celui par qui circule ces dernières années, les théories les plus machiavéliques ou paranoïaques C’est un excellent propagandiste, et le caméléon du trio qu’il compose avec Alain Soral et Dieudonné. Si l’on s’en tient à sa biographie sur wikipedia, quel étrange personnage. Son parcours personnel et politique à tous les accents d’un opportunisme hors norme, ou l’art de s’adapter en toute circonstance. C’est un des personnages clefs et central d’une histoire qui a bien des allures de roman d’espion ou voulues pour telles, ou ce à quoi peut ressembler de loin ou de près des intérêts diplomatiques à l’échelle de notre monde. Un mélange des genres qui donnent un peu le vertige.

Comment à partir des années 1990 cet homme a pu passer des Radicaux de Gauche, puis dans les années 2000 servir de « sherpa » à Chirac, puis devenir un commissionnaire de la Syrie et de l’Iran ? Le tout en se faisant passé pour un altermondialiste bon teint et à la tête d’une agence de presse alternative reconnue jusqu’en Amérique Latine et dans les pays Arabes. On peut avoir du mal à comprendre comment en plus il entretient de très bon rapport avec des néo-staliniens et certains groupes de l’ultra-droite. Le ciment de cette affaire est le nationalisme et de comment depuis la fin de l’Union Soviétique notre monde a évolué, et à ce jeu de la girouette en géopolitique Thierry Meyssan est un habile personnage. Il vit actuellement au Liban.

Meyssan use et s’ajuste aux discours ambiants, que l’on trouve en abondance sur internet et relayer par différentes composantes nationalistes rouges et brunes. Il est suffisamment habile pour que ses informations soient en partie vraies, pour que rentre en compte l’art du travestissement. Si 50% du discours peut avoir une cohérence, même des fondements, le reste est un pur travail de manipulation. Il faut saluer l’artiste, s’il doit vendre tel régime du tiers-monde peu enclin aux libertés publiques, il vous vendra l’oppression exercée par les Etats-Unis, et de la nécessité d’appuyer sur une stratégie souverainiste ou multipolaire. Dans ce cas, il devient possible d’être l’allié de gens qui vont de l’extrême gauche à l’extrême droite, comme il l’assure dans le cadre d’un entretien qu’il a donné en 2009 à son ami Alain Soral. L’on retrouve avec Paul Eric Blanrue la même idée d’une convergence contre l’ennemi étasunien et sioniste, et de fait la même déclinaison dans toute cette architecture conspirationniste.

C’est un peu comme à la foire à la ferraille, le monde de la conspiration, à chacun sa petite paranoïa en bandoulière. Tout ce qui nous est caché est suspect, parce que les médias ne disent pas tout, comme si les médias avaient quelque chose à nous raconter… C’est en soit une réinvention du café du commerce à l’échelle planétaire. C’est cocasse, parfois drolatique, mais au final nous trouvons une récupération politique qui elle n’a rien de dôle et pouvons finir par nager dans le sordide de la négation et du racisme. Et le premier vecteur de malveillance s’organise dans la transmission d’informations erronées et de faire croire à un travail scientifique ou journalistique, quand il s’agit tout simplement de faux ou des objets de propagandes.

Le « conspirationnisme » a sérieusement envahi la toile et les délires sont nombreux. Il est difficile d’en relater toutes les dimensions de ces objets paranoïaques. Chacun peut y trouver ce qu’il veut, de la soucoupe volante à la fin du monde en 2012, en passant par liens entre l’affaire Dutroux et les réunions de Bildeberg, on peut se construire son petit complot à soi et ouvrir son blog sur le mode de « on nous cache quelque chose ». Entre les médias conventionnels ou dominants et nos apprentis sorciers, il devient difficile de faire le tri du  vraisemblable, et la source à laquelle il est possible de se fier.

Ces groupes malintentionnés nuisent à la circulation d’une information fiable. On peut partir d’un élément tout simple à saisir, nous vivons une régression intellectuelle et sociale profonde, plus prosaïquement une mutation, dont il est difficile d’en relater les vrais contours. Et avec l’outil de communication qu’est Internet, cela ne peut que favoriser des théories relevant d’une entreprise de manipulation mentale.

Le but n’est pas de démentir tous le lot des inepties, la vérité est ailleurs. Du moins si l’on pouvait s’épargner le pathologique de la chose, et la vacuité de certains articulets haineux, très propices à l’insinuation, à la dénonciation et à l’insulte. La décennie 2010 aura fait naître des prises de conscience, mais aussi un retour inquiétant de l’irrationnel dans le débat public.

L’entrée dans ce nouveau siècle est rude, les perspectives affolantes. Et, toute personne un peu lucide est en mesure de comprendre que c’est toute une partie du savoir qui est entrain de s’écrouler sous nos yeux, car soumise à l’immédiat. Mais l’enjeu reste néanmoins à transmettre des petites parts de vérité ou plus modestement tenter de comprendre. Ne pas tomber dans la parodie et chercher à en expliquer les causes.

Il est difficile de nier la naissance de nouveaux racismes, voire ostracismes à l’égard de minorités religieuses ou culturelles. L’antisémitisme et le racisme et ses différentes coutures connaissent un regain inquiétant. Ils trouvent une amplification, dans un univers du tout consommable. Donc nous sommes un peu de l’incapacité de porter une contradiction face à des problèmes de fond. Comment combattre ce qui n’a pas lien avec la raison ? Et qui se nourrit dans la haine de l’autre comme d’une banalité.

Il n’y a rien de banal et il faut chercher à comprendre comment au final se conditionne l’information sur la toile. Comment il n’est pas si compliqué de mettre en ligne de fausses théories, si l’on peut vraiment utiliser le terme de théorie. Le sulfureux est triomphant, l’info qui aguiche est victorieuse, le but est d’attirer une masse de lecteurs perméables, et dans ce dédale à quel auteur se fier ou pas ?

VII – A qui profite le crime ?

Ces dernières années, le Front National a entrepris une opération de séduction en direction des électeurs de gauche. Le dernier livre de Marine Le Pen « à contre flots » a de quoi mettre en éveille, et en premier lieu se demander pourquoi ce titre ? Peut-être vous n’avez jamais lu ou entendu parler du livre ou d’une édition de Lénine sous le titre « à contre courant », cela en dit long sur la nouvelle stratégie du Front National et d’une partie de l’extrême droite. Quand Marine Le Pen dit que le FN, n’est ni de droite, ni de gauche, elle participe à la confusion des esprits. Et il n’y a pas de hasard à entendre un discours anti-système, quand ils sont fondamentalement porteurs et agents de ce système.

Il faut pouvoir se replonger ces trente dernières années pour comprendre certaines mutations des droites extrêmes. En 1974, Jean-Marie Le Pen fait moins de 1% des voix aux élections présidentielles. Son travail va consister à rassembler autour de lui, toutes les familles politiques allant grossièrement des royalistes aux pétainistes, en passant par les intégristes, les paganistes et les anciens de l’Algérie et de l’Indochine française. Il faut préciser qu’en France l’extrême droite a de très fortes identités politiques et qu’il est difficile d’en préciser tous les courants, tant ils furent nombreux et disparates, à l’exemple des défilés du FN chaque année, le 8 Mai à Paris.

C’est à la même époque que vont se créer des passerelles entre la droite et l’extrême droite (Club de l’Horloge, le GRECE) permettant ainsi de recycler de jeunes cadres de la droite la plus ultra vers une droite respectable, que l’on retrouvera notamment au sein de l’ancienne UDF de Valéry Giscard d’Estaing. Ce qui est probablement le plus fondamental, il est entrepris un travail de réflexion. Il va devenir le fonds théorique de ce que l’on appelle la Nouvelle Droite. Nous trouvons au centre de ces thèses, un de ses théoriciens en la personne d’Alain de Benoist (responsable de la revue Krisis).

Il faut attendre l’arrivée de la gauche au pouvoir dans les années 1980, pour que le FN remporte ses premiers succès électoraux, notamment pour son leader dès 1983 aux élections municipales, dans le vingtième arrondissement de Paris. JM Le Pen atteint près de 10 pour cent des voix, et c’est en 1985 aux élections européennes que la première douche froide commence avec un résultat à l’échelle nationale d’environ 9%.

Des résultats comparables n’avaient pas existé depuis les années 1950 et ce que l’on appela le poujadisme. Depuis le FN s’est enraciné dans le paysage politique français, et même si en 2007 il a subi de sérieux revers, il reste indéniablement présent et actif. Et le passage de la couronne du père à la fille, ne doit pas nous faire oublier la menace d’un fascisme cocardier.

De Benoist est un intellectuel que l’on peut qualifier de brillant, mais quoi que l’on veuille, il est une des figures emblématiques des droites extrêmes. Depuis longtemps, il n’a pas hésité à établir des contacts auprès d’intellectuels de gauche, et feindre de ne pas vêtir les vieux habits des fascistes français.

Pourtant quand on connaît ce que peut être l’essentialisme comme vecteur idéologique entre Alain de Benoist et Marine Le Pen, il y a à craindre d’une perception que l’on se forge uniquement si l’on regarde notre monde d’après un ordre raciste et culturaliste. Et surtout, cela ne remet en rien une lecture politique différente des réalités et une opposition entre ce qu’est la gauche ou la droite. Les questions sociales et économiques sont normalement au centre des analyses à gauche, et certainement pas en des référents raciaux, voire ethniques.

VIII – Au nom de la liberté d’expression peut-on tout dire?

Cette question n’est pas anodine et l’on souhaiterait pouvoir y répondre par un oui. Certains n’hésitent pas à citer à ce sujet Voltaire : « Je désapprouve ce que vous dites, mais je défendrai à la mort votre droit à le dire ». Pourtant, ce qui semblerait être une évidence ne l’est pas. La question est de savoir si l’on peut tout dire, tout écrire et justement ce n’est pas le cas.

L’idée d’une liberté d’expression totale est souvent une réflexion philosophique, voire utile à l’expression artistique, mais, on en oublie le plus souvent la question du droit. Une société démocratique s’appui sur des règles civiles, et pour que la liberté d’expression soit respectueuse de l’expression du plus grand nombre, elle doit par le droit définir la liberté commune et si besoin est y mettre des interdits.

Une société sans interdits n’a jamais existé et n’a aucune raison de voir le jour, pire, elle serait tout sauf un état de droit. Si certains pays en Europe ont choisi d’avoir en matière de racisme, ou d’antisémitisme des législations rigoureuses. Cela n’est pas le fait du hasard. Le continent européen a connu une histoire douloureuse, et quoi que certaines expressions veuillent, certaines idées nuisent aux débats publics en propageant des idées de haine et de violence.

Nous sommes dans un contexte spécifique et difficile, ou il faut parler d’une banalisation des propos et idées racistes, et le premier des relais trouve place au sein des autoroutes de l’information. À l’origine lancé par le gouvernement, le fameux débat sur l’identité française a permis la levée de certains tabous et que se répande notamment sur la toile des propos affichant clairement une haine des musulmans et des juifs de France, et d’ailleurs.

Le dernier fait en date, ou des ministres, un président de la République, des médias finissent par amalgamer les populations nomades de souche française (ou gens du voyage) aux Roumains d’origine Rom, parachève le caractère discriminatoire, qu’il y a à désigner à la vindicte de faux coupables, qui dans l’imagerie nationale renvoie « aux voleurs de poule » et autres phantasmes.

Le pouvoir s’attaquant à un des groupes les plus discriminés en Europe ne fait que réveiller les haines souterraines de nos compatriotes. La manœuvre n’a que pour but de glaner quelques voix ou militants zélés. Certes, nous sommes loin de ce qui se passa dans les années 1930. Mais sur le fond et à force de désigner un groupe ou de tenter de les opposer on permet que s’expriment ouvertement des opinions plus que condamnables. Et nous ne sommes pas en reste sur la gauche de l’échiquier, quand certains maires socialistes trouvent pour seul remède d’expulser, sans comprendre les racines de l’exclusion des populations Rom de l’Est européen.

Il serait peut-être temps de poser l’ensemble des problèmes et de se poser la question de la présence en France de groupes dits minoritaires et de comment à gauche comme à droite, l’on trouve des raccourcis plus que surprenant. Ils s’expriment en général sur le mode de la généralité, la désignation d’un groupe où tout serait homogène. Il faut pour cela faire attention au langage. Un musulman serait ceci, un juif cela, mais on se pose rarement la question de tous les individus dans cette masse, de leurs droits en tant que citoyens.

Quoi que l’on fasse, l’individu n’est pas uniforme et sans pour cela faire appel à des marges. Car chaque individu qui compose une minorité n’est pas obligatoirement appelé à ressembler aux clichés, aux stéréotypes courants, du moins il se conjugue parfaitement à l’idée que nous nous pouvons nous faire d’une République « une et indivisible ». Qu’ils se nomment Farid, Luc, ou David ou Yasmina, Jeanne, ou Salomé, ce petit monde vit dans un même et seul pays, et ils se ressemblent pour beaucoup. Les maniaques qui sont à la recherche de différences culturelles se mettent le doigt dans l’œil.

La jeunesse française est bien plus homogène qu’on ne le croit. L’identité est quelque chose de très complexe et d’intime, les réalités font que les choix de modes de vie sont dans l’ensemble plus basés sur des critères personnels que collectifs. Nous souffrons surtout des conséquences d’un individualisme qui met en compétition les individus entre eux. Une femme ou un homme ne peut pas se construire sans repère collectif, sans lois communes. Sinon ça n’a qu’un seul nom et cela s’appelle la barbarie.

Il y a plutôt à se poser la question, pourquoi des minorités politiques pour certaines groupusculaires tentent d’imposer un regard souvent erroné de notre société. Pourquoi ils ont tout intérêt à appuyer là ou ça fait mal ? D’en rajouter pour que la machine à fabriquer du spectacle les porte au-devant de la scène.

IX – La question de l’antisémitisme à gauche ?


En dehors du travail récent de l’historien de gauche Michel Dreyfus (3), il faut reconnaître que le sujet été peu abordé ou mal compris. Le but n’est pas de crier au loup et lancer l’anathème sur l’ensemble de la gauche française, voire européenne. Il y a en ce domaine à se méfier aussi des généralités. Et, justement pour ne pas tomber dans ce piège, il faut pouvoir en comprendre les causes et les origines de l’antisémitisme à gauche.

La référence première en général se situe avec l’affaire Dreyfus, mais les racines de l’antisémitisme à gauche sont bien plus anciennes au sein de mouvement ouvrier, et ont perduré via certains groupuscules. L’objet n’est pas de chercher dans notre histoire passée des faits et les comparer avec ceux d’aujourd’hui. Il faut écarter donc tout parallèle historique, mais constater de nouvelles formes ou courants politiques au sein de la gauche renouant avec cette tradition : le socialisme des imbéciles.

Marx a connut de son vivant des attaques très claires sur ses origines, notamment de la part de Bakounine. Paradoxe pour Marx, il a connu tout au long de sa vie quelques campagnes infamantes, pour un homme qui se réclamait athée, dont le père avait choisi de se convertir au protestantisme. Il se voyait ramené via la figure religieuse à celui du « juif culturel » ou imaginaire, et le renvoyait à une mélasse identitaire qui ne le concernait pas. Si l’on cherche à comprendre à quoi peut ressembler un juif culturel, c’est tout simplement le visage de tout à chacun ramené à ses origines, et qui dans certaines circonstances historiques est amené à prendre conscience qu’il est « juif » au regard des autres.

Il existe un antisémitisme meurtrier connu sous sa forme la plus virulente, qui est lié à l’histoire des extrêmes droites et des fascismes en Europe, et qui a conduit au plus grave crime contre l’Humanité du vingtième siècle, c’est-à-dire la Shoah. Mais n’objecte t-on pas un peu trop facilement l’existence d’un antisémitisme de l’autre bord de l’échiquier politique. Il y a comme une évidence, pourquoi dans ce cas ne pas prendre le problème à bras le corps et l’aborder de face ?

L’antisémitisme en France et à gauche n’a pas eu de fait un caractère criminel, mais il est relativement présent et ancré par l’idée du juif lié à l’argent et aux pouvoirs. Avec le conflit israélo-palestinien, il existe plus que des malentendus pour ne pas dire de gros malaises. Et ils ont commencé dès 2003 dans les manifestations contre la guerre en Irak.

Que l’on condamne les exactions du gouvernement israélien, rien de plus normal. L’état d’Israël est à l’égal de toutes les nations de ce bas monde. Ses politiques sont non seulement critiquables, mais condamnables. Mais quelles sont les raisons qui poussent certains à ne regarder que partiellement la vérité, à chercher un bouc émissaire tout désigné ? C’est dans ce type de situation que nous pouvons nous interroger sur l’antisémitisme à gauche, tout comme nous devons le faire pour toute forme racisme.

Doit-on faire silence quand il y a un mélange des genres et quelques passerelles, entre des groupuscules gauchistes ou néo-staliniens et néo-fascistes et intégristes religieux ? Ces ensembles groupusculaires se rejoignent le plus généralement autour de la cause palestinienne, et appellent ni plus ni moins à la destruction de l’Etat d’Israël, et lâchent à tour de bras leurs haines des « sionistes ». Il y a de quoi tout de même être troublé quand ils propagent des informations outrancières et malveillantes. Certes, ils ne représentent pas grand-chose, mais ils polluent le débat public, notamment celui qui a lieu dans l’espace francophone.

Le but de ce texte n’est pas d’orienter vers un de ces sites pour lesquels aucune publicité ne vaut et surtout gratuite. Il n’est pas la peine d’en faire de faux martyres d’une cause détournée. De plus, les médias alternatifs rigoureux ne sont pas légions depuis le 11 septembre 2001. Le récit d’un sionisme à l’origine de tous les maux de notre société et du complot maçonnique à chaque coin de rue a pris une dimension inquiétante. On a vu aussi fleurir une presse dite de gauche, ou laïque, de lourds accents nationalistes et affichant un rejet manifeste des musulmans, et n’hésitant pas à fustiger ceux qui pensent autrement, au lieu de déconstruire des modes de pensée à rebroussent chemin et en lien avec les temps présents.

Il y a un moment, ou il importe de casser la chaîne et de tenir à distance les agités du moment. Il existe à gauche un discours malsain, qui vise à tout réduire. Et il se trouve aussi bien au sein du Parti Socialiste qu’aux extrêmes. Le mirage selon lequel la gauche serait de nature anti-raciste n’a jamais été chose gagnée. Quand ce n’est pas l’antisémite bon teint qui s’exprime, sous couvert de non-dits et de sous-entendus. Il est aussi de bon ton de stigmatiser. Trop de noirs ou d'arabes et ordre donné de filmer les « blancos » (cibles en espganol) pour masquer les failles de la mixité. (Correction 2015 - Ndr).

Le racisme trouve ainsi de nouveaux canaux, de nouvelles oppositions à mettre en scène. Le racisme est un mal universel, tout comme sa déclinaison antisémite. Cela repose le plus souvent sur une méconnaissance des réalités, et de ce qui fait notre réel. Le racisme se construit sur des fantasmagories qui attribuent à tels ou tels groupes des différences, une manière de se comporter ou de penser. Comme si un comportement, qui plus est individuel pouvait être comparable à une masse que l’on voudrait uniforme, et qui ne l’est pas et dans aucun lieu du monde.

X – La France dans son ensemble n’est pas raciste


Tous nous avons un libre-arbitre et notre propre mode de pensée et d’analyse. La France dans son ensemble n’est pas raciste, mais à gauche il reste du chemin à parcourir pour dépasser ce qui devrait être une chimère. Que peut-on construire de solide, et sur un mode altère et sans limiter chaque femme ou homme à son plus commun dénominateur.

Au nom de la liberté d’expression, il faudrait permettre que se répandent toutes les idées, il y a à ce sujet plus qu’un doute. Si la loi ne vient pas justement ouvrir des droits à l’expression de tous, au nom de cette liberté, il ne peut autoriser ce qui est contraire à la Loi. Si le racisme tout comme l’antisémitisme ne trouvait pas des lois pour les condamner, il y aurait fort à craindre des relents nauséabonds courants et violents.

Qu’un ministre qui est plus est de l’intérieur soit en instance pour un procès pour une dérive raciste est symptomatique d’un malaise. Ou le bouc émissaire – qu’il soit musulman, noir, juif, ou tzigane a toujours quelque chose à se reprocher, car non conformes. Nous sommes face à quelque chose qui est de l’ordre de l’instinctuel, ce n’est pas l’homme qui parle, c’est l’ignorant qui s’exprime. Il ne vise qu’à opposer le genre humain, à nous faire croire que Joseph, Mohamed, ou Elise n’appartiennent pas vraiment à un ensemble social et républicain commun, qu’il soit d’ici ou né ailleurs.

Nous avons connu ces derniers temps des redites en matière de dérapage de mots, pour exprimer ce qu’au fond pensent une masse d’individus lambdas. Par temps d’augmentation de la pauvreté et qui plus est la progression d’un sous-prolétariat, il existe un terreau fertile pour opposer les classes laborieuses entre elles. Et quand on ne dispose pas d’arguments solides, on se replie sur un identitaire clos au lieu d’en dénoncer les malentendus.

Quand on veut réveiller l’instinct contre la raison, on récolte rarement une pensée la plus raisonnable qui soit. Il reste dans ce cas à faire de la pédagogie, à être vigilant sur les racismes, les intégrismes et éviter d’agir au côté de gens qui n’en ont rien à faire de la complexité humaine. S’il existe un bel enseignement de la Révolution française, c’est de ne pas distinguer un homme en raison de son origine et quelle qu’elle soit, mais d’en faire un citoyen à part égal.

Français et étrangers en France sont liés à un pacte commun qui s’appelle la citoyenneté. Quand nous devrions aller dans ce sens, malheureusement certaines forces poussent à culturaliser un discours politique qui n’a pas lieu d’être. Il faut apprendre à bien distinguer les peuples de leurs gouvernants et leurs coutumes propres. Et, ne pas chercher un ennemi pulsionnel, surtout ne pas se faire avoir par certains non-dits ou doubles discours. Un citoyen c’est une personne en éveille et qui utilise la critique comme un outil d’analyse et non comme une fin en soit.

XI – Internet et l’information face au racisme

Il en va de comprendre comment fonctionne notre société de l’information. Dans cette bouillie informelle que représente aujourd’hui l’Internet, nous prenons de plein fouet une certaine rareté de l’information. Au plus court, on peut s’interroger sur comment ces mêmes informations sont véhiculées. Pourquoi elles se ressemblent, comment se fait-il qu’un outil si prédisposé à mettre en ligne de la littérature soit en ce domaine d’une si grande pauvreté. Il faut faire court, vendeur, en clair racoler le lecteur par des unes vides de sens. La peur, ou ce qui se joue de nos peurs rapporte aux grands groupes de presse, ou du moins elle exerce sur tout à chacun une prise.

Un besoin obsédant de se servir du fait d’actualité comme s’il s’agissait d’un fait quasi biblique… Il n’en est rien, l’actualité illustre au combien elle brouille nos esprits, car au préalable il est pensé et décidé ce qui est bon ou mauvais pour le lecteur, pire encore pour l’objet télévisuel. De plus, il faut que l’info soit courte et que l’on capte l’attention plus que la réflexion, et si possible vendre des encarts publicitaires.

Cette logique financière nous orientant vers un type d’opinion n’est pas le fait d’un consentement, mais d’une ignorance partielle des citoyens sur la concentration de l’information en très peu de mains. Et notamment sur le peu de prise en compte de savoirs scientifiques, et ce qui est existant à travers les si mal-aimées et peu comprises sciences humaines.

Le racisme part de cette idée, qu’il y aurait au sein du genre humain « des races ». « Races » que l’on subordonne en général à la couleur de peau, mais qui ont surtout à voir avec la pigmentation de notre peau (la mélanine) et rien d’autre. La race est un critère pseudo biologique qui a pour but de faire d’un groupe un groupe homogène sur le plan de ressemblances physiques et culturelles.

Sauf que d’un point de vue biologique, il n’en est rien, la race intervient plutôt comme un processus d’appauvrissement des gènes. À l’exemple de ce qui est fait avec les animaux domestiques depuis quelques milliers d’années, et dans le cas de l’espèce humaine en de très rares circonstances ou quand elle est soumise à une très forte consanguinité et sur de longues générations, et sur un groupe réduit d’individus. La race s’apparente plus à une dégénérescence biologique qu’à un facteur de culture et d’ouverture.

En soit le racisme est une peur de l’autre et dans certains cas une haine inconsciente de soi. L’imaginaire ainsi construit des récits qui ont pour but de sécuriser, de donner des limites à son entendement, de croire que l’on est différent, quand les différences sont d’une autre nature.

On ne diffère pas par couleur de peau et encore moins par la religion ou la culture, on y attribue de fausses valeurs qui ont pour objectif de maintenir des frontières, des états, des polices et des armées qui dans l’ensemble se moquent bien de leurs concitoyens. Le vrai danger se trouve dans l’intolérance, ce besoin d’attiser les haines et à des fins politiques et quel que soit le groupe minoritaire visé. C’est en abordant de manière saine la question du racisme et de l’antisémitisme que l’on peut en faire un sujet hors des amalgames, des particularités, des raccourcis de la pensée.

XII – La loi Gayssot n’est pas liberticide


Vincent Reynouard est un triste personnage, il ne mérite pas une attention particulière, pourtant il est l’objet d’un soutien assez appuyé chez quelques croisés de la liberté d’expression. Mais qui est donc ce Monsieur Reynouard, si ce n’est qu’un négationniste, qui ne cache pas ses penchants pour le national-socialisme. Un personnage fade, en recherche de publicité et trouvant un appui allant au-delà de l’extrême droite traditionnelle.

Ce qui peut étonner, c’est pourquoi la loi Gayssot pose-t-elle problèmes à des (pseudo) protecteurs de nos libertés, pourquoi cette loi spécifique est-elle l’objet d’une attaque particulière, et pouvant fédérer des individus de tous les bords ?  Car derrière la demande de libération du militant extrême droitier, l’objet est de faire abroger cette loi, dont le seul but est de nous protéger de certaines dérives idéologiques.

Pour rappel, la loi Gayssot condamne au nom de la loi française no 90-615 du 13 juillet 1990, toute idée « tendant à réprimer tout propos raciste, antisémite ou xénophobe ». En raison, des articles de cette même loi (notamment en matière de presse) tout appel ou publication à la négation de l’extermination des Juifs durant la seconde guerre mondiale relève des tribunaux. Il s’agit d’un délit passible de fortes amendes ainsi que d’emprisonnement.

On ne peut pas dire que cette loi a été particulièrement répressive, car depuis son entrée en vigueur, elle n’a concerné en matière d’incarcération que quelques quidams à l’exemple de Roger Garaudy et encore à titre de récidive, tout comme son alter-égo Vincent Reynouard. Le plus souvent la loi Gayssot a été l’objet de peines légères, le plus souvent d’amendes, mais rien ne pouvant ressembler à un vent de répression sur la liberté d’expression.

Il semble que ce ne soit pas l’avis de Noam Chomsky (linguiste et professeur à l’université du IMC du Massachussets). Ce dernier a signé une pétition début septembre demandant à la fois l’abrogation de la loi Gayssot, ainsi que la libération du révisionniste Reynouard au nom de la liberté d’expression.

 « J’apprends que  Vincent Reynouard a été condamné, et mis en prison au nom de la loi Gayssot et qu’une pétition circule pour protester contre ces mesures (…) Je ne connais rien à propos de M. Reynouard, mais je considère la loi Gayssot comme complètement illégitime et en contradiction avec les principes d’une société libre tels qu’ils ont été compris depuis les Lumières (…) Cette loi a pour effet d’accorder à l’État le droit de déterminer la vérité historique et de punir ceux qui s’écartent de ses décrets, ce qui est un principe qui nous rappelle les jours les plus sombres du stalinisme et du nazisme ».

Noam Chomsky n’en est pas à son premier imbroglio, il s’était retrouvé rédacteur au début des années 1980 d’une préface d’un livre du bien connu révisionniste Robert Faurisson par le biais de son ami Serge Thion, connu lui aussi pour son adhésion aux thèses négationnistes et qui fut exclu du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) pour ces mêmes raisons. Chomsky avait à l’époque contesté les faits, cette fois il signe et contresigne : « je souhaite exprimer mon soutien à la pétition contre l’application de cette loi (la loi Gayssot) dans le cas de Monsieur Reynouard  ou dans tout autre cas ».

Ce débat n’a rien de nouveau. Il avait de son temps posé quelques problèmes. Pierre Vidal Naquet avait tenté d’y répondre en 1981 dans un texte qui mérite d’être lu (4). Le problème n’est pas d’accusé Chomsky d’antisémitisme, mais de lui demander de ne pas penser comme un citoyen des Etats-Unis, mais plus au regard du vieux continent européen et de ses lois. Connaît-il les décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme concernant le négationnisme ? Roger Garaudy s’était plaint à la Cour de sa condamnation pénale par un tribunal français pour négationnisme. Il invoqua l’art. 10 de la charte européenne, liberté d’expression. La Cour rejeta sa demande, en voici son résumé :

« Quant aux condamnations de M. Garaudy pour contestation de crimes contre l’humanité, la Cour se réfère à l’article 17 (interdiction de l’abus de droit), qui a pour but d’empêcher les individus de tirer de la Convention un droit leur permettant de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés reconnus dans la Convention. Ainsi, personne ne peut se prévaloir de la Convention pour se livrer à des actes contraires à ses dispositions.

Après avoir analysé l’ouvrage litigieux, la Cour considère, comme les juridictions nationales l’ont démontré, que le requérant a fait siennes les thèses négationnistes et a remis en cause systématiquement les crimes contre l’humanité commis par les nazis envers la communauté juive. Or, selon la Cour, il ne fait aucun doute que contester la réalité de faits historiques clairement établis, tels que l’Holocauste, ne relève pas d’un travail de recherche historique s’apparentant à une quête de la vérité. Une telle démarche a en fait pour objectif de réhabiliter le régime national-socialiste, et, par voie de conséquence, d’accuser de falsification de l’histoire les victimes elles-mêmes.

La contestation de crimes contre l’humanité apparaît donc comme l’une des formes les plus aiguës de diffamation raciale envers les juifs et d’incitation à la haine à leur égard. La négation ou la révision de faits historiques de ce type remettent en cause les valeurs qui fondent la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et sont de nature à troubler gravement l’ordre public. De tels actes sont incompatibles avec la démocratie et les droits de l’homme, et leurs auteurs visent incontestablement des objectifs du type de ceux prohibés par l’article 17 de la Convention.

La Cour considère que l’ouvrage du requérant ayant, dans son ensemble, un caractère négationniste marqué, il va à l’encontre des valeurs fondamentales de la Convention, à savoir la justice et la paix. Elle conclut que le requérant tente de détourner l’article 10 de la Convention de sa vocation en utilisant son droit à la liberté d’expression à des fins contraires à la Convention. Par conséquent, la Cour estime que le requérant ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 10, et déclare son grief incompatible avec la Convention. » (arrêt Garaudy de 2003).

XIII – Les mondes virtuels et vases communicantes


Comment ne pas traiter ce sujet, s’il n’était pas en fait, l’auteur, du moins le conducteur de ce texte. Tout a commencé par une recherche des liens entre blogues et sites que l’on trouve sur le web : de la prolifération et de l’extension d’un même discours ou du moins homogène d’un espace à l’autre, et un goût immodéré de la vérité révélée. Suite à un rapport du MRAP sur la prose extrême droitière en 2010 à la connaissance de tous, l’on découvrait, une multitude et des mélanges de genres équivoques. Un socle commun s’en dégageait en la défense de valeurs soit anti-juives ou anti-musulmanes. Peu de place à une analyse équilibrée, le bouc émissaire de nos maux est toujours au centre du discours raciste.

C’est en cet ordre du monde, à bien des égards magiques, que des hommes et des femmes nous trompent sur leurs intentions, mais pas sur la nature de leurs écrits. On peut s’interroger de même de comment certaines luttes politiques se fédèrent dans la haine. Il se serait à l’exemple de la littérature de faire une liste, de la mettre à la vue du public. La pratique de la délation, de la stigmatisation des différences est un mal particulier. Et nous devons faire face à des pratiques qui n’avaient pas vu le jour depuis vraiment les années 1930, mais qui refleurissent sans que cela ne dérange bon nombre d’esprits. Au passage, il incombe de dé-diaboliser le FN et ses chefs, comme si l’extrême droite d’aujourd’hui n’avait aucun lien avec la circulation d’opinions fascistes.

Ce qui est étrange c’est comment des personnes qui avaient été amener à combattre le FN en sont venus à passer avec armes et bagages avec leurs ennemis d’hier. Les fortes préoccupations que portent les questions de la paix dans le monde ont porté toute une génération après 1914-1918 à choisir le camp pacifiste. C’est ainsi que d’anciens socialistes et communistes choisissent plutôt la collaboration que la guerre, vingt ans après. Il n’existe pas de liens de génération ou de redite historique, mais une approche assez enfantine ou instinctuel de l’ennemi, et souvent à contrario de ce que peut supposer se battre pour la paix.

Internet est un médium démocratique qui permet l’expression de tout et son contraire. L’objectif n’est pas de censurer, d’interdire, il est surtout de rappeler que le racisme est un délit. Que ce délit n’est pas sans conséquence, et il peut avoir des accents morbides. Faire le tour de ce petit monde brunâtre comporte le risque de belle nausée, et de quoi se méfier de ces journalistes qui se proclament indépendants quand ils sont le réceptacle ou une courroie de transmission de courants d’opinions.

De l’objet virtuel, l’on en oublierait que cet outil est relativement récent, mais il est venu bousculer la bonne vieille imprimerie de Gutenberg. Il importe peu de savoir si cela est utile ou pas, c’est un outil complémentaire au livre, à la feuille de papier et qui recouvre toutes les questions de l’image et du son. Un bel outil de propagande ou il est permis à tout à chacun de délivrer un avis passager, ceci ne permettant pas d’en faire d’abord un outil pédagogique et de transmissions des savoirs. La question du racisme et de l’antisémitisme va au-delà de l’indignation, s’y concentre bon nombre de nos maux. Raison de plus de ne pas abdiquer devant un ordre de choses, pour penser une complétude humaine contre Vents et marées…

Notes :


(1) Le Monde, le blog des droites extrêmes : Cliquez ici !

(2) Article 11 Le Grand soir : analyse des dérives droitières d’un site alter :  Cliquez ici !

(3) « L’antisémitisme à gauche » de Michel Dreyfus – Histoire d’un paradoxe, de 1830 à nos jours : Cliquez ici !

(4) Texte de Pierre Vidal Naquet : Cliquez ici !



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