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Sommaire de la page :
1 - Sur les
traces de Flora Tristan,
2 - Flora Tristan, une ancêtre du
Féminisme et du Socialisme, par Marthe Bigot (1926)
3 - Première biographie de Flora
Tristan par Eléonore Blanc (1845)
4 - Deux podcasts avec Me Michelle Breuc et avec Me Dominique Dessanti
& Vidéo avec Me Michelle Perrot & Bibliographie et documents annexes à consulter !
Sur les traces de Flora Tristan (1803 – 1844)
Lionel Mesnard, le 5 juin 2016
Le
fil de l’écrit n’a pas de besoin d’intermédiaire, de recherche d’une
cohérence, c’est ce qui échappe et qui ne peut être que personnel.
L’imaginaire fait d’associations de tous ordres et souvent fait de
désordres, reste une piste privilégiée, toutefois l’intime ne doit pas
prendre le dessus, il faut savoir le garder à bonne distance, tout en
sachant ce que l’on y donne à lire, ne peut que transparaître. Il ne
s’agit pas de rejeter l’intimité, mais de lui laisser sa part
énigmatique, parfois silencieuse.
La mort est souvent un moyen de rappeler à nous des émotions de tous
ordres, et rien n’est plus hors des conventions scientifiques d’en
faire l’éloge. L’émoi est une construction avec toutes ses
ramifications nerveuses ou physiologiques, mais c’est aussi un champ
d’expérimentation, de compréhension du monde, pour y faire face.
L’écriture est une réalisation artificielle, qui tente de faire lien
avec le réel sans jamais l’atteindre. L’histoire vient comme une bouée
utile, pour rappeler que d’autres bien avant nous ont pu avoir les
mêmes sentiments, à la recherche de figures apaisantes ou pas, mais ce
n’est pas la trace qui importe, ce sont les origines, ce qui nous
fonde.
La
datation ou la recherche des causes, peut-être généalogique, mais
au-delà de la multiplicité des identités politiques ou personnelles, il
est question de l’Humanité en souffrance, et de comment une lutte
personnelle va s’élargir à des d’autres dimensions humaines et au
service de l’émancipation du plus grand nombre, et pas en fonction
d'intérêts particuliers. L’on peut même parler de dévotion, d’une
volonté
surnaturelle face aux lois humaines de l’absurde. Comment faire le lien
avec ce qui peut sembler mineur, et qui sait déboucher là, où ce qui
nous échappe est fondateur. Pour sa propre
généalogie, mère de trois enfants, il faut retenir qu'elle fut la
grand-mère du peintre Paul Gauguin.
L’objet n’est pas d’être généalogiste et de faire filiation, car en
matière de coupure sociale être une femme au XIXe siècle, qui plus est,
peu identifiée dans la construction du mouvement ouvrier et socialiste,
il n’y a pas à affirmer, simplement à constater. Non pas la paternité,
mais pourquoi Flora Tristan est la porteuse d’un corpus
messianique et politique, que d’autres nommeront plus tardivement et
abusivement le marxisme. Quand il est question de courants, propre à
une histoire politique avec de très forts antagonismes et la question
rarement posée du pouvoir, le nœud de tout problème.
Au hasard d’une
recherche et pris au piège de trouver des nouveaux éléments sur la vie
de cette femme échappant aux normes de son temps, pour souffler un peu…
d'autres travaux. Et coup sur coup, me voilà avec deux amies au service
du prolétariat
dont une inconnue, et les deux portées par cet idéal social et
mystique. Sachant qu’à quelques mois d’intervalle deux jeunes, deux
Rhénans, Marx et Engels se liaient d’amitié à Paris, il disparaissait
peu de temps après une des fondatrices ou pilier de l’Union Ouvrière à
Bordeaux avec Flora Tristan, un mouvement socialiste démocratique et
révolutionnaire ouvrant la voie aux théories et pratiques de la
lutte des classes en France et pas seulement.
Sa vie militante et politique sera relativement courte, mais dense et
se concentrant avec son départ pour son Tour de France à
l’exemple des compagnons, Il est à noter que ses premiers écrits furent
laborieux, une correspondance retrouvée par Jules-Louis Puech.
Rien au demeurant ne la prédisposait à l’écriture, et pourtant, c’est
ainsi qu’elle va se faire connaître et trouver des soutiens ou
souscripteurs comme Béranger, le chansonnier, ou Eugène Sue,
l’écrivain, ...
Avec pour accompagnement un premier article par Marthe
Bigot, il
y a de quoi nourrir quelques éléments sur son existence, mais je ne
peux que vous inciter à découvrir l’oeuvre de Flora Tristan directement
dans ses textes ou éléments de correspondances (entre autres, Eugène
Sue lui adressant des félicitations dans son livre l’Union Ouvrière…).
Elle apporte aussi sa perception de « 89 », et elle a eu, à peu près la
même perception, des similitudes ou intonations sur la bourgeoisie
avant Marx et son
Manifeste, publié la première fois en 1848… Il existe dans ses livres
une vigueur rare, exaltante dans un langage simple, elle laisse aussi
un roman philosophique Méphis ou le Prolétaire. J’espère que cette page
aidera à la faire un peu plus connaître ! (lire sa bibliographie en bas
de page)
Présentation du texte d’Eléonore Blanc, son amie et première
biographe
Quelle joie et bonheur de retrouver Flora Tristan, et je le dois à un
petit livre biographique d’une inconnue Lyonnaise, se nommant Eléonore
Blanc datant de 1845, quelques mois après sa disparition. Elle fut son
amie, sa première biographe et le journal La Fraternité en fait
mention
dans son numéro 5 (mai 1845) avec un article court et un encart pour la
publication sur sa dernière page :
« Mme Flora Tristan, si connue par sa sympathie aux douleurs de la
classe ouvrière à laquelle elle s'était donnée la mission, par ses
écrits et par sa parole, de prêcher l'union comme le seul moyen de
salut, vient de trouver en son sein un biographe qui entreprend de
rendre hommage à sa mémoire et de retracer sa vie. Il appartenait plus
particulièrement à une femme du peuple qui l'a connue, de payer cette
dette de la reconnaissance envers celle qui n'est plus. C'est ce que
vient de faire Mme Eléonore Blanc (de Lyon). Nous ne saurions trop
applaudir à la pensée qui l'a inspirée et aux encourageantes paroles
qu‘elle adresse à ses frères les ouvriers, pour les engager au grand
travail de leur rédemption. De la part de Mme Blanc, la petite
biographie que nous annonçons fait honneur à son cœur sous tous les
rapports; de plus, elle témoigne de ce que pourront les femmes quand
elles voudront se livrer à l'essor généreux des sentiments dont la
nature a données. C'est un bon exemple donné à son sexe. »
Au-delà de la seule émotion de savoir qu’elles se sont connues, Mme
Blanc apporte tout plein de petites informations riches et permettant
de la découvrir sous un jour idyllique. Flora Tristan disposait d’un
caractère entier et son existence jonchée de malheurs, elle avait
appris à surmonter toutes les épreuves de la vie. Ce fut une force
d’âme, un écho d’outre-tombe, un pied de nez de celle qui avait dit non à
son statut de victime et s’était emparée avec talent de sa plume, quitte
à venir bousculer les certitudes et tenir un rôle un peu iconoclaste.
Apôtre du mouvement ouvrier, elle incarna ce que jamais les dogmatismes
purs et durs ne voulurent jamais admettre. Elle a été très peu évoquée
dans l’historiographie socialiste ou communiste, son exaltation a dû
faire peur, sa foi et ses croyances d’un même élan ont pu charmer, mais
ne pas correspondre à des temps et des pratiques athéistes très
éloignées de son discours christique.
Eléonore Blanc, sa première biographe a un nom de famille plutôt
répandue, elle n’a pas laissé en l’état d’autres traces et donne à son
livre un soupçon de mystère. L’apologie est magnifique et sincère, sa
biographie fidèle en esprit à ce qu’a pu être Flora Tristan et ce
qu’elle a pu exprimer. Cette découverte - me concernant - est tardive,
mais donne l'envie d’en savoir un peu plus, sur qui était cette grande
dame et de pouvoir la lire et inciter à sa lecture ou connaissance. La
première découverte de son parcours est venue grâce au livre que
Dominique Desanti lui a consacré aux éditions Hachette en1972 (réédité
en 2001). J’avais écrit en 2012 un article sur Flora Tristan et sa
relation à l’histoire du mouvement ouvrier et ses apports sur le blog
Libres Amériques, que j’ai consacré à l’Amérique latine (à lire ici !).
Il existe d’autres ouvrages à son sujet et à peu près toute son oeuvre
est disponible ou accessible (à lire en bas de page). Néanmoins il faut
pouvoir disposer de certaines clefs pour bien comprendre son parcours
intellectuel et politique. Le terme de paria qu’elle a mis
volontairement au féminin est la source de ses colères, de ses premiers
combats et elle incarne une lutte farouche contre le patriarcat.
Féministe de fait, victime d’un mari sadique, ses fuites et voyages
vont la fortifier face à l’adversité et du divorce sa première cause, à
l’abolition de l’esclavage ou de la peine de mort, son combat se
prolonge jusque
dans sa volonté d’instruire la classe ouvrière de ses forces
insoupçonnées. Une militante qui fit le choix de partager et de faire
vivre l’espérance, que résume admirablement bien Mme Blanc : « L'humanité
progresse incessamment, mais lentement. »
Si Flora a bien fréquenté les milieux du saint-simonisme, et
s’est construite intellectuellement à travers leurs lectures et
réunions, à partir des années 1840, s’opère un changement dès plus
radical, et avec la création de l’Union Ouvrière, elle participe du
camp internationaliste et en terme clair au mouvement « communiste »
encore embryonnaire en France. Il est indéniable qu’elle n’est pas ce
que l’on peut dire une ouvrière, mais difficile de dire qu’elle a vécu
telle une bourgeoise. Sa double appartenance, à la fois française et
modeste par sa mère et très riche et hispano-péruvienne du côté de son
père, on ne peut pas écrire non plus qu’elle a trouvé auprès des siens
beaucoup d’aide. De plus ne sachant pas vraiment mentir, sa franchise
ne l’aideront pas à retrouver la prospérité de sa toute petite enfance.
Mais elle a les codes sociaux pour vivre dans les deux milieux, et elle
finie par choisir parmi ses frères, les plus déshérités de France ou
d’ailleurs. Que ce soit au Pérou, dans l’hexagone ou à Londres, c’est à
chaque fois le même cri de douleur, pourquoi tant d’inégalités et
d'injustices?
Confrontée à l’esclavage sur les terres péruviennes, à sa rencontre pas
simple et pourtant si misérable des travailleurs des deux rives de la
Manche donnèrent un objectif à Flora, et elle y mit toutes ses forces
et énergies. Rompre les chaînes de toute nature, venir par ailleurs
heurter tous les préjugés moraux, et en premier face aux femmes. Il est
difficile de ne pas partager cette petite bulle de lumière dans un
siècle pas vraiment lumineux. Son amie biographe ne fait pas part de
ses rencontres parfois houleuses avec les ouvriers de son temps, à ce
sujet, elle n’a rien caché de ses emportements. La colère est un
mécanisme cependant épuisant. D’une nature à faire le double d’hier,
elle s’est vite épuisée, à l’épreuve d’une époque où le confort était
une donnée variable ou relative. Flora Tristan décéda à peine passée la quarantaine. Ne
pouvant se satisfaire de sa condition, de femme et de déshéritée au
sens plein, son humanité résida dans sa foi et la venue d’un humanisme
social et inversement. Ce qu’elle voulait pour elle ne lui appartenait
plus, et sa seule richesse fut d’écrire. Elle nous laisse un
beau témoignage et une grande fraîcheur d’âme.
Pour ce qui est du texte d’Eléonore Blanc, cet ouvrage de 90 feuillets
sur Flora Tristan permet de remonter sa vie, ce qu’elle a écrit, et
aussi ses derniers mois d’existence racontée avec cœur et
fidélité. Quelques témoignages sur ses funérailles permettent de
découvrir une approche très unanime sur ce qu’elle nomma sa
pérégrination dans son premier grand livre. Une petite femme par sa
taille, mais grande dans sa volonté de changer le monde, elle a
participé avec quelques autres à créer un espace politique nouveau et
ouvert à toutes les misères humaines. C’est un très bel hommage
humaniste et si le mot « dieu » vient un peu dérouter, l’objet n’est
pas de l’instrumentaliser, mais d’en faire une chaleur
réconfortante et par certains aspects un peu envoûtant… faut-il aimer
les mystiques et leurs passions révolutionnaires? Un modeste
livre d’une amie parlant de son amie, un pur témoignage qu’il est bon
de partager!
Ps : En Amérique latine une légende veut qu'elle soit la fille de Simon
Bolivar, si ce dernier a bien fréquenté son père et sa mère à Paris,
cette fausse paternité semble en raison d'une certaine ressemblance
entre les deux.
Bonnes lectures
!
Nota bene : il a été rajouté en décembre 2018, ci-après, une histoire biographique de Flora Tristan sous
la forme d'une conférence audio. Vous découvrirez ainsi qui est son
amie Eléonore Blanc, et toute une série d'informations sérieuses sur sa
vie mouvementée et prolixe. En bas de page, un autre enregistrement radiophonique a été rajouté dans une approche plus historique que littéraire.
FLORA TRISTAN
:
Une ancêtre
du Féminisme
et du Socialisme
Marthe Bigot (*)
La revue mensuelle Syndicaliste et Communiste,
la Révolution prolétarienne (1926)
« L'ouvrier
a peu de confiance en lui-même, voilà ce qui est alarmant. Le jour où
ils comprendront qu'ils peuvent et qu'ils doivent être La tête et le
bras, ils seront sauvés. Mais ils n'en sont pas là » Flora Tristan
(1843)
Un ouvrage qui est paru récemment à la librairie Rivière : La Vie
et l'Œuvre de Flora Tristan
(1), par M. Jules-Louis Puech (note : militant pacifiste et historien
des idées ayant vécu de 1879 à 1957), nous permet d'étudier une
personnalité vigoureuse et originale et en même temps éclaire pour nous
quelques points de l'histoire des travailleurs, et des idées qui
trouvaient écho auprès d'eux au cours de la monarchie bourgeoise de
Louis-Philippe. Flora Tristan fut une figure intéressante de ce
mouvement ouvrier, et M. J.-L. Puech n'hésite pas à la qualifier
d'apôtre et à voir en elle « l'ancêtre du mouvement féministe et du
socialisme ouvrier ». Mais, qui, en dehors de quelques historiens
et d'une petit nombre de militants connaît cette femme remarquable?
Fille d'un noble Péruvien, uni par un mariage religieux clandestin à
une Française, elle fut, lorsque le sort la fit orpheline de père,
dédaignée par la noble famille et élevée dans la pauvreté par sa mère.
Pour l'enfant pauvre, une instruction rudimentaire en dépit qu'elle fût
très certainement bien douée. Elle dut à sa vie aventureuse et à son
intelligence sans cesse en éveil la culture dont ses divers ouvrages
témoignent.
Sa mère, comme tous les parents lorsqu'il s'agit d'une fille, ne voyait
d'avenir possible pour elle que dans le mariage. Aussi, à dix-sept ans,
Flora Tristan belle et séduisante, entrée comme ouvrière coloriste chez
un lithographe fut-elle courtisée par son patron et mariée bien vite.
Eût-elle été une femme ordinaire, ce mariage eût pu durer comme tant
d'autres, mais le caractère impétueux, voire parfois irascible de la
jeune femme, n’était pas fait pour le joug. D'autre part, le mari
apparaît un bien triste sire. Bref, à vingt et un ans, ayant déjà deux
enfants et sur le point d’être mère une troisième fois,
abandonne-t-elle le domicile conjugal en emmenant les enfants.
Alors commence pour elle une existence de luttes et de procès, pour
garder ses enfants et obtenir la séparation de corps - le divorce ayant
été aboli – sans parler, de l'âpre combat pour gagner le pain
quotidien. Flora Tristan éprouva par elle-même tout ce que la vie d'une
femme peut connaître d’asservissement et ce fut contre la misère de la
créature féminine pauvre qu'elle réagit tout d'abord et qu'elle osa,
pour extirper cette misère, se mettre en marge de la société.
« …Sa vie, dit M. J.-L. Puech a été une lutte pour son affranchissement
de femme, elle a prouvé en réalité que dans une société où la femme est
essentiellement un être asservi, son essai d'émancipation individuelle
la met simplement en dehors de cette société ». Eloignée de son mari,
elle quitta son travail d'ouvrière coloriste, fut vendeuse, puis femme
de chambre dans une famille anglaise qu'elle suivit en Angleterre
pendant plusieurs années. Elle obtint durant cette période la
séparation d'avec son mari et subvint à l'entretien de ses trois
enfants en pension chez sa mère, puis elle songea à réclamer l'aide de
sa famille paternelle et partit au Pérou pour la solliciter. Mais elle
savait que cette famille, d'esprit étroitement catholique n'admettrait
point qu'elle eût quitté son mari, aussi reprit-elle son propre nom
pour ce voyage et laissa-t-elle en France ses enfants.
Cette situation fausse amena au cours du voyage une série de péripéties
tantôt pénibles, tantôt romanesques dont elle a laissé le récit,
accompagné de notes sur la vie au Pérou, dans l'ouvrage : « Les
Pérégrinations d'une Paria ». Selon son biographe d'aujourd'hui, ce mot
évoque bien l'idée qu'elle se faisait d'elle-même : une Paria, paria
par sa naissance irrégulière, paria par son mariage malheureux, paria
par tous les incidents poignants ou mesquins de la vie à laquelle la
réduisaient les lois et les mœurs. En 1834, de retour du Pérou, avec la
promesse d'une faible pension, elle commence à écrire et publie une
petite brochure : «Nécessité de faire bon accueil aux femmes
étrangères » où se manifeste un internationalisme assez rare à l'époque.
De nouvelles tribulations l'attendaient avec son ex-mari. Il semble
difficile, selon M. Puech, de juger si les torts n'étaient point
partagés. Quoi qu'il en soit les choses allèrent jusqu'à une tentative
d'assassinat dans laquelle Flora Tristan fut blessée assez grièvement
et qui fit envoyer l'homme au bagne. De ce moment date pour Flora
Tristan sa vie libre d'apôtre. Elle avait été frappée, lors de ses
divers séjours en Angleterre de la condition des ouvriers britanniques;
elle connaissait par expérience, en France, les logis sordides et là
vie misérable des travailleurs sans argent, aussi d'année en année,
l'idée se précisa pour elle d'une sorte de « mission » qu'elle aurait à
remplir pour tirer la classe opprimée de sa misère. Au cours d'un
nouveau voyage en Angleterre, en 1839, elle eut connaissance du
mouvement chartiste qui la séduisit, et l'exemple d'O'Connell,
propagandiste de l'Irlande, lui fut comme une révélation.
A son retour en France une nouvelle œuvre, Promenades dans Londres,
attira l'attention publique. Les questions sociales qui s'y trouvaient
soulevées étaient alors le thème de nombreuses discussions dans tous
les milieux. Les observations que la voyageuse rapportait de
l'Angleterre, ses études sérieuses furent appréciées généralement et
les milieux fouriéristes recommandèrent le livre et firent bon accueil
à l'auteur. En deux ans, le livre eut quatre éditions, dont deux
populaires, ces dernières portant cette dédicace aux classes ouvrières
: « Travailleurs, c'est à vous, tous et toutes, que je dédie mon livre;
c'est pour vous instruire sur votre position que je l'ai écrit : donc,
il vous appartient. » Et M. J.-L. Puech ajoute : « Flora insiste (dans
la préface) sur le malheureux sort des prolétaires de tout pays et ses
exhortations ne se limitent pas aux frontières d'une nation. »
Elle vit alors à Paris, rue du Bac et se crée une sorte de salon où
fréquentent des personnalités variées, préoccupées du mouvement social.
Des controverses qui s'y tinrent sortit l'ouvrage qui lui donne une
place honorable parmi les fondateurs du socialisme : « L'Union ouvrière
». Dans l'Union ouvrière, Flora Tristan pose nettement en fait
l'existence de la lutte de classes, mais fidèle aux théories
humanitaires de l'époque, répudie la nécessité de la violence. Elle
engage les ouvriers - et aussi les ouvrières - à se grouper en une
classe qui, pour conquérir sur les autres classes son indépendance
devra être une vaste association des travailleurs de tous les pays :
« L'Union universelle des ouvriers et des ouvrières »,
dont elle définit ainsi le but : « Elle a pour but :
1° de constituer l'unité
compacte, indissoluble de la classe ouvrière;
2° de rendre au moyen d'une cotisation
volontaire donnée par chaque ouvrier, l'Union ouvrière propriétaire
d'un capital énorme;
3° d'acquérir au moyen de ce capital,
une puissance réelle, celle de l'argent;
4° ait moyen de cette puissance, de
prévenir la misère, et d'extirper
le mal dans sa racine, en donnant aux enfants de la classe ouvrière une
éducation solide, rationnelle, capable d'en faire des hommes et des
femmes instruits, raisonnables, intelligents et habiles dans leurs
professions ;
5° de récompenser le travail tel qu'il
doit l'être, grandement et dignement. » (2)
S'inspirant des phalanstères de
Fourier, Flora Tristan propose de créer
à l'aide d'une cotisation ouvrière de 2 francs par an, et qui devait
produire des millions puisque les ouvriers sont au nombre de sept à
huit millions, des palais ouvriers, vastes établissements d'éducation,
de vie en commun, des maisons de retraites pour les travailleurs âgés.
Elle commença à propager ces idées avec un succès assez considérable
parmi les travailleurs parisiens et conçut le projet d'évangéliser
aussi les grands centres industriels de province. Elle entreprit une
sorte de Tour de France analogue à celui des compagnons ouvriers,
organisa ça et là quelques noyaux prolétariens, mais mourut à Bordeaux
en novembre 1844 d'une maladie - fièvre typhoïde sans doute -
contractée au cours du voyage.
Telle est l'héroïne du copieux et consciencieux travail de M. J.-L.
Puech. Après avoir décrit dans la première partie de son ouvrage, cette
vie aventureuse, d'un caractère bien romantique, l'auteur nous retrace
dans la seconde l'évolution de Flora Tristan. Il nous montre ce qu'elle
a emprunté aux théories en cours (Owen, Saint-Simon, Fourier) et aussi
ce que lui apporta la remarquable élite ouvrière de cette période. Il
nous fait connaître aussi l'accueil que lui firent les travailleurs et
le rayonnement qu'eut sur quelques points les idées qu'elle apportait.
Au point de vue féministe, Flora Tristan a soulevé à peu près tous les
problèmes qui regardent la femme : le divorce, la prostitution, le rôle
social de la femme, sa place au travail, tout est étudié au cours du
long réquisitoire contre la société marâtre que fut sa vie, et il nous
faut avouer que nombre de ces questions sont encore pendantes et que
nous sommes réduits à présenter les mêmes solutions que celles qu'elle
préconisait.
Au point de vue religieux, M. J.-L. Puech nous la montre déiste bien
que violemment anti-cléricale; sur le terrain politique, elle est
d'orientation républicaine, condamne vigoureusement Napoléon - et
c'était le moment du grand battage napoléonien - défaitiste avant la
lettre, elle nomme Waterloo, « le fait providentiel » et « le second
triomphe de la liberté».
Il serait assez puéril de mettre en regard des dates : celle de la
propagande pour l'Union universelle des ouvriers et des ouvrières et
celle, ultérieure, de la fondation de l'Association internationale des
travailleurs; l'absence d'éducation première de Flora Tristan, sa mort
prématurée, ne lui ont pas permis peut-être de donner toute sa mesure
et son œuvre reste menue devant celle de l'auteur du Capital. Cependant
l'oubli qui est tombé sur son nom - sans doute parce que c'était le nom
d'une femme - est certainement injuste.
Son apport n'est pas négligeable. Nous avons parlé de son
internationalisme, de sa conception de la lutte de classes. Mentionnons
aussi l'idée que le salut du prolétariat ne saurait venir que de
lui-même. Elle juge parfois sévèrement l'ouvrier arriéré et ses tares,
mais elle trouve les invectives les plus colorées à l'adresse du
bourgeois et du petit-bourgeois : « la race, dit-elle, qui m'est le
plus antipathique »; « un bourgeois me fait l'effet d'un navet
bouilli
pour la troisième fois »; la bourgeoisie de province est « plus ignoble
que nature ». Comme Proudhon, elle s'attaque à la base même de la
société bourgeoise avec la plus grande vigueur: « Toute propriété
est
vol. Il faut jeter sur la propriété un anathème terrible. Il faut
qu'avant dix ans la plus grande des injures soit celle-ci : tu es un
propriétaire ! »
Ce n'est pas dans un cadre étroit comme celui d'un article qu'on peut
prétendre montrer une pensée avec ses nuances, qu'on peut en souligner
les erreurs ou les insuffisances. Mais si l'on veut présenter un
jugement d'ensemble, on peut dire que les conceptions de Flora Tristan
marquent un pas en avant sur le socialisme de Saint-Simon et de Fourier
et font déjà pressentir Karl Marx et Engels. N'est-il pas d'ailleurs
probable que Karl Marx eut largement connaissance des idées de Flora
Tristan? Il était alors à Paris, et, avec quelques camarades, dont un
au moins était assidu aux réunions de la rue du Bac, éditait la revue
Les Annales franco-allemandes. Cela ne ferait que vérifier une fois de
plus le fait qu'un grand penseur est moins souvent un initiateur
original, un créateur, que l'homme de son temps qui sait le mieux faire
converger dans un seul grand courant les idées tendant vers un même but.
Dans le grand courant du socialisme que synthétise Karl Marx, Flora
Tristan tient une place honorable et M. J.-L. Puech, en nous donnant le
récit de sa vie mouvementée, tragique parfois, parvenue à son terme au
moment où elle engageait vraiment l'action, répare un injuste oubli,
tout en nous donnant un aperçu du bouillonnement profond qui agitait
les masses ouvrières, bouillonnement d'où sont sorties et les secousses
de 1848, et aussi l'Association internationale des Travailleurs.
Notes :
(*) Marthe Bigot, militante syndicaliste et communiste, pour la revue
la Révolution prolétarienne, n° 22 d’octobre 1926, pages 11 et 12.
(1) Jules Louis Puech est l'auteur de plusieurs ouvrages sur Flora
Tristan à commencer par sa thèse, et à analyser ses relations avec le
Saint-Simonisme. Voir la bibliographie en bas de page.
(2) Autres
points n'apparaissant pas dans l'article, source de Maximilien Rubel
sur Flora Tristan et Karl Marx dans la revue la NEF, n°14 (janvier
1946) :
6. Examiner la
possibilité d'organiser le travail dans l'état social actuel. 7. Elever dans chaque département
des
Palais de l'Union ouvrière où l'on instruira les enfants de la classe
ouvrière intellectuellement et professionnellement, et où
seront admis les ouvriers et
ouvrières blessés en travaillant et ceux qui sont infirmes et vieux. 8. Reconnaître l'urgente
nécessité de
donner aux femmes du peuple une éducation morale, intellectuelle et
professionnelle, afin qu'elles deviennent les agents moralisateurs des
hommes du peuple. 9. Reconnaître, en principe,
l'égalité
en droit de l'homme et de la femme comme étant l'unique moyen de
constituer l'Unité humaine.
et le dernier
voyage (extrait vidéo d'une piéce de théâtre)
Eléonore Blanc (1845)
Aux Ouvriers,
Ouvriers, mes frères, c'est pour vous que j'ai écrit cette petite
biographie de Flora Tristan. Permettez-moi de vous la dédier. Vous
aimiez et vous honoriez dignement cette noble et généreuse femme, j'ai
donc lieu d'espérer que vous accueillerez avec bienveillance et
sympathie les pages qui vous retraceront les faits principaux de son
existence si utile et si laborieuse. Contrairement à l'usage, je suis
entrée dans quelques détails qui ne se rattachent pas essentiellement
aux diverses circonstances de la vie de Flora Tristan; mais j'ai été
guidée par la pensée de vous faire aimer surtout son œuvre, et j'ai
voulu joindre ma voix à celle qu'elle vous faisait entendre il y a peu
de temps encore, afin de vous encourager à suivre la route qu'elle est
venue vous tracer.
*
Flora Tristan fit de bonne heure l'apprentissage de la vie, et ce fut à
une rude école, celle du malheur. Bien jeune encore, elle fut placée
dans des voies difficiles qui devaient la conduire à l'accomplissement
de grandes choses. Son éducation, sa position sociale, les errements
qui surgirent, tout concourut à en faire un être hors-ligne. Mais pour
que ses facultés se développassent, pour qu'elle pût se révéler et
accomplir la mission que Dieu lui avait départie, il fallait, nous n'en
saurions douter, le concours de toutes ces circonstances.
D'un caractère noble, fier et indépendant, elle a senti le besoin de
protester hautement contre l'oppression et la tyrannie, contre le
mépris dont la société accable les victimes que ses préjugés lui
immolent. Beaucoup de femmes ont souffert de tous ces maux, mais
beaucoup ont souffert sans se plaindre, se soumettant fatalement à la
loi imposée. Plus forte et plus grande, elle a crié injustice à ceux
qui lancent l'anathème, à ceux qui sanctionnent et qui perpétuent
l'iniquité. Seule ou presque seule, elle s'est placée au poste le plus
périlleux, bien résolue à ne pas reculer et présentant toujours sa face
à l'ennemi terrible qu'elle voulait combattre, la société dans son
organisation injuste et mauvaise. Oh! il faut en effet être bien fort
et bien grand pour venir protester ainsi contre cette puissance
formidable.
Pour la victime qui se dévoue la vie est un douloureux martyre et son
courage est d'autant plus grand qu'elle a sondé d'abord toutes les
profondeurs de l'abîme; elle sait d'avance à quels nombreux écueils
elle viendra se heurter; avant d'accepter la lutte, elle a bien compris
la puissance et la force de son ennemi; elle sait bien qu'elle marche
au sacrifice; mais, sentinelle avancée du progrès, apôtre d'une
réforme, elle va toujours en avant. Elle a la conscience de son devoir
ou de sa mission, et sa conviction est sainte, inébranlable et bien
au-dessus de ses craintes. Quand elle succombera, elle aura combattu et
elle laissera à d'autres, avec un exemple à suivre, l'espérance de la
victoire.
Flora Tristan était fille d'un Péruvien et d'une Française émigrée en
Espagne. Don Mariano de Tristan se borna à donner à son mariage la
consécration religieuse; elle fut faite par un vieux prêtre français
et émigré; c'était à l’époque de la guerre d'Espagne, et les troubles
qui avaient éclaté dans ces contrées empêchèrent que cette union fut
sanctionnée par la toi. Quelque temps après les deux époux se rendirent
à Paris, et ce fut dans cette ville que Flora Tristan vint au monde le
7 avril 1803. Elle avait quatre ans lorsque don Mariano de Tristan, son
père, qui était colonel au service du roi d'Espagne, mourut subitement
sans avoir fait régulariser son mariage et sans laisser de testament.
Sa mère, qui n'avait que de très minces revenus, se retira à la
campagne avec ses deux enfants. La mort de son fils la détermina à
revenir habiter Paris. Flora Tristan avait alors quinze ans. Issue de
parents nobles, elle fut élevée d'abord avec tous les préjugés de caste
qui avaient à cette époque conservé encore de leur prestige. La
supériorité de son intelligence, la fermeté de son caractère qui se
révélèrent de très bonne heure, enfin sa beauté, tout concourut à
l'habituer à exercer une grande influence sur ceux qui l'entouraient.
Tous lui témoignaient de l'amour et du respect aussi inspirer ces
sentiments, c'était pour elle un besoin; mais ce fut la préparation à
de plus grandes souffrances pour l'avenir.
Les circonstances du mariage de don Mariano ravirent à sa veuve la
fortune qu'elle aurait dû posséder. Je n'appellerai point ces
circonstances fatales, car elles poussèrent Flora Tristan dans la voie
qu'elle devait parcourir. Si, entourée d'amis dévoués, elle eût vécu
toujours heureuse, jamais peut-être elle n'eût compris les souffrances
des travailleurs et des femmes, et elle n'eût jamais songé à les
plaindre, ni par conséquent à les instruire.
Flora Tristan avait seize ans et demi lorsqu'elle fut mariée à un homme
qu'elle ne pouvait aimer. Cette union fut une contrainte. Elle subit
pendant trois ans cette existence si douloureuse puis enfin ne pouvant
la supporter plus longtemps, elle résolut de rompre sa chaîne. Ce
qu'elle eut à souffrir pendant les premières années qui suivirent cette
rupture, je ne saurais le dire il est de ces douleurs que l'âme et Dieu
peuvent seuls comprendre, et pour elle l'épreuve fut d'autant plus
difficile à soutenir qu'elle était encore imbue des préjugés qui
dominent la société. Habituée à recevoir de tous des témoignages de
respect, ceux-ci étaient pour elle un besoin, et il lui fallut y
renoncer sa propre estime dût lui suffire.
Elle avait agi avec une franchise et une dignité réelles, et la foule,
froide et égoïste, la repoussait de son sein. Désormais il lui fallait
vivre dans le mystère, cacher à tous les yeux sa position véritable,
sous peine d'entendre le blâme et l'injure éclater à son approche. La
contrainte, la violence et l'oppression, voilà ce que la femme doit
appeler justice, voilà à quoi elle doit se soumettre pour toute la
durée de sa vie. Si elle accepte le lot qui lui est fait, on se
contentera de la regarder comme un être faible, léger et incapable de
grandes conceptions; si elle proteste énergiquement contre tant
d'injustices, on lui criera qu'elle est une infâme, on se détournera
d'elle avec mépris.
La contrainte, la violence et l'oppression, c'est la justice des forts;
et si elle est imposée aux femmes par tous les hommes, elle est imposée
aussi à tous les prolétaires par les privilégiés. Le moteur de toutes
choses dans l’organisation et dans le gouvernement prend sa source dans
une telle justice : imposer, voilà la formule sacramentelle et qui
sanctifie tous les actes. Hélas ! si encore ceux ployés sous un même
joug sympathisant à leurs malheurs communs, ils pourraient unir non pas
seulement leurs plaintes inutiles, mais leurs courageux efforts :
ils pourraient travailler chacun à l’affranchissement commun.
On a l'exemple de ce que peuvent une volonté ferme et des efforts
réunis, et souvent on a vu une petite minorité éteindre des masses,
s'imposer à elles. Cette puissance magique prend sa source dans la
persévérance et dans la centralisation des efforts pour un même et
unique but. Cela a été dit bien souvent au peuple ; il sait que telle
est la vérité, et pourtant il persiste à se défier de la puissance des
moyens qu'on lui indique, se contentant de souffrir et de se plaindre
tout bas.
Pour les femmes, ni elles ne se défient, ni elles n'espèrent, elles
gémissent en secret, sentant leur état de souffrance, mais ne voulant
pas en rechercher les causes, voulant encore moins s'enquérir des
moyens d'y échapper. La souffrance sert puissamment à développer
l'intelligence; mais il faut aussi, pour qu'elle instruise, que l'on
soit sorti de ce premier état d'ignorance qui paralyse toutes les
facultés. Il est pourtant des hommes qui osent prétendre encore
aujourd'hui que le peuple n'a pas besoin de s'instruire. Il est créé
pour le travail disent-ils et aussi pour la souffrance; qu'il travaille
et qu'il souffre donc; et ils vont jusqu'à sanctifier l'ignorance
en inculquant dans la pensée de ceux qui les croient qu'il y a péril à
posséder trop de science.
Oh! oui, il y a péril, mais pour leur puissance tyrannique. Le
despotisme ne serait plus sûrement assis, que dis-je? il croulerait dès
que les peuples auraient déchiré ce voile qui les enveloppe. Ce n'est
pas le peuple qui est créé pour travailler, c'est l'homme; le travail
est la loi la plus sainte et la plus juste; mais elle est loi pour
tous; nul n'a le droit de la violer; et combien se l'arrogent pourtant
ce droit ! Mais ériger la souffrance comme une loi éternelle c'est
blasphémer, c'est être impie…
Chez les femmes du peuple, en général l'ignorance est si grande,
qu’elle est la cause de cet état d'inertie (quant à ce qui
concerne leur position dans la société) dans lequel leur vie s'écoule.
Avant de réclamer pour elles, les femmes doivent comprendre qu'elles
sont la moitié du corps social. Le peuple, lui non plus avant 89,
n'avait pas la conscience de son être, il se croyait une créature
inférieure à ces puissants seigneurs qui l'opprimaient; il s'humiliait
devant leur insolence superbe. Mais quand le sentiment de sa dignité
lui a été révélé, il a quitté sa livrée d'esclave, car il avait compris
qu'il était l'égal de tous devant Dieu.
Obligée pendant un certain temps de voyager pour éviter des
persécutions suggérées par une haine violente et implacable, Flora
Tristan parcourut plusieurs villes comme une bannie, et dans ses
excursions, ainsi qu'elle le raconte elle-même dans ses mémoires, elle
fut plus d'une fois arrêtée pour la duchesse de Berry, qui parcourait
alors la Vendée, et elle dut à ses longs cheveux et a ses yeux noirs
(qui n'avaient aucun rapport avec le signalement donné) d'être mise en
liberté sans de trop longues enquêtes. Ne pouvant supporter plus
longtemps une telle existence, elle revint à Paris et résolut d'aller
auprès de sa famille paternelle qui habitait alors Arequipa, province
de l’Amérique espagnole y jouissait d'une immense fortune et y exerçait
une très grande influence.
Depuis quatre ans, Flora Tristan était entrée en relations avec ses
parents du Pérou; elle avait lieu d'espérer d'eux une protection
puissante et des secours qui eussent amélioré sa position. Ayant
rencontré à Angoulême une personne qui lui promit de la remplacer
auprès de sa fille si ce long et pénible voyage devait avoir une issue
fatale, elle se rendit à Bordeaux vers la fin de janvier 1833, afin de
s'y embarquer pour le Pérou. Elle attendit pendant deux mois dans cette
ville qu'un navire mit à la voile, elle passait toutes ses journées
chez sou cousin, M. de Goyenèche, vieillard célibataire et riche à
plusieurs millions.
Sachant bien qu'en révélant sa position de femme révoltée elle
soulèverait partout des répulsions, des inimitiés, elle s'était
présentée à son cousin ainsi qu'à toute sa famille comme demoiselle.
Bien des fois elle fut tentée de dire toute la vérité à M. de Goyenèche
et de lui demander les secours et la protection qu'elle allait chercher
si loin mais l'air froid et égoïste de son vieux parent retenait
toujours une confidence prête à lui échapper… Elle quitta Bordeaux
gardant son secret. Une fois sur le navire qui l'emportait si loin de
sa fille, objet de toutes ses affections, elle eut un violent accès de
désespoir.
Hélas ! c'était un adieu bien solennel qu'elle lui adressait; elle
tremblait de ne la revoir jamais! Après bien des craintes et de vives
souffrances (1), Flora Tristan arriva à sa destination. Elle fut
d'abord bien reçue par toute sa famille, mais lorsqu'elle voulut
réclamer une partie de ce qui lui était dû dans la succession comme
fille de Mariano, cela lui fut formellement refusé. Malheureusement
elle avait, au moment de commencer son voyage, écrit une lettre à son
oncle don Pio de Tristan, lettre par laquelle elle lui apprenait qu'une
mort prématurée n'avait pas permis à son père de mettre ordre à ses
affaires. Cet aveu était une preuve de la noblesse de son caractère;
mais il était aussi sa condamnation par-devant la loi que son oncle eût
invoquée au besoin.
On la plaignit de ce qu'elle était victime d'une négligence qui avait
des conséquences si fatales; mais on aima mieux la plaindre que de lui
faire justice. Ne trouvant donc dans cette famille, qu'elle s'était
habituée d chérir, qu'égoïsme et injustice, elle se disposa à revenir
en France. Ce fut le 15 juillet 1834 qu'elle s'embarqua à bord du
William-Rustkon. De retour à Paris, elle résolut de révéler au monde,
et dans un but utile, les poignantes douleurs qui l'abreuvaient. Sa
première publication fut une petite brochure intitulée : De la
Nécessité de faire bon accueil aux Femmes étrangères. Déjà elle était
guidée par la pensée de remédier à des souffrances. Elle voyait le mal
dans l’individualisme, elle voulut essayer de le vaincre en rendant les
individus solidaires, en les unissant par une même volonté, afin qu'ils
accomplissent une action utile.
Alors sa pensée était restreinte encore dans de certaines limites. Elle
a compris les souffrances de la femme isolée au milieu de cette société
qui s'agite et s'émeut autour d'elle sans s’inquiéter d'elle. C'est
d'abord pour la femme qu'elle écrit; ce sont ses souffrances qu'elle
révèle. Toutefois elle ne s'arrêtera pas là; son esprit si vaste, son
cœur si riche de tant d'amour sauront bientôt embrasser tout le monde
des souffrants. C'est son point de départ suivons-la dans la route
qu'elle parcourt.
A cette première publication succède, en 1838, celle des
Pérégrinations. Traitée par le monde comme une paria, Flora Tristan
accepte ce nom et s'en fait un titre. Dans ces quelques pages de sa vie
qu'elle décrit, on voit quel espace elle a parcouru, combien déjà ses
vues sont plus larges, ses conceptions plus vastes et mieux
développées. Elle sait rendre les impressions de son âme si forte et
fait passer dans ses écrits l'énergie puissante qui la caractérise. Le
tableau qu'elle trace des mœurs des habitants de ces contrées qu'elle
vient de visiter est plein de vérité. Les faits qu'elle cite sont
représentés avec justesse et vigueur, et on admire surtout sa franchise
si grande et si courageuse.
Peu de temps après la publication de l’ouvrage, Flora Tristan fut
conduite aux portes du tombeau; vers la fin de 1838 une balle homicide
vint la frapper près de sa demeure. Celui qui n'avait pu la retenir
esclave voulut la tuer. Il faut à la société de grands, de terribles
exemples pour l'aider à sortir des vieux sentiers dans lesquels elle se
traîne. Il faut attaquer la loi en face et tout haut pour que de
nouveaux législateurs viennent refaire la loi. On la transgresse à
chaque heure, mais dans le silence, et le vieux monde reste debout,
cachant à tous les yeux ses blessures, sous le manteau dont il
s'enveloppe, et jetant les mots de dépravation qu'il a appris à bégayer
depuis si longtemps, pour faire croire à sa moralité. - L'avenir
glorifiera les victimes que le présent condamne. Heureux ceux qui
animés d'une foi vive savent se dévouer au martyre pour faire prévaloir
la religion nouvelle.
Grâce aux soins affectueux et dévoués dont elle fut l'objet, et grâce
aussi à son courage si grand et si calme, Flora Tristan fut sauvée.
Cette fois sa liberté était chèrement acquise, mais elle la possédait
enfin, c'était au risque de son existence qu'elle l'avait achetée… Tant
et de si rudes épreuves devaient produire de grandes choses. A peine
revenue à la vie, elle présente aux chambres une pétition pour demander
l'abolition de la peine de mort. Cet acte eut alors une bien grande
signification, car c'est après avoir été victime d'un attentat homicide
qu'elle demande l'abolition d'une loi qui punit le crime par l’action
même du crime. - Quelque temps auparavant, Flora Tristan avait présenté
une autre pétition tendant à demander le rétablissement du divorce. Ces
deux pétitions furent imprimées; elles contiennent des renseignements
très instructifs.
Ce fut à la fin de cette même année (1838) que Flora Tristan publia
Méphis. Ce livre est écrit dans un but tout philosophique. L'auteur, en
se donnant cette tâche, a moins voulu raconter avec art et élégance
toutes les péripéties d'un drame que répandre des pensées bien
nouvelles et qui sont un enseignement profond. « L’esprit et la
chair sont également saints, » est-il dit dans ce livre. Ces paroles ou
la révélation qu'elles expriment avaient été apportées au monde par des
hommes qui avaient proche à une époque antérieure la réhabilitation du
travail et l’émancipation de la femme. Cette pensée se présenta à Flora
Tristan comme l’un des points fondamentaux d'une foi, d'une religion
nouvelle, et elle entreprit de la développer. Il y a dans Méphis des
idées sublimes, mais qui ne sont peut-être compréhensibles que pour
ceux qui ont fait déjà des études de réorganisation morale. Enfin je
dois ajouter que bien qu'après lecture faite de ce livre, il paraisse
achevé, l'auteur ne l'avait pas fini et n'attendait que quelques
instants de loisir pour compléter son ouvrage.
C'est surtout à partir de cette époque que Flora Tristan s'occupa
particulièrement des idées qu'elle a développées depuis. Elle sentit
mieux qu'elle ne l'avait fait jusqu'à ce jour les misères qui accablent
tant de créatures, et elle résolut dès lors de dévouer sa vie à ceux
qui souffrent, de leur adresser des paroles de consolation et d'amour.
Elle avait souffert de tous les vices d'une organisation sociale qui
tue chaque jour ceux de ses membres les plus actifs; ce n'étaient plus
seulement la souffrance et l'abjection de la femme opprimée qu'elle
déplorait, c'étaient celles de tous; car elle avait compris les
douleurs de cette foule de parias qui fait tout, qui est tout en
réalité (bien que l'on feigne de ne pas vouloir le reconnaître), et qui
ne possède rien, qui n'a pour tout droit que celui d'être victime
misérable. Mais elle sentit aussi que si le mal était grand, il ne
pouvait être éternel que si l'injustice et l'iniquité avaient prévalu
bien longtemps, l'époque de la délivrance approchait. Aider le peuple à
se relever de l'abaissement dans lequel il est plongé depuis si
longtemps, lui faire espérer un avenir meilleur afin qu'il travaille de
toutes ses forces, avec tout son courage, à le réaliser ce fut à quoi
elle se prépara par de longues et consciencieuses études sur les
questions philosophiques, sociales et religieuses qui se traitaient et
qui se traitent encore chaque jour.
Pendant bien longtemps le peuple n'avait vu les améliorations que dans
les révolutions; par elles seules il avait espéré son salut. Toujours
trop peu instruit et ne profitant pas des leçons du passé, il
s'imaginait chaque fois qu'en renversant ce qui était mal, il avait
détruit le principe du mal; il ne s'occupait pas de faire prévaloir ce
qui eût été bien il ne savait pas que les vices qu'il avait punis tout
à l'heure allaient reparaître aussi hideux, aussi puissants, l’instant
d'après; il pensait que la leçon qu'il venait de donner serait
profitable, et, son œuvre de destruction achevée, il quittait le combat
et espérait que le lendemain serait le commencement de cet avenir
heureux qu'il croyait avoir conquis.
Hélas! victime bien des fois, il est tombé dans une sorte d'inertie qui
n'est pas de la résignation, mais du découragement; c'est une torpeur
qui l'enveloppe tout entier. Il faut la combattre. La misère qui
poursuit les classes laborieuses est à son plus haut point. Le mal est
profond, mais son excès lui-même forcera ceux qu'il accable à le
vaincre. Jamais le nombre de ceux qui ont réclamé des améliorations n'a
été si grand jamais leur voix n'a été si éloquente et si forte.
N'est-ce pas là pour le peuple un grand encouragement? et ne
comprend-il pas aujourd'hui que pour que la victoire ne lui échappe
plus il faut qu'il s'occupe d'organiser d'abord? Voilà le grand secret
de ses défaites; voilà pourquoi il fut toujours vainqueur quand la
victoire était avec lui. Le toit sous lequel vous vivez est lézardé, le
froid et la pluie percent les murailles; mais si, irrités et
impatients, vous démolissez ce vieux bâtiment avant d'en avoir élève un
autre salubre et solide, vous êtes bien plus encore à la merci des
intempéries, et si la porte d'un cachot s'offre à vos regards, vous
n'en mesurez ni la profondeur ni la nuit qui l'enveloppe et vous êtes
toujours esclaves et plus malheureux.
Les questions d'organisation du travail ou du droit au travail sont
dans toutes les bouches, et se trouvent traitées dans tous les écrits.
Les projets d'association ou d’union germent dans toutes les têtes.
L'individualisme tue la société; en présence de tous ces éléments de
mort, on comprend la solidarité. De toutes parts on dit au peuple qu'il
réclame son droit de vie; qu'il proteste contre l'injustice dont il est
victime (2). Ce ne sont plus des plaintes isolées qu'il doit faire
entendre. Tout le peuple souffre que tout le peuple s'unisse donc pour
se plaindre. Quand de ses millions de voix il poussera un long cri de
détresse, on ne pourra plus rester sourd à ses accents formidables il
faudra bien alors qu'on lui réponde par une parole de salut ou bien par
une sentence de mort; et qui l'oserait?...
Flora
Tristan, le Dernier Voyage
Bande annonce du spectacle "Flora Tristan, le dernier voyage"
avec Agnes Vialleton , mise en scene Anne Bouvier (2007)
Pour parler au peuple, il faut le connaître. Flora Tristan voulait lui
parler, elle dût l'étudier; et ses études ne se bornèrent pas à une
localité à une nation. Elle avait parcouru l'Angleterre diverses fois;
en 1839, elle y fit un quatrième et dernier voyage. Plus encore qu'aux
précédents, elle voulait tout connaître, tout observer, et elle vit
tout ce que cette nation renferme de plaies hideuses et profondes,
partagée entre une aristocratie toute puissante et un peuple
d'esclaves. De retour en France, elle écrivit ce qu'elle avait vu et
les impressions qu'elle avait éprouvées en face d'un spectacle si
douloureux. Cet ouvrage, qui a pour titre Promenade dans Londres, parut
en mai 1840. Il est écrit avec une vigueur remarquable, et il est une
des plus énergiques protestations qui aient été faites contre une
tyrannie inhumaine en faveur d'infortunes réelles et profondes. Flora
Tristan s'est fait peuple cette fois. Elle s'est initiée à toutes ses
douleurs, à toute son abjection elle a senti l'infamie des humiliations
qu'il accepte. Son cœur a tressailli douloureusement, des larmes amères
ont mouillé ses yeux, et ce qu'elle a écrit est une reproduction
saisissante et fidèle de ce drame dont elle a été le témoin. Ce livre a
été la révélation de la femme de dévouement, celle de l'apôtre de
l'union.
En novembre 1842, elle en fit une seconde édition, édition populaire à
laquelle elle ajouta une dédicace aux ouvriers, dédicace remarquable
surtout par tes sentiments fraternels qui l'out dictée. On y trouve le
germe de ces pensées d'unité qu'elle développera mieux encore. Flora
Tristan marche à grands pas dans cette voie qu'elle doit parcourir, et
se révèle toujours plus à ceux dont elle veut être le défenseur. Elle
est certaine du bonheur, des peuples quand les limites d'un territoire
ne s'élèveront plus entre eux comme des barrières opposées a la
fraternité et à l'amour. C'est l’union de tous qui fera le bonheur pour
tous. Qu'importe sous quel ciel Dieu nous a fait naître. Le peuple
anglais est en proie à la plus affreuse misère; Flora Tristan nous
indique les causes qui l'y ont plongé, afin que nous sachions les
éviter; elle nous conseille en attendant qu'elle vienne nous conduire
dans la voie du salut.
- La voyez-vous, cette fière Angleterre cette nation si grande, si
riche en apparence, si ambitieuse en réalité, aux prises avec la
destruction? L'esprit de mort est dans son sein; elle veut concentrer
en elle seule toute la puissance, toute l'industrie et c'est le
désordre qui germe de toutes parts l'anarchie couve, s'étend et se
développe avec une rapidité extrême, et un jour elle éclatera terrible,
destructrice et toute cette puissance qui n'est que superficielle
s'écroulera au premier choc. On s'y attend et personne ne serait étonné
que l'étincelle s'allumât et qu'elle embrasât ce vaste royaume.
Depuis plusieurs années, Flora Tristan méditait un projet
d'amélioration, un moyen, comme elle le disait elle-même, pour arriver
à une organisation sociale mieux en harmonie avec les besoins de
l'époque actuelle. C'est alors qu'elle formula ce projet d'union pour
tous les ouvriers et toutes les ouvrières dans son petit livre : Union
ouvrière, qui a été sa dernière publication (3). Comme le dit le
journal l'Union, du mois de décembre 1844, dans un article consacré à
cette noble femme : « Cette oeuvre est moins un écrit qu’une action. »
Le style de ce livre est simple et élevé, et la plus grande louange qui
puisse en être faite, c'est qu'il a été écrit pour l'émancipation
morale et matérielle de tous les prolétaires, hommes et femmes et qu'il
a valu à son auteur l'amour du peuple en échange de celui qu'il lui
avait voué. Mais pour Flora Tristan, ce n'était point assez d'écrire
pour le peuple, elle voulut écrire et parler; je l'ai dit déjà.
Aussi courageuse que dévouée, elle prend le bâton du
voyageur, dit
adieu à tous ceux qu'elle aime, et, son petit livre à la main, va
parcourir la France, s'arrêtant dans chaque ville, instruisant partout,
et portant à tous des paroles d'espérance et d'amour. Avec ceux qui
souffrent, elle déplore le mal qu'ils endurent; sa présence, au milieu
d’eux leur prouve bien qu'elle s'est initiée à leur vie de douleur,
puis elle leur indique un moyen pour sortir d'une situation si
déplorable elle veut les bien convaincre de ce qu'ils peuvent par la
force qu'ils possèdent (celle de leur nombre), et elle cherche à leur
communiquer cette volonté énergique dont elle est animée.
Nous avons vu plusieurs fois Flora Tristan assise au milieu de ces
réunions d'hommes et de femmes attentifs, parcourant son auditoire du
regard, s'inspirant de lui, afin de lui tenir le langage qu'il saurait
le mieux comprendre. Elle parlait avec assurance et vivacité son visage
si beau et si imposant reflétait les émotions de son âme; il y avait en
elle une puissance de volonté si grande qu'elle communiquait sa foi à
ceux qui l'écoutaient; ne s'écartant jamais d'une logique sévère, elle
voulait convaincre par la vérité et non pas séduire par l'élégance des
formes qu'elle aurait pu donner à son langage. Enfin ce n'était pas
comme orateur mais comme amie qu'elle se présentait aux ouvriers; et le
peuple qui sait comprendre ce langage a aimé et compris Flora Tristan.
« Vous sentez bien, disait-elle à ses auditeurs, que votre ignorance et
votre indifférence sont les causes des maux que vous souffrez.
Surmontez-les toutes deux, instruisez-vous, aimez-vous que chacun, en
agissant pour soi, pense à la grande famille des travailleurs. Il faut
bien soulager les infortunes isolées; mais il faut surtout s'appliquer
à guérir celles qui menacent de tout envahir. Et vraiment la misère,
pour la plupart d'entre vous, n'est plus une menace, elle est un fait
accompli aujourd'hui. J'étais seule, moi, et j'ai marché pourtant. Vous
voyez ce que peuvent une ferme volonté et beaucoup de dévouement. Vous
savez bien qu'en restant isolés, vous ne pouvez rien pour vous-mêmes,
et vous convenez qu'en agissant tous ensemble, vous pourriez vous
sauver tous. Eh bien! soyez conséquents avec vos paroles, agissez,
faites de la pratique. Vous, vous récriez souvent, et vous avez raison
de le faire, contre ceux qui émettent de bettes théories et qui, une
fois placés comme ils le désiraient, oublient leurs doctrines d'hier,
les nient quelquefois. Mais ces hommes qui n'ont acquis la position
qu'ils occupent qu'en s'engageant d'abord à défendre les intérêts
populaires, sont conséquents avec leurs sentiments égoïstes et
personnels; car s'ils doivent promettre beaucoup pour arriver, ils
doivent aussi ne rien tenir s'ils veulent rester où ils sont. Si vous
n'exhalez que des plaintes, vous êtes coupables; vos soupirs n'ont pas
de puissance, et vous êtes toujours plus malheureux, car vos liens se
resserrent davantage. Il faut bien des paroles pour vous instruire mais
il faut surtout des efforts pour briser vos chaînes. Ayez donc courage
et bonne volonté et vous réussirez. En ne manifestant toujours que du
découragement, ceux qui veulent vous servir se lasseraient à leur tour
ils n'auraient plus qu’à se retirer de vous et à verser des larmes bien
amères, et aussi bien inutiles sur votre sort présent et à venir. »
Flora Tristan savait bien qu'elle avait à combattre un abattement
profond qui avait gagné les masses et pour le vaincre, ce mal si grand,
elle devait être vraie. Ce n'est pas en flattant que l’on peut rendre
meilleur. Le peuple a besoin de mentors et non pas de flatteurs. Ceux
qui manquent de qualités réelles veulent être flattés; mais ceux qui
ont quelque valeur savent bien se passer d'adulations, leur propre
mérite leur suffit. Aujourd'hui que le peuple comprend sa dignité
d'homme libre, il faut l'entretenir de ses droits et de ses devoirs
d'homme libre et non de sa taille qui a grandi, de la force et de la
souplesse de ses membres qui se sont développés depuis qu'il est libre.
L'humanité progresse incessamment, mais lentement.
La loi du progrès est éternelle, on ne saurait le nier. Il y a des
temps où la course est rapide; une époque de repos leur succède, c'est
celle de la méditation c'est la recherche de grands travaux à
accomplir. En s'essayant à une nouvelle œuvre, elle paraît difficile;
quelquefois on la croit impossible mais avec de la persévérance et une
volonté ferme on en vient à bout. L'entant qui veut subitement marcher,
tombe et se blesse aux premiers pas qu'il fait. Alors il est craintif,
il pleure; le sentiment ou l'instinct de sa faiblesse le domine pour un
certain temps. Peu à peu ses forces s'accroissent, et un jour, plus
prudent et plus sûr, il renouvelle l'épreuve cette fois il peut se
soutenir. Il a grandi, il court, son corps et son âme se sont
développés par l'action de la nature, et aussi par les soins que lui
ont donnés ceux qui l'aimaient. Enfin, il est devenu un être utile
actif et intelligent. - Le peuple a fait lui aussi plusieurs chutes; il
s'est relevé blessé et décourage. Faut-il pour cela qu'il reste dans un
état de complète et dangereuse inaction? Non, mille fois non, car il
succomberait bientôt victime de ses terreurs et de son désespoir.
Ouvriers, vous dites souvent « Nous avons été trompés tant de fois que
nous ne pouvons plus espérer» - Oui, vous avez été trompés et déçus
bien des fois; c'est qu'alors vous ne connaissiez qu'une seule route à
parcourir, route dangereuse et qui ne vous mena qu'à une victoire
toujours passagère, car vous ignoriez les moyens de la conserver. Mais
vous les connaissez aujourd'hui, vous possédez dans ses détails cette
science de vos droits et des réformes à opérer qui sont la base de
l'œuvre régénératrice, qui sont l'oeuvre elle-même tout entière.
Reprenez donc confiance, ayez la volonté d'échapper au mal qui vous
accable. Quand, après une éclatante victoire, une armée éprouve un ou
plusieurs échecs réitérés, regarde-t-elle la terre arrosée de sang et
jonchée de cadavres? Reste-t-elle à pleurer sur les victimes et sur sa
mauvaise fortune? Non, n'est-ce pas?
Elle puise, au contraire, de
nouvelles forces dans l'excès même de son malheur; elle s'arme d'un
nouveau courage, afin de réparer des défaites et de reconquérir
quelques lignes d'un territoire qui n'est à aucun et qui appartient à
tous, puisqu'il n'est qu'à Dieu. N'auriez-vous donc pas pour l'action
la plus sainte et la plus sacrée, celle de réclamer votre droit de
vivre le même courage que possèdent quelques hommes pour accomplir une
action qui est aussi spoliatrice si elle est glorieuse? Vous aussi vous
devez être des conquérants, mais des conquérants pacifiques animez-vous
donc de l'ardeur et de volonté ferme qui soutiennent ceux qui vont
subjuguer des villes et vous serez d'autant plus sûrs de la victoire,
que c'est un sentiment de justice, de fraternité et d'amour qui vous
anime et vous guide.
Le projet de notre voyageuse apôtre était de visiter toutes les villes
qui forment le tour de France du compagnonnage. - Partie de Paris le 12
avril, elle avait commencé par Auxerre, Dijon, Chalon Mâcon puis Lyon,
où elle s'arrêta deux mois entiers à cause de l'immense population
ouvrière qui habite cette industrieuse cité. C'est dans cette ville
qu'elle fit paraître la troisième édition de son petit livre l'Union
ouvrière continua ensuite son pèlerinage par Avignon, Marseille et
toutes les grandes villes du midi.
Après avoir visité et instruit les ouvriers de chacune des villes
qu'elle parcourait laissant dans leur cœur une reconnaissance bien
vive, leur laissant surtout cette volonté ferme de s'instruire les uns
les autres et de travailler au bonheur de tous en travaillant au leur
propre, Flora Tristan était au terme que Dieu avait assigné à ses
travaux, aussi forte moralement qu'elle l'avait été à son début. Les
fatigues d'un semblable voyage, durant les chaleurs de l’été,
affaiblirent plus d'une fois ses forces physiques sans lasser jamais
son indomptable courage. Elle arriva à Bordeaux le 26 septembre, et ce
fut le lendemain qu'elle fut atteinte du mal qui devait la conduire au
tombeau.
Dès les premiers jours de sa maladie, il fut constaté que c'était une
congestion cérébrale des plus graves. La tête était le siège principal
des souffrances, et le corps aussi était en proie aux douleurs les plus
vives. On ne soupçonna pas tout d'abord les conséquences fatales qui
devaient en résulter; car dans ce genre de maladies ordinairement on
perd de suite l'usage des facultés intellectuelles, et les siennes ne
furent nullement atteintes pendant les huit premiers jours. Elle
causait, au contraire, de ses projets et de ses espérances avec une
énergie extraordinaire, avec un sens parfait et que l'on n'eût pas
attendu tel d'une personne dans son état. Il y avait en elle une
surabondance d'activité et de force morale si grande que ceux qui
l'entouraient ne pouvaient prévoir que la vie allait l'abandonner.
Pendant le séjour de Flora Tristan Lyon, j'avais eu occasion de la voir
et de l'entendre pour la première fois. Dès ce moment je sentis naître
en moi un vif et profond attachement pour cette noble et courageuse
femme, et elle me donna à son tour des témoignages d'une affection qui
m'était bien précieuse et bien chère.
Informée de sa maladie, je pus, avec l'aide d'amis bien dévoués, me
rendre auprès d'elle, et j'arrivai le 12 octobre à Bordeaux. Pendant
ces quelques jours d'intervalle, entre les nouvelles que j'avais reçues
et mon arrivée, le mal avait fait de rapides progrès. Je la trouvai
dans un état de bien grande faiblesse tant morale que physique; c'était
un anéantissement presque complet son corps restait sans mouvement, et
elle ne prononçait quelques paroles qu'à des intervalles fort éloignés
et avec beaucoup de peine.
Pendant dix jours le mal ne semblait ni augmenter ni rien perdre de sa
violence. Je ne partageai point la sécurité de ceux qui la voyaient
depuis le commencement de sa maladie; je désespérai aussitôt. Je
l'avais vue trois mois auparavant si forte, si active, et en la
retrouvant dans cet état de faiblesse, je ne pouvais concevoir aucune
espérance. Cet engourdissement moral sous lequel je la voyais plongée,
m'effrayait plus encore que les violentes douleurs qu'elle endurait. Il
me semblait que cette nature si ardente ne pouvait perdre de sa force
que lorsque la mort l'envelopperait. Hélas ! mes prévisions si
douloureuses devaient s'accomplir; ses souffrances n'ont cessé qu'avec
sa vie. Mais avant de nous quitter, elle devait retrouver quelques
instants d'énergie; son si noble cœur devait se ranimer à des
tressaillements d'amour pour ceux auxquels elle s'était dévouée.
Il fallait qu'elle vécût encore de cette grande et belle vie qui lui
avait été donnée. Oh ! ce fut bien alors que je la crus sauvée, moi
aussi; de ce moment il me sembla qu'elle nous était rendue, je la
retrouvais au moral comme je l'avais vue sur la brèche, soldat vaillant
apôtre zélé d'une religion toute de dévouement. Oui, j'espérais de
toutes les forces de mon âme, et elle aussi espérait, elle partageait
toute ma confiance. Ce mieux se soutint pendant plusieurs jours, et les
doux derniers que je passai près d'elle elle m'entretint constamment de
son œuvre, de ses espérances, des joies et des douleurs de sa vie
apostolique.
« Je crois bien revenir à la vie, me disait-elle car je sens mes forces
renaître; mais comme nous ne pouvons jamais prévoir les décrets de la
Providence, il se peut que le mal revienne plus fort au premier jour et
que j'y succombe. S'il en doit être ainsi, recevez mes dernières
paroles et faites que tous ceux qui m'ont aimée sachent bien que moi
aussi je les ai aimés immensément, religieusement. L'amour et la foi
qui m'animaient étaient toute ma force sans eux aurais-je été capable
d'entreprendre la tâche que je m'étais imposée? La pensée d'avoir aidé
au salut prochain des travailleurs a été la plus douce, la plus
heureuse qui soit entrée dans mon âme. Avec quel bonheur je me suis
dévouée à la défense de leur sainte cause J'avais bien compris leur vie
de souffrance et de douloureux martyre, j'avais senti tout leur mal et
ce que je voulais le plus fermement, c'était les aider à se relever et
à vaincre les obstacles qui les empêchent de jouir d'un bonheur auquel
ils ont droit. Avec la satisfaction d'accomplir ma grande et utile
mission, une autre m'a été accordée aussi celle d'avoir rencontré bien
de nobles cœurs.
« Oh! qu'il y a de belles et de riches natures parmi le peuple !
Combien il en est chez lesquels l'amour pour tous est grandement
développé et qui sont toujours prêts à faire acte de dévouement ! Je
suis certaine du salut des peuples, car je crois au progrès incessant,
éternel, qui régit le monde et je suis persuadée que tant de vertus,
tant de courageux efforts arriveront à le régénérer. - Si Dieu me
rappelle à lui, c'est que j'ai accompli ma tâche que ceux qui ont dans
le cœur force et amour, intelligence et activité se mettent à l’œuvre.
Que leur courage grandisse sans cesse; qu'ils me remplacent, qu'ils
travaillent avec la même ardeur qui m'a animée et soutenue dans mes
jours de difficile labeur; qu'ils se persuadent bien que c'est pour
l'être intelligent un devoir sacré à remplir que celui d'instruire ses
semblables. Il doit à tous la science qu'il possède. Dieu, en la lui
donnant, veut qu'il la communique à son tour. C'est une faculté
créatrice dont il l'a doué mais il ne lui en a pas fait don pour lui
seul. Que ceux donc qui la possèdent, cette science s'unissent pour la
transmettre à leurs frères plus ignorants, afin que ceux-ci puissent à
leur tour donner à d'autres ce qu'ils auront reçu. Assez de haines,
assez de dissensions ont envahi te monde, ont enfanté l'égoïsme; qu'on
leur oppose une digue puissante : l'union et l'amour. C'est par eux
seuls que l'on pourra arrêter ce torrent qui ravage la société tout
entière.
Les despotes l'ont bien compris eux, et ils ont semé partout la haine
et la division ils ont protégé, propagé même une guerre incessante,
intestine, parmi ceux qu'ils voulaient opprimer, et d'un peuple de
frères ils ont fait un peuple d'ennemis. II est temps que leur odieuse
tactique soit connue, il est temps surtout qu'elle soit déjouée,
puisque chacun individuellement convient que l'oppresseur de son frère
est le sien propre, que la cause de l'un est celle de tous. Dans la
grande famille humaine tous les artisans sont des frères chacun des
membres de cette famille emploie son activité à des travaux différents.
Mais comme tous concourent au bien-être général, tous ont donc droit à
une juste répartition de ce bien-être; c'est une somme de bonheur que
la société leur doit en retour de ce qu'ils lui donnent. En te disant
nos intérêts sont les mêmes, ne doit-on pas se dire aussi unissons-nous
pour les défendre? La victoire alors sera aux travailleurs et comme ils
en connaîtront tout le prix, ils ne se la laisseront plus arracher. »
Tel était constamment le cours des pensées de Flora Tristan. Occupée
uniquement de la mission qu'elle avait entreprise, je ne la vis pas un
seul instant s'inquiéter de ses affaires personnelles. Toute sa vie
était dans son œuvre, et son œuvre était toute d'amour pour ses frères,
je dirai même pour ses enfants car ces grandes et riches natures qui
sentent en elles la puissance de consoler et de soulager des infortunes
si grandes et si nombreuses, possèdent cette puissance par l'amour dont
elles sont animées, et c'est un amour filial plus encore que fraternel
qu'elles inspirent.
Ce sentiment naît de la reconnaissance, de la confiance et de la
sympathie. Celui donc qui inspire le plus d'amour est bien celui qui
peut en éprouver le plus. On voit rarement des êtres froids et égoïstes
faire naître des sentiments dont ils ne conçoivent pas l'existence et
auxquels, par conséquent, ils ne croient pas eux-mêmes.
Lorsque de nouveau la violence du mal vint enlever à ses nombreux amis
l'espérance qu'ils avaient un moment conçue, Flora Tristan comprit elle
aussi que le terme de sa vie était arrivé, et elle resta calme en face
de cette prévision d'une mort prochaine c'est qu'elle l'envisageait
comme l'instant d'un repos mérité par une existence active, souvent
douloureuse, toujours bien dignement remplie. La pensée de laisser son
œuvre inachevée lui causa quelques instants d'une tristesse bien vive;
mais, se souvenant aussitôt des nobles créatures qu'elle avait
rencontrées, des promesses qui lui avaient été faites, se souvenant
surtout du dévouement qui les avait dictées, elle attendit l'heure
solennelle sans crainte comme sans faiblesse, en se répétant les
paroles qu'elle avait dites aux travailleurs lorsqu'elle allait à eux :
« Les idées germent et fructifient, elles ne meurent pas. »
Plaque
apposée sur son lieu de décès à Bordeaux, Maison des époux Lemmonier,
rue des Bahutiers avec l'inscription : "Ici s'arrêtèrent pour toujours les pérégrinations
de Flora Tristan pionnière du féminisme et du syndicalisme"
Flora Tristan a cessé de vivre sans douleur et sans agonie, le 14
novembre 1844 à dix heures du soir. La vie l'a quittée peu à peu, si
cela se peut dire c'est par un affaiblissement gradué qu'elle est
arrivée au terme de son existence sa mort a été glorieuse et digne de
sa mission d'apôtre. Elle a succombé en défendant les droits du
prolétaire ou plutôt en les réclamant pour lui elle est morte en lui
prêchant, par la parole et par les actes, la loi d'union et d'amour
qu'elle lui avait apportée.
Avait-elle donc un pressentiment de l'avenir, en avait-elle la
révélation quand elle disait aux ouvriers : « Ne
faisons pas de personnalités; aimons les hommes, mais aimons et servons
surtout les idées qu'ils nous apportent quand nous les croyons utiles
et justes. Les hommes s'usent et meurent à propager les idées, mais les
idées restent debout et grandissent. Tout donc pour les doctrines, car
en ne vous attachant qu'aux individus, s'ils vous font un jour défaut,
vous retombez faibles et découragés et c'est justement quand l'homme
succombe que vous devez être plus forts ».
Ouvriers mes frères, portons souvent nos regards sur la noble et
vaillante femme qui s'est si généreusement dévouée à notre cause. Que
notre pensée nous la représente toujours active, alors qu'elle
travaillait avec nous et pour nous. Qu'un si bel exemple nous soutienne
et nous guide en face de lui nous oublierons la foule égoïste; ou si
nous nous souvenons d'elle encore, ce sera pour travailler à la
combattre, ou plutôt à l'instruire dans une loi d'amour et de
fraternité universelle, ainsi que le faisait Flora Tristan. Ne portons
pas vers le ciel des regards voilés par les larmes, en cherchant
encore, et pourtant sans espoir, cette étoile si belle que nous y avons
vu briller, et employant les jours qui nous restent à demander pourquoi
elle a si tôt disparu. Elle est rentrée dans le grand foyer de vie qui
est tout, qui anime tout. Souvenons-nous qu'en nous quittant, elle nous
a légué des travaux; c'est un héritage sublime que nous devons accepter
avec bonheur. Fixons la terre, pensons à tous ceux qui souffrent, et
entrons résolument dans l’arène.
Les jours s'écoulent avec rapidité, les événements se succèdent sans
cesse; ne perdons pas un temps précieux à regretter un passé qui est
fini, tandis que nous ne devons ne nous le rappeler que comme un
enseignement. N'épuisons pas notre énergie dans un vain désespoir, et
ne nous reposons jamais dans une coupable insouciance. Flora Tristan a
fait beaucoup, mais il nous reste beaucoup à faire encore, et la part
de travail qui nous est échue est bien belle aussi. Soyons ses dignes
frères, ses dignes fils. Il faut être utile, c'est le plus grand
bonheur qui soit accordé aux cœurs généreux dans cette époque aussi
grandement créatrice. Que ceux d'entre nous qui ont déjà travaillé à
l’œuvre de rédemption viennent achever leur tâche. Il faut que leur
conduite soit un exemple et un encouragement pour leurs frères qui sont
restes jusqu'à ce jour spectateurs inactifs de tant de travaux, afin
qu'ils prennent à leur tour une résolution courageuse et sublime qu'ils
deviennent acteurs dans ce grand drame si animé qui se déroule à tous
les yeux. C'est une femme, et une femme que sa position sociale mettait
à l'abri du besoin, qui s'est identifiée à leurs souffrances, c'est
elle qui est venue mêler ses larmes à leurs larmes surexciter leur zèle
en leur criant de sa voix puissante : « Sauvez-vous de l'ignorance
et
de la misère ; mais pour vous sauver, aimez-vous, unissez-vous ».
C'est bien à la femme qu'appartient cette tâche, car la femme est forte
et grande quand elle obéit à la voix de son cœur. A la femme
d'enseigner au monde la loi de fraternité religieuse à elle, qui est
mère, de travailler à l’œuvre de dévouement et d'amour. A l'oeuvre
donc, travailleurs, à l'œuvre et espoir et courage que tant de
dévouement reçoive une récompense digne de lui le découragement et le
désespoir sont frères, ne les laissez jamais pénétrer dans vos âmes,
car ils paralysent et tuent celles dont ils prennent possession, et
aujourd'hui, plus que jamais il vous faut être forts courageux et
persévérants.
*
Notes d’Eléonore Blanc :
(1) Voir pour plus de détails ses Mémoires ou Pérégrination d’une
Paria, publiée en 1838 (en deux volumes).
(2) Par une lettre circulaire adressée à la Réforme et que tous les
journaux organes de la démocratie se sont empressés de publier, M.
Ledru-Rollin engage le peuple à pétitionner, et des pétitions sont
distribuées aux travailleurs de toutes les villes de France.
(3) Cette petite brochure a été tirée à 25.000 exemplaires.
Annexes de la Biographie
Par Eléonore Blanc
Je joins ici quelques détails
donnés par les journaux de Bordeaux sur
la cérémonie des funérailles, puis les deux discours qui ont été
prononcés sur la tombe, l'un par M. Lassime, avocat à la cour royale de
Bordeaux, et l'autre par M. Maigrot jeune ouvrier menuisier; enfin,
quelques réflexions que cette mort a suggérées à la Démocratie
pacifique. Elles sont l'expression d'une sympathie bien vive et tous
ceux qui ont aimé cette noble femme, seront heureux des hommages et des
respects qui lui sont si justement accordés.
« Hier ont eu lieu les obsèques de Madame Flora Tristan. Le convoi,
parti de la maison mortuaire à dix heures du matin, se composait de
quelques littérateurs, de plusieurs avocats et d'un grand nombre
d'ouvriers appartenant à différents corps d'état (métiers).
Les coins du poêle étaient tenus par quatre ouvriers MM. Maigrot,
menuisier; Nau, tailleur; Vié ferblantier, et Bissuel serrurier le
corps a été transporté à bras par les ouvriers, qui se sont relayés
avec un pieux empressement, pour rendre ce dernier hommage à la noble
et généreuse femme qui, jusqu'à la mort, s'est dévouée à leur cause.
Trois discours ont été prononcés sur sa tombe, l'un par M. Vallée,
tailleur l'autre par M. Lassime avocat à la cour royale, et le
troisième par M. Maigrot ouvrier menuisier.
La carrière de Madame Tristan fut courte et mêlée de bien des
vicissitudes; elle est morte à l'âge de trente-neuf ans! Elle laisse
plusieurs ouvrages, les Pérégrinations d'une Paria; Méphis; le
Prolétaire; Promenades dans Londres; et enfin un petit livre destiné
aux ouvriers et intitulé Union ouvrière, qu'on peut regarder en quelque
sorte comme son testament. Douée d'une ardente imagination, d'une
raison vigoureuse d'une beauté remarquable et surtout d'un courage
encore bien rare chez son sexe, Madame Tristan a la gloire d'être la
première femme qui, seule et sans te secours ou le conseil d'aucun
homme, ait osé entreprendre une œuvre publique et sociale.
Ses vues étaient pacifiques; touchée jusqu'au fond du cœur des misères
de toute sorte qui menacent toujours l'enfance et la jeunesse des
ouvriers et qui atteignent inévitablement la vieillesse, elle voulait
leur révéler la force, la puissance, la richesse que peut leur donner
l'association. « Vousêtes en France sept millions, leur
disait-elle,
associez-vous et contribuez chacun de « deux francs seulement chaque
année, « vous aurez un revenu annuel de 14 millions ! « Avec cette
somme vous ouvrirez des écoles à vos enfants, des asiles à vos
infirmes, des invalides à vos vieillards ».
Cette pensée d'union, Madame Flora Tristan avait entrepris, toute
pauvre qu'elle était devenue, elle issue d'une des familles les plus
riches du Pérou, d'aller de sa personne la prêcher aux sociétés
d'ouvriers établies dans les diverses villes de France. Tel était le
but du Tour de France, qu'elle avait commencé par Lyon, Marseille,
Carcassonne, Toulouse et Agen, et sur la fin duquel une mort prématurée
l'a frappée dans nos murs.
Arrivée malade à Bordeaux, Madame Tristan s'est alitée le 24 septembre;
vers la fin d'octobre, un mieux sensible donna l'espoir d'une prochaine
guérison ; mais bientôt une rechute que tout l'art des habiles médecins
qui lui donnèrent leurs soins ne put conjurer, est venue l'enlever à
ses nombreux amis. Elle est morte le 14 novembre, à dix heures moins un
quart du soir !
Que ce soit du moins une consolation pour tous ceux qui l'ont aimée et
qui l'aiment encore, de savoir que les soins les plus tendres lui ont
été donnés, et que jusqu'au dernier moment de sa vie des amis dévoués
l'ont entourée de leur pieuse affection ».
(Indicateur,
17 novembre 1844)
*
« Nous
avons
annoncé dans l'un de nos derniers numéros la mort de Mme Flora Tristan.
Ses obsèques ont eu lieu samedi dernier avec une pompe simple et
touchante. De nombreux ouvriers, auxquels s'étaient joints plusieurs
hommes de lettres et quelques avocats de notre barreau, formaient le
cortège. Les ouvriers n'ont point voulu laisser à d'autres bras le soin
de transporter le corps de celle qui avait consacré sa vie à
l'amélioration de leur sort. Nous reproduisons plus bas le discours
prononcé sur sa tombe par M. Maigrot, ouvrier menuisier nous ne pouvons
qu'applaudir aux sentiments qu'il exprime.
Madame Tristan fut une femme éminemment distinguée jeune encore, car
elle est morte à trente-neuf ans l'expérience de la vie avait depuis
quelques années donné plus de calme et de maturité à l'ardente
imagination qui caractérise ses premières productions. Généreusement
enthousiaste, elle avait fini par se tracer une noble tâche; elle
voulait réaliser, mais par des moyens légaux et exclusivement
pacifiques, l'union de tous les ouvriers tel est le but de son dernier
écrit, parvenu à sa troisième édition, et intitulé Union ouvrière. Ses
Promenades dans Londres contiennent un tableau saisissant des misères
hideuses qui rongent la société anglaise. Outre ces deux ouvrages, on a
d'elle un roman, Méphis, et les Pérégrinations d'une Paria, publiés il
y a neuf ans. Madame Tristan descendait du dernier vice-roi du Pérou sa
beauté égalait son éloquence et son enthousiasme.»
(Mémorial
Bordelais, 19 novembre 1844)
*
DISCOURS DE M. LASSIME AVOCAT à LA COUR ROYALE DE
BORDEAUX
Messieurs,
Flora Tristan c'est le nom de cette femme forte dont les restes
viennent d'être confiés à la terre, de cette femme remplie de foi et
d'intelligence qui a consacré tout ce qui était en elle de courage et
de force à constituer l'association générale des ouvriers. Elle avait
vu les souffrances et les misères de cette portion si intéressante du
peuple et son génie profondément ému avait trouvé le remède que
réclamaient et ces souffrances et ces misères, elle s'était dit en vrai
apôtre : Il faut que mon œuvre s'accomplisse, il faut que, sans
secousses violentes, les ouvriers sortent de l'état déplorable où ils
sont plongés il faut qu'au moyen de l'association générale, ils forment
partout des établissements pour y recevoir les ouvriers infirmes et
blessés et pour y élever les enfants des deux sexes.
Dès ce moment plus de repos pour Flora Tristan elle poursuit son œuvre
avec la plus ardente activité sa foi était vive et elle la communiquait
aux plus indifférents elle était si puissante qu'il lui semblait à
elle-même qu'une volonté étrangère la commandait, tant il est vrai que
pour le génie il y a aussi une terre promise que lui seul aperçoit !
Elle marchait vers son but avec cet intrépide dévouement qui ne connaît
aucun obstacle. Mais sa vie s'est usée par les fatigues incessantes du
jour, par les méditations brûlantes de la nuit, par les périls, par les
maladies qui ne pouvaient pas même suspendre le cours de ses travaux;
elle s'est usée surtout, cette victime, par les déceptions cruelles et
les préventions injustes qu’elle a eu a souffrir. Enfin elle s'est
éternisée à jamais!...
Tous ces projets d'établissement tous ces plans d'organisation
seront-ils engloutis dans cette tombe ! Je ne sais mais que du moins
une éclatante justice soit rendue à des intentions et à des vues qui
attestent un si grand amour de l'humanité et que le temps se chargera
d'accomplir; honorons de nos vifs regrets la mémoire de Flora Tristan,
qui, pour tant de travaux entrepris dans l’intérêt des ouvriers et par
conséquent de la société elle-même, n'attendait sa récompense que dans
le ciel.
*
DISCOURS DE M. MAIGROT, OUVRIER MENUISIER à BORDEAUX
Messieurs,
Permettez-moi d'exprimer au nom de tous les ouvriers notre douleur et
nos hommages. Madame Flora Tristan a été l'apôtre des ouvriers pour
nous elle a bravé les sarcasmes, les calomnies, et jusqu'à
l'indifférence de ceux qui n'ont pas encore compris sa parole.
Ceux de nous qui ont eu le bonheur de la voir et de l'entendre savent
quel ardent amour de l'humanité, quelle confiance en Dieu, quelle foi
dans l’avenir animaient son cœur et sa voix. Elle est morte Messieurs
mais l'œuvre qu'elle a commencée ne périra pas avec elle.
Les germes qu'elle a déposés dans le sein du peuple porteront leurs
fruits. Qu'elle revive en nous tous. Montrons-nous, à son exemple
forts, patients, actifs et courageux. Comprenons comme elle l'avait
compris elle-même la puissance irrésistible de l'association pacifique.
Soyons tous frères !
Réalisons parmi nous l'union qu'elle nous a prêchée et quand avec
l'aide de Dieu, le grand jour de l'association luira pour tous et pour
toutes, parmi les noms des bienfaiteurs et des bienfaitrices de
l'humanité, nous inscrirons, Messieurs, le nom révéré de Flora Tristan.
*
CICULAIRE
ADRESSÉE A TOUS LES SOCIÉTAIRES DE L'UNION
Mes Frères,
C'est avec l'expression de la plus vive douleur que nous vous apprenons
aujourd'hui la désolante nouvelle de la mort de Flora Tristan, arrivée
à Bordeaux vers la fin du mois de septembre dernier, après avoir essuyé
toutes les fatigues d'un long et pénible voyage. Elle est tombée malade
le lendemain de son arrivée, et malgré tous les soins qui lui ont été
prodigués par des personnes dignes de la reconnaissance de tous ceux
qui lui étaient dévoués, une mort cruelle est venue l'arracher de leurs
bras, dans lesquels elle a rendu le dernier soupir, le 14 novembre.
Comprenant ce qu'elle avait souffert pour nous tous, travailleurs de
tout état, de toute condition, et que sa mort même, causée par l'excès
de ses fatigues, était le dernier sacrifice qu'elle a fait à notre
cause, nous avons senti qu'elle était digne de notre amour, qu'elle
était notre sœur en l'humanité, et nous nous sommes empressés de lui
rendre les derniers honneurs. Nous étions à ses funérailles à peu près
quatre-vingts ouvriers de divers états; à nous s'étaient joints des
avocats, des littérateurs qui méritent bien nos remerciements et notre
affection. Frères ne comprenez-vous pas, comme vos frères de Bordeaux,
que la mort de Flora Tristan ne doit pas interrompre l'œuvre qu'elle a
commencée et que, plus que jamais, les ouvriers doivent s'unir sur son
tombeau pour cimenter cette union.
Voici ce que nous proposons :
1°
Etablir, au nom des ouvriers français, une souscription volontaire à
laquelle pourront prendre part tous ceux qui voudront honorer la
mémoire de Flora Tristan, et qui aura pour but de faire couler sur !a
matrice que nous avons déjà fait établir, le buste de celle que nous
regrettons, à un assez grand nombre d'exemplaires pour que dans chaque
société où fut comprise sa généreuse pensée, cette image précieuse soit
un témoignage éternel de reconnaissance.
2° D'acheter dans le cimetière de la Chartreuse
(ci-contre : la sépulture ornée d'une colonne à sa mémoire), à
Bordeaux, un terrain
sur lequel on élèvera un monument au nom des ouvriers qui témoigneront
de la sympathie et du dévouement pour rendre ce beau projet réalisable.
Nous aimons à croire Frères, que les sociétaires ne seront pas sourds à
l'appel de leurs frères de Bordeaux et que nous contribuerons tous à
immortaliser le nom et la mémoire du plus vertueux champion de notre
cause, de notre digne soeur en humanité, Flora Tristan.
Nous avons ouvert la souscription à Bordeaux chez M. Darrieux, notaire
Fossés de l'Intendance, 27, où l'on peut envoyer les fonds. Plus tard
une commission sera nommée pour déterminer la forme et les dimensions
du monument. Nous comptons sur votre désintéressement et nous vous
saluons avec l'affection de vos plus dévoués frères de l'Union.
Vu et approuvé
par nous, membres du bureau général de Bordeaux
Le président, G.
L. - Secrétaire, MAIGROT
Trésorier général, BISSUEL; VIET,
adjoint - MAIGROT jeune.
*
Parmi les journaux de Paris qui ont annoncé la mort de Flora Tristan,
j'ai choisi, pour le reproduire ici, l'article de la Démocratie
pacifique. Ces quelques lignes consacrées à la courageuse apôtre sont
pour elle l'hommage d'une éclatante justice.
« Nous annonçons avec douleur la mort de madame Flora Tristan qui vient
de succomber à Bordeaux, après une longue et douloureuse maladie entre
les bras d'amis qui lui ont prodigué jusqu'au dernier moment, desseins
pieux, et après avoir reçu de beaucoup d'ouvriers de divers points de
la France les témoignages les plus touchants d'intérêt et de
dévouement. Elle a rendu le dernier soupir jeudi dernier, à dix heures
du soir. Sa mort a été calme et paisible quelques sanglots seulement
l'avaient agitée vers neuf heures.
C'était un noble cœur que Madame Tristan. Elle est tombée sur la brèche
elle a poursuivi jusqu'à Bordeaux ce tour de France, si courageusement
entrepris, où elle a parlé à tant d'ouvriers d'union et d'organisation
du travail, et dont les ardentes et généreuses fatigues l'ont tuée.
Honneur à cette femme tombée victime d'une conviction sainte et qui se
jetait en avant, suivant sa propre expression en vedette perdue de
l'armée sociale, pour reconnaître et éclairer le terrain. Ce dévouement
hardi et puissant, cette noble témérité,ce rude apostolat terminé par
une mort de martyre, étaient une anomalie étrange dans un siècle
égoïste, qui ne comprend pas les ardeurs d'une foi généreuse, et qui
n'y répond trop souvent que par l'ironie ou l'outrage. Que la mort
cruelle à laquelle la victime vient de succomber enveloppe du moins sa
mémoire du linceul de respect auquel elle a droit que les cœurs
sympathiques aux douleurs de l'humanité communient avec nous, sur la
tombe qui va se fermer, dans un sentiment de pieux et religieux
hommages!».
Quelques jours après le même journal ouvrait une
souscription dans ses bureaux. Voici l'annonce qu'il en fit :
UNE TOMBE POUR L'AMIE DU PAUVRE
Des ouvriers de Bordeaux nous font savoir qu'ils ont eu l'honorable
idée de consacrer un tombeau à la femme généreuse qui s'était vouée
tout entière à la cause des classes ouvrières, à Madame Flora Tristan,
morte dans l'accomplissement de sa religieuse mission. Nous, nous
associons de grand coeur à cette œuvre de piété fraternelle.
Aimons et honorons ceux qui moururent pauvres en se dévouant aux
pauvres, et que leur âme, retournée au monde supérieur se réjouisse de
l'hommage rendu après la mort. Cet hommage lui-même est une garantie
pour un avenir plus heureux. Que ceux, dont Madame Tristan rêvait
l'union, donnent leur obole et s'unissent dans un souvenir de
reconnaissance cette communion pieuse excitera dans le cœur de saintes
et fécondes émotions. C'est dans l'union des cœurs que l'on trouve les
forces nécessaires pour réaliser les conceptions de la science,
l'association, qui mettra fin aux souffrances du pauvre, et qui unira
par des liens fraternels toutes les classes réconciliées.
Une souscription est ouverte, à Bordeaux, chez M. Maigrot, ouvrier
ébéniste, cours d'Albert, 61, et rue des Fossés de l'Intendance, 27
chez M. Darrieux, notaire, qui s'est obligeamment chargé de recevoir
les fonds. C'est à eux que les collectes des amis des classes pauvres
doivent être adressées. On pourra aussi déposer les offrandes dans les
bureaux de la Démocratie pacifique. L'obole de l'ouvrier sera reçue car
il ne s'agit pas ici d'une souscription fastueuse, mais d'un témoignage
de sympathie et de reconnaissance.
*
L'appel d'un ouvrier à ses frères
pour l'érection d'un monument à la
mémoire de Flora Tristan a été entendu. Indépendamment des
souscriptions faites parmi les différentes sociétés de compagnonnage on
en a ouvert dans plusieurs grandes villes. Après Paris et Bordeaux,
Lyon, Marseille, Toulon, Avignon, etc., se sont empressés de s'unir à
ceux qui avaient pris l'initiative.
Source d’origine :Biographie
de Flora Tristan de Mme Éléonore Blanc
Éditée par l'auteure (7, rue
Luizerne à Lyon) - Date d'édition : 1845 - Gallica-BNF
Flora Tristan (oeuvre et biographie) : cliquez ici
femme de Lettres, passionaria de la condition féminine par Michelle Brieuc (auteure)
Université permanente de Nantes, conférence audio (2016/2017) - durée 1h35
Flora Tristan, la Paria : cliquez ici
Avec Dominique Desanti, historienne,
Stéphane Michaud, professeur de littérature à Paris III, Madeleine
Lasserre, historienne, textes lus par la comédienne Vinciane Millereau.
Archive de Radio France (2003), émission rédiffusée dans le cadre
des nuits de France Culture de Philippe Garbit - durée 1h30
Conférence
de Michelle Perrot (30 minutes )
Flora
Tristan ou l'émancipation en marche !
Bibliographie de Flora Tristan et éditions
disponibles
1835 : « Nécessité de faire un
bon accueil aux femmes étrangères », disponible aux éditions
l'Harmattan. (publication papier et ebook) - compte-rendu de Maxime
Haubert sur Persée.fr
1838 : « Pérégrinations d'une
paria » (1833-1834) en deux volumes Tome
I et Tome II - Editeur A. Bertrand à Paris.
1838 : « Méphis ou le
Prolétaire»
(roman philosophique), en deux volumes sur le site et édités par
l’Association Les Bourlapapey, bibliothèque numérique romande.
1843 : « Union Ouvrière »,
la
première édition ou l'édition Populaire publié chez M. Prévot à
Paris et la
deuxième édition contenant un chant "La marseillaise de
l'atelier", publié en 1844 chez tous les libraires.
1843-1844 : Le
Tour de France, journal inédit : notes de Jules Puech et
préface de Michel Colinet - Editions La tête de feuilles, 1973.
A noter que l'ensemble des sources
existantes correspondances, articles ou livres rédigés par elle-même ou
à son sujet constitue un fond d'archives qu'il n'est pas possible ici
de résumer. Pour exemple, les notices de Jules Puech sur les ouvrages
publiés sur la Vie et Oeuvre (en 1925) font 15 pages.
Autre conférence de Michelle Perrot à
la BNF, les lundis de l'Arsenal du 19 mars 2012 avec les
lectures de Flora Tristan par Marie-Catherine Conti (72 minutes)
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